Arrêts du GAJA
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Séance 1 – Présentation du Droit administratif La dualité de juridiction :
Cass 1ère civ. 23 janvier 1987, CONSEIL DE LA CONCURRENCE : La séparation des ordres prévue par la loi des 16 et 24 août n’est pas un PFRLR et donc n’a pas de valeur constitutionnelle. En revanche la réserve de compétence au profit du JA s’agissant des REP et des RPC est un PFRLR. « Relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la modification des décisions prises par les autorités administratives » (autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle). Le CE est compétent pour connaître des actes qui sont imputables aux personnes morales de droit public français. Normalement les actes des agents publics sont de la compétence des juges administratifs. Mais lorsque la faute est privée, le juge judiciaire devient compétent. Egalement le juge administratif est compétent pour connaître des actes adoptés par des personnes privées. Le juge administratif est compétent pour juger des affaires qui concernent une fonction administrative ; tout ce qui est fonction législative, parlementaire ou gouvernementale échappe à sa compétence. Les actes de gouvernement lui échappent également.
La formation du droit administratif :
TC 8 février 1873, BLANCO : Une enfant avait été blessée par un wagonnet d’une manufacture de tabacs exploitée par l’Etat ; les parents ont donc saisi les tribunaux judiciaires d’une action en dommages et intérêts contre l’Etat comme civilement responsable. A l’époque, pour déterminer la compétence du juge administratif et du juge judiciaire, on se basait sur le critère d’acte d’administration. On distinguait ainsi deux types d’actes : les actes d’autorités = ce que prenait l’Etat en vertu de ses prérogatives de puissance publique c-a-d ceux qui mettent en œuvre des pouvoirs que n’a pas un simple particulier (ex : l’expropriation). Ces actes relevaient de la compétence du juge administratif. Au contraire, les actes de gestion, c-a-d ce qu’un simple particulier pouvait produire, relevaient de la compétence du juge judiciaire. De ce fait, beaucoup d’actes échappaient à la juridiction administrative. Question de l’arrêt : de quel juge relève la réparation d’un préjudice né du fonctionnement d’un service public ? L’arrêt BLANCO considère que c’est un régime de responsabilité qui ne relève pas du code civil. Ainsi, la responsabilité de l’Etat doit être régit par un droit spécial. Ce droit sera le droit administratif. De cet arrêt est donc né le droit administratif.
Cet arrêt va également faire du service public la « pierre angulaire » du DA. C’est un arrêt très fondateur car il engage pour la première fois la responsabilité de l’Etat.
CE 13 décembre 1889, CADOT : Porte le coup de grâce à la théorie du ministre-juge et en faisant du CE le juge de droit commun du contentieux administratif. La ville de Marseille ayant supprimé l’emploi d’ingénieur à M. CADOT, celui-ci demande réparation en dommages et intérêts. La municipalité ayant refusé de faire droit à cette réclamation, il en saisit les tribunaux judiciaires qui se déclarent incompétents. M. CADOT se tourna alors vers le ministre de l’intérieur qui se déclare incompétent lui aussi (à l’époque il existait la théorie du ministre-juge : l’administration était compétente pour juger des litiges donc elle était juge et partie en même temps !). C’est ce refus que le sieur CADOT déféra au CE. Le CE décida que le ministre avait eu raison de s’abstenir de statuer sur des questions « qui n’étaient pas de sa compétence », et qu’il appartenait au CE de connaître du litige né entre la ville de Marseille et le sieur CADOT. Cet arrêt a marqué en réalité une étape capitale dans l’évolution du contentieux administratif, en portant le coup de grâce à la théorie du ministre-juge et en faisant du CE le juge de droit commun du contentieux administratif. Les lois des 16 et 24 août 1790 et 16 fructidor an III avaient eu pour but d’interdire aux juges de se mêler des affaires de l’Etat. Mais peu à peu s’était développée une véritable juridiction administrative. Doté seulement, au début, d’un pouvoir consultatif, le CE n’avait pas tardé à devenir un organe juridictionnel. Pendant longtemps, il ne possédait que des pouvoirs de justice « retenue » et la décision appartenait encore en principe au chef de l’Etat ; ce dernier ayant pris l’habitude de suivre les avis du CE, celui-ci reçut le pouvoir de justice « déléguée » lui permettant de prendre des décisions en son propre nom. Aujourd’hui c’est une séparation qui a été consacrée par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 22 juillet 1980 qui porte validation d’actes administratifs. Cette décision rappelle l’indépendance de l’autorité judiciaire. Cette indépendance est citée dans l’art 64 de la Constitution. Elle rappelle l’indépendance de la juridiction administrative et cette indépendance est assise sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République (loi du 24 mars 1872) (lois de la République = principes cités par le Conseil Constitutionnel qui rentrent dans le bloc de constitutionnalité).
La répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif :
TC 16 juin 1923, SEPTFONDS :
Le juge judiciaire est compétent pour interpréter les actes règlementaires mais pas les actes individuels. Un acte administratif règlementaire pose une règle générale. Un acte administratif individuel modifie la situation juridique d'une ou de plusieurs personnes nommément désignées.
TC, 8 avril 1935, ACTION FRANCAISE : Le JJ est seul compétent pour juger les voies de fait. Le préfet de police avait fait saisir le journal L’Action française chez tous les dépositaires de ce périodique à Paris et dans le département de la Seine. La société du journal ayant engagé une instance devant les tribunaux judiciaires contre le préfet de police, le conflit avait été élevé. Le Tribunal des conflits considéra que la mesure incriminée constituait une voie de fait et que les tribunaux judiciaires étaient donc seuls compétents pour statuer sur cette affaire. Une voie de fait correspond à une mesure ou une action gravement illégale de l'administration, qui porte atteinte à une liberté individuelle ou au droit de propriété et qui de ce fait perd son caractère administrastif.
TC 27 mars 1952, Préfet de la Guyane : Le TC décida que les actes relatifs à l’organisation du service public de la justice c'est-à-dire le fonctionnement d’un tribunal, relevaient de la compétence de la juridiction administrative. Certaines juridictions de la Guyane ne purent fonctionner pendant un certain temps parce que les magistrats nécessaires à leur constitution n’avaient pas été nommés en temps utile. Lésés par cette situation, les officiers ministériels de Cayenne intentèrent une action en indemnité contre l’Etat devant les juridictions civiles. Le préfet éleva le conflit.
Séance 2 – Les personnes morales de droit public La notion de personne publique :
TC, 9 décembre 1899, ASSOCIATION SYNDICALE DU CANAL DE GIGNAC : La notion de puissance publique est un élément essentiel à l’identification d’un EP. Des difficultés s’étant élevées entre un créancier et l’association requérante, se posait la question de la détermination de la juridiction compétente pour connaître de ce litige, ce qui revenait à s’interroger sur la nature juridique de cette « association syndicale ». Le TC y a vu un établissement public en raison de la réunion de plusieurs prérogatives de puissance publique, à l’encontre duquel ne peut être exercées les voies d’exécution du droit commun. L’intérêt de cette décision provient surtout de ce qu’elle fait des prérogatives de puissance publique un élément essentiel de l’identification de l’établissement public. Cette conception d’origine a évolué et connaît aujourd’hui une grande confusion. Un EP est une personne morale indépendante (autonomie financière et personnalité morale). Il a des organes, des biens, un budget propre. Il est placé sous la tutelle d’une collectivité de rattachement qui peut être soit l’Etat, soit une collectivité. Sa compétence est limitée à un objet précis (principe de spécialité). Eclatement de la notion d’EP car grande diversification des EP, des domaines dans lesquels ils interviennent, des catégories, car la jurisprudence a admis que pouvait être qualifié d’EP un organisme privé.
