Anselin_Apuntes_de_Egiptologia_1

December 10, 2017 | Author: Angelo_Colonna | Category: Ancient Egypt, Linguistics, Languages
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Apuntes_de_Egiptologia_1...

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LE SCORPION ET LA ROSETTE Essai de lecture des deux sémogrammes nagadéens Alain ANSELIN Université des Antilles Guyane Le contexte historique : l’Egypte nagadéenne (Nagada IIA-Nagada IIIA) et les figures de la Royauté : Eléphant, Faucon, Scorpion, Rosette. La politie prédynastique de Nekhen en Haute Egypte est réputée être la zone focale de la culture palatiale qui fournit à l’Etat pharaonique ses paradigmes majeurs. Elle connaît son apogée au Nagada IIB,

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3700-3600 BC. Les tombes du Nagada IIA-B du cimetière HK6 caractérisent la

période de la plus grande expansion du site. C’est aussi la période où se cristallisent les modèles culturels de la civilisation égyptienne pour plus de trois millénaires comme le note Renée Friedman : «The presence of stone statuary, funerary architecture and animal burials dating to 3700 BC is placing Hierakonpolis at the forefront of the traditions that have a long and rich history in Egypt»1. Particulièrement, la nécropole associe le personnage le plus important des élites hiérakonpolitaines de l’époque à la figure de l’éléphant. Au moins deux tombes abritent des restes d’éléphants 2. L’un est inhumé tombe 24, riveraine et contemporaine de la tombe 23, datée du Nagada IIA-B,

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3700-3600 BC, qui contient des fragments d’une tête de massue en diorite,

d’une jarre d’albâtre, un ibex en silex, une oreille et un nez d’une statue en grès. Il est tentant de définir sur ces bases Nekhen comme la cité d’un roi Eléphant. La cité du pr wr, avant de devenir la cité du Faucon, fut, dès avant

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3500 BC, celle de l’Eléphant (figure 1).

« Ainsi que l’avait déjà remarqué R.Friedman 3, c’est un jeune animal accroupi qui donne sa forme au per-our, le sanctuaire primordial du sud ; il s’agit sans doute d’un éléphanteau, et c’est là qu’il faut rechercher une explication » à son inhumation 4. Bernadette Menu y voit des lignages royaux qui se sont succédés sous le dais du pouvoir 5. La notion de lignage royal placée sous cet emblème mérite d’être examinée et confrontée aux traits culturels comparables qu’offrent les sociétés africaines qui associent encore jusqu’à des temps récents éléphant et pouvoir 6. Le roi est un Eléphant comme il sera plus tard un Faucon. La figure, royale, de l’Eléphant, associée à l’apogée «gerzéenne» (Nagada IIB) de la politie hierakonpolitaine, n’est pas inédite en Egypte – de nombreux rupestres amratiens (Nagada I) en attestent quelques siècles plus tôt, multipliant une

iconographie d’Eléphants, d’Autruches, de Montagnes, qu’on ne peut s’empêcher de rapprocher des noms de lignages que portent aujourd’hui encore en Ethiopie les nilotiques Nyang Etom7 voisins historiques des Dasenech couchitiques. Cent cinquante ans plus tard, au Nagada IIIA1 et plus au nord, l’iconographie des powerfacts de la tombe Uj de Scorpion I d’Abydos associe aussi l’éléphant à la nécropole royale – dans une symétrie complémentaire du héron de Buto sur son temple (figure 2) 8. L’inventeur de la tombe, Gunter Dreyer, attribue logiquement une valeur égyptienne aux signes figurés seuls ou en groupes sur les étiquettes des jarres, particulièrement à celui de l’éléphant : 3b 9.

Cette valeur est

largement acceptée pour ce sémogramme. Notre propos n’est pas ici de discuter si, combinée à d’autres (proto-)hiéroglyphes, elle qualifie un lignage royal, celui de l’Eléphant des tombes hiérakonpolitaines 10, ou, un lieu, en l’occurrence de la nécropole funéraire de la royauté, Abydos, ou encore Eléphantine11. Mais de constater que les traits culturels de type nilotique s’habillent de mots couchitiques : «La valeur d’une liquide afroasiatique, /r/~/l/ fréquemment attribuée au graphème égyptien du percnoptère translitéré 3 (H.Satzinger,1994,204), vient éclairer le mot 3b,

3bw, éléphant, et lui assure des cognats en couchitique oriental : *?'arb-, éléphant (H.J.Sasse, 1982,27-28), harso : arap.ko, burji : a'rab, somali : arbe, rendille : arab, dasenech : ?'arab, elmolo : arap, konso : arpa, gidole : arp, oromo : arab» 12. Dans tous les cas de figure, l’isographe de l’éléphant et de son association à la mouvance du pouvoir gagne Abydos depuis Nekhen au Nagada IIIA1, coïncidant avec ceux du faucon et du scorpion à ces époques. Une inscription du Gebel Tjauti, sur l’une des routes qui sillonnent la région entre Nekhen et Abydos, publiée par J.C.Darnell13, associe faucon et scorpion dans l’exposé plus général d’une scène de victoire (figure 3). Le motif de l’arachnide est antérieur à sa qualification du pouvoir. Stan Hendrickx et Renée Friedman rejoignent la suggestion de Jochem Kahl d’un culte du scorpion à Hierakonpolis : « The falcon is the historic god of Hierakonpolis and the frequent occurrence at Hierakonpolis of representations of scorpions is considered evidence for a local scorpion cult there. »14. Le nombre d’artefacts en est remarquable dans les débuts du Naqada II, ce qui rend difficile de les relier à un nom ou un titre royal 15. Scorpion I d’Abydos est pour sa part trouvé en contexte funéraire royal, et est peut-être contemporain de l’inscription du Gebel Tjauti qui réunit Faucon et Scorpion. Toujours est-il que le faisceau des isographes royaux de l’éléphant, du faucon et du scorpion intègre étroitement Nekhen et Abydos, à cette époque du Nagada IIIA1-2 (carte ).

Le héron de Buto perché sur son temple gravé, à l’égal du pr wr éléphantesque de Nekhen, sur de nombreuses étiquettes de la tombe Uj de Scorpion I, atteste alors de l’influence, sinon du contrôle, d’Abydos sur les sites du Delta. Le vin de Palestine, trouvé par centaines de jarres dans deux des chambres funéraires de cette tombe témoigne dans tous les cas d’un accès aisé aux marchés orientaux

16

. Le poids de Scorpion I sur les routes du nord, l’avancée future de Narmer en

Palestine supposent la prépondérance préalable du royaume thinite dans toute la région de HauteEgypte, et une unité pacifique, politique et culturelle de la politie abydienne et de celle de Nekhen17. Aux débuts du Naqada III, Nekhen, qui a connu son apogée au Nagada II, décline. Ses tombes se font moins riches, mais le temple, le pr wr demeure le centre de gravité du discours politique et religieux et est largement représenté sur les étiquettes des jarres de la tombe Uj d’Abydos18 . Le centre de gravité du pouvoir palatial s’est déplacé, s’est rapproché du contrôle de la vallée et des routes de l’échange oriental sans cesser de tenir sa légitimité et sa sacralité de Nekhen : Narmer a tombe à Abydos, mais ses powerfacts majeurs, palette et tête de massue, sont religieusement «déposés» à Nekhen. De cette anastamose des deux polities, sans doute achevée dans le transfert du pouvoir de Nekhen à Abydos, et de leur expansion, Naqada, Nwb.t, fait les frais et est «éliminé comme centre politique»19. Stan Hendrickx et Renée Friedman inclinent à voir dans l’inscription de Gebel Tjauti, aux portes même de Nwb.t, «le témoignage de la victoire» de la politie thinite sur ses rivales régionales. Ainsi, en guise de récapitulation diachronique, au Naqada II,

ca

3700/3500 BC, Nekhen est à son

zénith. Le pr wr, l’ovale sacrificiel, notamment d’ovicapridés (de gazelles), la (les) tombe(s) royale(s) de l’éléphant, le falconidé divin, le culte du scorpion, configurent la mouvance hiérakonpolitaine - qui commerce avec son hinterland saharo-nubien, et avec les comptoirs maadiens : «His pottery grave goods included fine black topped beakers, a bowl decorated with white paint and a jar imported from Maadi»20. La nécropole royale du pouvoir thinite, plus tardive, datable du Nagada IIIA1-2, ca 3300 BC, porte sans doute déjà le nom 3b dw , sous lequel G.Dreyer l’identifie, et documente aussi le pr wr de Nekhen, la cité qui inhume des éléphants trois cents ans plus tôt 21. Les figures du faucon et du scorpion apparaissent liées, des powerfacts de la tombe U-j d’Abydos à ceux (palette et tête de massue) de Narmer déposés à Nekhen. Les deux polities forment déjà, pour la période, un ensemble, donnant au pouvoir, palatial, ses formes supra-lignagères définitives. Vu sous cet angle, le processus historique de la formation de cette politie bi-polaire où

