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Anatomie sensitive de la face N. Istria, B. Ricbourg La face est innervée pour sa plus grande partie par le nerf trijumeau (Ve paire crânienne). Certaines régions (cou, angle mandibulaire, oreille) sont innervées par d’autres branches sensitives (plexus cervical superficiel, VII bis, nerf vague). Il existe trois gros troncs importants pour le trijumeau : le nerf ophtalmique de Willis (lui-même formé de trois branches : les nerfs nasal, frontal et lacrymal) donne la sensibilité de la partie supérieure du visage notamment via le nerf supraorbitaire. Ce nerf, faisant issue au niveau du foramen supraorbitaire, peut bénéficier d’une anesthésie locorégionale tronculaire à ce niveau pour une chirurgie de la zone du front ; le nerf maxillaire supérieur dont la branche principale (le nerf infraorbitaire) passe par la fissure orbitaire inférieure, dans le plancher orbitaire puis dans le canal et le foramen infraorbitaires. Le nerf infraorbitaire fait donc issue pour donner la sensibilité de l’étage moyen de la face (paupière inférieure, joue, aile du nez, lèvre supérieure, arcade dentaire supérieure). Cette branche infraorbitaire peut être anesthésiée par un bloc sensitif à la sortie du foramen, facilitant une chirurgie cutanée de l’étage moyen de la face ; le nerf mandibulaire et sa branche terminale, le nerf mentonnier (faisant issue au foramen mentonnier après avoir cheminé dans la mandibule depuis la lingula mandibulaire ou épine de Spix). Dans sa portion intramandibulaire (nerf alvéolaire inférieur), il innerve l’arcade dentaire inférieure. Dans sa partie extramandibulaire (nerf mentonnier), il donne la sensibilité du menton et de la lèvre inférieure. Un bloc anesthésique locorégional peut être pratiqué au foramen mentonnier, voire au niveau de la lingula. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ganglion de Gasser sensitif ; Fissure orbitaire supérieure ; Foramen ovale ; Foramen grand rond ; Nerf et foramen supraorbitaires ; Nerf et foramen infraorbitaires ; Nerf et foramen mentonniers ; Ganglion ptérygopalatin ; Anesthésie tronculaire ; Contingent moteur du V3
Plan ¶ Introduction
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¶ Nerf ophtalmique de Willis Branche lacrymale Branche frontale Branche nasociliaire
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¶ Nerf maxillaire supérieur
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¶ Nerf mandibulaire Tronc antérieur Tronc postérieur
4 4 5
3
¶ Plexus cervical superficiel
6
¶ Conclusion
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8 1
V1
4
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V2
12
5 6
V3
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■ Introduction L’innervation sensitive de la face (Fig. 1) dépend de la Ve paire crânienne (le nerf trijumeau) qui possède la racine sensitive la plus grosse faisant issue du tronc cérébral. Les noyaux sensitifs et moteurs se situent au niveau de la protubérance du tronc cérébral. Le nerf trijumeau est donc un nerf mixte sensitivomoteur, les branches sensitives pour l’innervation cutanée de la face et les branches motrices pour les muscles masticateurs [1]. Stomatologie
Figure 1. Points d’émergence des nerfs sensitifs de la face. 1. Auriculotemporal ; 2. zygomaticotemporal ; 3. zygomaticofacial ; 4. infraorbitaire ; 5. buccal ; 6. grand auriculaire ; 7. mentonnier ; 8. supraorbitaire ; 9. supratrochléaire ; 10. lacrymal ; 11. infratrochléaire ; 12. nasal externe.
