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PREFACE Personne d'autre que le général Beaufre, à l'époque contemporaine, n'aurait pu écrire un ouvrage sur la stratégie avec une expérience pratique plus étendue. Aucun général de son grade n'a rédigé sur ce sujet une étude théorique d'une telle envergure et d'une telle maîtrise. Quand je l'ai rencontré pour la première fois, en 1935, il était le plus jeune officier servant à l'étatmajor général de l'Armée ; mais déjà à cette époque, il me fit une impression si profonde, que je le notai comme l'un des quatre officiers d'avenir que j'avais eu l'occasion de rencontrer pendant mon séjour en France - et sur ces quatre, les trois qui survécurent atteignirent l'échelon le plus élevé de la hiérarchie dans l'armée française. André Beaufre devint, la dernière année de la guerre, le chef des opérations à l'état-major de la 1 `° Armée française. Lorsque je le retrouvais en 1950, il était sous-chef d'état-major des Forces terrestres de l'Europe occidentale, puis il partit pour l'Extrême-Orient en qualité d'adjoint au commandant en chef, le maréchal de Lattre de Tassigny. A son retour en Europe, il fut désigné comme chef du Groupe d'études tactiques interallié. Au cours des visites que je lui fis à son Quartier général de Bad Neuenahr, je pus constater combien il contribua à renouveler les concepts susceptibles de répondre à l'éventualité d'une invasion soviétique de l'Allemagne occidentale. II devint ensuite chef de la 2e Division d'Infanterie mécanisée avec laquelle il réalisa avec succès la nouvelle organisation pentagonale - basée sur la subdivision en cinq unités -que j'avais longtemps recommandée et que l’armée française fut la première à adopter à titre d'expérience. En 1955, il fut envoyé en Algérie pour commander une zone opérationnelle, et l'année suivante, il fut choisi pour commander le Corps d'Armée français dans l'expédition de Suez. En 1958, il devint chef d'état-major adjoint du SHAPE et deux ans après, il fut nommé représentant de la France au groupe permanent de l'OTAN à Washington. Cette extraordinaire variété d'expériences fournit au profond penseur qu'est ce soldat une base exceptionnelle de réflexions pour étudier la conception et i l'application de la stratégie à des situations et à des opérations réelles. Aussi est-il de la plus grande importance que, depuis sa récente et regrettable retraite, alors qu'il est au sommet de sa force intellectuelle, il ait orientée celle-ci vers la production d'un ouvrage sur ce sujet, d'une vaste portée. Il intitule son livre : « Introduction à la Stratégie », mais ce titre est beaucoup trop modeste ; cela saute aux yeux de tout lecteur ou chercheur informé. En réalité, son ouvrage est le traité de stratégie le plus complet, le plus soigneusement formulé et mis à jour qui ait été publié au cours de cette génération - sur bien des points, il prime tous les traités antérieurs. Il a toutes les chances de devenir un classique, un manuel de cette discipline. Si parfois je m'éloigne de lui sur certains détails d'interprétation ou de formulation, sur beaucoup d'autres, je suis pleinement d'accord, et je salue avec grand plaisir (avènement d'une si remarquable contribution au domaine de la pensée sur les éléments fondamentaux de la guerre. Capitaine B.H. LIDDELL HART, 1963
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INTRODUCTION Présenter en 1963 un ouvrage sur la stratégie peut paraître une gageure. On ne croit plus aujourd'hui aujourd'hui au génie des stratèges. Les guerres catastrophiques catastrophiques et le café du commerce les ont tués, t ués, avec toutes les naïvetés de l'imagerie d'Épinal aux couleurs brillantes de la civilisation ancienne en cours de disparition. Dans notre âge devenu positif, industriel et populaire, les problèmes de la guerre et de la paix paraissent relever de techniques de plus en plus compliquées : d'une part, celles de la technologie scientifique qui gouverne la course aux armements nucléaires ouvertes par les États-Unis, d'autre part, celles plus mystérieuses de la technologie psychologique que les Soviétiques ont tirée de leur révolution. Si le mot de Stratégie continue à être employé souvent, à tort et à travers d'ailleurs, la science et fart stratégiques sont rangés avec les vieilles lunes entre la tabatière de Frédéric II et le chapeau de Napoléon. Seul Clausewitz - que très peu de gens ont lu - garde quelque prestige, surtout à cause des notes élogieuses que Lénine lui a données, ce qui lui vaut encore quelques pèlerinages pèlerinages intellectuels. Cependant, notre monde est en gésine d'événements d'événements considérables. Avec la lenteur majestueuse de l'Histoire, se déroule sous nos yeux l'un des plus formidables bouleversements bouleversements humains depuis la chute de Rome. Malgré l'heureuse inconscience des peuples, sans doute voulue par la pitoyable nature pour nous aider à traverser ces longues épreuves, on commence ici et là - avec beaucoup de retard sur les événements d'ailleurs -, à chercher à comprendre le phénomène et si possible à le diriger. L'économie, dont Marx avait proclamé la primauté, sort des limbes où elle dormait et commence à devenir une science - ou au moins une technique capable de résultats plus assurés. La sociologie se développe rapidement et défriche avec ardeur son immense domaine. Les problèmes de défense, dont l'importance saute aux yeux, attirent un nombre croissant d'analystes qui, en Amérique surtout, sont en train de chercher à réunir l'ensemble de connaissances dont le besoin se fait sentir. Mais, dans cette progression laborieuse des sciences humaines, manquent l'idée générale et l'opérateur commun, la philosophie et la stratégie qui sont justement deux disciplines démodées et délaissées, malgré un regain récent d'intérêt. Or, mon expérience de quarante années, pendant lesquelles j'ai été témoin ou acteur de la plupart des événements importants qui se sont produits, m'a convaincu que c'est par l'absence de ces deux guides que nous avons si régulièrement rencontré l'échec. Faute d'une idée générale, d'une philosophie, nous avons flotté au gré des vents adverses, subissant les assauts des philosophies dynamiques qui nous étaient opposées. Leur valeur intrinsèque, souvent faible on l'a bien vu, importait moins que leur cohérence. De même, faute d'une stratégie, nous avons été constamment incapables de comprendre les manœuvres par lesquelles on cherchait à nous réduire, et nous avons régulièrement fait porter nos efforts sur des impasses. De 1936 à .1939, Hitler quia vérifié notre inaptitude en mars 1936, progresse par bonds. On le laisse faire, jusqu'à ce que, lassés, nous répondions en déclenchant une catastrophe qui ne pouvait que nous être fatale, d'autant plus que tout notre système de guerre était faux, parce que fondé uniquement sur des tactiques, et qui en outre étaient périmées ! La France s'effondre entraînant avec elle l'Europe. Le redressement de 1942 à 1945 est l’œuvre d'Anglo-saxons, forts d'une philosophie et d'une stratégie. Mais dès la victoire, nous sommes de nouveau désorientés par le grand mouvement de décolonisation. L'Indochine est perdue à coups de tactiques excellentes, vaincues par la stratégie adverse à laquelle nous n'avons su opposer aucune stratégie digne de ce nom. L'Algérie, malgré cette expérience, ne fait que reproduire en les exagérant les mêmes erreurs. Suez, victoire tactique, débouche sur un épouvantable échec politique, faute d'avoir eu la plus petite notion des conditions stratégiques nécessaires au succès d'une semblable entreprise. Je n'ai choisi ici que des exemples français. Mais je pourrais tracer un tableau semblable, en noir ou en blanc, pour la Corée, Cuba, Berlin et l'OTAN. La conclusion qui pour moi s'impose, c'est que, pour une grande part, l'ignorance de la stratégie nous a été fatale.
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Les raisons de cette ignorance sont intéressantes. intéressantes. Je les indiquerai au passage dans cette étude. Mais ce qu'il est important de bien voir c'est que la désaffection pour la stratégie des vainqueurs de 1918 provenait de ce qu'on ne leur avait pas enseigné la stratégie, mais une stratégie, présentée comme l'alpha et l'oméga de l'Art. Or cette stratégie particulière s'était révélée fausse. On enterra l'idole sans s'apercevoir que les reproches qu'on lui adressait provenaient provenaient de ce qu'elle avait déjà été trahie. C'est qu'en effet, on le verra, la stratégie ne doit pas être une doctrine unique, mais une méthode de pensée permettant de classer et de hiérarchiser les événements, puis de choisir les procédés les plus efficaces. A chaque situation correspond une stratégie particulière ; toute stratégie peut être la meilleure dans l'une des conjonctures possibles et détestable dans d'autres conjonctures. C'est là la vérité essentielle. Dans le choix des procédés, je ne me suis naturellement pas limité aux procédés d'ordre d'ordre militaire, car chacun sait qu'aujourd'hui la guerre est devenue ouvertement totale, c'est-à-dire menée simultanément dans tous les domaines, politique, économique, diplomatique et militaire, et que la guerre froide, que j'appelais Paix-Guerre en 1939 1, présente le même caractère avec des intensités différentes. Il ne peut donc y avoir de stratégie que totale. Cela soulève avec plus d'acuité le problème des rapports entre la politique et la stratégie, mais cela permet aussi de mieux comprendre le domaine propre à chacune d'elles. Il en résulte également que la stratégie ne peut plus être l'apanage que des militaires. Je n'y vois pour ma part que des avantages, car lorsque la stratégie aura perdu son caractère ésotérique et spécialisé, elle pourra devenir ce que sont les autres disciplines et ce qu'elle aurait toujours dû être : un corps de connaissances cumulatives s'enrichissant à chaque génération au lieu d'une perpétuelle redécouverte au hasard des expériences traversées. Notre époque est trop difficile et l'homme moderne a acquis trop de puissance sur la nature pour que nous puissions continuer à agir au doigt mouillé, comme on fa trop longtemps fait. La guerre, autrefois jeu des rois, est devenue aujourd'hui une entreprise grosse de trop de dangers majeurs. Selon le mot forgé par Raymond Aron, notre civilisation a besoin d'une « praxéologie », d'une science de l'action. Dans cette science, la stratégie peut et doit jouer un rôle capital pour conférer un caractère conscient et calculé aux décisions par lesquelles on veut faire prévaloir une politique. C'est le but vers lequel doit tendre toute étude de la stratégie. C'est celui que je me suis efforcé d'atteindre. On sera peut-être surpris de ce que, contrairement à l'habitude dans les ouvrages de ce genre, mon exposé comporte très peu de développements historiques. Souvent les références aux exemples du passé se limiteront à un mot : nom d'un général ou d'une guerre. C'est que d'abord j'ai voulu ramener les choses à l'essentiel, aux idées et aussi que, sans aller aussi loin que Valéry je crois que la méthode historique peut être employée pour justifier presque n'importe quelle conclusion. De même, tout en insistant très fortement sur l'importance des facteurs psychologiques, je me suis abstenu de revenir trop longuement sur les développements maintenant classiques, depuis Clausewitz et Foch sur le caractère passionnel de la guerre. Ce que j'ai recherché, c'est l'Algèbre sous-jacente dans ce phénomène violent : l'irrationalité qui y joue un rôle considérable doit ellemême être considérée sous un angle rationnel. La complexité vraiment très grande du sujet ne m'aura sans doute pas permis de mettre en évidence, sous leur forme la plus claire, les notions indispensables indispensables à la conduite d'une action logique. Qu'on veuille bien ne voir ici qu'un premier défrichement, entrepris avec l'espoir que mon exemple, un peu téméraire, suscitera d'autres travaux capables de réaliser le rajeunissement rajeunissement et la renaissance de la stratégie éternelle dont notre époque a le plus grand besoin.
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« La Paix-Guerre ou la Stratégie d'Hitler ». Revue des Deux-Mondes du 15 août 1939.
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CHAPITRE 1
VUE D'ENSEMBLE DE LA STRATÉGIE Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nombreux nombreux sont ceux qui font de la stratégie plus ou moins inconsciemment. inconsciemment. Mais à la différence de M. Jourdain, Jourdain, il est plus difficile de faire de la bonne stratégie que de la prose, d'autant plus que, si le nom de stratégie est souvent employé, les réa lités qu'il recouvre sont généralement ignorées. C'est certainement l'un des termes courants dont le sens est le moins bien connu. Les raisons de cette ignorance sont diverses : ce vieux mol n'a' désigné longtemps longtemps que la science et l'art du commandant en chef, ce qui évidemment ne concernait vraiment qu'un très petit nombre de gens. Cette connaissance se transmettait de façon plus ou moins ésotérique à chaque génération par l'exemple que donnaient les chefs en renom, un peu comme les c tours de main » des maîtres des différents métiers. Comme la guerre évoluait lentement, cette façon de faire assez empirique donnait dans l'ensemble satisfaction, bien que la guerre fût infiniment plus complexe que l'architecture par exemple. Dans les périodes d'évolution par contre, l'application des tours de main traditionnels s'avérait inefficace. La conduite des opérations mettait alors en évidence des énigmes apparemment insolubles. Cette faillite posait publiquement le problème stratégique du moment à l'ensemble des élites et non plus seulement au Prince ou au Maréchal. A chacune de ces périodes, il en résultait un mouvement mouvement intellectuel relatif à la stratégie, dont d'ailleurs le sens profond a toujours été conforme au génie de l'époque. La Renaissance a cherché dans Végèce et dans les Historiens anciens les secrets de la guerre nouvelle nouvelle ; le 18' siècle tirera de la raison pure pure le système de pensée que que Napoléon appliquera si magistralement ; le 19e siècle encore étonné des succès de Napoléon croira y trouver la solution de ses problèmes mais bâtira, surtout avec Clausewitz, une grande théorie philosophicosociale intermédiaire entre Kant et Karl Marx, [ont les interprétations romantiques n'ont pas été étrangères . la forme outrancière des guerres du 20° siècle. Cependant au 20° siècle, siècle des grandes mutations, la stratégie subit une grave éclipse à un moment capital capital : la stabilisation stabilisation de 1914-1918 1914-1918 est jugée jugée comme « la faillite de de la stratégie stratégie > alors qu'elle ne représente que la faillite d'une stratégie. :n France surtout, (mais la France exerce à ce moment une affluence considérable) la stratégie apparaît comme une science périmée, une façon d'envisager la guerre qui ne cadre pas avec évolution, laquelle paraît donner la préséance au matériel sur ,s concepts, aux potentiels sur la manœuvre à l'industrie et la science sur la philosophie. philosophie. Cette attitude d'apparence d'apparence réaliste réaliste conduit à considérer considérer les « stratèges » comme des attardés attardés prétentieux et à concentrer les efforts sur la tactique et le matériel, au moment précis où la rapidité de l'évolution eût requis une vision d'ensemble particulièrement élevée et pénétrante que seule la stratégie pouvait procurer. Le résultat, c'est la défaite militaire de de la France mais aussi la victoire incomplète incomplète de l'Allemagne, l'Allemagne, dues toutes deux à des appréciations erronées parce que trop étroites. L'effondrement de l’empire mondial de l'Europe qui s'ensuit laisse subsister deux géants, les Etats-Unis et l'U.R.S.S. Leur opposition, rendue terrifiante par l'arme nucléaire, replace au premier plan les problèmes de la guerre et de la paix, mais il n'existe aucun concept paraissant capable de les résoudre. On en accuse la nouveauté de l'arme atomique sans s'aviser que c'est l'absence l'absence de théorie générale générale qui empêche de prévoir et de de dominer l'évolution l'évolution Du côté soviétique, soviétique, on cherche d'abord d'abord à se raccrocher raccrocher au marxisme en formulant, sous Staline, une théorie de guerre totale de fondement social qui ne résistera pas aux progrès de la technique. Du côté américain, sous le signe tout nominal de Clausewitz, on se lance à corps perdu dans la solution d'une cascade de problèmes techniques d'inspiration tactique ; mais l'importance du sujet attire l'attention des milieux intellectuels, qui conformément conformément au génie scientifique contemporain fondent fondent la recherche des solutions sur des trésors d'analyse. Bientôt, chaque université américaine possède un institut de recherche bien doté. Des
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piles d'ouvrages s'accumulent, bâtissant un édifice abstrait d'une complication presque scolastique mais d'où se dégagent peu à peu certains éléments essentiels de la stratégie d'ensemble dont notre époque a besoin. Cependant, cet intense mouvement d'idées pénètre à peine en Europe où l'on se contente en général après quelques lectures distraites d'adopter le vocabulaire et le matériel américains parce que l'on croit encore sans le dire à la suprématie du matériel sur les idées. Malgré par exemple Raymond Aron en France ou Liddel Hart en Angleterre, la stratégie ne pénètre ni dans le grand public, ni même vraiment dans les milieux militaires où l'on continue à penser technique et tactique. Toutefois, l'importance du fait atomique comme les résultats décevants des campagnes d'Indochine, d'Égypte et d'Algérie font sentir plus ou moins confusément le besoin d'une meilleure compréhension des phénomènes relatifs à la guerre. La stratégie, condamnée en 1915, devrait normalement connaître un nouvel épanouissement.
ANALYSE DE LA STRATÉGIE. Définition de la stratégie. Qu'est-ce que la stratégie ? Si l'on part de la notion ancienne de la stratégie militaire, on dira qu'il s'agit de l'art d'employer les forces militaires pour atteindre les résultats fixés par la politique. Cette définition, qui s'écarte à peine des termes de Clausewitz est celle que Liddel Hart a encore formulée il y a quelques années. Raymond Aron, dans son livre récent, l'a presque textuellement reprise. Cette définition est à mon avis étroite puisqu'elle ne concerne que les forces militaires et je la rédigerais rédigerais plutôt de la manière suivante : l'art de faire concourir la force à atteindre les buts de la politique. Elle présente en outre l'inconvénient de se rapporter à l'ensemble de l'art militaire. Or il est traditionnel de subdiviser cet art en stratégie et tactique. Plus récemment on a reconnu une autre subdivision, la logistique. Si la stratégie n'est pas la tactique ni la logistique, qu'est-elle ? La tactique est très clairement l'art d'employer les armes dans le combat pour en obtenir le rendement rendement le meilleur. La logistique est la science des mouvements mouvements et des ravitaillements. Toutes Toutes deux se rapportent rapportent « à la combinaison des choses matérielles » et présentent un caractère scientifico-concret qui les rendent assez analogues à l'art de l'ingénieur. Si l'on se reporte à la phrase de Napoléon reprenant une citation de Lloyd qui opposait « la partie divine » à « la combinaison combinaison des choses matérielles » , la stratégie stratégie serait alors alors « la partie divine ». De là à lui conférer le prestige de l'étincelle du génie, il n'y a qu'un pas qu'on a souvent franchi. Mais le génie n'est le plus souvent qu'une longue patience. Divine ou pas, la stratégie doit être pensable, raisonnable. raisonnable. Qu'est-elle donc si elle ne se situe ni sur le plan des choses matérielles, ni sur le plan de la politique ? Je crois que l'essence de la stratégie gît dans le jeu abstrait qui résulte, comme l'a dit Foch, de l'opposition de deux volontés. C'est l'art qui permet, indépendamment de toute technique, de dominer les problèmes que pose en soi tout duel, pour permettre justement d'employer les techniques avec le maximum d'efficacité. C'est donc l'art de la dialectique des forces ou encore plus exactement l'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit. Cette définition pourra paraître à juste titre très abstraite et très générale. Mais c'est bien à ce niveau qu'il convient de placer la stratégie si l'on veut comprendre son mécanisme de pensée et les lois que l'on peut y découvrir.
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But de la stratégie. D'ailleurs, dés que nous allons aborder l'examen du but de la stratégie, on verra plus clairement l'intérêt de cette définition. On peut admettre que le but de la stratégie est d'atteindre les objectifs fixés par la politique en utilisant au mieux les moyens dont on dispose. Or ces objectifs peuvent être offensifs (conquête, imposer l'acceptation de telles ou telles conditions onéreuses), défensifs (protection du territoire ou de tels ou tels intérêts) ou même viser simplement le statu-quo politique. On voit dès à présent que des formules comme celle prêtée à Clausewitz de c la décision par la bataille victorieuse a par exemple ne peuvent pas s'appliquer à tous ces objectifs. Au contraire, la seule loi générale les englobant tous est celle qui, écartant toute notion de moyen par lequel la décision serait obtenue, ne considère que l'essence même de la décision que l'on recherche. Cette décision, c'est l'acceptation par l'adversaire des conditions que l'on veut lui imposer. Dans cette dialectique des volontés, la décision est un, événement d'ordre psychologique que l'on veut produire chez l'adversaire : le convaincre qu'engager ou poursuivre la lutte est inutile. Naturellement, ce résultat pourrait être atteint par la victoire ,militaire, mais celle-ci n'est souvent pas indispensable, elle est même souvent complètement irréalisable (cas des fellaghas en Algérie par exemple), tandis que d'autres moyens (on l'a bien vu dans ce cas) peuvent être efficaces. En replaçant le problème sur son véritable terrain qui est celui de la psychologie de l'adversaire, on se met en mesure d'apprécier correctement les facteurs décisifs. On se trouve ainsi du même coup dans un système de pensée qui englobe aussi bien la victoire militaire que la stratégie soi-disant nouvelle de la dissuasion nucléaire. Lénine, analysant Clausewitz, avait donné une définition souvent citée qui reconnaît pleinement pleinement le caractère psychologique de la décision : « retarder les opérations jusqu'à ce que la désintégration morale de l'ennemi l'ennemi rende à la fois possible et facile de porter porter le coup décisif ». Mais il pensait en révolutionnaire et ne voyait que l'action politique agissant comme une sorte de préparation d'artillerie de caractère moral. C'était inverse de la conception romantique et militaire de Clausewïtz dans laquelle le moral ennemi était brisé par l'intermédiaire d'une victoire militaire. Aussi la formule générale me parait-elle être la suivante : atteindre la décision en créant et a exploitant une situation entraînant une désintégration morale de l'adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu'on veut lui imposer. C'est bien là l'idée générale de la dialectique des volontés.
Moyens de la stratégie. L'étude des moyens de la stratégie permet de mettre encore mieux en évidence la forme de raisonnement qui lui est propre. La stratégie va disposer pour atteindre la décision d'une gamme de moyens matériels et moraux allant du bombardement nucléaire à la propagande ou au traité de commerce. L’art va consister à choisir parmi les moyens disponibles disponibles et combiner leur action action pour les faire concourir à un même ; résultat psychologique psychologique assez efficace pour produire l'effet moral décisif. Le choix des moyens va dépendre dépendre d'une confrontation entre entre le vulnérabilités vulnérabilités de l'adversaire et nos possibilités. Pour ce tire, il faut analyser l'effet moral décisif. Qui veut-on convaincre ? En dernière analyse, c'est le gouvernement adverse que l’on veut convaincre, mais selon les cas il sera plus facile d'agir directement sur les dirigeants (Chamberlain à Badodesberg ou à Munich) en choisissant ceux des arguments auxquels ils seront sensibles, ou au contraire d'agir indirectement sur telle ou telle partie de l'opinion qui a barre sur le gouvernement, ou sur un gouvernement allié jouissant d'une forte influence, ou sur l'ONU par exemple. Si l'enjeu est faite, de telles pressions peuvent suffire. Si l'enjeu est plus important, des actions de force peuvent être nécessaires. Mais là encore le choix des moyens doit être parfaitement adapté aux possibilités amies et aux vulnérabilités adverses : la victoire militaire classique peut être hors de portée par exemple ou trop dangereuse.
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Dans ce cas, choisirait-on le moyen d'un soulèvement révolutionnaire destiné à entraîner une intervention internationale (comme pour les Sudètes avant Munich), un soulèvement révolutionnaire capable de changer le gouvernement (comme pour Prague en 1950) une pression économique appuyée (comme pour les sanctions économiques contre l'Italie en 1935) ou une longue campagne de guerilla combinée avec une action internationale (comme le Vietminh et les Fellaghas) ? Quelles seront les actions possibles les plus susceptibles d'influer décisivement sur la psychologie des dirigeants adverses ? Si enfin une action militaire doit être entreprise, quel sera son objectif ? Faudrat-il « détruire les forces armées adverses » suivant la formule clausewitzienne ? Est-ce que ce sera possible ? Et sinon suffira-t-il d'un succès local (campagne de Crimée de 1854) et lequel ? Quelle catégorie de forces :armées ou quelle région géographique passent pour être décisives du point de vue de l'adversaire (la marine et l'aviation en Angleterre, l'armée de terre en France. etc ...) ? Sera-t-il indispensable indispensable ou inutile de prendre la capitale ? Suffira-t-il de menacer de la détruire ? etc... On peut ainsi pousser l'analyse de plus en plus loin jusqu'à ce que l'on ait trouvé ceux des moyens à notre portée capables d'entraîner la décision recherchée.
Elaboration du plan stratégique. Alors va pouvoir s'effectuer l'élaboration l'élaboration du plan stratégique. 11 s'agit d'une dialectique. Par conséquent il faut prévoir les réactions adverses possibles à chacune des actions envisagées et se donner la possibilité de parer chacune d'elles. Ces réactions peuvent être internationales ou nationales, morales, politiques, économiques ou militaires. Actions successives et possibilités de parade doivent être aménagées dans un système visant à conserver le pouvoir de dérouler son plan malgré l'opposition adverse. Si le plan est bien fait, il ne devrait plus y avoir d'aléas. La manœuvre stratégique, visant à conserver la liberté d'action doit être « contraléatoire contraléatoire » . Naturellement, elle doit envisager clairement toute la suite d'événements menant jusqu’à la décision – ce qui n’était pas le cas de notre côté, ni en 1870, ni en 1939, ni en Indochine, ni en Algérie. - Ajoutons encore que le schéma dialectique des deux adversaires se complique de l'existence du contexte international. Le poids des alliés et même des neutres peut s'avérer décisif (comme à Suez). Pour l'avoir mal compris, l'Allemagne a perdu deux guerres en s'attirant l'hostilité de la Grande-Bretagne (invasion de la Belgique) et des Etats-Unis (guerre sous-marine). L'évaluation correcte de la liberté d'action résultant de la conjoncture internationale constitue donc un élément capital de la stratégie, surtout depuis que la puissance atomique a renforcé d'une façon extraordinaire l'interdépendance des nations.
« Modèles » stratégiques. Ainsi, selon les moyens relatifs des deux adversaires et selon l'importance de l'enjeu, le plan stratégique s'ordonnera s'ordonnera suivant divers modèles dont on va examiner les plus caractéristiques. 1. - Si l'on dispose de moyens très puissants (ou si l'action envisagée peut mettre en jeu les moyens puissants de Nations alliées) et si l'objectif est modeste, la seule menace de ces moyens peut amener l'adversaire à accepter les conditions que l'on veut lui imposer et encore plus facilement à renoncer à des prétentions pour modifier le statu quo établi. Ce modèle de la menace directe est celui qui connaît actuellement une très grande vogue grâce à l'existence de l'arme atomique et qui sert de base à l'édifice imposant de la stratégie de dissuasion. 2. - Si au contraire, l'objectif restant modeste, on ne dispose pas de moyens suffisants pour constituer une menace décisive, on cherchera la décision par des actions plus ou moins insidieuses de caractère politique, diplomatique ou économique. Ce modèle de la pression indirecte a été très largement largement employé par les stratégies hitlérienne et soviétique, moins à cause de la faiblesse de leurs moyens de coercition qu'en raison de la dissuasion subie par la menace directe des forces adverses. C'est une stratégie qui correspond aux cas où la plage de liberté d'action de la force est étroite.
