Analecta Bollandiana - Volume 131, Issue 2 - 2013.pdf

May 9, 2017 | Author: Noui Testamenti Lector | Category: N/A
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ANALECTA BOLLANDIANA

ANALECTA BOLLANDIANA The Journal is published twice a year (in June and December) in issues of 240 pages each.

La Revue paraît deux fois par an (en juin et en décembre); chaque livraison compte 240 pages.

Volume 132 (2014) Subscription Print only

REVUE CRITIQUE D’HAGIOGRAPHIE A JOURNAL OF CRITICAL HAGIOGRAPHY

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110 € Société des Bollandistes Sales Office Boulevard Saint-Michel 24 B – 1040 Bruxelles (Belgium) Tel.: +32 2 740 24 21 – Fax: + 32 2 740 24 24 [email protected] | www.bollandistes.be Payment by bank transfer in EUR to the account of Société des Bollandistes Ɣ ING Bank – Cours Saint-Michel 40 B – 1040 Bruxelles BIC BBRUBEBB – IBAN: BE40 3100 7396 9963 Ɣ CCP (Postgiro account) 13 106 44 H LILLE (France) BIC PSSTFRPPLIL – IBAN: FR32 2004 1010 0513 1064 4H02 677 Ɣ by credit card (Visa, Mastercard)

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2013 — ANALECTA BOLLANDIANA. — T. 131-II

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PUBLIÉE PAR LA EDITED BY THE

SOCIÉTÉ DES BOLLANDISTES

TOME 131 II - Décembre 2013

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BOLLANDISTES

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Analecta Bollandiana: vol. 1 (1882) – 127 (2009)

SOMMAIRE / CONTENTS

Each annual volume (2 issues): 110 € 25 € + shipping Sergey KIM. Une homélie inédite sur la décollation de Jean-Baptiste attribuée à Jean Chrysostome.

Minimum purchase of 4 volumes

Introduction, édition et traduction d’après le ms. Ochrid, Musée National, Inv. 1 (Mošin gr. 72) . . . . . . . . . . . . . 241

Xavier LEQUEUX. La Passion grecque (BHG 2245) inédite de Mamelchta, mystérieuse martyre en Perse . . . . . . . . . 268 Andrey VINOGRADOV. Saint Parasceve of Iconium and Her «Lost» Greek Acts . . . . . . . . . . . . . . . 276

– Just published – SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 93

Dirk KRAUSMÜLLER. The Vitae B, C and A of Theodore the Stoudite.

Introd., éd. critique et trad. française par Jacques DALARUN

Their Interrelation, Dates, Authors and Significance for the History of the Stoudios Monastery in the Tenth Century . . . . . . . . 280

Éric DELAISSÉ – Fabienne ARBOIT. La Vie de Pierre, convers de Villers-en-Brabant au XIIIe siècle. Édition critique et traduction . . . . . . . . . . . 299

€ 65*

2013, 278 p. Standing order for the Collection: 10 % discount

Jean-Loup LEMAITRE. L’édition du martyrologe d’Usuard publiée à Cologne en 1515 et en 1521 par Johann Landen . . . . . 375

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 92 François DOLBEAU

Bernard JOASSART. Documents sur la fin du Musée bollandien et du Musée Bellarmin / Historique . . . . . . . . . . 403

Prophètes, apôtres et disciples dans les traditions chrétiennes d’Occident

Bernard JOASSART. Paul Peeters au Liban. .

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. 423

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En marge de la Bibliotheca hagiographica orientalis

Vies brèves et listes en latin 2012, XVI-437 p.

Bulletin des publications hagiographiques Publications reçues

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. 429 . 463

Index Sanctorum .

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Index operum recensitorum .

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Table des matières – Table of Contents

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Du même auteur: Sanctorum societas. Récits latins de sainteté (IIIe-XIIe s.) € 120*

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Vie et miracles de Bérard évêque des Marses (1080-1130)

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De Constantinople à Athènes. Louis Petit et les Bollandistes Résumés – Summaries: 267, 275, 279, 298, 313, 400

Correspondance d’un archevêque savant (1902-1926) Présentation, édition et commentaire par Bernard JOASSART

Ce numéro a paru le 30 décembre 2013 ISSN 0003-2468

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2010, 183 p. Standing order for the Collection: 10 % discount

