Analyse Documentaire_suzanne Waller
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SOMMAIRE
Titres disponibles dans la même collection Le besoin d'information : formulation, négociation, diagnostic, par Yves-F. Le Coadic. 1998 Intelligence économique : mode d'emploi, par Pierre Achard el Jean-Pierre Bernai. 1998 Créer et maintenir un site web : cours INRIA, 28 septembre - 2 octobre 1998, Ptiti. ouvrage coordonné par Jean-Claude Le Moal et Bernard Hidoine. 1998 Economie de l'information spécialisée : valeur. nscif>ex professionnels, marchés, par Daniel Confland. 1997 Science de l'information et philosophie : une communauté d'interrogations, par Marie-France Blanquet. 1997 La s\nrhèse : produit documentaire et méthode pédagogique, par Agnès Caron. en collaboration avec Ariette Boulogne. 1997 La recherche d'information sur les réseaux. Internet : pour en savoir plus : cours INRIA, 30 septembre • 4 octobre 1996, Trégastel, ouvrage coordonné par Jean-Claude Le Moal et Bernard Hidoine. 1996 L'identité professionnelle des documentalistes : le cas des médias, par Christine Leteinturier. 1996
Avant-propos
Introduction
13
Chapitre I L'ANALYSE; DOCUMENTAIRE; : DÉFINITION ET PRATIQUES Qu'est-ce qu'analyser ? Qu'est-ce que l'analyse documentaire ? L'analyse dans le cadre des opérations documentaires Analyse et politique documentaires Annexe pédagogique
15 15 16 18 19 33
Les coûts en documentation : calculs, analyses et décisions, par Emmanuel Moulin. 1995 Guide pour la gestion d'un centre d'information : la maîtrise des chiffres-clés, par Bernard Chevalier. Dominique Doré et Eric Sutler. 2 e édition augmentée et mise à jour, 1995 Le traitement électronique du document : cours INRIA, 2-7 octobre 1994, Aix-en-l'iwence. ouvrage coordonné par Jean-Claude Le Moal et Bernard Hidoine. 1994 Le dossier documentaire : conception, réalisation, valorisation, par Viviane Coii7incl, Patricia Huvillier, Paul-Dominique Potnart et Dominique Velten. 1994
Chapitre 11 LA LECTURK DOCUMENTAIRE : LIRE ET OBSERVER
Les conditions de la lecture documentaire Petit détour par la « lecture rapide » Observer avant de lire Annexe pédagogique
35
36 37 3g 45
Stocks of English : a dislance Ieamins> course for information workers and lihnitïtms, par Michael Brookes. 1993
Chapitre 111 LA LECTURE DOCUMENTAIRE : LIRE ET COMPRENDRE
49
Pratique du management de l'information : analyse de la valeur et résolution de problèmes, par Jean Michel, en collaboration avec Eric Sutter; préface de Michel Cm/on. 1992
Les textes et leurs caractéristiques Les textes et leur contenu Comment lire ? Annexe pédagogique
49 58 54 7J
Construire un thésaurus : manuel pratique, par Jean Aitchison et Alan Gilchrisl. traduction Dominique Hervieu. re'vision scientifique Jacques Manie/.. 1992 Sen'icex d'information et qualité : comment satisfaire les utilisateurs, par Eric Sutter. 1992
Chapitre IV Valeur et compétitivité de l'information documentaire : l'analyse de la valeur en documentation. par Jean Michel et Eric Sutter. 2e édition mise à jour, 1991 Mise au point du présent manuscrit : Isabelle Kersimon
LA LECTURE DOCUMENTAIRE : STRUCTURE ET VOCABULAIRE
73
Trouver l'information utile : la recherche d'un plan L'élaboration de grilles de lecture Trouver l'information utile : l'aide du vocabulaire
73 75 84
SOMMAIRE
Titres disponibles dans la même collection Le besoin d'information : formulation, négociation, diagnostic, par Yves-F. Le Coadic. 1998 Intelligence économique : mode d'emploi, par Pierre Achard et Jean-Pierre Bernât. 199K Créer et maintenir un site web : cours INRIA, 28 septembre - 2 octobre 1998, Paît, ouvrage coordonné par Jean-Claude Le Moal et Bernard Hidoine. 1998 Economie de l'information spécialisée : valeur, usages professionnels, marchés, par Daniel Confiant!. 1997 Science de l'information et philosophie : âne communauté d'interrogations, par Marie-France Blanquel. 1997 La synthèse : produit documentaire et méthode pédagogique, par Agnès Caron. en collaboration avec Ariette Boulogne. 1997 La recherche d'information sur les réseaux. Internet : pour en savoir plus : cours INKIA. 30 septembre - 4 octobre 1996. Trégastel, ouvrage coordonné par Jean-Claude I.c Moal cl Bernard Hidoine. 1996 L'identité professionnelle des documentalistes : le cas des médius, par Chris! inc Lcteintuner. 1996
Avant-propos
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Introduction
13
Chapitre I L'ANALYSE DOCUMENTAIRE : DÉFINITION ET PRATIQUES
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Qu'est-ce qu'analyser ? Qu'est-ce que l'analyse documentaire ? L'analyse dans le cadre des opérations documentaires Analyse et politique documentaires Annexe pédagogique
15 16 18 19 33
Les coûts en documentation : calculs, analyses et décisions, par Emmanuel Moulin. 199? Guide pour la gestion d'un centre d'information : la maîtrise des chiffres-clés, par Bernard Chevalier. Dominique Doré et Eric Suller. 2e édition augmentée et mise à jour. 1995 Le traitement électronique du document : cours INRIA, 2-7 octobre IW4. Aix-fii-Prm-ence, ouvrage coordonné par Jean-Claude Le Moal et Bernard Hidoine. 1994 Le dossier documentaire : conception, réalisation, valorisation, par Viviane Cou/inet, Patricia Huvillier, Paul-Dominique Potnart et Dominique Velten. 1994
Chapitre II LA LECTURE DOCUMENTAIRE : LIRE ET OBSERVER
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Les conditions de la lecture documentaire Petit détour par la « lecture rapide » Observer avant de lire Annexe pédagogique
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Stocks of English : a distance Icantinx courue for information workerx and tibrarians. par Michael Brookes. 1993
Chapitre III
Pratique du management de l'information : analyse de la valeur et résolution de problèmes, par Jean Michel, en collaboration avec Eric Sutter; préface de Michel Cro?on. 1992
Les textes et leurs caractéristiques Les textes et leur contenu Comment lire ? Annexe pédagogique
Construire un thésaurus : manuel pratique, par Jean Ailchison ei Alan Cïilchrist. traduction Dominique Hervieu, révision scientifique Jacques Manie/. 1992 Services d'information et qualité : comment satisfaire les utilisateur*, par Eric Suller. 1992 Valeur et compétitivité de l'information documentaire : l'analyse de la valeur en documentation. par Jean Michel el Eric Sutler. 2e édition mise 5 jour. 1991 Mise au point du présent manuscrit : Isabelle Kersimon
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LA LECTURE DOCUMENTAIRE : LIRE ET COMPRENDRE
Chapitre IV
49
49 58 64 71 ,
LA LECTURE DOCUMENTAIRE : STRUCTURE ET VOCABULAIRE
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Trouver l'information utile : la recherche d'un plan
73
L'élaboration de grilles de lecture Trouver l'informatinn u t i l e - l'niHp du vnrsihnïaïrp
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Chapitre V
ANALYSE DOCUMENTAIRE ET RECHERCHE DOCUMENTAIRE La recherche documentaire Place de l'analyse documentaire dans les banques de données Aspects techniques de la recherche documentaire informatisée La recherche documentaire en texte intégral La recherche d'informations sur Internet
95
Compatibilité des langages d'indexation Quel avenir pour les langages documentaires ?
218 219
96 101 107 111 118
Conclusion
223
Annexe I : Textes et articles
227
LE RÉSUMÉ DOCUMENTAIRE
121
Annexe 2 : Corrigés des exercices
267
O p f î1111UUU nïtirm L'CI
~ï 1I II Z
Usages et usagers Les différentes formes de résumés Les résumés documentaires Le rôle du résumé documentaire dans une banque de données Comment réaliser un résumé documentaire Derniers conseils Annexe pédagogique
122 124 127 128 128 137 141
Références bibliographiques
307
Chapitre VI
Chapitre VII
INDEXATION
149
Qu'est-ce qu'indexer ? usage et applications Rôle de l'indexation dans une banque de données Comment indexer? Comment évaluer l'indexation ? L'indexation en 10 conseils
: 41-; ij i 152 153 160 169
Chapitre VIII LES LANGAGES DOCUMENTAIRES
I 75
Un peu d'histoire Les autorités Les langages documentaires Les langages documentaires de type classificatoire Les langages documentaires de type combinatoire Les vrais langages à structure combinatoire : lexique et thésaurus
175 176 182 186 195 203
AVANT-PROPOS
À la fin des années soixante-dix, l'ADBS intégra à son programme de formation un stage sur l'« analyse documentaire » sans qu'il y ait eu alors une véritable étude de besoins. Manifestement, l'intuition était juste puisque ce stage perdure. Dès l'origine, cette formation a été conçue dans une perspective méthodologique, de façon à dépasser les modes et l'évolution des techniques. Tout en évoluant d'année en année, la structure du stage a été enrichie sans être fondamentalement modifiée. Une capitalisation pédagogique réalisée et déposée à l'ADBS en 1996 est à l'origine de cet ouvrage, conçu d'abord comme un guide à l'usage des formateurs. L'avis de plusieurs professionnels et l'assistance plus qu'efficace de Claudine Masse m'ont conduite à approfondir certains aspects et à introduire des éléments de réflexion qui sous-tendaient la formation, sans être tout à fait exprimés. J'ai beaucoup hésité avant d'entreprendre ce travail. L:n effet, comment parler d'analyse documentaire à l'heure d'Internet ' ? Quelle vision passéiste engagerait des auteurs, un éditeur, à publier un ouvrage que le plus grand nombre des lecteurs potentiels estimerait dépassé ? Serait-ce inconscience ? provocation ? ou naïveté si profonde qu'on le jugerait avec une indulgente condcscendanee... Quelques raisons, pourtant, jouent en faveur de l'existence du présent manuel. L'analyse documentaire reste une pratique courante et nécessaire par le fait que, même si leur nombre décroît, il existe encore des services de documentation n'ayant pas accès aux outils les plus modernes. En outre se posent fréquemment des questions de terminologie : en documentation, on utilise un certain nombre de concepts sans trop les définir, et les opérations qui en découlent en souffrent, par manque d'approfondissement : « Le développement de la science de l'information a longtemps reposé sur des concepts ambigus, polyvalents, à la transparence trompeuse. 2 » Si les chercheurs ont le souci du terme juste, qu'en est-il dans la vie professionnelle ? Quel dialogue peut
AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS
s'instaurer entre usager et documentaliste lorsque chacun attribue un sens différent au même vocable ? Y a-t-il, y compris dans l'enseignement et la formation, une prise en compte suffisante de la réalité d'un concept ? Quel(s) sens donner au mot « information » ? Qu'entend-on par « recherche » ? Que veut-on dire par « survol », « lecture en diagonale » ? Que fait l'étudiant quand on lui demande de rédiger une « fiche de lecture » ? La vie professionnelle n'est pas assujettie à la seule technologie. Si les services de documentation sont de mieux en mieux équipés, n'est-il pas nécessaire de maîtriser l'information en amont des machines, ainsi que le rappelait récemment l'Unesco : « Avant d'investir dans les moyens techniques, il importe de comprendre les flux et les besoins d'information [...] la technologie a rarement réponse atout. Une bonne gestion de l'information exige que le personnel comprenne ce qu'est l'information, comment elle peut être recueillie, traitée et employée à telle ou telle fin. [L'émergence des industries de l'information] a donné naissance à une nouvelle catégorie de professionnels de l'information, à savoir les chercheurs et les analystes de l'information. ' » Dans la pratique professionnelle, en admettant que l'analyse de textes en amont disparaisse, à court ou moyen terme, une analyse des questions, trop souvent éludée au bénéfice des outils permettant d'y répondre, demeurera néanmoins nécessaire. La numérisation n'est pas appliquée à toute la production imprimée. « Pendant quelques années encore et beaucoup plus suivant les domaines, les mondes du document numérique et du document papier vont coexister. Tout ce qui a été imprimé ne sera pas numérisé. Pour l'utilisateur, le support n'importe généralement pas. Ce qu'il désire, c'est un texte validé et disponible facilement [...] Les bibliothèques et centres de documentation doivent rester, à travers leurs sites web, des lieux de médiation de la connaissance et des sources d'information pertinentes. 4 » Pour assurer la médiation de la connaissance et rester performant dans un univers de plus en plus teclmiciste, il n'est pas inutile de reconsidérer les techniques classiques à la lumière des nouvelles
Ces techniques classiques ont elles-mêmes besoin d'être « dépoussiérées », car nombre d'idées fausses entourent l'analyse documentaire, à commencer par la représentation qui en est faite sous la forme du résumé. Ce manuel a donc l'ambition d'éclairer ce qu'est vraiment l'opération d'« analyse documentaire », toujours liée à sa finalité : la recherche documentaire. Qu'en est-il donc de cette recherche via les nouvelles technologies ? Si l'on compare les accès aux banques de données classiques et les pages d'accueil d'Internet, on ne peut que constater que ces dernières brillent et séduisent ; la navigation entre les écrans est rapide, simple, conviviale. Quelques décideurs pressés en déduisent donc que, puisqu'il suffit de cliquer, les banques de données, les services de documentation, et plus encore les documentalistes sont inutiles. Or, « Internet est le contraire d'une banque de données documentaire, dans la mesure où son objectif est de diffuser et d'échanger de l'information — et non de la chercher. Internet n'est pas une bibliothèque, c'est un kiosque à journaux amélioré ! ' » Source ininterrompue de renseignements de toute espèce, Internet souffre, aux yeux du chercheur, des deux obstacles principaux à la recherche documentaire : - le bruit, car la multiplicité des réponses ne correspond pas toujours, ni précisément, à la question posée ; - le silence, dans la mesure où il est impossible de savoir si le document le plus pertinent est inaccessible ou s'il est inexistant. « Utiliser des moteurs de recherche et autres index thématiques satisfait parfois notre demande mais leurs réponses nous noient souvent sous un grand nombre de pages ou de sites web dont nous ne sommes généralement pas en mesure de connaître la validité. A une époque où le temps semble si précieux, ne serait-il pas préférable de privilégier la logique qualitative à la logique quantitative ? " » Que l'on ne se méprenne cependant pas : notre propos n'est pas de sous-estimer Internet, moyen sans égal de communication mondiale. Ce manuel n'a pas d'autre ambition que clarifier la place, l'intérêt et les limites des opérations documentaires, spécifiquement l'analyse, en tant
AVANT-PROPOS
AVANT-PROPOS
que point de départ de la recherche documentaire. L'un de ses objectifs est de rappeler à quel point la qualité du traitement documentaire est la première valeur ajoutée que Von attend des documentalistes.
ne prétendent pas répondre à toutes les questions dans la mesure où l'analyse documentaire n'est pas une science exacte, mais ils sauront orienter le lecteur dans sa démarche d'apprentissage. Dans un souci de cohérence, certains développements, comme ceux concernant les sciences cognitives, n'ont pas été effectués. Quant à l'analyse des images fixes ou animées, voilà un sujet propre à l'élaboration d'un autre manuel...
Les études actuelles sur la recherche documentaire, le plus souvent orientée vers les sources électroniques, portent aussi sur le traitement de ces sources — et ne sont pas menées sous le seul angle technique. Les travaux de l'International Society for Knowledge Organization ' en témoignent de façon exceptionnelle, car ils cherchent à allier les deux approches : « Very central in this réorientation in information science are both a newfocus on meaning and a newfocus on thé social environment ofboîh users and Systems. " » D'autres articles récents prouvent, s'il en était besoin, l'importance de la réflexion face aux changements qui modifient considérablement nos modes de fonctionnement ', La deuxième conférence du chapitre français de l'ISKO '" a pour thème « L'indexation et les métadonnées à l'ère d'Internet ». Le texte d'appel aux communications assure que « l'indexation reste un des domaines les plus actifs en recherche d'informations. Avec l'introduction d'Internet, ce champ est appelé à se renouveler. L'abondance de documents disponibles conduit à la fois à l'impossibilité d'une indexation autre qu'automatique et à la nécessité d'un outil puissant de sélection de l'information ». En attendant que la recherche, dont on ne peut que souhaiter le développement, aboutisse à des résultats applicables, réfléchir à des pratiques abolies pour certains, mais utiles à d'autres pour quelques années encore, semble s'imposer comme une nécessité. Ce manuel se présente comme un outil pédagogique propre à initier, former des étudiants ou des débutants dans la fonction, en leur apportant un certain nombre de connaissances et une méthodologie. En cherchant à approfondir la pratique professionnelle, il propose quelques pistes de réflexion pour les enseignants, les formateurs, ainsi que les responsables de services de documentation et d'information. L'aspect pédagogique étant privilégié, on trouvera ici une alternance d'apports théoriques et d'exercices pratiques. Les propositions de correction et les commentaires sur les exercices, placés en fin de volume.
11 me reste à remercier tant de personnes que je ne citerai que quelques noms, de peur d'en oublier beaucoup ; mais que tous ceux qui sont absents ici sachent qu'ils sont présents dans mon esprit — et souvent dans mon cœur : tous les professionnels de la documentation que j'ai croisés et dont les remarques, réflexions, questions ont enrichi quotidiennement ma pratique et mes propres questionnements ; tous ceux, particulièrement, qui se posaient et se posent encore de vraies questions pédagogiques : ils se reconnaîtront à ce terme. Ensuite, ma reconnaissance va vers les innombrables étudiants et stagiaires qui, depuis plus de vingt-cinq ans, en France, en Europe, en Afrique, ont travaillé avec moi sur l'analyse documentaire ; qu'ils sachent qu'ils m'ont donné plus qu'ils n'ont reçu. Je tiens aussi à remercier spécialement Claire Guinchat, sans l'aide amicale et efficace de laquelle ce manuel n'aurait pas pu voir le jour, Daniélc Degcz, qui a inspiré tout ce qu'il y a de bon dans le chapitre sur les langages documentaires, et Jean-Claude pour son infinie patience. Ht bien sur Claudine Masse, associée à la conception et à la rédaction de cet ouvrage, dont la compétence, la disponibilité et la précieuse amitié m'ont accompagnée et soutenue sans relâche tout au long d'un parcours qui ne fut pas sans défaillance. Et pour que ma reconnaissance soit complète, je tiens à dédier ce travail à la lumineuse mémoire d'Aline Puget et de Jacqueline Viaux.
S. W.
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
NOTES 1 Le Dictionnaire encyclopédique de l'Information et de la Documentation [30], publié sous la direction de Serge Cacaly, chez Nathan, en 1997, ne propose aucune entrée au terme « analyse documentaire », alors que cet ouvrage présente à l'heure actuelle le meilleur état de la science et des techniques concernant ces domaines. 2. Source : [49]. 3. Source : [65], p. 298. 4. Source: [51], p. 6 et 7. 5. Source :[!!]. 6. Source: [5l], p. 6. 7.1SKO-FRANCE, 61 rue de la Corvée, 21000 DIJON. 8. Source: [42], p. 16. 9. Voir : [9], p. 75-82 ; [78], p. 83-86 ; [8], p. 139-143. 10. Lyon, 21 et 22 octobre 1999.
Les références bibliographiques se trouvent en fin d'ouvrage, pages 307-312.
« Dans notre service, nous ne faisons plus d'analyse car cela coûte trop cher, mais nous indexons tous nos documents. — Et vous indexez comment ? — Eh bien, c'est classique, nous avons un thésaurus [variantes : une liste de mots clés, un index, un langage documentaire...] et nous choisissons les mots caractéristiques du contenu... — Et comment se passe la recherche ? — Oh... Vous savez bien que cela ne va jamais tout seul ; mais c'est normal, tout le monde en est là... » Combien de fois avons-nous entendu ces propos, de la bouche même de professionnels résignés à l'insuffisance de leurs résultats ! Lorsqu'ils sont confrontés à des audits d'analyse de la valeur, les documentalistes découvrent le déséquilibre entre les fonctions techniques et les fonctions de production, c'est-à-dire entre le temps passé à fabriquer l'outil de production et ce qui en découle : des effets médiocres, des insatisfactions et, finalement, un certain fatalisme... Comment en eston arrivé là ? Ce manuel n'a pas pour vocation de conter l'histoire d'un certain désenchantement, lié à une routine qui menace tout le monde, et spécialement le monde de la documentation. C'est tellement sécurisant de continuer comme l'on a toujours fait : progressivement, traiter le document devient la finalité du travail et l'on oublie tout aussi graduellement à qui et à quoi ce travail était destiné. L'un des objectifs que nous nous sommes fixés est de rétablir quelques vérités : l'analyse documentaire, ce n'est pas faire des résumés. L'indexation, ce n'est pas chercher des mots dans un langage documentaire. L'analyse documentaire, c'est l'opération pivot de la qualité ou de la non-qualité de la recherche documentaire qui en est l'aboutissement. C'est l'opération par laquelle des auteurs vont pouvoir communiquer avec une multitude de lecteurs intéressés, par la transmission de leurs œuvres. C'est la façon de répondre à la question : qui
INTRODUCTION
CHAPITRE I L'ANALYSE DOCUMENTAIRE : DÉFINITION ET PRATIQUES
a pu écrire quoi pour qui ? Et ce quoi n'est pas n'importe quoi ! L'analyse documentaire consiste à extraire d'un texte tout son sens pour le transmettre à qui en a besoin. Nous proposons donc une méthodologie visant à réussir cette transmission ' en définissant d'abord de quoi l'on parle. Qu'est-ce qu'analyser ? Et qu'est-ce qu'analyser dans un contexte documentaire ? Quels sont les éléments qui influent sur cette opération ? Une attention particulière sera portée à la connaissance des textes (« Les spécialistes des sciences de l'information n'ont pas porté beaucoup d'attention au processus de compréhension et de rédaction de textes 2 »), à leur approche : comment lit-on ? Pourquoi lit-on ? Comment trouver le sens du texte et les informations que l'on juge utiles? Peut-on parler d'une lecture documentaire propre à l'usage qui en sera fait ? Comment cette lecture peut-elle aider l'écriture ? Comment, après avoir repéré le sens à transmettre, le formuler soit en résumant, soit en indexant ? Nous prenons parti pour une réhabilitation du résumé, non pas un résumé long et difficile à écrire, mais un résumé tout simple dont le but est d'aider la sélection au moment de la recherche. L'existence d'un résumé simplifie la formulation de l'indexation, en général surinvestie. Notre souci premier est de situer l'analyse dans la complexité des opérations documentaires, tout en simplifiant son approche ; nous souhaitons ainsi en faciliter l'exercice.
NOTES 1. Cette méthodologie n'a rien d'original ; elle est élaborée à partir d'apporis multiples, lectures, échanges, expériences, retours d'expériences. Certains y reconnaîtront leurs idées. C'est pourquoi ce manuel est plein de références de toutes sortes et, sans aucun doute, il en manquera un grand nombre. Ainsi pourrait-on parler d'ingratitude (cf. Alain Ficnkiclkraut) alors qu'il n'y a là que le témoignage vivant de tout ce que l'on doit à ceux qui ont précédé nos efforts et les ont nourris. 2. Source : [64], p. 56.
L'une des bases de la méthodologie appliquée à l'analyse documentaire consiste à veiller attentivement et méticuleusemcnt au vocabulaire des textes étudiés. Il est donc juste de commencer par préciser la terminologie qui sera utilisée dans ce manuel.
Qu'est-ce qu'analyser ? Pourquoi avoir nommé une opération documentaire « analyse » ? Et que signifie ce mot dans le langage tel qu'il est fixé par les dictionnaires les plus utilisés ? Le Robert ' (entre autres) part du grec analuxis et en exploite les deux sens : décomposition et résolution. Dans le sens de « décomposition », il nous propose six acceptions : «- didact. : opération intellectuelle consistant à décomposer une œuvre, un texte en ses éléments essentiels, afin d'en saisir les rapports et de donner un schéma à l'ensemble (V abrégé, sommaire) ; «- gram. : division d'une proposition en mots, ou d'une phrase en propositions dont on détermine la nature et la fonction ; « - chim. ; action de décomposer un mélange dont on sépare les constituants, ou une combinaison dont on recherche ou dose les éléments, déterminant la nature, les proportions des constituants ; « - phys. : analyse spectrale : décomposition de la lumière blanche par réfraction ou diffraction ; « - élèv. : décomposition d'une image à transmettre en éléments séparés ; « - économ. : décomposition et reclassement des tâches du travail : analyse des tâches, du travail... » Quel que soit le domaine d'étude auquel ce terme s'appliqua, il existe une similitude dans l'action : division, séparation d'un corps, d'un ensemble, d'une phrase, d'un texte, d'un raisonnement en autant d'été-
QU'EST-CE QUE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE ? DÉFINITION ET PRATIQUES
opération...
ments qui le constituent, ces éléments faisant l'objet d'étude, de mesure, d'identification. Dans le sens de « résolution », deux définitions nous sont proposées : « - math. : méthode de démonstration consistant à déduire de la proposition à démontrer d'autres propositions jusqu'à ce qu'on parvienne à une proposition reconnue comme vraie ; « - log. : opération intellectuelle consistant à remonter d'une proposition à d'autres propositions reconnues pour vraies d'où l'on peut ensuite la déduire. Méthode de raisonnement analytique, de la conséquence au principe. L'analyse est une régression. [...} « Un raisonnement régressif vu des conséquences aux principes. « Une résolution est une opération intellectuelle consistant à décomposer un tout en parties^ou une proposition en propositions plus simples. » Toutes ces définitions aident à préciser le sens, à construire une i/nage de l'analyse documentaire. Celle-ci est une opération professionnelle technique, certes, mais c'est d'abord une démarche intellectuelle.
Qu'est-ce que l'analyse documentaire ? Selon l'AFNOR, « l'analyse documentaire est l'opération qui consiste à présenter sous une forme concise et précise des données caractérisant l'information contenue dans un document ou un ensemble de documents 2 ». Si l'on applique à cette phrase une méthode d'analyse, on peut la reformuler de différentes façons, d'abord en élargissant, grâce au dictionnaire, le sens des mots ou propositions (voir ci-contre). On pourrait multiplier ce genre d'exercices afin d'élargir encore l'image de l'analyse documentaire qui se dégage de ces développements sémantiques. Chaque analyste a ainsi la possibilité d'élaborer, dans son propre vocabulaire, la définition qui correspond le mieux à l'environnement dans lequel il travaille, aux produits qu'il doit fournir, et à la politique documentaire à laquelle il participe.