le pouvoir a ses racines dans l’arrière pays méridional et sa capitale avancée au nord a pu être similaire à celui au terme duquel Lat Sukaabe devint le teeñ-damel du Cayor et du Baol. Chacun des sémogrammes est-il passé d’un culte local, et/ou d’un emblème lignager sacré, à un pouvoir qui se place au dessus des lignages dépositaires du contrôle social 22 ? La rosette et son nom C’est dans un contexte d’expansion thinite - probablement celui de l’absorption politique des sites de Hu et de Nagada au cours de la période du Naqada IIIA1-2 - que de nouvelles manières de nommer le pouvoir, qui les accumule volontiers, apparaissent. Le graphème du scorpion revient, mais comme figure de la royauté indiscutable. Il se trouve bientôt associé à une autre figure iconographique : la «rosette». Elle apparaît tantôt à la suite de files d’animaux ; plus rarement, au dessus d’une figure animale, parfois caducéenne, rappelant la combinaison des deux motifs dans le Late Uruk elamite de la Première Conjoncture asiatique de C. Lambert-Karlovsky 23 . Pendant longtemps, ce sémogramme floral a fait couler beaucoup d’encre sous la plume des égyptologues. On y a vu d’abord le signe incontesté de l’influence de l’Orient dans l’apparition du «miracle égyptien»24. En effet, le motif de la florette apparaît en Mésopotamie sur des sceaux de la période d’Halaf à Chagar Bazar, avec 8 pétales sur une impression de sceau d’Uruk, 6 pétales sur une impression de sceau archaïque de Suse I et II, 6 pétales encore sur une impression scigillaire de Jemdet-Nasr. L’interprétation classique l’associe au thème du maître des animaux oriental. «The suggestion that the florette is associated with a power dominating over animals is confirmed by a long series of sealings in which the florette appears in direct juxtaposition with the heros dompteur ou chasseur» 25. La syntaxe de l’iconographie asiatique le superpose aux animaux qu’il domine – et le combine souvent à un autre

thème oriental, celui des serpents entrelacés,

caducéens, connu jusque dans le nagakkal des cultures de l’Inde dravidienne. Mais la « Rosette » pourrait également continuer l’étoile ou le bouton de fleur de Bat, ou venir se confondre avec elle. L’iconographie nagadéenne pratique de longue date un motif similaire. On peut reconnaître aisément un emblème stylisé de la déesse bovine Bat

26

sur un ostracon trouvé

lors des fouilles du temple prédynastique de Nekhen, identique au dessin gravé sur la fameuse palette de Gerzeh (figure 4) 27 : «The horns of the emblem are enclosed by a less deeply incised patterne probably representing a star-flower, as smaller versions of the same motif also appear on the horns and ears of the cow head on the Gerza Palette» 28.

Certes, l’identification des pentagrammes de Bat, la vache divine, est controversée. Fekri A. Hassan y voit des

étoiles, peut-être une représentation d’Orion. Mais il relève aussitôt la

polymorphie de la figure d’Hathor, qui continue la déesse nagadéenne de Haute-Egypte dans la civilisation dynastique, tour à tour «tree-goddess» et «sky goddess»29. Précisément le sycomore est associé à la vache divine dès les poteries gerzéennes. Le motif du pentagramme vs octogramme floral et/ou stellaire constitue donc déjà un trait du discours religieux égyptien, à l’époque où la politie thinite intègre Hu et Nagada, centres religieux, politiques et commerciaux jusque là indépendants à une croisée africaine des routes de l’échange lointain oriental. C’est cette intégration qui fournit son contexte historique à une possible convergence des motifs, nagadéen et susien. L’hypothèse n’est pas à écarter, et repose sur l’existence préalable du motif aussi bien dans le discours égyptien, que dans le discours susien. Certes, le sens en diffère. Le motif nagadéen s’inscrit dans la boolâtrie égyptienne ; le sémogramme mésopotamien, dans le discours de la domination du héros culturel sur les animaux. Le statut accordé à chacun des éléments floraux dans chacune des cultures les y installe comme partie d’un discours du pouvoir. En cela, ils sont commutables dans l’affichage du pouvoir lui-même. Le fait est que le registre inférieur de la Tête de Massue du roi Scorpion désigne «nommément» le roi, coiffé de la couronne blanche, par «l’image de la rosette et du scorpion». Mais l’hypothèse même n’est pas nécessaire à notre propos. La bonne question n’est pas celle des antécédents, mais celle du discours où la figure prend place, et de cette place elle-même. Il faut d’abord prendre en compte le fait que ce n’est pas sur des sceaux, comme il s’en trouve sur les sites de Hu et de Nagada, qu’apparaît la rosette du pouvoir en Haute Egypte, mais sur des powerfacts en ivoire sanctionnant l’expansion de la politie thinite (Petrie Museum knife, Couteau de Brooklyn, Peigne Davis30). Ensuite, l’organisation des deux iconographies, l’orientale et l’égyptienne, n’est pas comparable. Alors que l’iconographie des théofacts susiens superpose l’hexagramme à une figure animale donnée, la syntaxe qui règle la mise en scène des éléments iconographiques des powerfacts nagadéens obéit aux règles invisibles de la langue égyptienne. C’est celle de l’énoncé nominal égyptien archaïque, dénué de démonstratif, qui juxtapose le prédicat et le sujet. Ainsi, le Peigne Davis énumère dans son registre inférieur une file de quatre animaux non identifiés et une rosette tournée vers la droite, sous une série de registres évoquant peut-être

Nekhen et son Eléphant, Buto et son Echassier. Un groupe de quatre échassiers infixant une girafe est suivi d’un héron ou d’une grue tournée vers la gauche; un trio de lions est suivi d’une chien tourné vers la droite ; une file de quatre oryx est tournée vers la gauche. Il est tentant de voir dans les files, plurielles, et leur suffixe, chaque fois singulier, l’une des attestations les plus anciennes de la construction classique de l’énoncé nominal, où les lions, par exemple, constituent le prédicat, le canidé le sujet. La même observation vaut pour le manche du Couteau de Brooklyn, où la rosette figure en position de sujet au même titre que le silure (?) et le chien derrière leurs files de capridés ou d’ânes (figure 5). La syntaxe du sujet suffixé au prédicat, construction particulière à l’égyptien, se répétant au revers : les files d’oryx, animaux qui comme l’addax, semblent fournir leur cadre de référence aux rites de régénération royale et aux rites de la peau 31 sont attributives du chien ou du poisson, la file de «blaireaux», de la rosette. Le Scorpion est quasiment absent de l’iconographie des palettes, des manches de couteau et des peignes. Il n’apparaît qu’au pluriel, trois Scorpions opposés au Faucon sur la Palette d’Abu ‘Umuri dont la datation demeure discutée - début ou fin de la même période, Nagada III 32. Seules les trois rosettes superposées à trois des animaux vaincus, un oryx, un sanglier, un ibex, par

trois des animaux vainqueurs, un lion, un canidé, un griffon33, selon des oppositions

singulières, du manche de couteau de Gebel Tarif

34

, observent à la lettre, au revers d’un motif

caducéen enveloppant trois rosettes, une syntaxe asiatique des motifs réunis sur un powerfact proprement égyptien (figure 6). L’iconographie égyptienne dissocie donc généralement la rosette du motif caducéen 35, et le grave toujours derrière des files d’animaux, comme un sujet derrière le prédicat – au même titre que silure, coquille, et canidé. La matérialité (silex, ivoire) du powerfact, sa socialité, sa destination (couteau cérémoniel), et l’agencement, la syntaxe de ce qui y est énoncé, qui règle la place de tous les éléments graphiques mobilisés, inscrivent clairement dans la culture égyptienne la rosette, figure orientale connue comme telle dans les sphères du pouvoir nagadéen ainsi que l’attestent quelques exemplaires iconographiques la combinant au griffon. Il paraît cohérent d’accorder au caractère égyptien de la syntaxe des énoncés où ils sont employés, la valeur phonétique attribuable au sémogramme floral et au symbole de l’arachnide et de suivre Stan Hendrickx dans ses propositions de lecture. «L’idéogramme du bouton de lotus, wnb, variante w3b (Hannig 1995 :172) est prêté à la graphie du titre souverain, nb, son homophone, avant de s‘effacer du catalogue, en construction, des hiéroglyphes au profit de la corbeille, nb

signifiant acoustique plus avantageux de la notion de pouvoir (Hendrickx 1998 :227; Schneider 1997 :241-267). Dans ses choix d'écriture, le graphiste délaisse clairement l’articulation sémantique des idéogrammes pour porter son attention et son effort sur leur seule articulation phonétique»

36

.