CE, 31 juillet 1942, MONPEURT : Les comités d’organisations exercent une mission de service public mais ne sont pas des EP. Ils sont des SP dotés d’une personnalité morale de droit privé. Ils prennent des actes administratifs. La notion de SP devient matérielle et non plus organique. Le gouvernement de Vichy avait créé des comités d’organisations, chargés d’organiser diverses branches d’activité dans un cadre corporatif et d’économie dirigée. Un contentieux s’étant élevé entre le sieur Monpeurt et le comité d’organisation des industries de verre à propos d’une décision prise par ce dernier, il fallait déterminer la nature de ce comité d’organisation et le régime de ses actes. Le CE jugea que « les comités d’organisation, bien que le législateur n’en ait pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l’exécution d’un service public ; les décisions qu’ils sont amenés à prendre dans la sphère de ces attributions, soit par voie de règlements, soit par des dispositions d’ordre individuel, constituent des actes administratifs ». L’ambiguïté de cette rédaction a autorisé une longue controverse sur la nature des comités d’organisation ; en revanche, leur régime est mieux précisé. Le recours pour excès de pouvoir n’était traditionnellement ouvert que contre les actes administratifs, c'est-à-dire les actes pris par une personne morale de droit public. Désormais, un tel recours peut être ouvert contre des actes unilatéraux de certaines personnes privées. Le comité
d’organisation est un service public doté d’une personnalité morale de droit privé alors que, jusque-là, on ne connaissait qu’une forme de service public doté de la personnalité juridique : l’établissement public. Le critère organique, critère traditionnel du droit français, s’estompe considérablement : la notion de service public, comme celle d’acte administratif, dans la lignée de l’arrêt Caisse primaire « Aide et Protection », semble alors devenue exclusivement matérielle ou fonctionnelle et plus du tout organique.
CE, 2 avril 1943, BOUGUEN : L’arrêt Bouguen, rendu à propos des ordres professionnels, réitère la solution de l’arrêt Monpeurt, et a soulevé les mêmes difficultés. Les ordres professionnels, bien que n’étant pas des établissements publics, concourent au fonctionnement d’un service public. Le CE a reconnu que les ordres professionnels, tout comme les comités d’organisations, étaient chargés d’une mission de service public par le législateur. A ce titre, ils connaissaient un régime juridique et contentieux hybride, qu’il s’agisse de leurs actes ou de leur responsabilité. Les ordres professionnels (médecins, sages-femmes, pharmaciens, véto, architectes…) exercent deux types d’activités : les unes sont placées sous l’empire du droit privé (gestion du patrimoine), les autres sont soumises au droit public (organisation de la profession). Dans ce dernier cadre, leurs actes sont des actes administratifs. Ce peut être des décisions à caractère règlementaire, des actes individuels. Comme celle des services publics administratifs, la responsabilité extracontractuelle des ordres connaît des règles spéciales. Si, en raison de son illégalité, une décision d’inscription cause un préjudice, c’est au JA que revient la compétence pour apprécier la responsabilité de l’ordre.
TC, 14 février 2000, GIP Habitat et intervention sociales c/ Mme Verdier : Le TC indique que les GIP sont des personnes publiques soumises à un régime spécifique et que les juridictions administratives sont compétentes pour connaître leur litige. Faute pour le législateur d’avoir prévu un statut d’ensemble des Groupements d’intérêt public, des incertitudes quant à leur nature juridique ont subsisté. Ces incertitudes étaient à l’origine de la question de compétence que la Cour de cassation a soumise au TC et qui a donné lieu à cet arrêt.
Les collectivités territoriales et la notion de décentralisation :
CE, 25 janvier 1991, BRASSEUR : Le refus opposé par le préfet à une demande de déféré n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Une personne lésée par un acte des collectivités locales soumis au contrôle de légalité peut demander au préfet de déférer le dit acte au tribunal administratif. Cependant dans cette décision, le CE nous indique que le refus opposé par le préfet à une demande de déféré n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
CE, 4 novembre 1994, Département de la Sarthe : Le recours contre toutes les décisions des collectivités territoriales, ici c’est un déféré préfectoral, a été admis par le CE à l’exception des actes du maire exerçant en tant qu’agent de l’Etat et sous réserve que les actes soient administratifs.
CE, 6 octobre 2000, Ministre de l’intérieur c/ Commune de Saint-Florent : Le CE a considéré que le préfet qui s’abstenait de déférer des actes dont “ l’illégalité ressortait avec évidence des pièces qui lui étaient transmises ” avait commis une faute lourde de nature à faire engager la responsabilité de l’État.