.. (qui consiste) à présenter...
acte ou série d'actes (matériels ou intellectuels) supposant réflexion et combinaison de moyens en vue d'obtenir un résultat déterminé [tel que] - mettre sous les yeux (ou à la portée) de quelqu'un - faire connaître au public - remettre quelque chose à quelqu'un en vue d'un examen, d'une vérification, d'un jugement [de façon]
... (sous une forme) concise
- brève, courte, dense, sobre, succincte
et précise...
•-claire, définie, explicite, qui ne laisse place à aucune indécision dans l'esprit
... des données...
- ce qui est admis, connu ou reconnu et qui sert de base à un raisonnement, de point de départ pour une recherche
... caractérisant...
- définissant, déterminant, spécifiant
... l'information...
- un renseignement, un message
[extraits de] ... (contenue) dans un document - tout écrit qui sert de preuve ou de renseignement ou un ensemble de documents
Ensuite, en envisageant l'opération sous un angle propre à l'activité du documentaliste : opération...
... (qui consiste) à présenter... ... (sous une forme) concise et précise...
observation, identification, compréhension d'un texte, selon des normes, méthodes et pratiques, dans le but de rendre utilisables...
... les thèmes, sujets, personnalités ... des données caractérisant identifiés dans un texte... ' l'information... .. (contenue) dans un document ... et issus de monographies, articles, ou un ensemble de documents \, rapports, etc.
DÉFINITION ET PRATIQUES
ANALYSE ET POLITIQUE DOCUMENTAIRES
L'analyse dans le cadre des opérations documentaires
sont capables de remplacer intégralement l'analyse dite manuelle, en opposition à l'analyse dite automatique. Tous ces termes sont bien trompeurs : l'analyse automatique exige des programmes préalables des plus sophistiqués, tandis que l'analyse manuelle fait d'abord appel à la matière grise de l'analyste...
• Dans l'enseignement documentaire classique, l'analyse documentaire s'applique uniquement au traitement du contenu d'un texte ou d'une image et aboutit à un résumé, une indexation ou une synthèse. • Dans l'enseignement bibliothéconomique, ce terme n'existe pas ; c'est une phase du catalogage qui concerne aussi bien la cotation que le choix des vedettes-matières. Mais il s'agit bien encore du traitement d'un contenu, en identifiant un thème ou un sujet. • En archivistique, l'analyse est « l'étape essentielle de la description archivistique qui consiste à présenter, sous une forme organisée, concise et précise, les données d'ordre historique et diplomatique [au sens de science auxiliaire de l'histoire] contenues dans un document ou un ensemble de documents (de la pièce au fonds)' ». • Dans la pratique courante des banques de données, l'analyse documentaire couvre le traitement global du document, c'est-à-dire : • l'aspect formel, l'extérieur ou le contenant : ce qui est propre à la description bibliographique, au catalogage, éventuellement à la cotation ; • l'aspect fondamental ou le contenu : ce qui est propre aux opérations d'indexation, de condensation. Dans ce dernier cas, l'analyse documentaire assure : • le repérage de toutes les informations utiles à l'exploitation d'un document (aspect formel) ; • la condensation des informations (au sens documentaire, c'est-àdire conceptuel) contenues dans le document, c'est-à-dire le fait de trouver, repérer, extraire, mettre en lumière ce que l'auteur a rédigé, et sélectionner dans le texte ce qui est jugé important pour une utilisation ultérieure. • Dans les banques de données en texte intégral, l'analyse documentaire paraît absente ; en fait, elle est déléguée aux systèmes internes de recherche — le plus souvent basés, actuellement, sur les analyses statistique, morphologique, syntaxique et sémantique des textes (cf. p. 111-120). L'expérience est trop courte pour assurer que ces systèmes
Quelle qu'en soit cependant la pratique, le terme « analyse documentaire » est le plus souvent appliqué à la recherche des informations contenues dans un document, en distinguant bien analyse du contenu et analyse de contenu. L'analyse du contenu consiste à repérer l'information explicite, ce qu'a écrit l'auteur et ce que lit l'analyste. L'analyse de contenu travaille sur des messages et consiste à repérer l'information implicite, ce qu'on lit « entre les lignes ». C'est le domaine des psychosociologues, non celui des documentalistes.
Analyse et politique documentaires Quels que soient sa nature, son importance, son effectif, un service de documentation ne peut vivre (et survivre) sans une politique documentaire explicite, basée sur des objectifs régulièrement évalués et adaptés aux besoins de l'institution dans laquelle il est inséré. Les opérations documentaires évoluent parce que de nouvelles technologies y invitent les services les plus nantis. L'analyse documentaire est une opération traditionnellement appliquée à l'enrichissement d'une banque de données, à la mise en valeur d'un stock d'informations. Il semble que l'avenir soit davantage orienté vers les flux que vers les stocks. Mais de quels flux s'agit-il : quantitatifs ou qualitatifs ? Accepterat-on longtemps des réponses vagues pour la raison qu'elles Çonl rapides et nombreuses ? Envisage-t-on, ici comme ailleurs, un accès à l'information à deux vitesses : précis et rapide pour les spécialistes qui utili-
DÉFINITION ET PRATIQUES
sent entre eux un vocabulaire limité au cadre de leurs recherches, rapide sûrement mais infiniment large et aléatoire pour le grand public confronté aux banques de données de taille maintenant mondiale ? La meilleure évolution des sources d'information, de quelque nature qu'elles soient, ne tient-elle pas au fait qu'elles répondent aussi précisément que possible à la politique du lieu où elles sont élaborées et/ou utilisées ? Selon les lieux, l'analyse documentaire est plus ou moins mise en œuvre. Elle dépend d'un certain nombre d'éléments à prendre en compte et à mettre en interaction pour définir la politique documentaire à appliquer selon les cas. En effet, pourquoi analyser des documents ? Pourquoi analyser tel document ? Toute politique documentaire est basée sur l'équilibre entre le fonds du service et l'usage qui en est fait. Il serait même plus juste de préciser que c'est l'usage qui détermine la composition et la qualité du fonds. Les questions préalables à la détermination de la politique documentaire concernant l'analyse vont suivre un ordre à peu près logique (à ceci près qu'il est toujours nécessaire de pratiquer l'itération) : - Quel en est le but ? - Pour qui la fait-on ? - Pour quoi ? - Sur quoi ? - Avec quels moyens ?
FINALITÉ DE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE Cette question, souvent posée au début d'une session de formation à des participants déjà engagés dans la vie professionnelle, recueille des réponses assez diverses, mais le plus souvent orientées sur l'action ellemême : « décomposer les éléments d'un texte, restituer le sens général, les idées directrices, principales, essentielles, dégager les mots clés, rechercher, mettre en évidence, en valeur les principaux thèmes, les articulations logiques, trouver le sens d'un texte »...
ANALYSE ET roirriQUE DOCUMENTAIRES
Ces réponses sont proches de la définition officielle, centrée sur l'opération documentaire et non sur sa finalité. Or, on ne résume pas, on n'indexe pas pour le plaisir d'indexer ou de résumer L'analyste agit dans un but bien défini. En tant que lecteur professionnel, il veille à ce que ses produits soient intelligibles pour et utilisables par toute autre personne que lui-même (cf. chapitre m, p. 49-71). On a beaucoup parlé d'« explosion documentaire » : ce n'est pas un vain mot. Les chercheurs, les utilisateurs de toute nature n'ont pu faire face à fa surinformation envahissante, quel que fût leur champ d'études. L'opération d'« analyse documentaire » est née de cet état de fait, car les utilisateurs ne pouvaient raisonnablement pas prendre connaissance de tout ce que leurs activités les obligeaient à lire, voire seulement à survoler. Orientée vers la satisfaction des usagers, l'analyse documentaire est nécessaire dans plusieurs activités documentaires : - elle est préalable à la recherche par la voie de {'indexation et du résumé dans les banques de données ; - elle est à la base de .synthèses, ou documents rédigés sur un thème ou un sujet précis en s'appuyant sur plusieurs sources de natures diverses ; - enfin, c'est sur elle que repose la cotation d'un ouvrage si celui-ci fait l'objet d'un classement conceptuel.
DESTINATAIRES DE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE Le statut et la nature de l'institution pour laquelle travaillent les documentalistes exigent-ils l'opération d'analyse documentaire ? Quels sont les domaines d'études ? les champs d'application ? les pratiques de recherche des services et des utilisateurs ? Dans une entreprise, il est indispensable d'intégrer sa culture, son langage1, les besoins des utilisateurs et de leurs secteurs d'activités. « A snhject analysis imftlies an interprétation of thé potential of thé document in relation to thé knowledge intérêts ofa given information xystem, and this analysis is undertaken in a given historical, cultural, professional context. * » Un
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bureau d'étude ne peut pas se passer de l'analyse, alors qu'un service de vente n'en a aucun besoin. C'est donc à l'intérieur d'entreprises ou de services bien définis que l'on peut aller plus loin dans la connaissance des usagers.
La pratique de l'analyse documentaire sera donc différente selon qu'elle est destinée à une clientèle innombrable et potentielle ou à un petit groupe d'usagers connus dont on peut suivre avec attention les besoins et, surtout, l'évolution de ces derniers. Toutefois, il faut être conscient du fait qu'une banque de données interne est toujours susceptible de s'ouvrir à l'extérieur, ce qui détruit l'argumentaire des paragraphes précédents... Il s'agit, à nouveau, d'une décision politique à prendre en connaissance de cause, après étude approfondie des besoins directs (utilisateurs internes) et éventuels (domaine peu exploité, par exemple).
La classique analyse des besoins des utilisateurs paraît à présent un peu limitée. Pour suivre une terminologie très rigoureusement précisée6, il faut distinguer l'utilisateur de l'usager, du consommateur ou du client. Dans les services de documentation où la recherche est effectuée en interne, où le documentaliste côtoie quotidiennement ses utilisateurs (ou usagers), on effectue des analyses de besoins régulières en vue de fournir l'information pertinente. Ces études sont adaptées, révisées régulièrement pour que la politique documentaire soit toujours en adéquation avec la demande, tout en sachant que « les usagers inventent, détournent » 7 et que l'étude de besoins présente toujours un caractère aléatoire. L'utilisateur se sert d'un outil ; il profite des services de façon plutôt passive. L'intérêt d'une étude de besoins bien conduite est de « transformer l'utilisateur en usager »", c'est-à-dire faire de lui un véritable partenaire, capable de se passer des services du documentaliste au moment de la recherche, mais intéressé par le travail en amont afin que l'analyse effectuée soit de mieux en mieux ciblée. Si l'analyse est destinée à un « grand public » innombrable et dont les attentes précises sont difficiles, sinon impossibles à cerner, l'étude de besoins classique est inutile. Il n'y a plus, dans ce cas, d'utilisateurs ou d'usagers, mais des consommateurs et des clients. L'enjeu est économique autant qu'intellectuel, et l'étude de besoins doit se transformer en étude de marche. On peut, bien sûr, cerner des catégories par disciplines, niveaux de compétence, centres d'intérêt, mais les besoins restent de nature générale et l'usager réel demeure inconnu. On sait, par ailleurs, que tous les sondages doivent prendre en compte une marge d'erreur, à intégrer dans l'élaboration de la politique de vente. La politique d'analyse est donc encore plus aléatoire. C'est plutôt la cohérence interne du produit qui en assure alors la qualité.
PRODUITS Dt-: L'ANALYSE DOCUMENTAIRE
Les responsables de la politique documentaire ont à distinguer entre les produits à court ou à moyen terme. Selon les publics à satisfaire, l'analyse documentaire peut revêtir différentes formes : résumé, indexation ou synthèse. Par exemple, est-il opportun d'élaborer des résumés - activité exigeant du temps — pour des revues de presse dont le principal intérêt est de fournir 1res vite l'information jugée essentielle tel jour ou telle semaine, alors qu'on sait fort bien que ce produit connaît une durée de vie plus qu'éphémère ? L'analyse documentaire prend toute sa valeur sur le long terme. C'est pourquoi la méthodologie ici présentée privilégie le résumé et l'indexation destinés à une banque de données. C'est à partir de celles-ci que l'on peut éditer des bulletins bibliographiques, chronologiques, thématiques, etc., établir des diffusions sélectives et ciblées, élaborer rapidement des bibliographies ou des dossiers sur un sujet précis, et répondre aux questions posées, ce qui — ne l'oublions pas — est l'objectif prioritaire de tout service de documentation. La partie bibliographique des revues comporte généralement des résumés. La plupart du temps, ces résumés sont signés, ce qui indique une prise de position des analystes vis-à-vis du document dont ils rendent
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compte. Il s'agit alors de résumés critiques requérant une excellente connaissance du domaine et de son environnement bibliographique. Ce produit échappe, en général, au travail courant du documentalisteanalyste. Ces opérations de résumé et d'indexation seront détaillées au cours des prochains chapitres. Notons, cependant, que la rédaction de synthèses ne sera pas abordée dans la mesure où un excellent ouvrage est déjà paru sur ce sujet1.
LE FONDS DOCUMENTAIRE; Comment l'établir et l'alimenter ? Le fonds documentaire est établi en fonction des besoins de l'institution et de ses usagers, en ne négligeant aucune des questions suivantes : • Quelle est la nature des documents à analyser ? On ne traite pas de la même façon des collections répertoriées, stockées, à caractère plus ou moins unique (documents internes à une entreprise, par exemple), et des documents dont la valeur d'usage est immédiate, mais très vite obsolète (la presse, par exemple). • Quels sont les types de supports et leurs champs disciplinaires ? Des monographies (générales, spécialisées) ? des articles de journaux (revues « grand public » ou scientifiques et techniques) ? des brevets ? des cédéroms ? Le fonds est-il de nature encyclopédique ou très spécifique ? • Quel est le pourcentage de documents en langue étrangère ? Et combien de langues différentes ? • Quel est le volume d'alimentation du service ? Quel est le nombre de documents distincts à traiter par jour, par semaine, par mois ? C'est seulement après avoir clarifié le cadre dans lequel doivent s'inscrire le fonds et son alimentation que l'on passe à la politique de sélection.
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Comment le sélectionner ? Choisir est une activité délicate : garder un document signifie qu'on en rejette un ou plusieurs autres. Les documentalistes éprouvent des difficultés à sélectionner, c'est-à-dire à jeter. En expliciter les raisons peut aider à surmonter la crainte de mal faire. 11 y a peu encore, le documentaliste devait compter uniquement sur son fonds pour répondre aux questions des utilisateurs. L'interrogation des banques de données n'était pas une pratique si courante, pour des raisons budgétaires certainement, mais aussi par manque de formation et de pratique. De ce fait, tout document revêtait un intérêt, même minime, et cette part minime plaidait en sa faveur : on le gardait, on le traitait, on l'insérait dans la banque de données locale. Compter sur son seul fonds est également le signe d'un isolement, réel dans certains cas, fictif dans d'autres. Il existait et il existe encore une mauvaise complémentarité entre services, par méconnaissance parfois, par défiance surtout. Et c'est ainsi que l'on traite les mêmes documents, que l'on dépouille les mêmes revues dans deux blocs d'immeubles contigus, quand ce n'est pas dans la même tour... Les restrictions budgétaires d'une part, le travail en réseau d'autre part ont aidé les documentalistes à combler leur ignorance et à dépasser des réactions de repli sur soi, dommageables à plus d'un titre. Il y aurait une étude à mener sur le comportement de ceux qui « ne jettent rien parce que ça pourra toujours servir... » et, à l'intérieur de cette étude, sur un sous-ensemble concernant les documentalistes, si nombreux à manifester ces symptômes. Ces attitudes ne sont pas rationnelles, et le plus raisonnable des professionnels est d'accord sur le fait que, dans les piles de Journal officiel ou de Moniteur des travaux publics encombrant des couloirs, des caves ou des greniers, on ne pourra jamais entreprendre une recherche efficace. Ce ne sont pas seulement les couloirs qui sont encombrés, mais aussi la banque de données. La quantité rassure, même si elle est inutile. Il est vrai que les services de documentation vivent, depuis'plusieurs années, une mutation plus ou moins rapide entre le réel et le virtuel. Les réactions des documentalistes sont plus compréhensibles, dans la
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mesure où ils affirment que les usagers souhaitent encore obtenir le document primaire, plutôt que le texte sur l'écran. Il faudra, sans doute, encore quelque temps pour que l'accès à la documentation virtuelle soit accepté par tous. Mais pourquoi traiter tout ce que l'on garde ? Pourquoi ne pas identifier les autres sources de recherche présentant les documents de son fonds sans encombrer sa banque de données ? C'est une autre façon de jouer les complémentarités, qui ne sont plus alors géographiques mais thématiques. Et si l'on n'est pas véritablement satisfait des notices consultées, pourquoi ne pas les télédécharger et modifier, par exemple, le seul champ d'indexation pour le rendre conforme aux habitudes des usagers ? A terme, face à la multiplicité des sources d'information, chaque service ne devrait plus avoir à traiter que la littérature grise de son entreprise, en jouant ainsi un rôle irremplaçable de dépôt légal. Enfin, il existe un autre encombrement, de nature qualitative, qui pose le problème réel de la cohérence scientifique des banques de données. « La plupart des banques de données sont aujourd'hui comparables à d'immenses machines à enregistrer qui additionnent les documents en les empilant les uns sur les autres sans souci d'animation ou de coordination de ces documents entre eux [...] L'addition sans synthèse régulière des savoirs humains... ouvre ainsi sur le gaspillage du travail documentaire et du travail scientifique. I 0 » La question de la sélection, importante pour l'image même de la profession, sera traitée à plusieurs reprises dans ce manuel.
LES MOYENS DU SERVICE
Les moyens matériels Une minorité de services de documentation ne dispose pas encore d'outils informatiques. Mais ceux qui sont informatisés ont-ils eu le choix du logiciel, ou leur a-t-on imposé des SGBD standard ou un logiciel « maison » dont on sait que la maintenance est rarement assurée ? Peuvent-ils compter sur des outils informatiques souples et
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fiables, paramétrés selon les vrais désirs des documentalistes ? Sont-ils maîtres du budget global de leur service (et pas seulement de celui des acquisitions) ? Peut-on dire de ce budget qu'il est au moins correct ? Sont-ils assez autonomes pour gérer aussi régulièrement que possible leurs propres activités, en tenant compte, par exemple, du rythme des transactions (questions, recherches, diffusion, etc.) à assurer par jour, par semaine, par mois ? L'étude précise des moyens dont on dispose est en fait l'élément décisif d'une politique documentaire. Trop souvent, les documentalistes rêvent au lieu de compter ; ils sont ensuite déçus de ne pouvoir aller jusqu'au bout de leurs rêves et cela leur coûte très cher... Ce n'est pas abdiquer devant les gestionnaires que d'être réaliste face à la limite de ses moyens, en n'entreprenant que ce que l'on pourra mener à bien. Les moyens intellectuels Quel est l'effectif du personnel disponible? sa polyvalence? sa compétence ? 11 n'est pas inutile de s'interroger sur les qualités requises pour effectuer l'analyse documentaire. Très souvent, il est demandé à l'analyste une compétence dans le domaine ou dans la discipline propres à l'activité de l'entreprise. Cela est juste dans certains cas, tels qu'un laboratoire pharmaceutique, un service d'analyse économique, un centre de recherche nucléaire — dans tout lieu où la compréhension précise du contenu est indispensable pour sélectionner, valider et transmettre l'information. Il est préférable alors qu'un spécialiste du domaine se forme aux techniques de l'analyse. Mais si cette option n'est pas acceptée par l'entreprise, il reste au documentaliste à passer ses capacités au crible de trois questions : « Que sais-je sur le sujet ? », « Que sais-je sur les besoins de l'entreprise ? », « Que sais-je sur moi-même ? » • « Que sais-je sur le sujet ? » Si la réponse est « peu de choses », il est indispensable de trouver un recours dans l'entreprise,, ce qui ne signifie pas qu'on se sente dévalorisé. Le documentaliste est embauché pour traiter et diffuser l'information utile et non pour être aussi
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économiste ou biologiste, ou spécialiste de tout autre discipline qu'il eût fallu expliciter au moment de l'embauche (et de la détermination du montant du salaire...). Le documentaliste a le droit et le devoir de demander une aide à un spécialiste du domaine dans lequel il doit opérer, sans en posséder le savoir : « La compétence du destinataire n'est pas nécessairement celle de rémetteur." » Peu à peu, il acquerra les grands traits, la terminologie et la connaissance du milieu. « Un texte repose sur une compétence mais, de plus, il contribue à la produire. " » Le plus souvent, ce n'est pas la connaissance du domaine ou de la discipline qui est prioritaire pour l'analyste, mais celle de la littérature propre à ce domaine ou à cette discipline. Selon les cas, en deux, trois ou six mois, un documentaliste digne de ce nom (c'est-à-dire pourvu d'une intense curiosité intellectuelle) saura repérer les auteurs, les collections, les revues, les éditeurs reconnus dans le domaine. 11 saura déjà sélectionner, puis valider avant de transmettre. De plus, sa position dans l'entreprise l'obligera à s'intéresser à toutes les périphéries du domaine principal ; il est rare qu'un documentaliste n'ait pas à élargir le cadre de ses compétences ; c'est du reste l'un des aspects les plus fascinants de la fonction. « C'est un des rôles de la culture générale que de préparer des généralistes, c'est-à-dire des spécialistes de la traduction, de la transposition, de l'inter-relation, qui, plongés ou non dans une ou plusieurs spécialités, restent ouverts à toutes et capables de les articuler à l'objet commun. " » • « Que sais-je sur les besoins de l'entreprise (dans le cadre d'un service interne) ? » Si la réponse est « ce que tout le monde en sait dans le service », c'est sans doute insuffisant. Ce qui peut arriver de pire à un analyste, c'est de ne faire que des analyses ; c'est le meilleur moyen de s'enfermer dans un monde de plus en plus abstrait en perdant le contact avec les vrais besoins. Ceux-ci sont repérables chaque jour en écoutant les questions des utilisateurs. L'idéal pour un documentaliste-analyste, c'est l'alternance entre les périodes centrées sur les textes et les périodes ouvertes sur les questions. Les deux activités se nourrissent l'une l'autre et avivent leurs qualités respectives. L'information sélectionnée, validée à partir du texte, devient aussi utile face aux questions.
• « Que sais-je sur moi-même ? » Autrement dit : « Quelle est ma capacité de recul lorsque je lis un texte, à quelle place se situe ma subjectivité ? » II est illusoire de considérer l'objectivité comme acquise dans l'opération de traitement d'un texte, quel qu'il soit. Or il n'est pas question pour l'analyste de faire l'impasse sur ses opinions (comment le pourrait-il ?), mais au contraire d'en avoir une connaissance précise, de manière à ne pas être piégé par toute lecture « pour ou contre ». La situation la plus difficile est du reste d'avoir à sélectionner des articles dans une revue dont on partage les opinions : comment accepter qu'ils ne soient pas tous le reflet de la (de ma) vérité ? Le problème de la subjectivité n'est pas négligeable et on ne peut pas l'évacuer par une boutade. La vigilance est encore plus exigible lorsqu'on analyse la littérature en sciences humaines ou sociales, les sciences exactes étant (et encore,..) plus à l'abri des interprétations... Il est alors important de faire appel au jugement d'autrui, de confronter des opinions différentes. Lorsque l'obstacle paraît trop grand, lorsque discerner devient difficile, il est conseillé, dans la mesure du possible, de « laisser reposer » : il est fréquent que les lendemains matins apportent la clarté attendue, surtout si l'on a pu exposer ses difficultés au cours d'un échange professionnel (ou non) fructueux. Qu'ajouter, sinon qu'il ne s'agit pas ici de compétences techniques ou intellectuelles, mais d'introspection personnelle pour laquelle il existe d'autres manuels que celui-ci ? Toutefois, cet aspect du travail sera à nouveau évoqué, en particulier dans les exercices et leur corrigé.
Le terme « analyse documentaire » couvre uniquement les opérations intellectuelles (comprendre, formuler) préalables à l'action dont les produits les plus visibles sont le résumé et l'indexation. Pour en aborder la pratique, plusieurs phases préparatoires sont indispensables : - être très au clair sur la finalité et les conditions du travail, c'est-àdire avoir réfléchi et répondu aux questions concernant la, politique documentaire ( changement de langage est-il dû à des effets de modes passagers ou réf>ond-il à de nouvelles exigences des situations et des organisations du travail ? OParts : Éditions d'Organisation, 1997
CHAPITRE III LA LECTURE DOCUMENTAIRE : LIRE ET COMPRENDRE
Le repérage visuel a rendu l'objet familier et l'analyste est, plus ou moins consciemment, progressivement « entré » dans le document, en identifiant ainsi le contenu principal, ou domaine d'intérêt. De la visibilité, il passe à la lisibilité, puis à la lecture au sens de « faire du sens avec des signes ». Les signes étant repérés, les plus importants étant sélectionnés, il reste à « fabriquer » du sens, c'est-à-dire à entrer dans le processus de compréhension des textes en commençant par en identifier les principales caractéristiques.
Les textes ci leurs caractéristiques Si le repérage visuel a permis d'inscrire le texte dans son domaine, le lire s'impose désormais pour déterminer ce que l'on nomme soit « catégorie d'intérêt », soit « typologie des informations ». Il importe donc, maintenant, de se poser les questions suivantes ; • Pour qui le texte a-t-il été écrit ? Quels niveaux ou types de compétence requiert-il pour être exploité (quelquefois, l'existence et le contenu d'une bibliographie apportent des éléments de réponses) ? • Que peut-on en extraire ? description de faits uniquement ? ou également réflexions, commentaires sur ces faits ? expériences confirmées ou témoignages hâtifs ? démonstrations ? état de la question, etc. ? Selon les lieux documentaires, une typologie des informations permet de repérer rapidement l'intérêt, la valeur d'usage de tel ou tel texte. Ainsi, par exemple, une banque de données de presse proposet-elle interview, biographie, chronologie, enquête, etc. ' (cf. p. 102-105). Une lecture plus approfondie aide à caractériser le contenu sous différents aspects. Tout texte est écrit pour atteindre non seulement un public, mais aussi un but.