Le hiéroglyphe V30 est celui du panier, de la corbeille nb.t, njb, phonogramme, nb, dans nb, seigneur, njb, nb tout/chaque, copte : nim. Le scribe va employer le signe du panier pour écrire un autre mot, homophone ou quasi-homophone : nb, seigneur, copte : njb, seigneur, variantes nap, -nep

37

. Existe-t-il des paires d’homophones dans un autre univers linguistique voisin ?

Sinon, quels homophones d’univers alloglottes l’égyptien apparie-t-il dans son véhiculaire ? En couchitique, le beja : nafe, lafe, alaafi, panier fait un écho isolé à l’égyptien

38

. Le couchitique,

saho, afar : nab to be great, powerful, naba', big et le sémitique *nyb, arabe : nāb, chief of tribe, mehri : nōb, big, fournissent les cognats de l’autre mot égyptien 39. Toutefois, l'étymon de l'arabe nāb pluriel ‘anyāb- prête à controverse. Pour Gabor Takacs, l'arabe nāb chef, continue une racine sémitique : *nawb-, power 40. Pour Werner Vycichl qui s’appuie sur les travaux de Aaron Ember, la matrice lexicogénique de la série est le mot qui désigne la canine, nyb*, féminin nāb, pluriel ‘anyāb, ‘anyub, nuyub

41

sur laquelle l'arabe construit la titulature. Celle-ci est nommée comme

dent principale, grande dent. «Le nāb de la tribu est son chef», son «grand homme». La métaphore est alors propre aux seules cultures sémitiques. Un autre étymon est aussi possible, celui du couchitique oriental en ce sens qu’il concorderait davantage avec la variante w3b ( < w + *lab). Si saho, afar *nab, devenir grand, pouvoir

42

,

semblent devoir être au principe du nb égyptien, l'idée peut aussi référer à la notion de virilité : *lab, *leb, afar, saho : lab créature du genre masculin, sidamo : laba, somali : lab, mâle, etc43 Enfin, la paire d’homophones *neb- corbeille, *nab- big man semble au vu des données jusqu’ici réunies, plus aisée à reconstituer dans le domaine couchitique qu’en sémitique, qui étend en Asie l’isoglosse du second. La figure du scorpion et son nom Les documents du Nagada IIIA font du scorpion et de la rosette un emploi limité dans le temps à cette période de la prédynastie -commencée avec Scorpion I (tombe Uj d’Abydos) et terminée avec Narmer (tombe B 7-9 d’Abydos)- qui marque l’apogée de l’expansionnisme thinite.

La lecture du sémogramme du scorpion dans ce contexte a pour sa part rarement fait l’objet d’études lexicographiques poussées. Commençons par distinguer les figures égyptienne et orientale de l’arachnide. Dans son commentaire de la vignette d’un vase ovoïde à col de l’Ashmolean Museum, daté du Nagada IId2, dont la décoration comporte crocodiles, serpents et scorpions (figure 7), Elena De Gregorio Torrado met en regard le thème iconographique égyptien avec une impression de sceau de Suse II 44, et le décor d’une pièce de Jemdet Nasr (ca 3200 BC) qui figurent des scorpions

45

.

Mais l’ancienneté du motif dans la vallée du Nil, attesté au Nagada II en pleine apogée de Nekhen, où il est local, ou sur un vase décoré de Gebelein, où son sémogramme répété domine une file de girafes46, rend difficile de l’expliquer en Egypte par ses équivalents asiatiques. Dans ces conditions, avant toute hypothèse d’origine orientale du thème en Egypte au prétexte que deux cultures contemporaines le partagent deux ou trois siècles plus tard, l’une en Afrique, l’Egyptienne, l’autre en Asie, la Susienne, il

faut d’abord suivre Pierre Amiet47

dans sa

caractérisation du Scorpion de la glyptique mésopotamienne. Incontestablement le scorpion est aussi chez lui dans l’univers susien. Mais la figure achevée de l’homme-scorpion en développe une autre plus ancienne, celle du scorpion-atlante «porteur de corps célestes» 48. Au delà des ressemblances imputables à l’identité de référent, le sémogramme du scorpion reçoit une place différente dans l’agencement écologique de chacune des deux cultures. Atlante de la voûte céleste ici, divinité chtonienne puis figure royale là. En Egypte, l’association thématique de l’arachnide avec le Faucon en fait une figure thinite très ancienne 49. En fait, Nekhen et la Haute-Egypte en sont dès le Nagada IIA-B la zone focale – on peut donc inférer que c’est aussi la zone focale du nom qu’il porte en égyptien. Notons d’abord avec Alain Delattre que «le nom sémitique de l’arachnide», ‘aqraba, «n’apparaît pas en égyptien». D’autre part, la lecture que donne Rainer Hannig du nom de l’Horus Scorpion, whc (srq), qu’il place avant l’Horus R3 (Iry Hor) et l’Horus K3, nous semble discutable 50. Si la déesse Scorpion, srk.t (Wb I 204, 1-4), apparaît,

elle aussi,

dès les Pyramides, dans la

composition du titre nrp-srkt, le mot whc.t est pour sa part d’origine récente. Il apparaît au Nouvel Empire, et dérive du verbe whc, piquer (Wb I,351). Une autre racine, d3r.t est attestée à l’Ancien Empire (Wb V 526, 15-527,5). Les deux racines whc.t et d3r.t cohabitent à partir du Nouvel Empire selon une distribution géographique qui conduit Alain Delattre à formuler l’hypothèse que la répartition des formes coptes, clj

(bohaïrique, Basse Egypte), oyohe (sahidique, Haute Egypte), oyaahi (fayoumique) continue une répartition valable pour les époques antérieures. Cependant, il est connu que les lexiques s’érodent davantage dans les zones focales, que leurs périphéries dessinent l’isoglosse de leur expansion, et partant, se prêtent à l’indication «par défaut» du lieu d’où, désormais absents, ils se sont répandus. Il semble logique de considérer dans cette perspective que whc.t, innovation moderne, a pu supplanter d3r.t dans sa zone focale où son emploi était plus érodé, et que les «époques antérieures» de la répartition ne remontent pas au delà du Nouvel Empire. En accord avec la «théorie des vagues»51 et leur ordre, faut-il privilégier une approche tchadique et couchitique pour les périodes les plus anciennes ? Alain Delattre en convient : d3r.t est un mot «sans étymologie connue et attesté comme nom propre dès l’Ancien Empire. Son origine remonte à l’époque afro-asiatique : on peut le comparer aux termes utilisés pour désigner le Scorpion dans les langues du Tchadique de l’Ouest»52. Gabor Takacs reconstruit en effet une forme radicale :

d3r.t angas : dyor~yor, gyor, ron : *gVr, scorpion > daffo : garyeη, kulere : girir, ambul : giir etc…53. Les variantes : d3nryy.t (soit phonétiquement dl-y.t), démotique : dl, scorpion

54

, autorisent à

reconstruire une forme *gVl~r . Avant de poursuivre, il convient de noter que les noms de l’arachnide correspondant à des innovations formées sur des mots qui le qualifient

:

whc.t < whc, piquer, et

srk.t, la

déesse «Selkis» (dotée du déterminatif vertical du scorpion, terme rapproché de l’arabe salaq, transpercer, par Werner Vycichl 55), sont aussi ceux que l’égyptien donne à des silures comme le clarias anguillaris, srky, en copte : saloyki, le “poisson-scorpion”, une des “incarnations d’Atoum-Rê” des textes de Basse Epoque