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3. - Si la marge de liberté d'action étant étroite et les moyens limités, l'objectif est important, on cherchera la décision par une série d'actions successives combinant au besoin la menace directe et la pression indirecte avec des actions de force limitées. Ce modèle par actions successives a été illustré par Hitler de 1935 à 1939 mais il n'a réussi que tant que l'objectif a paru d'intérêt mineur. Au contraire, lorsque x le grignotage a s'avère mettre en cause des objectifs vitaux, il débouche nécessairement sur le grand conflit. Avec des particularités dues à sa situation insulaire, la GrandeBretagne a généralement pratiqué cette stratégie d'approche indirecte que Liddel Hart a reformulée de nos jours d'une façon très explicite. Elle s'adapte particulièrement au cas de nations défensivement fortes (ou bien protégées par la nature) désireuses d'atteindre progressivement de grands résultats en n'engageant offensivement que des moyens réduits. Les guerres européennes du 18" siècle ont eu le plus souvent le caractère d'approche indirecte par actions successives parce que les moyens employés étaient relativement très limités. 4. - Si la marge de liberté d'action est grande mais si les moyens disponibles sont trop faibles pour obtenir une décision militaire, on peut avoir recours à une stratégie de conflit de longue durée visant à réaliser l'usure morale, la lassitude de l'adversaire. Pour pouvoir durer, les moyens employés seront très rustiques mais la technique d'emploi (généralement une guerre totale appuyée sur une guérilla généralisée) obligera l'adversaire à un effort beaucoup plus considérable qu'il ne pourra soutenir indéfiniment. Ce modèle de la lutte totale prolongée de faible intensité militaire a généralement été employé avec succès dans les guerres de décolonisation. Son théoricien principal est Mao Tsé Tung. Notons que cette stratégie qui demande un effort moral considérable de la part du parti qui en prend l'initiative suppose un fort élément passionnel et une très bonne cohésion de l'âme nationale. Elle correspond donc au mieux aux guerres de libération. Mais elle n'a de chances de succès que si l'enjeu est très inégal entre les deux partis (cas des guerres de décolonisation) ou bien si elle bénéficie d'interventions armées (cas des guerres de libération en Europe en 1944-45, en Espagne en 1813-1814) auxquelles elles servent d'adjuvant. 5. - Si les moyens militaires dont on dispose sont assez puissants on cherchera la décision par la victoire militaire, dans un conflit violent et si possible court. La destruction des forces adverses dans la bataille peut suffire, surtout si l'enjeu n'est pas trop vital pour l'adversaire. Sinon l'occupation de tout ou partie du territoire devra matérialiser la défaite aux yeux de l'opinion pour lui faire admettre les conditions imposées. Naturellement, Naturellement, la capitulation morale du vaincu pourra être grandement grandement facilitée si l'on peut disposer de cinquièmes colonnes sympathisantes comme ce fut le cas pour les victoires de la Révolution française et de Napoléon. Ces cinquièmes colonnes pourront même jouer un rôle important pour aider aux opérations militaires. Ce modèle du conflit violent visant la victoire militaire correspond à la stratégie classique du type napoléonien. Son théoricien principal - souvent trahi par ses exégètes trop imprégnés d'une sorte de romantisme wagnérien - est Clausewitz. Elle a dominé la stratégie européenne du 19, siècle et de la première moitié du 208 siècle. Considérée à tort comme la seule stratégie orthodoxe, elle a engendré les deux grandes guerres mondiales de 1914-18 et de 1939-45 qui qui toutes deux ont mis en évidence les les limites du concept Clausewitzien-Napoléon Clausewitzien-Napoléonien ien : la décision ne peut être obtenue par l'opération en quelque sorte chirurgicale de la victoire militaire que si les possibilités militaires du moment permettent de réaliser rapidement une victoire militaire complète. Or cette condition - on le verra plus loin à l'occasion de la stratégie opérationnelle - n'existe qu'à certains moments de l'évolution de la tactique et des opérations. Dans l'intervalle de ces périodes favorables, la stratégie clausewitzienne n'aboutit qu'à opposer dans de gigantesques gigantesques conflits militaires des adversaires qui s'équilibrent (stabilisation de fin 1914, victoire continentale allemande de 1940 qui ne peut franchir la Manche et s'enlise dans une impossible campagne de Russie). La décision n'intervient alors qu'après une phase d'usure réciproque prolongée et démesurée par rapport à l'enjeu, à la suite de laquelle vainqueur et vaincu sortent du conflit complètement épuisés. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que le schéma s'était déjà appliqué à Napoléon à cause de son impuissance à résoudre les problèmes anglais et russe. Mais Clausewitz et ses élèves avaient été
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obnubilés par les victoires de l'Empereur au point d'en méconnaître les limites. Cette erreur intellectuelle a probablement coûté à l'Europe sa prééminence dans le Monde.
Conclusions. Les cinq modèles que l'on vient d'indiquer représentent davantage des exemples qu'une classification exhaustive des divers types de stratégie. Ils, ont surtout l'intérêt de bien montrer la diversité des solutions parmi lesquelles la stratégie doit savoir choisir et de permettre ainsi de mieux appréhender le caractère et l'originalité du raisonnement stratégique. Alors que le raisonnement tactique ou logistique repose presque exclusivement sur un méthodisme visant à l'application rationnelle des moyens militaires pour atteindre un résultat donné, que le raisonnement politique qui doit apprécier ce que l'opinion désire, ou peut admettre, doit faire une part prépondérante à la psychologie et à l'intuition, le raisonnement stratégique doit combiner les données psychologiques et les données matérielles par une démarche d'esprit abstraite et rationnelle. Celle-ci doit faire appel à une très grande capacité d'analyse et de synthèse, l'analyse étant nécessaire pour réunir les éléments du diagnostic mais la synthèse étant indispensable indispensable pour en tirer le diagnostic qui doit être essentiellement un choix. Or ces cinq modèles permettent également de mettre en évidence l'erreur commise par de nombreux stratèges en ne préconisant qu'un seul type de stratégie. En effet, chaque modèle correspond à une théorie particulière présentée par son protagoniste comme la seule ou la meilleure solution, alors que chacune d'elles n'est la meilleure que dans le cadre de conditions bien définies. Faute d'une analyse suffisante des facteurs de la stratégie, les choix ont été trop souvent guidés par l'habitude ou par la vogue du moment. Les conflits ont alors échappé à la ma?trise des gouvernements gouvernements et ont produit d'épouvantables catastrophes internationales. internationales. Aujourd'hui où le monde traverse une crise d'adaptation sans précèdent tandis que les forces scientifiques, industrielles et psychologiques font irruption dans l'art militaire, il est devenu plus vital que jamais de disposer d'une méthode de pensée qui nous permette de conduire les événements au lieu de les subir. D'où (importance (importance et l'actualité particulière de la stratégie.
LES SUBDIVISIONS DE LA STRATÉGIE Si la stratégie est une par son objet et par sa méthode, dans l'application, elle se subdivise nécessairement en stratégies spécialisées valables uniquement pour un domaine particulier du conflit. C'est qu'en effet, elle doit tenir compte de données matérielles matérielles et que les caractéristiques des données matérielles propres à chaque domaine du conflit produisent un système de conséquences différent dans chacun des domaines : la stratégie navale par exemple a toujours été différente de la stratégie terrestre, etc... On se trouve ainsi en présence d'une véritable pyramide de stratégies distinctes et interdépendantes qu'il est indispensable de bien définir pour pouvoir les combiner au mieux dans un faisceau d'actions visant le même but d'ensemble. Au sommet des stratégies, immédiatement immédiatement subordonnée subordonnée au gouvernement gouvernement - donc à la politique règne la « stratégie totale» chargée de concevoir la conduite de la guerre totale 2. Son rôle est de définir la mission propre et la combinaison des diverses stratégies générales, politique, économique, diplomatique diplomatique et militaire. Cette stratégie est essentiellement celle des chefs de gouvernement assistés de leur chef d'étatmajor de la Défense nationale et de leurs conseils ou comités supérieurs de la Défense. Comme on 2
Le terme de stratégie totale parait plus explicite, accolé à celui de « guerre totale »», que le terme parfois donné par les Anglais (Liddel Hart notamment) de « Grande stratégie stratégie » ou par les Américains de « Stratégie nationale ». Quant à celui de « Défense nationale » il ne correspond à rien et a surtout pour effet de brouiller les idées.
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l'a vu dans les modèles qui précèdent et qui se situaient tous au niveau de la stratégie totale, l'importance relative des divers domaines politique, économique, diplomatique ou militaire varie beaucoup suivant les solutions. Le domaine militaire n'est vraiment prépondérant que dans l'un des modèles, le cinquième. Dans chacun des domaines subordonnés, subordonnés, une stratégie générale (militaire, politique, économique ou diplomatique) a pour fonction de répartir et de combiner les tâches des actions menées dans les différentes branches d'activité du domaine considéré. Disons tout de suite que s'il existe effectivement une stratégie générale militaire, cherchant à combiner au mieux les actions terrestres, aériennes et navales, il n'existe pas de notion de stratégie générale adaptée au domaine politique (par exemple: ligne politique, action intérieure, action extérieure, propagande), au domaine économique (par exemple: production, finances, commerce extérieur) et au domaine diplomatique. C'est bien cependant dans ces domaines que la stratégie se pratique journellement sans le savoir. Mais faute de le faire consciemment on ne tire pas tout le parti que l'on pourrait tirer d'une action fondée sur des conceptions plus systématiques résultant d'une forme de raisonnement raisonnement mieux établie. Toutes ces stratégies générales sont celles que pratiquent ou que devraient pratiquer les ministres intéressés, assistés de leur chef d'état-major ou de leur secrétaire général. général. Dans chacune des branches d’activité subordonnées il y a encore place pour une catégorie distincte de stratégie. stratégie. C’est à ce niveau que se situe la charnière charnière entre entre la conception et l'exécution, l'exécution, entre ce que l'on veut ou doit faire et ce que les conditions- techniques rendent possible. Cette articulation essentielle a reçu des Allemands dans le domaine militaire terrestre le nom de stratégie opérationnelle opérationnelle (« operative »). Ici encore, consciemment ou non, il existe une stratégie opérationnelle opérationnelle dans chaque branche, dont l'objet est non seulement de concilier les buts choisis par la stratégie générale avec les possibilités déterminées par les tactiques ou les techniques de la branche considérée mais aussi d'orienter l'évolution des tactiques et des techniques pour les adapter aux besoins de la stratégie. De ce fait, la stratégie opérationnelle joue un rôle capital qui a été souvent méconnu. Ainsi par exemple en stratégie terrestre classique, c'est au niveau de la stratégie opérationnelle qu'interviennent les facteurs logistiques et tactiques (volume des forces par rapport à l'espace, mobilité stratégique et tactique, capacité offensive et défensive) dont la valeur relative détermine la forme des opérations (guerre de mouvements ou de stabilisation, décision militaire rapide ou usure, etc ...) et qui par là commandent toutes les possibilités militaires de la stratégie. Faute d'avoir reconnu l'importance et le mécanisme de cette stratégie, la stabilisation de 1914 et la défaite de 1940 sont intervenues par surprise, alors qu'on eût pu les prévoir et les éviter. De même, c'est au niveau opérationnel qu'il faut placer la stratégie du temps de paix qui consiste â réaliser des armements nouveaux surclassant ceux des adversaires éventuels. Cette stratégie qui prend avec l'arme atomique une importance peut-être décisive a reçu le nom de « stratégie logistique » et aussi celui de « stratégie génétique ». Ce n'est qu'en la concevant comme une véritable stratégie (et non comme un agrégat de programmes budgétaires et financiers) et en la situant à sa place dans la pyramide des stratégies que l'on pourra la conduire efficacement et par là maintenir la dissuasion au moindre prix. Cette analyse des diverses stratégies certes ne simplifie pas le problème et montre toute la complexité du sujet. Par contre, on pourra reconnaître que l'abstraction nécessaire de la stratégie conduit à des conclusions pratiques et que celles-ci à mesure qu'on les découvre rendent plus intelligibles les rapports existants entre les divers facteurs dont la 'maîtrise est absolument indispensable indispensable à la conduite de la guerre comme au maintien de la paix. LES PRINCIPES DE LA STRATÉGIE. La stratégie comporte-t-elle des règles permettant de guider le raisonnement dans le choix des solutions ? La stratégie militaire classique avait dégagé de telles règles et prétendait même voir en elles des lois de valeur permanente et générale donnant à la stratégie une stabilité qui contrastait
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avec la variation constante des procédés tactiques, en fonction de l'évolution des matériels. Nous avons aujourd'hui de bonnes raisons pour douter de la stabilité de la stratégie ; mais si des règles existent, elles constitueraient l'élément fixe du raisonnement stratégique dont les applications, seules, évolueraient. Il ,est très difficile de traiter cette importante question en quelques pages. On peut cependant tenter de faire un examen rapide des idées en cette matière. On verra que les conséquences qu'on peut en tirer sont limitées.
Les théories. Les règles formulées par les principaux auteurs se caractérisent par leur extrême diversité. Les résumés qui suivent sont évidemment des caricatures sommaires mais elles permettront de situer les types de lois proposées. Pour Clausewitz, il existe trois règles principales : la concentration des efforts, l'action du fort au fort et la décision par la bataille sur le théâtre principal autant que possible sous une forme défensive-offensive. Ces règles sont du domaine de la stratégie ; générale et de la stratégie opérationnelle opérationnelle militaires et elles correspondent correspondent au modèle N° 5 défini ci-dessus. A l'opposé Liddell Hart propose six règles positives et deux négatives dont l'essentiel se résume à 4 règles : dispersion de l'adversaire par l'approche indirecte, surprise par le choix d'actions imprévues, action du fort au faible et décision sur les théâtres secondaires. Elles se rapportent aux mêmes échelons stratégiques que celles de Clausewitz mais elles correspondent en gros au modèle de stratégie n° 3 défini plus haut. Mao. Aise Tung fixe six règles : repli devant l'avance ennemie par a retraits centripètes », avance devant la retraite ennemie, stratégie à un contre cinq, tactique à cinq contre un, ravitaillement sur l'ennemi, cohésion intime entre l'armée et les populations. Il s'agit ici encore de stratégie générale et opérationnelle militaire mais cette fois en vue de la stratégie du modèle n° 4. Lénine et Staline formulent trois règles principales : cohésion morale du pays et :de l'armée dans la guerre totale, importance décisive des arrières, nécessité de la préparation psychologique de l'action de force. Là, nous sommes en stratégie totale, à un niveau qui peut s'appliquer à plusieurs modèles de stratégie. L'école stratégique américaine contemporaine conclut actuellement actuellement à deux règles : dissuasion graduée et réponse flexible. C'est encore de la stratégie totale correspondant cette fois, avec un souci de dissuasion et de limitation des conflits, à la stratégie du modèle n° 1. Plus anciennement, Mahan avait formulé sa règle fameuse de l'importance décisive de la maîtrise par les espaces maritimes. Mackinder au contraire proclama la supériorité de l'espace continental. Dans les années trente, Douhet de son côté avait prophétisé le caractère décisif de la puissance aérienne. Enfin, l'école stratégique française traditionnelle représentée par Foch avait concentré la stratégie en deux règles d'une grande abstraction : l'économie des forces et la liberté d'action, qui par leur abstraction même peuvent s'appliquer à toutes les stratégies.
Le concept central. Comme on le voit, les règles proposées constituent plutôt l'idée générale de solutions particulières que des lois générales, ce qui explique leur divergence. Seules les règles stratégiques de Foch sont des règles en soi, mais leur abstraction ne permet guère d'en tirer des conséquences pratiques au moins au premier abord. Nous verrons cependant qu'elles constituent un assez bon cadre pour analyser les problèmes. Mais auparavant, il faut clarifier les notions qu'elles représentent. Pour ce faire, il n'est pas inutile de revenir à notre définition de la stratégie : « l'art de la dialectique des volontés employant la force pour régler leur conflit ». Ce duel de volontés produit l'opposition de deux jeux symétriques, chacun d'eux cherchant à atteindre le point décisif de l'autre par une préparation tendant à effrayer, à paralyser et à surprendre -toutes actions à but psychologique, notons-le au passage. On peut donc discerner dans toute stratégie deux éléments distincts et essentiels : 1) le choix du point décisif que l'on veut atteindre (fonction (fonction des vulnérabilités vulnérabilités adverses) ; 2) le choix de la manœuvre préparatoire préparatoire
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permettant d'atteindre d'atteindre le point décisif. Mais comme chacun des adversaires fait de même, l'opposition des deux manœuvres préparatoires donnera le succès à celui des deux adversaires qui aura su empêcher la manœuvre adverse et conduire la sienne jusqu'à son objectif. C'est ce que Foch appelle avec la stratégie classique « conserver la liberté d'action ». La lutte des volontés se ramène donc à une lutte pour la liberté d'action, chacun cherchant à la conserver et à en priver l'adversaire. Si l'on est beaucoup plus fort que l'adversaire, il sera facile de conserver sa liberté d'action en employant autant de forces qu'il faut pour paralyser la manœuvre ennemie, tout en conservant assez de moyens disponibles pour porter le coup décisif. Mais ce cas limite est extrêmement rare. Normalement il faut savoir répartir ses moyens rationnellement entre la protection contre la manœuvre préparatoire adverse, sa propre manœuvre préparatoire et l'action décisive. Cette répartition optimum optimum est ce que la stratégie classique appelle l'économie des forces. Ainsi l'analyse du schéma de la lutte en termes abstraits se ramène synthétiquement synthétiquement à la formule suivante : « atteindre le point décisif grâce à la liberté d'action obtenue par une bonne économie des forces y. Mais maintenant il faut redécomposer redécomposer ce concentré pour pouvoir pouvoir l'utiliser, en cherchant cherchant les moyens susceptibles de réaliser l'économie des forces et la liberté d'action. Nous arrivons ici au seuil d'une étude qui a été rarement entreprise sous une forme systématique, ce qui n'a pas peu contribué à maintenir une sorte d'ésotérisme sur ces questions. Il s'agit de l'analyse des diverses possibilités offertes h la décision stratégique.
Les éléments de la décision stratégique. Disons que toute solution stratégique se rapporte à trois c axes de coordonnées », le temps, le lieu, la quantité de forces matérielles et morales qui définissent une situation instantanée et enfin un facteur complexe que nous nous appellerons manœuvre manœuvre qui détermine la succession succession et la relation des situations successives. a) le facteur manœuvre - Ce dernier facteur, facteur, qui commande les autres dans dans une certaine mesure, est celui qui résulte de la dialectique de la lutte, de l'escrime abstraite des deux combattants. La comparaison avec l'escrime permet de reconnaître immédiatement un certain nombre de types d'actions et de réactions : - offensivement « attaquer », opération qui peut être préparée ou suivie par les actions de « menacer », « surprendre », c feindre », « tromper », « forcer », « fatiguer » et « poursuivre », soit huit types. - défensivement « se garder », « parer », « riposter », « dégager », « esquiver », « rompre », soit six types. De même, en ce qui concerne les forces, on peut concevoir cinq types de décisions : « concentrer », « disperser », « économiser », « augmenter », « réduire ». Ces dix-neuf alternatives, assorties d'un choix de temps et de lieu, constituent le clavier du jeu stratégique. Le tableau n° I ci-joint ci-joint donne de chacun de ces types d'action une définition de caractère général,
indique les conditions qu'il suppose et résume les résultats qu'on peut en attendre. On verra que tous se rapportent à la liberté d'action, soit pour la prendre, soit pour la reprendre, soit pour en priver l'adversaire. On verra aussi que le moyen d'avoir la liberté d'action est de savoir s'assurer de l'initiative, facteur essentiel de la manoeuvre. manoeuvre. Ces considérations en partant de l'escrime peuvent paraitre au premier abord n'avoir que de lointains rapports avec la stratégie moderne. Il n'en est rien. Le tableau n° II ci-joint ci-joint montre à titre d'exemple les formes d'action correspondant à chacune des solutions, d'abord en stratégie militaire
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de la guerre 1939-45, puis dans la stratégie actuelle de dissuasion. Un tableau analogue pourrait être fait pour la stratégie totale, la stratégie < indirecte », voire pour les stratégies financière, diplomatique diplomatique ou politique. On y voit par exemple que l'équivalent stratégique de la bataille des Ardennes de 1944 est en stratégie de dissuasion le programme soviétique de fusées intercontinentales, et que celui de la campagne navale alliée en Méditerranée de 1943-44 est le développement de l'arme atomique tactique. La notion de sûreté, classiquement à base de forces convenablement réparties, devient en dissuasion une avance sur les progrès adverses ; la liberté d'action qui résultait de l'initiative, dépend en dissuasion de l'avance de potentiel (sûreté), mais aussi de la capacité de survie et de l'incertitude sur les possibilités d'ascension aux extrêmes (menace). La reconnaissance de ces équivalences est extrêmement importante pour introduire dans la conduite de la stratégie une notion consciente de la manoeuvre qui se déroule et des possibilités de réaction qui doivent être envisagées.
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b) Les doctrines de manœuvre. - Pour le choix de ces réactions, on se trouve en présence de diverses doctrines opposées. La première que j'appelle la doctrine de « dynamique rationnelle » considère la puissance des forces en présence et la première que j'appelle la doctrine de c dynamique rationnelle rationnelle » considère la puissance des forces en présence et recommande la solution la plus conforme au meilleur rendement de ces forces : on recherchera recherchera la concentration des efforts afin de pouvoir défaire la masse principale ennemie, ce qui entraînera la défaite de tout le reste. La lutte sera menée (lu fort au fort et la décision devra survenir sur le théâtre principal. Cette stratégie est celle qui avait été déduite à la fin du 19e siècle des théories de Clausewitz et c'est celle qui a inspiré en France le fameux plan 17 de 1914. La seconde que j'appelle la doctrine c des combinaisons s considère la valeur psychologique de l'action que l'on va entreprendre et recommande de choisir la solution qui aura pour effet de dérouter, de désorienter, de c décevoir s les prévisions de l'adversaire : ceci conduira le plus souvent à disperser ses propres forces (ou efforts) pour amener l'adversaire à en faire autant, et à rechercher la victoire par des actions du fort au faible au besoin sur les théâtres secondaires ou même excentriques. Cette stratégie a été fort brillamment présentée de nos jours par Liddell Hart, à titre d'antidote de la stratégie Clausewitzienne, Clausewitzienne, comme une tradition essentiellement essentiellement britannique britannique (1). Il existe également d'autres doctrines, actuellement périmées : la doctrine géométrique déduite par les Prussiens de l'ordre oblique de Frédéric Il, et la doctrine géographique de Jomini, correspondant correspondant à une interprétation des victoires de Napoléon. En réalité, aucune de ces doctrines ne présente une valeur absolue. Si l'on excepte la doctrine géométrique, vraiment morte (mais la doctrine française de 1930 ne l'avait-elle pas reprise sous une autre forme ?), chacune de ces doctrines correspond à un jeu qui peut être le meilleur dans certains cas, le plus mauvais dans d'autres : la c dynamique rationnelle s correspond correspond soit au cas où l'on est le plus fort (pourquoi faire alors tant de façons ?) soit à celui où un adversaire supérieur en forces s'est dangereusement dangereusement dispersé ; les c combinaisons a s'imposent si l'on est le plus faible et seront toujours
b) Les doctrines de manœuvre. - Pour le choix de ces réactions, on se trouve en présence de diverses doctrines opposées. La première que j'appelle la doctrine de « dynamique rationnelle » considère la puissance des forces en présence et la première que j'appelle la doctrine de c dynamique rationnelle rationnelle » considère la puissance des forces en présence et recommande la solution la plus conforme au meilleur rendement de ces forces : on recherchera recherchera la concentration des efforts afin de pouvoir défaire la masse principale ennemie, ce qui entraînera la défaite de tout le reste. La lutte sera menée (lu fort au fort et la décision devra survenir sur le théâtre principal. Cette stratégie est celle qui avait été déduite à la fin du 19e siècle des théories de Clausewitz et c'est celle qui a inspiré en France le fameux plan 17 de 1914. La seconde que j'appelle la doctrine c des combinaisons s considère la valeur psychologique de l'action que l'on va entreprendre et recommande de choisir la solution qui aura pour effet de dérouter, de désorienter, de c décevoir s les prévisions de l'adversaire : ceci conduira le plus souvent à disperser ses propres forces (ou efforts) pour amener l'adversaire à en faire autant, et à rechercher la victoire par des actions du fort au faible au besoin sur les théâtres secondaires ou même excentriques. Cette stratégie a été fort brillamment présentée de nos jours par Liddell Hart, à titre d'antidote de la stratégie Clausewitzienne, Clausewitzienne, comme une tradition essentiellement essentiellement britannique britannique (1). Il existe également d'autres doctrines, actuellement périmées : la doctrine géométrique déduite par les Prussiens de l'ordre oblique de Frédéric Il, et la doctrine géographique de Jomini, correspondant correspondant à une interprétation des victoires de Napoléon. En réalité, aucune de ces doctrines ne présente une valeur absolue. Si l'on excepte la doctrine géométrique, vraiment morte (mais la doctrine française de 1930 ne l'avait-elle pas reprise sous une autre forme ?), chacune de ces doctrines correspond à un jeu qui peut être le meilleur dans certains cas, le plus mauvais dans d'autres : la c dynamique rationnelle s correspond correspond soit au cas où l'on est le plus fort (pourquoi faire alors tant de façons ?) soit à celui où un adversaire supérieur en forces s'est dangereusement dangereusement dispersé ; les c combinaisons a s'imposent si l'on est le plus faible et seront toujours utiles pour s'assurer la supériorité, à condition naturellement que l'on sache éviter de se disperser plus que l'ennemi ; la c géographie a joue un rôle très important en stratégie militaire lorsque le théâtre d'opérations est pauvre en communications (comme c'était le cas en Europe à l'époque de Napoléon) et forme un échiquier bien défini. (De nos jours l'échiquier est constitué par les continents et les mers). Le choix des réactions doit donc être uniquement guidé par l'étude de la situation particulière et l'on devra le plus souvent faire usage successivement de plusieurs doctrines. c) Les « modes de la stratégie ». - Cependant, Cependant, dans l'étude un plan d'opérations on sera généralement généralement conduit à définir une attitude d'ensemble correspondant correspondant à la doctrine qui correspond le mieux à la situation relative des deux partis. On revient ainsi au problème général du choix de l'un des c modèles > que nous avons examinés plus haut. Sur le plan des idées ces divers modèles s'ordonnent s'ordonnent selon deux a modes principaux : la stratégie directe et la stratégie indirecte. La stratégie directe qui correspond aux modèles n° 1, n- 3 et n° 5 n'est autre que la conception fondée sur la recherche de la décision ou de la dissuasion par l'emploi ou l'existence (les forces militaires considérées comme moyen principal. C'est donc d'abord celle de la stratégie de Clausewitz qui n'est autre que la généralisation de la conception basée sur la c dynamique rationnelle a. C'est elle qui a inspiré les chefs de la guerre de 1914 et les chefs allemands et américains de la guerre de 1939-45. C'est elle encore qui règne sur l'opposition potentielle des forces nucléaires. La stratégie directe peut également employer le concept des c combinaisons r notamment en ce qui concerne l'approche indirecte. La stratégie indirecte, correspond aux modèles n° 2, n° 3 et n° 4. Elle inspire toutes les formes de conflit qui ne recherchent pas directement la décision par l'affrontement des forces militaires mais par les procédés les moins directs, soit dans l'ordre politique ou économique, (guerre révolutionnaire), soit même dans l'ordre militaire en procédant par actions successives coupées de négociations (stratégie hitlérienne de 1936 à 1939). Cette stratégie connaît une vogue de plus en plus grande depuis que la menace de guerre intégrale sur le mode direct paraît devoir conduire à des destructions
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réciproques inacceptables. Complexe et subtile, sa théorie est encore mal connue. Son rôle est permanent dans la guerre froide et peut être est-ce maintenant la seule stratégie que l'on puisse utiliser depuis que la menace menace des armes atomiques atomiques paralyse la stratégie directe. directe. En réalité ces deux « modes » coexistent et se complètent: la dialectique du monde actuel comporte simultanément une dialectique nucléaire sur le mode de la stratégie directe qui tend à neutraliser réciproquement les grands potentiels économiques et industriels, tandis que par les fissures du système de dissuasion ainsi créé s'insinuent les actions multiformes de la dialectique politique sur le mode de la stratégie indirecte. La stratégie, comme la musique, possède un mode majeur et un mode mineur.