1
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Les corps cellulaires des branches sensitives se situent dans le ganglion de Gasser qui présente une organisation somatotopique correspondant aux trois branches afférentes. Le nerf trijumeau sort du tronc cérébral au niveau de l’incisure trijéminale du pont dans sa portion antérolatérale (la racine motrice se situe plus médialement). Il peut exister à ce niveau un conflit entre le V et l’artère cérébelleuse supérieure qui, en formant une boucle près du nerf, peut être responsable de névralgies trijéminales. Une intervention chirurgicale de décompression est possible dans certains cas (intervention de Janetta). La branche sensitive fait relais au niveau du ganglion trijéminal de Gasser situé sur la face antérosupérieure de la partie pétreuse de l’os temporal situé dans un dédoublement de la dure-mère (le cavum trijéminal) [2]. La racine motrice passe en dessous du ganglion de Gasser. Le nerf trijumeau doit son nom aux trois branches principales efférentes du ganglion de Gasser (issues de son bord antéroexterne) qui sont, d’avant en arrière : • V1 (nerf ophtalmique de Willis) ; • V2 (nerf maxillaire) ; • V3 (nerf mandibulaire). Le nerf ophtalmique dans sa portion intracrânienne chemine dans la partie latérale du sinus caverneux puis sort du crâne au niveau de la fissure orbitaire supérieure. Le nerf maxillaire sort au niveau du foramen grand rond. Le nerf mandibulaire fait issue au niveau du foramen ovale. Ces branches donnent alors la sensibilité de la face, de l’orbite, des fosses nasales et de la cavité buccale. Le plexus cervical superficiel (PCS) distribue l’innervation sensitive de l’angle mandibulaire (l’encoche massétérine) et du cou par les branches C2, C3, C4. Ces branches forment le nerf grand auriculaire (branches antérieures et postérieures) ; une branche cervicale transverse et une branche supraclaviculaire.
Figure 3. Nerfs supraorbitaire et supratrochléaire en dissection. 1. Nerf supraorbitaire, branche latérale profonde ; 2. nerf supraorbitaire, branche médiale superficielle ; 3. foramen supraorbitaire ; 4. nerf supratrochléaire.
■ Nerf ophtalmique de Willis (Fig. 2–5) Le V1 sort du crâne par la fissure orbitaire supérieure puis donne plusieurs branches cheminant dans la cavité orbitaire. Dans le sinus caverneux, les trois branches de division du V1 sont : • nerf lacrymal ; • nerf frontal ; • nerf nasociliaire.
Branche lacrymale La plus externe, elle vient innerver la glande lacrymale. Mais des branches végétatives sont transportées par le V2 via sa branche zygomatique et s’anastomosent avec le nerf lacrymal.
Figure 4.
Nerf supraorbitaire et nerf supratrochléaire en dissection.
Elle donne de plus la sensibilité tégumentaire externe de l’œil et innerve la conjonctive oculaire (réflexe cornéen).
Branche frontale Plus médiale, elle se dirige le long du toit de l’orbite où elle se divise en deux branches (supraorbitaire et supratrochléaire) qui évoluent jusqu’au rebord orbitaire supérieur [3].
Nerf supraorbitaire Plus latéral, il peut contourner la margelle au niveau d’une échancrure ou traverser l’os frontal au niveau d’un foramen supraorbitaire. Une portion assez courte du nerf évolue en souspériosté, puis le nerf supraorbitaire se divise en deux branches : • une branche latérale profonde qui suit à environ 1 cm de la ligne temporale supérieure entre le périoste et la galéa. C’est en s’approchant de la suture coronale que des branches terminales traversent la galéa pour innerver le cuir chevelu à ce niveau ; • une branche médiale superficielle qui va traverser rapidement le muscle frontal pour donner des branches d’innervation pour le front et le cuir chevelu dans sa partie la plus antérieure.
Nerf supratrochléaire Figure 2. Étage supérieur de la face et foramen supraorbitaire. 1. Foramen supraorbitaire ; 2. échancrure supraorbitaire ; 3. fissure orbitaire supérieure ; 4. canal optique ; 5. fissure orbitaire inférieure.
2
Il contourne plus médialement le rebord supraorbitaire au niveau d’une échancrure pour remonter vers la partie médiane du front et donner son innervation cutanée après avoir traversé le muscle [4]. Stomatologie
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Figure 6. Étage moyen de la face et foramen infraorbitaire 1. Foramen zygomaticofacial ; 2. foramen infraorbitaire.
Figure 5. Naissance du nerf nasal externe V1 en dissection. Branche du nerf ethmoïdal antérieur (V1) (naissance à la jonction os nasal-cartilage triangulaire).