56

, et comme le synodonte schall, whcw, Ces poissons

figurent sous le même taxon moderne des siluridae que l’hétérobranchus longifilis, le silure ncr 57 dans une proximité analogique qui éclaire en retour celle de Scorpion II et de Narmer, selon une manière ancienne et active de penser et de catégoriser le monde. Silures et scorpions portent les mêmes noms - le scorpion est un silure de terre, le silure un scorpion d’eau que rapprochent leur agressivité et les décharges brûlantes, transperçantes qu’ils administrent. De ce point de vue, Scorpion II et Narmer sont caractérisés soit par une identité, soit par une continuité étroite. Soit ils se confondent dans une figure unique sous des dénominations équivalentes, soit le second continue le premier au plus près de ses attributs. L’identification du hiéroglyphe de Narmer

comme un hétérobranchus longifilis, ncr, conduit à demeurer réservé sur une lecture où les deux sémogrammes se liraient d3r.t < *gor ~ gol. Mais pas sur l’existence du cryptotype culturel auquel ils émargent et auquel le domaine bantu fournit, au Gabon, un écho remarquable où le silure et le scorpion portent des noms comparables : mpongwe : o/i.γóròγòrò, scorpion

58

, fang : ηgòl, pl.

ba.ηgòl, clarias pachynema, ngom : ngólò, pl. ba.ngòlò 59. Gabor Takacs rapproche encore de manière pertinente l’égyptien : ppt scorpion (Wb I 566, 4) du tchadique central : *pVt- scorpion, higi : piti, futu : ptu, et de l’omotique septentrional : pitisi. Notons qu’en égyptien ppj est un verbe de mouvement 60 . Un autre mot, ddb.t (Wb V 632,11) également formé sur un verbe, ddb, mordre, apparaît de la même manière à Basse Epoque 61. Un dernier terme, hddt (Wb III, 206,6-7) déesse scorpion 62, est attesté. Toutefois ses graphies variables, avec la touffe de papyrus, M16, phonétiquement h3,

h3ddt, h3tt, ou avec la Massue, T3, hddt, hdt rendent malaisée l’identification de la racine 63. Dans la recherche d’une lecture littérale de l’idéogramme du scorpion des étiquettes de la tombe Uj d’Abydos ou des powerfacts proto-dynastiques s’accordant aux mots les plus anciennement attestés, une dernière approche s’avère nécessaire et complémentaire, celle de la prise en compte de l’association du sémogramme avec d’autres éléments, en l’occurrence, wnb, la rosette. Dans ce contexte, l’association de wnb et du scorpion rappelle celle du titre nrp srk.t.. Il pourrait être tentant d’attribuer au sémogramme cette valeur, qu’il peut prendre : srk.t (Wb IV,204,1-3). Mais, c’est alors la recherche de l’étymon et celle de la matrice lexicognéique qui deviennent malaisées. En effet, Werner Vycichl propose des solutions contradictoires, référant tantôt à une première racine sémitique - l’égyptien srq, to breathe, correspond au sémitique : srq, to breathe ; tantôt à une seconde - srk.t, la déesse «Selkis», dotée du déterminatif L7

du scorpion, vertical, en

position d’atlante, ou d’orant, est alors rapprochée de l’arabe salaq, transpercer 64. Dimitri Meeks note que srk est un causatif (faire) respirer (Wb IV 201-203,10), et qu’un verbe de mouvement, L19-D54

srk ouvrir (un chemin), combine l’idéogramme du scorpion, en position

chtonienne, sous sa graphie nagadéenne, horizontale, et le hiéroglyphe D54 des jambes65. Deuxième hypothèse : le wnb des powerfacts est un d3r.t, un Scorpion, comme d’autres leaders politiques nagadéens sont des Eléphants, 3b, ou des Faucons, hr 66. Cet usuel est le plus ancien à être attesté, s’accommode de la concurrence, restreinte à la dimension religieuse, du nom que la déesse partage avec l’arachnide, et s’intègre bien dans la cohorte des mots d’origine «éthiotchadique» particulière au véhiculaire palatial nagadéen, qui inclut jusqu’aux noms du Faucon, de

l’Eléphant, du sémogramme floral 67. En l’état actuel des données et pour toutes ces raisons, nous inclinons à proposer une lecture d3r.t du signe du scorpion, lisible [ gor- ~ gol ]. Ceci est aussi conforme aux observations de Gabor Takacs : «Can we suppose after the split-up of the Afro-asiatic unity, the Proto-Egyptian tribes had a long co-existence with the ancestors of Chadic as well as of Nilo-Saharan somewhere in the Saharan macro-area ? Can we identify the bearers of the paleolithic-néolithic Saharan culture with a wide conglomeration in which ProtoEgypto-Chadic and other ancient African (Nilo-Saharan, Bantu etc…) populations could also have taken part ? Can we suppose that the Proto-Egyptians tribes migrated from the south or the south-west to Upper Egypt to gradually occupy the entire Nile Valley ? Can we suppose a later (secondary) Egypto-Semitic coexistence already in the neolithic Nile Valley and place it after the split-up of the Chadic-Egyptian union» 68? Bref tableau rejoignant les conclusions d’un autre linguiste, Igor Diakonoff, qui délimite à coups d’isoglosses la zone focale de la langue des hiéroglyphes autour de la région d’El Kab 69, en gros le sud de la Haute-Egypte, que vient lécher et pénétrer le commerce lointain oriental dès les débuts du quatrième millénaire

70

. Survol

synthétique quasi aérien, également conforme aux données archéologiques, qui situent le point de départ de la nagadisation culturelle, politique - et linguistique (si l’on s’en tient au fait que c’est cette région qui documente les premières suites de (proto-)hiéroglyphes dès le Nagada IIIA1) - au cœur de la zone focale des linguistes en l’occurrence des polities gerzéennes de Haute-Egypte et l’étendent à Abydos une boucle du Nil plus loin. Enfin, l’univers nilo-saharien, partout affleurant dans les modèles culturels, et loin d’être absent du panorama linguistique, et le domaine bantu y complètent l’intégrale première du paysage de l’ethnogénèse égyptienne. Avec la nagadisation, la langue de la culture d’El Kab, la langue de Nekhen, va descendre le fleuve, de la région thinite au delta, en incorporant lentement mais sûrement nombre traits de la seconde vague venue à sa rencontre au fil des comptoirs de l’échange lointain dans une dialectique subtile du palais et du marché, du pouvoir et de l’échange, générant des convergences - et peut-être même un modèle de convergence. Retour à l’Histoire et essai d’interprétation en termes d’anthropologie culturelle C’est dans ce contexte général qu’il faut alors s’interroger sur les phénomènes de convergence nagadéens et susiens, les recadrer dans l’histoire des cultures mises en contact par le commerce de biens et matières premières de prestige à longue distance que pratiquent leurs élites. Le

discours du pouvoir n’est pas étanche à l’Histoire, particulièrement à celle qui se tisse au long des routes du commerce lointain. Il en éponge volontiers tous les épisodes. Aussi, le succès d’un motif susien dans l’iconographie royale pourrait avoir des raisons complexes, liées à l’histoire des polities haut-égyptiennes de cette époque aussi bien qu’à celle de leurs relations avec leurs partenaires du commerce à grande distance de biens précieux et de matières premières. Serpents caducéens, griffons et rosaces, qui «passent» de la glyptique scigillaire proto-élamite de la Late Uruk period à l’appareil artefactuel des sites de Nagada et Hu, et de là gagnent l’iconographie du pouvoir thinite qui vient contrôler ces portes sur le commerce lointain avec l’Orient, ne le font pas par hasard. Leur incorporation dans le discours des powerfacts thinites est un acte souverain, cohérent avec le contrôle de la Haute-Egypte méridionale sur deux polities haut-égyptiennes situées dans la partie la plus orientale de la boucle que le Nil dessine dans cette région, Naqada et Hu - points d’arrivée d’une des routes de l’échange lointain. Barbara Adams a publié deux sceaux cylindriques mésopotamiens trouvés sur ces sites en contexte gerzéen, le cylindre d’ivoire de Hu (tombe U364) et celui de grès de Naqada (tombe 1863) 71. Que les deux cités aient pu faire l’objet ou les frais de l’expansion thinite, soucieuse de se ménager l’accès direct à la Mer Rouge au débouché de l’Ouadi Hammamat, et le contrôle du grand commerce oriental, est presque logique sous cet angle. C’est précisément Naqada, dont l’inscription de Gebel Tjauti paraît relater la défaite devant la politie de Faucon~Scorpion, et Hu qui perdent leur indépendance politique à cette époque. La politie thinite, qui allie ou intègre Abydos et Nekhen, ne se contente pas d’avancer au nord et d’échanger avec la Palestine ; elle