* Excluding postage and VAT

* TVA et frais de port en sus

REVUE SUBVENTIONNÉE PAR LA FONDATION UNIVERSITAIRE

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29/01/14 10:49

Sergey KIM UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR LA DÉCOLLATION DE JEAN-BAPTISTE ATTRIBUÉE À JEAN CHRYSOSTOME Introduction, édition et traduction d’après le ms. Ochrid, Musée National, Inv. 1 (Mošin gr. 72)* Alors que je feuilletais le microfilm du manuscrit grec no 72 du Musée National d’Ochrid (auj. en République de Macédoine), une homélie sur la décollation de saint Jean-Baptiste, attribuée à Jean Chrysostome, attira mon attention. En effet, le texte n’est pas signalé dans le catalogue de Mošin1. Comme l’incipit de cette composition semble être ignoré des instruments mis à la disposition de ceux qui s’intéressent à la patrologie et aux textes hagiographiques2, j’ai donc décidé de publier le texte. Cette découverte illustre une fois de plus la richesse de ce fonds de manuscrits, déjà si bien mise en valeur par le Père Halkin au siècle dernier3. I. Le manuscrit L’examen des filigranes de ce codex, actuellement constitué de 339 feuillets de papier (22,5 × 13 cm), permit à Mošin de dater l’épais volume

* Je tiens à remercier le Père Alexis Dumond, Mme Émilie van Taack et d’autres amis pour le temps qu’ils ont sacrifié à la relecture de ces pages. 1

V. MOŠIN, Ракописи на народниот музеј во Охрид. Зборник на трудови / Les manuscrits du Musée national d’Ochrida. Recueil de travaux. Édition spéciale publiée à l’occasion du Xe anniversaire de la fondation du Musée et dédiée au XIIe Congrès international des études byzantines, Ohrid, 1961, p. 228. Il est vrai que le célèbre paléographe n’avait disposé que d’un seul mois passé sur place, pour rédiger son catalogue, d’après F. Halkin (Les manuscrits grecs d’Ochrida, in Byzantion, 31 [1961], p. 574). 2

La pièce, absente de la CPG et de la BHG, n’est pas recensée dans J. A. DE ALDAMA, Repertorium pseudochrysostomicum (= Documents, études et répertoires publiés par l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, 10), Paris, 1965. 3

Le P. Halkin profita de la tenue du XIIe Congrès international des études byzantines à Ochrid, en septembre 1961, pour examiner une douzaine de manuscrits hagiographiques: il publia les résultats de son enquête dans Manuscrits byzantins d’Ochrida en Macédoine yougoslave, in AB, 80 (1962), p. 5-21 (mss 4 [Mošin 76], 6 [77], 18 [82], 26 [80], 28 [79], 29 [83], 44 [70], 45 [78], 50 [71], 56 [81], 57 [51], 82 [89] et 89 [39); voir aussi P. C ANART, Apophtegmes et récits monastiques dans le ms. 33 d’Ochrida, ibid., p. 22-32. De ces manuscrits, le bollandiste tira également l’editio princeps de plusieurs textes: Inédits byzantins d’Ochrida, Candie et Moscou (= Subs. hag., 38), Bruxelles, 1963 (textes n° 1 [BHG 766m], 2 [BHG 1574a], 3 [BHG 3z], 4 [BHG 1128k], 5 [BHG 2361], 6 [BHG 1751b], 7 [BHG 848d], 8 [BHG 1577d], 9 [BHG 129d + 126], 10 [BHG 1288e] et 11 [BHG 2641b]).

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 241-267.