LIRE ET COMPRENDRE
Avant de chercher de quoi le texte traite, l'analyste peut repérer comment il se présente et quel objectif intellectuel s'est fixé l'auteur. Pour simplifier, on peut classer tes textes en deux grands types : des-
LES TEXTES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES
législatifs) font l'objet d'une réécriture explicative pour le public non juriste. Le meilleur exemple est celui des publications Liaisons sociales. Ces textes, d'origine normative, deviennent alors des textes didactiques.
criptif et problématique. LES TEXTES PROBLÉMATIQUES LES TEXTES DESCRIPTIFS
Ils présentent les éléments d'un événement dans un temps et dans un espace ; ils décrivent une situation statique ou évolutive. On distingue quatre types différents. Texte narratif 11 décrit le déroulement, l'évolution, la transformation d'une action, souvent de façon imaginaire (roman, nouvelle, théâtre). Si ce texte n'est pas de nature scientifique et technique, il ne peut être l'objet d'une analyse documentaire. Texte explicatif II décrit, lui aussis une action ou une idée sous les mêmes aspects, mais il s'agit souvent d'événements réels (description d'une expérience, explication d'une notion ou d'une théorie, relation d'un voyage, d'une rencontre...) dont les éléments sont reliés plus ou moins logiquement. Texte didactique C'est un texte descriptif explicatif où l'auteur a pour objectif de faciliter la compréhension du contenu ; il y a volonté d'enseigner, de transmettre un savoir (manuels scolaires ou universitaires,..). Texte normatif II impose le contenu de ses informations comme règles : lois, consignes, normes, textes officiels, mais aussi notices techniques, Code de la route, recettes de cuisine... Certains textes normatifs (comme les textes
Ils décrivent une situation dans laquelle existent ou co-existent un ou plusieurs problèmes. Le mot « problème » doit être ici compris comme expose de la complexité d'une situation, d'une idée ou d'un raisonnement. Un texte problématique se compose toujours d'une partie descriptive, en général située au début. Texte problématique simple Dans un texte problématique simple, l'auteur du texte décrit la situation complexe, expose les idées différentes, apporte quelquefois des éléments de solution sans, cependant, prendre position ; il demeure toujours extérieur aux problèmes énoncés. Texte argument al if Dans un texte argumcntatif ou critique, l'auteur défend sa thèse, son opinion face au(x) problème(s) décrit(s) ; il prend explicitement parti. Texte polémique Un texte polémique est un texte argumentatif dans lequel l'auteur veut convaincre son lecteur par tous les moyens.
LES TEXTES THÉORIQUES
II convient de réserver un paragraphe complet aux textes purement théorique.1; où sont exposées des constructions intellectuelles permettant l'approfondissement des sciences, qu'elles soient exactes, sociales ou humaines. « Les théories visent à atteindre des connaissan-
LES TEXTES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES
LIRE ET COMPRENDRE
ces nouvelles. Une théorie en remplace une autre parce qu'elle rend mieux compte du passé, mais surtout parce qu'elle ouvre l'avenir. 2 ». Les textes théoriques sont descriptifs dans leur relation aux idées, mais ils ouvrent et délimitent un champ d'investigation porteur de dimensions problématiques. La distinction entre ces types de textes ne revêt pas seulement un aspect didactique ; elle sous-tend véritablement un mode de lecture et d'usage : - les textes descriptifs (et théoriques) sont construits logiquement ; leur plan est relativement facile à retrouver (cf. p. 76-79). Ils ne suscitent pas une lecture trop subjective. Ils servent principalement à l'apprentissage, à la confirmation, à la recherche de preuves ; - les textes problématiques confrontent des opinions diverses et peuvent ainsi troubler la subjectivité de l'analyste. Il est indispensable, alors, d'identifier les systèmes de valeur tant de l'auteur que du lecteur pour atteindre l'objcctivation nécessaire. Ce type de textes apporte des informations complémentaires, aide à poursuivre ou approfondir une réflexion, à infirmer ou confirmer des points de vue, à infléchir des décisions1. Repérer la typologie des informations contenues dans un texte et émettre des hypothèses sur les intentions de l'auteur facilite la compréhension et, par suite, favorise l'analyse. Les textes suivants sont proposés comme exercices et illustrations.
Exercice 6 - Reconnaître un type de texte Indiquez à quel type appartiennent chacun des quatre textes suivants (extraits de S. Neveu, D. Lemaître. — Vers la maîtrise du texte. — Hachette, e Éditions Hachette).
6.1 - Ce texte est-il de type : DESCRIPTIF
Q
PROBLÉMATIQUE
LJ
narratif
LJ
argumentatif
LJ
explicatif
LJ
polémique
LJ
didactique LJ normatif
Q
l^es jeux sont innombrables et de multiples espèces : jeux de. société, d'adresse, de hasard, de plein air, df patience, de. construction, etc. Malgré cette diversité presque infinie et avec une remarquable constance, le moi -jeu » appelle les mêmes idées d'aisance, de risque ou d'habileté. Surtout, il entraine immanquablement une atmosphère de délassement ou de divertissement, il repose et il amuse. Il évoque une activité sans contrainte, mais aussi snn.s conséquence pour la vie réelle. Il s'oppose au sérieux de celle-ci et se voit ainsi qualifié de frivole.. Il s'oppose d'autre part au travail comme le temps perdu au temps plein employé. En effet, le jeu ne produit rien : ni biens ni œumes. Il est essentiellement stérile. À chaque nouvelle partie, et joueraient-iLs toute, leur vie, If s joueurs se retrouvent à zéro et dans les mêmes conditions qu'au premier début. Issjeux d'argent, paris ou loteries, ne font pas exception : iis ne créent pas de richesses, ils les déplacent seulement. Cette gratuité fondamentale du jeu est Inen le, caractère qui le. discrédite le plus. C'est elle aussi qui permet, qu'on s'y livre avec insmtdancf et qui le maintient isolé des activités fécondes. Chacun, dès l'abord, se persuade de cette manière que le jeu n'est rien que fantaisie agréable et distraction vaine, quels que soient le soin qu'on y apporte, les facultés qu'il mobilise., ta rigueur qu'on exige.. On le sent bien dans la phrase suivante de. Chateaubriand : - La géométrie spéculative a ses jeux, ses inutilités, commet les autres sciences. » (Extrait de Roger CAILLOIS. -Gallimard, 1967.)
les Jeux et les Hommes. © Édition; Gallimard
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6.2 (Deux extraits du Journal officiel. Annales de la Chambre des députés, 1908 : extraits des discours de 1) Maurice Barrés; 2) Aristide Briand). Ces textes sont-ils de type : DESCRIPTIF
Q
PROBLÉMATIQUE
Cl
narratif
Q
argumentatif
Q
explicatif
Cl
polémique
Q
didactique Q normatif
'•
Cl
1 - Si nous supprimons la peine de. mort, si nous faisons cette expérience de désarmement, au risque de qui serait-elk faite ? Il faut bien le constater : ce sont les pauvres que nous découlerons, ce sont eux qui pâtiront d'abord. Qjioi qu'on fasse, il est bien certain que la police protégera toujours mieux les riches que Ifs pauvres /.../ Cette suppression de la peine de mort sera-t-elle, un ennoblissement de notre civilisation ? Si quelques-uns sont disposés à U croire, c'est qu'ils désirent mettre, de plus en plus, notre soâété d'accord avec les données que nous fournit Ifi science. Nous écoutons les médecins qui nous disent en regardant le.s assassins : « Ils sont nécessité. Celui-ci tient son crime de. son atavisme, cet autre If tient du milieu
dans lequel il a été plongé >• [... / Pour ma part, je demande que l'on continue à nous dél>arrasser de ces dégradés, de ces dégénérés dans les conditions légales d'aujourd'hui, en tenant compte des indications qui nous sont fournies par les hommes de science compétents, quand ils nous disent que celui-ci relève des asiles plutôt que de la punition. Je crois qu'il y a lieu de recourir à la punition exemplaire. C'est par amour de la santé sociale, que je rote le maintien et l'nftfiliration de la peine, capitale. En tout cas, qu'il me snit permis de vous dire en terminant, que cette mesure que vous croyez une mesure de générosité, c'est une générosité que nous ferons aux dépens des autres. 2 - Recherchons si la peine de mort présente les qualités que doit avoir un châtiment dans une société civilisée. Elle dei'iait être tout à hijots moralisatrice et intimidante.
Moralisatrice ? H n 'est personne parmi les partisans de la peine de mort qui ait osé soutenir que la peine de mort soit moralisatrice. Elle l'est si peu, que ceux qui en demandent le maintien sont d'accord pour qu 'elle soit appliquée dans l'obscurité. De même que le meurtre privé se cache par crainte, vous demandez que le meurtre social se cache par honte f . . . ] La peine de mort est-elle du moins exemplaire ? On vous a rappelé comlnen de criminels, au moment de l'exécution, ont avoué avoir assisté antérieurement à de tels spectacles. Je suis arrivé au point If plus intéressant du problème : la peine de, mort exercerait-elle une intimidation sur les malfaiteurs ? Si la peine de mort a une puissance d'intimidation, sa suppression doit amener immédiatement une recrudescence des crimes ; si cette, recrudescence ne. se manifeste pas, c'est que l'abolition demeure sans effet. Or, c'est la conclusion à laquelle, on aboutit quand on considère les différents pays où la peine de mort a été supprimée, et quand on ne prend pas les chiffres d'une année pour les opposer arlntrairement à ceux d'une autre année, quand on prend des périodes suffisamment longues, des périodes de dix ans, par exemple [...]. O Journal officiel
6.3 - Ce texte est-il de type : DESCRIPTIF
G
PROBLÉMATIQUE
Q
narratif
CJ
argumentatif
Q
explicatif
CJ
polémique
Cl
didactique CJ normatif
CJ
L'automobile est un excellent et agréable, engin de transport rapide d'un point a un autre, mais un détestable moyen d'investigation. Jamais on n'a tant voyagé, et jamais aussi fe.s gens n 'ont moins profité de leurs voyages. Ces malheureux, qui avalent pêle-mêle des kilomètres et des sauces sophistiquées dans des auberges d'opéra-comique, traversent la moitié de la Erancf, six provinces, trente villes, quatre cents villages, vingt siècles d'histoire, de coutume, de vieux1 terroir, de finesse paysanne, sans en retirer d'autres souvenirs que ceux d'un embarras gastrique et de trois fmeux crevés.
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LES TEXTES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES
C'est presque une banalité de répéter que la seule manière adéquate de visiter certaines régions, c'est de les parcourir à pied. D'abord parce que la marche en elle-même aiguise à la fois l'appétit et l'intellect autrement que les coussins d'une automobile, et plact naturellement le. voyageur dans un état de réceptivité qui multiplie l'intérêt de. tout ce qu'il rencontre. Ensuite, parce que ce moyen-là est lent, il exige un effort personnel, permet d'entrer en contact avec, les choses et les gens d'une manière progressive et. intime. Et ceciest encore plus agréable qu'ailleurs en montagne, où l'extrême diversité des aspects, l'abondance des détails pittoresques ou humains sont dignes d'attirer à chaque instant l'attention de l'observateur. À pied, un arbre est un arbre, avec sa peau rugueuse, une fourmillière peut-être entre deux racines et un écureuil charbonnier dans les branches. En voiture, c'est une ombre parmi des centaines d'ombres toutes pareilles, quelque chose qui ne mérite même pas un regard. A pied, tout prend un sens, tout chante son petit couplet. Chaque brin d'herbe a son criquet ; une montée monte. Une source, c'est une aubaine délicieuse. Un faucheur dans un pré, c'est un homme et non un vague accessoire à peine entrevu, fs. monde se subdivise à l'infini, révêle à chaque seconde des visages dont on ne soupçonnait même pas l'existence, éveille l'intérêt par cent détails inattendus. Mais la vitesse unifie tout... (Extrait de Samivel. — l'Amateur d'abîmes. — Stock, 1981). © Éditions Stock
6.4 - Appliquez la même grille au texte « Les effets violents de la télévision » (p. 227). Commentaires en page 269.
CARACTÈRES GÉNÉRAL ET SPÉCIFIQUE Une dernière phase d'analyse d'un texte en distingue le caractère général, spécifique et temporel. Texte de type générai Un tel écrit traite d'un sujet dans sa globalité, hors du temps ou de l'espace. La situation décrite est large, « relativement universelle », et peut être comprise sans qu'il soit besoin de connaître la personnalité de l'auteur ou les circonstances qui l'ont conduit à écrire. Il s'agit le plus souvent d'un texte de type descriptif n'exigeant pas de l'analyste une connaissance préalable du sujet. Par exemple, dans les Jeux et les Hommes, Roger Caillois traite du jeu sous toutes ses formes et tous ses aspects ; le jeu est ici thème d'étude exclusif. Texte de type spécifique 11 traite d'un sujet dans des circonstances qui exigent de le situer dans un contexte historique, économique, culturel, etc. pour en comprendre toute la portée. L'analyste doit tenir compte de la personnalité de l'auteur et des références éventuelles à la situation particulière décrite. Par exemple, dans un grand nombre de ses ouvrages sur le développement psychologique des enfants, Jean Piaget traite du jeu comme aide à ce développement ; dans cet esprit, il expose quels jeux sont favorables à quels âges et pour quels développements. Notons que le contenu du texte peut traiter du passé, du présent, se projeter dans le futur ou couvrir l'un, l'autre ou les trois ensemble. L'étude du document (contenant ou signifiant) et du texte (contenu ou signifié) permet à l'analyste d'identifier l'environnement culturel de ce qu'il doit traiter. Avant de résumer et/ou d'indexer, l'analyste peut s'interroger sur : - la place propre de l'auteur dans la façon de transmettre l'information (ou contenu) ; - la place propre du lecteur dans la façon de recevoir, comprendre et réduire l'informât ion.
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Les textes et leur contenu Après avoir identifié la forme du document et l'intention de son auteur, l'analyste doit s'attacher à la compréhension du texte et au public auquel il est destiné.
LA COMPRÉHENSION DU CONTENU
La question a déjà été posée (cf. p. 27-28) : que sait-on sur le sujet '? L'aide d'un spécialiste, nécessaire au début, doit permettre d'élargir la question à : «Que pouvons-nous connaître» quand nous lisons 4 ? Quand il décrit la posture du « lecteur modèle », Umberto Eco parle des « mouvement coopératifs actifs et conscients de la part du lecteur », coopératifs car « un texte est un mécanisme paresseux qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le destinataire [...] un texte veut que quelqu'un l'aide à fonctionner [...] un texte est émis pour quelqu'un capable de l'actualiser' ». Dans sa première lecture, dans sa rencontre avec le texte, l'analyste met en activité non seulement la structure de ses connaissances acquises, mais aussi tout un processus psychologique de perception, de mémorisation, d'inférence h . Perception Le repérage visuel, première appréhension d'un texte, induit la perception d'une forme, mais aussi de signes, et l'analyste, comme tout bon lecteur professionnel, reconnaît dans un même temps les « signes connus dans les signes vus 7 ». Cette reconnaissance s'appuie sur une sorte de banque de données personnelle, ce qu'Eco appelle « sa propre encyclopédie », variable selon les cultures et les expériences. Mémoires Cette banque de données mentale, comme toutes les autres, est activée au moment où l'on en a besoin, en faisant appel à la mémoire. . Mais s'agit-il véritablement de mémoire ? Ne s'agit-il pas de remémo-
ration ? En effet, le rôle du documentaliste n'est pas d'accumuler des connaissances pour lui-même, mais de les reconnaître, de les sélectionner et de les mettre en forme pour autrui. La mémoire du lecteur spécialiste (chercheur, ingénieur, etc.) sélectionne les savoirs dans un certain domaine de recherche ou d'intérêt, les compare aux acquis, les assimile ou les rejette. C'est une capitalisation en vue d'un projet personnel qui fait appel à une mémoire longue (ou à long terme) et approfondie. Celle-ci constitue un stock de connaissances de longue durée, alimenté et renforcé régulièrement. La mémoire du documentaliste est d'une autre nature. La sélection des savoirs s'effectue en vue d'ajouter de nouvelles références à un ensemble documentaire organisé. C'est une mémoire de travail, courte mais étendue, enfouie après chaque traitement, mais réactivée par chaque nouveau texte. Avec l'expérience, la mémoire du documentaliste devient souvent une mémoire longue. Inférence
La perception et l'activation de la mémoire entraînent l'inférence, les relations entre savoirs, la mise en route d'une connaissance documentaire de plus en plus organisée, consciente, construite, à l'opposé d'une « culture mosaïque : morcellement des connaissances qui, privées de leur cadre, ne permet pas de caler les éléments de la mosaïque entre eux, de reconstruire celle-ci, c'est-à-dire d'établir des relations entre les choses sues* ».
La compréhension des textes repose donc sur un processus intellectuel complexe, éclairé par les sciences cognitives. Isabelle Monday explique bien comment les schémas intellectuels que chacun se fabrique « font office de structure de la mémoire humaine. Ils permettent aux individus d'encoder sous une forme ou une autre la* réalité les entourant et, par le fait même, d'emmagasiner l'information perçue.
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Aussi la somme de connaissances de chaque individu résulte-t-elle de cet encodage [...] continuellement stimulé par son environnement, l'individu incorpore à ses schémas personnels l'information perçue dans son milieu ' ». Le champ de la compréhension est donc plus large que le savoir brut. Au fur et à mesure que l'expérience professionnelle s'intensifie et s'approfondit, l'analyste augmente sa capacité de perception, de mémorisation et d'infércnce. Il devient, de ce fait, plus à même d'anticiper, de pondérer, de relativiser l'importance de tel ou tel texte, de repérer les vraies innovations, de sélectionner l'information utile.
L'USAGE DU CONTENU Ce paragraphe pourrait tout aussi bien s'intituler « Essai de définition de l'information documentaire »... ... « Apprendre à lire, c'est apprendre à comparer, extrapoler, anticiper, induire, déduire, argumenter [...] il s'agit bien, lorsque je lis un texte, de savoir ce que j'en lis. I0 » « Ce que j'en lis » ou « Ce que je vais tirer de cette lecture en vue de son usage », ce qui — dans le texte — peut être considéré comme information, et comme information documentaire. Le mot « information » fait partie du langage courant et le grand public assimile le plus souvent « les informations » aux journaux télévisés. Mais on parle aussi des « industries de l'information », de la « société de l'information», du «coût de l'information» sans oublier la « désinformation », la « surinformation » ou la « sous-information »... Ce concept a été et sera étudié et approfondi dans des cadres plus élaborés que celui de ce manuel. On peut ici, toutefois, tenter de définir ce que pourrait précisément être l'information documentaire dans le contexte d'une définition de l'analyse documentaire, et en quoi cette information documentaire différerait d'autres types d'informations".
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L'histoire d'un terme en éclaire la teneur : né du latin, l'ancien français enformer signifie à la fois « donner une forme à » et « instruire de ». Entre le xn e et le xvr siècle, le mot véhicule les deux sens : « façonner, donner une forme » et, au figuré, « représenter idéalement, former dans l'esprit, se faire une idée de ». Si, au fil du temps, le premier sens a été oublié, le second trouve son essor d'abord dans le vocabulaire juridique : l'information est « enquête judiciaire ». « renseignement obtenu de quelqu'un ». De cette dernière définition, on arrive à « renseignement obtenu sur quelqu'un », « action de prendre des renseignements... que l'on porte à la connaissance du public ». d'où l'introduction du terme dans le monde de la presse. Puis, en anglais, information donne naissance à « élément ou système pouvant être transmis par un signal ou une combinaison de signaux », définition composante de la théorie de l'information puis de l'informatique et, par là, résurgence de la « forme » '•. Le terme est employé dans de nombreux champs disciplinaires (systémique, cybernétique, écologie, biologie, génétique...) et porte, chaque fois, l'ambiguïté native de la forme et de l'idée. Peut-on les dissocier ? Les chercheurs de la Gestaltlheorie rappellent que tout signe perceptif est subordonné à une structure, une forme. La linguistique a formalisé le signifiant (forme) et le signifié (idée). Par exemple, le mot « chaîne » évoque de multiples représentations (collier, bracelet, mais aussi forçat, arpentage ou amarrage...), alors que son seul et unique signifiant est formé d'une « chaîne » de caractères ! Si l'on tenle d'identifier la spécificité de l'information documentaire. c'est certainement en insistant sur l'aspect du sens, de l'idée, en tant que signification, élément de connaissance. Pour l'information documentaire, le signifié est plus important que le signifiant (à la différence de l'informatique), l'énoncé est porteur de sens et non seulement de codes (à la différence de la cybernétique). L'élément de connaissance n'est pas détérioré par le temps (à la différence du journalisme) et n'a pas pour principal objectif d'apporter
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une preuve (à la différence du droit). Enfin, l'information documentaire, en devenant virtuelle, prend une forme numérique ou optique et se dissocie de la contingence du document classique (à la différence des bibliothèques et des archives, lieux de conservation et de traitement des objets formels). Les énoncés porteurs de sens sont-ils tous de l'ordre de l'information documentaire ? et de quel sens s'agit-il ? Rien n'est mieux partagé que le sens commun, ou le bon sens, né d'une information perçue à partir d'une réalité immédiate et sensible, subjectivement jugée. Ainsi l'opinion publique, renforcée par des médias aux investigations limitées, verse des larmes sur la destruction des forêts d'Amazonie, « poumons de la terre », et prédit l'asphyxie lente mais sûre de notre pauvre planète. Or, en l'état des connaissances actuelles, « des forêts comme l'Amazonie ou la forêt tropicale africaine, en réalité, ne produisent pas d'oxygène [à l'ensemble de la planète], mais se contentent de le recycler, en même temps que le carbone. Prétendre qu'elles fournissent de l'oxygène consiste à confondre la forêt avec son feuillage en ignorant son sol réducteur"». Cet exemple illustre la différence entre une pseudo-information commune véhiculée sans vérification, et la véritable connaissance justifiée par des scientifiques qui y engagent leur responsabilité. La connaissance sensible manque, en effet, d'esprit critique et de vérification. Marie-France Blanquet inclut, dans ce type de connaissance, les informations publicitaires et journalistiques ainsi que les pseudo-sciences, en les opposant aux informations relevant de la connaissance scientifique, qui s'applique à « réduire le sensible à l'intelligible M ». En développant avec clarté les trois genres de connaissance sensible, scientifique et philosophique (tels que les a distingués Spinoza) —, Blanquet souligne la « matière première fort complexe » sur laquelle les documentalistes ont à travailler. Mais elle distingue bien la connaissance implicite -— « non énoncée [...] née de l'affectivité, de la croyance, de l'expérience ou de l'intuition » -- des « connaissances explicitées et inscrites », rcconnaissables par « la
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forme, la nature, le volume » 15 . Elle fait la différence avec la connaissance explicite qui s'applique à l'information scientifique et technique vérifiée mais qui n'est pas toujours enregistrée, « inscrite », formelle, comme l'est la science de la documentation. Peut-on mesurer l'information documentaire en fonction de son impact ou de sa valeur ? Dans une excellente étude, Michel J. Menou propose un intéressant modèle conceptuel de mesure et d'évaluation de l'usage de l'information. Mais c'est la façon dont il cherche à en élargir le concept qui nous intéresse ici. Il s'appuie sur les cinq degrés de la pyramide de Maslow "' concernant les besoins essentiels de l'être humain, en mettant en regard les différents niveaux d'intérêt de l'information, de la simple reproduction à l'aide qu'elle apporte à chacun, puis aux possibilités de clarification et d'enrichissement qu'elle propose dans le cadre social ou individuel, enfin à la possibilité pour toute personne d'écrire, de produire de l'information et d'en tirer un sentiment de satisfaction et d'accomplissement. Pour lui, l'information est latente, repérable par ceux qui en ont vraiment besoin, et sa valeur documentaire est fonction de la façon dont on en tirera du sens : « A message recognized only at thé semantic and syntactics levels wil! hâve no, or limited, e/Jéct.IT » C'est bien le sens qui constitue le pivot de son intérêt, mais le sens utilisable et utilisé. La sélection des textes à traiter repose donc sur l'identification d'une information documentaire vérifiée, analysée, et mémorisée en vue de sa diffusion. Cette information ne peut être isolée, mais située dans un ensemble d'autres informations de même type, traitées de façon cohérente ; elle n'a d'intérêt que porteuse de sens en vue de répondre à des besoins déclarés. Comment, alors, à partir d'une « matière première complexe », chercher un sens repérable par chaque individu, en fonction de ses besoins propres ? Considérée ainsi, l'analyse documentaire revêt tous les caractères d'une gageure. Chaque analyste est encouragea soutenir ce défi, à l'aide de quelques méthodes et techniques, mais surtout grâce à ses propres qualités de réflexion.
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COMMENT LIRE ?
Comment lire ?
Cette pratique permet, en outre, à l'analyste de mesurer sa connaissance de la littérature d'un domaine, en repérant très vite que telle revue développe une politique éditoriale pertinente tandis que telle autre cultive une certaine fantaisie. On découvre alors que certaines revues d'apparence rébarbative sont beaucoup plus faciles à traiter, grâce à leur rigueur, que d'autres, au premier abord plus séduisantes.
Selon l'expression consacrée, l'analyste est invité à « survoler » le contenu d'un texte. Mais survoler ne signifie pas jeter un coup d'œil rapide et aléatoire. La lecture documentaire exige au contraire qu'on « lise » vraiment certains passages du texte choisis en connaissance de cause, puisque l'on en survole ensuite l'ensemble île façon consciente. Chaque support requiert un mode de lecture différent : on n'analyse pas de la même façon l'article d'une revue scientifique et une monographie. Toutefois, il existe certaines constantes qu'il est utile de rappeler, dont le but est la recherche des idées directrices.
.
Comment définir l'idée principale ou directrice ? Isabelle Monday pose cette question dès le début de son article déjà cité et elle y répond en insistant sur l'importance des processus cognitifs. Ceux-ci ont été succinctement exposés au paragraphe précédent. Il s'agit maintenant de propositions beaucoup plus concrètes, mais qui n'ont de valeur que liées aux réflexions précédentes.
LECTURE DOCUMENTAIRE D'UN ARTICLE La lecture documentaire d'un article (document le plus souvent analysé en documentation) exige, en premier lieu, d'observer le contenant (cf. p. 38-44). Cette pratique, qui peut sembler rébarbative au début, devient progressivement naturelle et entre dans la méthode d'analyse sans même qu'on en soit conscient, à la manière de Monsieur Jourdain qui s'émerveillait de parler en prose. Puis on feuillette l'ensemble du texte pour évaluer sa construction typographique, ce qui permet de déceler immédiatement la présence éventuelle d'un résumé d'auteur, de sous-titres ou intertitres, de mots soulignés, de toutes sortes d'accrochés qui attirent l'œil.