Séance 3 – Les sources internes du Droit administratif Le Préambule et les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République :
CE 12 février 1960, Société EKY : Le CE a reconnu la valeur constitutionnelle de la DDHC.
CE 29 novembre 1968, TALLAGRAND : Le CE a donner à une disposition du préambule de 1946 le pouvoir de servir de fondement à une action indemnitaire car la disposition de 1946 est jugée trop général pour que l’on lui reconnaisse une portée juridique.
CC, 16 juillet 1971, LIBERTE D’ASSOCIATION : Le contrôle de constitutionnalité de la loi ne s'effectue plus
seulement par rapport à la Constitution stricto sensu, mais aussi par rapport à son préambule. Valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution. Le Parlement adopte un projet de loi modifiant la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ; il instituait un contrôle judiciaire préalable à l’égard de certaines associations. Ce texte fut annulé par la décision commentée, qui eut un grand retentissement et dans laquelle on voit généralement le point de départ de l’ascension du CC dans nos institutions publiques. Cette décision est essentielle pour la détermination de la valeur juridique du préambule de la Constitution et pour la notion de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».
CE, 19 juin 2006, Association eau et rivière de Bretagne : Le CE a estimé que seul l’article 5 de la Charte constitutionnelle qui porte sur le principe de précaution était réellement d’application immédiate car dans les autres articles, il est prévu une intervention obligatoire du législateur. Cette position a été remise en question par l’arrêt Commune d’Annecy.
CE 3 octobre 2008, Commune d’Annecy : Le CE consacre la valeur constitutionnelle à l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement. Cet arrêt, qui annule un décret relatif aux lacs de montagne, a été l’occasion pour le CE de faire application de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 relative à l’ajout de la Charte de l’environnement de 2004 dans le préambule de la Constitution et de préciser sa jurisprudence sur la portée du préambule de la Constitution. La commune a soutenu que le ce décret méconnaissait le principe de participation énoncé par la Charte dans son article 7 (« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement »). Elle fait valoir également que le gouvernement avait empiété sur la compétence réservée au législateur tant par l’article 34 de la Constitution que par l’article 7 de la Charte. Le CE a fait droit au moyen tiré de l’incompétence du pouvoir réglementaire. La décision affirme que les dispositions de l’article 7, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte et à l’instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle et s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectives.
La possibilité reconnue à la commune d’Annecy de se prévaloir de l’article 7 devait normalement conduire le juge administratif à vérifier si le principe de participation du public avait été méconnu par le décret. MAIS ce n’est pas sur ce terrain que le Conseil d’Etat s’est placé. Il a annulé le décret pour violation des règles de répartition des compétences entre la loi et le règlement posées par l’article 7. Egalement, le CE a estimé que les dispositions de l’article 7 ont réservé au législateur le soin de préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Il s’ensuit que, depuis l’entrée en vigueur de l’article 7, ne relèvent du pouvoir règlementaire « que les mesures d’application des conditions et limites fixées par le législateur ». Dès lors que le décret attaqué ne se bornait pas à fixer les mesures d’application de dispositions législatives intervenues dans le champ d’application de l’article 7, il empiétait illégalement sur la compétence dévolue au législateur. Il a pour ce motif été annulé. L’arrêt Commune d’Annecy conduit à une valorisation de la Constitution devant et par le juge administratif.
L’écran législatif :
CE 17 mai 1991, QUINTIN : Notion d’écran transparent. La théorie de l’écran législatif ne joue pas quand la loi, qui s’interpose entre l’acte règlementaire et la Constitution, est une loi d’habilitation générale. Le JA va donc accepter de vérifier directement si des règlements sont contraires à La Constitution, s’ils le sont, il peut les annuler En effet dans cette hypothèse la loi ne contient aucune règle de fond de nature à s’interposer entre le règlement et la Constitution.
La loi comme source interne du DA :
CC, 30 juillet 1982, Blocage des prix et des revenus : Une loi contenant des dispositions réglementaires issues de l’art 37 n'est pas frappée d'inconstitutionnalité.