Branche nasociliaire La plus médiale, elle passe dans l’anneau de Zinn, suit la paroi interne de l’orbite où le nerf nasal pourra donner une branche ethmoïdale postérieure (pour la muqueuse ethmoïdale et sphénoïdale) et une branche ethmoïdale antérieure qui traverse l’ethmoïde par son foramen antérieur et innerve la muqueuse ethmoïdale et nasale (gouttière olfactive et sinus frontal) par sa branche nasale interne ainsi que l’os nasal, alors que la branche nasale externe fait issue entre l’os nasal et le cartilage triangulaire à environ 7 mm de la ligne médiane. Il innerve la partie basse du dorsum nasal, la pointe du nez et l’aile narinaire en association avec le nerf infraorbitaire. Après avoir donné le nerf ethmoïdal antérieur, cette branche donne le nerf infratrochléaire ayant une direction opposée au supratrochléaire. Elle donne la sensibilité du haut du dorsum nasal, de la glabelle et de la région canthale interne. La branche ciliaire donne des branches d’innervation pour l’œil. Il est à noter que le nerf ophtalmique donne, par ses branches intracrâniennes, des rameaux pour la dure-mère frontale, occipitale, pour la tente du cervelet (nerf récurrent d’Arnold) ainsi que des filets anastomotiques pour les nerfs III (pour mydriase), IV, et le plexus péricarotidien.
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Figure 7. Nerfs infraorbitaire et zygomaticofacial en dissection. 1. Margelle orbitaire inférieure ; 2. nerf zygomaticofacial ; 3. nerf infraorbitaire et pédicule vasculaire.
Point fort
Le nerf ophtalmique donne la sensibilité : • du front ; • de la paupière supérieure ; • de la muqueuse de la partie supérieure des fosses nasales ; • des sinus frontal, ethmoïdal et sphénoïdal ; • du globe oculaire ; • de la dure-mère frontale/occipitale.
■ Nerf maxillaire supérieur (Fig. 6–8)
Figure 8. Rapports du nerf infraorbitaire et du plancher de l’orbite. 1. Passage du nerf infraorbitaire dans le plancher de l’orbite ; 2. nerf zygomaticofacial ; 3. nerf infraorbitaire. [5-7]
La sortie du crâne s’effectue à travers le foramen grand rond après avoir suivi la portion inférolatérale du sinus Stomatologie
caverneux. Il passe ensuite dans l’arrière-fond de la fosse ptérygopalatine au niveau de sa partie supérieure (au-dessus
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de l’artère maxillaire). Il s’établit à ce niveau plusieurs branches de division ainsi qu’une anastomose importante avec le nerf vidien et le ganglion ptérygopalatin via le nerf ptérygopalatin. Le nerf vidien, branche du VII, traverse le canal ptérygopalatin pour ensuite traverser le ganglion ptérygopalatin [8] ; il véhicule les branches végétatives de la sécrétion lacrymale en passant par le nerf zygomatique. Le ganglion ptérygopalatin reçoit une branche afférente contenant les voies lacrymales (nerf vidien) ; il forme, avec ses fibres sympathiques et parasympathiques, un complexe trijéminosympathique. Ses branches efférentes sont les rameaux nasaux (pour les cornets et méat moyen) et le rameau pharyngien (orifice tubaire du pharynx, partie postérieure de la cloison). Il gère les fibres sécrétoires et vasomotrices du réseau lacrymal, nasal et tubaire [9]. Il peut être responsable d’algies vasculaires de la face pouvant faire l’objet d’infiltration ou d’alcoolisation [10]. Les premières branches naissent dès la fosse ptérygopalatine avec les nerfs grand et petit palatins qui effectuent leur descente vers le palais et font issue respectivement à travers les foramens petit et grand palatins. Le nerf grand palatin innerve le palais jusqu’à sa portion antérieure (donne lors de sa descente des fibres au cornet inférieur) alors que le petit palatin donne des fibres en direction opposée, à savoir vers le voile du palais et la tonsille [11]. Un rameau nasopalatin donne l’innervation du septum nasal puis traverse l’os palatin dans sa portion antérieure par le canal incisif pour donner enfin des fibres pour la partie antérieure du palais et des anastomoses avec les branches terminales du nerf grand palatin [12]. Le palais est donc innervé d’une part via les nerfs grand et petit palatins et d’autre part via le nerf nasopalatin [13, 14]. Un rameau pharyngien (nerf pharyngien) innerve les deux tiers antérieurs du rhinopharynx. Le nerf zygomatique se