Le facteur variabilité Ce n'est pas tout. Un autre facteur important dans l'élaboration du concept stratégique doit être souligné, celui de la variabilité des moyens et du milieu. En effet, le monde évolue très vite, spécialement à notre époque. Tout est en perpétuelle transformation. L'Allemagne de 1963 n'a pas du tout les mêmes possibilités qu'en 1938 par exemple. L'opinion mondiale n'est plus animée des mêmes croyances et ne réagit plus de la même façon. Les outils de la stratégie varient également avec une vitesse effrayante: l'avion de 1945 était démodé en 1950. Celui de 1950 est inutilisable en 1960, etc. Il en résulte que le stratège ne peut s'appuyer sûrement sur aucun précédent et qu'il ne peut disposer d'aucune unité de mesure stable. Les calculs doivent apprécier constamment la valeur d'une réalité changeante, non seulement dans le présent mais dans l'avenir et â plusieurs années de distance. Ceci crée une difficulté supplémentaire considérable. Au lieu de déductions fermes et objectives, la stratégie se doit de procéder sur des hypothèses et de créer ses solutions par de véritables inventions. Cet aspect de la stratégie est un de ceux qui avaient été le moins bien compris jusqu'à ces dernières dernières années. Trop longtemps l'évolution avait été assez lente pour faire croire à la possibilité de se fonder sur l'expérience. Si aujourd'hui la méthode historique conserve certaines possibilités, elle est loin d'être suffisante et l'esprit clairvoyant de Valéry en avait depuis longtemps reconnu les dangers. Contrainte aux hypothèses, la stratégie se doit de manceuvrer dans le temps comme elle avait appris à le faire dans l'espace ; loin de procéder par hypothèses rigides et hasardeuses comme le voudraient certaines théories récentes généralement américaines fondées sur une analyse mathématique des probabilités, elle peut se fonder sur un faisceau de possibilités et s'organiser de telle sorte que ces possibilités soient surveillées pour déterminer à temps celles qui se vérifient et se développent et celles qui disparaissent. Là encore s'introduira un facteur de manceuvre c'est-à-dire de prévisions contraléatoires contraléatoires qui permettra de coller au plus près de l'évolution. Quant à l'invention indispensable pour trouver, avec des outils nouveaux ou renouvelés, la solution future correspondant à une situation future appréciée, elle échappe à toute règle. Disons seulement qu'elle doit exclure la routine - si fortement ancrée dans les traditions militaires fixées par les « règlements » - et faire appel à l'imagination et à la méditation. Ces réalités incontestables de la stratégie moderne, entraînée comme notre civilisation par le progrès exponentiel de la science, devraient conduire à une réforme profonde de nos habitudes. L'important L'important n'est plus le présent mais l'avenir. Les délais de réalisation de n'importe quelle manceuvre (création de matériels nouveaux, changement d'atmosphère psychologique, modification d'équilibres internationaux, etc.) demandent des années et commandent l'avenir. La préparation prend le pas sur l'exécution. C'est dire qu'il est devenu futile de dépenser des milliards pour une défense nationale dont la valeur future serait incertaine alors qu'il est essentiel d'être renseigné et de prévoir. Ces deux nécessités commandent de mettre aujourd'hui l'accent (et la dépense) sur de puissants organes de renseignements et d'études capables de suivre la conjoncture et de mener la manceuvre d'évolution
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des forces par des décisions calculées prises à temps. C'est là peut-être que gît la réforme la plus urgente et la plus importante si nous voulons rester à la hauteur de notre époque. Je terminerai ce rapide examen par une comparaison qui est à peine une charge : le stratège est analogue à un chirurgien qui devrait opérer un malade en état de croissance constante et extrêmement rapide, sans être sûr de sa topographie anatomique, sur une table d'opération en perpétuel mouvement et avec des instruments qu'il aurait dû commander au moins cinq ans à l'avance...
Conclusions. On voit combien la partie d'échecs de la stratégie peut être complexe : elle se déroule en même temps avec le même nombre d'alternatives au niveau de chacune des stratégies qui doivent se combiner pour une même décision. Un cerveau électronique pourrait aider, mais ne pourrait pas prévoir toutes les possibilités d'action et de réaction au-delà de quelques coups ! C'est ce qui explique que la conduite c scientifique de la stratégie n'ait presque jamais été tentée. Quand elle l'a été - dans la période Napoléonienne notamment 3- c'est parce que les conditions particulières de l'époque permettaient de réduire considérablement le nombre des facteurs en jeu. Dans le cas général, le stratège a dû apprécier à l'estime les facteurs très nombreux qui seraient essentiels et limiter son raisonnement à ces facteurs. C'est ce qui fait que la stratégie est un art, et non une science. Aucun artiste n'a jamais peint un tableau en partant d'une liste complète de règles théoriques. Parfois seulement, il s'est référé à certaines règles pour vérifier si son oeuvré c tenait debout s. Il en est de même pour la stratégie, et c'est ce qui explique qu'on ait pu y commettre tant d'erreurs. d'erreurs.
L'APPLICATION DE LA STRATÉGIE. Napoléon, se référant aux règles de bon sens de la stratégie, a dit que c'était c un art simple mais tout d'exécution ». C'est souligner l'importance de l'application. Il est évident qu'il y faut beaucoup de résolution, une tête froide pour que les décisions restent calculées et une volonté farouche pour maintenir l'effort dans la direction du but visé. Ce sont des qualités rarement réunies, d'où le petit nombre de vrais hommes de guerre, car ils doivent être à la fois penseurs et hommes d'action. Mais sur le plan des idées, l'exécution soulève un problème capital dont l'incompréhension a amené de nombreuses défaites - dont celle de la France en 1940 - je veux parler des rapports entre la stratégie et les tactiques. De même que la stratégie est le moyen d'application de la politique violente, de même les tactiques sont les moyens d'application de la stratégie. C'est dire que les tactiques doivent être subordonnées à la stratégie et non l'inverse. Or de nombreux ouvrages, pour ne prendre que les contemporains, Fuller, Rougeron et Toynbee par exemple, expliquent toute l'évolution de la stratégie par l'évolution des techniques c'est la phalange, la légion, le cataphracte, l'archer Turcoman, la poudre à canon, le fusil à tir rapide, la mitrailleuse, le chemin de fer, le char et la motorisation, l'avion, l'arme atomique, etc... qui ont marqué les grands changements ; donc tout l'effort doit porter sur l'invention des techniques nouvelles et la mise au point des tactiques appropriées. La stratégie qui aura à manier ces tactiques doit être leur subordonnée. Il s'agit là d'un contresens extrêmement grave et d'autant plus dangereux qu'il contient une grande part de vérité, mais une part seulement. 3
Voir l'analyse de la campagne de 1800 en Italie, par Pierre Vendryes (in e De la probabilité en histoire »).
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Ce qui est vrai, c'est que l'avance technique constitue un facteur essentiel de puissance. Tout le monde comprend qu'on ne peut arrêter un char avec des fusils, ni descendre un avion avec des flèches, ou que la supériorité acquise par les Romains par l'armement et la tactique de leur légion leur a permis de conquérir la plus grande partie du Monde antique. Il est bien évident que l'avance technique et tactique confère un avantage considérable à celui qui en bénéficie, et ceci parce que cette avance confère des moyens supplémentaires ou plus efficaces à la stratégie. Mais cette avance peut s'avérer inutile si elle s'emploie au profit d'une mauvaise stratégie. C'est là le point essentiel qu'il faut toujours avoir présent à l'esprit. Souvenons-nous de nos récentes expériences en Algérie par exemple : est-ce que notre armement et notre équipement modernes nous ont permis d'atteindre la décision ? Il n'y a pas en effet de tactique optimum en soi mais toute tactique ne vaut que par rapport à celle de l'adversaire. Nous avons pu constater par exemple que l'avion et le char sont mis en défaut par la guerilla et que l'arme atomique n'a pas permis aux EtatsUnis d'obtenir davantage en Corée qu'un armistice de compromis. Cela veut dire qu'il 5 a quelque chose qui doit dominer la tactique : le choix des tactiques. Si l'on choisit de combattre les chars par une infanterie à pied, comme en 1940, on est certainement battu, de même si l'on choisit de réduire la guerilla par une tactique de fortins, comme le fit un moment Tchang-Kai-Check. Or, le choix des tactiques, c'est la stratégie. C'est la stratégie qui décidera de la forme du conflit, offensif ou défensif, insidieux ou violent, direct ou bien progressif et indirect, si on recherchera la lutte dans le domaine politique ou dans le domaine militaire, si l'on emploiera ou non l'arme atomique, etc. Il eût été insensé pour les fellaghas de rechercher le succès par une épreuve de force dans le domaine financier ou industriel ou par une bataille réglée type 1940 ou 1945. Mais, par contre, il est parfaitement logique qu'ils aient choisi une tactique de guerilla qui ne visait la décision qu'au travers de la lassitude française et en prenant appui sur la conjoncture internationale. C'est cela la stratégie et c'est elle qui doit commander. La stratégie d'ailleurs doit non seulement choisir les tactiques, mais elle doit également orienter l'évolution des tactiques afin que celles-ci puissent jouer leur rôle nécessaire en vue de la décision. C'est ainsi par exemple que la tactique offensive de 1918 trop lente pour réaliser la percée représentait bien une c tactique possible a mais qu'elle ne correspondait pas aux besoins de la décision ; la « tactique nécessaire p du point de vue de la stratégie opérationnelle réclamait une vitesse de progression plus grande, celle que les Allemands ont réalisée en 1940 avec leurs divisions blindées. En acceptant une tactique qui ne rejoignait pas la c tactique nécessaire >, nous nous condamnions à une stratégie militaire stérile. Le rôle de la stratégie est donc de fixer aux techniques et aux tactiques le but vers lequel elles doivent tendre dans leurs inventions et leurs recherches. Alors seulement, l'évolution sera dirigée dans des directions payantes, parce qu'elles viseront l'objectif de la lutte : la décision. CONCLUSIONS. Dans « Siegfried », la pièce de Giraudoux, on voit apparaître de temps en temps des généraux allemands qui sont à la recherche d'une formule générale de la guerre qui serait comme une sorte de pierre philosophale permettant de résoudre tous les problèmes. Cette image est une caricature de la stratégie comme l'alchimie est une caricature de la science. La guerre est un phénomène social trop complexe pour se laisser dominer par n'importe quelle formule simple qui ne soit pas une évidence. Cependant, la science moderne a fini par réaliser les transmutations espérées par l'alchimiste, mais par des voies toutes différentes de celles de l'alchimie. La même science moderne qui découvre actuellement la sociologie se doit de rechercher les moyens de conduire le destin de l'humanité, jusqu'ici abandonné abandonné aux aux empirismes les plus plus sommaires. Dans cette recherche, la stratégie doit constituer l'une des disciplines importantes, car elle est le moyen d'action de la politique internationale et il n'est pas impossible que ses procédés soient applicables dans le domaine de la politique tout court, et même dans tous les domaines où deux volontés s'affrontent.
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Ce n'est que par la connaissance de la méthode et des procédés de la stratégie et par leur emploi conscient que les luttes inévitables pourront être conduites. en faisant l'économie des erreurs qui ont causé l'effondrement de l'Europe. On peut même espérer que grâce à cette maîtrise, nombre de conflits pourront être empêchés ; et même, pourquoi pas, que la connaissance de l'art de la lutte aboutira à l'élaboration d'un véritable art de la paix fondé non plus sur des tendances morales, mais sur des réalités efficaces, comme l'actuelle stratégie de dissuasion. Mais la stratégie n'est qu'un moyen. La définition des qu'elle doit chercher à atteindre est du domaine de la politique et relève essentiellement de la philosophie que l'on veut voir dominer. Le destin de l'homme dépend de la philosophie qu'il se choisira et de la stratégie par laquelle il cherchera h la faire prévaloir.
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CHAPITRE II
STRATÉGIE MILITAIRE CLASSIQUE CARACTÈRE ÉVOLUTIF DE LA STRATÉGIE MILITAIRE. La stratégie militaire classique devrait être la mieux connue. Il n'en est rien, car les règles qui la dirigent ont généralement été obscurcies par certains facteurs contemporains dont l'importance avait paru devoir être permanente, alors qu'ils devaient faire place à d'autres facteurs prépondérants. prépondérants. C'est pourquoi dans ce chapitre on étudiera le problème en se plaçant surtout du point de vue de l'évolution du phénomène, afin d'en dégager les grandes lignes qui seules permettent d'en comprendre le caractère. La guerre militaire classique s'est toujours placée dans le cadre de la guerre totale. II a toujours existé une importante composante économique et financière (pas d'argent, pas de Suisses...). Il y a toujours eu une composante diplomatique évidente (neutralité, coalitions, etc ...). Il y a eu souvent une composante politique considérable de caractère idéologique (les Armagnacs et les Bourguignons, Bourguignons, les Huguenots et la Ligue, les c patriotes ' de l'époque de la Révolution et de l'Empire, les démocraties et le nazisme, etc ...). Cette composante, d'importance variable, a rarement été absente des conflits. Dans ce cadre total, qui correspondait aux préoccupations du gouvernement ou du souverain, le rôle des Armées a été variable. S'il a généralement été prépondérant, il n'a été vraiment décisif que dans certaines périodes favorables et il s'est trouvé réduit dans d'autres occasions à une fonction presque auxiliaire. Cette variation du rôle des Armées tient évidemment d'a bord aux qualités relatives des chefs de guerre en présence, mais aussi -quelles que soient ces qualités - à l'aptitude plus ou moins grande des Forces Armées à obtenir une décision militaire complète. A chaque époque, la stratégie stratégie totale a été été amerrée à utiliser les moyens moyens (économiques, (économiques, diplomatiques, diplomatiques, politiques ou militaires) qui s'avéraient les plus efficaces. C'est pourquoi les Forces Armées n'ont joué un rôle prépondérant prépondérant que lorsqu'elles lorsqu'elles avaient le pouvoir d' entraîner à elles seules la décision. cette te capacité de décision des Forces Armées a profondément varié au cours de l'histoire, en fonction des possibilités opérationnelles du moment qui résultaient de l'armement, de l'équipement et des méthodes de guerre et de ravitaillement de chacun des partis opposés. Or cette variation a été fort rarement escomptée de façon juste. Au contraire, l'évolution a généralement surpris les deux adversaires adversaires qui ont dû, en tatonnant, tatonnant, rechercher les les solutions nouvelles nouvelles menant à la décision. décision. Exceptionnellement, un chef militaire de génie - dont Napoléon demeure le modèle - a su s'assurer une supériorité temporaire par l'avance de pensée, donc de compréhension, qu'il avait su réaliser. Mais cette avance même a fini par enseigner les adaptations nécessaires à l'adversaire et le jeu est redevenu égal au bout d'un certain temps. Ainsi, l'un des éléments essentiels de la stratégie militaire classique a-t-il toujours été de comprendre plus vite que l'adversaire les transformations de la guerre et par conséquent d'être en mesure de prévoir l'influence des facteurs nouveaux. Ceux-ci ont tour à tour permis ou empêché la défense victorieuse des places fortes, la bataille décisive, ou les opérations foudroyantes. Par grandes phases successives, la guerre s'en est trouvée tantôt « courte et joyeuse x, tantôt épuisante et prolongée, tantôt même incapable de résultats substantiels. A chaque changement de phase, les contemporains en ont été désorientés parce que les recettes anciennes avaient perdu leur pouvoir. Mais les recettes nouvelles qui paraissaient répondre définitivement définitivement aux difficultés rencontrées, n'ont toujours eu qu'une efficacité éphémère. C'est donc la pleine compréhension du mécanisme de l'évolution du caractère décisif des Forces Armées qui constitue la clef principale de la stratégie militaire.
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LA STRATÉGIE DE LA BATAILLE. La décision militaire à l'état pur est celle qui résulte de la bataille victorieuse. Le mécanisme de la bataille, sous des formes très différentes se ramène à un schéma relativement relativement simple. En effet, le caractère essentiel de la bataille (terrestre) réside dans l'affrontement de cieux murs humains formés de combattants. Cette disposition en muraille provient de la nécessité pour chaque combattant de voir ses flancs et son dos couverts par des voisins. Chacun couvrant et étant couvert, on aboutit de très bonne heure à constituer des rangs plus ou moins serrés et plus ou moins multipliés en profondeur selon les caractéristiques tactiques du moment. Mais cette protection cesse à l'extrémité du rang, ce qui fait des flancs la partie naturellement vulnérable du dispositif. Cette faiblesse des flancs a conduit d'abord à chercher la décision par le débordement, huis par l'enveloppement du flanc adverse en présentant un front de bataille plus étendu que celui de l'adversaire. Mais comme cette extension du front, sauf quand les forces en présence étaient très inégales, entraînait quelque part l'affaiblissement de la ligne de bataille, on avait également la possibilité d'exploiter cette situation par une action visant la rupture du rang adverse, créant artificiellement artificiellement chez l'ennemi de nouveaux flancs vulnérables. Ainsi, le but de la bataille se ramenait à désorganiser le dispositif cohérent constitué par la muraille de combattants et cette désorganisation désorganisation résultait d'un enveloppement enveloppement ou d'une rupture. Une fois le mur ennemi rompu, la défense était désorganisée. Le danger qui en résultait pour chaque soldat produisait un chic psychologique entraînant la désintégration du lien moral unissant les combattants. L'armée disloquée se transforme en foule d'individus. Sous l'antiquité, cette foule devenait une proie commode pour le vainqueur. C'était le « caedes s, la phase de massacre, dans laquelle le vaincu était passé au fil de l'épée, tandis que le vainqueur ne supportait que des pertes légères. Dans les temps modernes, l'éloignement des combattants a transformé le caedes en déroute, phase de fuite et de poursuite qui empêche la reconstitution de l'armée en un ensemble cohérent. La manouvre de débordement requiert une mobilité plus grande que celle de la ligne de bataille. C'est pourquoi les ailes ont été traditionnellement formées de cavalerie, plus récemment de troupes mécanisées et blindées. La manoeuvre de rupture réclame une puissance offensive supérieure (lui a été réalisée par une bonne combinaison d'éléments de choc (cavalerie cuirassée, éléphants, chars) et de moyens de feux divers (flèches, piluin, pierriers, feux d'infanterie et d'artillerie) disposant d'une mobilité suffisante pour pouvoir rompre le front adverse rapidement. Le choix entre ces deux modes d'attaque a dépendu des circonstances de terrain et de rapport des forces, mais il a aussi été très étroitement commandé par l'efficacité de la technique offensive contre la tactique défensive de l'adversaire. Celle-ci s'est constamment perfectionnée. Fondée à l'origine sur l'escrime à l'arme blanche de chaque combattant du rang, protégé ou non par un bouclier et parfois par un obstacle formé d'un fossé ou de pieux, elle a très tôt comporté l'emploi de nombreux types de projectiles, de la flèche ou la fronde à la baliste, du pistolet au boulet de canon et à l'obus. L'attaque a donc dû s'adapter à ces difficultés par des tactiques appropriées mettant en jeu des feux plus puissants, capables de neutraliser les moyens de feux ,adverses (c'est-à-dire de réduire suffisamment leur efficacité) ou même de détruire la muraille des combattants là où l'on voulait rompre. A certaines époques, les qualités de l'armement ont donné la supériorité à la défense, dans d'autres à l'attaque, ce qui a entraîné des combinaisons combinaisons très différentes. Naturellement, ce schéma de la bataille se complique du fait que l'action d'enveloppement ou de rupture est toujours préparée par une escrime appropriée de feintes et d'usure. L'idée centrale de cette escrime est de fixer les forces adverses, d'ébranler leur moral par la crainte, la fatigue et les pertes, puis de concentrer l'effort sur un point décisif à l'aile ou au centre. Mais l'ennemi dispose normalement de réserves qui lui permettraient de parer ce coup décisif. La préparation doit donc
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amener l'adversaire à dépenser ses réserves, soit en les faisant engager à faux, grâce à une feinte, soit en les usant par le combat. La bataille comporte ainsi une phase de préparation plus ou moins longue suivie d'une phase d'achèvement. Ramenée à l'essentiel, la stratégie de la bataille est donc simple. Ce qui lui rend toute sa complexité, c'est que les combattants sont des hommes et non des machines, même quand ils servent des machines. L'armée est une foule organisée dont le ciment repose sur la discipline et la confiance réciproque. Par conséquent, au-delà de toutes les combinaisons portant a sur les choses matérielles », l'art consiste à savoir renforcer ou maintenir ce lien psychologique dans ses propres troupes et à savoir le distendre chez l'ennemi. L'élément psychologique psychologique est donc prépondérant. prépondérant. C'est lui qui a conduit aux techniques et aux combinaisons les plus diverses, depuis les masques terrifiants et les cris de guerre ou les bombes à sifflet des stukas jusqu'aux manœuvres faites de feintes et de surprises pour produire ce que Napoléon appelait « l 'événement. A dont l'apparition doit entraîner la chute brutale du moral adverse. Cette stratégie de l'événement échappe à toute codification. Parfois, il s adressera au combattant du rang, parfois il ne visera que le chef ennemi, en ruinant sa confiance dans ses propres dispositions. C’est pourquoi la décision militaire pure a été parfois le résultat d’une stratégie supérieure supérieure sans que la bataille ait été sérieuse. Mais ce schéma est essentiellement terrestre. Sur mer ou dans les airs, l'élément psychologique joue moins parce parce que le lien lien entre les combattants combattants est assuré par le matériel matériel : on ne peut peut abandonner abandonner ni son bateau, ni son avion. De ce fait, en stratégie maritime et aérienne le facteur matériel a été généralement prépondérant : les considérations de vitesse, de maniabilité, de portée, de protection ou de poids de la bordée sont normalement décisives. Aussi, au lieu de rechercher comme sur terre la désorganisation, on devra viser la destruction physique. La marine compte en bâtiments coulés, l'aviation en avions détruits. Le corollaire de cette loi est que le combat sera le plus souvent refusé lorsque la partie n'est pas égale. Il en résulte que la supériorité matérielle entraînera une dissuasion importante par sa simple existence « in being ». Une autre différence importante des stratégies aérienne et maritime, c'est qu'il n'existe pas sur mer et dans les airs l'équivalent du « terrain a, avec toutes ses diversités. S'effectuant sur une surface unie ou dans l'espace avec comme seuls accidents le vent, le soleil et les nuages, la bataille y prend un caractère beaucoup plus schématique que sur terre. Enfin, la notion de rang qui est prédominante sur terre n'a joué en mer qu'un rôle passager et n'a jamais pu s'appliquer dans les airs. La bataille aérienne, somme d'actions individuelles, s'est ordonnée en fonction de l'usure matérielle de l'adversaire par la destruction au sol ou dans les airs. Elle diffère donc profondément de la conception de la bataille terrestre. On peut noter à cette occasion que cette différence fondamentale exerce de nos jours une influence importante sur les concepts relatifs à la guerre. La stratégie terrestre fondée sur la désorganisation recherche la décision par les combinaisons et la manoeuvre La stratégie aérienne vise uniquement la destruction physique et raisonne en très grande partie sur des potentiels. Ces deux concepts s'opposent et se combinent dans nos idées sur la guerre moderne. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
LA STRATÉGIE DES OPÉRATIONS O PÉRATIONS TERRESTRES. Dans la guerre militaire, la bataille ne représente qu'un moment, un aboutissement. Les forces qui doivent s'y affronter doivent d'abord se mettre à portée de combattre et naturellement elles cherchent à engager la bataille dans les conditions les plus favorables. L'ensemble des dispositions et des maneuvre qui en résultent constituent les « opérations ».
Le mécanisme des opérations Les opérations comme la bataille, et peut-être plus encore que la bataille, ont subi une évolution très importante à mesure que l'équipement et l'armement 'des troupes se modifiaient. D'autres
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facteurs, comme l'étendue du théâtre par rapport au volume des forces et à la mobilité, ou comme le terrain, contribuent à diversifier encore davantage l'aspect des opérations. 1° Phase : Opérations et bataille distinctes et indépendantes. indépendantes.
Dans une première phase qui a duré de l'Antiquité à la fin du 18,1 siècle, les opérations ont été entièrement distinctes de la bataille. C'est qu'en effet pendant cette longue période l'armement ne conférait qu'une faible capacité de résistance à un détachement isolé. Pour se déplacer en sécurité, l'armée devait rester groupée. Comme son volume était modeste, elle ne constituait qu'un point dans l'espace à la recherche de l'autre point représenté par l'armée adverse. Comme en outre l'emploi de ces forces ne pouvait se faire qu'après avoir rangé les troupes « en bataille », c'est-à-dire après un certain délai allant de quelques heures à une journée entière, les deux armées, lorsqu'elles se rencontraient rencontraient pouvaient toujours refuser la bataille en se retirant. On offrait la bataille ou l'on acceptait la bataille offerte par l'adversaire, ou bien l'on se dérobait. C'est ce qu'on a appelé « la bataille par consentement consentement mutuel ». Les opérations avaient alors pour but de forcer l'adversaire à accepter la bataille dans des conditions désavantageuses pour lui. On recherchait le résultat en envahissant son territoire et en le ravageant. Pour limiter ce moyen d'action, la défense eut recours à un système de places fortes formant un échiquier au milieu duquel se mouvaient les armées. L 'agresseur en vint alors à obliger le défenseur à livrer bataille en mettant le siège devant des villes importantes et en menaçant de s'en emparer. Cette guerre de campagne sur réseau (le places fortes a été le dernier mot de l'art, notamment au 17e siècle. Les reproches de pusillanimité qui lui ont été faites ultérieurement ne reposent sur aucune réalité. C'était évidemment lit seule solution possible dans les conditions de l'époque. Comme d'autre part les résultats de la bataille étaient toujours hasardeux et pouvaient mettre en cause non seulement les résultats de la campagne mais aussi le capital considérable représenté par les armées, chaque général s'efforçait de n'accepter la bataille que lorsqu'il lui paraissait avoir une quasi-certitude de victoire, soit par une grande supériorité numérique, numérique, soit par de grands avantages de terrain. Il en résultait des campagnes prolongées, coupées de sièges et peu décisives. Cette conception, répétonsle, parfaitement logique, est exprimée très clairement par le Maréchal de Saxe dans ses « Rêveries ». c Je ne suis pas pour les batailles et je suis persuadé qu'un habile général pourrait faire (la guerre) toute sa vie sans s'y voir obligé. 11 faut donner de fréquents combats et fondre l'ennemi petit à petit. Rien ne le réduit tant que cette méthode et n'avance plus les affaires... Je ne prétends point dire cela qu'on n'attaque pas l'ennemi quand on a l'occasion de l'écraser, mais je veux dire qu'on peut faire la guerre sans rien donner au hasard (de la bataille), et c'est le plus haut point de perfection et d'habileté d'un général n. Tels étaient le but et le caractère des opérations anciennes, où l'on a voulu voir à tort des préoccupations de guerre en dentelle ou de prudence de cabinet. 2° phase : Opérations et bataille distinctes mais liées.
Cependant, vers vers la fin du 18e siècle, les les meilleurs esprits esprits militaires (Puységur, Folard, Guibert, ce dernier surtout) avaient l'intuition que l'armement nouveau pourrait rendre possible une forme d'opérations d'opérations plus décisive. En effet, le développement du fusil procurait une puissance de feu accrue qui avait permis l'ordre de bataille dit mince (sur trois rangs) lequel avait conduit à l'extension de plus en plus grande de lignes fortifiées qui avaient fini par paralyser les opérations. Les guerres traînaient, interminables. Laugmentation de la puissance du feu conférait maintenant à un détachement isolé la possibilité d'offrir une résistance d'une certaine durée. L'armée pouvait donc se fractionner pour se déplacer, voire pour vivre sur le pays. Ce fut le a principe divisionnaire s conçu par la génération des encyclopédistes et dont les possibilités allaient produire une révolution dans les opérations. Guibert appelait de ses voeux « un nouvel Alexandre » pour appliquer ses théories. Ce fut Napoléon, qui comprit le premier tout le parti que l'on pouvait tirer des possibilités nouvelles.