Les principes généraux du droit comme source interne du DA :
CE 26 juin 1959, SYNDICAT GENERAL DES INGENIEURS – CONSEILS : Le Conseil d’État a jugé que le pouvoir réglementaire autonome est soumis au respect des principes généraux du droit. Quelques PGD : le principe d’égalité, le principe de non-rétroactivité des actes administratifs (voir Société du journal "L’Aurore"), le principe de continuité des services publics (voir Dehaene), le principe des droits de la défense (voir Dame Veuve Trompier-Gravier), la possibilité de former un recours contentieux contre les actes de l’administration, l’intangibilité des droits acquis (voir Dame Cachet).
Les mesures prises dans le cadre de l’article 16 de la Constitution :
CE 2 mars 1962, RUBIN DE SERVENS : Lorsqu’une autorité administrative prend un acte de gouvernement, il bénéficie d’une immunité juridictionnelle c'est-à-dire qu’on refusera de juger sa légalité. Recours contre un décret du PDLR instaurant l’article 16 de Constitution (pouvoirs exceptionnels). En 1961, de Gaulle décide de recourir à cet article 16 par un décret donc il était possible de faire un recours par le Conseil d’Etat. Ici le Conseil d’Etat a jugé que la décision du PDLR d’instaurer l’article 16 était un acte de gouvernement. La conséquence est que lorsqu’une autorité administrative nationale prend ce type d’acte, il bénéficie d’une immunité juridictionnelle c'est-à-dire qu’on refusera de juger la légalité de la décision administrative. La jurisprudence du Conseil d'État du 2 mars 1962, Rubin de Servens, précise que la décision de mettre en œuvre les pouvoirs exceptionnels est « un acte de gouvernement dont il n'appartient pas au Conseil d'État d'apprécier la légalité ni de contrôler la durée d'application ». Il en est de même d'une décision portant sur une matière législative et prise par le Président de la République sous ce régime.
Les ordonnances prises dans le cadre de la loi de 1962 :
CE, 19 octobre 1962, CANAL, ROBIN et GODOT : Les ordonnances prises par le PDLR en vertu de la loi référendaire
du 13 avril 1962 conservent leur caractère administratif et peuvent donc être attaquées devant le JA. Par l’arrêt Canal , le Conseil d’État a annulé une ordonnance prise par le Président de la République sur le fondement d’une loi référendaire qui instituait une cour militaire de justice au motif que la procédure prévue devant cette cour et l’absence de tout recours contre ses décisions portaient atteinte aux principes généraux du droit pénal. Cette décision fut la cause d’une très vive tension entre le général de Gaulle et le Conseil d’État, qui sembla un instant menacé, si ce n’est dans son existence même, du moins dans son rôle et dans ses attributions. Par le référendum du 8 avril 1962, le peuple souverain approuva massivement les accords d’Evian qui mettaient fin à la guerre d’Algérie. La loi soumise à référendum autorisait également le Président de la République à prendre par ordonnance ou par décret en conseil des ministres "toutes mesures législatives ou réglementaires relatives à l’application" de ces accords. Sur le fondement de cette habilitation, le général de Gaulle avait institué, par une ordonnance du 1er juin 1962 une juridiction spéciale, la Cour militaire de justice, chargée de juger, suivant une procédure spéciale et sans recours possible, les auteurs et complices de certaines infractions en relation avec les événements algériens. Condamnés à mort par cette cour, M. Canal, Robin et Godot saisirent le Conseil d’État d’un recours en annulation dirigé contre l’ordonnance l’ayant instituée. Le Conseil d’État leur donna raison et prononça l’annulation de l’ordonnance en considérant que "eu égard à l’importance et à la gravité des atteintes que l’ordonnance attaquée apporte aux principes généraux du droit pénal, en ce qui concerne, notamment, la procédure qui y est prévue et l’exclusion de toute voie de recours", la création d’une telle juridiction d’exception ne pouvait pas être décidée sur le fondement de l’habilitation donnée au Président de la République pour la mise en application des accords d’Evian par la loi référendaire. Pour parvenir à cette solution, qui suscita une vive réaction du général de Gaulle, le Conseil d’État avait dû franchir un premier obstacle, qui tenait à la recevabilité d’un recours dirigé contre une ordonnance prise sur le fondement d’une habilitation accordée directement par le peuple souverain, et qui présentait