situe proche de la paroi externe de l’orbite d’arrière en avant et proche du nerf lacrymal puisque les fibres lacrymales provenant du nerf vidien viennent s’anastomoser à ce dernier. Une bifurcation s’effectue ensuite pour donner un nerf zygomaticotemporal [15] traversant la paroi externe de l’orbite et faisant issue au-dessus de l’arcade zygomatique. La deuxième branche, le nerf zygomaticofacial, traverse le malaire par un canal et sort par son foramen latéralement au nerf infraorbitaire, dans l’axe du canthus externe [16]. Le nerf maxillaire continue sa course en passant par la fissure orbitaire inférieure et passe sous le plancher orbitaire dans le canal infraorbitaire [17-20] ; des branches alvéolaires supérieures et postérieures vont innerver les alvéoles du bloc prémolomolaire en passant en arrière de la paroi postérieure du sinus maxillaire en pénétrant dans les canaux dentaires postérieurs au niveau de la tubérosité maxillaire. Des filets nerveux innervent l’os maxillaire et la muqueuse du sinus maxillaire [21]. Les branches alvéolaires supérieures et antérieures pour le massif incisivocanin [22] passent en avant de la paroi antérieure du sinus maxillaire (distribue des fibres à la muqueuse du méat inférieur). Le rameau infraorbitaire sort de son foramen pour innerver la paupière inférieure (donne des filets anastomotiques avec le nerf lacrymal et infratrochléaire), la partie antérieure de la joue, l’aile narinaire en complément avec le nerf nasal externe et enfin la lèvre supérieure (portion cutanée et muqueuse) [23]. Ce nerf infraorbitaire peut bénéficier d’un bloc sensitif sélectif [24, 25]. Il est à noter que des anastomoses ont été décrites avec le nerf facial [26]. Le V2 innerve donc la gencive et son arcade dentaire supérieure. Par ses branches intracrâniennes (rameau méningé moyen), le V2 innerve la dure-mère temporale et pariétale ainsi que l’artère méningée moyenne.
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Point fort
Le nerf maxillaire donne la sensibilité : • de la joue ; • de la paupière inférieure ; • de l’aile narinaire ; • de la lèvre supérieure ; • les branches profondes donnent la sensibilité de la muqueuse nasale inférieure, des dents, des gencives et du maxillaire supérieur.
■ Nerf mandibulaire (Fig. 9–11) La sortie du crâne s’effectue par le foramen ovale (avec l’artère petite méningée) au niveau de la base du crâne. Il est considéré comme un nerf mixte puisqu’il possède un contingent sensitif cutanéomuqueux et un contingent moteur pour les muscles de la manducation. Le tronc sensitivomoteur ainsi formé évolue sur 1,5 cm de long, et un contact étroit existe avec le ganglion otique sur sa face interne [27]. Dès sa sortie, il passe dans la fosse infratemporale où il donne deux troncs (antérieur et postérieur) et un rameau récurrent (méningé) qui passe la base du crâne par le foramen petit rond avec l’artère méningée moyenne [28].
Tronc antérieur Il donne les trois nerfs temporaux.
Nerf temporomassétérin Par ses branches motrices, il permet la contraction du temporal (branche profonde postérieure) et du masséter [29]. C’est d’une de ces branches que naît le filet sensitif de l’articulation temporomandibulaire (ATM) [30].
Nerf temporal moyen profond Il s’agit d’une branche profonde exclusive au muscle temporal [31].
Rameau temporobuccal Plus antérieur, il possède une branche ascendante motrice (nerf temporal profond antérieur) et une branche descendante sensitive (nerf buccal) se divisant à la face externe du buccinateur pour donner la sensibilité cutanée (filets superficiels) et
Figure 9. Étage inférieur de la face et foramen mentonnier. 1. Os alvéolaire ; 2. foramen mentonnier ; 3. os basilaire. Stomatologie
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Figure 10. Nerf mentonnier V3. A. 1. Nerf mentonnier ; 2. filets muqueux ; 3. filets cutanés (traversant le muscle orbiculaire). B. 1. Branches à destinée cutanée pour le menton et la lèvre inférieure ; 2. ramifications terminales du nerf mentonnier ; 3. branches destinées à la muqueuse labiale et vestibulaire.
muqueuse (filets profonds) de la joue allant de la commissure labiale à l’encoche massétérine. De plus, le rameau superficiel donne une anastomose avec le nerf facial.
Tronc postérieur Il donne quatre branches.