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des années 1365-13674 et d’assigner par conséquent à la même époque l’écriture, que le catalographe qualifia de «négligée»5. La présence de la Passion du martyr Démétrius (BHG 497; pièce 36), le seul saint local repris dans le recueil, incline à penser que le codex pourrait provenir des régions où le culte du saint fut prospère: Thessalonique, Constantinople, la Macédoine ou encore la Bulgarie. Le manuscrit 72 d’Ochrid est un recueil d’homélies, couvrant toute l’année liturgique: il débute par la fête de l’Hypapante, se poursuit par le cycle mobile (I. 1.), auquel succèdent les fêtes fixes jusqu’à la Nativité de Jésus-Christ (I. 2.). De ce fait, il est donc possible de rapprocher le codex des exemplaires regroupés par Ehrhard sous le Typus C des «Sammlungen für das ganze Kirchenjahr»6, où le cycle des fêtes fixes débute au mois d’août. Après la commémoraison de la Nativité du Christ, notre codex est agrémenté d’une sorte d’annexe (I. 3.), constituée des lectures doublant ou complétant certaines fêtes: le début du Carême, les apôtres Pierre et Paul, saint Démétrius, la Pentecôte, l’Exaltation de la Croix, les Rameaux et la Dormition. L’insertion des deux textes consacrés à la Dormition de la Vierge Marie (BHG 1047-1048 et 1114) en fin de recueil, malgré la présence de pièces spécifiques pour le 15 août, peut s’expliquer par le fait que le scribe, pour compléter sa sélection, aurait eu recours aux recueils du Typus A (septembre-août)7, auxquels il aurait emprunté les lectures prévues pour la fête de la Dormition. Le texte du pseudo-Hippolyte de Rome sur la fin du monde, habituellement retenu pour le dimanche du Jugement dernier avant le Carême, vient clôturer de manière symbolique le recueil d’homélies. Nous avons cru faire œuvre utile en dressant l’inventaire des pièces copiées dans le ms. d’Ochrid, d’autant plus que ce recueil n’avait pu être analysé par Ehrhard, qui connaissait pourtant l’existence du fonds8. Quelques remarques préliminaires: 4 MOŠIN, Manuscrits… (cf. supra, n. 1), p. 228. F. Uspenskij (Список рукописей, находящихся в библиотеке «Св. Климента» в Охриде», in Известия Русского Археологического Института в Константинополе, 6 [1900], p. 470) avait proposé les XIV-XVe s. 5

MOŠIN, Manuscrits…, p. 228.

6

A. EHRHARD, Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche…, 1. Teil, Bd. 1 (= Texte und Untersuchungen, 50), Leipzig, 1937, p. 218-234. 7

Comme, par ex.: Escorial gr. 261 (EHRHARD, Überlieferung und Bestand..., p. 159-163); Dublin, Trinity College gr. 185, E 3.35 (p. 163-167); Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie gr. 94 (p. 169-174). 8