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Son système d'opérations reposait sur une distinction absolue entre le dispositif opérationnel dispersé et formant formant un large filet et le dispositif de bataille concentré. concentré. L'adversaire, L'adversaire, manoeuvrant manoeuvrant à l'ancienne mode restait plus ou moins groupé. Napoléon par son large filet l'empêchait de prévoir son point futur de concentration, l'aveuglait et le paralysait. Il pouvait alors l'encercler s'il restait fixe (comme à Ulm) ou mieux encore le contourner et venir se placer sur sa ligne de communication pour le forcer à la bataille à fronts renversés (comme à Iéna). De toute façon, l'ennemi ne pouvait plus se dérober et devait accepter la bataille, même à son désavantage. Les opérations dans cette phase commandent la bataille. La guerre redevient décisive, foudroyante. La technique des opérations napoléoniennes est essentiellement cinématique et logistique. Il s'agit toujours de calculs de mouvements permettant les concentrations, les appuis réciproques et les enveloppements, et de calculs logistiques permettant ces mouvements. Comme en outre, Napoléon dispose d'une armée parfaitement « rodée » sur le plan tactique, t actique, donc spécialement apte à s'engager rapidement rapidement ou à se dégager, dégager, sa stratégie opérationnelle opérationnelle lui donne victoire sur victoire. Mais l'adversaire apprend peu à peu les règles du jeu. Il devient de moins en moins ponctuel et finit par présenter, lui aussi, des dispositifs opérationnels en filet couvrant une large partie du théâtre. d'opérations. d'opérations. La manceuvre napoléonienne napoléonienne devient de plus en plus difficile jusqu'à ce que l'infériorité des moyens français entraîne la défaite. Les enseignements tirés de la stratégie opérationnelle opérationnelle de Napoléon ont souvent été faussés par le fait que l'on a cru voir dans ses manoeuvres un recueil de recettes absolues, alors que celles-ci n'étaient applicables que dans les conditions du moment. La perfection extraordinaire des calculs de l'Empereur ne doit pas abuser : il bénéficiait surtout d'une grande avance de pensée sur ses adversaires et cette avance était encore valorisée par l'ambiance politique dans laquelle les Armées françaises combattaient sous le signe des idées de la Révolution. Presque partout (en Italie, en Allemagne) des « patriotes a venaient renforcer renforcer notre action. Quand il n'y en eut plus, en Espagne et en Russie, les risques que comportait ce type d'opérations sont devenus trop grand.. En fait, personne depuis Napoléon n'a pu reproduire ses schémas. 3e phase : Opérations et bataille confondues.
Une autre raison, encore plus décisive, est que l'accroissement de la puissance du feu, qui un moment avait permis ces solutions les a rendues impossibles en se poursuivant. En effet, au 19e siècle, l'augmentation de la puissance du feu et des effectifs des Armées conduit à rendre le dispositif de marche de plus en plus capable de se transformer rapidement en dispositif de bataille. L'ancien dispositif de marche en large filet de colonnes parallèles devient maintenant maintenant un « front >, dispositif de marche et de bataille devenu suffisamment dense pour former un mur humain presque continu. A la fin de l'évolution, opérations et bataille sont confondues. L'ancien art des opérations -dans le sens que lui donnaient le Maréchal de Saxe et Napoléon -disparaît. Par contre, la stratégie de la bataille s'élève au niveau des opérations. Comme la capacité défensive des fronts s'est fortement accrue avec la puissance du feu, l'action de rupture est devenue difficile. L'essentiel des opérations consiste donc à réaliser l'enveloppementl'enveloppement- des ailes découvertes découvertes (Woerth, Sedan, Moukden, Moukden, plan Schlieffen) par un front plus large que celui de l'adversaire. Les fronts s'amincissent et s'étendent d'autant plus que l'armement à bon marché, la conscription et les chemins de fer permettent de mettre sur pied et d'entretenir des armées de plus en plus nombreuses. Alors se produit un phénomène phénomène dont le sens échappe aux contemporains contemporains : l'action de débordement n'était décisive que lorsqu'elle pouvait être réalisée rapidement, avant le repli adverse ou l'intervention de réserves. Ceci a été le cas tant que les fronts sont restés de dimensions modestes et que les réserves n'étaient pas plus rapides que la masse enveloppante. Mais lorsqu'en 1914 le front a une étendue de 300 kms et que le plan Schlieffen Schlieff en prétend en réaliser l'enveloppement par une aile marchant à pied, la maneuvre perd toute efficacité : le front débordé se dérobe facilement par un repli et les réserves, transportées en chemin de fer, reconstituent à Paris une masse capable de déborder l'aile enveloppante. C'est la bataille de la Marne. Mais l'ennemi peut
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lui aussi se dérober par un repli. Conformément aux procédés de l'époque, il répond par un nouveau débordement qui sera lui-même débordé. C'est la course à la mer qui consacre l'échec définitif de la manceuvre d'enveloppemen d'enveloppement. t. Le front, f ront, maintenant étendu de la Suisse à la mer du Nord se stabilise. L'ère cinématique des opérations s'achève. 4e phase : Front de bataille égal au théâtre d'opérations.
Cette stabilisation des fronts couvrant la totalité du théâtre d'opérations constitue une surprise complète pour les deux adversaires. Cependant cette situation s'était déjà annoncée pendant la' guerre de Sécession et en Mandchourie Mandchourie où la fortification de campagne avait été très employée, mais où l'existence d'ailes découvertes avait quand même permis d'avoir recours au débordement. Le phénomène du « front continu > et statique résultait de la puissance défensive considérable dont disposait maintenant une infanterie armée de mitrailleuses, couverte de fils de fer et protégée dans des tranchées, ainsi que des effectifs énormes engagés dans la guerre. Puisqu'il n'y a plus d'enveloppement possible, les opérations - bataille se ramènent alors à rechercher la rupture du front, rupture dont on espère qu'elle permettra de reprendre les opérations mobiles. Ce n'est plus un problème de mouvement, semble-t-il, mais un problème de puissance. Il faut réunir des armements suffisants (« des canons, des munitions » pour détruire le front ennemi puis exploiter cette brèche par des masses d'infanterie. Mais de même que les enveloppements avaient échoué parce que l'aile enveloppante manquait de vitesse, de même les rup tures échouent parce que l'attaque, faite à pied, progresse moins vite que les réserves n'affluent par chemin de fer et par camions. Ces attaques s'enlisent donc dans des « poches », au grand désappointement des EtatsMajors qui n'ont pas compris l'importance l'importance et l'influence l'influence possible de la mobilité mobilité tactique. Faute de réaliser « la percée », les opérations se fondent sur l'usure (Verdun, la Somme) par laquelle on se flatte de consommer les réserves ennemies. Foch enfin, enfin, conçoit une manoeuvre par martèlement martèlement qui lui permet de combiner l'action de poches successives. Mais ce martèlement martèlement de la bataille de France demande des moyens énormes. Les opérations, la « stratégie » comme on dit à l'époque, se ramène à une lourde dynamique de forces. C'est avec cette doctrine que nous abordons 1940. 5e phase : La bataille prépare les opérations.
La campagne de 1940 en voit l'effondrement. Le facteur tactique nouveau constitué par le couple char-aviation, opposé à nos fronts linéaires et statiques, réalise partout la rupture rapide, parce que justement la mobilité tactique de l'attaque atteint enfin un niveau suffisant par rapport à la mobilité stratégique des réserves. Ce niveau permet le retour à « la guerre de mouvement ». La courte phase dynamique des opérations qui a consisté à mettre en place et à engager les forces de rupture est suivie d'une phase d'exploitation de la bataille qui s'avère décisive par ses pénétrations et ses enveloppements. enveloppements. Curieusement, le schéma du 18e siècle est inversé : c'est la bataille qui précède et prépare les opérations opérations décisives. Le facteur mouvement reprend reprend toute son importance. Mais la suite de la guerre corrige un peu cette évolution à mesure que la tactique défensive rend la rupture moins facile. En Russie, comme sur les fronts occidentaux, les opérations consistent en une succession de batailles et d'exploitations où tour à tour dominent les forces et les mouvements. Sauf peutêtre en Libye où les forces sont très réduites par rapport à l'espace, on ne constate plus d'opérations d'opérations du type t ype mouvement pur comme au 18e siècle. Opérations et bataille restent mêlées. En même temps, la dernière guerre mondiale voit la première application d'un nouveau concept d'opérations : la décision par l'usure produite par les forces aériennes. Ce concept est né en Italie chez Douhet, vers 1930, de la constatation de l'impuissance des forces terrestres à réaliser la décision. La tactique de l'époque et la frontière des Alpes paralysaient en effet l'action des forces terrestres. En 1941, l'Angleterre dans son île était dans une situation analogue. La R.A.F. reprit la théorie de Douhet, bien qu'à ce moment, comme on l'avait vu en 1940, la décision terrestre fût facile. Le « bomber command », bientôt renforcé d'Américains, entreprit d'écraser l'Allemagne sous les bombardements. Avec des moyens énormes, l'usure fut terrible, mais non décisive à elle seule. Comme en 1918, la décision sortit d'une suite de batailles terrestres ou aéroterrestres, aidées par l'usure du blocus et des bombardements aériens. 27
6' phase : Front de bataille inférieur au théâtre d'opérations.
Après la guerre, apparaît l'arme atomique dont il ne sera pas question ici. Mais sur le plan purement classique, un autre phénomène s'impose à l'attention : la réduction importante du volume des forces à cause de l'accroissement considérable du prix des équipements modernes, concurremment avec les dépenses causées par la préparation de la guerre nucléaire. De ce fait, avec des moyens beaucoup plus mobiles que par le passé, les forces terrestres se retrouvent devant le dilemme d'avoir à se diluer dans des espaces trop vastes pour elles ou de se concentrer (relativement) sur des fronts plus étroits en acceptant des intervalles ou bien en présentant des ailes découvertes. Ce dilemme n'a reçu jusqu'à présent que des solutions semble-t-il incomplètes : faute de moyens techniques permettant une bonne surveillance de jour et de nuit sur de vastes fronts sans y engager des forces importantes, la solution de la dilution paraît inévitable, mais ne laisse subsister que des points de force insuffisants : la solution consistant à accepter que le front d'opérations soit inférieur à l'étendue du théâtre est également dangereuse à cause des grandes mobilités actuel les par moyens motorisés ou aérotransportés. Un compromis entre ces deux solutions sera sans doute nécessaire. Mais ce que l'on peut conclure de l'étude de l'évolution passée, c'est que cette situation entraînerait (en guerre classique, non atomique) l'impossibilité de toute stabilisation des fronts du type 1914-1918, donc une très grande instabilité stratégique. La manoeuvre servie par les grandes mobilités modernes (dûes au moteur et aux transmissions) y jouerait un rôle accru. La décision pourrait être extrêmement rapide. Enfin, l'existence des moyens aériens et aéroportés donnerait à la bataille terrestre une grande profondeur. La bataille se déroulerait en surface et non plus le long d'un front.
Conclusions. La rapide analyse qui précède permet de tirer quelques conclusions utiles 1. L'essence des des opérations a évolué entre entre deux pôles pôles extrêmes : les mouvements mouvements et les forces, forces, avec des dosages intermédiaires très variables. 2. Cette évolution a été commandée commandée en très très grande partie par l'évolution des des facteurs tactiques. tactiques. Ces facteurs tactiques, liés à l'armement, à l'équipement et aux procédés de combat paraissent pouvoir se ramener aux suivants -
la capacité offensive, la capacité défensive, la mobilité « stratégique » (en dehors du combat), la mobilité'« tactique » (au combat).
C'est la variation relative de ces quatre facteurs qui a conduit à la diversité des solutions opérationnelles.
3. L'évolution L'évolutio n a été également commandée par le volume des forces comparé à l'espace des théâtres d'opérations. d'opérations. 4. Lorsque les opérations opérations n'ont pas eu eu un caractère décisif décisif elles ont dérivé vers vers un concept d'usure qui a entraîné des efforts de guerre considérables et l'épuisement réciproque des belligérants. 5. Selon la valeur relative relative des facteurs ci-dessus, ci-dessus, les opérations opérations ont été tour à tour mobiles et et peu décisives, mobiles et très décisives, traînantes ou stabilisées. Toutes ces modifications se sont produites à la surprise des contemporains parce qu'à chaque époque on a cru que les caractères de la stratégie opérationnelle opérationnelle que l'on pratiquait resteraient resteraient les mêmes, alors qu'au contraire, ils ont constamment varié.
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Cette dernière considération montre l'extrême importance qui s'attache à comprendre le mécanisme de la stratégie opérationnelle afin de ne pas être surpris par ses transformations et si possible de pouvoir les apprécier plus correctement que l'adversaire et en avance sur lui.
LES OPÉRATIONS ET L'ATTITUDE STRATÉGIQUE. Le mécanisme des opérations possibles, à chaque phase de l'évolution, détermine le cadre du jeu stratégique à une époque donnée. A l'intérieur de ce cadre, le commandement militaire doit déterminer le genre de manouvre par lequel il entend réaliser les tâches que la politique lui a assignées. Cette manceuvre dépend évidemment des rapports existants entre la mission reçue, la force de l'ennemi, celle de ses propres troupes et le terrain. Les missions qui peuvent être fixées aux Forces Armées peuvent peuvent se ramener ramener aux familles familles suivantes : - conquérir un territoire territoir e ou interdire un territoire territoi re à l'ennemi. - Détruire les forces adverses ou les user. - Aller vite ou gagner du temps. Compte tenu des possibilités offertes sur les plans tactique et opérationnel par les conditions et l'armement du moment, l'ac tion à entreprendre apparaît plus ou moins facile ou difficile et elle ne dispose que d'un clavier limité. Le choix qui s'impose alors au commandement relève dé la stratégie, dont on a vu l'analyse au premier chapitre. Ce choix conduira à définir l'attitude stratégique de la campagne. On ne reviendra pas ici sur toutes les complexités de la décision stratégique, déjà examinées examinées plus haut. On se limitera à examiner sommairement les solutions principales employées jusqu'ici dans le jeu stratégique. stratégique. 1. - Lorsqu'existent Lorsqu'existent des moyens moyens supérieurs supérieurs et une une capacité offensive suffisamment suffisamment assurée, assurée, la campagne visera offensivement la bataille décisive. C'est la stratégie offensive d'approche directe où doit se réaliser la concentration du maximum de moyens visant la masse principale ennemie. 2. - Lorsque la supériorité supériorité est moins moins évidente et et surtout lorsque lorsque les données données tactiques tactiques font de de l'offensive un moyen moins efficace, deux solutions apparaissent : -
soit d'user d'user l'adversaire l'adversaire par une une défensive défensive exploitée exploitée par par une une contre-offensive. contre-offensive. C'est la stratégie directe défensive offensive. soit de dérouter l'adversaire par une une action offensive excentrique excentrique avant de de chercher chercher à le battre. C'est la stratégie directe d'approche indirecte.
3. - Lorsque les moyens militaires sont insuffisants pour pour atteindre atteindre le résultat résultat escompté, l'action militaire ne joue plus qu'un rôle auxiliaire dans le cadre d'une manceuvre de stratégie totale sur le mode indirect où la décision résultera d'actions politiques, économiques ou diplomatiques convenablement convenablement combinées. Dans cette action militaire auxiliaire, les forces militaires pourront suivant le cas mener des opérations limitées représentant une épreuve de force locale ou bien user l'ennemi par la guérilla, ou même participer à la décision par leur simple menace.
LES OPÉRATIONS ET L'ESCRIME STRATÉGIQUE. L'attitude stratégique étant définie, il reste à mener à bien l'exécution du plan. Comme l'adversaire voudra également également faire jouer son plan, il en résultera une opposition dialectique, chacun cherchant à faire prévaloir sa volonté. Nous avons vu plus haut (1) les concepts théoriques qui correspondent à ce duel. Mais l'application de ces concepts va varier à chaque époque, et l'escrime stratégique prendra des aspects si différents qu'ils en deviendront méconnaissables.
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En effet, selon les époques, le duel ressemblera à un duel alerte avec des épées légères, à un duel au sabre avec des armes trop lourdes, voire à un duel avec des massues presque impossibles à manier, voire encore à une lutte à mains nues. Bien plus, le duel sera souvent inégal, comme dans les combats de gladiateurs, c'est-à-dire opposant l'épée légère (Napoléon) à un sabre trop lourd (Mack) ; ou l'homme à mains nues (peuples coloniaux) à un homme armé d'une dague (guerres coloniales). Comme dans un cinéma à vitesses variables, les antagonistes paraîtront tantôt sautiller, tantôt réagir avec une majestueuse lenteur. Or chacune de ces caractéristiques nouvelles résultera directement des possibilités opérationnelles et logistiques de l'époque, utilisées plus ou moins complètement complètement par Inintelligence des chefs opposés. Dans une préface écrite vers 1934, le général Gamelin expliquait qu'entre le plan 17 de 1914 qui prévoyait une offensive en direction des Ardennes et l'achèvement de la bataille de France en 1918, il y avait une complète similitude de conception, mais qu'entre les deux s'était produite l'adaptation des moyens aux fins de la stratégie : la stratégie disposait enfin des moyens qui rendaient possible sa manoeuvre Cette vue qui ne repose que sur une analogie géographique montre toute l'erreur qui consiste à assimiler deux actions militaires apparemment semblables et se déroulant sur un même terrain, mais à des moments différents de l'évolution et dans des circonstances différentes. Le coup offensif en direction des Ar dennes de 1914 était une folie : a) la faible capacité offensive de cette époque vouait l'action à l'insuccès ; b) le terrain était défavorable ; c) en s'avançant au centre en présence d'une aile droite allemande non contenue, on s'offrait à l'enveloppement. La situation de 1918 inverse deux de ces trois facteurs : le terrain reste défavorable mais a) la capacité offensive est devenue considérable ; b) l'ennemi est fixé partout, ses réserves sont usées et en s'avançant au centre, on menace d'envelopper toute l'aile droite allemande. De plus, la comparaison entre 1914 et 1918 fait ressortir l'extraordinaire l'extraordinaire mobilité des forces en 1914 et l'extrême lourdeur de celles de 1918. C'est dire que dans l'intervalle de quatre années, les règles de l'escrime stratégique se sont complètement modifiées. On assistera à des transformations encore plus profondes entre 1918 et 1940 et même entre 1940 et 1945. Toutes ces considérations montrent la difficulté essentielle de l'art militaire, sa variabilité. Dans le passé, tout se raisonne et s'explique, au besoin avec une composante importante de hasard. Dans le présent futur, où se meut nécessairement toute conception stratégique, il faut à la fois s'appuyer sur l'expérience passée et inventer l'adaptation de cette expérience aux moyens nouveaux. Toute innovation constitue un risque majeur, mais toute routine est perdue d'avance. Dans ce domaine conjectural et terrible, la clef du raisonnement doit être recherchée dans les transformations transformations de la stratégie st ratégie opérationnelle. opérationnelle.
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CHAPITRE III
STRATÉGIE ATOMIQUE La stratégie. atomique - ou plutôt l'application par la stratégie des conséquences de l'arme atomique - a produit d'importants bouleversements bouleversements dans la conception d'emploi des forces en vue de la guerre ou du maintien de la paix. II est intéressant de démonter le mécanisme par lequel les changements se sont produits. On pourra ainsi mieux mesurer l'importance de ces bouleversements et peut-être tenter de prévoir les aboutissements possibles de l'évolution en cours.
IMPORTANCE ET ORIGINALITÉ DE L'ARME ATOMIQUE. L'arme atomique, servie par les moyens modernes de c livraison », n'est pas comme on l'a quelquefois proclamé inexactement inexactement a qu'une arme comme les autres mais seulement plus puissante ». Par sa puissance d'abord, elle est hors de proportion avec tout ce que nous avions connu. Une bombe atomique moyenne de 20 KT produit une force explosive égale à celle d'une salve de 4 millions de canons de 75. Une bombe thermonucléaire moyenne moyenne de 1 MT représenterait représenterait une salve de 4 200 millions de canons de 75 ! Or cette puissance énorme dont l'efficacité est encore multipliée par les retombées atomiques 5 est déclenchée et placée par quelques hommes seulement. C'est une révolution extraordinaire. Comme d'autre part la portée des vecteurs tend à rejoindre la valeur du demi méridien terrestre, cette arme va pouvoir atteindre n'importe quel objectif sur le globe terrestre avec une précision remarquable; actuellement, nous ne sommes qu'au quart de méridien, ce qui veut dire qu'une seule arme couvre de sa menace tout l'hémisphère dont elle est le centre. Du fait de cette double caractéristique (puissance et portée) l'arme atomique produit un phénomène entièrement nouveau: il n y a plus de rapports entre la puissance et la masse. Hier encore, il fallait 1 000 avions pour détruire Hambourg et tous les canons d'une armée pour détruire Berlin, aujour-d'hui chacune de ces destructions pourraient être réalisée par une seule mission individuelle. D'autre part, cette puissance de feux extra-ordinaire a une mobilité presque totale, qui contraste avec la lourdeur des masses armées et qui permet d'atteindre n'importe quel point du territoire. La défense des frontières par le mur humain que consti-tuent les armées s'avère impuissante à protéger le pays contre la destruction physique ou (infection nucléaire. Les forces armées traditionnelles apparaissent ainsi complètement inutiles - au moins en première analyse.
LES MODALITÉS DE LA STRATÉGIE ATOMIQUE Pour se protéger de ce danger sans précédent, il n'existe semble-t-il que quatre types de protection possibles - la destruction préventive des armes adverses (moyen offensif direct), - l'interception des armes atomiques (moyen défensif), - la protection physique contre les effets des explosions (moyen défensif), - la menace de représailles (moyen offensif indirect). Ces quatre directions ont été exploitées concurremment avec des fortunes diverses et ont fini par se combiner dans des formules stratégiques très compliquées.
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En outre, en explosions très hautes, la zone incendiée peut atteindre plu-sieurs dizaines de milliers de km'. Ces retombées - dans le cas des explosions basses - entraînent des zones d'infection qui peuvent atteindre plusieurs milliers de km'. 5
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1. - La destruction préventive, sinon des armes atomiques, atomiques, difficiles à situer, du moins des moyens de production et de lancement, a paru d'abord la meilleure formule : la supériorité américaine était considérable et les moyens de lancement adverses constitués par des avions liés à des bases aériennes très repérables, permettaient d'escompter la destruction de la presque totalité des moyens ennemis. Une tactique de destruction était mise au point, fondée sur un bon plan de feux atomiques et prévoyant l'attaque de chacun des objectifs connus. Mais cette situation favorable dura très peu de temps : les objectifs se multipliaient à cause de l'augmentation l'augmentation des moyens de l'adversaire et de la tactique de dispersion qu'il développait ; bien plus, nombre d'objectifs ne pouvaient être connus a l'avance en raison des mesures de dispersion prises à l'alerte sur des terrains sommairement équipés, mal connus ou pas connus du tout. En outre, la politique pacifique proclamée par l'OTAN permettait difficilement de prendre l'initiative du déclenchement des actions de bombardement. Ce déclenchement ne pouvait donc être envisagé que comme une riposte et il faudrait subir la première attaque ennemie. ennemie. Ceci enlevait à la destruction des moyens adverses son caractère préventif, ce qui conférait une importance capitale aux autres types de protection, l'interception, la protection physique contre les effets des explosions et la menace de représailles que l'on va examiner un peu plus loin. Mais en même temps l'étude du problème de la destruction des forces permettait de conclure à l'intérêt primordial primordial de l'attaque par surprise : à partir d'un certain niveau de moyens, une telle attaque ennemie pourrait nous causer des destructions si graves que notre riposte en serait rendue problématique. Ce problème du « Pearl Harbor » atomique a hanté les états-majors pendant des années et a conduit à bâtir une tactique « antisurprise antisurpri se » qu'on verra à propos des autres types de protection et qui est devenue très efficace. Quant à la valeur de la riposte, il fallait qu'elle soit maintenue à une efficacité probable suffisante pour supprimer si possible et au moins réduire sensiblement la capacité de destruction adverse. Or la multiplication des moyens de lancement et l'apparition des fusées augmentent considérablement la difficulté du problème; toute une école prétend même qu'une tactique « contre forces » 6 est vouée à l'insuccès. La vérité est qu'il est devenu impossible de tout détruire, mais que d'autre part, il serait extrêmement dangereux de laisser subsister une fraction importante des forces adverses. Au minimun, on pourra toujours détruire les moyens très vulnérables comme des avions anciens et les radars qui constituent une partie importante des possibilités adverses. Bien que l'on soit aujourd'hui assuré qu'une tactique « contreforces » n'aurait qu'une efficacité partielle, son application est toujours considérée comme nécessaire, ce qui entraîne à multiplier les moyens de lancement. Comme d'autre part un grand nombre d'objectifs est situé dans les pays satellites où l'on veut s'efforcer de limiter les destructions aux installations militaires, la « tactique de destruction » doit être très précise et écarter l'emploi des explosions de très grande puissance. Tout ceci conduit à des programmes très onéreux. C'est pourquoi, en fin d'évolution, certains ont remis en avant l'idée d'une action réellement préventive dont le rendement serait bien plus grand, tant du fait que l'on n'aurait pas encore subi les pertes de la première bordée ennemie que du fait que l'adversaire, non encore alerté et dispersé, subirait des destructions plus grandes. Pour concilier d'une façon plus ou moins convaincante - la conception de cette action préventive avec celle, toute politique, d'une renonciation à l'agression, cette action préventive a reçu le nom particulier de « préemptive », en soulignant qu'elle ne serait déclenchée que si et quand des indices sûrs permettraient de prévoir l'imminence d'une attaque ennemie. Quoi qu'il en soit, la protection complète par une destruction préventive des moyens adverses apparaît terriblement problématique 7. Son action serait indispensable au cours d'un conflit mais avec des résultats seulement partiels. L'emploi des autres moyens de protection s'impose donc. 6
Couramment appelée « Stratégie » contre-forces. Il s'agit en réalité d'une modalité d'application de la Stratégie, donc d'une tactique. 7 Cette conclusion nécessaire (surtout par exemple, avec le développement des sous-marins) ne contredit pas la théorie américaine récente qui préfère annoncer une tactique contre-forces qu'une tactique contre-cités. Ce point sera repris à propos de la dissuasion.
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2. - L'interception des armes atomiques est apparue assez vite comme pouvant être l'élément clef de la stratégie nouvelle. Que la valeur de l'interception devienne absolue de notre côté et il n'y aurait plus besoin d'action préventive - si dangereuse politiquement - ni de protection physique et la menace de représaille adverse perdrait tout pouvoir. Mais cet objectif idéal est très difficile techniquement à réaliser et à maintenir. Dans la course technologique gigantesque qui s'ouvre entre l'interception et la pénétration, à chaque progrès de l'interception répondra un nouveau progrès de la pénétration. Ainsi se développe en temps de paix une nouvelle forme de stratégie, à peine ébauchée dans les conflits antérieurs par ce qu'on avait appelé « la course aux armements ». Cette stratégie ne livre pas de batailles mais cherche à surclasser les performances des matériels adverses. On lui a donné le nom de « stratégie logistique » ou de « stratégie génétique ». Sa tactique est industrielle, technique et financière. C'est une forme d'usure indirecte qui, au lieu de détruire les moyens adverses se contente de les déclasser, entraînant par là des dépenses énormes. C'est ainsi que les radars de la bataille d'Angleterre ont permis la première victoire aérienne défensive de l'histoire. Mais les avions volant à grande altitude ont déclassé tous les radars et tous les canons antiaériens. Puis les engins sol-sol ininterceptables ont déclassé les avions liés à des bases fixes et vulnérables, tandis que les engins sol-air rendaient leur interception très probable. Mais les engins air-sol permettent aux avions d'atteindre leur objectif en se tenant hors de portée des engins sol-air de la défense aérienne et l'interception des engins sol-sol apparaît maintenant possible, etc. Ainsi se joue une guerre silencieuse et apparemment apparemment pacifique mais qui pourrait s'avérer s'avérer décisive à elle seule. Cependant la course n'est jamais finie et l'interception, avec des hauts et des bas, reste problématique. 3. - Peut-on alors réduire les effets des feux atomiques d'une façon satisfaisante par une protection physique ? Avant l'existence de l'arme thermonucléaire, des solutions étaient apparues possibles enfouissement, dispersion, mobilité, protection par des ouvrages de béton, etc. Aucune de ces solutions ne procure de protection absolue, mais le rendement des tirs serait assez considérablement réduit (dans le cas le meilleur, près de 25 fois). Avec l'arme thermonucléaire, la protection conserve sa valeur relative, mais la puissance de l'attaque s'accroît tellement qu'il est difficile d'espérer réaliser une protection suffisamment efficace. D'autre part, il faudrait y consacrer des sommes astronomiques et beaucoup concluent à la nécessité de mettre tout l'effort sur les moyens offensifs et sur leur capacité de pénétration. pénétration. 4. - C'est qu'en effet, au-delà de tous ces procédés défensifs de valeur variable et incertaine, il n'existe de véritable protection que dans la menace de représailles. Pour cela, il faut posséder une « force de frappe » 8d'une puissance suffisante pour détourner l'adversaire l'adversaire d'employer la sienne. C'est la stratégie de dissuasion sous sa forme initiale la plus simple on cherche à atteindre directement la volonté de l'adversaire sans passer par l'intermédiaire d'une épreuve de force. Sous cette idée générale on va voir se développer une stratégie de plus en plus complexe et de plus en plus subtile.