intègre les pôles

nagadéens du

commerce lointain oriental. Un siècle et demi de contrôle et d‘intégration plus tard, Narmer s’avance en Palestine72 . C’est dans ce contexte d’expansion de la souveraineté thinite, c’est à dire égyptienne, qu’il faut situer l’acculturation des motifs propres aux élites asiatiques, caducées, griffons, florettes. La valeur que l’égyptien peut donner à la rosette, wnb, w3b, bouton de fleur, est homophone au statut de maître – politique. En égyptien : nb,

aux cognats couchitiques nombreux

73

. Le jeu

homophonique suggère que les règles et les procédures de l’écriture hiéroglyphique sont déjà à l’œuvre, et que le palais incorpore le thème selon ses propres stratégies et critères culturels dans sa propre langue. Le contexte funéraire fréquent de ces artefacts cérémoniels conduit même à suspecter un caractère performatif aux énoncés graphiques nominaux mettant en jeu pour sujet la

figure royale. La langue des énoncés, dans ces conditions, est déjà et ne peut être que de l’égyptien. Plutôt que de parler d’influence, il serait mieux venu de parler d’échange, et d’acculturation, et de mettre en évidence l’acculturation qui résulte de l’échange commercial. L’acculturation s’avère le fait du prince, et ne touche que l’espace social du palais, où elle vise à dire et accroître son pouvoir, dans le discours qu’il en donne. Les motifs mobilisés dans la théorie de l’influence sont en réalité des «areal parallels», comme disent les linguistes, incorporés sur des supports différents, dans des ensembles d’artefacts constitués en systèmes discursifs différents. Le motif oriental

apparaît toujours au terme africain des chaînes d’intermédiaires des partenaires du

commerce à longue distance, sur des objets de provenance et de facture égyptienne, et qui ont une destination socio-culturelle uniquement intelligible en Egypte, palettes, manches de couteau, peignes. La rosette y est associée à des files d’animaux sur le modèle de l’énoncé nominal égyptien, où elle figure le sujet, et la file, le prédicat. Dans ce type d’énoncé, attesté dès le prédynastique aussi bien sur la peinture de la tombe 100 du site HK 33 de Nekhen que sur le brûleur d'encens de la tombe L de Qustul, le prédicat nominal définit les propriétés sémantiques du sujet, en l’occurrence la vérité du pouvoir : hd sbi.w, la figure royale/les captifs, wi3.w srn, le palais/les barques funéraires

74

. Il «classifie le sujet»

75

. Aussi, les propriétés de la rosette ne

sont-elles pas différentes de celles qui qualifient les figures royales du canidé, du silure, du faucon sur les mêmes powerfacts, palettes ou manches de couteau égyptien. Autant d’énoncés de type nominal, dont la plupart des unités élémentaires demeure opaque à la lecture, mais que leur agencement et leur opposition de nombre caractérisent. La rosette reçoit ses attributs du discours de pouvoir égyptien énoncé selon les règles de l’énoncé nominal archaïque. Les seuls powerfacts, au demeurant égyptiens de facture et de destination, qui proposent indiscutablement un modèle d’énoncé attribuant à la rosette des propriétés comparables à celles de l’iconographie des artefacts susiens, sont le manche du couteau du Musée Pétrie

76

, où le motif caducéen sculpté sur le

manche d’ivoire égyptien enveloppe et infixe la rosette de manière identique aux motifs susiens archaïques

77

, et le manche de couteau en ivoire du Musée Berlin, qui présente le même motif

caducéen enveloppant les mêmes rosettes. Mais l’avers de chacun des manches de couteau expose un énoncé de thématique égyptienne, associant notamment un pteroceras (coquille) à des félidés, et semble établir l’équivalence de deux modèles statutaires, clairement distingués par les syntaxes, l’un asiatique, l’autre africain, dans une sorte de bilinguisme graphique - faisant, d’une certaine

manière, de ces manches de couteau des “Pierres de Rosette” (si l’on ose dire) de l’époque nagadéenne 78. Le sémogramme floral étant, de manière indépendante de l’Asie, déjà ancien en Egypte à l’époque où les deux cultures, la susienne et la nagadéenne, se rencontrent, littéralement du bout des routes, on peut interpréter cette acculturation en termes de convergence, de distinction sociale et de ré-emploi du motif selon des critères culturels et politiques proprement égyptiens dans un discours de pouvoir égyptien. L’incorporation par les protodynasties thinites dans l’iconographie de leurs powerfacts d’éléments susiens est postérieure à la victoire gravée dans le roc de Gebel Tjauti par un graphiste haut-égyptien, postérieure à l’intégration de Naqada et Hu dans la mouvance thinite. Il n’y a ni rosette, ni griffon, ni serpents caducéens dans le corpus des powerfacts de Scorpion I d’Abydos. Fréquents sur les regalia thinites des siècles suivants, ils sont intégrés à l’exposé compilatoire des formes de pouvoir royal prédynastiques, sur des supports d’une matérialité (ivoires et palettes égyptiens) et d’une socialité (qui les attache à l’apparat funéraire) purement égyptiennes. Le phénomène culmine dans l’association de la rosette au roi porteur de la Couronne Blanche sur les têtes de massue de Scorpion et de Narmer (figure 8 ). La rosette, de sujet d’un registre de la scénographie d’un powerfact, ou de figure centrale de l’inscription, est alors un des éléments du syntagme graphique du sujet dans ce qui est devenu un discours “fleuve” du pouvoir nouveau. L’intégration des polities de Hu et de Nagada depuis longtemps réalisée, la nécessité de l’affichage de leur contrôle s’érode dans le discours palatial. La Rosette, comme une métaphore déjà morte, disparaît de l’iconographie après Narmer, qui n’a plus à dire, appeler et rappeler son rapport lointain avec l’Orient élamitique mais à s’avancer dans le couloir palestinien, où se multiplient alors les sites égyptiens79. Dans ce contexte, «le transfert» des thèmes orientaux, «purement idéologique» n’aura concerné «que les sphères du pouvoir» 80, dont il contribue à nourrir la mise en place du discours. «C’est bien à travers des réseaux commerciaux de plus en plus élaborés, visant à la mainmise par une élite des produits de prestige indispensables au renforcement de son pouvoir», écrit Béatrix Midant-Reynes, «que les Egyptiens sont entrés en contact avec leurs voisins orientaux. Dominateurs au Levant sud, parce que le contexte culturel local s’y prêtait, et où leur ponction s’effectuait sur les matières premières, ils semblent s’être livrés avec les Mésopotamiens à un jeu de cache-cache, ne captant de leurs puissants voisins que des traits apparemment superficiels, aptes cependant à l’expression de leur pouvoir grandissant» 81.

Epilogue Les thèmes susiens vraisemblablement incorporés dans le discours égyptien du pouvoir après l’intégration de Naqada dans la politie thinite, en disparaissent après Narmer - et d’ailleurs aussi, le type de powerfacts égyptiens (palettes, têtes de massue…) quasi millénaire qui les archive

82

.

Quand le centre de gravité du pouvoir, qui se confond aussi avec les lieux d’éternité royale, se déplace plus au nord, dans la région memphite, aux portes du contrôle de l’échange lointain oriental. Scorpion I importait 700 jarres de vin palestinien pour exprimer son prestige et mesurer son pouvoir à l’aune des biens précieux et lointains de partenaires de même rang. Narmer conquiert la Palestine. Après lui, avec la I° Dynastie, l’Egypte implante la vigne sur ses africaines terres et exporte son propre vin dans ses colonies de Palestine 83.