EHRHARD, Überlieferung und Bestand..., p. XLVI.

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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– Nous avons assigné un seul numéro à la pièce amalgamée 38 ainsi qu’au texte 40 bien que ce dernier comporte deux numéros BHG (1047 et 1048). – Présence de recensions divergentes des éditions disponibles: la pièce 34 présente une forme abrégée; le texte 38 agrège deux textes «éphrémiens»; la pièce 33 a les apparences d’un extrait; le texte 39 fournit pour CPG 4602 une nouvelle recension, inconnue jusqu’à présent. – Les numéros des pages 281-282 ont été omis lors d’une première pagination du manuscrit; à partir de la p. 282, la pagination a été redoublée avec les bons numéros mis dans l’angle droit en haut de chaque page paire; le décalage de deux pages reste stable jusqu’à la fin du manuscrit; la pagination fautive est mise entre crochets (par ex., p. 284 [282]). Entre les p. 418 [416] et 419 [417], on constate la perte d’un feuillet contenant la fin du texte 31 et le début du texte 32. Entre les p. 476 [474] et 477 [475], quatre ou cinq feuillets furent arrachés, emportant la fin du texte 35 et le début du texte 36. – Pour certaines lectures, les indications du mois et du jour sont données en haut de page; nous les reproduisons entre crochets obliques < >. I. 1. Cycle mobile 1) P. 3-11. Ps.-Jean Chrysostome, De occursu Domini, de Deipara et Symeone (CPG 4523; BHG 1925: PG 50, 809-812). Inc. mutilé: …] νόμῳ Κυρίου, οὐχ ὅτι καὶ νόμος Μωυσέως οὐκ ἦν νόμος Κυρίου. Des.: τέλος τῆς πλάνης, ἀρχὴ δὲ βραβείων… 2) P. 11-19. Ps.-Jean Chrysostome, In publicanum et pharisaeum (CPG 4716 [c]: SAVILE 5, 261-264). Inc.: Ἄνθρωποι δύο ἀνέβησαν εἰς τὸ ἱερὸν προσεύξασθαι. Des.: Καὶ τῶν μελλόντων ἀγαθῶν ἐπιτευξόμεθα… 3) P. 19-36. Ps.-Jean Chrysostome, In parabolam de filio prodigo (CPG 4577: PG 59, 515-522). Inc.: Ἀεὶ μὲν τὴν Θεοῦ φιλανθρωπίαν κηρύττειν ὀφείλομεν. Des.: Εὐλογημένος ὁ ἐρχόμενος ἐν ὀνόματι Κυρίου… 4) P. 36-41. Ps.-Jean Chrysostome (ou Léonce de Constantinople ?), In psalmum 92 (CPG 4548 [c] vel CPG 7900 [5]; BHG 25q: PG 55, 611-616). Inc.: Ἠκούσαμεν ἀρτίως, ἀγαπητοί, τῆς θείας γραφῆς. Des.: Ἀλλ’ὅτι ἡ ἁγία Παρθένος τὸν Κύριον ἡμῶν Ἰησοῦν Χριστὸν ἐκυοφόρησεν… 5) P. 41-61. Nectarius de Constantinople, In S. Theodorum (CPG 4300; BHG 1768 [a]: PG 39, 1821-1840). Inc.: Ὡς πολὺ τὸ πλῆθος τῆς χρηστότητός σου Κύριε. Des.: Καὶ τῶν ἐκείθεν ἀγαθῶν ἐπιτύχωμεν… 6) P. 62-70. Ps.-Jean Chrysostome (ms.: Léonce prêtre de Jérusalem), De ieiunio (CPG 4662: PG 61, 787-790). Inc.: Σάλπιγγος ὑψηλοτέραν τὴν φωνὴν ἀνυψῶν. Des.: Ἀγαλλιώμενοι τοῖς προσδοκουμένοις καλοῖς…