LA STRATÉGIE DE DISSUASION La dissuasion nucléaire La dissuasion repose d'abord sur un facteur matériel : il faut avoir une grande puissance de destruction, une bonne précision et une bonne capacité de pénétration. On a vu à propos de 8
Traduction trop littérale de " striking force ». En réalité, le terme convenable aurait dû être « Force offensive » ou « Force d'attaque ».
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l'interception l'importance de cette lutte permanente pour conserver une capacité de pénétration suffisante. En outre, comme on ne fait pas la guerre, la valeur exacte des capacités d'interception et de pénétration reste conjecturale - ainsi d'ailleurs que la puissance de destruction de l'adversaire. C'est là qu'on comprend mieux l'importance de l'U 2 dont les vols permettaient de mesurer la valeur de l'interception adverse et l'indignation des Soviétiques quand ils ont vu que l'adversaire pratiquait de telles expériences. Ce facteur matériel déjà assez incertain se complique singulièrement si l'on fait entrer en ligne de compte les hypothèses sur celui des deux partis qui tirera le premier. Ce calcul n'avait pas une très grande importance à l'époque des avions relativement lents parce que les délais d'alerte étaient tels que l'attaque et la riposte se croisaient en l'air. Avec les fusées au contraire, il n'y a plus de dissuasion si la première bordée ennemie a une capacité de destruction telle que notre riposte en serait considérablement affaiblie. La valeur de la dissuasion s'est trouvée ainsi liée non pas à la puissance de la force de frappe, mais à sa puissance restante après avoir subi la première salve, donc à sa capacité de survie. D'où une tactique de survie, très onéreuse et très complexe visant à réaliser une alerte presque instantanée (grands radars, satellites, transmission automatique, calculateurs électroniques, etc.), un déclenchement des missions et des tirs avant l'arrivée de la bordée (avions maintenus en vol ou en alerte à 15 minutes, fusées à propulsif solide, etc.), une protection des engins de tir par la mobilité (sous-marins atomiques), par le béton, pour forcer l'adversaire à dépenser un très grand nombre d'armes sur chaque objectif ou par la dispersion. Les résultats de l'équation donnant les résultats obtenus par la première bordée adverse et par la riposte dépendront de la valeur relative des tactiques de survie de chaque partie, mais aussi de l'efficacité estimée des tactiques d'interception ainsi que de l'évaluation de la précision des tirs. Ces résultats deviennent deviennent ainsi de plus en plus conjecturaux. Mais tout ce qui précède a presque le caractère d'une géométrie en regard du facteur psychologique beaucoup plus important et beaucoup plus impondérable. On veut impressionner l'adversaire jusqu'à l'empêcher l'empêcher d'utiliser sa force de frappe. Il faut donc d'abord avoir une capacité de destruction telle qu'il la redoute suffisamment, ensuite l'amener à croire que l'on sera capable de déclencher la représaille on riposte ou en première bordée - dans telle ou telle hypothèse. La notion de la capacité de destruction suffisante d'un point de vue psychologique a fait l'objet d'appréciations très diverses. En se fondant sur le précédent d'Hiroshima et de Nagasaki certains pensent que la destruction de quelques grandes villes suffirait à faire capituler n'importe quel État moderne. moderne. D'autres, allant plus loin, calculent la fraction de la puissance économique adverse que l'on devrait détruire pour « blesser grièvement » l'ennemi et lui infliger ainsi une perte de puissance qui constituerait un handicap durable et inacceptable pour lui. Certains théoriciens américains considèrent enfin que la seule destruction efficace est celle des armes nucléaires ennemies parce qu'elle désarme l'adversaire. La capacité de destruction devrait donc permettre une contrebatterie très poussée, aux résultats de laquelle s'ajouterait l'usure des stocks adverses causée par l'attaque ennemie contre nos propres moyens de lancement. Ces divers points de vue se schématisent dans les deux tactiques opposées dites « contre forces » et « contre-cités ». Le choix entre ces deux solutions est assez difficile à faire : on a vu que la tactique « contre-forces » serait très efficace si l'on pouvait être sûr de la réaliser presque complètement. Mais outre qu'elle est nécessairement très coûteuse, elle devient de plus en plus incertaine à mesure que les tactiques de survie se perfectionnent. On est donc très tenté de se rabattre sur la tactique « contrecités » qui est beaucoup plus facile, donc moins onéreuse à réaliser et qu'on a appelé la « stratégie du déterrent minimum ». Seulement on s'aperçoit alors que si l'on n'a pas attaqué - donc pas détruit l'essentiel de la capacité de frappe adverse, à chaque destruction que nous ferons, nous subirons une punition terrible. D'échange en échange, on va vers une destruction intégrale réciproque, réciproque, et peut-être inégale à notre détriment, ce qui n'a aucun sens et en tout t out cas nous dissuade au moins autant que l'adversaire. En outre, d'ailleurs, il n'y a pas forcément symétrie dans la dissuasion : les États-Unis seront plus sensibles à la destruction de leurs grandes villes que les
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Soviétiques. Ce peut être l'explication du choix américain en faveur de la tactique « contreforces » et du choix possible des Soviétiques en faveur de la tactique « contre-cités » 9. Le choix peut aussi trahir des arrière-pensées arrière-pensées très importantes celui qui joue le jeu « contre-cités » croit à la valeur absolue de la dissuasion qu'il réalise sinon en cas de conflit, il n'a d'autre recours que dans le suicide réciproque ; celui qui joue le jeu « contre-forces » doute de la valeur de la dissuasion et admet la possibilité d'un conflit atomique comportant l'emploi plus ou moins complet des forces de frappe stratégiques, ce qui accroît sa capacité de dissuasion. De toute façon, le choix est imposé aux puissances nucléaires secondaires (Grande-Bretagne, France, demain la Chine) qui ne peuvent absolument pas disposer des moyens nécessaires pour mener une tactique contreforces. Jusqu'à quel point une telle tactique « contrecités », forcément limitée, peut-elle dissuader, donc neutraliser, l'un des deux grands ? Comme les capacités de destruction sont très inégales, l'équilibre ne peut être rétabli que par une seconde forme de persuasion : la crainte de voir le plus faible déclencher quand même ses représailles. Le premier degré de cette opération consiste à donner à ce déclenchement un fondement rationnel qui lui donne une bonne vraisemblance. C'est ce qu'on a appelé la crédibilité. Celle-ci résulte non seulement de la valeur de l'équation matérielle qu'on vient de voir et dont on proclamera le caractère positif, mais aussi de la comparaison entre entre le risque et (enjeu. (enjeu. Une Suède défendant défendant sa liberté se trouverait en présence d'un enjeu total, tandis que l'URSS par exemple, ne tirerait de sa conquête qu'un bénéfice limité. Le suicide de la Suède pourrait se comprendre un peu comme celui du capitaine de navire préférant faite sauter un baril de poudre plutôt que de se rendre aux pirates. Les pertes que subirait alors l'URSS seraient hors de proportion avec ses gains éventuels. Là se trouve la base logique des petits dissuasifs nationaux. Ajoutons que ce jeu très dangereux suppose une certaine confiance dans la dissuasion... Si l'adversaire peut être persuadé que nous avons calculé que dans tel cas nous avions intérêt à déclencher nos forces, il croira plus facilement à la menace. Remarquons tout de suite que le jeu est bilatéral et que des crédibilités opposées sur un enjeu comparable tendent à s'annuler... Alors intervient un second degré de persuasion fondé cette fois au contraire sur l'irrationalité. l'irrationalité. Si l'on a affaire à un fou, il ne faut pas le pousser trop loin dans ses retranchements ! La fermeté de Dulles, les colères et le soulier de Khrouchtchev, l'obstination froide de De Gaulle correspondent correspondent à ce jeu psychologique, psychologique, dont l'influence peut dépasser tous les calculs tirés du facteur matériel. C'est qu'en réalité l'élément décisif repose sur la volonté de déclencher le cataclysme. Faire croire qu'on a cette volonté est plus important que tout le reste. Naturellement chacun bluffe, mais jusqu'à quel point ? Tout ceci aboutit à une dialectique extraordinairement subtile visant à apprécier la probabilité des réactions de l'adversaire en fonction de ses moyens et de sa volonté de les employer, mais aussi en fonction de l'opinion qu'il peut avoir de nos moyens et de notre volonté de les employer et même de l'idée qu'il se fait de l'idée que nous nous faisons de ses moyens et de sa volonté de les employer. De cette montagne d'évaluations conjecturales, d'hypothèses et d'appréciations fondées sur des intuitions complexes, n'émerge qu'un seul facteur de valeur certaine : l'incertitude. C'est en fin de compte l'incertitude qui constitue le facteur essentiel de la dissuasion. Aussi doit-elle faire l'objet d'une tactique particulière dont le but est de l'accroître ou au moins de la maintenir. Il faut que les dispositions matérielles prises ouvrent diverses possibilités et que celles-ci soient connues de l'adversaire. Il faut en outre que des doutes soient semés sur tous les éléments qui permettraient d'apprécier nos intentions véritables. Naturellement, il faut absolument éviter toute action ou toute déclaration qui viendrait lever l'une des hypothèses que l'adversaire peut craindre. C'est ainsi par exemple que les campagnes faites pour renoncer à l'arme atomique tactique sont absolument
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Le nombre apprécié d'ICBM soviétiques, - relativement faible - peut indiquer soit le choix d'une tactique « contre cités », soit l'existence de difficultés n'ayant pas encore permis la réalisation du programme « contre forces » qui correspondrait aux théories soviétiques publiées. La tentative faite à Cuba en 1962 pourrait avoir eu pour un de ses objectifs de hâter la réalisation d'une capacité « contre forces ».
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contraires au jeu bien compris de la stratégie de dissuasion. Il en fut de même des déclarations américaines américaines sur le « missile gap u et la renonciation à la stratégie stratégie de riposte massive.
Les dissuasions complémentaires De toute façon, les moyens existants, valorisés par l'incertitude, créent un certain degré de dissuasion. Ce « certain degré » sera rarement absolu depuis que les deux camps disposent d'armes nucléaires. Cela veut donc dire qu'il existe une marge de non dissuasion, donc un certain degré de liberté d'action pour chacun des adversaires, se situant dans la gamme des actions mineures périphériques ou mêmes limitées dont l'enjeu s'avérerait trop faible pour justifier la mise en oeuvre de la menace de représailles. La conséquence de cet état de choses (d'ailleurs conjectural comme tant d'autres choses, notons-le au passage) conduit à ouvrir un nouveau domaine de la stratégie de dissuasion, qui va avoir avoir pour but de compléter compléter l effet de dissuasion de la menace menace nucléaire nucléaire par d'autres moyens, afin de réduire et si possible supprimer toute marge de liberté d'action pour l'adversaire. Pour atteindre ce résultat de dissuasion, on dispose de deux procédés. Le premier, matériel, consiste à présenter à l'adversaire un système de forces militaires capable de faire échec aux opérations qu'il pourrait mener grâce à sa marge probable de liberté d'action. C'est la raison d'être des « boucliers » de forces forces tactiques, aéro-terrestres aéro-terrestres ou aéronavales, aéronavales, qui défendent les zones zones sensibles. C'est également la raison d'être des « corps d'intervention » capables de se porter dans les régions menacées. Ces moyens matériels permettent d'éviter le fameux dilemme du tout ou rien, du déclenchement de l'holocauste réciproque ou de l'acceptation du fait accompli. Le second procédé, de caractère psychologique, consiste à établir et à maintenir un risque de déclenchement des représailles si un conflit local intervenait. Cette menace d'ascension aux extrêmes rétablit un certain degré d'incertitude sur l'importance des enjeux, même paraissant initialement limités. De ce point de vue, l'existence des armes atomiques tactiques, avec les risques d'ascension que leur emploi pourrait comporter, joue un rôle très important dans le domaine de la dissuasion. Ce risque d'ascension apparaît à beaucoup comme un danger. II en est un si la dissuasion ne joue pas. Mais au contraire dans la stratégie de dissuasion, il est un facteur de sécurité supplémentaire. Cet aspect ne doit pas être perdu de vue. Cette stratégie complémentaire de la dissuasion atomique devient de plus en plus importante à mesure que les menaces de représailles se neutralisent davantage réciproquement. Dans cette situation, le déclenchement des représailles devient de moins en moins « croyable », donc également la menace d'ascension. La stratégie de dissuasion, avec toutes ses dépenses paraît aboutir à une impasse : on tend à revenir à une stratégie non atomique, atomique, si bien qu’à l'effort atomique - exorbitantexorbitantdoit s'ajouter un effort d'armements classiques, comme si l'arme atomique n'existait pas. C'est la tendance que l'on voit se développer développer actuellement, depuis que les forces de frappe ont, ou vont avoir, une bonne capacité de survie. Il s'en faut toutefois que l'on revienne exactement au point de départ, c'est-à-dire à une situation analogue à celle de la phase antérieure à l'existence des armes atomiques. En effet, l'existence des armes ato-miques maintient un risque dont l'appréciation dépend essentiellement des facteurs d'incertitude et d'irrationalité qu'on a vus plus haut. Tant que ces facteurs ont une importance non négligeable, on ne peut imaginer qu'il soit possible par exemple de refaire un grand conflit classique du type 1939-1945, car il est impossible d'être sûr que dans ce cas l'ascension aux extrêmes n'aurait pas lieu. C'est pourquoi on peut réaliser un degré élevé de dissua-sion classique, avec des moyens classiques cependant limités : la quantité de forces et de risques qu'il fau-drait engager pour les défaire créerait une situation trop grave pour que l'on puisse se flatter qu'elle n'entraîne pas l'ascension. Ainsi, on peut voir se réa-liser une dissuasion presque absolue : les forces de frappe en
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équilibre dissuadent dissuadent d'un conflit nucléaire intégral, les forces classiques dissuadent d'un conflit limité, le risque toujours présent d'ascension dissua-dant de donner à ce conflit limité un enjeu trop grave. L'équilibre d'ensemble est alors atteint par ces trois actions complémentaires et solidaires dont l'efficacité dépend en grande partie du facteur d'incerti-tude. Il faut noter toutefois que même dans cette situa-tion, - l'expérience l'a bien prouvé - la dissuasion laisse subsister une marge de liberté d'action étroite, mais importante : celle qu'exploite la stratégie indi-recte soviétique sur l'échiquier mondial. L'action politique et économique, l'utilisation de mouve-ments révolutionnaires étrangers et même les conflits menés par personne interposée échappent à la paralysie par la dissuasion - du moins celle que l'on vient d'étudier. La même logique qui a conduit à bâtir un système classique de dissuasion complé-mentaire complé-mentaire doit conduire à bâtir un système de dissua-sion dans le domaine indirect. L'Occident est à la recherche d'une formule plei-nement plei-nement efficace dans ce domaine, mais ne l'a pas encore trouvée pour des raisons qui relèvent surtout d'une mauvaise compréhension de ce problème. Ce sujet très important est en lui-même trop complexe pour être résumé ici et sera traité à part. Mais il est bien évident que la plus petite fissure dans le sys-tème de dissuasion donne à un adversaire avisé des possibilités d'action qui pourraient à la longue mettre en danger tout le système de sécurité occi-dental.
LA STRATÉGIE DE GUERRE Malgré tous les efforts en vue de la dissuasion, on ne peut assurer que la guerre n'éclatera pas, justement à cause des facteurs d'incertitude et d'irrationalité d'irrationalité dont on a souligné l'importance. Disons que, sauf cas de folie - qui ne peut être exclu, nous avons eu Hitler récemment -, la guerre serait le résultat d'une « erreur de calcul », c'est-à-dire d'une appréciation trop optimiste sur les réactions de l'adversaire : on aura cru pouvoir faire telle ou telle action impunément et l'on aura déclenché le drame. Quelle sera alors la stratégie de l'âge atomique. A l'origine, dans la période où la stratégie de dissuasion reposait essentiellement sur les représailles massives, la stratégie de guerre se confondait avec la stratégie de dissuasion : le plan de feux établi en vue de la dissuasion aurait été déclenché. II en aurait résulté de part et d'autre d'énormes destructions, mais comme on pensait que l'un des côtés (l'ennemi) serait mis hors de cause (« The brokenback brokenback stratégy » - la stratégie des reins reins cassés) la phase d'achèvement d'achèvement de l'adversaire se ferait avec « les restes ». La guerre prenait ainsi l'aspect initial d'une entreprise rationnelle et gigantesque de démolition, suivie d'une phase d'exploitation d'ailleurs difficile à prévoir en raison des incertitudes de tous ordres sur les résultats de ce qu'on appelait avec euphémisme « l'échange nucléaire ». Cette vue, un peu simpliste pour ne pas dire plus, pèse encore très lourdement sur les conceptions militaires d'abord par rémanence et aussi parce que tous les exercices de temps de paix qui ont pour but de vérifier et d'améliorer la valeur de dissuasion portent sur une étude de « l'échange nucléaire, ce qui contribue à faire croire que c'est là l'image de la guerre éventuelle. Or, heureusement, il n'en est rien, ou tout au moins cette image n'est celle que d'une hypothèse, et de l'hypothèse la moins probable: l'ouverture du jeu par le déchaînement des extrêmes. En effet, peu à peu, et surtout à mesure que la menace nucléaire adverse devenait plus redoutable, l'idée s'est fait jour que la stratégie de guerre devrait être différente de la stratégie de dissuasion. La stratégie de dissuasion vise à faire peur, elle doit donc se donner la possibilité d'effectuer des destructions terrifiantes, afin justement de ne pas avoir à le faire. Mais si ces destructions doivent être réciproques, où est le bénéfice ? Déclencher une action dont la riposte entraînera sa propre mort n'est qu'une forme à peine déguisée de sanction par harakiri. Ce n'est pas une stratégie. Au contraire, tout doit être fait pour éviter cette extrémité. Ce raisonnement logique ayant toute 37
probabilité d'être bilatéral, il n'y a donc que fort peu de chances pour que l'adversaire ouvre le conflit par une attaque nucléaire massive. Celle-ci ne pourrait se justifier que si, ayant pris une avance considérable, il pouvait se flatter de nous mettre hors de cause dès la première bordée, hypothèse exclue dès que les forces de frappe conservent un degré suffisant de capacité de survie. Dans ces conditions, la probabilité la plus grande est pour que l'adversaire ouvre les hostilités par une action plus ou moins limitée. La question se pose alors de savoir quelle doit être la riposte. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la réponse à cette question a donné lieu à de longues controverses : en effet, si le bons sens indiquait que l'on devrait chercher à limiter le conflit, de nombreux opposants faisaient valoir que cette intention limitatrice ne manquerait pas de nuire à la dissuasion, tandis qu'une bonne attaque massive était le seul moyen d'empêcher l'adversaire de déclencher son attaque limitée. Les mêmes opposants admettaient d'ailleurs plus ou moins consciemment que l'attaque massive produirait des destructions telles que la riposte adverse serait bien diminuée, suffisamment pour être supportable. Cet argument relatif à la dissuasion est très sérieux; on l'examinera tout à l'heure. Mais ce qui devait trancher le débat c'est qu'il s'est avéré ces dernières années que le volume de la riposte serait redoutable en toute hypothèse. C'est pourquoi M. Kennedy s'est rangé dans le camps de ceux qui voulaient renoncer aux principes de la riposte par représailles massives. Le général Maxwell Taylor a exposé très clairement la nouvelle stratégie de guerre qu'il a appelée la « riposte flexible » (flexible response) ou riposte variable. Cette stratégie de riposte variable revient à prévoir qu'à chaque action adverse il sera répondu par une riposte appropriée, d'une force suffisante pour mettre en échec l'ennemi mais ne mettant en jeu que la quantité de forces nécessaires. Cela ne veut pas dire que l'on calquera sa conduite sur celle de l'adversaire (par exemple on pourra répondre à une attaque classique par une défense atomique tactique, voire, par une action nucléaire stratégique limitée) mais cela veut dire que chaque cas sera traité selon ses mérites et qu'on n'aura recours à la riposte massive qu'en dernière extrémité. En somme, c'est une stratégie qui se veut efficace dans la riposte tout en maintenant le conflit limité. L'originalité de cette stratégie, c'est qu'elle combine la lutte militaire locale et la dissuasion générale pour maintenir le conflit dans certaines limites. En gardant en réserve la menace de la riposte massive, on conserve une grande part de la valeur de dissuasion de la stratégie du « temps de paix ». Comme la dissuasion est bilatérale, chacun des adversaires va jouer dans le sens de la limitation. S'il n'y a pas de fautes, si l'enjeu reste suffisamment limité, la passe d'armes peut se jouer aux points, sans « ascension aux extrêmes ». Dans ce jeu dangereux mais inévitable, la sécurité impose l'existence d'un très bon système de contrôle des armements, de façon à éviter que l'escalade ne se produise pas spontanément du fait des exécutants et ne transforme pas un incident local en un conflit général. D'où toute une tactique particulière, définissant un certain nombre de seuils successifs qui ne doivent être franchis que sur décisions politiques spéciales et assurant que ces franchissements ne pourront pas s'effectuer tant que l'autorisation n'aura pas été donnée. La guerre apparaît alors comme un escalier à nombreuses marches (incidents, guerres classiques, atomique tactique, stratégique limitée, stratégique totale, etc.), et l'on espère que l'épreuve de force, si elle se déchaîne, se réglera à l'un des niveaux intermédiaires. Cette stratégie - inévitable on l'a vu - soulève deux graves objections. La première naît tout naturellement naturellement des pays menacés d'être le théâtre de ces conflits « limités » : l'idée de jouer le rôle de champ de bataille -éventuellement atomique - ne leur parait pas très engageante. Dans un désastre mondial leurs sacrifices eussent paru plus équitables. Ne vat-on pas faire bon marché de leur sécurité, au profit de zones réservées qui auraient permis de disperser les efforts de l'adversaire ? La seconde objection touche à la dissuasion dont nous avons déjà parlé. Accepter le conflit limité, n'estce pas déjà inviter à le faire, donc réduire la dissuasion, et si un conflit limité se déclenche, est-ce que les risques d'ascension aux extrêmes ne vont pas s'en trouver accrus ?
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II y a dans ces deux objections une part certaine de vérité : les deux risques existent. Mais il ne faut pas non plus faire de contre-sens sur leur portée. Il est exact qu'il y a contradiction entre les moyens de la stratégie de dissuasion (menace d'ascension aux extrêmes) et ceux de la stratégie de guerre (limitation des conflits). Mais cette contradiction n'est pas simultanée : la stratégie de dissuasion s'exerce avant la stratégie de guerre. En outre, ces deux stratégies ont en commun les facteurs d'incertitude et d'irrationalité sur lesquels nous avons déjà insisté et qui, dans une certaine mesure, compensent leur contradiction : on n est jamais sûr qu'il n'y aura pas ascension aux extrêmes, même même dans une stratégie stratégie à intention nettement nettement limitatrice. limitatrice. C'est ainsi que l'effet de dissuasion peut être sauvegardé ; c'est ainsi encore que les zones qui se voudraient « réservées » ne peuvent pas faire bon marché de la sécurité des zones où se livreraient les premières batailles. Au total, il existe une solidarité complète entre la sécurité de toutes les zones comme dans la stabilité de la dissuasion. D'ailleurs cette solidarité peut être renforcée ou plutôt rendue plus visible par certaines dispositions cependant limitées : c'est le cas par exemple du procédé consistant à proclamer que tel ou tel objectif adverse constitue un otage qui sera détruit par les forces stratégiques si telle zone avancée amie est attaquée, et que s'il y avait riposte limitée ennemie dans le domaine stratégique, tel ou tel autre objectif adverse serait détruit. C'est dans cette voie d'un emploi limité et progressif des forces stratégiques que pourra être réduite la sensation d'abandon des champs de bataille éventuels. En tout cas, le concept de limitation de la stratégie de guerre ne doit pas conduire, comme on l'a quelquefois affirmé, à définir à l'avance d'une part des « théâtres d'opérations » où une agression ne déclencherait pas de représailles et où l'on accepterait de s'en remettre à la fortune des armes entre les forces qui y sont stationnées, et d'autre part des « sanctuaires » protégés par la menace de représailles massives. Cette répartition géographique a priori de la dissuasion aurait en effet pour résultat de réduire la protection des théâtres d'opérations et lorsque des conflits s'y dérouleraient, le risque d'ascension étant toujours présent, la probabilité d'ascension aux extrêmes dans les sanctuaires se trouverait considérablement augmentée. De même, la protection des sanctuaires ne saurait être assurée - pas plus que celle des théâtres d'opérations - par une menace de déclenchement automatique des représailles massives : dans l'état actuel, ces représailles entraîneraient une riposte dévastatrice et l'on n'aurait que la satisfaction assez futile d'avoir causé à l'adversaire des destructions du même ordre que celles que l'on subirait. La vérité dans ce domaine est que la dissuasion doit s'appliquer aux théâtres d'opérations comme aux sanctuaires et que dans les deux cas la dissuasion doit être « graduée », c'est-à-dire comporter l'emploi de ripostes « variables » et dans une certaine mesure imprévisibles, afin de maintenir intact le facteur précieux de l'incertitude. C'est pourquoi il est à penser que les conflits violents de l'âge atomique doivent normalement se cantonner à deux genres de guerre: dans les zones sensibles, à des actions limitées, peut-être très violentes, mais très courtes et visant à créer un fait accompli, suivi aussitôt de négociations ; dans les zones marginales, à des conflits prolongés d'usure mais relativement peu intenses et de caractère classique ou révolutionnaire. En somme le type Sinaï et le type Corée-Indochine-Laos. Tout autre genre de guerre évoluerait évoluerait sans doute très vite vers l'ascension aux extrêmes... Mais il serait imprudent de croire que la dissuasion par l'existence de l'arme atomique suffise à empêcher les conflits armés : ces dix dernières années ont montré que, même avec une supériorité nucléaire importante, de tels conflits restaient possibles. Avec un équilibre des forces de frappe, l'intensité ou l'enjeu de tels conflits pourraient pourraient s'accroître notablement dans l'avenir, -à moins que des dispositions efficaces ne soient prises pour compléter substantiellement l'effet de dissuasion nucléaire par celui des forces tactiques et à moins surtout que l'effet de dissuasion ne soit maintenu à un niveau élevé par des tactiques appropriées dont on ne saurait exagérer l'importance.