une valeur législative. Un tel acte pouvait-il être déféré pour excès de pouvoir devant le juge administratif ? Le Conseil d’État répondit de façon positive en jugeant que la loi référendaire "a eu pour objet, non d’habiliter le Président de la République à exercer le pouvoir législatif lui-même, mais seulement de l’autoriser à user exceptionnellement, dans le cadre et dans les limites qui y sont précisées, de son pouvoir réglementaire, pour prendre, par ordonnance, des mesures qui normalement relèvent de la loi". Le Conseil d’État a donc considéré que l’habilitation n’était pas une attribution d’une portion du pouvoir législatif mais une simple autorisation accordée au pouvoir réglementaire d’intervenir, dans les strictes limites de l’habilitation, dans le domaine de la loi. Bien que pouvant modifier des textes législatifs, l’ordonnance conservait donc la nature réglementaire que lui confère son auteur. De la même manière, le Conseil d’État s’était reconnu compétent pour se
prononcer sur un recours dirigé contre une ordonnance prise par le Gouvernement sur habilitation du Parlement, en vertu de l’article 38 de la Constitution (Ass., 24 novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police, p. 658). Outre les actes de gouvernement (voir Prince Napoléon), seules les décisions prises, dans le domaine de la loi, par le PDLR en vertu de l’article 16 de la Constitution échappent au contrôle du Conseil d’État (Ass. 2 mars 1962, Rubin de Servens, p. 143 : en revanche le juge est compétent pour connaître de ces mêmes décisions lorsqu’elles ne relèvent pas du domaine de la loi).
Séance 4 – Les sources externes du Droit administratif La place du droit internationale dans la hiérarchie des normes :
CE, 30 mai 1952, DAME KIRKWOOD : Un acte administratif doit être conforme à un traité s’il n’y pas de loi écran. Pour la première fois, le juge contrôle l'application par l'administration du droit international.
CC, 15 janvier 1975, IVG : Le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la conformité d’une loi par rapport à un traité ; renvoyant ainsi ce contrôle de conventionalité à la compétence des juridictions ordinaires.
Cass, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre : Prévalence des traités sur les lois nationales, même postérieure. La Cour de cassation admet la possibilité d'effectuer un contrôle de conventionalité. La Cass revient sur la décision du CE, 1968, Syndicat général des fabricants de Semoule, qui faisait prévaloir un traité sur une loi postérieure.
CE, 20 octobre 1989, NICOLO : Le CE admet de contrôler la conformité d’une loi à un traité internationale même antérieur à cette loi, appliquant ainsi pleinement l’article 55 de la Constitution.
L’art. 55 disposant que le traité est supérieur à la loi, la loi contraire à un traité fait-elle écran ou non entre le traité et l’acte administratif d’exécution et, par voie de conséquence, l’acte administratif doit-il être conforme à la loi ellemême contraire à un traité ? Lorsque la loi était antérieure au traité, le traité primait la loi et les actes administratifs devaient se conformer au traité et non à la loi. Lorsque la loi était postérieur au traité, longtemps les diverses juridictions ont estimé que la loi devait l’emporter sur le traité même si elle lui était contraire, car elles considéraient que l’appréciation de la conformité de la loi au traité relevait de la compétence du CC. Cependant celuici décida qu’il n’avait pas la compétence sur ce point. La Cour de cassation modifia alors sa jurisprudence (Cass, 24 mai 1975, Administration des douanes c/ Cafés Jacques Vabre). Le CE, quant à lui, maintint, dans un premier temps, sa jurisprudence puis, sous la pression du CC, finit par s’incliner dans l’arrêt NICOLO. Désormais le JA vérifie si la loi dont le règlement administratif fait application est conforme au traité. A défaut, il écarte la loi et déclarera le règlement illégal, sauf si se pose en réalité une question de constitutionnalité de la loi. Toutefois, l’invocabilité ne vaut que pour les traités qui sont exécutoires et qui concernent des droits individuels et non les relations d’Etat à Etat. Cela ne vaut pas pour les règles coutumières (6 juin 2000, AQUARONE) et pour les principes non écrits du droit international, sauf pour les principes généraux tirés du droit communautaire. Enfin, pour nombre de traités, la supériorité sur la loi suppose respectée la condition de réciprocité.