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7) P. 70-78. Ps.-Jean Chrysostome, De ieiunio et eleemosyna (CPG 4502: PG 48, 1059-1062). Inc.: Καλὴ ἡ νηστεία, καλὴ δὲ ἡ τῶν γραφῶν ἀνάγνωσις. Des.: Ποιήσωμεν ἐλεημοσύνην ἵνα καὶ τοῦ νυμφῶνος ἐπιτύχωμεν… 8) P. 78-88. Léon, prêtre de Jérusalem, In parabolam Samaritani (CPG 7911 [olim 4674]: PG 62, 755-758). Inc.: Ἠκούσαμεν ἀρτίως, ἀγαπητοί, ἐν τῷ εὐαγγελίῳ. Des.: Καὶ ἀπολαῦσαι τοῖς ἐν οὐρανοῖς ἀγαθοῖς… 9) P. 88-99. Ps.-Jean Chrysostome, De confessione Crucis (recensio brevior) (CPG 4540; BHG 449b: PG 52, 841-844). Inc.: Τοῦτό ἐστιν, ἀδελφοί, τὸ σημεῖον. Des.: Κἂν ὅτι οὖν παθεῖν, πάντα φέρωμεν εὐκόλως… 10) P. 99-118. Miraculum de ἀκαθίστῳ (BHG 1060: PG 92, 1353-1372). Inc.: Ἐν τοῖς χρόνοις Ἡρακλεῖου τοῦ βασιλέως. Des.: Ἐὰν γὰρ περὶ τοῖς φθάσασιν εὐχάριστοι γενώμεθα… 11) P. 118-126. Ps.-Jean Chrysostome, In annuntiationem Deiparae (CPG 4519; BHG 1128f: PG 50, 791-796 [PG 10, 1172-1177]). Inc.: Πάλιν χαρᾶς εὐαγγέλια. Des.: Τοῖς πολεμουμένοις ἡ κραταιὰ τῆς ἀγάπης σκέπη… 12) P. 127-171. Sophrone de Jérusalem, Vita Mariae Aegyptiacae (CPG 7675; BHG 1042: PG 87 [3], 3697-3726). Inc.: Μυστήριον βασιλέως κρύπτειν καλόν. Des.: Μαρίας ταύτης τῆς μακαρίας περὶ ἧς ἡ διήγησις… 13) P. 172-182. Jean Chrysostome, In Lazarum (CPG 4322; BHG 2224: PG 48, 779-784). Inc.: Σήμερον ἐκ νεκρῶν ἐγειρόμενος Λάζαρος. Des.: Καὶ Χριστὸς ἐστὶν ὁ κατ’εὐδοκίαν τοῦ Πατρὸς παραγινόμενος… 14) P. 182-193. Ps.-Épiphane, In ramos palmarum (CPG 3767: PG 43, 428-437). Inc.: Χαῖρε σφόδρα θύγατερ Σιών, τέρπου καὶ ἀγάλλου. Des.: Οὗτος φωστῆρας ἐφώτισεν… 15) P. 193-202. Sévérien de Gabala (ms.: Jean Chrysostome), De lotione pedum (recensio brevior) (CPG 4216: ed. A. WENGER, Une homélie inédite de Sévérien de Gabala sur le lavement des pieds, in Revue des Études Byzantines, 25 [1967], p. 219-234). Inc.: Ἔλεον Θεοῦ καὶ φιλανθρωπίαν κηρύττειν ὀφείλομεν. Des.: Λάμψασα τοίνυν τοῦ σταυροῦ ἡ χάρις… – Le ms. d’Ochrida donne des variantes précieuses pour cette homélie. 16) P. 202-207. Ps.-Jean Chrysostome, In proditionem Iudae (CPG 4635; BHG 444k: PG 61, 687-690). Inc.: Στυγνὴν τὴν ἐκκλησίαν ὁρῶ. Des.: Καὶ εἰς ᾌδην Ἰούδας πορεύεται… 17) P. 207-210. Proclus de Constantinople (ms.: Jean Chrysostome), Homilia 10, in feriam quintam (CPG 5809; ΒΗG 418f: PG 65, 777-781). Inc.: Ἐπέστη τῶν ἱερῶν μυστηρίων ἡ πανήγυρις. Des.: Σὺ εἰ ὁ Χριστὸς ὁ υἱὸς τοῦ Θεοῦ τοῦ ζῶντος... 18) P. 210-238. Ps.-Épiphane, Homilia in divini corporis sepulturam (CPG 3768; BHG 808e: PG 43, 440-464). Inc.: Τί τοῦτο σήμερον σιγὴ πολλὴ ἐν τῇ γῇ. Des.: Τὸν ἡμᾶς ἐκ τῆς φθορᾶς Χριστὸν ἀναστήσαντα… 19) P. 239-244. Grégoire de Nazianze. Sermo 1, in sanctum Pascha (CPG 3010 [1]: ed. J. BERNARDI [= Sources Chrétiennes, 247], Paris, 1978, p. 72-83). Inc.: Ἀναστάσεως ἡμέρα καὶ ἡ ἀρχὴ δεξιά. Des.: Πόῤῥω καὶ νεμομένους καὶ νέμοντας ἓν εἶναι ἐν Χριστῷ Ἰησοῦ…