Le résumé d'auteur Le résumé d'auteur doit être lu s'il existe, mais il ne saurait remplacer le résumé documentaire (cf. p. 125). Il sert de point de départ en exposant le sujet de l'article, selon son auteur. L'analyste commence ainsi à construire une trame de contenu, d'autant plus qu'il est, normalement, capable de distinguer s'il s'agit d'un texte de type descriptif, problématique ou théorique. Le chapeau Dans la presse et, de plus en plus, dans les revues scientifiques, on peut trouver un chapeau présentant le contenu des articles jugés importants. Dans certaines revues, ce chapeau suffit à résumer l'article. Les intertitres Ayant ainsi pris connaissance du ou des sujets exposés par l'auteur, l'analyste en vérifie la conformité avec les intertitres. Ceux-ci peuvent servir de guide efficace ou, au contraire, mettre en vedette des éléments insignifiants mais accrocheurs (attention aux articles de presse !). Leur intérêt est donc aléatoire. Les mots en exergue Les mots soulignés ou en italique sont assimilables aux intertitres : ils peuvent indiquer le sujet principal d'un paragraphe, se révélant très utiles sur ce plan, mais ils peuvent également valoriser une opinion ou un aspect soulignés par l'auteur, et dans ce cas détourner l'analyste de la recherche de l'information principale.
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Les paragraphes de tête La présence de ces éléments ne dispense cependant pas de lire les trois premiers paragraphes, le dernier, et éventuellement l'avant-dernier paragraphe de l'article. Les paragraphes d'introduction doivent normalement présenter, dans l'ordre ou le désordre : - les idées directrices qui seront développées ainsi que les intentions, les objectifs de l'auteur ; - le contexte dans lequel ces idées sont présentées ; - quelques exemples pour les illustrer (surtout dans la presse). Si l'analyste ne parvient pas à repérer les points importants d'un texte à la fin du troisième paragraphe, il est probable que l'ensemble de l'article manque de corps et de rigueur, et qu'il témoigne d'un phénomène couramment appelé «délayage», entraînant une perte d'information pour le lecteur, et une perte de temps pour l'analyste. Un article préalablement sélectionné en raison de son titre prometteur doit, à ce momentlà, être banni du traitement. Cependant, il peut exister certaines exceptions, en particulier si l'article en question a été écrit par un membre de l'entreprise ; cela ne devra pas, pour autant, faire oublier à l'analyste que, en l'occurrence, le champ « auteur » sera le plus interrogé, et que les champs « résumé » et « indexation » peuvent être simplifiés. Les paragraphes de fin Les derniers paragraphes, ou paragraphes de conclusion, font en général écho à ceux de l'introduction, mais ils ont été enrichis par l'apport de l'article, ce qui fait dire à certains qu'il est préférable de lire la conclusion avant l'introduction. Malheureusement, les conclusions sont souvent rapides et pleines de tous les regrets de l'auteur : on y trouve fréquemment les idées « à venir » et non pas celles qui ont été exposées. C'est pourquoi la conclusion ne représente pas obligatoirement ce qu'il faut lire absolument, alors que l'introduction permet à l'analyste de poser des « hypothèses de lecture » (cf. p. 68-69).
COMMENT LIRE ?
Exercice 7 - Lecture documentaire d'un article Pour les deux textes proposés, la consigne est la même : lisez de façon documentaire (voir les deux chapitres précédents) et repérez les idées directrices des trois premiers paragraphes.
7.1 - Texte : « Les effets violents de la télévision » (cf. p. 227).
7.2 - Texte : « Les droits d'auteur des œuvres numériques ». Pour la Science, septembre 1996, n° 227. Depuis 1926, des millions de lecteurs ont adoré l'histoire de Winnie l'Ourson et de ses amis. Aussi n'est-il pas surprenant que James Milne (enseignant de l'Université de. l'iowa, sans relation avec A. Milne qui créa ces histoires) ait vmtlu mettre Winnie l'Ourson sur le Web, le réseau d'information mondial véhiculé par Internet : dans un ordinateur relié au réseau, il plaça quelques fichiers de texte et d'image, permettant ainsi à tous Ifs enfants équipés d'ordinateur de découvrir ces charmantes histoires. En avril 1995, peu de temps après la création de ce. site weh, J. Milne reçut une lettre polie de la société E. Du/ton, qui détient les droits d'exploitation du texte et des images de Winnie l'Ourson ; il y était indiqué que, smis peine de poursuites judiciaires, If site devait être fermé. Vers la même éf>oque, un livre narrant la vie privée de François Mitterrand était interdit de diffusion en France. Il réapparut sur Internet peu de, temps après, sans que personne puisse s'opposer à sa dissémination numérique. Comment la loi doit-elle réglementer If, fonctionnement du réseau ? Certains fanatiques du réseau Internet prônent une. liberté totale de l'information, mais il'autres pionniers du réseau soutiennent que son avenir passe par le contrôle et la facturation de chaque information qui y transite. Comment les institutions légales et culturelles réagiront-elles ? ]f.s lecteurs de demain seront-ils encore autorisés à feuilleter les livres numériques sur Ifs réseaux informatiques comme ils le font pour les livres et magazines classiques dans les librairies ? Pourront-ils emprunter des ouwages dans des bibliothèques virtuelles ? lœs auteurs, les éditeurs, les bibliothèques et les Etats débattent encore ces questions. t 6 Pour la science
Voir commentaires en pages 270-271.
COMMENT LIRE ?
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LECTURE DOCUMENTAIRE D'UNE MONOGRAPHIE La lecture documentaire d'une monographie est plus aisée. Après avoir pris connaissance du titre (et du sous-titre, quelquefois plus explicite), du nom du ou des auteurs, de la date (est-ce une nouvelle édition ?), de l'éventuelle collection, d'une mention éventuelle de traduction, on dispose presque toujours d'une table des matières ou d'un sommaire qui présente le plan de l'ouvrage, sa colonne vertébrale en quelque sorte, sur laquelle repose toujours le travail de repérage de l'information utile (cf. chapitre iv, p. 73-93). La lecture de l'introduction doit confirmer l'organisation du sommaire. Les notices de quatrième de couverture ont un objectif commercial ; qu'elles soient lues attentivement ou survolées n'a pas de rapport avec leur crédibilité. '
Il peut être intéressant de sonder des passages de deux ou trois chapitres. Si l'on connaît le sujet, on peut évaluer la qualité de l'exposé ; si on ne le connaît pas, on peut juger au moins la clarté de la prèsentalion, la précision du vocabulaire et le degré de compréhcnsibilité. Toutes les monographies, cependant, ne présentent pas de table des matières explicite. Une lecture plus approfondie devient alors irnpérative et doit être incluse dans l'organisation du travail et la gestion du temps. Cette lecture presque complète sera de moins en moins nécessaire à mesure qu'augmentera l'expérience de l'analyste. Mais les débutants doivent l'accepter, et même la considérer comme un investissement pour le futur. Les hypothèses de lecture se révèlent alors très précieuses.
sens général développé par l'auteur et sur les informations utiles à présenter dans le résumé ou l'indexation. Le survol du texte est donc soutenu par ces premières impressions et a pour objectif de les confirmer ou de les infirmer. Dans ce dernier cas, la recherche des idées directrices n'a pas été bien menée, ou le texte est mal construit, ce qui ne plaide pas en sa faveur. Le survol est donc une activité dynamique : l'analyste est sur une piste et il doit en contrôler la vraisemblance ; il part d'hypothèses et non d'affirmations. 11 va interroger le texte pour obtenir des réponses, ce qui est la meilleure façon de l'exploiter. Chaque texte est une découverte ; chaque lecture est singulière ; chaque analyse correspond à un objectif. Celui qui aborde tous les textes de la même manière, sans tenir compte de leur spécificité ou des réponses particulières qu'ils peuvent offrir, se conduit tel le client pressé qui consomme tous les plats offerts par un restaurateur comme un même brouet sans goût. L'analysie doit se mettre dans la situation de l'utilisateur final, et c'est bien ce qu'on attend de lui car un texte est un réservoir de réponses, et c'est dans cet esprit qu'il doit être lu.
NOTtS 1. Source : (30], p. 285. 2. Préface de Louis Armand pour [82].
LES HYPOTHÈSES DB LECTURE
II y a hypothèses de lecture quand un texte est lu en fonction des réponses qu'il peut apporter... car un texte ne répond que si on l'interroge. C'est le repérage visuel (mise en pages, ponctuation), puis l'étude progressive du contenu (catégorie d'intérêt, types de textes, recherche des idées directrices) qui apportent à l'analyste ces hypothèses sur le
3. Toutes ces définitions doivent beaucoup à quelques manuels de langue française, parmi lesquels : [67], [68], [48], 4. Source : [14]. p. 23 et suiv. 5. Source : [33], p. 63-64. « Le lecteur modèle », chapitre Ml de cel ouvrage, mérite une lecture approfondie. 6. Source : [27].
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ANNEXE PÉDAGOGIQUE 7. Source : [72], 8. Source : [14], p. 53. 9. Source : [64], p. 57. 10. Source : [79], p. 65-66. 11. Voir en particulier [41], p. 13 et suiv. 12. Source : [31]. 13. Source : [36], p. 200. Les mots sont en italique dans le texte original. 14. Source : [14], p. 32 et suiv. 15. Source : [14], p. 48 et suiv.
"
16. Source : [60]. 17. Source: [62], p. 482.
Exercice 8 - Lecture documentaire d'une monographie Pour vous exercer à lire de façon documentaire une monographie, comparez les ensembles présentés en pages 233-245, extraits de : - Gros temps sur la planète (Jean-Claude Duplessis, Pierre Morel. - Éditions Odile Jacob, 1990) ; -Le grand remue-ménage : la crise de la famille (Evelyne Sullerot. -Fayard, 1997); - La Méditerranée : l'espace et l'histoire (sous la dir. de Fernand Braudel. — Flammarion, 1995). Ces trois extraits correspondent à peu près au survol des livres eux-mêmes (page de titre, sommaire, avant-propos ou introduction). Il vous est demandé de : * Comparer ces extraits. • Formuler des hypothèses de contenu à partir des éléments fournis. • Faire cet exercice en 6 minutes maximum. • Choisir la monographie qui semblerait la plus facile à analyser. Commentaires en pages 271-273.
CHAPITRE IV LA LECTURE DOCUMENTAIRE : STRUCTURE ET VOCABULAIRE
La lecture documentaire — survol et compréhension — permet de poser des hypothèses de contenu. Le lecteur professionnel qu'est l'analyste est prêt à interroger le texte comme il le ferait d'une personne. Pour approfondir l'étude, il va s'aider de la construction grammaticale. Celle-ci est liée à des modalités propres à certains textes (juridiques, médicaux, etc.) ; elle est matérialisée par des mots de liaison, véritables indicateurs du déroulement du discours, permettant de repérer la construction logique (dialectique, déductive, inductive), préalable à la recherche du plan. L'énoncé utilise un vocabulaire représentatif du contenu, les verbes soutenant l'action et les substantifs les thèmes. Cette interrogation du texte poursuit également un but défini : en quoi ce contenu, ces thèmes vont-ils être utiles aux usagers ? Peuvent-ils enrichir un sujet, conforter une opinion, apporter une opinion contraire par la confrontation de différents points de vue ? Le texte inutile aurait déjà été rejeté, mais ce texte sélectionné, quel est son véritable intérêt ?
Trouver l'information utile : la recherche d'un plan Un premier survol a permis de repérer le type de texte en le situant dans un environnement documentaire connu, c'est-à-dire dont le domaine, ou la notoriété de l'auteur, de la revue, de la collection, etc., assurent un intérêt réel pour son utilisation future. La recherche de l'information utile dans un texte s'appuie d'une part sur les mots, fa formulation des idées, c'est-à-dire l'étude du vocabulaire employé, d'autre part sur les phrases, les paragraphes, Vorganisation des idées, c'est-à-dire la structuration, le plan de l'article. En fait, les deux opérations mentales d'analyse (identification des mots) et de synthèse (repérage du plan) sont exécutées de pair, dans un vaîet-vient incessant entre les deux lobes du cerveau. Quel que soit le texte, l'opération se déroule en trois temps.
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
1. Lire, observer, comprendre : - lire l'introduction (normalement clé du texte, dans la mesure où elle annonce les points essentiels qui seront développes) ; - à partir de cette lecture, identifier les idées directrices et poser des hypothèses ; - vérifier ces hypothèses en observant l'organisation typographique du texte, puis par un survol rapide du contenu. 2. Repérer l'organisation des idées directrices : - chaque idée directrice repérée est considérée comme une unité d'information ou un « item » ; - chaque item fait partie d'un champ lexical à identifier grâce à des mots ou phrases clés (vocabulaire) ; - chaque item est articulé au suivant grâce à des mots de liaison ou à des tournures de phrase annonciatrices du déroulement logique (plan). 3. Préparer l'écriture documentaire : - le texte primaire imprimé étant destiné à d'autres lecteurs, il ne doit jamais être surchargé d'aucun signe ; - selon les types de textes, les choix personnels, ou encore l'expérience acquise, on peut élaborer des grilles de lecture, prendre des notes, souligner les passages importants au crayon à mine de plomb, en n'oubliant pas d'effacer toute marque visible à la fin du travail. A l'issue de la deuxième phase, l'analyste est en mesure de maîtriser les « structures sémantiques du texte » ' : - la micro-structure, ou le niveau primaire du discours ; - les liens lexicaux entre les termes ; - la cohérence sémantique assurée par les mots d'articulation (cf. p. 84) ; - la progression thématique, ou développement logique du discours ; - enfin, la macro-structure ou organisation générale du texte. Pinto-Molîna 3 parle également des structures du texte et en distingue trois niveaux : - la micro-structure, ou structure de surface, qui est effectivement le texte primaire imprimé ; - la macro-structure, ou structure profonde, ce qu'elle appelle la « sève » du texte, après avoir comparé celui-ci à un arbre ;
L'ÉLABORATION DE GRILLES DE LECTURE
- la superstructure, ou structure rhétorique : « type of conventional production scheme to which texf is adapied », ce qui nous renvoie d'une part à un essai de taxonomie des textes (cf. p. 49-57), et d'autre part à l'idée que ces textes sont construits selon des schémas, ce que Monday appelle des « grammaires du récit », 11 est vrai que la séquence type d'une recherche expérimentale va suivre à peu près le schéma suivant : sujet, objectifs, méthodologie. expérimentation, hypothèses, résultats, conclusion... Selon les types de textes et les champs disciplinaires, on peut repérer des « grammaires du récit » en chimie, en pharmacie, en médecine, en statistiques, en économie, par exemple. Mais chaque domaine peut se prévaloir de schémas classiques, ou au contraire toujours renouvelés, ce qui est surtout le cas dans les sciences humaines. H peut être intéressant pour les unités documentaires très spécialisées d'élaborer des grilles de lecture adaptées à leur type d'information dominant. Pour l'étudiant, il est recommandé de commencer par des grilles de lecture standard.
L'élaboration de grilles de lecture
L'analyste débutant doit pouvoir s'aider de quelques outils qui faciliteront sa démarche. Au fur et à mesure qu'il acquiert de l'expérience, il pourra soit les abandonner, soit les modifier pour son usage propre, selon son champ disciplinaire, la typologie des documents et des informations à traiter, les produits à fournir, les besoins à couvrir. Les trois grilles ci-après sont chacune suivies d'un exemple permettant une claire visualisation de leur principe. Les textes en question ont été choisis car ils ont l'avantage d'être courts et faciles à lire ; ils sont donc propices à l'illustration. Toutefois, on ne traite jamais de façon aussi approfondie des articles de ce niveau parce qu'ils n'ont pas vocation à être conservés, sauf dans
L'ÉLABORATION DE GRILLES DE LECTURE
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
des services de documentation de presse dont les politiques documentaires diffèrent des services de documentation à vocation scientifique.
GRILLE DE LECTURE POUR UN TEXTE DESCRIPTIF {INSPIRÉE DE [24]) La structuration d'un texte descriptif est généralement la plus facile à repérer. L'analyste relève les idées directrices (ou items principaux) au fur et à mesure de leur apparition dans le texte. Si l'introduction a fait apparaître deux items, on fait l'hypothèse de deux têtes de chapitre. La grille de lecture correspondante est présentée ci-contre.
1" item exposé 1" item rejbf mule
1.2 1.21
- 1" item complété (1" complément) - - 1 er complément du l t f item illustré - \" item complété 12' complément) 2e complément du 1" item, lui-même complété TRANSITION (souvent un très court paragraphe) concluant le premier item et annonçant le second 2* item exposé 2' item reformulé - 2e item complété (1 e 1 complément)
etc.
L'introduction
L'introduction permet d'identifier les unités d'information, ou items, qui seront soumis à divers enrichissements : - exposition-formulation : chaque item est formulé et représente une partie des idées qu'exposé l'auteur ; chacun est lié au précédent et au suivant dans l'enchaînement du plan sous-jacent ; reformulation : tout item important est répété sous une autre forme. La redondance est un signal donné par l'auteur ; - complément d'information : tout item peut être complété par des sous-items dépendants dont le sens est lié à celui de l'item principal (cf. hiérarchisation des idées, notions, sous-notions, etc.) ; illustration de l'information : tout item peut être illustré par des citations, expériences, preuves, exemples, schémas, images, anecdotes... (jamais repris dans un résumé, sauf rares exceptions). La conclusion
La conclusion est, quant à elle, partielle pour chaque item, servant quelquefois de transition, mais complète pour la fin du texte, ayant valeur de synthèse et d'ouverture grâce aux nouveaux approfondissements apportés par l'auteur au thème.
Application de celte grille au texte : « Le brevet d'invention ». — Le Monde, mars 1984.
Si le Français a la réputation d'être débrouillard il est moins sûr qu'il soit véritablement inventif. En effet, seuls 25 % des brevets déposés chaque année en France appartiennent aux nationaux. Les Allemands déposent chez eux trois fois plus de brevets ; les Américains près de six fois plus. Pourtant, le brevet d'invention est une arme déterminante dans la compétition industrielle. Toute personne physique, l'inventeur, ses héritiers, ses ayants droit, ou toute personne morale légalement déclarée, peut déposer un brevet. Mais attention : une idée, même géniale, n'esl pas protégeable en tant que telle si elle ne répond pas à certaines conditions. lit pour qu'une demande aboutisse à un brevet, il faut qu'elle décrive très exactement le problème envisage, la solution inventée et les moyens de réalisation technique de celle-ci Qu'est-ce qui est brevetahle '.' « Ttiute invention ntiinvllc qui implique
INTRODUCTION contexte de l'article : siluation quantilative de la France face aux puissances occidentales importance du brevet d'invention dans la compétition industrielle ITEM ! - Dépôt d'un brevet Conipl. 1 . 1 : qui peut déposer ? Compl- 1.2 : conditions de dépôt
Compl. 1.3 : que peut-on déposer ?
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
-
une activité inventive par apport à ta technique el qui est susceptible d'application industrielle. » C'est l'INPI (Institm national de la propriété industrielle), organisme de service public placé sous la tutelle du ministère de l'Industrie et de la Recherche, qui a pour mission d'enregistrer et d'examiner les demandes, de délivrer el conserver les brevets. Les moyens d'information mis à la disposition du public par l'INPI ont été considérablement développés, et c'est à cet organisme qu'il faut s'adresser en priorité pour se procurer le Guide du déposant de brevet, ainsi que tous tes textes législatifs en vigueur. Trois titres permettent de protéger une invention : le brevet d'invention assure une protection de vingt ans (renouvelable) à dater du |our du dépôt de la demande, sous réserve du paiement d'une taxe annuelle pour son maintien en vigueur. Dans ce cas, un avis documentaire établi par l'INPI cite les antériorités susceptibles d'affecter la breviabilité de l'invention. Ce document est important : lui seul permet d'apprécier l'opportunité d'effectuer d'autres dépôts de brevets à l'étranger. On peut néanmoins s'en tenir au certificat d'utilité : la protection, sans avis documentaire, ne dîne alors que six ans. Le certificat d'addition rattaché au brevet ou au certificat d'utilité protège un perfectionnement de l'invention principale. Combien coûte un brevet d'invention français ? 2 900 francs de taxes de dépôt el d'établissement d'avis documentaire, auxquels viennent s'ajouter la taxe de délivrance (500 francs) et les taxes annuelles (progressives) pour le maintien du brevet. Ceux que les formalités relatives à l'obtention du brevet d'invention rebutent peuvent, recourir à un mandataire professionnel. Les conseils en brevet jouent ce rôle : leur profession est organisée par décret et ils sont groupés au sein d'une compagnie nationale (liste sur demande auprès de l'INPI). Il faut envisager des honoraires de 3 000 à 5 000 francs pour rémunérer l'intervention de ces spécialistes. Les inventeurs qui nourrissent d'autres ambitions peuvent également demander une protection européenne qui confère à son titulaire, dans chacun des pays contractants pour lequel il a été délivré, les mêmes droits qu'un brevet national délivré dans ce pays. L'ANVAR (Agence nationale pour la valorisation de la recherche) vient en aide financière aux inventeurs à condition qu'ils aient pour objectif l'ex-
Compl. 1.4 : où dcpose-t-on ?
1.41 : rôle de l ' I N P I
ITEM 2 - Protection d'un brevet
L'ÉLABORATION DE GRILLES DE LECTURE
ploitalion industrielle ou commerciale de l'invention. Cet organisme agit également comme conseil et permet aux inventeurs et au» peines entreprises de mieux appréhender les problèmes que soulève l'exploitation de leurs trouvailles. Ces difficultés sont nombreuses... Des fortunes ont certes clé construites à partir d'invenlions parfois techniquement simples, qu'il s'agisse de la fermeture à curseur (4 millions de kilomètres produits chaque année dans le monde) ou de l'attache trombone (production mondiale : 26 milliards d'unité). Mais les enthousiasmes impétueux risquent fort d'être déçus : sur cent brevets déposés à l'INPI, un .seul est réellement exploité.
CONCLUSION
[illustrations]
G Le Monde
Compl. 2.1 : brevet d'invention
GRILLF, DE LECTURE POUR UN TEXTE PROBLÉMATIQUE (INSPIRÉE DE [22]) Compl. 2.2 : certificat d'utilité Oonipl. 2.3 : certificat d'addition
ITEM 3 - Coût d'un brevet
La grille précédente renvoie aux plans classiques d'organisation logique du discours, très repérable grâce aux mots d'articulation (cf. p. 84). La plupart des textes descriptifs suivent ce plan sans variantes excessives, donc applicable au texte problématique en l'assortissant des questions suivantes :
Compl. 3.1 : taxe de dépôt Compl. 3.2 : taxe de délivrance Compl. 3.3 : taxe de maintien Quelle est la situation décrite ? ITEM 4 - A i d e s Compl. 4.1 : conseils
Compl. 4.2 : protection européenne (voir aussi ITEM 2)
normalement perceptible dès l'introduction
• En quoi est-elle problématique ? Quel(s) est (sont) 1c(s) problème(s) ?
exposes comme items principaux
• Y a-t-il recherche des causes, exposition des conséquences du (des) problème(s) ?
selon les cas, à identifier comme : - compléments d ' i n f o r m a t i o n (accompagnés, é v e n t u e l l e m e n t , d'illustrations)
• Y a-t-il propositions de solutions ? Compl. 4.3 : aide financière
• Y a-t-il exposition explicite des valeurs que l'auteur défend face à ce(s) problème(s) ?
- ou comme items principaux (accompagnés de compléments et illustrations)
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
La dernière question est importante pour éclairer le plus possible les prises de position, les opinions, les points de vue, toutes les argumentations qui risquent de peser sur la subjectivité de l'analyste. C'est la raison pour laquelle il est si important d'observer le document dans son ensemble et spécialement ses caractéristiques (cf. p. 39-40). Toutes ces mesures aident à la distanciation nécessaire. Ci-dessous figure un exemple de grille de lecture appliquée à un texte problématique. Les passages en italique indiquent la correspondance entre les unités d'information, leurs compléments et illustrations.
Les juges des mineurs « dénoncent » le monde des adultes. - Le Journal de Genève, 3 avril 1997. Dana leur rapport sur l'administration de la juslice. André Karlen cl Jean Zermatten. les juges raUn» des mineurs, sonl formels : « En 1996. nous avons ouvert plus île 1 000 dossiers concernant des mineurs. Un chiffre supérieur à la moyenne des affaires suivies depuis la création du Tribunal des mineurs. » Malgré ce constat, les magistrats enregistrent une .fiabilité du nombre de délax commis ce.î cinq dernières années. Par contre, la nature et la gravité des infractions inquiètent la justice. « Les délinquants deviennent de plus en plus effrontés et même malveillants, confie André Karlen. Autrefois, les jeunes commettaient un vol en cachette. Aujourd'hui, ils n'hésitent plus à arracher un sac à main en plein jour. Les cas que nous sommes amenés à traiter reflètent l'évolution des jeunes dans nos sociétés modernes. Ce constat ne diffère guère d'un canton .suisse à l'autre. » Les affaires dénoncées restent prioritairement les infractions contre le patrimoine et, parmi celles-ci. les vols et dommages à la propriété. Or le rapport, la modification du Code pénal suisse et la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral oni fixé la poursuite d'office des vols à l'étalage pour une somme de 300 francs. H Quelle signification cela a-t-il pour les enfants ? Tout simplement que l'on peut suhtiliser des objets sans grande valeur, sans risque. Pourtant la somme de (00 francs constitue déjà, pour la plupart, un montant important », commentent les deux juges.
Exposé de la situation
Situation problématique 1 Rcformulation par illustration
Complément 1
L'ÉLABORATION DE GRILLES DE LECTURE
Le Tribunal des mineurs enregistre également une augmentation îles violations dans le domaine de.s stupéfiants, alors que les dénonciations pour les infractions à la législation sur la circulation routière sont en baisse sensible. Pour les magistrats, l'ouverture de vitrines où l'on vend le parfait nécessaire du petit fumeur ne favorise pas !e respect de la loi sur les stupéfiants. « Certains étals de marchés proposent des tisanes, des huiles et autres friandises à base cannabique, alors qu'ailleurs dans certaines campagnes, d'énormes champs de chanvre deviennent accessibles à tous. Autant de tentations et d'occasions pour les jeunes qui souhaitent goûter au fruit défendu. La banalisanon de ces produits sème incontestablement la confusion che7 les enfanls. » Fin réalité, la difficulté des magistrats réside moins dans le /ait d'appliquer lu loi. t/u? dans celui île faîiv tlisfMrvitrf tfs causes à l'origine de la délinquance. « Nous nous trouvons de plus en plus face à îles jeunes que l'on qualifie de sauvages, dans le sens qu'ils .se sont élevés pratiquement 'nui seuls, qu'ils n'ont quasiment jamais eu lie règles sociales à respecter et qu'ils n'ont pas \ubi de frustrations. Cette situation est supportable jusqu'à l'entrée dans l'adolescence. L'enfant sympathique à qui l'on passa» ses caprices devient alors exigeant, menaçant, capable de recourir au chantage, et surtout habile à déborder les limites dans tous les domaines. » Selon les juges, cette évolution provoque des phénomènes de rejet familial et de renvm scolaire. Face à un délit, /c tribunal ne peut plttx .se contenter de iu%vr uniquement l'acte interdît /mi' la lin. '< De plus en plus, nous devons faire en sorte que les conditions à l'origine du délit soient modifiées pour que le jeuic délinquant ne réitère pas son acle. Danx nos décisions, nous devenons ainsi les partenaires de la réinsertion du mineur, avec la famrllc. les institutions spécialisées et les éducateurs. Dans cette société du lout, et tout de suite, nous avons île plttx en plus de difficulté.'! à jouer ce rôle d'intégrateurs. »
Complément 2 Illustration
Situation problématique 2
Causes 2 3
Conséquences 1,2 3
Conclusion C Le Journal de Genève
EXEMPLE D'UNI- GRILLE DE LECTURE STANDARD Développement e( illustration
À ces deux grilles de lecture, on peut en ajouter une troisième, plus banale, plus courante. Elle est basée sur la question à se poser avant toute analyse : « De quoi s'agit-il dans ce texte » ? Cette grille aide à la précision des réponses.