CE, 3 juillet 1996, KONE : Composante prétorienne de la Constitution : le CE a dégagé un PFRLR qui interdit l’extradition d’une personne pour des motifs politiques.
CE, 6 juin 1997, AQUARONE : Les règles coutumières du droit international public sont applicables en droit interne mais ne prévalent pas sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes.
CE, 30 octobre 1998, SARRAN, LEVACHER ET AUTRES : Primauté de la Constitution sur les normes internationales. Les lois référendaires sont soumises à la conformité des traités internationaux et pas à celle de la Constitution.
En vue de l’évolution de la Nouvelle-Calédonie vers l’indépendance, a été conclu l’accord de Nouméa (mai 1998) devant être soumis à référendum. Cependant, l’article 76 de la Constitution a prévu que seuls pourraient participer à ce référendum les électeurs ayant domicile en Nouvelle-Calédonie depuis le 6 novembre 1988 : tous les autres individus étaient exclus, ce qui abolissait partiellement la règle du suffrage universel. Des électeurs ont contesté le décret du 20 août 1998 organisant en conséquence les opérations de référendum. Leurs recours sera rejeté au terme d’un raisonnement qui fait toute l’importance de cette décision de principe tant pour les rapports entre l’ordre interne et l’ordre internationale que pour le statut du référendum et des lois référendaires. Les requérants soutenaient que le décret attaqué était contraire à divers traités internationaux. Cependant, comme ce décret ne faisait, sur ce point, que reprendre les termes mêmes de l’article 76 de la Constitution, leur critique revenait à demander au juge de dire que les traités sont supérieurs à la Constitution. Réponse du CE : « La suprématie ainsi conféré (par l’art 55 Constit.) aux engagements internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle… ». En effet la Constitution ne peut instituer elle-même un pouvoir qui serait supérieur et donc conférer aux traités une autorité supra-constitutionnelle. Etrange car lorsqu’une disposition constitutionnelle est contraire à un traité international non encore ratifié, il faut modifier cette disposition afin de le ratifier. Le CE juge que sont seuls des référendums, au sens de l’art. 60 de la Constitution, ceux organisés au titre de l’art. 11 ou de l’art. 89. Mais surtout s’agissant des lois référendaires, il décide que celles-ci ne peuvent porter que sur des matières législatives, ordinaires ou organiques, non sur des matières constitutionnelles et que ces lois, comme toutes les autres lois, sont soumises au respect des traités internationaux. Ainsi les lois référendaires qui, parce qu’elles émanent directement du peuple souverain, ne sont pas soumises au contrôle de constitutionnalité, n’échappent pas pour autant au contrôle de conventionalité.
CE, 18 décembre 1998, SARL du Parc d’activités de BLOTZHEIM : Le juge administratif contrôle la régularité de la procédure de ratification, il veille au respect de la compétence du parlement (art 53).
CE, 9 avril 1999, Chevrol-Benkeddach : La supériorité des conventions et des traités internationaux au droit nationale ne vaut toutefois que sous réserve de réciprocité c'est-àdire que l’autorité du traité est subordonnée à son application par l’autre partie). Le JA interroge le ministre des Affaires étrangères pour déterminer si cette condition est remplie.
CEDH, 2003, Chevrol-Benkeddach c. France : Pour la CEDH c’est une atteinte à la plénitude de la juridiction. Le JA est donc compétent pour apprécier la condition de réciprocité.
La place du droit communautaire :
CJCE 15 juillet 1964, Costa c/ ENEL : Principe de la primauté du droit communautaire sur les législations nationales.
CJCE, 9 mars 1978, SIMMENTHAL : La primauté du droit communautaire s'exerce même vis-à-vis d'une loi nationale postérieure.