1

R.Friedman Excavating an Elephant in Nekhen News 15, 2003, 9-10 R.Friedman, idem. L’éléphant semble en rapport d’association avec le k3 de l’élite, comme le nps de la tombe du wc d’Adaïma. 3 Renée Friedman The Ceremonial at Hierakonpolis : Locality 29 A in J.Spencer Aspects of Early Egypt, British Museum, Londres, 1996,16-35. 4 B.Menu A propos du commerce de l’ivoire dans l’Egypte du IV° millénaire in Méditerranées 30-31,2002,35-47 5 B.Menu Le Faucon et le Triangle. Politique et environnement dans l’Egypte du IV° millénaire, sous presse, cité dans l’article de Méditerranées 30-31. 6 Cf. J.L.Le Quellec (Art Rupestre et Préhistoire du Sahara, Payot, 1998, 372), A.Anselin (Le Lièvre et l’Eléphant, CCdE 5, 2003,104-107) : «Certes, les mythes africains, bantu ou berbères, qui, à l’instar des cultures sahariennes préhistoriques, abondent en métaphores animales de la fécondité humaine, mettent précisément la figure de l’éléphant au centre d’une pensée de la vie et en cela paraissent bien éloignés de la figure de l’éléphant égyptien, associée par le nom ou l’emploi à la sphère funéraire royale – mais aussi à l’idée de renaissance, tout comme les peaux de gazelles funéraires (G.Graff, 2002). Sous cet angle, le pachyderme est au cœur des métaphores de la vie comme de la mort tout comme dans les cultures africaines qui y recourent. Les Bamileke, chez qui la «société des éléphants» organise la fête bisannuelle de la fertilité, sculptent un masque d’éléphant dont la sortie rituelle «se pratique lors de la mort d’un chef ou, à la fin de l’année, pour marquer le raccord avec l’année nouvelle» (J.L.Le Quellec,1998,372). «Chez les Kenje et les Aka» poursuit le même auteur «les chefs font aussi un pacte avec l’éléphant …». 2

7

A.Anselin, Le Lièvre et l’Elephant, Cahiers Caribéens d’Egyptologie 5, 2003, 104-107. Cf. aussi, le sémogramme de l’Autruche, gravé sur la jarre funéraire d’un enfant (HK43,Burial 213 contemporaine (Naqada IIB-IIC) in Stan Hendrickx A Remarkable Tomb with an Exceptional Pot, Nekhen News 14, 2002, 11-12. 8 Cf. G.Dreyer Umm el-Qaab I. Das prädynastiche Königsgrab U-j und seine frühen Schriftzeugnisse Mayence, Von Zabern,1998, 195 pages, 47 planches. Cf. notamment planche 29, étiquette 52 et planche 35, étiquette X184. 9 G.Dreyer, opus cité, p.139. 10 Et si c’est le cas, il faut considérer la donnée dans son contexte lignager, où l’Eléphant qualifie un lignage dominant auquel il est associé et qu’il caractérise. 11 Sur ces hypothèses, voir les travaux de G.Dreyer, B.Menu, A.Anselin, A.Jimenez-Serrano, J.Kahl. 12 A.Anselin Le Lièvre et l’Elephant, CCdE 5, 2003, 93-94 13 J.C.Darnell avec le concours de D.Darnell Theban Desert Road Survey in the Egyptian Western Desert. I. Gebel Tauti Rock Inscriptions. Chicago, O.I.P. 119, p.142, fig.10, cité par S.Hendrickx et R.Friedman, opus cité, Göttinger Miszellen 196, 2003, 95-109 14 S.Hendrickx et R.Friedman Gebel Tjauti Rock Inscription and the Relationship between Abydos and Hierakonpolis during the early Naqada III Period in Göttinger Miszellen 196, 2003, 95-109 15 Ils le rapprochent aussi du scorpion localement associé à Isis au Nouvel Empire – figure symétrique, noterons-nous, du scorpion de la déesse Issarra (P. Amiet, La Glyptique Mésopotamienne Archaïque, Editions du CNRS, Paris, 1980, pp.133-134). 16 Ulrich Hartung Abydos. Umm el-Qaab : le cimetière prédynastique U in ArchéoNil 12, décembre 2002, 87-93. «…la tombe (Uj) contenait probablement 700 de ces vases (à vin importés de Palestine), c’est à dire l’équivalent de 4500 litres de vin». Sur l’identification du vin, cf. les travaux de Patrick Mc Govern (1999). 17 S.Hendrickx et R.Friedman, opus cité, pp.104-105, observent l’absence de traces de conflits entre les deux polities à l’époque nagadéenne. 18 G.Dreyer, opus cité, p 132., fig. 61 à 69 et p.130, fig.127 à 129 19 «The lack of elite tombs of the Naqada III period in the Hu region indicates that it had ceased to be a distinct independant chiefdom by that time» écrivent S.Hendrickx et R.Friedman, opus cité, Göttinger Miszellen 196, 2003, p.101, qui considèrent que Scorpion I a pu conquérir la région de Naqada (idem, p.95). 20 R.Friedman, Excavating an Elephant Nekhen News 15, 2003, pp.10 et 16, et Interactive Dig Hierakonpolis - the Elite Cemetery février 2003 : http://www.archaeology.org/interactive/hierakonpolis 21 Lecture contestée par A.Jimenez-Serrano, puis J.Kahl in Hieroglyphic Writing during the Fourth Millenium BC : an Analysis of Systems in

ArchéoNil 11,2001,103-135, qui voient dans le signe des montagnes un déterminatif et proposent de lire le groupe 3b(w), Eléphantine. 22 Cf. Marcelo Campagno From kin-chiefs to God Kings. Emergence and consolidation of the State in Ancient Egypt (From Badarian to Early Dynastic Period, ca.4500-2700 BC) in Cahiers Caribéens d’Egyptologie 5,2003, 23-34 et On the Predynastic «proto-states» of Upper Egypt, in Göttinger Miszellen 188, 2002,49-60. En matière de changement social, c’est un fait bien attesté dans l’Histoire de l’Afrique en contexte de diastole des conjonctures historiques et donc d’expansion ou de changement des routes et des stratégies du commerce lointain: « Le douzième teeñ, Lat Sukaabe (1695-1719) de meen (lignage maternel) Geej, fils de Tié Yasin, est lui même engagé dans le trafic des bras africains. Il prend le pouvoir au Baol en 1692, et s’empare du trône du Kayor en 1695. Il réunit donc les deux couronnes. Ce n’est pas un hasard, donc, que dans une région où le commerce atlantique désagrège les ensembles politiques et érode les institutions, ce soit le roi de la réunification de deux des Etats côtiers intégrés dans la traite, qui s’y oppose, et laisse son nom à l’Histoire pour avoir fait mettre aux fers le gouverneur français de Saint-Louis, André Brue en 1707, pour crime de traite.(…).Le règne de Lat Sukaabe marque aussi un tournant politique dont les effets seront plus lents à se dessiner. C’est Lat Sukaabe qui éloigne le pouvoir du peuple, peut-être en raison des modalités de son accession à la royauté. Teeñ du Baol, il alla vaincre en 1695 le burba Joloff venu envahir le Cayor et se fit élire damel du Kayor par la seule assemblée des grands, écartant de la consultation politique les autres catégories sociales. Il modifia aussi les règles d’intronisation, et désacralisa le pouvoir, soudain suspendu au dessus du peuple comme un busard planant au dessus de ses proies. Ainsi fut abandonné le mode traditionnel de gestion de la violence et des conflits fondé sur l’arbitrage et le palabre depuis la fondation du premier Etat wolof par Ndiadian Ndiaye au XII° siècle, l’abandon du contrôle du pouvoir et de ses décisions, sanctionnable de destitution » (A.Anselin, Dépendants, captifs, esclaves, résistants sur les rives africaines de la traite - apologie de la liberté, in Espace Créole n°12, UAG, sous presse). Dans un tel système politique, le sujet de droit n’est plus le lignage, et le «roi n’a pas de parents», pour reprendre l’aphorisme du sage wolof Kocc Barma. Mais le sacré perdure, car «là où le neuf abonde, l’ancien surabonde». 23 Carl C.Lambert-Karlovsky The Longue Durée of the Ancient Near East in De l’Indus aux Balkans Recueil à la Mémoire de Jean Deshayes, ERC, Paris, 1985, 55-72, situe la Première Conjoncture asiatique autour de 3300 BC, deux siècles après l’Early Uruk Period des premiers temples. Voilà les périodes antérieures en pleine Conjoncture Zéro : au Nagada IIIA1, la Haute Egypte commerce déjà avec l’Orient, la Palestine (que sa position périphérique place à l’intersection des univers africain et asiatique) ici l’Elam là. Au Nagada II, dès 3600 BC, les tombes des élites affichent leur commerce avec l’Orient, via Maadi, et les univers saharo-nubiens.