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L'ÉLABORATION DE GRILLES DE LECTURE
Les jeunes néonazis refont surface. — Construire, 16 avril 1997, n° 16.
De quoi s'agit-il dans ce texte ? Le texle en regard illustre comment utiliser cette grille, de deux façons différentes :
Les jeunes néonazis refont surface À Zurich, des skinheads ont terrorisé tout un quartier sans que la police intervienne. Et l'on craint d'autres manifestations du même type. - Juerg Ffîschknecht, vous êtes journaliste, politologue, spécialiste de l'extrême-droite en Suisse. Après les derniers événements de Zurich, peut-on s'attendre à une recrudescente de ce type de manifestations en Suisse ?
- Depuis novembre 1995, les skinheads s'étaient montrés 1res discrets. Aujourd'hui, on a l'impression qu'ils soin en (rain de se réorganiser. Et il est fort probable qu'ils se manifestent à nouveau. Il ne faut pas oublier que le 20 avril l'anniversaire d'Hitler - est une date importante pour eux. C'est, par ailleurs, ta première fois qu'ils ont été aussi nombreux, une centaine, à défiler dans les rues de Zurich. Certains venaient d'Allemagne. Cela montre qu'ils savent nouer des contacts au niveau international. - Ils ont tabassé des passants, scandé des slogans racistes, mais n'ont pas été inquiétés par la police. Y a-t-il eu complicité de la part I - ~ ' des forces de l'ordre ? r
- Certains policiers uni peut-être des .sympailiies d'extrême-droite. Mais o.n doit se garder de généraliser. Dans le cas précis, il y a eu erreur manifeste d'appréciation. La polire a failli à sa mission. Une
immédiatement obtempéré.
ou sujet qui peut être une personne une institution un concept un fait
- Le débat actuel sur l'or nazi et les fonds juifs favorise-t-il l'émergence de ces mouvements racistes?
ACTION
ou verbe
- Ce genre de débat réveille des sentiments racistes et antisémites qui étaient jusqu'ici latents, cachés. Ile tels mouvements en profilent pour les exprimer au grand jour. Cette attitude reste toutefois très minoritaire.
QUOI
objet
OÙ
espace lieux
QUAND
temps circonstances
1 - e n avril 1997 2 - le mois dernier
COMMENT
méthodes moyens
- violemment
potentiel de violence qu'il faut prendre très au sérieux. l-a société .se doit de leur imposer des barrières. Et les forces de l'ordre ont, dans cette optique, un rôle important à jouer.
- Et en Suisse romande ? Doit-on également craindre les groupes de jeunes néonazis ?
- 11 y a aussi des skinheads eu Suisse romande. Un facteur les différencie cependant de leurs compères de -Suisse alémanique : ils oni gardé des liens avec l'ancienne générât ion des m i l i t a n t s d'ex ire trie-droite, représentée, par exemple, par le Vaudois Gaston-Armand Amaudruz.
COMMENT cela s'est-il passé ?
- Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il ne s'agit pas de jeunes chômeurs ou de jeunes marginaux. Ils ont presque tous un travail stable. Ils vivent chez leurs parents, dans de petites villes ou à la campagne, et n'ont en général pas de petite amie. Ils ont dans leur majm ité moins de 20 ans. Mais ne sous-estimous pas le danger qu'ils peuvent représenter pour la société !
1 - ont manifeste 2 - est à l'origine 2 - des manifestations 1 - à Zurich 2 - de Zurich
résultats conséquences
POURQUOI
cause raison
EN VUE DE QUOI
but objectif
- Qui sont ces jeunes skinheads?
- Convient-il de prendre ces mouvements au sérieux ?
- Politiquement, les skinlicads n'ont guère rie poids. Ils représentent toutefois un
1 - une centaine déjeunes 2 - le racisme
QUI
1 - racisme e! antisémitisme
Exercice 9 - Analyser une monographie et un article Choisissez et appliquez une grille de lecture pour les textes cités. 9.1 - Monographie : extrait de « Le grand remue-ménage » ( p. 236).
Marie-Jeanne Krill
© Construire
* 9.2 - Article : « Les effets violents de la télévision » ( p. 227). Commentaires et corrigés en pages 273-287.
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
Trouver l'information utile : l'aide du vocabulaire La recherche de l'information utile s'appuie sur l'étude de la formulation des idées — le vocabulaire —, et sur celle de l'organisation des idées — le plan. On aurait tout aussi bien pu discuter cette question en début de chapitre car, dans la pratique, toutes ces phases sont combinées. L'étude d'un vocabulaire documentaire aide : - la lecture documentaire, dans la recherche des champs lexicaux et dans l'articulation du discours ; - l'écriture documentaire, tant dans sa forme résumé (texte rédigé) que dans sa forme indexation (choix de mots clés). Même si ce chapitre est consacré encore à la lecture, il préfigure ce que celle-ci peut apporter à l'écriture et doit donc être lu dans les deux perspectives.
LES MOTS D'ARTICULATION La langue française est riche en termes indiquant des modes d'articulation très spécifiques. L'analyste doit maîtriser la forme et la place : - des termes d'amorce : introduction, énuméraîion. illustration ; - des termes de liaison : addition, insistance, cause, conséquence, restriction, opposition ; - des termes de rappel ; - des termes conclusifs. Le choix et la place de ces mots assurent la cohérence sémantique du discours et facilitent normalement le repérage du plan. L'exercice proposé ci-contre a pour objectif de rappeler la fonction précise de ces termes et, ainsi, de discerner rapidement les différentes parties d'un plan. Cette aide à la lecture documentaire sert également à l'écriture documentaire dans la mesure où son utilisation dans la rédaction des résumés sera tout à fait exacte.
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Exercice n° 10 - Travailler sur les mots d'articulation Cet exercice a pour objectif de rappeler la fonction précise de ces mots et, ainsi, de discerner rapidement les différentes parties d'un plan. Cette aide à la lecture documentaire sert également à l'écriture documentaire, dans la mesure où leur utilisation dans la rédaction des résumés sera tout à fait appropriée. La liste suivante présente 47 mots d'articulation présentés dans l'ordre alphabétique. Inscrivez chacun de ces mots dans les 11 cadres indiquant leur fonction ; un nombre très minime peut appartenir à plusieurs cadres. Correction et commentaire en page 288. Ainsi Au contraire Aussi Avant tout Car Cependant C'est-à-dire C'est pourquoi D'abord Dans un premier temps D'autant plus
Effectivement
Notamment
En définitive En effet En outre En premier lieu En résumé En revanche Encore Enfin Ensuite
Par conséquent
De plus Donc D'où
Mais Même Néanmoins
Par exemple Par le fait que Parce que Pour conclure Pour toutes ces raisons Pourtant Premièrement Puisque Tout d'abord
Introduction
Énumération
Addition
Opposition
Restriction
Cause
Conséquence
Insistance
Illustration
Rappel
Conclusion ___^__^
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
LA NATURE DES MOTS
Plus que sur l'étude classique des registres du langage (soutenu, courant, familier...), l'analyste est invité à réfléchir sur la nature du vocabulaire usuel. Entre les 216 mots relevés par la compagnie BELL, représentatifs d'une journée de communications téléphoniques aux États-Unis, et les 24 800 mots du langage shakespearien ', où se place le vocabulaire documentaire ? Une langue est un organisme vivant. Les mots naissent et meurent de façon inéluctable, mais on peut toutefois discerner des constantes où l'on remarque 4 : - des mots-vides, c'est-à-dire les mots nécessaires à l'articulation d'une phrase, mais que l'on peut exclure sans en altérer le sens. Ce sont les mots que l'on excluait des télégrammes à l'époque où l'on en envoyait encore. I! en existe une centaine dans la langue française ; - les mots du vocabulaire courant, appris de façon intuitive, comme toute langue maternelle, surtout composé de termes concrets et de verbes d'action (environ 4 000) ; - les mots du vocabulaire scientifique de base que l'on acquiert des les études secondaires et qui augmente en importance et en précision au fur et à mesure que l'on approfondit le champ scientifique (4 000 également) ; - enfin les mots du vocabulaire scientifique et technique spécialisé, propre à chaque discipline, science ou pratique (médecine, philosophie, mais aussi chaudronnerie, pratique du ski, etc.). Il est impossible de les dénombrer, d'autant plus que c'est parmi eux que l'on compte le plus de « naissances ». Pour tenter d'en donner une échelle, rappelons simplement qu'il existe actuellement 90 000 noms d'insectes identifiés — et beaucoup d'autres qui ne le sont pas... Si l'on pose la question suivante : « Combien de mots la langue française comprend-elle ? », les interlocuteurs restent en général pantois et indécis, et les réponses vont de 2 000 à 1 million. 11 est intéressant de rappeler que le Robert annonce à peu près 80 000 mots (voir
TROUVER L'INFORMATION UTILE : L'AIDE DU VOCABULAIRE
les dernières éditions), mais que les milliers de mots qui constituent notre langue ne sont pas utilisés de la même façon et que l'on peut illustrer leur différence en les schématisant ainsi, toujours en s'inspirant des travaux de A. Moles (voir schéma en page suivante). Ce schéma, capable d'illustrer plusieurs notions importantes et utiles à l'indexation (voir chapitre vu, p. 149-173) et à la compréhension des langages documentaires (voir chapitre vin, p. 175-222) est infiniment riche. Il s'impose comme un outil indispensable à avoir en mémoire : - lors du premier survol, pour identifier les termes univoqucs porteurs de sens qui serviront également lors de la rédaction du résumé ; - lors de l'indexation en langue naturelle, pour situer les mots clés choisis et vérifier leur zone de « dangerosité » (voir chapitre vu, p. 163168).
LA RICHESSE DES MOTS : POLYSEMIE,
MONOSÉMIE
Par l'expression « richesse des mots », nous entendons leurs qualités de polysémie (ou homographie) ou de monosémie 1 . Tous ces mots sont porteurs de sens, mais de façon tout à fait différente. Le vocabulaire courant II est doublement trompeur : - éminemment polysémique, il ne peut servir au repérage du sens qu'intégré à la phrase qui le détermine ; - principalement composé de mots concrets, il donne à « voir » le sens de façon immédiate : le mot voiture, comme tous ses nombreux synonymes, évoque le sens « mode de transport ». En revanche, le mot canon possède près de quinze significations différentes... « Un terme est en soi incomplet quand bien même il recevrait une définition en termes de dictionnaire minimum. Le dictionnaire nous dit qu'un brigantin est un navire, mais il laisse impliciter par navire d'autres propriétés sémantiques." »
STRUCTURE ET VOCABULAIRE
Dans un premier cercle se trouvent les mols-tides. environ une centaine. Le deuxième cercle concerne les 4 000 mots du v n c a h u l a i r i CMiir:in1
Le troisième cercle comprend aussi environ 4000 mots : ceux du vocabulaire scientifique de base
TROUVER L'INFORMATION UTILE : L'AIDE DU VOCABULAIRE
Le vocabulaire scientifique de hase II comprend un 1res grand nombre de termes dits « généraux » ou « athématiques », tels que : fonction, modèle, opération, système, etc., que l'on retrouve souvent dans la partie « mots outils » des thésaurus, car ils ne peuvent pas s'insérer seuls dans un champ sémantique déterminé. Ils sont de ce fait polysémiques et porteurs de sens divers. Ce n'est donc pas le vocabulaire prioritairement utile à l'analyste. Le vocabulaire scientifique et technique spécialisé
-•
II n'y a pas de quatrième cercle, mais une série de faisceaux à l'intérieur desquels on trouve le vocabulaire scientifique et technique spécialisé, propre à chaque discipline, science ou pratique, etc. Tous les autres mots du vocabulaire français se repartissent dans ces faisceaux.
Les mots les plus courants sonl le plus souvent porteurs de plusieurs sens : on les dit polysémique* («plusieurs sens», selon la racine grecque). Les termes les plus spécifiques sont en général appliqués à une notion ei une seule ; on les dit tinivttques (« une seule voix », selon la racine latine). Le cercle « vocabulaire scientifique de base » esl celui qui comporte le plus de termes généraux, c'està-dire ceux qui ne peuvent jamais être employés seuls pour indexer un texte.
On peut bien comprendre !a notion de champ sémantique (dans un thésaurus, on appelle ainsi l'ensemble des termes relatifs à un domaine d'intérêt et choisis pour l'indexation) en se demandant, par exemple, dans quel cercle mettre le mot si nus Les réponses varient du vocabulaire courant au vocabulaire scientifique de base. Mais le mot xinux évoque deux sens principaux s'il es! exclu de son conlexie d'utilisation. Si l'on dessine deux secteurs à partir d'un premier faisceau (trigonométrie, ou mathématiques) et d'un deuxième faisceau (anatomie). dans lesquels on trouve le mol sinus, celui-ci devient alors univoquc, puisque inscrit dans son champ sémantique. Cette image est utile tant à l'indexation qu'à l'interrogation.
11 est en fait le plus intéressant pour l'analyste, car il est composé de termes désignant une chose et une seule et par là même univoques. Un écrit de Michel Tournier (le Vent Paraclet, Gallimard, 1977) à son sujet nous éclaire davantage encore. Un écrivain, homme arbitres et philosophe, approfondit ces ilijférences : -II y n trois activité* de célébration qui sont la philosophie. If roman et la poésie. Elucider la {mu lion, le fonctionnement et les relations de ressemblance et de différence de ces genres serait l'objet d'unf élude difficile et de longue haleine. Notons amplement qtir le mut el l'idée changent de poids respectifs d'un genre ti l'autre. Dam un poème. />• mot l'rmpotte sur l'idée, laquelle mit comme elle petit ou ne snit pas du tout. IM musique des rimes est première. L'enchaînement des lignifications si-i-onflaire. Au contraire, pour un philosophe l'idée l'emporte absolument sur le mot. (slui-ci n'est jamais CMWsubordonné à l'idée, an point que le philosophe est constamment amené à créer des tri mr\ pou r mieux exprimer sa pensée. De là le jargon philosophique dont les niais ont grand tort l/ une description de cette prodigieuse machine, dont nous sommes à la fois des pièces et, pour une part, les maîtres.
Jean-Claude Duplessy
Géochimiste, dirige un laboratoire mixte du CNRS et du CEA a G if-sur-Yvette, dont les recherches en paléoclimatologie font mondialement autorité.
Pierre Morel Professeur à l'université Pierre-et-Marie-Curie de Paris, est le tondateur du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS) et le secrétaire du Programme mondial de recherche sur le climat. © Éditions Odile Jacob, 1990. • F.ditions du Seuil. 1992.
Du même auteur
Evelyne Sullerot
i < •n 1
(D (Û
Le grand remue-ménage
U 3 a.
La crise de la famille
3 EU lu
5T n
S Q.
Fayard
AVANT-PROPOS
Librairie Arthème Fayard. 1997.
Que nous soyons partisans de « la famille » au singulier ou « de nouvelles formes plurielles » des séquences de vie privée, pour le mariage ou pour l'union libre, nous sommes tous nés d'un père et d'une mère et la plupart d'entre nous ont ou auront des enfants. Nous sommes tous inscrits dans la chaîne des générations qui se sont succédé durant ce dernier demi-siècle. Nous avons tous subi et nous avons tous fait l'histoire récente de la famille en France. Nous ne sommes cependant pas d'accord sur ce que représente la famille ici et maintenant, à l'aube du xxr' siècle. La famille est-elle, comme tendent à le prouver de très nombreux sondages, la « valeur » la plus appréciée des Français de toutes tendances politiques, leur refuge contre la solitude, leur rempart contre les aléas de la vie, le but de leurs efforts quotidiens, la source principale de leur bonheur individuel ? Ou bien la famille est-elle le cheval de Troie qui ramène l'ordre moral, l'increvable survivance du pétainisme triomphant, la forme la plus pernicieuse de la mise au pas de l'individu qui y perd sa liberté, enchaîné par la marâtre Nature, sous sa forme modernisée qu'est la génétique ? C'est à peine, c'est tout juste s'il y a accord sur un diagnostic : la famille est en crise. Faut-il s'en lamenter ou s'en réjouir ? Doit-on et peut-on permettre à la famille, cellule de base de la société, de se rétablir, pour éviter une implosion ? Ou bien la
Le grand remue-ménage société française entre-t-elle dans une nouvelle phase de son organisation qui se passera de ce groupe intermédiaire entre l'individu et l'Etat, et faut-il aider une telle évolution ? On ne peut répondre à cette question, ni même faire un pronostic, sans envisager le passé récent et la manière dont se sont constituées les familles dont nous sommes issus et celles que nous avons fondées ; sans analyser comment et pourquoi certaines ont duré, comment et pourquoi certaines ont éclaté, comment aujourd'hui se présentent celles qui vont aborder le siècle nouveau. Pour comprendre ces changements et leurs causes, il faut les replacer dans la durée. Composées d'individus et composant une société, les familles forment un ensemble complexe auquel il faut réserver une approche systémique : on ne peut retracer leur histoire qu'en multipliant les éclairages et en variant les angles de prise de vue. Car la famille est un fait de nature et un fait de culture. Tout être humain a deux parents qui lui confèrent son identité biologique. Les découvertes récentes de la génétique ont permis d'établir à la fois que chaque être est unique et qu'il existe des liens indéniables, inaltérables et infalsifiables entre père et enfant, entre mère et enfant, entre frères et sœurs. Ces liens sont indépendants de toutes formes institutionnelles comme le mariage ou l'adoption. Ils perdurent toute la vie. Mais la culture a entouré ces liens biologiques de relations fortes d'amour, de tendresse, de fidélité, de protection, de responsabilité, de transmission, d'éducation qui donnent à la famille humaine son incomparable richesse. Elle n'est pas seulement le cadre de la reproduction de l'espèce. Elle est un espace de culture et un véhicule de ta civilisation.
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Avant-propos Car la famille est affaire privée et affaire publique. Elle se situe dans le champ de la vie privée de chacun, mais elle est objet de politique publique. Elle est concernée à la fois par l'histoire des dispositions protégeant l'individu, sa sexualité, ses amours, son chez-soi, son histoire propre, ses secrets ; et par celles qui intéressent le devenir collectif de la nation, sa population, la reproduction des générations, ou le vieillissement de ia structure par âge, la protection et l'éducation des enfants et des jeunes, les pensions de retraite des vieux, la répartition des aides sociales. Procédant de la nature et de la culture, concernant l'individu privé et le destin de la communauté nationale, la famille n'a pas échappé à l'institutionnalisation par le droit. Le droit a défini l'identité juridique de ses membres, leurs statuts, rôles, droits et devoirs réciproques. Le droit a régi les unions et les désunions, les filiations, les transmissions des noms et des biens, encadrant les naissances, les enfances, les amours et les décès. Ces lois ont été confrontées ces dernières années à des avancées de la science génétique et des techniques precréâtiques. Elles ont dû s'adapter, ou elles ont vieilli, obsolètes. On trouvera tout cela, entrelacé, interagissant, dans cette histoire de la famille. D'abord, les évolutions démographiques ; les facteurs économiques, les attitudes face au travail, les modalités de la consommation ; mais aussi les opinions sur l'amour, le sexe, les hommes, les femmes, le mariage, l'union libre, la conception et la contraception, l'éducation des enfants, les relations avec les parents qui ont accompagné ces évolutions, ainsi que les mots nouveaux, le vocabulaire à la mode par lequel se sont exprimées les mentalités. On trouvera les réponses de la
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société institutionnalisée, la libéralisation des lois régissant le mariage, la procréation, la filiation, l'autorité parentale, le divorce — et les crispations de certains juristes et magistrats devant cet aggiornamenlo. On y trouvera aussi l'histoire de la grande politique familiale française surgie de la Libération, puis l'on verra s'affaiblir la volonté politique qui l'animait, se diversifier et se dénaturer ses modes d'intervention, se dévaloriser ses moyens. Ces changements ne suffisent pas à eux seuls à expliquer la crise que traverse aujourd'hui la famille. Il faudra également faire entrer en scène les francs-tireurs puis les bataillons qui ont attaqué la famille : du persiflage innocent au terrorisme politicaily correct, les dénigreurs, les saboteurs bien placés dans l'appareil d'État, les doctrinaires antifamille. En face, il faudra mentionner les reculades sans gloire et les indignations inefficaces des derniers fantassins fami lia listes. À quoi tout cela mène-t-il ? Comment fera-t-on face aux coûts financiers, humains et sociaux des désintégrations familiales ? Que pourra être une démocratie d'individus déconnectés ?
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AVANT-PROPOS CHAPITRE [" : 1939-1945 : la famille refuge Chantage aux maris et fils prisonniers, 12. - La mère au pinacle dans la famille intense fermée, 13. - La clandestinité domestique, 15. -Tout est incertain, donc on s'engage, on se marie..., 16. - ... Et on fait des enfants, 17. CHAPITRE II : 1945-1955 : le familialisme consensuel 21 Une politique familiale révolutionnaire, 2 - Deuils, retrouvailles, séparations, deux années de désordre, 23. Repeupler le pays, volonté unanime, 25. - On n'a rien, donc rien à perdre d'avoir des bébés, 27. - Mystique du « couple » et rajeunissement des mariés, 28. - Première entrée en scène des « psy ». 30. - Les jeunes mères sont épuisées, 32.
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CHAPITRE III : 1955-1965 : grands problèmes féminins 33 La peur des grossesses, la grand'peur d'aimer, 33. Catholiques et communistes contre la contraception, 37. Les hommes abandonnent les « précautions » aux femmes, 39. - Une femme mariée peut-elle travailler « au dehors » ?, 40. - De moins en moins de femmes au travail, 43. - Vents d'Est, vents d'Ouest, grande querelle sur l'éducation des petits, 44. - Une doctrine de l'éducation « démocratique » hors famille, 45. - Plus un sou pour la mère au foyer, 48. La « condition » de la femme dans la famille, 50. CHAPITRE IV : 1965-1975 : la grande cassure 53 Un nouveau modèle de famille, 53. - L'éducation par la fratrie en voie de disparition, 55. - L'épisode des conceptions prénuptiales 1965-72, 57. -Avances sur mariage ? mariages forcés ? divorces ?, 59. - Cohabitation ? concubinage ? union libre ?, 61. - Report du mariage ou refus du mariage ?, 62. - Une classe d'âge en rupture, 63. - De la consommation familiale aux consommateurs concurrents, 65. Malaise de la communication et coupure de générations, 66. - D'une révolte égalitaire à l'implosion individualiste, 68. Inventer la vie hors de la famille, 69. - Contre la famille, les communautés, 71. - Que chacun découvre et épuise ses désirs !, 73. CHAPITRE V : 1965-1975 : toutes les lois changent 75 Le grand chantier du droit de la famille : égalité des époux, 75. - Remise en cause de la famille à propos de l'adoption,
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CHAPITRE V I I : 1975-1985 : les mères jouent les premiers rôles Les femmes à l'assaut du travail, 135. - Les femmes demandent le divorce et gardent les enfants, 138. - II n'est question des pères qu'à la forme négative, 141. - On parle de l'intérêt de l'enfant, mais on exonère les parents, 142. - Promotion des « bons » divorces et des « bonnes » familles recomposées, 144. - Des techniques de procréation qui dissocient le couple parental. 146. - Un géniteur anonyme à jamais inconnu de la femme fécondée, 147. - De l'hétéro-insémination aux banques de sperme congelé, 148. - Éthique et pratique des CECOS, 150. - Les manipulateurs de sperme ne croient pas au père génétique, 152. - Les enfants ne sauront jamais, 153. - La mère biologique est génitrice et gestatrice, 154. Porter l'enfant, en accoucher, c'est la vraie maternité, 156. Alors, les mères porteuses ?, 158. - Désir d'enfant, droit à l'enfant, 159. - Ébranlement de tout le système de parenté, 160. - Avènement de la preuve biologique absolue et perplexité..., 162. - Les concubins ne passent pas devant le maire, mais devant notaire, 162. - Échec d'une politique familiale démocratiquement choisie, 164. - Une politique sociale népprogressiste sous Giscard, 166. - Ambiguïtés antifamille et fraudes des usagers, 168. - Les socialistes renoncent à tout changer et aident les femmes divorcées. 171. CHAPITRE VIII : La fin du siècle et le démaillage familial Des grands-parents mariés aux grands-parents divorcés, 174. - Des parents contents d'eux-mêmes. 175. - Ne pas parler des
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77. - Pour l'harmonie des couples ou pour la liberté sexuelle des femmes ?, 79. - Mort de la puissance paternelle, 83. - La puissance maternelle dans la famille naturelle, 85. -Tous les enfants naissent égaux, 87. - Les « ados » sont majeurs, 90. IVG, une loi pour les femmes, 9 l . - Un divorce sans rigueur. 93. - Divorce avec enfants : le juge tranche dans la famille, 95. - Les remises en cause de la politique familiale, 97. - De moins en moins familiale, de plus en plus sociale, 98. - Choix de vie privée contre la famille, 100. CHAPITRE VI : 1975-1985 : la décennie du narcissisme 103 Les « comportements » modifient l'équilibre démographique, 104. - Indéterminations personnelles des générations « bulldozers », 106. - La gauche refoule la famille vers la droite, 107. - Comment rétablir un équilibre démographique rompu, 108. - Les célibataires ne se marient plus, les divorcés ne se remarient plus, 110. -Tout ira très bien, disent les optimistes, 113. - Les nouvelles familles hors mariage. 115. - « Les hommes deviennent entièrement privés », 117.— Moi, ma personne, je m'accomplis, 119. - Les chantres de l'individualisme tiennent l'information. 120. - La famille écrasée entre hédonisme et socialisme, 122. - Ne pas parler de la famille biologique, 123. - Parole « libératrice » de l'Église réformée. 125. -Renoncera la famille « lignée » comme à un péché. 126. - L'Église catholique face au « couplisme », 128. - L'amour plus « pur ». plus « authentique » des cohabitants, 129. - 11 n'y a plus que des individus. 131.