CE, 22 décembre 1978, Ministre de l’Intérieur c/ COHN-BENDIT : Impossibilité d’invoquer directement une directive communautaire à l’encontre d’un acte administratif individuel. L’arrêt Dame P est venu remettre en cause cette jurisprudence. La jurisprudence considérait jusqu’à présent qu’une personne ne pouvait, à l’appui d’un recours contre une décision administrative individuelle, invoquer directement une disposition d’une directive, même si l’Etat avait été défaillant dans son obligation de transposition. La directive était en effet considérée comme n’ayant pas d’effet direct sur la situation d’une personne individuelle, puisqu’elle posait des obligations s’appliquant aux seuls Etats.
CE, 3 février 1989, Compagnie ALITALIA : Les juridictions nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires à ces objectifs.
CE, 28 février 1992, SA Rothmans Internaitonal France : Supériorité pleine et entière du droit dérivé communautaire sur la loi nationale.
CC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : La décision complète une abondante jurisprudence (jusque là judiciaire et administrative) mettant en œuvre les principes d'applicabilité des règles communautaires dans les Etats membres et de primauté du droit communautaire sur les normes juridiques nationales. Avec cependant une réserve qui relativise la portée du principe de primauté du droit communautaire : dans le cas où une disposition expresse de la Constitution s'opposerait clairement à la transposition d'un texte communautaire, le Conseil Constitutionnel retrouverait sa compétence et pourrait censurer la loi de transposition pour non conformité à la Constitution.
CE, 8 février 2007, Société Arcelor : Première fois que le CE effectue un contrôle de conventionalité d’une directive. Dans le cas où une directive inconditionnelle et précise est transposée par un acte réglementaire, le CE s’il est saisi de ce décret de transposition pour contrôler sa constitutionnalité va regarder, s’il existe en droit communautaire un principe équivalent au principe constitutionnel que le requérant invoque, le JA doit vérifier si la directive est bien conforme à la règle communautaire (et saisir éventuellement la CJCE par voie préjudicielle si il y a une difficulté sérieuse). Si ce n’est pas le cas le JA va contrôler la constitutionnalité des dispositions règlementaires contestées.
CE, 30 octobre 2009, Mme P : Possibilité pour tout justiciable de se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif même non réglementaire, d’une directive lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis, les mesures de transposition nécessaires. Les actes administratifs règlementaires et individuels sont soumis au même régime que la directive soit transposée ou non. Cette décision revient ainsi sur la jurisprudence retenu dans la décision Ministère de l’Intérieur c/ Cohn-Bendit.
CE, 6 décembre 1907, COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER DE L’EST : Rendu à propos d’un litige concernant la modification de règlements d’exploitation des chemins de fer, l’arrêt est d’une importance essentiel à deux
égards : la notion d’acte administratif unilatéral et le statut du pouvoir règlementaire. Pour s’opposer à l’action des compagnies requérantes, le ministre des Travaux publics invoquait le fait qu’il s’agissait de décisions prises à l’invitation expresse de la loi. En quelque sorte, ces règlements participaient plus de la loi que de l’acte administratif et échappaient, par la même, au contrôle du juge. Le CE n’en a pas jugé ainsi en adoptant un critère organique : la nature d’un acte juridique est déterminée exclusivement par la qualité de l’auteur. Ici, l’auteur appartient au pouvoir exécutif, l’acte est donc administratif. Cette solution a eu d’importants effets. Elle a permis de soumettre au contrôle entier du JA les actes pris en vertu de la législation déléguée sous les républiques successives : décrets-lois, lois-cadres, ordonnances. Toutefois, la belle simplicité du critère organique est tenue en échec dans le cas des actes administratifs pris par des personnes privées gérant un service public (TC, 15 janvier 1968, Compagnie Air France c/ Barbier). Les actes législatifs et judiciaires échappent logiquement au contrôle du JA.
TC, 22 janvier 1921, BAC D’ELOKA : Le TC a reconnu pour la première fois l’existence de service public en matière économique mais en soumettant ces services publics aux règles de droit privé, notamment le droit commercial. Ces SPIC sont essentiellement soumis au droit privé, même s’il s’agit d’activité de service public et à ce titre ils sont aussi soumis au DA pour ce qui concerne l’organisation (ex : en matière du personnel).
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