Nerf sensitif auriculotemporal [32] Il permet de donner la sensibilité de la région temporale, de la partie supérieure de l’oreille, de l’ATM [33] et de la parotide. Il faut savoir que des branches végétatives véhiculées par le nerf petit pétreux profond (issu du IX) permettent l’innervation sécrétoire de la parotide via les relais par le ganglion otique. D’autres fibres innervent le tympan (plus ou moins le conduit auditif externe) et les vaisseaux méningés. On trouvera ensuite, plus en dedans, le nerf du muscle ptérygoïdien médial, le nerf du muscle tenseur du tympan et celui du tenseur du voile du palais. Plus bas, dans l’espace ptérygomandibulaire (entre les deux muscles ptérygoïdiens), le nerf mandibulaire se divise en nerf lingual et en nerf alvéolaire inférieur.
Nerf alvéolaire inférieur Il pénètre dans le ramus au niveau de la lingula mandibulaire (épine de Spix) [34] pour cheminer dans le canal alvéolaire où il distribue les rameaux sensitifs pour le bloc prémolomolaire inférieur [35-37]. Stomatologie
B Innervation sensitive et gustative de la langue Zone d'innervation du nerf vague (X) Zone d'innervation du nerf glossopharyngien (IX) Zone d'innervation du nerf lingual : - fibres du V3 pour la sensibilité - fibres du VII bis pour la gustation Figure 11. A. Rapports du nerf alvéolaire inférieur et de l’épine de Spix. 1. Palais dur ; 2. nerf alvéolaire inférieur pénétrant dans l’épine de Spix ; 3. nerf lingual ; 4. corps de la mandibule ; 5. langue. B. Nerf lingual. Innervation sensitive et gustative de la langue. En vert, zone d’innervation du nerf vague (X) ; en rose, zone d’innervation du nerf glossopharyngien ((IX) ; en bleu : zone d’innervation du nerf lingual : fibres du V3 pour la sensibilité ; fibres du VII bis pour la gustation.
La sortie de la mandibule s’effectue au niveau du foramen mentonnier [38, 39] en regard de la canine ou de la première prémolaire pour donner le nerf mentonnier innervant le menton et la lèvre inférieure (cutanée et muqueuse) [40-42], alors que le rameau pour le bloc incisivocanin inférieur continue sa course dans la mandibule jusqu’à la ligne médiane symphysaire. Le nerf alvéolaire inférieur peut subir
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un bloc sensitif au niveau de la lingula, permettant des gestes chirurgicaux sur son territoire d’innervation [43-47].
Nerf lingual Il évolue dans la région mandibulopharyngienne dans l’espace interptérygoïdien ; il traverse les muscles styliens et passe sous le ligament ptérygomandibulaire [48]. Formant une courbe vers l’avant, il accompagne le muscle styloglosse puis continue au niveau de la face interne de la mandibule, contourne le canal de Wharton pour s’en éloigner à la partie moyenne du corpus mandibulaire afin d’innerver la langue et le plancher buccal [49, 50]. Il faut noter que le contingent trijéminal permet la sensibilité tactile [51]. La sensibilité gustative s’effectue donc par le biais de la corde du tympan (branche du VII bis) et gère topographiquement les deux tiers antérieurs de la langue (le tiers postérieur étant innervé par le IX). La corde du tympan véhicule également des fibres végétatives sécrétoires pour les glandes submandibulaires et sublinguales. Il existe également, venant du nerf dentaire inférieur et proche du nerf lingual, les nerfs des muscles mylohyoïdien [52-54] et du ventre antérieur du muscle digastrique (ventre postérieur innervé par le VII) appartenant au contingent moteur du V3. Le V3 véhicule aussi la sensibilité proprioceptive des muscles de la mimique.
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Point fort
Le nerf mandibulaire donne la sensibilité : • cutanée de la région temporale, de la joue, de la lèvre inférieure et du menton ; • muqueuse de la joue, des gencives et de la lèvre inférieure, ainsi que les deux tiers antérieurs de la langue (via le VII bis) ; • il innerve l’os mandibulaire et l’arcade dentaire inférieure ; • ses branches intracrâniennes sensibilisent le territoire de l’artère méningée moyenne (fosse cérébrale moyenne) ; • il véhicule les fibres végétatives des glandes salivaires et les branches motrices pour les muscles masticatoires.