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familles à problèmes ni des laissés-pour-compte, 177 thèmes et diffamations pleuvent sur les tenants de la famille. 180. - Le pays le plus féministe du monde se remet à faire des entants. 182. - En Suède, on prône la coparentalité. 184. -Tout s'écroule en Suède et en France. 186, - L'Enquête sur les situations familiales (ESF), 187. - Les enfants séparés de plus en plus toi d'un de leurs parents. 189. - Pères et enfants séparés n'émeuvent pas l'opinion, 190. - Deux fois plus de « ménages recomposés » pour les enfants, 193. - Le vocabulaire de la famille est en pleine « recomposition », 194. CHAPITRE IX : La fin du siècle : entre le droit et la génétique Doit-on maintenir la famille naturelle dans le matriarcat '.' 197. - Pour l'égalité des droits et devoirs des père et mère, 199. - Une solution de compromis ridicule. 201. - II faut mieux responsabiliser les parents naturels, 202. - Pour une modernisation de la filiation : principes et questions, 204. - Accord unanime sur les « parents de cœur », 206. - La Convention internationale des Droits de l'enfant ratifiée mais contredite. 208. - Le « droit au secret » entre au Code civil. 209. sénateurs dressent des chicanes devant la vérité, 210. - II faudra bien libérer l'accès à la vérité des filiations, 212. - Le droit couvre l'anonymat du géniteur et punit les révélations, 2 1 3 . En Suède, on veut ménager l'avenir, en France, on verrouille 215. - Les deux fronts de la guerre entre le droit et la vente génétique, 216. - Recherche de ses origines par l'enfant adopté, 217. - Les enfants du malheur et les intervenants sociaux. 220. - Qu'est-ce qui fait le père ?, 223. Propositions
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pour le xx* siècle, 225. - La famille procède du vivant, 226. Nous ne pourrons plus mentir, 228. - La génétique n'est ni de droite ni de gauche, 229. - Donner la vie à un enfant donné, 230. - Versions télévisées des relations choisies, 232. CHAPITRE X : Choix du passé contre l'avenir 235 Gauche ou droite, une grande continuité, 236, - L'argent de la Famille va à la Vieillesse car les vieux votent, 238. - Les politiques familiales ont été inspirées par des sceptiques du fait familial, 239, - La politique familiale française n'est plus la première en Europe, 241. - Quelques mesures entre 1985 et 1993, 242. - Un rapport qui réveille l'Assemblée, 244. - 1994. Une loi cache-misère, 246. -Va-t-on aller jusqu'à fiscaliser les allocations, 247. CHAPITRE XI : La montée du désarroi 251 Un courant antimariage, un courant CUCS, 252. - La parentalité et l'éducation au centre du dispositif, 255. - Décalage entre principes et propositions, 256. - Encourager la solidarité familiale, 258. - Un code, un ministère, un observatoire, 259. - Coût financier des instabilités familiales. 261. Coût humain : retentissement sur la santé physique et psychique, 262. - Violences à l'école : que font les parents ?, 264. - La famille, une chance pour l'intégration, 266. - La famille, prévention de l'exclusion, 268. - Réhabiliter le rôle paternel, 270. - Sans famille, la galère pour les jeunes, 271. - L'enchaînement chômage-divorce ou divorce-chômage, 273. - Prévenir les ruptures, promouvoir des accords, 274. - Famille et démocratie, 276.
Dans la même collection Fernand BRAUDEL - Georges DUBY
LA MÉDITERRANÉE L'ESPACE ET L'HISTOIRE
La Méditerranée, t'Espace et l'Histoire a été publié pour la première fois en 1977 par Arts e Métiers Graphiques dans une édition illustrée.
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LA MÉDITERRANÉE Les Hommes et l'Héritage (sous la direction de Fernand Braudel).
sous la direction de FERNAND BRAUDEL
Fernand BRAUDEL Écrits sur l'Histoire.
Georges DUBY L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médié-
val (2 vol.) Saint Bernard. L'art cistercien. L'Europe au Moyen Âge.
FLAMMARION
1985
Sommaire
1 LA TERRE Fernand Braudel 2 LA MER Fernand Braudel 3 L'AUBE Fernand Braudel
4 ROME Filippo Coarelli 5 L'HISTOIRE Fernand Braudel
6 ESPACES Maurice Aymard
Méditerranée Dans ce livre, les bateaux naviguent ; les vagues répètent leur chanson ; les vignerons descendent des collines des Cinque Terre, sur la Riviera génoise ; les olives sont gaulées en Provence et en Grèce ; les pêcheurs tirent leurs filets sur la lagune immobile de Venise ou dans les canaux de Djerba ; des charpentiers construisent des barques pareilles aujourd'hui à celles d'hier... Et cène fois encore, à les regarder, nous sommes hors du temps. Ce que nous avons voulu tenter, c'est une rencontre constante du passé et du présent, !e passage répété de l'un à l'autre, un récital sans fin conduit à deux voix franches. Si ce dialogue, avec ses problèmes en écho les uns des autres, anime ce livre, nous aurons réussi dans notre propos. L'histoire n'est pas autre chose qu'une constante interrogation des temps révolus au nom des problèmes et curiosités - et même des inquiétudes et des angoisses - du temps présent qui nous entoure et nous assiège. Plus qu'aucun autre univers des hommes. la Méditerranée en est la preuve, elle ne cesse de se
LA MÉDITERRANÉE
LA MÉDITERRANÉE
Tout cela parce que !a Méditerranée est un très vieux carrefour. Depuis des millénaires, tout a conflué vers elle, brouillant, enrichissant son histoire : hommes, bêtes de charge, voitures, marchandises, navires, idées, religions, arts de vivre. Et même les plantes. Vous les croyez méditerranéennes. Or, à l'exception de l'olivier, de la vigne et du blé - des autochtones très tôt en place - elles sont presque toutes nées loin de la mer. Si Hérodote, le père de l'histoire qui a vécu au v siècle avant notre ère, revenait mêlé aux touristes d'aujourd'hui, il irait de surprise en surprise. Je l'imagine, écrit Lucien Febvre, « refaisant aujourd'hui son périple de la Méditerranée orientale. Que d'étonnements ! Ces fruits d'or, dans ces arbustes vert sombre, orangers, citronniers, mandariniers, mais il n'a pas le souvenir d'en avoir vu de son vivant. Parbleu ! Ce sont des Extrême-Orientaux, véhiculés par les Arabes. Ces plantes bizarres aux silhouettes insolites, piquants, hampes fleuries, noms étrangers, cactus, agaves, aloès, figuiers de Barbarie - mais il n'en vit jamais de son vivant. Parbleu ! Ce sont des Américains. Ces grands arbres au feuillage pâle qui. cependant. portent un nom grec, eucalyptus ; oncques. n'en a contemplé de pareils. Parbleu ! Ce sont des Australiens. Et les
cyprès, jamais non plus, ce sont des Persans. Tout ceci pour le décor. Mais, quant au moindre repas, que de surprises encore - qu'il s'agisse de la tomate, cette péruvienne ; de l'aubergine, cette indienne ; du piment, ce guyannais ; du maïs, ce mexicain ; du riz. ce bienfait des Arabes, pour ne pas parler du haricot, de la pomme de terre, du pécher, montagnard chinois devenu iranien, ni du tabac. » Pourtant, tout cela est devenu le paysage même de ta Méditerranée : « Une Riviera sans oranger, une Toscane sans cyprès, des éventaires sans piments... quoi de plus inconcevable, aujourd'hui, pour nous ? » (Lucien Febvre, Annales, XII, 29). Et si l'on dressait le catalogue des hommes de Méditerranée, ceux nés sur ses rives ou descendant de ceux qui, au temps lointain, ont navigué sur ses eaux ou cultivé .ses terres et ses champs en terrasses, puis tous les nouveaux venus qui tour à tour l'envahirent, n'aurait-on pas la même impression qu'en dressant la liste de ses plantes et de ses fruits '.' Dans son paysage physique comme dans son paysage humain, la Méditerranée carrefour, la Méditerranée hétéroclite se présente dans nos souvenirs comme une image cohérente, comme un système où tout se mélange et se recompose en une unité originale. Cette u n i t é
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LA MÉDITERRANÉE
raconter elle-même, de se revivre ellemême. Par plaisir sans doute, non moins par nécessité. Avoir été, c'est une condition pour être. Qu'est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois. Non pas un paysage, mais d'innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de mers. Non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres. Voyager en Méditerranée, c'est trouver le monde romain au Liban, la préhistoire en Sardaigne, les villes grecques en Sicile, la présence arabe en Espagne, l'islam turc en Yougoslavie. C'est plonger au plus profond des siècles, jusqu'aux constructions mégalithiques de Malte ou jusqu'aux pyramides d'Egypte. C'est rencontrer de très vieilles choses, encore vivantes, qui côtoient l'ultramoderne : à côté de Venise, faussement immobile, la lourde agglomération industrielle de Mestre ; à côté de la barque du pécheur, qui est encore celle d'Ulysse, le chalutier dévastateur des fonds marins ou les énormes pétroliers. C'est tout à la fois s'immerger dans l'archaïsme des mondes insulaires et s'étonner devant l'extrême jeunesse de très vieilles villes, ouvertes à tous les vents de la culture et du profit, et qui. depuis des siècles, surveillent et mangent la mer.
LA MEDITERRANEE
évidente, cet être profond de la Méditerranée, comment l'expliquer ? Il faudra s'y efforcer à plusieurs reprises. L'explication, ce n'est pas seulement la nature qui, à cet effet, a beaucoup œuvré ; ce n'est pas seulement l'homme, qui a tout lié ensemble obstinément ; ce sont à la fois les grâces de la nature ou ses malédictions - les unes et les autres nombreuses - et les efforts multiples des hommes, hier comme aujourd'hui. Soit une somme interminable de hasards, d'accidents, de réussites répétées. Le but de ce livre, c'est de montrer que ces expériences et ces réussites ne se comprennent que prises dans leur ensemble ; plus encore qu'elles sont à rapprocher les unes des autres ; que la lumière du présent leur convient très souvent, que c'est à partir de ce que l'on voit aujourd'hui que l'on juge, que l'on comprend hier - et réciproquement. La Méditerranée est une belle occasion de présenter une « autre » façon d'aborder l'histoire. Car la mer. telle que l'on peut la voir et l'aimer, est, sur son passé le plus étonnant, le plus clair de tous les témoignages. Fernand Braudel © Flammarion, 1985
Études Septembre 1993
Des objectifs pour le journalisme * Claude-Jean Bertrand
ENDANT des siècles, la livraison de l'information a été gênée par des obstacles matériels ; puis par des obstacles politiques : aussitôt que la presse est née, son développement a été freiné par les gouvernements et les tribunaux. Depuis le début du xxc siècle, une autre barrière à l'information est apparue : l'obstacle économique. Trop de patrons de médias, et tous les annonceurs, traitent les médias seulement comme des moyens de gagner de l'argent. Pourtant, ces trois facteurs ne sont pas seuls responsables de la désinformation. Et même, ces trois facteurs ne sont pas les pires - car ils sont bien connus et sont souvent dénoncés. La pire menace vient sans doute des professionnels des médias eux-mêmes, qu'il s'agisse de leurs péchés propres ou de leur tolérance vis-à-vis des péchés des patrons de médias. 2 Je suis persuadé que les médias sont meilleurs aujourd'hui qu'ils n'ont jamais été. Ils restent néanmoins médiocres. Et leur amélioration n'est pas simplement souhaitable : le sort de l'humanité en dépend. Il est des Occidentaux pour penser que pour obtenir des médias de qualité, il suffit d'étendre la liberté politique à la presse de tout le globe. Or la liberté est nécessaire mais elle n'est pas suffisante. C'est une condition ; ce n'est pas le but. Le but, c'est l'existence de médias qui servent bien les citoyens, tous les
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* Bon nombre des idées présentées dans ce texte son! empruntées à la Earl Engltsh U'diire. 1992. conférence que j'ai été invité à taire à la Faculté de journalisme de l'Université du Missouri en avril 1992.
citoyens. Partout dans l'Occident industrialisé, les médias commerciaux ont joui de la liberté politique depuis longtemps, et pourtant, bien souvent, ils ont fourni un service déplorable. 3 Je présenterai ici douze objectifs pour des journalistes : douze améliorations possibles. La plupart de ces améliorations sont liées à une redéfinition du produit médiatique et des informations. Je reprends ici ces points. faisant remarquer d'emblée que l'obstacle interne à une bonne information ne consiste pas, comme on le prétend parfois, en l'existence de quelques reporters malhonnêtes, mais dans la combinaison de propriétaires de médias bornés, de journalistes mal formés et, principalement, de quelques traditions puissantes au sein du journalisme. 4 Ne pas imposer aux informations une taille on une heure fixe. - Naguère encore, quand les médias participaient de l'industrie traditionnelle, ils ont pris l'habitude de fabriquer un produit de taille presque identique tous les jours, à la même heure, avec le même mélange d'ingrédients. Ils continuent d'agir ainsi, sans tenir compte de ce qui vient de se passer dans le monde. Ils rétrécissent ou rallongent les « nouvelles » ; selon le cas, ils occultent des informations importantes ou font du rembourrage, afin d'emplir sans déborder l'espace ou le temps dont ils disposent. Le compte rendu de l'actualité en est déformé. 5 Ceci est évitable : le remède tient dans une redéfinition des « nouvelles » et dans l'utilisation de la technologie disponible pour une distribution continue de l'information. Des paquets de nouvelles préparés par des journalistes peuvent désormais être taillés par ordinateur de façon à satisfaire les besoins et les goûts, réguliers ou exceptionnels, de chaque uSager. La taille des paquets peut aussi varier selon l'actualité, et ils peuvent être livrés par des canaux divers en des lieux divers. Ce mode de fabrication et de distribution
n'a qu'à peine commencé. L'évolution est ralentie par le conservatisme de la profession. 6 De même, on doit cesser de penser que le « journal » est à publier à des moments déterminés. Il faut offrir au citoyen le type d'information continue qui s'est répandu aux États-Unis, pour la radio dans les années 70, grâce aux stations « Ail News » (modèles de France-Info), et dans les années 80 pour la télévision, à commencer par CNN. L'usager doit aussi pouvoir passer commande à des banques de données audio et vidéo, en vue d'obtenir son propre mélange de « nouvelles », ou plutôt d'informations, à tout moment, sur tout sujet. 7 Distinguer le divertissement de l'information. - On distingue traditionnellement entre journaux populaires et journaux de qualité. On ferait mieux de distinguer entre feuilles de divertissement et feuilles d'information. Mais il est encore difficile de faire admettre aux journalistes que l'usager consomme beaucoup de ce qu'ils croient être des « nouvelles » comme du divertissement. Par là, je ne fais pas allusion seulement à un divorce à la cour d'Angleterre, mais aussi aux résultats sportifs, à une attaque contre une banque, à l'éruption d'un volcan lointain, à un accident d'avion, et même à certaines guerres pourvu qu'elles aient lieu assez loin, comme la guerre du Golfe. Loin de moi l'idée que le divertissement médiatique soil méprisable. Le divertissement est crucial dans la société moderne et il est fourni surtout par les médias : c'est là une de leurs fonctions majeures. Mais, dans la mesure où c'est possible, on doit distinguer le divertissement et l'information sérieuse. Il ne faut pas laisser le premier éliminer la seconde ou la « futiliser » ( 1 ). ( 1 ) Un mémorable exemple de « Invialisation » : en 1976. après que le futur Président Jimmy Carter au donne une excellente interview à Ptayhoy. ou i! exposait son programme, tous les médias états-umens ont monté en épingle son bref épilogue un peu coquin.
8 éviter les omissions dues à la partialité. - L'omission est le pire des péchés des médias. Certes, elle peut être due à la nature du média (la radio, par exemple, ne dispose que de 24 heures par jour) ou à un irrémédiable manque de ressources ; mais elle peut aussi être due à la rapacité des propriétaires et à des tares chez les journalistes. Un exemple tiré d'une presse qui est souvent citée en exemple. Chaque fois qu'on lit un quotidien de grande ville étatsunienne, on est choqué de constater l'énorme proportion de publicité (2) et l'infime proportion de nouvelles internationales. 9 Le progrés que je souhaite à cet égard est lent à se réaliser, malgré la pression des diverses minorités dans la population de chaque pays. Même les meilleurs médias ont du mal à abandonner leurs préjugés, filtres à information qui, selon les cas, sont ceux des patrons de médias, des annonceurs, des « hommes jeunes blancs cultivés » qui peuplent les salles de rédaction, de la partie riche de la population, ou encore, simplement, de la majorité dans le pays. Tous ces acteurs de la communication sociale font donc obstacle à une bonne information, mais, au bout du compte, les professionnels, les journalistes, sont responsables. 10 Deux exemples de distorsion et d'omission. Les Français sont les plus gros consommateurs de boissons alcoolisées au monde ; il est rare que leurs médias traitent du coût véritable de l'alcoolisme. Tous les médias occidentaux, d'autre part, occultent des maladies tropicales qui tuent depuis longtemps davantage que le sida, et auxquelles on consacre peu d'argent et de recherche. 11 Changer la définition de l'information. - Même quand ils n'omettent rien, les médias s'occupent avant tout (2) 60 % de la surface des quotidiens en moyenne.
15 Faire apparaître les pseudo-événements pour ce qu'Us soni. ~ Un défaut de l'information a été signalé depuis de nombreuses années : beaucoup de ce qu'on publie comme « nouvelles » est fabriqué par ceux qui profitent de la publication. Daniel Boorstin les a baptisées des « pseudoévénements » (4) : conférences de presse présidentielles, festivals de cinéma, défilés de protestation... De tels événements ont l'avantage, aux yeux des patrons de presse, d'être (pour la plupart) annoncés bien à l'avance et parfaitement « conditionnés » pour leur usage par les médias. Bien sûr. il arrive que des nouvelles de ce genre aient de l'importance, mais elles doivent être soigneusement sélectionnées et commentées : les usagers doivent pouvoir en connaître la vraie source et la nature. 16 Chercher la réalité sous les apparences. - De deux façons. D'abord, les médias doivent s'efforcer de discerner l'actualité réelle, au lieu de se faire l'écho des positions officielles. Prenons un exemple : deux avions de ligne sudcoréens ont eu, à plusieurs années d'intervalle, des ennuis avec les Soviétiques On a beaucoup parlé du deuxième, abattu par deux chasseurs au-dessus du Pacifique. Le premier, lui, se trouva déboussolé au-dessus du pôle et. au lieu de voler vers les États-Unis, se dirigea vers l'URSS ; il fut repéré au-dessus d'une base militaire, poursuivi et endommagé par des chasseurs, mais continua sa route vers le sud sur plusieurs centaines de kilomètres, jusqu'à se poser tranquillement sur un lac gelé. Un incident international banal '.' Bien sûr que non ! Il démontrait que l'Union soviétique (Vêtait pas la formidable forteresse qu'on prétendait. Mais voilà qui était désagréable pour ceux qui avaient intérêt à la |4| Daniel J. Boorstin. Chc liante I lim S*w York, Atheneurn. l % l lùdmon de I97U.
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des « nouvelles ». qui ne constituent souvent qu'une imbécile mosaïque de petits événements. Ils devraient se soucier d'information. Cela implique plus d'un changement. 12 D'abord, il faut mettre davantage l'accent sur le « verre à demi plein », les événements positifs. Les bonnes nouvelles sont-elles dépourvues d'intérêt : telle la fin de la seconde guerre mondiale, la découverte de la pénicilline, l'arrivée d'hommes sur la lune ou l'écroulement du communisme ? 13 Par ailleurs, l'actualité ne doit pas consister seulement dans les nouvelles qu'apprécié la minorité des riches ou la minorité au pouvoir, clients, sources ou amis des patrons des médias. L'information de qualité, c'est tout ce que chacun des groupes dans la population juge important pour son bien-être. Et ce ne sont pas, comme le voudrait la tradition, les seules nouvelles politiques, c'est-à-dire des nouvelles sur le gouvernement, local ou national. 14 L'échec des médias classiques dans ce secteur a été évident aux Etats-Unis à l'époque où ils ne donnaient rien, ou presque, sur la minorité noire, avec pour effet les grandes émeutes en chaîne dans les ghettos à la fin des années 60. Ni la paresse, ni l'avarice, ni un souci myope de plaire à l'usager, ni la tradition ne doivent empêcher les médias d'informer sur le monde entier, chaque nation et chaque groupe qui le constituent, et aussi l'évolution qui a mené au présent état de fait (3). (3) Je trouve remarquable qu'un hebdomadaire au été lancé en I*W], en France, sous le litre Courrier international, qui choisi! et iraduit rapidement des articles tirés d'autres quotidiens et périodiques du monde entier, des textes qui donnent au lecteur français un point de vue différent sur les affaires de son propre pays et des autres. A la même époque, toujours en France, la télévision publique FR3 avait une émission du matin intitulée Continentales, qui présentait, avec de;, sous-litres, des journaux rdé'.i^é'étrangers de la veille.
poursuite de la Guerre froide. Comment expliquer autrement que ce premier incident sud-coréen ait été si peu traité alors et jamais plus mentionné ensuite ? 17 II y a une autre façon plus importante pour les médias de chercher la réalité derrière l'apparence (5). c'est de manifester l'existence de phénomènes graves mais encore invisibles, hors des feux de l'actualité, sous la surface de la réalité, et d'identifier des mouvements profonds avant qu'ils n'émergent sous la forme de problème^ sérieux, sinon de catastrophes. Il n'est pas difficile de trouver des exemples de tendances majeures qui n'ont pas été repérées à temps : quels grands médias en France ont enquêté dans les années 70 sur les ghettos de banlieue où s'accumulaient Maghrébins et Africains, et ont prévu la criminalité et les émeutes qui s'ensuivraient, et annoncé la conséquente montée d'une extrême-droite fasciste ? 18 Rendre les nouvelles compréhensibles. - Les gens de plus faible culture trouvent les médias d'information ennuyeux, particulièrement la presse écrite, surtout parce qu'ils ont du mal à les comprendre : ils ne connaissent pas bon nombre des mots et des concepts que les médias utilisent. Mais la plupart des citoyens, même intéressés, ne peuvent souvent pas comprendre les antécédents d'un événement, son contexte, sa signification, ses éventuelles conséquences. Une raison de cette carence : la formation insuffisante des gens de presse. Une autre : la vieille habitude de s'adresser à une élite, de tenir pour acquise une vaste connaissance du monde.
(5KC'ûtaii là un but majeur des techniques réunies ttons les années 70 par ip Me\er îaurnalixm ou .1 journalisme vaeniiiPhilip nuip .Mi:\ur sous MIUS le ii. nom ni'iii de uv juvcisiiin ,.... ,. , _., t'iquc a, i:oiiMSl:ii\ à appliquer les méthodes des sciences sociales et la puissance îles ordinateurs à l'analyse d'arehivo ou d'enquêlcs {\itir The Vi'ir •ni, Bloommgton, Indiana DP. 1941).
19 Rendre intéressantes les nouvelles importantes, Les médias doivent non seulement rendre compréhensibles les informations importantes, mais aussi les rendre intéressantes pour tous. Si l'on veut que la société fonctionne bien, il faut que tous ses membres aient une idée juste du vaste monde, qu'ils y soient ou non naturellement enclins. S'ils n'y sont pas enclins, il faut que les médias stimulent leur intérêt, en montrant, par exemple. l'effet que tel événement peut avoir sur leur vie personnelle. La réalisation n'est pas facile (6). 20 Montrer gué des nouvelles intéressantes sont importantes aussi...- Pour montrer qu'un fait divers ne relève pas uniquement du divertissement, on n'a pas seulement besoin de savoir-faire et de temps, mais aussi d'une conception différente du journalisme. Par exemple : un homme a abattu sa femme et ses six enfants avec un pistolet mitrailleur. Joli massacre avec du sang, des cris et des larmes ; mais que ditil sur la société où il a eu lieu ? À quoi est-il dû ? À l'alcoolisme, à un manque de surveillance psychiatrique, au chômage, à l'obtention trop facile d'armes automatiques ? 21 Traduire le discours scientifique. - Les médias doivent interpréter e( faire connaître les découvertes, les soucis et les pensées des chercheurs et savants. La descente goutte à goutte de l'information, depuis la revue savante jusqu'au quotidien local, est fort lente et incomplète. Le peu que font les newsmagaiines et les documentaires de télévision est insuffisant. Tous les journaux, imprimés ou audiovisuels, devraient publier chaque jour une chronique claire. (6) Le Daily Mirror, quotidien national populaire anglais, y érait parvenu dans les années 60 avec une rubrique intitulée « Mirrorscope ». Mais Rupert Murdoch. magnat australien, a tait glisser alors la presse britannique plus bas qu'elle n'avait jamais été, avec un régime de seins nus. de commérages diffamatoires, do crimes, de sports et de chauvinisme exacerbé - autrement dit. à coups de divertissement
stimulante, sur la recherche et les réalisations dans un secteur ou l'autre de la science et de la technologie. Les médias doivent ainsi se comporter non seulement en messagers, mais aussi en explorateurs et initiateurs. Diversifier et aiguiser l'appétit est presque aussi important que de fournir de la nourriture. Il y a de moins en moins de différence entre journalistes et enseignants : les deux contribuent à la formation continue indispensable pour tous. 22 Animer le débat public, — Les médias devraient considérer comme une de leurs fonctions d'encourager à la participation dans la vie sociale ; d'exciter la pensée et l'imagination de chaque citoyen au sujet de son environnement, de promouvoir des débats publics vigoureux sur les questions d'intérêt général. Hélas, ils ont la mauvaise habitude de céder à la majorité ou à des groupes de pression. D'une manière générale, ils ont peur des idées neuves, non conformistes ou extrêmes. Il faudrait au contraire qu'ils encouragent la discussion de questions brûlantes, avec la participation des minoritaires de toute espèce, même de ceux que la majorité trouve répugnants. 23 Dans ce style, USA Today {quotidien national étatsunien né en 1982) a innové en publiant tous les jours sur la même page des « libres opinions » systématiquement opposées à son éditorial. Bien avant cela, la télévision française avait pris l'habitude de faire débattre avec des journalistes, à des heures d'assez bonne écoute, des politiciens d'extrème-gauche et d'extrême-droite. 24 Faire campagne pour des réformes. - C'est une des fonctions des médias que de dénoncer les tares sociales (7). En 1991, \ePMladelphia tnquirer a publié une remarquable (7) Cela est clairement énoncé dans un des meilleurs codes américains de déonrologie, celui de l'APME, l'Associated Press Managing Editors Associai ion.