24

Selon le très beau mot de Beatrix Midant-Reynes, qui tord le cou avec la plus grande rigueur dans l’appréciation des faits à l’idée longtemps dominante du rôle prépondérant de l’Orient dans la naissance de l’Egypte (voir notre conclusion). 25 H.S.Smith The florette motif in Susa Sumer and Egypt. The making of Egypt – a review of the influence of Susa and Sumer on Upper Egypt and Lower Nubia in the 4th millenium BC in Followers of Horus, 1992, 235246, notamment p.241 et sq. 26 Comme nous l’avons déjà proposé à propos du powerfact de la tombe U 120 d’Abydos (Naqada IId) (L.Morenz, 2002, d’après Hartung MDAIK 54,1998,pl.12, A.Anselin Problèmes de lecture - les noms des polities nagadéennes in Egypt at its Origins, 2004,s.p) il faut lire l’iconème b3.(t) et non, de manière anachronique, Hathor. En effet, l’oiseau qui suit la tête de boviné étoilée (ou fleurie) n’est pas un déterminatif, mais littéralement un indicateur de lecture. Sur le fameux «bol d’Hathor» de Hierakonpolis publié par J.Arkell (JEA 44,1998,5-11,pl.8-9), celui-ci identifie clairement l’oiseau associé à la tête de boviné au jabiru. Précisément, la lecture égyptienne du sémogramme est b3. 27 Jacques Vandier, Manuel d’Archéologie, I, 1952, pp.443-444, fig. 297. Sur la palette de Gerzeh, cf. le très beau document et les notes de Francesco Raffaelle : http://members.xoom.virgilio.it/francescoraf/hesyra/palettes/gerzeh.htm 28

Stan Hendrickx and Renée Friedman, Chaos and Order : a Predynastic Ostracon from HK29A, Nekhen News,15, 2003,8 29 Fekri A.Hassan Primeval Goddess to Divine King – the Mythogenesis of Power in the Early Egyptian State in The Followers of Horus - Studies dedicated to Michael Allen Hoffman, ed. by R.Friedman & B. Adams, E.S.A n°2, Oxbow 20, Oxford,1992, 307-321 30 Krzysztof M.Cialowicz La composition, le sens et la symbolique des scènes zoomorphes prédynastiques en relief. Les manches de couteaux in The Followers of Horus, opus cité,1992, pp. 247-258 31 Gwenola Graff Les vases nagadiens comportant des représentations d’addax in Cahiers Caribéens d’Egyptologie 5, 2003, 35-58 32 F.Raffaelle discute avec pertinence sur son très beau site Late Predynastic and Early Egypt l’attribution de l’inscription de la Palette d’Abu ‘Umuri (près de Nag Hammadi), Cairo J.E. 71326, au roi Scorpion par P.Kaplony (Eine Schminkpalette von Konug Scorpion aus Abu ‘Umuri, in Orientalia 34,1965,pp.132-167), et juge l’inscription antérieure. Cf. http://members.xoom.virgilio.it/francescoraf/hesyra/palettes/AbuUmuri.htm 33 Le griffon, comme le serpent caducéen, est une figure élamitique. Cf. E. De Gregorio Torrado Decoraciones pintadas en las ceramicas predinasticas del periodo de Nagada II : analisis de los diseños BAEDE 13, 2003, p.38 34 K.M.Cialowicz La composition, le sens et la symbolique des scènes zoomorphes prédynastiques en relief. Les manches de couteaux. In Followers of Horus. opus cité,1992 p.257, fig.9

35

A deux exceptions, manches du couteau du Musée Pétrie (cf. H.S.Smith The Making of Egypt, opus cité, 1992, 243), et du Musée Berlin (15137), qui présentent le même motif caducéen enveloppant les mêmes rosettes.. 36 A.Anselin Problèmes de lecture – les noms des polities nagadéennes, in Egypt at its Origins- Studies in Memory to Barbara Adams, Proceedings of the International Conference “Origin of the State. Predynastic and Early Dynastic Egypt”, Cracovie, 28 août-2 septembre 2002, S.Hendrickx, R.Friedman, K.M. Cialowicz and M.Chlodnicki (eds), O.L.A., Leuven, Peeters, 2004, 700 pages. L’article de S.Hendrickx cité est Peaux d’animaux comme symboles prédynastiques. A Propos de quelques représentations sur les vases White Cross-lined in Chronique d’Egypte 73, 1998, 203-230 37 W.Vycichl Dictionnaire étymologique de la langue copte, Peeters, Leuven, 1983, p.138 38 Cf. aussi niger-kordofan : gur : more lep.re pl. lep.a, corbeille, si en gur:/l/ = /n/, comme en bantu : bum : lop, ciel, pluie, basaa : nob. 39 Cf. G.Takacs Etymological Dictionary of Egyptian. Volume One : A phonological Introduction, Brill,1999,107. Le niger-kordofan peut cette fois être écarté : le more : na.ba, na.m, pouvoir, royauté, dagari : na, titre royal, a pour racine *na-, pouvoir, + ba, suffixe de classe. 40 G.Takacs, idem, p.107 41 Cf. le Lisān al cArab, cité par Aaron Ember dans les Zeitschrift für ägyptische Sprache und Altertumkunde, Berlin,1917, 83, repris par Werner Vycichl, opus cité, 1983, p.139. 42 L’arabe illustre peut-être ici une formation lexicale secondaire propre sur une racine africaine, en l'occurrence couchitique: nab?, être élevé, nabt, germer, croître, nabr, élever font apparaître un originel *nb, to rise, become high comme le démontre longuement Christopher Ehret (The origin of third consonants in semitic roots : an internal reconstruction applied to arabic in Journal of AfroAsiatic Languages 2/2,1989,193). Il faut peut-être aussi revoir l'étymologie, due à une philologie comparative binaire, de snb, santé (Wb IV 159,12-17) être en bonne santé (Wb IV 158,2-159,5), régulièrement comparé à un triconsonnant sémitique, arabe : salim (L.Reinisch, cité par W.Vycichl (opus cité, 1983,43), hébreu : salom, pour fonder des correspondances phonétiques : n égyptien = l arabe et, plus rare, b égyptien = m sémitique, et snb < "probablement de *slb" (W.Vycichl, idem) = slm, qui devient discutable si l'on propose la formation de snb comme causatif de nb, la santé étant ce qui procure de la force, de la puissance physique - justifiant snb, guérir (Wb IV 159,6-11). Sur le plan sémantique, la comparaison est aussi sujette à controverse de ce point de vue : snb, santé, guérir < faire force # s-l-m, paix … G.Takacs (opus cité,1999,286), qui s'appuie sur A.Ember (1913,110) K.Sethe (1927,131), F.Calice (1931,35), J.Vergote (1945,134), mobilise trois correspondances (s/s, n/l, b/m) et une dissimilation de la nasale originelle (snb < *snm < Proto-égyptien *slm) pour valider l'équivalence égyptien snb santé = sémitique *slm, heil sein.

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Cf. Hans Jurgen Sasse, An etymological Dictionary of Burji, Buske, Hambourg, 1980, p.22. 44 Elena De Gregorio Torrado, opus cité, 2003, 11-54, p.37, fig 31 ; idem, fig 32 (source : E. J.Baumgartel The Cultures of Prehistoric Egypt, Oxford,1955,p.84). 45 H. Field et R.A. Martin Painted pottery from Jemdet Nasr, Iraq, AJA 39,1935, p. 316, pl XXXI, cités par E. De Gregorio Torrado. 46 S.Hendrickx Checklist of predynastic Decorated pottery with human figuration in Cahiers Caribéens d’Egyptologie nos 3-4, 2002, p.34 47 P.Amiet opus cité, 1980, pp.133-134 48 P.Amiet, idem : «Rôle difficilement conciliable avec son caractère chtonien et le symbolisme de fécondité qui lui est traditionnellement attribué « … » («le scorpion, associé à la déesse Issara, figure dans des scènes érotiques «d’agaceries nuptiales» sur des cylindres plus tardifs, d’époque néo-sumérienne») 49 Le mythe la perpétue en lui donnant pour espace l’Egypte entière: Isis et son fils le Faucon, Horus, sont protégés par les Scorpions dans les marais de Buto (cf. J.Baumgartel,1960, pp.103-104,116-117) 50 R.Hannig Die Sprache der Pharaonen GroBes Handwörterbuch Ägyptisch-Deutsch (2800-950 v.Chr.), von Zabern, Mainz, 1995, p.1253 51 «Calquer l’évolution (des langues) sur celle des espèces biologiques a fait perdre de vue le fait que les langues sont toujours en contact les unes avec les autres. La wellentheorie prend en compte cette dimension sociale»… Une fois séparées, «les langues continuent de s’influencer mutuellement». Les innovations forgées au sein de chaque nouvel univers «apparaissent en un point du domaine et se propagent de proche en proche comme des vagues concentriques». «Les domaines qui partagent les mêmes innovations sont délimités par des frontières linguistiques, les isoglosses» écrit Patrick Mouguiama-Daouda (Les dénominations ethnoichtyologiques chez les Bantous du Gabon : étude de linguistique historique, thèse de doctorat, Université de Lyon 2,1995,13-14). «On distingue zone focale où le changement prend naissance avant de se propager alentour», zone de transition où le changement devient irrégulier, zones reliques…Cette «théorie des ondes conçue par le linguiste Johanes Schmidt» pour expliquer les phénomènes de convergence dans les langues géographiquement voisines, mettent en avant le fait que «les innovations se répandent progressivement à partir de certains centres qui jouissent de la prépondérance politique et/ou sociale» (Jean Dubois et al. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Larousse, Paris,1994,333). «Les changements se transmettent de proche en proche, progressivement, aussi loin que s’exerce l’influence du point d’origine». 52 A.Delattre, Les termes égyptiens désignant le scorpion in Egyptology at the Dawn of the Twenty-first Century, Proceedings of the Eighth International Congress of Egyptologists, Cairo, 2000, Vol 3,2003,171-173 53 G.Takacs, opus cité, 1999, p.252