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MÉCANISME D'ENSEMBLE DE L'ÉVOLUTION DE LA STRATÉGIE ATOMIQUE L'étude que l'on vient de faire n'est qu'une analyse des principales idées, prises successivement, qui gouvernent la stratégie atomique. Pour ne pas compliquer davantage ce sujet déjà extrêmement touffu, on a laissé de côté tout ce qui concerne les diverses tactiques (interception, pénétration, survie, contrôle des armements, boucliers, incertitude, etc.) qui jouent un rôle très important dans le problème stratégique. Pour avoir une idée d'ensemble du phénomène, et de l'interaction des diverses données, il n'y a qu'à passer en revue rapidement l'évolution de la lutte sovieto-américaine depuis quinze ans. On subdivisera schématiquement schématiquement cette évolution en quatre phases, chacune d'elles commençant par un progrès matériel du côté soviétique ayant des conséquences stratégiques importantes et se poursuivant par une stratégie américaine appropriée, s'appuyant sur des réalisations matérielles particulières. 1- Dans la première phase, l'URSS qui n'a pas vraiment démobilisé, possède des forces aéroterrestres considérables. Grâce à ses stratégies opérationnelles militaire et révolutionnaire, elle est en mesure de réussir l'invasion et la subversion de l'Europe. Les États-Unis, qui ne disposent que d'une force aéro-atomique embryonnaire, répondent à ce danger par une stratégie de dissuasion dissuasi on qui combine la reconstruction de l'Europe l'Europe (plan Marshall et son réarmement classique classique (traité de l'OTAN, plan de Lisbonne) à intention défensive, avec la constitution d'une force de frappe aéro-atomique offensive destinée à constituer une menace de représailles massives. On financera l'économie européenne, on transpor tera en Europe le matériel du PAM, on construira des avions, des bombes atomiques et, compte tenu du rayon d'action du B 26, on établira un réseau très complet de bases périphériques. Cette stratégie me en défaut l'appareil politique et militaire soviétique. La dissuasion est donc obtenue, la poussée soviétique en Europe est arrêtée. 2. - Dans la seconde phase, l'URSS ne peut riposter que par une stratégie défensive de dissuasion, combinée avec une contre-offensive dans le domaine de la stratégie indirecte (Corée, Indochine). Faute de moyens initialement, la dissuasion soviétique est d'abord psychologique : c'est la campagne antinucléaire des congrès de la paix qui d'ailleurs obtient certains résultats, au moins en Europe et dans le Tiers Monde. Mais très vite, grâce à un effort scientifique - et d'espionnage - sans précédent, l'URSS possède quelques bombes atomiques et se bâtit une première force de frappe en copiant le B 26. Simultanément, elle améliore sa défense aérienne par un système de radars. Devant ce début de menace atomique et de défense aérienne, les États-Unis maintiennent la valeur de leur stratégie de dissuasion en renforçant la menace de représailles. C'est d'autant plus nécessaire que le réarmement de l'Europe est lent et incomplet, en partie à cause de l'absence des forces françaises drainées par la guerre d'Indochine et malgré l'entrée en jeu prévue des forces allemandes occidentales. La menace aérienne aérienne doit donc être suffi sante pour ne laisser aux forces du bouclier que le rôle d'alerter les forces stratégiques. Justement, la puissance de représailles se trouve considérablement considérablement accrue par la possession des bombes thermonucléaires. thermonucléaires. La pénétration, malgré les défenses soviétiques soviétiques sera assurée par des des avions plus hauts que les radars radars de l'adversaire et plus rapides que ses chasseurs. Dans les années 1954-1955 la supériorité américaine est incontestable. Non seulement la dissuasion est maintenue, mais les Soviétiques doivent arrêter leurs poussées indirectes en Indochine et en Corée et y accepter des solutions de compromis. Notons d'ailleurs qu'à ce moment, comme le récla-mait Mac Arthur, les États-Unis auraient pu obtenir bien davantage. 3. - Mais dans la troisième phase, les Soviétiques commencent commencent à rattraper les Américains dans le domaine de la dissuasion. Ils ont eux aussi mainte-nant la bombe thermonucléaire avec une force de frappe non négligeable et ils ont perfectionné leur défense aérienne, ce qui leur permet de reprendre leur contre-offensive indirecte au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La possession par les Soviétiques de l'arme thermonucléaire constitue un dan-ger considérable. La stratégie américaine hésite 40
alors entre plusieurs voies. Faut-il maintenir la dissuasion par un nouveau renforcement renforcement offensif de la menace de représailles ou au contraire par une neutralisation partielle de la menace adverse en créant une défense aérienne en Amérique ? Arrivera-t-on à conserver une crédibilité suffisante de la menace de représailles pour pouvoir la brandir dans tous les cas, même mineurs, et sinon, ne faut-il pas s'engager dans la voie des dissuasions complémentaires et renforcer les boucliers tactiques pour ne pas être placés dans des situations où l'on devrait choisir entre la réaction totale ou la capitulation ? Le grand débat qui s'ouvre ainsi en 1955 s'achève par la défaite des offensifs qui voulaient lancer un grand programme de fusées ininterceptables. Le général Gavin, qui prônait cette solution, démissionne. Au contraire, on va bâtir une défense aérienne gigantesque couvrant l'Amérique, on développera la tactique antisurprise du SAC (avions alertés, etc.) et on lui donnera des avions intercontinentaux intercontinentaux qui, de la forteresse Amérique, pourront échapper à la première attaque soviétique ; le bouclier européen, faute de forces classiques suf-fisantes, sera renforcé par des armes atomiques tactiques que l'on alloue en grand nombre aux membres de l'OTAN, mais sous un contrôle américain étroit (c'est la politique dite du MC 70). Cette décision de 1955, qui réalise provisoirement une certaine stabilisation 10 était manifestement trop conservatrice. Elle s'avèrera une erreur et pésera lourdement dans la phase suivante. 4. - C'est qu'en effet dans la quatrième phase les Soviétiques réalisent, cette fois en avance sur les Américains, le programme de fusées auquel ces derniers avaient cru devoir renoncer. En 1957, les Soviétiques ont l'engin intercontinental et lancent le premier satellite. Bientôt ils atteindront la lune et montreront par des expériences la précision de leurs tirs et la puissance considérable de leurs explosions. Ils ont ainsi la possibilité de rattraper et de dépasser les Américains dans la stratégie de dissuasion, car la menace de leurs fusées ne pourra plus être parée par la défense aérienne américaine que l'on vient d'établir à si grands frais et qui n'est efficace que contre des avions. Comme, en même temps, ils ont renforcé leur défense aérienne et qu'ils ont équipé leurs forces terrestres en vue d'une guerre atomique tactique de caractère offensif (armes atomiques tactiques, motorisation intégrale, moyens de franchissement amphibies, etc.), ils vont ainsi pouvoir mettre en défaut dans tous les domaines les dispositions prises par la stratégie américaine. Forts de cette situation psychologiquement psychologiquement valorisée par les résultats résultats spectaculaires des spoutniks, ils relancent le problème de Berlin qui met en cause toute la position de l'Allemagne dans l'OTAN et se permettent de défier directement les États-Unis à propos du Congo et de Cuba. Fort heureusement pour les États-Unis, la supériorité soviétique ne peut se réaliser que progressivement. progressivem ent. Quand Kennedy arrive au pourvoit au début de 1961, le « missile gap u est encore au futur. Mais il n'y a plus un moment à perdre. perdre. Le Président est entouré d'une d'une pléiade d'intellectuels qui ont beaucoup réfléchi à tous ces problèmes. Ils apportent toute une stratégie cohérente qu'ils ont mûrie pendant la troisième phase, celle des années de survie de la stratégie de représailles massives. D'abord cette dernière stratégie est officiellement abandonnée. La dissuasion sera maintenue par une stratégie dite graduée (« gradueted déterrent ») conduisant à chercher l'équilibre dans les divers domaines, nucléaire, classique, indirect et en cas de conflit à s'efforcer de le limiter par la « riposte variable » (flexible response) dont on a vu la théorie. Dans le domaine de la force de frappe nucléaire, devenue plus « bouclier » défensif qu' « épée », il faut à tout prix sauvegarder une capacité de riposte riposte substantielle : pour pour cela, on développera développera les fusées fusées (polaris, minuteman), minuteman), heureusement étudiées pendant la phase précédente, l'on s'assurera au moyen d'une très bonne tactique de survie (sous-marins atomiques, silos bétonnés, engins mobiles, etc.), qu'elles ne seront pas détruites par la première salve ennemie. Dans le domaine classique on demandera surtout aux alliés de l'OTAN de renforcer les boucliers tactiques devenus essentiels. Dans le domaine indirect, on constituera une forte réserve aérotransporta aérotransportable ble de forces classiques classiques d'intervention. d'intervention. Enfin, pour empêcher (ascension spontanée spontanée aux extrêmes en cas de conflit, on mettra au point une tactique plus assurée de contrôle des armements atomiques et l'on s'efforcera d'enseigner aux Soviétiques - qui prétendent prétendent l'ignorer - l'art de maintenir les conflits à un niveau limité.
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Qui permettra, au Liban et en Jordanie, le coup d'arrêt de 1957 de la poussée soviétique au Moyen-Orient.
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Ce redressement redressement intervient juste à temps pour pour éviter le « missile gap u qui paraissait devoir devoir s'ouvrir, lorsqu'il s'avère que l'avance soviétique en matière de fusées est moins grande qu'on aurait pu le craindre. Tous les renseignements concordent pour confirmer que la force de frappe intercontinentale intercontinentale soviétique n'a encore qu'une capacité réduite, celle qui correspondrait à la tactique « contre-cités » et qu'elle ne peut avoir une efficacité suffisante en tactique « contre-forces ». Comme les États-Unis ont fait un effort considérable, c'est eux maintenant qui paraissent en position de nette supériorité. supériorité. Cette situation permet à M. Mac Namara d'annoncer sa stratégie stratégie de dissuasion graduée graduée par la riposte variable. Alors, semble-t-il, les Soviétiques cherchent à leur tour a combler leur « missile gap » par l'installation à Cuba d'engins d'engins de portée portée moyenne moyenne moyenne, ce qui leur leur permettrait d'avoir contre contre les Etats-Unis une capacité « contre-forces contre-forces » très redoutable redoutable pour pour les avions avions du SAC. Ils réaliseraient réaliseraient ainsi en quelques quelques mois avec des IRBM un progrès qu'ils qu'ils ne pourront pourront atteindre avec des des ICBM qu'en plusieurs années. Cette opération, très risquée en situation d'infériorité et à portée d'invasion des Américains, parait avoir été voilée par une campagne d'intoxication proclamant leur volonté de se limiter à Cuba à des installations défensives. défensives. Mais les Américains perçoivent perçoivent à temps t emps le danger. Leur réaction est dure et immédiate, mais mesurée. Les Soviétiques doivent s'incliner parce qu'ils sont en état d'infériorité. Cette première passe d'armes de la guerre potentielle de la dissuasion atomique s'est jouée de part et d'autre avec beaucoup de précision, de réalisme et de sang-froid et se termine en donnant l'avantage aux Américains. Les Soviétiques vont être contraints de suivre le train d'enfer du réarmement américain, ce qui pourrait essoufler leur économie, moitié moins puissante que celle de leurs riches adversaires. 5. - Mais déjà apparaissent les prodromes d'une cinquième phase, car les Soviétiques conservent dans le domaine spatial, d'où peuvent sortir de nouvelle armes, une avance spectaculaire dont il est difficile de prévoir la portée. D'autre part, leur politique nucléaire, fondée sur le principe du « biggest big weapon », pourrait équilibrer, équilibrer, avec un plus petit petit nombre d'armes, d'armes, le système américain très très coûteux d'arme. d'arme. stratégiques plus petites petites et très nombreuses. Sous Sous le signe de l'espace et de la bombe à neutrons (par exemple) il est probable que nous assisterons à de nouveaux développements dans le domaine de la dissuasion stratégique. Toutefois, simultanément, une tendance nouvelle, représentée notamment notamment par Kissinger, veut voir porter l'effort de dissuasion sur le renforcement des « boucliers ». Devant le danger inacceptable de la guerre nucléaire stratégique, on reviendrait à la dissuasion par la couverture directe des territoires menacés, au besoin en employant l'arme atomique tactique. Cette idée, qui marque un renversement en faveur de la vieille stratégie terrestre au détriment de la stratégie aérienne, contient certainement une grande part de vérité. Son succès ferait beaucoup pour rétablir une certaine stabilité militaire dans le monde. Cette revue rapide de l'évolution parcourue pendant les quinze dernières années impose un certain nombre de réflexions. D'abord le caractère extraordinairement précaire des situations acquises et la valeur éphémère des systèmes de défense réalisés : tous les 5 ans au plus, les matériels et les tactiques se trouvent plus démodés qu'ils ne l'étaient autrefois d'une guerre à l'autre. Cette consommation énorme de richesses apparaît un impôt de plus en plus lourd pour une sécurité toujours incertaine. Une telle course devrait déboucher un jour sur la guerre, sur une banqueroute économique ou bien sur un accord de limitation d'armements : la paix ne peut pas être maintenue perpétuellement par une tension de cet ordre de grandeur. Une autre remarque importante, c'est que si les Soviétiques ont presque réussi, d'ailleurs magistralement, à remonter la pente de la dissuasion, c'est qu'à deux reprises, alors que les ÉtatsUnis avaient une avance considérable (dans la première et surtout dans la deuxième phase) ceux-ci se sont abstenus d'en tirer avantage. Ceci montre que si le jeu en luimême est très serré, il ne comporte pas de sanctions trop immédiates. Bien qu'il soit possible que les Soviétiques puissent être
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plus durs au jeu que les Américains, il est peu probable qu'ils oseraient pousser trop loin un avantage qui n'aurait pas un caractère absolu. La raison essentielle de cette prudence gît dans le facteur d'incertitude qui ne permet presque jamais de savoir exactement où l'on en est. Mais alors qu'il n'y a pas eu d'action dans cette lutte constante, on peut constater que la courbe générale de la dissuasion a évolué depuis le début de la troisième phase en faveur des Soviétiques. La stratégie des représailles massives était une stratégie offensive. Celle de la dissuasion graduée est défensive et son efficacité au regard de la stratégie indirecte soviétique reste à démontrer. Sur le plan des mécanismes de la stratégie, (évolution qui s'est produite montre bien la relation qui existe entre les matériels nouveaux et les possibilités tactiques nouvelles qu'ils entraînent, lesquelles conduisent à un changement de l'équilibre stratégique. Alors se produit un cheminement inverse: le redressement de (équilibre stratégique impose le choix d'une décision stratégique (comme en 1955 par exemple) dont la conséquence sera de définir les possibilités tactiques à acquérir (interception, pénétration, survie, etc.) d'où se déduiront les matériels nouveaux à réaliser (radars, fusées, sousmarins, etc.). Certains auteurs, comme Rougeron, disent qu'il n'y a de stratégie que celle des moyens. C'est exact en ce sens qu'il faut avoir les moyens de sa stratégie. Mais cela ne veut pas dire que ce sont les inventions qui doivent dominer la stratégie. Tout au contraire, en bonne logique, c'est la stratégie qui doit orienter les inventeurs ou tout au moins choisir parmi les inventions celles qui satisfont le mieux aux beoins de la stratégie. Dans certains cas on peut être dépourvu des moyens nécessaires (comme les Soviétiques tant qu'ils n'ont pas eu de force nucléaire) : la stratégie doit alors savoir trouver le palliatif (par exemple la campagne psychologique des congrès de la Paix) en choisissant une solution capable de mettre en défaut la stratégie de l'adversaire avec des moyens dont on peut disposer. C'est affaire d'intelligence et d'imagination.
CONCLUSIONS SUR LA STRATÉGIE ATOMIQUE Les conclusions que l'on peut tirer d'une étude de la stratégie atomique sont évidemment très nombreuses nombreuses et très diverses. On se limitera ici aux plus importantes. 1°) La stratégie « atomique » se situe nécessairement sur le plan de la guerre totale. Ceci tient à ses composantes psychologiques, financières et économiques si importantes. C'est donc une forme particulière, particulière, disons la forme moderne de la « stratégie totale » dans son mode direct. Toutes les bonnes stratégies ont été totales même les plus opérationnelles comme celles d'Alexandre et de Napoléon. Mais leur aspect total était souvent masqué par l'éclat des batailles, au point d'induire en erreur leurs historiens. L'arme atomique, qui n'a pas jusqu'à présent produit de batailles, oblige à prendre pleine conscience de la totalité du phénomène stratégique et de l'influence de ses divers facteurs. A une stratégie totale implicite, menée à l'estime et en quelques sorte intuitivement par les chefs de Gouvernement fait place une stratégie qui se doit d'être scientifiquement totale. La stratégie totale devient une discipline de pensée indispensable au niveau des classes dirigeantes. L'exemple de Cuba le démontre. 2°) La stratégie totale de l'âge atomique a balayé les concepts stratégiques du XIX° siècle, notamment ceux de l'école clausewitzienne, si néfaste surtout par ses contre-sens sur la pensée du maître. On ne peut que s'en féliciter, mais il faut maintenant bâtir un nouveau système et s'efforcer d'éviter cette fois de construire une théorie trop particulière qui pourrait conduire à des erreurs encore plus graves. Ce qu'il ne faut pas faire c'est une « stratégie atomique » qui ne serait valable que pour la conjoncture actuelle, mais une stratégie totale capable d'englober aussi bien le phénomène nucléaire et ceux qui suivront (espace, chimie, etc.) que les formes mineures et indirectes. 3°) Cette stratégie nouvelle doit incorporer les changements considérables introduits par (application à la défense des États de la puissance scientifique et industrielle. D'abord le changement d'échelle des problèmes de défense, à cause de la portée et de la puissance des armes et aussi à cause des dépenses énormes qu'elles entraînent. Ce changement d'échelle ne peut manquer d'influer très rapidement sur le volume des tes Une fois de plus, les 43
conditions de la sécurité qui avaient imposé la cité antique et le royaume du XVI° siècle, pourraient jouer un rôle rôle déterminant déterminant dans la structure structure des entités internationale internationales. s. Ensuite le changement de caractère des problèmes de défense à cause de l'influence du facteur industriel. La préparation est devenue plus importante que l’exécution, car la possession de moyens supérieurs est plus décisive que la façon de les employer. C'est un renversement complet de l'art de la guerre que Napoléon disait être « tout d'exécution ». De ce fait, la notion de sûreté, autrefois liée à la protection directe par les forces interposées prend le caractère abstrait d'une avance dans la préparation. préparation. Les avant-postes sont remplacés par l'espionnage l'espionnage scientifique. La notion de manœuvre elle-même devient devient de plus en plus abstraite : la manœuvre des forces dans l'espace qui se présentait en bleu et rouge sur une carte avec des olives et des flèches devient une manœuvre de potentiels dans le temps qui échappe à toute représentation graphique. Dans l'évaluation des potentiels, le facteur qualitatif (moral et technique) prend de beaucoup le pas sur le facteur quantitatif, ce qui rend l'appréciation l'appréciation d'une situation de plus en plus subjective. L'échelle des temps, autrefois très resserrée (une campagne du xix° siècle pouvait durer un mois, une bataille quelques heures) s'était déjà allongée dans les grandes guerres du XX° siècle, d'abord à cause de l'étendue des théâtres d'opérations, puis à cause des délais nécessaires pour produire les moyens matériels qui s'étaient révélés indispensables (parce qu'on n'avait pas su les prévoir). Dans la guerre logistique qui se déroule actuellement en temps de paix, les délais de réalisation sont de l'ordre de 5 années. Il faut donc raisonner cinq ans à l'avance sur une situation future extrêmement extrêmement conjecturale. La prospective devient une discipline absolument vitale. Des conséquences analogues mais encore plus différées résultent de l'emploi permanent des techniques politiques et révolutionnaires: l'URSS n'a encaissé qu'à partir de 1948 (victoire de Mao Tsétoung en Chine) les dividendes dividendes du congrès de Bakou en en 1921. 4°) Puisque l'essentiel se joue « avant », en « temps de paix », l'effort tend normalement à une décision, tout en évitant la guerre qui n'aurait plus que la valeur d'une sorte de « preuve par neuf » de l'efficacité des préparations réalisées. D'où le développement développement logique et sans doute encore incomplet de la stratégie de dissuasion. L'évolution de la stratégie de dissuasion montre l'importance croissante des dissuasions complémentaires de celle obtenue par la menace de représailles atomiques. Ainsi l'arme atomique, comme toutes ses devancières, s'ajoute aux armes plus anciennes sans les supprimer. La panoplie se complète de l'arme blanche à la bombe H. Le rôle de l'arme blanche s'était déjà réduit, mais n'avait pas disparu. Il en est de même des armes moins anciennes dites « classiques ». Un nouvel équilibre s'établit, mais contrairement à certains prophètes modernistes, cet équilibre laisse subsister la nécessité d'importantes forces classiques. D'autres moyens, encore mal connus, s'imposeront sans doute pour compléter la dissuasion dans le domaine de la stratégie indirecte. 5°) Ce développement de la stratégie de dissuasion tend à réduire de plus en plus le champ de liberté d'action de la force. De ce fait, les conflits, qui absorbent déjà par le jeu de la dissuasion réciproque une quantité énorme d'énergie et de ressources, peuvent se résoudre par des actions marginales d'apparence très modestes. Ces actions marginales peuvent en effet permettre de mesurer les excédents en moyens et volonté restés disponibles. Ainsi la guerre, si elle éclatait, aurait sans doute de grandes chances de rester limitée et de se décider « aux points ». C'est en tout cas ainsi que se tranchent les crises nées de manceuvres ou de menaces développées dans le domaine de la stratégie indirecte. C'est ainsi encore que s'est réglée la crise de stratégie nucléaire directe à propos de Cuba. On s'écarte donc de plus en plus du conflit de type intégral que le romantisme du XIX° avait théorisé. Le jeu moderne est un jeu essentiellement stratégique plus étroitement que jamais commandé commandé par la politique. Mais l'existence d'un champ de liberté d'action de la force, si petit soit-il, confère une importance nouvelle aux actions mineures qu'il rend possibles. La guerre ancienne taillait dans l'histoire à coups de batailles comme une chirurgie sanglante. La guerre nouvelle, toute de nuances, s'apparente davantage au processus d'infection de la maladie. Son action lente et moins dramatique ne doit pas
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abuser : les renversements de puissance qu'elle produit progressivement, apparaîtront plus tard comme un cataclysme mondial. Il est donc capital de retrouver la maîtrise d'une « médecine » capable d'enrayer les conflits d'apparence d'apparence secondaire qui exploitent la fièvre de décolonisation et les crises d'adaptation à la puissance de la production moderne ainsi qu'à (explosion démographique résultant du miracle pasteurien. C'est le problème de ce que nous avons appelé la « stratégie indirecte ». Il n'y en a pas de plus urgent aujourd'hui. aujourd'hui. Nous l'examinerons dans le prochain chapitre. 6°) La stratégie de dissuasion peut aussi enfanter une véritable technique de la paix. Quand on mesure les progrès faits dans ce domaine en dix ans, on peut penser que l'on progressera encore et que peut-être on arrivera à une organisation de la paix plus rationnelle et plus efficace que les précédentes précédentes fondées trop exclusivement sur des éléments émotifs et moraux. Cette stratégie de paix peut déboucher sur un équilibre stable permettant un contrôle des armements ou sur la constitution d'une force internationale capable de rompre l'équilibre au détriment du perturbateur de la paix. Cet objectif est encore hors de vue, mais il n'est déjà plus hors de pensée. Si l'on cherche bien, on peut trouver des solutions que des circonstances favorables permettraient d'appliquer. d'appliquer. 7°) Au total, allons-nous vers la guerre suicide ou vers la paix ? On ne peut répondre à cette question cardinale avec certitude. Pour le faire, il faudrait d'abord être sûrs que la guerre ne relève que de la volonté des hommes. Or, on a vu dans la guerre depuis toujours le signe de la volonté des dieux, puis de la fatalité historique et plus récemment celui d'un excédent démographique 11. Mais si le choix entre la guerre et la paix est bien une affaire humaine pouvant être régie par les lois de la raison, on peut dire que l'arme atomique, en accroissant démesurément les risques, donne à la paix une stabilité plus grande. Sauf tricherie du sort ou fatalité biologique, la probabilité est pour un emploi de plus en plus domestiqué domestiqué de la force au profit profit de combinaisons combinaisons politico-stratégiques politico-stratégiques de plus en plus calculées. Plus de sauts passionnels dans l'inconnu - ou en tout cas beaucoup moins. De là sans doute pas de « grandes guerres » comme celles qui ont été la plaie du XX° siècle et qui ont causé le déclin sans doute prématuré de l'Europe. Mais serait-ce la paix ? Certainement pas. Car la passion de puissance des hommes jointe aux forces encore obscures qui gouvernent l'évolution économique et biologique de l'espèce auront toujours à trouver un champ d'expansion pour produire les transferts de puissance ou de biens réclamés par les changements d'équilibre. d'équilibre. La vieille guerre militaire, drapeaux et trompettes au vent, peut se raréfier ou disparaître. La compension sera le développement de la guerre révolutionnaire, des conflits endémiques, des crises répétées, de l'effort scientifique industriel et militaire incessant. L'homme du XX° siècle, hanté par les deux catastrophes inutiles de 1914-1918 1914-1918 et de 1939-1945 1939-1945 et armé de tous les moyens de science moderne, a peut-être enfin trouvé le moyen d'en empêcher le retour. Mais le prix qu'il devra payer, imposé par un destin ironique, sera différent de ce qu'il escomptait : la lutte maintenue sur un registre mineur, sera devenue permanente. La grande guerre et la vraie paix seront alors mortes ensemble.
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. Cf. Bouthoul: « Les guerres. Éléments de polémologie », Payot (1951).