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les perceptions du public, les contenus et surtout certaines absences de contenu, c'est-à-dire les omissions ; - les associations de consommateurs et d'usagers des médias ; - et surtout l'enseignement universitaire. Enfin, certains « M.A.R.S. » sont presque inconnus et rarement mentionnés d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique : - les questionnaires d'exactitude et d'équité postés ou publiés à certaines époques par quelques petits journaux états-uniens ; - la société des rédacteurs, une association de journalistes travaillant pour une publication ou une entreprise de radiotélévision, qui souvent possède des actions dans le capital de la compagnie et donc une voix dans l'établissement de la politique rédactionnelle. La première à attirer l'attention fut, en 1951, celle du quotidien Le Momie : - la société de lecteurs, encore plus rare, est une association d'usagers qui a acheté des actions dans un média et exige d'avoir son mot, même modeste, à dire dans la fixation de la politique générale de l'entreprise.
des médias élaborent par consensus ; - des critiques internes et des « commissions d'évaluation des contenus » (comme celles qui ont été mises en place par des quotidiens japonais dès les années 1920) pour scruter les journaux chaque jour et s'assurer que la déontologie n'est pas violée ; - les journalistes spécialistes des médias (média reporters) qui observent toute l'industrie d'un œil critique ; - de discrets organismes de liaison mis en place par les médias et quelque profession avec laquelle ils sont presque inévitablement amenés à entrer en conflit ; - \'ombudsman de presse, salarié par un journal, une slation de radio ou de télévision, pour recevoir et traiter les plaintes des usagers ; - des conseils de presse locaux, occasions de rencontre pour les professionnels des médias locaux et des représentants de la population ; - des conseils Je presse régionaux et nationaux, organismes d'arbitrage (comprenant patrons, professionnels et usagers) mis en place par les médias à l'intention des citoyens qui ont un grief contre une publication ou une station. Certains autres « M.A.R.S. » ne sont pas d'ordinaire mis sur le même plan que ceux dont il vient d'être question : - les encadrés de correction très visibles ; - le courrier des lecteurs et les tribunes libres ; - les enquêtes d'opinion régulières ; - la présentation systématique d'opinions contradictoires au sujet de toutes les questions d'intérêt public ; - Information continue des professionnels (grâce à des ateliers d'un jour, des séminaires d'une semaine, des périodes universitaires de plusieurs mois) ; - des livres écrits par des professionnels et des revues spécialisées dans la critique des médias (comme, aux États-Unis, la Washington JR ou la St Louis JR). D'autres « M.A.R.S. » sont extérieurs au monde des médias : - la recherche non commerciale, initiée par des universitaires, sur des sujets comme la distorsion volontaire.
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ANNEXE 1 - TEXTES ET ARTICLES
aux échanges numériques sont devenues considérables. Aux États-Unis, au début des années I990, les branches d'activité liées au droit d'auteur, qui couvrent principalement les secteurs de l'édition, de l'audiovisuel et de la musique, annonçaient un chiffre d'affaires annuel de plus de mille milliards de francs, soit approximativement 3.6 pour cent du produit intérieur brul américain. En 1993, lorsque les sociétés QVC et Viacom se disputèrent la Paramount, l'enjeu était les droits d'auteur des films d'archives. Depuis 1981, la Société américaine des auteurs a poursuivi en justice des sociétés d'édition comme celle du New York Times pour la vente non autorisée de copies informatiques des œuvres de ses membres. Même les universités cherchent aujourd'hui à augmenter leurs revenus en conservant les droits des travaux qu'elles produisent, plutôt que de les laisser aux éditeurs. La majeure partie des droits de reproduction concerne des produits de grande diffusion comme les livres, les films et les produits dérivés (le roman Jurassic Park, par exemple, a donné naissance à un film, à une cassette vidéo, à une cassette audio, à des T-shirts, à des jouets et à divers produits). Aux États-Unis, les publications universitaires et littéraires, qui sont la mémoire scientifique, critique et artistique de ia société, ne représentent qu'un demi pour cent de l'ensemble, soit cinq milliards de francs par an environ. Les publications financées par l'État et distribuées librement jouent un rôle négligeable dans ce marche. Les chercheurs et les enseignants préfèrent souvent la large diffusion de leur travail à des rémunérations. Le réseau Internet leur convient bien, parce qu'il transmet les informations plus rapidement que les supports imprimés et à un «POURl.A SCIENCE. N" 227 Sl-.PHlMIiRP 1W
coût inférieur ; de surcroit, la copie numérique d'un document ou d'un programme est en tous points identique à l'original. Toutefois, ces auteurs ne sont que les passagers d'un gigantesque paquebot de transferts de données, obligés de s'adapter à des lois communes. L'enthousiasme des éditeurs pour les nouveaux produits est tempéré par la crainte qu'une seule vente, à une bibliothèque ou à un particulier, ne soit suivie de la reproduction du document sur tout le réseau Internet, ruinant les espoirs d'exploitation commerciale et de développements ultérieurs. Les problèmes posés par l'application des lois sur la propriété littéraire et artistique dans l'utilisation des nouveaux médias sont nombreux. Dans quelle mesure les œuvres sont-elles protégées sur les réseaux? Le cyberespace est-il un Far West moderne où chacun peut piller les créations des autres en numérisant les images ou en copiant des fichiers ? De nombreuses œuvres sont le fruit de collaborations : à qui appartiennent-elles et qui peut y avoir accès ? Comment peut-on déterminer l'étendue de la propriété de chacun, en supposant même que la notion de propriété ail un sens ? Comment peut-on dédommager le propriétaire d'une œuvre lorsque son travail est dispersé mot par mot, phrase par phrase ou même, pour la musique, note par note 7 Quelle est la responsabilité des opérateurs du réseau Internet, qui devraient être attentifs aux risques de violation de la loi par le nouvel outil qu'ils mettent à la disposition du public ? En France, l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques n'a, à ce jour, rien publié sur les réseaux informatiques au regard des droits d'auteur, mais, aux États-Unis. l'Office des
« LES DROITS D'AUTEUR DES ŒUVRES NUMÉRIQUES »
choix techniques américain (Office of Technology Assessment) recommandait, en 1986, de renoncer à la protection sur le droit d'auteur tel que nous le connaissons aujourd'hui et de chercher de nouveaux principes.
L'état de la loi L'origine des lois sur le droit d'auteur est ancienne, et l'évolution de ce droit a été tortueuse. L'un des tout premiers conflits eut lieu au vr siècle, en Irlande : saint Colomba avait recopié un manuscrit de l'auteur latin Psalter, alors que le propriétaire de l'original, Finnian de Druim Finn, y était opposé. Le roi arbitra en ces termes : « De même que le veau appartient à la vache, la copie appartient à l'original », Une guerre un résulta, que les « pirates » remportèrent, conservant leur copie ; celle-ci devint l'ouvrage fétiche du clan Colomba, aujourd'hui conservé à la bibliothèque de l'Académie royale irlandaise, à Dublin. Le décret de la reine Anne (statut? of Anne), promulgué en 1710 en Angleterre, fut la première loi moderne pour la protection des droits d'auteur : auparavant, certains auteurs et éditeurs bénéficiaient de privilèges royaux particuliers. Cette loi reconnaissait des droits aux auteurs et limitait leur durée. Elle servit de modèle pour la rédaction de la première loi régissant les droits d'auteur aux États-Unis, en 1790. Les premières lois françaises furent deux textes révolutionnaires, l'un relatif aux spectacles, en 1791. et l'autre aux droits de propriété des auteurs d'écrits ; des compositeurs, des peintres et des dessinateurs, en 1793. Des deux côtés de l'Atlantique, les lois sur la protection des auteurs furent un compromis entre les intérêts privés et le besoin d'information de la
société. Aujourd'hui encore, aux ÉtatsUnis, les règles qui définissent la propriété littéraire et artistique sont fondées sur leurs capacités à promouvoir les progrès des sciences, des arts et des lettres. En France et aux États-Unis, au fil des réformes, les parlements ont augmenté la durée de la protection des auteurs, étendu le champ d'application de la loi à de nouveaux types d'oeuvres et ratifié des accords internationaux comme la convention de Berne. 1826. Les signataires de cette convention s'engageaient à protéger légalement, dans leur pays, les auteurs dont les œuvres de l'esprit entrent dans le champ d'application de cette convention. En 1976, la dernière réforme de la loi américaine sur la propriété littéraire et artistique a complété la précédente. Elle concerne les livres, les compositions musicales, les œuvres dramatiques, les pantomimes, les œuvres chorégraphiques, les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de lithographie, les œuvres cinématographiques et autres créations audiovisuelles (les brevets et les marques sont régis par des lois spéciales, tout comme les secrets de fabrication). La loi protège le titulaire d'une œuvre de l'esprit en lui octroyant le droit d'interdire à quiconque de la reproduire, de l'adapter à un autre mode d'expression, de procéder à la commercialisation d'une copie de l'œuvre, de la représenter ou de l'exposer sans autorisation préalable. La loi limite toutefois les droits d'auteur de plusieurs manières. La plus importante de ces limitations est la reconnaissance de l'« usage loyal » (fair use), qui autorise, sous certaines conditions, la duplication sans paiement de droits ni de permission. L'usage loyal «1POI RIASCIF.NCI
N"2?7
ANNEXE 1 - TEXTES ET ARTICLES
permet de faire des copies à des fins de recherche, d'enseignement, de journalisme, de critique, de parodie ou de conservation par tes bibliothèques. La propriété littéraire el artistique est chaudement débattue dans tous les pays depuis plusieurs années, notamment parce que l'usage de la photocopie ou du prêt en bibliothèque ont rendu caducs les accords anciens. Cependant, le cyberespace s'est initialement développé en marge des secteurs au le droit d'auteur était protégé. De nombreux textes et images d'origines diverses transitaient vers le monde informatique, alors que peu d'œuvres informatiques faisaient le chemin inverse. Cette dissymétrie a rapidement évolué, et la rapide colonisation du réseau Internet par les autres médias, au milieu des années I990, a montré que les frontières étaient tombées. Le rapport d'une commission d'experts américains. en l9')4, a avivé le débat.
Le grand débat Par courrier, par télécopie et par courrielélectronique, cette commission, dirigée par Bruce Lehman, a reçu les réactions à la présentation de son premier rapport. Les principaux acteurs du marché des droits d'auteur envoyèrenl ainsi plus (Je I 000 pages de commentaires. En sep- . tembre 1995, le groupe a remis la version définitive de son rapport sous la forme d'un livre blanc qui contient des propositions pour réactualiser les lois sur le droit d'auteur. Naturellement, les débats qui onl eu lieu aux Etats-Unis ont été largement commentés dans les autres pays membres de l'Union de Berne. D'une manière générale, les industries de l'information ont accueilli les recommandations du livre blanc avec enthousiasme et soulagement : la commission
Lehman a rejeté le pire des scénarios, qui ferait baisser les revenus des éditeurs et des auteurs au point que ces derniers n'auraient plus intérêt à produire de nouveaux ouvrages et à les mettre sur le marché. F.n effet, la Commission recommande des contrôles stricts de la duplication par moyens informatiques. En revanche, les bibliothèques et les services éducatifs, les serveurs de réseau ou les particuliers sont hostiles aux propositions, craignant un monde où plus rien ne sera accessible, lisible ou reproducliblc sans autorisation préalable ou paiement. De nombreuses bibliothèques ont déjà des difficultés avec les coûts de l'information, particulièrement ceux des livres scientifiques, qui augmenteront d'environ dix pour cent chaque année. Le budget de l'obtention d'informations par les réseaux, qui permettent aux bibliothèques e( aux écoles d'accéder à des documents dont elles ne disposent pas directement, est devenu supérieur au budget consacré à l'achat des livres cl des magazines. Aussi les bibliothécaires voient-ils d'un mauvais itil que l'on préconise une généralisation des licences d'utilisation. Du point de vue du prix, de la responsabilité et de la durée de propriété, les licences d'utilisation avantagent les fournisseurs d'information. Si les accords contribuent à maintenir un prix excessif pour l'utilisation de l'information électronique, les opérateurs des réseaux prospéreront, mais les bibliothèques n'auront plus les moyens d'y avoir accès et les fournisseurs péricliteront. Un compromis doit donc cire trouvé. De surcroît, aux yeux de nombreux citoyens et de représentants du milieu éducatif, les propositions de la commission Lehman modifient l'équilibre que la loi actuelle avait instauré entre le respect des droits des auteurs et de la
« LES DROITS D'AUTEUR DES ŒUVRES NUMÉRIQUES »
liberté des utilisateurs. La Commission propose, par exemple, que chaque information, dès lors qu'elle transite, pour un temps aussi court soit-il. sur la mémoire d'un ordinateur, soit considérée comme « fixée » au regard du droit d'auteur. En revanche, la loi actuelle sur la propriété littéraire et artistique ne protège que les œuvres de l'esprit originales fixées sous une forme tangible, c'est-à-dire lorsque leur forme est suffisamment stable pour leur permettre d'être vues, reproduites ou communiquées. Cette distinction est fondamentale. Si les recommandations de la Commission sont suivies, chaque personne qui transmettra, entre deux ordinateurs, une information protégée, sans avoir l'autorisation du possesseur violera la loi. F.n effet, le groupe de travail recommande que la loi soit modifiée pour reconnaître que la transmission est du ressort exclusif du possesseur des droits. Dans ces conditions. la seule consultation d'une page web, qui implique la transmission entre un serveur et un ordinateur personnel, sera considérée comme un acte illégal si clic n'est pas précédée d'une autorisation. La Commission refuse également d'étendre aux duplications électroniques la notion d'épuisement du droit par la première vente : toute personne qui achète un livre ou un magazine peut revendre ou donner cet exemplaire sans payer de droits supplémentaires. Cette possibilité serait interdite pour l'information numérique. C'ette recommandation, i I logique en apparence, est fondée sur la constatation que, lors d'un transfert électronique, le fichier est physiquement présent sur au moins deux ordinateurs, ne fût-ce que quelques millisecondes, et se trouve
donc dupliqué plutôt que.transféré. Les moyens légaux par lesquels le possesseur de la copie électronique d'une œuvre pourrait la vendre ou la donner, un geste parfaitement légal pour un livre imprimé, restent à définir. Il en résulte que, dans le monde informatique, la possibilité de se faire une opinion en jetant un coup d'ceil sur un ouvrage (ce qui est admis dans les bibliothèques ou dans les librairies) disparaîtrait. Feuilleter des ouvrages «en ligne», sans autorisation préalable, serait considéré comme une violation de la loi. Les universités et les autres organismes qui fournissent des accès au réseau Internet sont particulièrement préoccupés par cette proposition de la Commission, qui prévoit qu'ils seraient responsables des infractions à la législation sur les droits d'auteur commises par leurs utilisateurs. Cette situation les obligerait à faire la police informatique, en les obligeant de vérifier la légitimité de données que les étudiants, le personnel ou les utilisateurs lisent ou publient.
Un équilibre nécessaire Si la Commission propose un futur très éloigné de la tradition d'un accès public aux données, des moyens techniques très simples pourraient contourner ces obstacles. La Commission insiste sur les aspects techniques de transmission et de résidence des données, mais de nombreux spécialistes trouvent leur analyse insuffisante sur ce plan. Un examen plus complet des possibilités techniques de transfert de fichiers, qui inclut les méthodes de codage pour limiter le nombre de copies permanentes lors du transfert, pourrait étendre les travaux de lu Commission.
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ANNEXE 1 - TEXTES ET ARTICLES
D'autre part, pour que l'accès aux documents informatiques sans paiement systématique de droits soit admis dans certains cas, on doit se préoccuper de l'usage loyal du copiste et tenir compte de ce droit pour déterminer un compromis entre le respect des droits des auteurs et ceux des utilisateurs. Un tel compromis fut déjà recherché dans le cas de la photocopie des ouvrages imprimés. La définition de l'usage loyal du copiste reste toutefois ambiguë dans le cadre des réseaux informatiques. La Commission l'envisage peu, bien qu'elle précise que la notion d'usage loyal doit perdurer dans le monde des connexions informatiques, et que la nécessité diminuera avec la généralisation des licences et d'autres moyens de paiement automatique. Les représentants des utilisateurs et des lecteurs regrettent ces imprécisions troublantes. Si la Commission a pris une position ferme en faveur des droits des auteurs, elle n'a pas su clarifier les droits des utilisateurs. Elle a cependant continué à réunir informellcment, chaque mois, des utilisateurs, des auteurs, des bibliothécaires, des avocats et des représentants des éditeurs, pour essayer d'élaborer des recommandations précises sur la notion d'usage loyal. Les premières réunions ont montré qu'un accord ne sera sans doute pas atteint avant les discussions devant les députés. Pourtant, ce désaccord n'est peut-être pas mauvais. Certes, les deux camps craignent qu'en l'absence de recommandations claires sur la notion d'usage loyal, les utilisateurs, (elles les universités, seront gênés par l'ambiguïté de la loi. Toutefois, les lois doivent être élaborées dans le calme et la réflexion. L'absence de réglementation spécifique permet aux éditeurs, aux bibliothèques et aux autres
organismes universitaires de procéder à des expériences sur la consultation électronique de documents, généralement dans le cadre d'accords écrits. Les détenteurs des droits d'auteur semblent encore loin de poursuivre en justice les bibliothèques et les écoles. Les scientifiques ou les enseignants qui créent des pages web sont parfois, formellement, dans l'illégalité, mais ils sont rarement poursuivis. Et s'ils l'étaient plus qu'aujourd'hui, l'avenir de la distribution électronique de l'information s'assombrirait. Pour de nombreux participants des groupes informels de discussion, les désaccords méritent d'être entretenus. Beaucoup pensent que la technique n'est pas suffisamment au point pour que l'on établisse des directives claires sur la notion d'usage loyal. Ils rechignent à faire des recommandations législatives tant que toutes les implications ne sont pas claires. Il faudra encore attendre pour parvenir à un compromis acceptable sur la notion d'usage privé. Malgré toutes les critiques que certains aspects du rapport Lehman ont suscitées. un certain consensus existe. Dans de nombreux cas. les réactions provoquées par les recommandai ions ne concernaient pas leur adéquation au fond du problème, mais jusqu'à quel point elles devaient être codifiées dans les textes de loi. Si presque tout le monde juge illicite le piratage des programmes conçus pour empêcher la copie d'une œuvre, les seules questions posées concernaient l'étendue des sanctions encourues pour ce délit et la possibilité de présumer l'existence d'une faute. De même, à l'exception de la petite minorité qui refuse les droits d'auteur sur Internet, tout le inonde s'accorde à reconnaître qu'il est urgent de mieux informer les citoyens sur leurs obliga-
« LES DROITS D'AUTEUR DES ŒUVRES NUMÉRIQUES »
lions face à la loi. A une époque où chacun est un éditeur potentiel pourvu qu'il possède un ordinateur et un modem, les textes qui régissaient le comportement de quelques entreprises s'appliqueront à des millions de personnes. La prochaine loi sur la protection des droits d'auteur déterminera l'avenir des techniques d'information. La puissance de ces nouvelles techniques bouleverse les habitudes de travail du monde créatif et les moyens par lesquels les auteurs et les éditeurs publient les œuvres. Peut-on simultanément satisfaire les utilisateurs. qui veulent accéder simplement à une information bon marché, et les auteurs et éditeurs, qui entendent tirer des publications les moyens honorables de leur subsistance ? Nous devons agir sagement pour que tous les acteurs et les utilisateurs des nouvelles techniques profitent de la révolution de l'information.
Ann OKERSON, bibliothécaire adjointe de l'université de Yalc, travaille sur la consultation électronique des ouvrages. B. EDELMAN, La propriété littéraire et artistique. Coll. «Que sais-je?», PUF. A. LUCAS, Propriété littéraire et artistique. Coll. «Connaissance du droit», Dalloz, 1994. P. SIRINELLI, Industries culturelles et nouvelles techniques. Rapport de Commission, ministère de la Culture et de la Erancophonie/La Documentation Française, 1994.
O. ITEANU, Internet et le droit. Aspects juridiques du commerce électronique, Eyrolles. 1996. P. GOLDSTEIN, Copyright'.* Higliway : From Gutenherg tu Ihe Celestîal Jukebox, Hill and Wang. 1994.
Pour plus d'informations sur les lois américaines concernant les droits d'auteur : http://www.library.yale.edu/ okerson/copyproj.html
Légendes des illustrations (non reproduites)
1. DANS LI-S UHRAIRIES I-T LI-.S Bllil IOTIII (Jl I S.
un admet la consultation gratuite des ouvrages. Des modifications de In loi sur la protection des droits d'auteur limiteraient les possibilités analogues d'exploration électronique el pourraient même les inlcrdirc. sauf après oblcntion d'un accord préalable. Bien qu'il paraisse improbable qu'un éditeur inlcrdisc complèiement aux utilisateurs de se promener dans leur calaloguc de publications, les auteurs craigncn! qu'une ouverture même partielle ne les pénalise. 2. Dt:. NUMRRHJSFS COP1KS D'i'N TI.XT1- IW'OHMArigui sont parfois réalisées lors de son transfert entre deux sites du réseau Internet. Il arrive, par exemple, qu'un fichier traverse 13 ordinateurs dilTéreiits, d'un silc de Fobscrvitoire de Meudon jusqu'à un ordinateur situé à Sophia-Antipolis (identifies par leur nom et leur localisation approximative) lors de son parcours. Certains spécialistes des droits d'auteur estiment que chaque copie ne peut être créée qu'après accord du détenteur des droits. Dans l'état actuel de la loi. les propriétaires de toutes les machines intermédiaires peuvent être tenus pour responsables de loute violation de la loi. 3. À (JUI APPARni-.NNI-.NT I CS Ml >R( I A L ' X '.* Les
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C POUR LA SCIENCE . N* 227 SEPTEMBRE 19% «POl'R LA SCIENCE . N° 227 SrPThMBRf IWh
ANNEXE 1 - TEXTES ET ARTICLES
Didier Dubrana. — Haute tension sous les lignes. — Science & Vie. février 1993.
HAUTE TENSION SOUS LES LIGNES Les lignes à haute tension provoquent-elles des cancers ? Cette question tourne à l'obsession chez les habitants de certains villages de France, dominés par des lignes véhiculant 400 000 volts. Elle est prise très au sérieux par des scientifiques suédois et canadiens. Deux rapports importants viennent d'être publiés à Stockholm à ce sujet, un troisième au Québec. La diffusion des résultats d'une enquête franco-canadienne a été retardée. Le problème semble même plus vaste, puisque certains mettent en cause les champs électromagnétiques émanant des appareils électroménagers.
P
sychose à Coutiches. Ce village de 2 000 habitants, situé à vingt-cinq kilomètres de Lille, vit dans la hantise de la nouvelle ligne à très haute tension (deux fois 400 000 volts) installée en 199l par EDF. Celte ligne passe à moins de 120 mètres d'une zone habitée, et certains câbles pendent même à moins de 10 mètres (nous l'avons vérifié) au-dessus de la chambre des enfants de la famille Ryckcbusch. « Les grésillements de la ligne sont insupportables ! », s'exclame Michel Ryckebusch. « Et lorsque le vent souffle dans les câbles, leur vrombissement est comparable à celui d'un avion survolant le village. On ne dort plus ». Il y a plus grave :
tous les Coutichois ont entendu parler de ces inquiétantes enquêtes épidémiologiques sur l'augmentation du nombre de cancers chez les « riverains des lignes électriques» et tout particulièrement chez les enfants. Les médecins ont constaté des cas d'ec/éma et d'insomnie, et le malaise gagne la campagne Certains parents consignent leurs enfants dans les maisons tandis que les familles les plus inquiètes envoient leur progéniture au loin. Le père du petit Antoine a même déplacé le lit de son enfant : en effet, celui-ci se trouvait dans la partie de fa pièce la plus exposée aux champs électromagnétiques produits par la ligne qui surplombe la maison. « Mon
« HAUTE TENSION sous LES LIGNES »
enfant dort dans un champ électromagnétique d'une valeur de 27 mîlligauss, alors que. d'après les enquêtes cpidémiologiques, les risques de leucémie apparaissent lors d'expositions chroniques à un champ de 3 milligauss ! », s'alarme Michel Ryckebusch. Pendu en haut d'un poteau électrique, un mannequin de chiffon se balance dans le vent glacial qui balaye les rues de Coutiches. Sur son torse, un slogan à l'encre rouge résume le sentiment des habitants : « Cobaye d'HDF ». Mais, du côté du monopole public, l'affaire est entendue : « La ligne à haute tension ne sera pas déplacée puisqu'il n'y a aucun risque pour la santé». Directeur du comité des études médicales d'F.DF, Jacques Lambrozo lance : « Ceux qui veulent partir peuvent le faire puisque EDF s'engage à acheter leur maison ». El il ironise : « L'un des habitants vivant sous la ligne a même proposé que nous achetions sa maison pour la lui relouer ensuite. Preuve qu'il n'a pas aussi peur que ça pour la santé de ses enfants... » Une brèche a cependant été ouverte dans le système de défense de l'entreprise : « Les habitants de Coutiches ont obtenu, pour la première fois en France, qu'un suivi médical soit réalisé auprès des 65 familles vivant dans un couloir de 250 mètres de part et d'autre de la ligne», indique Michel Loscto, de SOS Environnement, l'association luttant pour le déplacement de la ligne EDF. Ce protocole d'accord, cosigné le 29 juillet I991 par EDF, la municipalité et SOS Environnement, intéresse I I O volontaires qui seront soumis à des examens sanguins et urinaires tous les six mois. Mais, en dépit de ses engagements, EDF retarde la mise en place de ce suivi médical : aucun prélèvement sanguin n'a encore été fait...
La révolte coutichoise n'est pas isolée. La France est parcourue d'une vague de protestations contre les lignes à haute tension. Dans pas moins de 26 « points chauds ». des Français s'opposent à EDF. Alors, oui ou non, l'électricité est-elle dangereuse pour la santé ? Si l'on en croit une récente enquête épidémiologique publiée par le célèbre institut Karolinsk», de Stockholm, la réponse ne peut être aussi tranchée, mais il y a de quoi s'inquiéter ( l ). Cette enquête, dirigée par Maria Feychting et Anders Ahltoni, concernait un demi-million de personnes (436 503 exactement) dont le point commun était de résider à moins de 300 m d'une ligne à haute tension entre 1960 et 1985. Toutes ces personnes avaient moins de 70 ans. Les chercheurs ont calculé la dose moyenne annuelle d'exposition à laquelle a été soumis chaque résident. Pour cela, il a fallu tout d'abord mesurer la distance entre les habitations et les lignes à haute tension. En effet, la valeur du champ électromagnétique diminue en fonction du carré de la résistance. Par exemple, sous une ligne de 400 000 volts dans laquelle passe un courant d'une intensité de 2 000 ampères, la valeur du champ est de 130 mîlligauss (mG). À 30 m de la ligne, le champ est de 80 mG et à 200 m. de 1 mG (soit encore 5 fois plus important que le champ magnétique naturel moyen). Comme la valeur du champ varie avec l'intensité du courant passant dans la ligne, les chercheurs ont demandé aux compagnies électriques de leur fournir le relevé quotidien de l'intensité du courant circulant dans chaque ligne pendant toute la période d'étude : ils ont donc pu calculer pour chaque jour de l'année, pendant vingt-cinq ans, la valeur du champ émis par ces lignes.