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W.Vycichl, opus cité, 1983, p.337 W.Vycichl La vocalisation de la langue égyptienne. Tome 1 : la Phonétique, Le Caire, IFAO, 1990, p.59 56 Jean-Claude Goyon Les Dieux-Gardiens et la génèse des Temples (d’après les textes égyptiens de l’époque gréco-romaine) IFAO, Le Caire, 1985, vol.I, p.272.; J.C.Goyon, idem : «Les poissons srk(y)w sont les suivants et les protecteurs du soleil défunt, c’est à dire du roi».Chez les Dogon, le Nommo peut s’incarner dans un silure, les rituels funéraires conduisent le mort dans le soleil, et assimilent le silure au soleil en une figure unique du soleil-silure, izugu izu (Marcel Griaule 1955, Paris, pp. 299-311, cité par A.Anselin L’Oreille et la Cuisse, 1999, pp.47-49). 57 Ingrid Gamer-Wallert, Fische und Fischkulte im alten Agyptologische Abhandlungen, Harrassowitz, Wiesbaden,1970, pp. 24,111; A.Anselin Le Scribe et le Poisson in Discussions in Egyptology 40, Oxford,1998, 5-58 58 André Jacquot, Les classes nominales dans les langues bantoues des groupes B.10,B.20,B.30(Gabon-Congo),Orstom,Paris,1983, p.52 59 Où ces noms sont des réflexes d’une racine *god- (Patrick MouguiamaDaouda Les dénominations ethno-ichtyologiques chez les Bantous du Gabon : étude de linguistique historique, Université de Lyon 2, 1995, pp. 227 et sq.). Sur /l/ bantu < /d/ = /r/ couchitique, cf. les séries suivantes (A.Anselin Correspondances couchitiques et bantu, à paraître) : a/ égyptien : ikr, couchitique méridional : *k’er, iraqw : qeru, bantu : *ged, être intelligent (A.Meeussen,1980); b/ agaw : *kar, fort, bantu : *kod, être fort (même source); c/ afar : rama cendres chaudes, arbore : rom cendres versus sémitique *romm, cuit sous la cendre, bantu : *dVm cuire (A. Meeussen), et wolof : doom bi, cendres (A.Fal et al. Dictionnaire WolofFrançais, Paris,1990); et oromo : k’oree, proto-boni : *k’ore, faucon, safaree : k’odi, bantu : *kodi, aigle, faucon, milan, épervier - notons que scorpion, silure, faucon sont des paronymes en bantu (A.Anselin Le Faucon et les Pluviers in Studia Africana 10,1999, pp.191-199). 60 D.Meeks, opus cité, 1978,2,135 cf. FECoffin Texts III,90,sp 957. 61 A.Delattre, opus cité,2000,171-173 62 D.Meeks, opus cité, 1978, 2, p.268 63 Cf J.Cl. Goyon : Hededyt, Isis au Scorpion, BIFAO 78,1978,453. 64 W.Vycichl Is egyptian a semitic language ? in Kush VII,1959,39. La vocalisation de la langue égyptienne. Tome 1 : la Phonétique, Le Caire, IFAO, 1990, p.59 65 D.Meeks, opus cité, 1978,2, p. 338 (Dendera VIII 89, 11). 66 Sur les noms-titres ou les noms-emblèmes possibles des rois nagadéens, voir les travaux de G.Dreyer,B.Menu, R.Friedman. 67 A. Anselin Les noms des parties du corps en égyptien ancien – essai de grammaire culturelle in Cahiers Caribéens d’Egyptologie 3-4, 2002, notamment pp. 247-255 68 G.Takacs, opus cité, 1999, pp.46-47 55

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Igor M. Diakonoff, The Earliest Semitic Society. Linguistic Data, in Journal of Semitic Studies, 43, Oxford, 1998, 209-219 : «The structural (grammatical) isoglosses, however, can rather be established between Egyptian and the Chadic languages (…). The original homeland of the Egyptian branch of Afrasian should probably be sought, naturally, in the Nile Valley, that is, not to the north of present-day Upper Egypt, but rather to the south of it, in the region of the so-called El-Kab Culture». 70

Les sceaux arrivent par les mêmes routes, qui sont aussi celles qui sortent l’ivoire d’Afrique, et quelques thèmes égyptiens à répertorier dans l’iconographie orientale –comme Pierre Amiet le suggère à propos d’un sceau susien prédynastique de Abu-Hatab (P.Amiet, opus cité, p.88, fig.658 et note 9 : «Les affinités que ce cylindre présente avec l’art égyptien paraissent impliquer que son auteur s’est inspiré librement d’un modèle importé de la vallée du Nil». Voilà l’enseigne aux bras ansés, en posture d’orant familière aux vases gerzéens voisinant du côté d’Uruk avec la glyptique aux griffons….) 71 B.Adams Predynastic Egypt, Shire Egyptology, London, 1988, p.57 72 Branislav Andelkovic Southern Canaan as an Egyptian predynastic Colony in Cahiers Caribéens d’Egyptologie n°3-4, 2002,75-92 73 I.M.Diakonoff, opus cité, 1998, 209-219, ne se contente pas de comparer selon une tradition philologique deux fois séculaire le vocabulaire égyptien au berbère et au sémitique, il met aussi l’accent sur le poids de l’univers couchitique dans la lexicographie de l’égyptien. Nos travaux sur l’écriture hiéroglyphique abondent dans ce sens et dessinent «une» première vague couchitique-tchadique (A.Anselin Signes et mots de l’écriture en Egypte antique, ArchéoNil 11, 2001,136-164) 74 A.Anselin Notes sur les Inscriptions des Colosses de Min de Coptos in Cahiers Caribéens d’Egyptologie 2, 2001, p.128. 75 Cf. Antonio Loprieno Ancient Egyptian. A Linguistic Introduction, Cambridge, 1995, pp.108-109. 76 H.S.Smith, opus cité, 1992, p.243 77 P.Amiet, opus cité, fig.36, pl.14 bis E 78 Le manche de couteau de Gebel Tarif est pour sa part sous cet angle, le seul powerfact égyptien qui présente deux énoncés de syntaxe susienne : trois rosettes superposées à des animaux vaincus (oryx, sanglier, ibex), auxquels s’apposent des animaux vainqueurs (lion, canidé, griffon), selon des oppositions singulières, à l’avers - un motif caducéen enveloppant trois rosettes, au revers. 79 B.Andelkovic The Relations between Early Bronze Age I. Canaanites and Upper Egyptians Center for Archaeological Research, Vol.14, University of Belgrade, 1995, notamment pp.17-24 80 B.Midant-Reynes Aux origines de l’Egypte. Du Néolithique à l’émergence de l’Etat, Paris, Fayard,2003,440 pages, p.298 et pp. 315-325 81 B.Midant-Reynes, opus cité, 2003, p.301. Cf. aussi Barbara Adams et Krzysztof M.Cialowicz (Protodynastic Egypt Shire Egyptology London

1997, p.56) : « There is no doubt that the contacts between Egypt and south-western Asia, mostly of commercial character, with no trace of military conflict, were maintained at least from the middle of Gerzean. They were intensified in the period of state formation and continued during the first and two dynasties ». 82 B.Midant-Reynes, opus cité, 2003, p.337 83 B.Midant-Reynes, opus cité,2003, p.294-295.

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