■ Plexus cervical superficiel (Fig. 12) Il est formé par les branches des racines C2, C3 et C4. Les branches motrices sont constituées par le plexus cervical profond. Il émerge de la profondeur en arrière du muscle sterno-cléidomastoïdien (SCM), puis donne quatre branches sensitives destinées à l’ensemble du territoire cutané du cou, de la face postérieure de la tête et des épaules [55]. Anastomosées deux à deux, ces branches donnent trois anses cervicales. Les branches antérieures de C1, C2, C3 et C4 sortent au bord postérieur du SCM. Nerf grand auriculaire 2e anse cervicale [56] : • branche antérieure (encoche massétérine, auricule), anastomosée avec les fibres parotidiennes et le nerf facial ; • branche postérieure (pavillon de l’oreille et région mastoïdienne) anastomosée avec le petit occipital. Nerf cervical transverse (transverse du cou) 2e anse : innervation cutanée du cou, sus-hyoïdienne et cervicale antérieure. Nerf supraclaviculaire 4e anse : innervation cutanée basse du cou : • fibres antérieures ou suprasternales (région SCM et sternale) ; • fibres moyennes ou supraclaviculaires (région supra/infraclaviculaire) ;
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Figure 12. Plexus cervical superficiel (PCS) : branche antérieure du nerf grand auriculaire à destinée de l’encoche massétérine. Issue au bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien.
• fibres postérieures ou supra-acromiales (moignon de l’épaule). C Nerf petit occipital : 2 e anse cervicale : deux rameaux (antérieur et postérieur) pour la région mastoïdienne et occipitale.
Innervation de l’oreille Elle est mixte. La partie supérieure de l’oreille est innervée par les fibres du nerf auriculotemporal (V3). La partie postéro-inférieure du pavillon, le conduit auditif externe et le lobule sont innervés par les rameaux auriculaires du plexus cervical superficiel [57]. La conque ainsi que la partie externe du conduit auditif (zone de Ramsay Hunt) est innervée par l’intermédiaire du Wrisberg (VII bis). La branche auriculaire du pneumogastrique (X) assure l’innervation sensitive de la partie profonde du conduit auditif et de la partie inférieure du tympan. La caisse du tympan, quant à elle, est innervée par le nerf de Jacobson ou nerf tympanique, branche du glossopharyngien. Comme le plexus cervical profond, le plexus cervical superficiel peut bénéficier de bloc anesthésique sélectif (par exemple le nerf grand auriculaire) [58]. Stomatologie
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■ Conclusion La plus grande partie de l’innervation tégumentaire de la face est véhiculée par les branches de la V e paire crânienne (Fig. 13,14). La plupart des branches terminales ont des orifices de sortie qui présentent peu de variations anatomiques : les foramens supra- et infraorbitaire ainsi que le foramen mentonnier sont alignés sur une ligne virtuelle dans l’axe de la pupille centrée (Fig. 1). La connaissance de ces repères a un intérêt réel dans les voies d’abord chirurgicales mais aussi en vue d’effectuer des blocs
anesthésiques tronculaires dans le but d’une intervention sans anesthésie générale ou bien à titre purement antalgique pour le patient. Cependant, certaines zones restent innervées par d’autres nerfs, à savoir le plexus cervical superficiel pour le cou ou encore l’oreille, elle-même innervée aussi par le VII bis (zone de Ramsay Hunt) et parfois par le X (conduit auditif externe).
> Remerciements : Professeur Di Marino (laboratoire d’anatomie de Marseille), professeur Vacher (laboratoire d’anatomie de Paris). .
■ Références [1]
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[10] [11] Figure 13. Topographie de l’innervation sensitive des trois branches du nerf trijumeau. L’angle mandibulaire (encoche massétérine) est innervé par la branche antérieure du nerf grand auriculaire (plexus cervical superficiel).
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V1 [17] [18]
V2
[19] [20]
V3
PCS [21]
[22] Figure 14. Topographie de l’innervation des trois territoires du nerf trijumeau. V1 : nerf ophtalmique de Willis ; V2 : nerf maxillaire ; V3 : nerf mandibulaire ; PCS : plexus cervical superficiel. Stomatologie
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22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face
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N. Istria (
[email protected]). B. Ricbourg. Service de chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalier universitaire Minjoz, boulevard Flemming, 25000 Besançon, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Istria N., Ricbourg B. Anatomie sensitive de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-B-36, 2006.
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