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CHAPITRE IV
STRATÉGIE INDIRECTE DÉFINITION. Le terme de stratégie indirecte peut paraître discutable et prête à confusion : Liddell Hart a très brillamment développé une théorie de c l'approche indirecte » qu'il considère comme la meilleure stratégie. Celle-ci consiste dans le domaine opérationnel militaire à ne pas a prendre le taureau par les cornes a, c'est=à-dire à ne pas affronter l'ennemi dans une épreuve de force directe, mais à ne l'aborder qu'après l'avoir inquiété, surpris et déséquilibré par une approche imprévue, effectuée par des directions détournées : c'est Alexandre qui avant de marcher sur la Perse s'empare de la Palestiqe et de l'Égypte, Scipion qui avant de s'attaquer à Carthage entreprend la conquête de l'Espagne, etc... On peut ranger dans l'approche indirecte le débarquement allié en Afrique du Nord en 1942 et la campagne de Serbie en 1918. En réalité, cette manouvre d'approche indirecte est un moyen qui s'impose à celui des deux adversaires qui n'est pas sûr d'être assez fort pour battre l'ennemi dans une bataille livrée sur le terrain choisi par l'adversaire. Liddell Hart fait à juste titre valoir qu'on n'est jamais sûr d'être assez fort et aussi que même si l'on est assez fort, la victoire sera beaucoup plus coûteuse. C'est pourquoi il préconise l'emploi systématique de l'approche indirecte. Il a sans doute raison dans la plupart des cas, mais il demeure que l'idée centrale de cette conception est de renverser le rapport des forces opposées avant l'épreuve de la bataille par une manoeuvre et non par le combat. Au lieu d'un affrontement direct, on fait appel à un jeu plus subtil destiné à compenser l'infériorité où l'on se trouve. Cette idée centrale qui se traduisait en stratégie militaire classique par une manoeuvré de caractère géographique géographique ('approche ('approche indirecte) a trouvé son application application en stratégie totale sous une forme différente dans tous les conflits où l'un des adversaires voulait atteindre un résultat avec des moyens militaires qui, pour une raison ou pour une autre (faiblesse intrinsèque ou dissuasion d'en employer de plus importants) étaient inférieurs à ceux qui pouvaient lui être opposés. C'est pourquoi nous donnerons donnerons à cette stratégie le nom général de stratégie indirecte. On verra que cette stratégie, qui connaît à cause de l'existence de l'arme atomique et de la fièvre de décolonisation un champ d'action très étendu, est devenue extrêmement extrêmement complexe et terriblement terriblement efficace. Ses caractéristiques, particulièrment particulièrment insidieuses à force d'être indirectes, indirectes, sont souvent mal comprises, ce qui nous a valu une suite continue de revers dans ce domaine. Rien n'est donc plus important que de chercher à comprendre son mécanisme. La différence essentielle entre l'approche indirecte et la stratégie indirecte ne gît pas seulement dans le caractère géographique de « l'approche a que l'on a vu plus haut. L'approche indirecte en effet vise la victoire militaire. C'est seulement sa préparation qui est indirecte. C'est pourquoi j'ai rangé l'approche indirecte dans la stratégie directe. La stratégie indirecte est celle qui attend l'essentiel de la décision des moyens autres que la victoire militaire. Une autre caractéristique de la stratégie indirecte gît dans l'aspect particulier qu'y prend la liberté l'action. De nos jours, - et ceci bien avant l'apparition de l'arme atomique -, tout conflit ne peut se jouer qu'à l'intérieur d'une marge bien définie de liberté d'action, à cause des répercussions répercussions que son s on développement pourrait avoir sur la situation internationale. En 1912, par exemple, les Balkaniques ont dû renoncer à pousser jusqu'à Constantinople où l'on ne voulait pas voir la Russie s'installer. De même au Maroc, la France a dû ménager les intérêts anglais et espagnols, etc... Nous avons souligné dans une autre étude l'erreur des Allemands envahissant la Belgique en 1914 et ouvrant la guerre sous-marine en 1916, etc... On était alors limité par la crainte de ce que Clausewitz avait appelé c l'ascension aux extrêmes s, c'est-à-dire de voir un conflit d'enjeu limité mettre en marche une conflagration sans commune mesure avec l'objet initial. De 1936 à 1939, Hitler s'est efforcé
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d'atteindre ses objectifs sans déclencher le grand conflit mondial. Avec l'arme atomique, le danger d'ascension aux extrêmes est devenu si grand que la marge de liberté d'action s'est considérablement rétrécie, mais elle subsiste encore, comme le montrent les nombreux conflits limités qui se sont produits depuis 1950 (Corée, Indochine, Afrique du Nord, Israël, Hongrie, Suez, Congo, Cuba, Berlin).. Plus la marge de liberté d'action s'est trouvée étroite, plus son exploitation est devenue importante importante car elle permettait seule de s'attaquer au statu quo que prétendait maintenir la dissuasion nucléaire. Plus la marge de liberté d'action était étroite et plus les procédés d'exploitation devaient être nuancés jusqu'à prendre des aspects où la guerre était presque méconnaissable. Et cependant les résultats atteints ont été considérables, plus considérables que ceux qui eussent été obtenus par une grande guerre : l'Occident a été évincé de la Chine, et de presque tout le Sud-Est Asiatique, le Moyen-Orient a été troublé, l'Afrique s'est soulevée, le malaise s'est étendu à l'Amérique centrale et à l'Amérique du Sud. Or tous ces résultats ne sont pas uniquement le produit fatal de l'évolution historique, ils sont le résultat d'une utilisation judicieuse des tendances naturelles de l'évolution par des manouvres exactement calculées selon une stratégie très précise, celle que nous appelons la stratégie indirecte. Celle-ci s'est avérée ainsi le meilleur antidote de ce qu'on a appelé la paralysie nucléaire. Ainsi, la stratégie indirecte apparaît comme l'art de savoir exploiter au mieux la marge étroite de liberté d'action échappant â la dissuasion par les armes atomiques et d'y remporter des succès décisifs importants malgré la limitation parfois extrême des moyens militaires qui peuvent y être employés. C'est en partant de cette définition que nous allons chercher à comprendre les règles de ce jeu extrêmement nuancé.
CONCEPTION DE LA MANOEUVRE MANOEUVRE INDIRECTE L'élément premier de la stratégie indirecte consiste à déterminer la marge de liberté d'action que la conjoncture peut procurer et à s'assurer que cette marge pourra être maintenue et si possible accrue, tandis que celle dont jouira l'adversaire sera réduite au maximum. On reconnaît ici le principe que nous avions souligné dans 'analyse de la stratégie en général : toute dialectique de lutte revient à un conflit pour la liberté d'action. Mais l'originalité foncière de la stratégie indirecte, c'est que la liberté d'action te dépend que pour une faible part des opérations qui seront enterprises enterprises dans la zone considérée, considérée, tandis qu'elle repose repose presque entièrement entièrement sur des facteurs extérieurs extérieurs à cette zone : appréciation de la valeur de la dissuasion nucléaire, nucléaire, appréciation appréciation les réactions internationales, des possibilités morales de l'adversaire et de sa sensibilité tant aux actions envisagées qu’aux pressions extérieures, etc. II en résulte que la possibilité comme le succès de l'opération ont commandés par la réussite de la manoeuvre menée sur échiquier mondial. C'est ce que nous appellerons la manœuvre extérieure Son importance a été trop souvent méconnue : on n'a pas vu que l'essentiel de la lutte ne se jouait pas sur le terrain des combats mais en dehors de lui. C'est en général ce grave contresens qui a entraîné les trop nombreux échecs que nous avons subis.
Conception de la manoeuvre extérieure L'idée centrale de de la manœuvre extérieure est de s'assurer le maximum maximum de liberté d'action d'action en paralysant l'adversaire par mille liens de dissuasion, comme les Lilliputiens avaient su enchaîner Gulliver. Naturellement Naturellement - comme comme dans toute dissuasion dissuasion - il s'agit d'une d'une manœuvre manœuvre psychologique faisant concourir à ce même but les moyens politiques, économiques, diplomatiques diplomatiques et militaires.
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Les procédés de dissuasion employés vont du plus subtil au plus brutal : on fera jouer le respect des formes légales du Droit intérieur et international, on fera valoir les valeurs morales et humanitaires humanitaires et l'on cherchera à donner à l'adversaire une mauvaise conscience conscience dans la lutte en le faisant douter du bien fondé de sa cause ; on créera ainsi l'opposition d'une partie de son opinion intérieure tandis qu'on soulèvera, soulèvera, si on le peut, telle ou telle fraction de l'opinion internationale, internationale, créant une véritable coalition morale dans laquelle on entraînera des sympathisants naïfs, séduits par des arguments adaptés adaptés à leurs préjugés ; ce climat sera exploité à l'ONU. par exemple ou dans dans d'autres réunions internationales, mais il sera surtout employé comme une menace destinée à empêcher l'adversaire d'entreprendre d'entreprendre telle ou telle action ; on emploiera, sous forme de menace ou d'exécution, l'intervention indirecte par l'envoi d'armements, de spécialistes et de volontaires ; s'il le faut on fera valoir la menace de représailles politiques et économiques, et enfin la menace d'intervention directe, voire par engins atomiques. On reconnaît dans cette énumération - qui n'est pas limitative - bien des traits caractéristiques de l'actualité récente. Mais cet ensemble de procédés ne peut être employé avec efficacité que si deux conditions sont réalisées : d'abord que la force militaire de dissuasion (nucléaire ou classique) constitue une menace globale suffisante pour paralyser les réactions et ensuite que l'ensemble des actions prévues s'inscrive dans une ligne politique convenablement choisie pour former un tout cohérent : lorsque par exemple les Etats-Unis libéraux interviennent à Cuba, même indirectement, comme dans l'opération de la baie des Cochons, ils font une fausse note psychologique qui ne serait pas grave en stratégie directe (surtout si elle était victorieuse) 12 (1) mais qui leur coûte très cher en stratégie indirecte ; lorsque la France décolonise en Afrique Noire et évacue volontairement le Maroc et la Tunisie, elle fait une autre fausse note en s'accrochant à l'Algérie (ou réciproquement). Le choix de cette ligne politique constitue une décision capitale pour le succès de la manœuvre. Chose curieuse, on a pu constater dans ce domaine que l'on pouvait en matière psychologique s'approprier des positions abstraites, tout comme en guerre militaire on s'empare d'une position géographique géographique et on l'interdit à l'ennemi. Les Soviétiques ont ainsi réussi à faire admettre que le rideau de fer était une barrière politique étanche dans le sens ouest-est alors qu'elle est perméable dans le sens est-ouest, ils se sont appropriés la plateforme de la paix, celle du refus des armes atomiques (qu'ils ont pourtant développées), celle de l'anticolonialisme alors qu'ils possèdent le seul empire colonial qui subsiste encore. L'analyse de ce phénomène indiscutable relève de la tactique psychologique et ne sera pas tentée ici. Du moins notons en passant que ces « conquêtes » s'appuient en général sur les principes reconnus par leurs adversaires. Il n'est donc pas impossible que des positions idéologiques conçues en fonction du marxisme puissent être « conquises » par les Occidentaux lorsqu'ils sauront appliquer dans leur stratégie indirecte des calculs conscients au lieu de principes juridiques ou moraux que leurs adversaires utilisent efficacement contre eux à tout coup. Le choix de la ligne politique doit naturellement tenir compte des tendances psychologiques du moment, désir de paix, décolonisation, volonté de relèvement du niveau de vie, etc.), ainsi que des vulnérabilités de l'adversaire comme de celles des partenaires que l'on veut utiliser. Cela conduira le plus souvent à mener le conflit indirectement par c adversaires interposés ». Cette fiction ne trompe personne mais est psychologiquement essentielle. Bien sûr encore, la ligne politique doit-elle prévoir les réactions possibles de l'adversaire et contenir en puissance les parades correspondantes. Au total, la < ligne politique » doit constituer l'idée de manoeuvre d'un véritable plan d'opérations psychologique, psychologique, conçu avec la même rigueur qu'un plan d'opérations en stratégie militaire.
Conception de la manœuvre intérieure S'étant ainsi assuré la possibilité d'une certaine liberté d'action, il reste à concevoir la manœuvre à effectuer dans l'espace géographique où l'on veut obtenir certains résultats. Nous appellerons cette manœuvre du nom de « manœuvre intérieure ». 12
Comme l'a montré l'affaire de Cuba en 1962.
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Là, le problème se ramène à trois variables complémentaires principales : les forces matérielles, les forces morales et la durée. Si les forces matérielles sont très supérieures à celles de l'adversaire, les forces morales peuvent être moindres moindres et la manoeuvre peut être très courte. Si, au contraire, contraire, les forces matérielles sont petites, elles doivent être compensées par de très grandes forces morales, et la manoeuvre sera nécessairement longue. Ainsi se dessinent deux formes extrêmes de manoeuvre stratégique. La première vise à réaliser très vite, grâce à la supériorité des forces, un objectif partiel à la mesure de la liberté d'action extérieure dont on dispose, puis à paraître s'arrêter avant de reprendre une autre opération. opération. Cette manoeuvre manoeuvre par objectifs successifs relativement relativement modestes modestes coupée de négociations est celle que l'on pourrait appeler la « manoeuvre de l'artichaut » 13. Hitler en a montré un remarquable exemple de 1936 à 1939. t 'U.R.S.S. l'a tentée à plusieurs reprises (Tchécoslovaquie, Corée) avec des succès inégaux. Sur un mode défensif, les diverses campagnes israéliennes du Sinaï se rangent dans cette même catégorie. La seconde manoeuvre manoeuvre vise à atteindre l'objectif l'objectif -- parfois important important -moins par une victoire militaire que par l'entretien prolongé d'un conflit conçu et organisé pour devenir de plus en plus lourd pour l'adversaire. C'est la « manoeuvre par la lassitude » des conflits de longue durée dont Mao Tse Tung a été le remarquable théoricien et l'exécutant victorieux. L'Algérie en est l'exemple le plus récent et peut-être le plus complet. Berlin, sous une forme très insidieuse, procède de la même conception. Naturellement, Naturellement, tous les intermédiaires sont possibles entre ces deux f ormules extrêmes : la Corée qui a commencé sous le signe de l'artichaut s'est terminé sous celui de la lassitude. L'Indochine qui relevait de la stratégie de la lassitude a failli se terminer dans le style militaire de l'artichaut.
Manœuvre par la lassitude La conception de la a manoeuvre par la lassitude » est extrêmement intéressante parce qu'elle est vraiment très subtile. Il s'agit d'amener un adversaire beaucoup plus fort que soi à admettre des conditions souvent très dures et en n'engageant contre lui que des moyens extrêmement limités. C'est alors que joue à plein la formule des variables complémentaires que nous avons déjà rencontrée : l'infériorité des forces militaires doit être compensée par une supériorité croissante des forces morales à mesure que l'action dure davantage. Ainsi, l'opération se développe simultanément sur deux plans, le plan matériel des forces militaires et le plan moral de l'action psychologique.
Plan matériel. Sur le plan matériel, il s'agit d'abord de savoir durer. Cet objectif que Raymond Aron considère comme le but ultime de la stratégie14 stratégie14 est bien en réalité le but but de toute a manoeuvre manoeuvre par la lassitude ». Dans une grande infériorité de moyens, on ne peut espérer survivre qu'en refusant le combat et en employant une tactique de harcèlement pour maintenir l'existence du conflit. Ceci conduit à la guérilla, vieille comme le monde et cependant oubliée puis réapprise à chaque génération. Mais cette tactique a fait l'objet depuis quarante ans de codifications stratégiques très importantes 15 qui permettent de conduire ce genre d'opérations selon des concepts rationnels qui en accroissent considérablement l'efficacité, et par conséquent permettent de réduire notablement le déséquilibre des forces matérielles. Mao Tsé Tung définit par sept règles l'essence de la guérilla : accord intime entre les populations et les guerilleros, repli devant une avance ennemie en force, harcèlement et attaque devant un repli ennemi, stratégie à un contre cinq, tactique à cinq contre un, notamment grâce à ce qu'il appelle le cc repli centripète » c'est-à-dire la concentration des forces pendant le repli ( il disposait de beaucoup d'espace en Chine), enfin logistique et armement grâce aux prises sur 13 14
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Que les Allemands appellent la tactique du « Salami ». Cf. le chapitre « Survivre c'est vaincre » in Paix et guerre entre les nations . Raymond ARON. Calmann Lévy, 1982. Notamment par le colonel Lawrence, par les règlements soviétiques et par Mao Tsé-Tung.
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l'ennemi. Ces sept règles constituent le minimum nécessaire à cette forme de guerre, minimum qui est cependant parfois méconnu comme par exemple lorsque l'O.A.S. prétendit établir un e réduit » en Algérie, ou quand les Américains acceptèrent acceptèrent l'idée d'un débarquement débarquement à Cuba sous forme de “ tête de pont “ classique. Au delà de ce minimum, deux notions capitales ont été formulées pour assurer la liberté d'action de la guérilla. La première d'origine d'origine soviétique, mais déjà appliquée par les Irlandais, vise à empêcher la répression en dissuadant la population de renseigner l'ennemi par la pratique d'un terrorisme systématique. Nous avons pu apprécier en Indochine et en Algérie l'efficacité de la méthode dont la cruauté n'a cependant pas soulevé l'indignation de l'opinion mondiale. La seconde, lumineusement expliquée par Lawrence à propos de Médine, a pour principe d'étendre en surface la menace de la guerilla au maximum sans cependant inciter l'ennemi à se replier, de .façon à lui poser un problème de protection de plus en plus difficile. L'application de cette dernière notion a pour effet l'amener l'adversaire à dépenser dépenser de plus en plus de forces pour pour la garde d'un nombre nombre croissant de points, points, ce qui dans me large mesure est capable de modifier l'équilibre pratique les forces en présence. C'est ainsi qu'en Algérie, plus de ;00.000 hommes étaient tenus en haleine par moins de 30.000. Enfin, les forces de guerilla - dont l'usure est terrible terrible doivent être entretenues entretenues et constamment développées pour que a pression soit croissante. Ceci nécessite un svstème initial 'de Contrebande d'armes (ou de parachutages comme en France :n 1944) suivi dès que possible de l'établissement de bases >roches du territoire attaqué dont l'inviolabilité sera assurée Par les moyens de dissuasion de la manceuvre extérieure. Ce ut le rôle des bases de .Chine pour la guerre d'Indochine, de elles d'abord d'Égypte puis de Tunisie et du Maroc pour la ;uerre d'Algérie, de celles du Congo ex-belge, pour l'Angola portugais, etc. Certains auteurs ont vu dans l'organisation de es bases l'élément décisif de ce genre de guerre. S'il n'est pas décisif en lui-même, il est certainement très important, car on eut noter que les guerillas qui ont échoué, au Kenya et en Malaisie, sont celles qui justement se trouvaient isolées. Ce .ernier point confère à la manoeuvre extérieure une valeur pérationnelle capitale qui s'ajoute à ce qui a déjà été dit de in rôle clef dans le domaine de la liberté d'action globale.
Plan psychologique. Sur le plan psychologique, l'idée générale est encore de avoir durer. Pour cela, il est indispensable que les forces morales morales des combattants combattants et de la population soient dévelopées dévelopées et maintenues maintenues à un niveau élevé. Le levier moral moral est donc Capital Capital Symétriquement, Symétriquement, il faut amener l'adversaire à céder par par lassitude. Là encore encore l'action psychologique psychologique sera essentielle essentielle pour exploiter dans ce sens les résultats obtenus. Cette action psychologique complexe puisqu'elle doit s'adresser simultanément aux combattants et à la population amis et ennemis repose sur deux éléments principaux, la « ligne politique » de base et le choix de la tactique psychologique. La ligne politique de base, qui doit être en harmonie avec la ligne politique nécessaire à la manoeuvre manoeuvre extérieure, doit doit être telle qu'elle puisse mobiliser mobiliser en vue de la lutte les passions latentes latentes du peuple que l'on veut émouvoir. En outre, ces passions (patriotiques, religieuses, sociales, etc.), doivent être présentées selon une orientation qui démontre la justice de la cause que l'on veut soutenir. De même, le succès de l'opération doit paraître certain, non pas comme en 1940 « parce que nous sommes les plus forts » - ce qui dans ce genre de guerre n'est jamais vrai au début - mais parce que « Dieu (ou d'obscures forces historiques) est avec nous ». Le déterminisme historique, en prédestinant prédestinant l'histoire dans le sens désiré, vient ainsi remplacer les saintes images ou les apparitions qui galvanisaient les croisés, il crée une sorte de fatalisme optimiste - et symétriquement un fatalisme pessimiste chez l'ennemi -, qui s'apparentent au fatalisme des Musulmans successivement conquérants conquérants et asservis. Ce dernier point est particulièrement important, car nous avons mal mesuré le rôle qu'a joué dans la rapide conquête du Monde par la race blanche le sentiment chez les peuples soumis que nous étions portés par le destin et que nous ne pouvions manquer d'être les maîtres de leur avenir. Les
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échecs subis par l'Occident dans la première partie de la seconde guerre mondiale mondiale ont démenti cette prévision, nous avons perdu la face, et les mêmes forces qui jouaient en notre faveur s'exercent maintenant contre nous. Les tactiques psychologiques comportent évidemment l'emploi des techniques aujourd'hui bien connues de propagande, d'endoctrinement et d'organisation de la population, par un encadrement serré et soigneusement surveillé. Mais dans ce genre de guerre il est surtout indispensable de comprendre comprendre que les seuls succès sont d'ordre psychologique, psychologique, donc que toutes les actions matérielles n'ont d'intérêt que par leur valeur pour relever le moral ou le prestige des combattants ou de la population. La guerilla devra donc le plus souvent être conduite dans ce sens. D'autre part, si les succès font défaut ou sont minimes, le bluff - voire le mensonge total -- pourront les suppléer. (Cf. c l'héroïque » défense de Port-Saïd, la destruction du c Suffren » par les Vietnamiens, du « Jean-Bart » par les Egyptiens, le débarquement de l'armée égyptienne en Kabylie, etc., etc.). Dans le même sens, un prurit de nouvelles sensationnelles, comme la presse occidentale en a l'habitude, permet à l'adversaire de multiplier l'effet psychologique d'actions modestes et répétées. On peut encore noter ici que si la ligne politique politique doit présenter présenter une très sérieuse sérieuse unité, la propagande propagande peut être très différente sur le plan extérieur et sur le plan intérieur. Grâce aux manceuvres extérieure et intérieure conduites en parfaite symbiose, le conflit d'abord mineur peut s'enkyster guis se développer développer et durer. Si la manoeuvre manoeuvre extérieure produit produit e minimum indispensable indispensable de dissuasion, et et si la manoeuvre ntérieure n'est n'est pas étouffée étouffée dés le début, début, les meilleures chan,es existent pour une issue victorieuse. Au mieux, on aboutira i la renonciation à la lutte par l'adversaire l'adversaire (Tunisie, Maroc, Algérie). Algérie). Si la manoeuvre extérieure ne réussit pas à empêcher empêcher 'intervention d'autres puissances, on débouchera sur un compromis sous la forme d'une partition (Israël, Indochine). ii la manaeuvre extérieure ne réussit pas à alimenter suffisamment l'action intérieure et si l'adversaire s'accroche, alors on va à l'échec (Kenya, Malaisie). Mais les germes semés pendant a lutte se développeront plus tard et au minimum on aura mposé à l'adversaire un effort considérable au prix de moyens dérisoires. Cette dernière considération souligne tout l'intérêt de la manoeuvre par la lassitude : bien menée, strictement raisonrée, elle ne présente qu'un minimum de risques alors que ses dividendes possibles sont considérables et que même en cas :'échec on a usé l'adversaire sans s'user soi-même. Je préoyais, il y a 22 ans, sur l'exemple hitlérien, que cette forme e conflit ne pourrait manquer de se développer développer dans l'avenir. ,es faits ont dépassé mes prévisions. Je pense aujourd'hui que ce genre de guerre se développera encore, à l'ombre de l'arme atomique, jusqu'à ce que des parades efficaces soient mises au point et créent dans ce domaine les possibilités de dissuasion que nous possédons dans les autres. Ce problème sera examiné plus -loin, après avoir étudié la « manoeuvre de l'artichaut ».
Manoeuvre de l'artichaut La manoeuvre de l'artichaut est beaucoup beaucoup plus simple, simple, en ce que, dans sa phase phase d'exécution intérieure elle repose surtout sur des calculs de stratégie militaire. Par contre, la manoeuvre extérieure y joue un rôle rôle aussi décisif que dans la manoeuvre manoeuvre par la lassitude. On l'a bien vu à l'occasion de Suez et du Sinaï où le succès militaire a été sans influence sur l'échec final de l'opération dont la couverture extérieure était pratiquement nulle. Il s'en faut toutefois que la stratégie stratégie militaire de la manoeuvre manoeuvre de l'artichaut ne comporte comporte pas de servitudes particulières. Celles-ci tiennent essentiellement à ce que la marge de liberté d'action dont elle jouit est toujours étroite et que, même si la manoeuvre manoeuvre extérieure a été bien conçue, conçue, elle risque l'échec ou l'ascension aux extrêmes si elle ne réussit à réaliser par surprise et rapidement un c fait accompli » indiscutable pouvant servir de base à des négociations ultérieures. L'échec soviétique en Corée tient à ce que l'opération n'a pas pu être rapidement décisive et qu'elle s'est enkystée dans une campagne de longue durée. S'il n'y avait pas eu la tête de pont de Fusan, il n'y aurait pas eu la contre-offensive dInchon, ni aucune autre intervention américaine par la suite. Le plan soviétique 51
manquait de vitesse et de puissance. De même pour l'opération de Suez, il était insensé de prétendre mener une opération c aéropsychologique aéropsychol ogique » d'une durée de dix jours avant de débarquer: c'était laisser à l'adversaire la possibilité de créer le fait accompli à son profit avant le débarquement. A l'opposé, la mainmise d'Hitler sur la rive gauche du Rhin, sur l'Autriche puis sur la Tchécoslovaquie ont chaque fois été menées en 48 heures, ce qui correspond au temps minimum de réaction de la politique internationale. Ainsi, l'opération intérieure doit être conçue comme un grand coup de main, à base de surprise, de vitesse, d'actions rapides du fort au faible exploitées en force et immédiatement. C'est donc le domaine des actions aéroportées, motorisées et blindées. Naturellement, cette vitesse nécessaire repose non seulement sur des prévisions justes et sur une exécution vigoureuse, mais aussi sur une préparation très complète dans tous les domaines. On n'improvise pas une telle opération. Enfin, si la liberté d'action d'action procurée procurée par la manoeuvre manoeuvre extérieure est est la condition même même du succès, il est une autre condition extérieure également indispensable, c'est que l'objectif apparaisse suffisamment limité pour être acceptable par l'opinion internationale. Hitler avait assez bien réussi à présenter chacun de ses objectifs successifs comme le seul et le dernier. Le jeu a réussi trois fois (jusqu'à Munich), mais, après Prague, personne n'était plus dupe de sa stratégie de l'artichaut. La feuille suivante, la Pologne, devait déclencher l'ascension aux extrêmes de la seconde guerre mondiale, encore que bien des esprits en Occident aient cru une fois de plus à une nouvelle phase limitée. Ceci montre les limites de cette stratégie qui ne peut pas être utilisée pour atteindre, par bonds successifs, des objectifs trop importants, à moins peut-être d'être étalée sur une très longue période de temps. Disons aussi que par son caractère violent et sensationnel, elle est d'un maniement beaucoup beaucoup plus dangereux dangereux que la c manoeuvre par la lassitude a. Mais dans certains cas particuliers et bien définis, elle demeure très possible et peut être extrêmement efficace - surtout comme Israël l'a fait à plusieurs reprises, si elle présente le caractère de coups d'arrêt.
LES PARADES A LA STRATÉGIE INDIRECTE. Depuis 1935, la stratégie indirecte est d'un usage constant et ne remporte guère que des succès. Avec Hitler, de 1936 à 1939, elle a eu surtout le caractère de ce que nous avons appelé la c manoeuvre de l'artichaut y. Après la phase de stratégie directe de 1939 à 1945, la stratégie indirecte a repris son essor, généralement sous l'impulsion des Soviétiques, mais cette fois davantage sur le mode particulier de la « manoeuvre par la lassitude lassitud e >. Cette vogue prolongée et, semble-t-il, croissante, tient aux conditions de la guerre moderne : depuis 1918 déjà, mais surtout depuis Hiroshima, chacun est persuadé de la malfaisance de la guerre intégrale, tous veulent l'éviter. Mais ceux dont la politique implique le changement de l'ordre établi continuent à employer la force pour atteindre leurs objectifs. Ceci conduit nécessairement au jeu nuancé de la stratégie stratégie indirecte que chacun chacun des grands acteurs acteurs applique selon son son tempérament, tempérament, Hitler par des alternances trop rapides de cautèle et de violence, les Soviétiques par une patiente et progressive action de désorganisation sous une menace insidieuse. L'aspect nouveau de cette très ancienne forme de stratégie (la guerre de cent ans n'a été qu'une très longue guérilla dont l'événement final a été le miracle psychologique de Jeanne d'Arc) a généralement surpris et dérouté. Intoxiqués par les doctrines radicales du 19e siècle, on croyait à la distinction absolue de la guerre et de la paix et l'on n'a souvent voulu voir dans la stratégie indirecte qu'un jeu relevant de la politique. Comme on ne concevait que la grande guerre ou rien, on a laissé faire Hitler pendant quatre ans, puis on a déclenché le conflit mondial d'où est sortie la ruine de l'Europe, sans avoir compris à temps qu'on pouvait le vaincre par les méthodes qu'il employait. Quand, après 1946, la poussée stalinienne a paru renouveler la menace, les Etats-Unis ont réagi par une stratégie dont certains éléments relevaient de la stratégie indirecte, -notamment le Plan Marshall -, mais plus consciemment, ils ont fait porter l'effort sur la stratégie directe fondée sur l'arme atomique. Celle-ci a conduit à la stratégie de dissuasion qui a eu pour conséquence de pousser les Soviétiques (et d'autres) d'autres) à développer développer encore encore plus leur manoeuvre manoeuvre de stratégie indirecte. indirecte. Le développement de cette manoeuvre est impressionnant : bloqués en 1946 en Iran, ils poussent en 52
Grèce d'où ils ne seront rejetés qu'en 1950, 1948 victoire en Chine, 1949 Prague, 1950 la Corée et l'intervention en Indochine. 1953-54 poussée indirecte au Moyen-Orient. En 1954, l'Afrique du Nord s'allume, en 1959 Cuba, en 1960 le Congo, en 1961 l'Angola, tandis que 1:Allemagne demeure sous les pressions successives exercées à Berlin. En 15 ans, avec des alternatives de succès inégaux, l'U.R.S.S. a obtenu plus de résultats qu'elle n'eût pu le faire par une grande victoire. Devant cette situation, les réactions occidentales sont décousues et le plus souvent inadaptées parce que le problème n'est généralement pas apprécié pour ce qu'il est et que les remèdes appliqués n'ont qu'une valeur partielle, quand ils n'ont pas pour résultat de faciliter la manoeuvre adverse. Il est essentiel de prendre conscience des caractères objectifs de la stratégie indirecte et d'agir en conséquence. Certes, nous n'avons pas la prétention ici de donner la solution complète du problème des parades à opposer à la stratégie indirecte ; du moins voudrions-nous indiquer indiquer quelles idées générales peuvent permettre de trouver les réponses efficaces aux défis que nous suscitent ces curieuses années de c paix >, au cours desquelles nous n'avons su jusqu'à présent que céder plus ou moins de terrain. Que l'on veuille bien ne voir, dans ce qui va suivre, qu'une tentative, une première approximation approximation des solutions suggérées par nos récentes expériences.