ANNEXE 1 - TEXTES ET ARTICLES
Enfin, en reconstituant l'historique du temps approximatif passe à son domicile par chaque habitant, Feychtung et Ahlbom ont défini la dose moyenne annuelle reçue. Quatre fois plus de risques de développer une leucémie, c'est ce qu'encourent, d'après les résultats de cette étude, les enfants de moins de 15 ans vivant dans les maisons exposées à une dose de radiations électromagnétiques de 3 mG. Même à 2 mO, le risque est triplé : l'incidence de la maladie, qui est normalement de 1 sur 20 000, passerait à 3,8. Il faut descendre à 1 mG pour retrouver l'incidence normale. Les chercheurs n'ont, en revanche, trouvé aucune preuve d'une menace accrue de cancer chez les adultes. Pour l'épidémiologiste Michel Goldberg. directeur de l'unité 88 de l'INSERM, « sur le plan méthodologique, c'est l'enquête épidémiologique la plus convaincante jamais publiée à ce jour sur ce sujet. » Pour la première fois, les épidémiotogistes établissent un lien entre la dose du champ électromagnétique et son effet sur la santé. L'enquête suédoise est évidemment contestée. En effet, la corrélation entre les cancers et l'exposition aux ondes électromagnétiques n'existe que chez les personnes vivant dans des pavillons. Feychting et Ahlbom n'ont pu prouver ce lien pour les familles vivant dans des appartements. Pourquoi ? Les deux chercheurs devraient répondre à cette question dans une prochaine publication. À l'INSERM, Michel Golberg avance une hypothèse : « Les pavillons étudiés sont à la campagne, les appartements en ville. Or, en milieu urbain, la variabilité du champ électromagnétique est très grande, compte tenu des nombreuses sources d'émission ; ce qui brouille d'autant la précision des mesures d'exposition
dans chaque résidence et de surcroît, les données statistiques recueillies. Ainsi, cette imprécision pourrait expliquer l'absence de corrélation entre l'exposition des appartements et l'apparition des leucémies ». Autre hypothèse : les matériaux de construction des appartements pourraient faire écran aux champs électromagnétiques. Voilà près d'un siècle que les chercheurs s'affrontent sur la question de l'impact des champs électromagnétiques sur la santé. La polémique, elle, démarre en 1979, lors de la publication d'une enquête de deux sociologues américains de l'université du Colorado. Nancy Werthcimcr et Ed Leeper. Ils avancent que les enfants de la région de Denvcr habitant près des réseaux de distribution électrique (lignes et transformateurs) courraient deux fois plus de risques de mourir de leucémie. Depuis, bien d'autres enquêtes sont venues confirmer ou infirmer ces conclusions. En 1986, l'enquête menée par le Suédois Lcnnart Tomcnius, médecin épidêmiologislc de Stockholm, constate un accroissement du nombre des tumeurs du système nerveux chez les enfants habitant dans des maisons situées près d'installations électriques. Mais, un an plus tôt. l'Anglais Alan Myers, biologiste à l'université de Leeds, avait déclaré, au terme d'une étude portant sur 339 cas de cancer chez des enfants de moins de 15 ans, « ne pas observer d'association significative entre la proximité des maisons avec les lignes de transport électrique et le risque de cancer ». Version nouvelle de l'adage ancien, « Hippocratc dit oui, mais Galicn dit non ». Néanmoins, les récentes conclusions de l'institut Karolinska sont prises au sérieux par le gouvernement suédois.
« HAUTE TENSION sous LES LIGNES »
qui envisage d'établir des normes d'exposition aux champs électromagnétiques. Car, pour l'instant, il n'existe aucune norme inlcrnalionalc, ni nationale. Les seules données en la matière sont les seuils maximum d'exposition - très élevés - conseillés par l'International Radiation Protection Association et l'Organisation mondiale de la santé. Les seuils considérés sont de 5 000 mG par jour en milieu professionnel, et de I 000 mG par jour pour l'ensemble de la population. Bien qu'aucun riverain d'une ligne à haute tension ne reçoive de telles doses, les Suédois sont suffisamment impressionnés par l'enquête de l'institut Karolinska pour entreprendre une cartographie des écoles se situant près des lignes à haute tension en vue de surveiller la santé des écoliers. 11 faut dire que les résultats de cette enquête viennent à l'appui des conclusions d'une autre étude émanant, elle, de l'institut national suédois de médecine du travail, qui dénonce l'augmentation du nombre de leucémies chroniques lymphocytaircs che/. les travailleurs exposés aux champs électromagnétiques (2). Cependant, cette enquête, qui portait sur l'observation de 250 cas de leucémie et 261 cas de cancer du cerveau survenus entre 1983 et 1987 dans deux régions de Suède n'a pas permis de définir un niveau critique. De l'autre côté de l'Atlantique, le gouvernement du Québec a demandé, en 1989. la mise en place d'un comilé de suivi des études sur les effets des lignes à haute tension sur la santé. Lequel n commandé un rapport complet sur l'état Oc touics les recherches scientifiques e 11 cet nées dans ce domaine. Dans ce rapport, public en janvier 1991. Gilles Thériault, directeur de l'Ecole de santé
au travail, de l'université Mac Gili à Montréal, conclut en ces termes (en français du Québec) : « Même si les évidences associant les excès de cancer à l'exposition aux champs électromagnétiques ne sont pas encore très solides, il faut reconnaître que les éludes les plus récentes et souvent les plus perfectionnées n'ont pas contredit les premières effectuées sur le sujet. Les dernières études réalisées en laboratoire sur la cellule et l'animal ont aussi renforce la plausîbilité de tels effets. Il n'y a donc pas certitude d'effets cancérigènes mais possibilité de tels effets, particulièrement chez les enfants et les travailleurs ». Publié sous l'autorité du département de santé communautaire du centre hospitalier de l'université Laval, ce rapport jette un discrédit supplémentaire sur les certitudes affichées par le service médical d'EDF. D'autant que Gilles Thériault n'est autre que le coordinateur d'une autre enquête lancée conjointement par EDF et deux compagnies d'électricité canadiennes (Ontario-Hydro et HydroQuébec) pour connaître l'impact des champs électromagnétiques sur la santé des iravailleurs de l'électricité. Nous avions évoqué cette étude il y a trois ans (3). Les résultats auraient dû être publiés en 1991. On nous assure aujourd'hui qu'ils seront rendus publics vers le mois de juin prochain... Cette enquête, effectuée sur un échantillon de 150 000 personnes, devait dire si l'exposition des travailleurs aux ondes électromagnétiques des lignes électriques augmente le risque de cancer. En France, il s'agit, bien entendu. des salariés d'EDF. Comme le montre le rapport canadien, nombre de systèmes biologiques sont effectivement modifiés par l'exposition à des champs électroma-
« HAUTE TENSION sous LES LIGNES »
ANNEXE 1 - TEXTES ET ARTICLES
gnétiques. Ainsi, ces derniers modifieraient la perméabilité de la membrane cellulaire aux ions calcium, ce qui pourrait entraîner une modificalion de la synthèse protéique. Par ailleurs, en I983 et I988, l'équipe américaine de Daniel Lyle, de la Food and Drug Administration (4), a mis en évidence, chez la souris, une diminution de l'efficacité du système immunitaire proportionnelle à l'intensité du champ électromagnétique. Lyle constate une diminution de la cytotoxicité des lymphocytes T, cette variété de globules blancs qui attaque les antigènes et certaines cellules cancéreuses. Il semble que les champs électromagnétiques ne soient pas directement mutagènes. En revanche, ils pourraient stimuler un cancer latent. En effet, on constate une augmentation de la concentration d'une enzyme, l'ornithine décarboxylase, dans les cellules humaines exposées aux champs (5). Or, cette enzyme joue un rôle dans la croissance cellulaire. L'augmentation de sa production pourrait stimuler les cellules cancéreuses. Récemment, l'attention des chercheurs s'est centrée sur une petite glande située à la partie postérieure du tronc cérébral, en avant du cervelet : la glande pînéalc. Celle-ci produit notamment la mélatonine. Cette hormone est sécrétée la nuit, avec un pic maximal entre minuit et 4 heures du matin. La glande s'arrête de sécréter le jour lorsque la lumière imprègne la rétine. Ainsi la production de cette hormone suit fidèlement le rythme des jours et des nuits au gré des saisons, en réglant les rythmes circadiens, c'est-àdire les cycles de sommeil, les cycles hormonaux, etc. Or, d'après les récentes expériences réalisées sur les rats par Russel Reitcr, professeur de neuroendocrinologie au centre scientifique
de santé de l'université du Texas à San Antonio, les champs électromagnétiques auraient le même effet que la lumière : ils entraveraient la sécrétion de mélatonine, ce qui entraînerait une modification des rythmes biologiques, Cette diminution de la sécrétion de mélatonine pourrait être responsable de défaillances immunitaires, d'insomnies ou de changements d'humeur. Reitcr va plus loin : « Si, comme cela est suggéré, l'exposition aux champs électromagnétiques est associée à l'apparition de cancers, cela peut être la conséquence de la réduction de production de mélatonine ». Il faut se rendre à l'évidence : le soupçon que les ondes électromagnétiques sont capables de nuire à la santé se renforce au fil des enquêtes et des expérimentations, Didier Dubrana
( I ) Magne/if ficld ami cant'ff ni-ar .Vim/n/r high Stockholm. IW2.
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Légendes des illustrations (non reproduites)
Seront-ils malades demain f C'est en (oui cas ce que craignent les habitants de Coutiches, petil village du Nord qui vit sous un treillis de lignes à haute tension. 1:I)F s'est engagée à mettre sur pied un suivi médical des 65 familles les plus concernées, A ce jmir. aucune prise tic sang n'a encore été faite... Maléfiques, les baguettes de la fée Electricité 1 Sous une ligne à très haute tension, le champ électrique est tellement élevé qu'il génère une différence de potentiel entre la ligne et le sol suffisante pour allumer un tube à néon tenu à bout de bras - comme l'ont vérifie les habitants du village de Borrowby. dans le Yorkshire «.irandcFïrclagnc). À Cmitichcs, on vit en permanence sous un tel champ.
ltin-\,
(2) FkxJerus B.. Onii/'alitinol ev/w.ture ll> flec~ triimagnetic /ields in relaliiin ta leiikcmia arul hmin lumnrs. Départirent nf Ncwonicdccine, National Insiitulc of Occupât ion al Health. Solna, Sweden, I992.
l :i tension moine Sur 26 sites accueillant des lignes de haute ou très haute tension, des associations de protection de l'environnement accusent LDF de « détruire le paysage » (pylônes verts sur la carte) ou de mettre en péril la santé des habitants (pylônes rouges).
(3) Voir .ScKror.s .. Bioctectmmagneiwa. vol. 4. p. 303-313. 1983. (5J Gain CD. fiai. « Efforts nf M) M? fiekls im ornithinc dccarhoxyfase aclivily in hone cclls and fibroblasls », Cnniractor'x Review Mi't'ling. DOE/EPKI, Dcnver. novembre I9K6.
Un métier à risques Les travailleurs de l'électricité sont-ils particulièrement exposes aux risques de cancer '? Une enquête cpidémiologique, réalisée par EDF et deux compagnies d'électricité canadiennes, devrait répondre à cette qucsiion. Mais sa publication, annoncée pour 1991, a déjà été rcpoussée à juin 1993...
O Science & Vie, 1993
Les champs des lignes Lorsqu'un courant électrique passe dans un fil, il produit un champ électrique cl un
champ magnétique. L'association de ces deux champs orthogonaux crée ce que l'on appelle un champ électromagnétique. Unfin, le passage du courant génère un « effet couronne ». Le champ électrique naît de l'écart de potentiel entre le conducteur et le milieu environnant. Ce champ est proportionnel à la tension de la ligne. Il s'exprime en volts par mètre. Son intensité au sol dépend principalement de la tension et de la hauteur de la ligne. Il est modifie par n'importe quel objet conducteur, de la végétation aux bâtiments en passant par les accidents de terrain. Le champ magnétique apparaît lors du passage du courant dans un conducteur. H dépend de l'intensité de ce courant et de la distance au conducteur. L'induction magnétique lice au champ qui traverse un milieu de perméabilité donnée s'exprime habituellement en gauss ou en lesla (un tcsla égale 104 gauss). Mais l'unité légale d'intensité de champ magnétique dans le système international est l'ampère par mètre. Le champ magnétique traverse sans être modifié tous les corps organiques (bois, feuille, peau, etc.), une grande partie des roches (pierre, brique, ciment, de.) et la plupart des métaux. En revanche, il est modifié par les métaux dit ferromagnétiques (fer, nickel, cobalt) et par beaucoup de leurs alliages (aciers simples, aciers inox, céramiques dites ferrites, etc.). L'effet couronne est dû à un faible passage du courant à travers l'air, qui s'ionise sous l'action du champ électrique exisiant entre deux fils d'une ligne à haute tension. Ce passage s'accompagne d'une luminescence de l'air, qui peut, alors, s'étaler en trails lumineux ramifiés. Ces derniers sont responsables du bruit de friture caractéristique des lignes à haute tension.
ANNEXE 2 CORRIGÉS DES EXERCICES
CHAPITRE 1
Exercice n° 1 : Résumé de l'article « Les effets violents de la télévision »
La correction en sera faite au fur et à mesure de l'utilisation de ce texte dans différents chapitres.
CHAPITRE 2
Exercice n° 3 : Caractéristiques d'un document
Questions concernant la revue : •Quelle est son ancienneté? Fondée en 1932, donc durable et stable puisqu'elle en est, en 1994, à son cinquième directeur en soixante-deux ans. • Quelle est sa périodicité ? On peut supposer une périodicité mensuelle, à partir de la date indiquée : juillet 1994. • Quel est son financement ? Impossible à déduire des éléments en présence. • Quelle est son origine éditoriale ? L'adresse dit peu ; on peut toutefois évacuer des éditeurs officiels (ministère, municipalité...). • Quelle est son orientation ? Le nom d'Emmanuel Meunier devrait mettre sur la piste du mouvement personnaliste...
ANNEXE 2 - CORRIGÉS DES EXERCICES
ANNEXE 2 - CORRIGÉS DES EXERCICES
L'ancienneté, l'importance du comité de rédaction, quelques noms peut-être reconnus par d'anciens étudiants (D. Bourg, P. Lévy), des lecteurs du Monde ou des auditeurs de France-Culture (B. Perret, V. Nahoum-Grappe, G. Vigarello, M. Lazar, J.-P.Domecq, etc.), la périodicité mensuelle, le nombre de références bibliographiques font pencher pour une revue d'étude et de recherche, plutôt orientée vers les sciences humaines.
Naturellement, on ne peut jamais faire une confiance totale aux auteurs... Il ne s'agit pas de dire ici que ce chapitre comporte automatiquement 4 parties, mais que le survol n'est plus linéaire mais actif, et que l'analyste se met en position de questionnement. Un texte ne répond que si on l'interroge (cf. chapitre 111).
Questions concernant l'auteur : « Qui est fauteur ? » • Elle ne fait pas partie du comité de rédaction.
CHAPITRE 3
• Quatre références (sur 17) sont signées de son nom; la plus ancienne date de 1981. • Elle a participé à un colloque (réf. n° 2) sur la petite enfance.
Exercice n° 6 : Les textes et leurs caractéristiques
Cette étude des caractéristiques fait pencher la balance pour la sélection de l'article. C'est une première façon de valider l'information, avant même d'avoir pris connaissance du contenu.
6.1. Extrait de Roger Caillots : type descriptif, éventuellement explicatif ou didactique. Certaines expressions — « le caractère qui le discrédite le plus », « distraction vaine » — peuvent induire une autre orientation et servir d'arguments pour juger ce texte problématique. Ceux-ci s'effacent dès que l'on se trouve devant un texte véritablement problématique.
Exercice n° 5 : Repérage visuel à l'aide des signes typographiques
6.2. Extraits des discours de Maurice Barrés et d'Aristide Briand : ces deux textes sont de type polémique. Le choix est révélateur des options personnelles : si un texte est jugé polémique, l'autre est alors purement explicatif... C'est un bon miroir de la lecture
On peut donc la considérer comme ayant déjà traité et étudié le sujet. Un auteur confirmé écrivant dans une revue d'étude laisse penser que l'article n'avance pas d'idées non argumentées.
subjective. Quatre points d'interrogation devant être immédiatement vus permettent de poser des hypothèses de contenu. La lecture documentaire est sous-tendue par une recherche de ces quatre parties. La rapidité est essentielle pour donner à cet exercice son impact. À nouveau, il s'agit de regarder et non pas de lire. La façon de faire habituelle va rendre hésitants les lecteurs chercheurs de sens, alors que l'habitude du repérage visuel permet, d'un seul regard, de partir à la recherche de ces quatre parties, en rendant le survol dynamique.
6.3. Extrait de Samivel : de type problématique (ou argumentatif pour qui connaît l'auteur). Si le choix a été « polémique », cela signifie que ce texte a servi d'exutoire aux textes précédents ! 6.4. Le texte de L. Lurcat est de type problématique. Cet exercice a pour but d'insister sur la différence entre textes descriptif et problématique, sachant que ce dernier engage le lecteur de façon personnelle. Le reconnaître permet de se'mettre en éveil vis-à-vis de soi-même, première étape de la lutte contre la subjectivité.
ANNEXE 2 - CORRIGÉS DES EXERCICES
Exercice n° 7 : Lecture documentaire d'un article 7. /. « Les effets violents de la télévision » Par repérage visuel, on a déjà remarqué le sous-titre et les orientations de l'auteur à travers les références bibliographiques (cf. exercice du chapitre n). Les deux premières phrases du 1Fr paragraphe introduisent tout de suite l'idée : télévision = images = illusion du monde. Les deux dernières complètent l'idée paradoxale : illusion pour les téléspectateurs de se rapprocher de la réalité, alors qu'ils en sont séparés, coupés.
ANNEXE 2 - CORRIGÉS DES EXERCICES
Le 3r paragraphe rappelle l'exercice sur la ponctuation. Il y a 4 points d'interrogation : il reste à vérifier si les réponses sont données dans le corps de l'article. Même si Pour la Science est une excellente revue de vulgarisation scientifique, son objectif est davantage grand public que la revue Esprit, d'où l'accroche des paragraphes initiaux qui, indéniablement, mettent rapidement le lecteur sur la voie de ou des idées directrices (l'article entier sert d'exercice au cours du chapitre vu).
Le 2F paragraphe est une illustration par une citation. Le 3e paragraphe apporte une idée supplémentaire : habitude de croire, plutôt que d'analyser et chercher à comprendre. La densité du texte laisse supposer qu'il faudra lire aussi le 4* paragraphe pour délimiter vraiment le propos de l'auteur ; mais en feuilletant, on verra qu'il y a trois sous-titres et qu'en particulier la deuxième partie courte (« Effets mimétiques et actes suggérés ») peut être éventuellement une partie de transition ; en lisant rapidement, on découvre alors que ce paragraphe central est le pivot de l'article : « On peut comprendre l'action de la télévision avec les éléments dont nous disposons à présent : premièrement... deuxièmement... troisièmement... » On verra plus tard comment aller encore plus loin dans la structuration de cet article, et comment, par la lecture des 3 ou 4 premiers paragraphes, on devine déjà comment lire de façon documentaire — ce texte en vue de l'analyser. 7.2. « Les droits d'auteur des œuvres numériques » Le 1er paragraphe raconte une histoire sur une « belle histoire ». Le 2* paragraphe fait de même à propos d'une moins belle histoire. Ces deux premiers paragraphes d'illustration posent le problème des droits d'auteur appliqués aux œuvres numériques : ils développent le titre en mettant immédiatement le lecteur dans le sujet.
EXERCICE N° 8 : LECTURE DOCUMENTAIRE DE MONOGRAPHIES
8.1 Premier extrait : Titre : Gros temps sur la planète Auteurs : Ce que nous dit la 4e page de couverture : Jean-Claude Duplessy Géochimiste, dirige un laboratoire mixte du CNRS et du CEA à G if-sur-Yvette dont les recherches en paléoclimatologie font mondialement autorité. Pierre Morel Professeur à l'université Pierre-et-MarieCurie de Paris, fondateur du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS) et secrétaire du Programme mondial de recherche sur le climat. Éditeurs : Odile Jacob et Seuil Date : 1990 Collection : « Points », série Odile Jacob L'affiliation des auteurs, la notoriété de l'éditeur et le sérieux habituel de la collection contredisent le caractère fantaisiste du titre ; cela nous engage à aller plus loin et à regarder la table des matières ; les 9 chapitres sont entièrement consacrés à l'étude du climat et de son environnement.
ANNEXE 2 - CORRIGÉS DES EXERCICES
Le domaine étant défini, déjà induit par la personnalité des auteurs, l'avant-propos composé de 6 paragraphes introduit le contenu et expose les intentions des auteurs : 1" et 2* § : contexte du sujet : quelle représentation est donnée, dans l'histoire et par les médias, de la dégradation de l'environnement ? 3e, 4e et 5e § : amorce du contenu : place de la recherche scientifique face à ces propos 6e § : intentions des auteurs : les quatre dernières lignes, auxquelles on pourra ajouter les termes scientifiques de la table des matières, forment déjà un résumé documentaire possible pour cet ouvrage. 8.2. Deuxième extrait : Titre : Le grand remue-ménage Sous-titre : La crise de la famille Auteur : Evelyne Sullerot Éditeur : Fayard Date: 1997 Même si l'on n'a pas la 4* page de couverture sous les yeux, on peut prendre connaissance de fa bibliographie de l'auteur, presque entièrement consacrée à la sociologie de la femme, puis de la famille. Le titre est une accroche sans aucun contenu informatif précis, mais le sous-titre indique que ce « remue-ménage » s'applique à la famille. La table des matières, apparemment complète, est en fait décevante si l'on cherche la logique de l'auteur ; trop détaillée, trop linéaire, elle n'aide pas à avoir un regard global sur l'ensemble. If faut donc lire l'avant-propos et en comparer la progression avec celle de la table des matières. Ce texte sera repris au chapitre iv, pour en étudier la structuration.
ANNEXE 2 - CORRIGÉS DES EXERCICES
8.3 Troisième extrait Titre : La Méditerranée Sous-titre : L'espace et l'histoire Auteur et éditeur scientifique : Fernand Braudel Éditeur : Flammarion Date : 1985 Collection : « Champs » Les noms de Fernand Braudel et Georges Duby suffisent à situer le niveau du texte et le domaine dans lequel il s'inscrit. Le titre indique la Méditerranée à la fois dans son espace et son histoire. Le sommaire est aussi concis que celui de l'ouvrage précédent était prolixe. Il faut donc lire l'avant-propos pour en savoir plus. Dès le 2e paragraphe, l'auteur annonce son intention : « ce que nous avons voulu tenter... ». Mais l'obstacle tient à la forme poétique, presque narrative, de ce texte pourtant lourd d'intentions. Les illustrations-exemples sont enchevêtrés avec les caractères purement informatifs. Ce texte est sûrement le plus long à appréhender des trois, même si son thème peut sembler le plus attirant.
CHAPITRE 4
Exercice n° 9 : Structuration de textes et recherche de plans Bien que les textes soient tous deux de type problématique, il est proposé une application de la grille problématique pour la monographie et une application de la grille descriptive pour l'article. Plus que de corrections, il convient de parler de propositions de structuration. En effet, toutes les divergences sont acceptables, dans la mesure où l'on retrouve le même fil conducteur et les mêmes grandes unités d'information — ou idées directrices. 9.1 « Le grand remue-ménage » et 9.2 « Les effets violents de la télévision » : voir pages suivantes.
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION : ON POSE UN PROBLÈME
Que nous soyons partisans de « la famille » au singulier ou Je nouvelles formes plurielles » des séquences de vie privée pour le manage ou pour l'union libre, nous sommes tous nés d'un père et d'une mère et la plupart d'entre nous ont ou auront des enfants. Nous snmrn^ tous in^rin dans la rh^ ^, Sénémlions qui se sont succédé durant ce dernier demi-siècle Nous avons tous subi et nous avons tous fait l'histoire récente ; la famdle en France. Nous ne sommes eepenHant r»< #**. £Qrd sur ce que représente la famille ici ei maintint à l'aube du xxie siècle.
• Constat
La famille est-elle, comme tendent à le prouver de très nombreux sondages, la ) cite lui aussi les chiffres du KBI. Entre 1951 et 1981, on note les augmentations suivantes observées chez les moins de quinze ans : arrestations pour meurtre. 500 % ; vols à main armée, I 750 % ; viols, 4 000 %. 17. La télévision exerce un effet de fascination sur les jeunes enfants qui d'ordinaire sont actifs cl. remuants. Elle les immobilise et ils demeurent captés par elle. L'immobilisation favorise l'imprégnation par ce qui est regardé régulièrement. L'imprégnation est un mode puissant d'apprentissage opérant surtout dans les premières années de la vie, mais aussi dans toute situation où il n'est jas nécessaire de savoir qu'on apprend. La personne apprend sans le savoir, ni par conséquent sans savoir ce qu'elle apprend. La violence de la situâtkjrj[télévisuelle se manifeste dans cette sorte de capture de ccluLJjuj regarde et qui ne peut se détacher sans cl ton l'ar la '-eulu réception, i l s'imprègne alors de thèses auxquelles il n'adhérerait pas nécessairement de manière volontaire. La télévision crée un état de réceptivité psychique spéciale par sa nature et par son prestige. Son action s'apparente à une suggestion
16. J. Mi:yriiwit7. l'I-lnfanl uilutie cl l'iirlullc ,-n/tini /.il III\H>II i A \s à l'i-n- ,li- lu ick-vi\um. in /r /Vi.\Mfl \im awnir. A"ivui\ la tradition cl l'i'itM'iVtit'metti. ccrm1 IL- Tcnt/iM tic lu réflexion,
15. M. Winn. Tl-'Drogue. Fleurus. 1979.
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