Contre-manoeuvre extérieure En stratégie plus qu'en tout autre domaine, il faut savoir distinguer l'essentiel de l'accessoire. En stratégie directe, l'essentiel c'est la force, c'est-à-dire les moyens matériels dont l'importance permettra d'obtenir plus ou moins facilement la liberté d'action. En stratégie indirecte, l'essentiel portant également sur la recherche de la liberté d'action, l'intérêt va se concentrer sur les moyens indirects capables de l'assurer, donc en tout premier lieu sur la a contre-manoeuvre extérieure s. Celle-ci, bien sûr, reste dominée par la dissuasion globale réalisée par la stratégie nucléaire directe et par conséquent l'effort dans ce domaine devra être maintenu. Mais si on se limitait à cet effort comme certaines thèses américaines ont eu tendance à le faire - on laisserait à l'adversaire toute sa liberté d'action en stratégie stratégie indirecte. Au contraire, contraire, si la contremanoeuvre contremanoeuvre réussissait pleinement, pleinement, tous les problèmes de la stratégie indirecte seraient résolus. C'est donc là qu'est le point décisif; c'est là que l'effort doit porter en priorité. La contre-manoeuvre extérieure consiste à réaliser le plus possible de dissuasions complémentaires de la dissuasion nucléaire globale. Le choix de ces dissuasions, comme on l'a vu pour la manoeuvre extérieure, peut être fait en partant des vulnérabilités vulnérabili tés du système adverse (opinion intérieure, économie, situation des satellites et des alliés moraux, tabous de la psychologie marxiste - ou musulmane ou noire, etc.). De là doit se déduire la ligne politique qui consiste à fixer les positions idéologiques et géographiques à défendre et celles que l'on veut menacer. Il faut bien voir qu'une ligne politique de caractère purement défensif n'aurait qu'une faible valeur de dissuasion car la clef de la dissuasion, c'est la capacité de menacer. Il faut donc absolument une ligne politique offensive. Sur le plan idéologique, une ligne politique offensive comporte d'abord la nécessité de pouvoir attaquer efficacement les points faibles du système idéologique adverse. Il faut donc partir de ces points faibles et non pas de nos conceptions morales ou philosophiques. philosophiques. D'autre part, il faut que notre système d'attaque soit conçu en fonction des besoins de ceux que l'on veut convaincre et non pas des nôtres. C'est ainsi par exemple que nous manquons complètement de la c force de frappe > psychologique que constituerait un corps de pensée d'inspiration libérale bien adapté aux besoins immédiats (économie, organisation sociale, constitution politique) des jeunes Etats du tiers monde. Il faut bien reconnaître d'ailleurs que nos concepts ont grand besoin d'être adaptés, rajeunis et rendus cohérents pour les faire correspondre correspondre aux réalités de notre époque (économie orientée, lois sociales, etc.). Sur le plan psychologique, l'élément essentiel des dissuasions est de rétablir le prestige de la civilisation occidentale. Or le prestige est une fonction complexe de la puissance et de l'efficacité
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présentes ainsi que de celles que l'on estime pouvoir vous prêter dans l'avenir. La décadence de l'Occident, née de ses divisions aveugles, a paru confirmée par son inaptitude à présenter un front uni. Le premier élément du prestige à reconquérir est de savoir faire admettre à l'Occident la nécessité d'une manaeuvre globale étroitement coordonnée, donc une politique commune. Ceci est impossible dans un système qui ne comporte que, d'une part l'OTAN, à buts étroitement militaires, et d'autre part part l'O.N.U., qui n'est qu'une qu'une plaque de de résonance des des luttes internationales. internationales. Il est absolument essentiel de constituer une organisation occidentale chargée d'élaborer la stratégie globale. Des solutions, comme celle proposée par la France (étude globale par les puissances mondiales, études régionales régionales par les puissances intéressées) seraient susceptibles de conduire à ce résultat, mais en tout cas, on peut être assuré que si l'on ne parvient pas à dominer les difficultés très réelles qui existent dans ce domaine, nous serons incapables de gagner. Le second élément du prestige indispensable, c'est de rétablir la confiance mondiale dans l'avenir de notre civilisation. Les remarquables progrès économiques de l'Europe au cours des dernières années pourraient être utilisés plus efficacement à cet effet. Mais c'est surtout la possession d'une doctrine dynamique, donc rajeunie, qui pourra conduire à ce résultat. Enfin le prestige résulte en partie de la crainte que l'on inspire. Surtout vis-a-vis de peuples jeunes, la « face > joue un rôle considérable. C'est dire que l'on doit éviter de la perdre davantage (cf Suez, Cuba de la baie des Cochons, etc.) et s'efforcer de la regagner par des exécutions exemplaires et bien choisies selon un programme soigneusement calculé. La crise de Cuba de l'automne 1962 a montré l'efficacité d'un tel comportement. Du point de vue géographique, on doit choisir les régions où l'on veut faire effort pour défendre, menacer ou attaquer. Ce choix doit donc porter d'une part sur des régions couvrant nos points sensibles, d'autre part sur celles qui menacent les vulnérabilités de l'adversaire, et si possible sur celles où une action serait facile. De toute façon, on devra rechercher les localisations constituant des centres d'action capables de développements ultérieurs (cf Cuba) et éviter de s'engager dans les régions où l'adversaire peut développer son effort au moindre prix en nous obligeant à y dépenser des moyens considérables (cf Asie du Sud-Est). Enfin, même si l'on doit y rencontrer des difficultés, une priorité doit être donnée à l'élimination des bases extérieures permettant à l'adversaire de conduire ses agressions indirectes.
Contre-manoeuvre intérieure. Sur le lieu même de ces agressions, la risposte peut prendre des formes très différentes. S'il s'agit d'une agression violente du type de l'une des phases de la c stratégie de l'artichaut a, il faut disposer des forces tactiques indispensables pour éviter que le fait accompli ne se produise rapidement. L'existence de telles forces suffira normalement à assurer une dissuasion efficace. Si au contraire on ne dispose pas sur place des moyens nécessaires, on est obligé de recourir à la manoeuvre extérieure. L'exemple de Suez-Sinaï a montré qu'avec des agresseurs un peu hésitants, la manoeuvre manoeuvre extérieure pouvait pouvait suffire à annuler annuler les succès locaux. Mais une intervention intervention rapide comme celle des Américains en Corée - peut empêcher une décision locale et par conséquent mettre en défaut défaut toute la manoeuvre manoeuvre adverse. C'est C'est dire toute toute l'importance l'importance dissuasive de forces d'intervention d'intervention très mobiles. S'il s'agit d'une agression indirecte du type « stratégie par la lassitude », on peut hésiter entre plusieurs solutions. La meilleure, si elle est possible, consisterait à sauvegarder l'essentiel (c'est-àdire le contrôle gouvernemental) sans engager de gros moyens et à résoudre le conflit en l'étouffant par une manoeuvre extérieure suffisamment efficace. efficac e. Si au contraire la manoeuvre extérieure échouait (cas de la France en Algérie) on serait contraint de conduire une manceuvre intérieure visant une contre-offensive contre-offensive directe. Là encore l'élément capital sera celui de 'a ligne politique destinée à réduire les atouts de l'adversaire. Il faudra donc d'une part maintenir et développer le prestige, par une démonstration de force sans doute, mais aussi en persuadant de nos possibilités d'avenir (civilisation en progrès, soutien international, international, etc ...), et d'autre part désarmer les revendications par des réformes profondes.
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Sur le plan militaire, il est indispensable de déjouer la stratégie de la guérilla telle qu'on l'a décrite plus haut : il faut d'abord éviter de se laisser déborder par la manoeuvre en surface en pratiquant une stricte économie des forces mettant en défaut la a manoeuvre de Médine ». Ceci conduira à limiter la protection généralisée des personnes et des biens grâce à une forte densité d'occupation dans des zones réduites et bien choisies en fonction de leur importance politique et économique et à consentir dans le reste du pays à un certain degré d'insécurité. Les postes qui y seront laissés n'auront pour but que d'y maintenir un système de renseignement, grâce auquel on pourra y déclencher une série d'opérations destinées à empêcher l'organisation de bases adverses. Dans certains cas même, on pourra laisser l'ennemi s'installer à loisir pour pouvoir le détruire plus facilement. Corrélativement, Corrélativement, les frontières devront être hermétiquement closes grâce à une tactique de barrages dont les guerres de Libye, (de l'Italie fasciste) et d'Algérie ont donné l'exemple. Même très bien conduites, ces opérations requerront requerront des moyens très importants. C'est leur grande faiblesse pour une guerre nécessairement nécessairement prolongée. La stratégie devra donc s'efforcer de trouver des solutions économiques, tandis que l'organisation devra mettre en jeu des formules, (relèves, etc ...) conçues pour la durée. Dans des circonstances exceptionnellement favorables, on pourra tenter la décision par un effort considérable de moyens à condition que soient rapidement payants. S'il n'en était pas ainsi (Algérie1956) on ne ferait que réduire sa propre capacité de durer, donc faire le jeu de la manoeuvre adverse par la lassitude. Enfin, bien sûr, les opérations devront être conduites avec la préoccupation constante d'obtenir un effet psychologique sur l'ennemi et sur la population. Celle-ci étant complètement protégée dans les zones à forte densité d'occupation, on devra pouvoir comparer son sort enviable avec celui des populations vivant en zones plus ou moins contrôlées par l'adversaire. Les parties protégées, devenues zones refuges refuges ne devront devront sous au- cun prétexte être être réduites réduites 16 de façon à donner confiance et si elles s'étendent, il ne doit jamais y avoir de rétraction. Les combats doivent être utiles pour le prestige. Les échecs doivent. être cachés 17 ou compensés par des succès plus importants convenablement mis en valeur. Malgré toutes ces précautions, dont l'énumération souligne bien des erreurs, relevées dans la campagne d'Algérie notamment, il est nécessaire d'avoir présent à l'esprit que ce genre de lutte n'a été qu'exceptionnellement favorable à la défense et comme on l'a souligné, seulement lorsqu'il n'existait pas de bases extérieures proches qui puissent alimenter la guérilla. En stratégie indirecte, répondre à une attaque par une défense directe est une solution aussi mauvaise que celle du taureau fonçant sur la muleta rouge. C'est sur le toréador qu'il faut foncer, c'est-à-dire sur la manoeuvre extérieure.
CONCLUSIONS SUR LA STRATÉGIE INDIRECTE. La stratégie indirecte qui est un « mode » mineur de la guerre totale a été de toutes les époques (tout comme la stratégie directe d'ailleurs). Ses aspects modernes et sa grande vogue tiennent à ce qu'aujourd'hui la grande guerre est devenue raisonnablement impraticable. Son rôle est donc en réalité complémentaire de celui de la stratégie nucléaire directe : la stratégie indirecte est le complément et eu quelque sorte l'antidote de la stratégie nucléaire. Plus la stratégie nucléaire se développera et aboutira par ses équilibres précaires à renforcer la dissuasion globale, plus la stratégie indirecte sera employée. La paix sera de moins en moins pacifique et prendra la forme de ce que j'avais appelé en 1939 la « Paix-guerre » et que nous connaissons bien depuis sous le vocable de guerre froide. Cette guerre froide est à la guerre chaude ce que la médecine est à la chirurgie. Aux opérations sanglantes de la guerre chaude se substituent les « infections » qui ne sont pas moins meurtrières, mais plus insidieuses. Contre ces infections, la méthode chirurgicale est rarement efficace : il faut 16 17
Ceci oblige à prévoir p long terme une politique d'effectifs d'effectifs qui ne comporte pas de variations. Au lieu d'eu faire des titres à sensation dans les journaux.
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procéder à des vaccinations préventives ou à des contre-infections, et il faut prendre la maladie dès le début. Dans cette guerre larvée où les infections psychologiques ressemblent à celles de la guerre biologique, il est très difficile de contrôler les phénomènes une fois déclenchés : l'Allemagne a succombé en 1918 en grande partie à cause du retour du virus bolchévique qu'elle avait contribué à semer en Russie un an plus tôt ; le prurit de décolonisation sur lequel les Soviétiques avaient misé dès 1921 a parfois dépassé les prévisions de l'U.R.S.S. et lui a posé en Afrique des problèmes auxquels elle n'était pas prête à répondre. Cette guerre médicale est très différente de nos habitudes, malgré son emploi millénaire. Bien que ses aspects soient très particuliers et parfois déroutants, la stratégie indirecte n'est pas une stratégie spéciale, intrinsèquement distincte de la stratégie directe. La clef, comme dans toute stratégie, est la liberté d'action. C'est la façon de l'obtenir, par l'initiative et la sûreté, qui est différente, parce que la marge de liberté d'action (donc la sûreté) dépend de la manoeuvre extérieure et non de la manceuvre intérieure. C'est cette particularité qui lui donne le caractère indirect. Il est important de bien voir que la sûreté va dépendre des facteurs de la manouvre extérieure, donc des vulnérabilités des deux adversaires. Toute vulnérabilité offre une prise à l'ennemi, toute vulnérabilité ennemie ennemie offre une possibilité de menace de représailles. C'est donc sur ce plan que doit se placer l'étude de la sûreté. Comme en outre certaines certaines vulnérabililités vulnérabililités d'ordre révolutionnaire révolutionnaire sont longues à se développer (Congrès de Bakou 1921, décolonisation de 1945 à 196... ; Cuba commence en 1956, etc ...) il faut que les parades indirectes en vue de la sûreté s'effectuent très tôt, comme les initiatives destinées à parer les menaces adverses. Le vrai jeu de la stratégie indirecte doit se dérouler aux niveau des prodromes. Après, il est trop tard. Ainsi, la stratégie indirecte n'est que l'application de la formule générale de la stratégie à des valeurs extrêmes de certaines variables, la force (réduite au minimum) et le temps (considérablement (considérablement accru). En effet, la formule générale de la stratégie, simplifiée comme une formule d'Einstein, peut se représenter par le symbole : S=K F Ψ T dans lequel K est un facteur spécifique du cas particulier, F représente les forces matérielles, Ψ les forces morales morales et t le temps. En stratégie stratégie directe, directe, le facteur forces forces matérielles matérielles est prépondérant, prépondérant, le facteur Ψ beaucoup moins moins important, le facteur facteur t relativement relativement plus court. En stratégie stratégie indirecte l'importance l'importance relative des variables est inversée, Ψ devenant l'élément prépondérant. En effet, l'élément psychologique - toujours présent en toute stratégie -y joue un rôle déterminant. Il s'agit de remplacer la force matérielle qui manque par la force d'une idéologie bien construite, construite, et par la puissance de combinaisons résultant d'un calcul raisonné et précis. Au total, c'est la matière grise qui remplace la force - et c'est très bien ainsi. Mais il ne faudrait pas non plus oublier que l'existence ou l'emploi de la force restent nécessaires dans le jeu de la stratégie indirecte comme dans celui de la stratégie directe. Les proportions modestes que la force y présente souvent ne doivent pas abuser sur l'importance de son rôle. D'abord invisible, mais toujours présente, la force nucléaire trace le cadre général, les limites de dissuasion à l'intérieur desquelles la stratégie indirecte devra évoluer. Ensuite, dans la stratégie indirecte elle-même, la force est nécessaire pour exploiter (ou menacer d'exploiter) les situations créées par la manoeuvre manoeuvre psychologique. psychologique. Ceci reste vrai, même si l'action ne met en cause que quelques casques bleus de l'ONU ou quelques gorilles du Katanga. F peut être très petit, il n'est jamais nul. Sans Sans F, il n'y aurait aurait plus de stratégie. stratégie. Dans ce jeu nuancé qui est souvent si loin de la vraie guerre traditionnelle, l'emploi de la force paraît à certains une sorte de péché contre l'esprit. Cette vue est erronée et dangereuse. La force en elle-même n'est ni bonne, ni mauvaise. Sa qualification dépend de la cause qu'elle sert, donc de la politique qui l'anime. Mais déplorer que la force joue un rôle important dans les conflits qui jalonnent l'évolution historique, historique, c'est vouloir ignorer la réalité des choses.
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Cet emploi nuancé de la force est considéré souvent comme du domaine de la politique : la stratégie indirecte telle que l'on vient de la présenter ne serait pas une « stratégie » mais une « politique ». La querelle de mots a en soi peu d'importance, d'autant plus qu'il est évident que la stratégie indirecte est conduite au niveau des chefs de gouvernement. Mais le choix des mots révèle la compréhension que l'on a du phénomène. Considérer la stratégie indirecte comme une politique, c'est faire une grave confusion de genres. La politique, en effet, dont le rôle est de fixer les buts et de définir le volume de moyens à y consacrer, aura à décider si l'objectif à atteindre sera recherché par les voies de la stratégie indirecte ou non. Mais la conduite de cette stratégie n'est plus de la politique, mais de la stratégie, c'est-à-dire que l'emploi de la force doit y être soumis aux combinaisons les plus étudiées. L'histoire de ces dix dernières années a montré quelles erreurs fatales pouvaient être commises lorsqu'on voulait traiter ces problèmes empiriquement et à l'estime en face d'adversaires parfaitement conscients des règles de ce jeu. Apprenons désormais à utiliser ces règles comme eux, avec le même réalisme et la même intelligence avertie, afin d'éviter l'effondrement progressif de toutes nos positions ou le recours désespéré aux catastrophes que la stratégie directe ne manquerait pas aujourd'hui de déchaîner. Apprenons à survivre dans dans la « paix » et à sauver sauver ce qui nous nous reste de paix. paix. Apprenons la stratégie indirecte. indirecte.
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CHAPITRE V
CONCLUSIONS SUR LA STRATÉGIE Le vaincu mérite son sort parce que sa défaite résulte toujours des fautes de pensée qu'il a dû commettre, soit avant, soit pendant le conflit. La stratégie ne constitue ni un jeu d'esprit sur les réalités de la guerre, ni une façon prétentieuse ou pédante de raisonner les problèmes qui s'y posent. L'étude rapide qui précède en aura, on l'espère, convaincu le lecteur, en lui montrant qu'il s'agit d'un corps de pensée qui, malgré sa complexité, doit pouvoir servir de guide pratique pour réaliser au mieux les fins de la politique et surtout pour éviter les erreurs grossières dont l'histoire récente nous offre trop d'exemples. Dans cette présentation de la stratégie, j'ai choisi de me placer d'emblée du point de vue de la stratégie totale, celle qui a pour objet de conduire les conflits violents ou insidieux, menés simultanément dans les divers domaines, politique, économique, diplomatique et militaire, donc présentant un caractère total. C'est qu'en effet la stratégie devient généralement inintelligible si on la limite au domaine militaire, car trop de facteurs décisifs lui échappent. Même dans les circonstances les plus favorables (cas de la stratégie napoléonienne) une explication purement militaire demeure incomplète, et par là trompeuse. trompeuse. Pour la même raison, je n'ai pas cru pouvoir retenir la dualité stratégie-diplomatie sur laquelle se fonde par exemple Raymond Aron 18 parce qu'elle conduit à diviser arbitrairement un problème essentiellement unique (et qui d'ailleurs possède plus de ces deux composantes). Au lieu de cette division verticale, je préfère la division horizontale entre la Politique audessus et la stratégie totale en dessous, parce qu'ainsi on respecte la hiérarchie des préoccupations préoccupations et que l'on maintient l'unité des raisonnements raisonnements particuliers à chacun de ces échelons. Mais naturellement, sous la Politique se situe toute la pyramide des stratégies (la stratégie totale au sommet combinant les diverses stratégies générales propres à chaque domaine, ellesmêmes harmonisant les stratégies opérationnelles de leurressort) qui domine l'ensemble des Tactiques et des Techniques. La stratégie militaire n'est que l'une de ces stratégies générales et selon les cas elle joue un rôle rôle capital ou un un simple rôle auxiliaire. auxiliaire. On a vu que le jeu stratégique pouvait s'effectuer s'effectuer - comme la musique - selon deux c modes m. Le mode majeur est la stratégie directe, où la force représente un facteur essentiel. Le mode mineur est la stratégie indirecte où le rôle de la force paraît s'effacer devant celui de la psychologie et des combinaisons. Naturellement, ces deux modes peuvent se mêler en proportions variables pour produire un grand nombre de x modèles r dont nous avons examiné les principaux. Ce qu'il faut bien voir, c'est que ces « modes m et ces « modèles ' ne représentent que des solutions diverses dans la même formule générale : ils visent le même but, la décision par la capitulation psychologique psychologique de l'adversaire, et ils emploient la même méthode fondée sur la lutte pour la liberté d'action. Mais ces solutions se différencient par les procédés employés. Chacune d'elles est un cocktail particulier de procédés choisis parce qu' ils correspondent mieux aux moyens disponibles ou aux vulnérabilités de l'adversaire. Ce choix des procédés les meilleurs, parmi la gamme très étendue qui va de la suggestion à la destruction physique, est la partie peut-être la plus importante de la stratégie. C'est lui qui permet de faire face aux situations les plus difficiles et souvent de procurer la victoire au plus faible. Dans ce choix comme dans la conduite ultérieure des opérations, opérations, la pierre de touche est la liberté d'action. La lutte pour la liberté d'acfion est en effet l'essence de la stratégie. Il en résulte que la protection de sa propre liberté d'action (la sûreté) et l'aptitude à priver l'adversaire de sa liberté d'action (par la surprise et par l'initiative) constituent les bases du jeu stratégique. Mais là encore, 18
In t Paix et guerre entre les nations s. op. cil.
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deux conceptions se sont fait jour : celle qui cherche à définir le jeu le plus logique des forces disponibles (stratégie de mécanique rationnelle) et celle qui vise à réaliser le jeu le plus décevant pour l'adversaire (stratégie des combinaisons). Ces deux stratégies d'application s'emploient dans chacun des deux grands c modes x stratégiques d'ensemble de la stratégie directe et de la stratégie indirecte, mais leur choix ou leur combinaison dépendent des conditions particulières de l'opération envisagée : Dien Bien Phu était un épisode de s mécanique rationnelle » dans une campagne menée sous le signe de la stratégie indirecte ; inversement, les maquis de France n'étaient qu'un aspect c combinaisons » de l'opération Overlord tout entière conçue selon la plus pure stratégie directe. En analysant ainsi les rouages du raisonnement. stratégique, on est amené à reconnaître d'une part la situation dialectique des adversaires, définis chacun par quatre coordonnées (les forces matérielles, les forces morales, le moment et le lieu) et d'autre part les modifications dialectiques apportées à cette situation dans le temps et dans l'espace en vue de la liberté d'action. Cette succession de situations dialectiques, équivalent du film de la lutte, est ce que nous avons appelé le « facteur manceuvre » qui marie la mécanique rationnelle et les combinaisons dans une escrime conduite en vue de la décision. Dans cette escrime, le problème n'est pas de parer les coups adverses (encore qu'il faille le faire) mais d'empêcher l'adversaire de garder l'initiative, de prendre soi-même l'initiative et de maintenir cette initiative jusqu'à la décision. C'est en celà que, par ses prévisions, la manoeuvre doit s'efforcer d'être contraléatoire, contraléatoire, et que tout plan doit constituer constituer un ensemble cohérent cohérent de prévisions prévisions menant jusqu'à la décision. décision. Mais la stratégie ne se joue pas, comme aux échecs, avec des pions de valeur constante et définie. Ses solutions sont l'analogue d'une cuisine qui devrait marier des ingrédients en constante transformation. C'est qu'en effet la guerre - ou la lutte - emploie des forces matérielles qui sont fonction de l'outillage matériel de l'époque et des forces morales. Celles-ci dépendent étroitement des idées qui dominent la civilisation du moment. Il en résulte que la stratégie est une invention perpétuelle fondée sur des hypothèses qu'il faudra expérimenter en pleine action et où les erreurs d'appréciation se paieront durement par la défaite. C'est là que gît la difficulté la plus grande de la stratégie, surtout dans les époques d'évolution rapide, rapide, comme c'est le cas actuellement. Ce caractère évolutif était mal reconnu jusqu'à ces dernières années, puisque certaines théories allaient jusqu'à attribuer à la stratégie la vertu d'opérer sur des constantes, la tactique seule devant évoluer. Aujourd'hui Aujourd'hui l'arme atomique a forcé à comprendre que, sous des principes peu nombreux et immuables, les choix de la stratégie sont nécessairement variables et conjecturaux, ce qui d'ailleurs justifie la pluralité pluralité des c modèles modèles », opposée aux aux orthodoxies orthodoxies exclusives des théories théories anciennes. anciennes. Dès lors, pour limiter les chances d'erreur aux terribles conséquences, il devient indispensable d'organiser au mieux l'étude de la conjoncture. Contrairement à nos traditions, il est devenu extrêmement extrêmement important de bien prévoir, plus important que de réaliser des forces dont la valeur serait incertaine. Pas de stratégie moderne sans organes d'études puissamment outillés, sans une très bonne méthode d'analyse des situations, sans une parfaite connaissance de l'évolution et des possibilités d'inventions de tous ordres susceptibles d'être utilisées. Nous sommes très loin de tout cela ! Enfin, bien des domaines de la stratégie sont encore incomplètement incomplètement explorés ou pas explorés du tout. Les stratégies politique et diplomatique, malgré leur emploi très ancien, sont encore pratiquement informulées. La stratégie économique, maintenant assez bien connue sous son aspect pacifique, n'a pas pas encore été étudiée étudiée suffisamment suffisamment dans ses aspects coercitifs. coercitifs. Ce sont là des tâches urgentes. Mais la plus importante concerne l'étude de la composante psychologique psychologique de la stratégie, car il est indispensable de préciser les facteurs de la psychologie des foules, des armées, des chefs, des gouvernants, de la population, de l'opinion internationale, etc... Il est devenu impossible de continuer
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à travailler au petit bonheur dans ce domaine où l'on a commis récemment de 'considérables erreurs, erreurs, provenant d'ailleurs d'une appréciation erronée des hiérarchies de la stratégie : une certaine vogue un peu primaire de la psychologie a conduit à n'y perfectionner que des techniques s'élevant au mieux au niveau de tactiques. Or ces tactiques sont sans valeur si elles ne s'exercent pas dans le cadre d'une bonne stratégie psychologique. C'est tout le problème de la définition de la ligne politique d'ensemble que nous avons abordé. Ce problème est certainement l'un des plus difficiles et relève sans doute d'une forme de raisonnement raisonnement particulier, peut être dialectique. Peut-on conclure sur un ensemble d'analyses aussi complexe que celui qu'impose une étude, même sommaire, de la stratégie ? Cet art millénaire, longtemps ésotérique, depuis peu rejeté au musée des choses mortes et plus récemment exhumé sous la pression des faits, est en train de retrouver une nouvelle jeunesse. Mais, pour qu'il puisse maîtriser des phénomènes de l'ampleur et de la diversité de la guerre froide, de la guerre totale, de la guerre révolutionnaire et de la guerre atomique, il faut que la stratégie éternelle subisse de considérables extensions et un profond renouvellement. renouvellement. C'est ce que nous avons tenté, avec la conviction qu'en stratégie comme dans toutes les choses humaines, c'est l'idée qui doit dominer et diriger. Mais ceci est déjà une philosophie...
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