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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20) P. 244-247. Ps.-Jean Chrysostome, In ascensionem Christi (CPG 4737: ed. C. BAUR, Drei unedierte Festpredigten aus der Zeit der nestorianischen Streitigkeiten, in Traditio, 9 [1953], p. 122-124). Inc.: Εὐφραινέσθωσαν oἱ οὐρανοί. Des.: Καὶ τὸν προφητευόμενον Χριστὸν ἀγνοήσαντες…

I. 2. Cycle fixe 21) P. 248-265. Ps.-Jean Chrysostome (ou Léonce de Constantinople ?), In natale Iohannis Baptistae (CPG 4656; BHG 848: PG 61, 757-762). Inc.: Εὔκαιρος ἡμέρα, αἰσία ἑορτή, πάνδημος χαρά. Des.: Εἰ μὴ τὸν νοητὸν γεωργὸν οὐκ ἠγνώριζες… 22) P. 265-273. Proclus de Constantinople (ms.: Jean Chrysostome), Homilia 8, in Transfigurationem (CPG 5807; BHG 1980: PG 65, 764772 = 61, 713-716). Inc.: Δεῦτε, φιλόχριστοι, καὶ τήμερον τῶν εὐαγγελικῶν ἀόκνως ἐφαψώμεθα θησαυρῶν. Des.: Ὡς ἀνεξερεύνητα τὰ κρίματα αὐτοῦ… 23) P. 274-283. Germain de Constantinople, Homilia 1 in dormitionem Deiparae (CPG 8010; BHG 1119: PG 98, 340-348). Inc.: Ὁ χρεωστῶν, πάντοτε τὸν ἴδιον εὐεργέτην. Des.: Πλησιοχώρως ὡς εἴποι τις τῶν σῶν λαλιῶν… 24) P. 284 [282]-287 [285]. André de Crète, Homilia 2 in dormitionem Deiparae (CPG 8182; BHG 1115: PG 97, 1072-1089). Inc.: Μυστήριον ἡ παροῦσα πανήγυρις. Des.: Οἷς τρανοῦσθαι ἡμῶν ἀεὶ διὰ παντῶς… 25) P. 287 [285]-297 [295]. Ps.-Jean Chrysostome, In saltationem Herodiadis et decollationem Iohannis Baptistae. Inc.: Ἰωάννης βοᾷ, καὶ τίς ἠρεμεῖν καρτερεῖ; Des.: Ποῦ γὰρ ἡ τῆς Σαμαρείας κόρη, ἡ ψευδώνυμος θεός… – Editée ci-dessous. 26) P. 298 [296]-313 [311]. André de Crète, Homilia 1 in nativitatem Deiparae (CPG 8170; BHG 1082: PG 97, 805-820). Inc.: Ἀρχὴ μὲν ἡμῖν ἑορτῶν ἡ παροῦσα πανήγυρις. Des.: Οὗτος ἐστὶ Χριστὸς Ἰησοῦς ὁ Ναζοραῖος… 27) P. 314 [312]-329 [327]. André de Crète, Homilia 1 in exaltationem Crucis (CPG 8179; BHG 443: PG 97, 1017-1036). Inc.: Σταυροῦ πανήγυριν ἄγομεν. Des.: Καὶ ποιῶν θαυμάσια, σὺ εἶ ὁ Θεὸς μόνος. 28) P. 329 [327]-340 [338]. Germain de Constantinople, Homilia 2 in praesentationem Deiparae (CPG 8008; BHG 1104: PG 98, 309320). Inc.: Ἰδοὺ καὶ πάλιν ἑτέρα ἑορτή. Des.: Ἡ τὴν τῶν ὅλων προσδοκίαν ὑπὲρ λόγον τεκοῦσα… 29) P. 340 [338]-386 [384]. Syméon Métaphraste, Vita sancti Nicolai (ms.: Νικολάου τοῦ μεγάλου) (BHG 1349: PG 116, 317-356). Inc.: Σοφόν τι χρῆμα ζωγράφου χεῖρ, καὶ δεινὴ μὲν μιμήσασθαι τὴν ἀλήθειαν. Des.: Καὶ τὴν προτέραν τιμὴν τῇ δευτέρᾳ διαδεξάμενον… 30) P. 386 [384]-400 [398]. «Ephraem Graecus» (ms.: Jean Chrysostome), In Abraham et Isaac (CPG 3954; BHG 2344: PG 56, 537-542). Inc.: Ἀποικίζει ὁ Θεὸς τὸν δίκαιον Ἀβραάμ. Des.: Καὶ ἀνῆλθεν ἐν δόξῃ πρὸς τὸν αὐτοῦ Πατέρα…

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31) P. 400 [398]-418 [416]. Grégoire de Nazianze, Oratio 38, in Theophania sive Natalitia Christi (CPG 3010 [38]; BHG 1921: ed. Cl. MORESCHINI [= Sources Chrétiennes, 358], Paris, 1990, p. 104-149). Inc.: Χριστὸς γεννᾶται, δοξάσατε, Χριστὸς ἐξ οὐρανῶν ἀπαντήσατε. Des. mut.: Μετὰ τοῦτο δίδαξον. – La fin est incomplète à cause de la disparition d’un feuillet. 32) P. 419 [417]-438 [436]. Grégoire de Nazianze, Oratio 39, in sancta lumina (CPG 3010 [39]; BHG 1938: ed. Cl. MORESCHINI, ibid., p. 150-197). Inc. mut.: ἀνδρόγυνος, καὶ χορὸς μεθυόντων. Des.: Ἧς νῦν μετρίως ὑποδέχεσθε…9

I. 3. Appendice 33) P. 438 [436]-458 [456]. Ps.-Jean Chrysostome, Sermo 3, in Genesim (CPG 4562: PG 56, 528-535). Inc.: Ἀκούσωμεν, ὦ φιλακροάμονες, τῆς ἱστορίας ἐξ ἀρχῆς. Des.: Ἐβλέψατε αὐτὸν ἀπέναντι τοῦ παραδείσου στυγνὸν καὶ κατηφῆ γεγονότα (= PG 56, 535). Ἀλλ’ἐνταῦθα τὸν λόγον καταλύσαντες, δοξάσωμεν Χριστὸν τὸν Θεὸν ἡμῶν, ὅτι αὐτῷ πρέπει ἡ δόξα, εἰς τοὺς αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμήν. – Le début de l’homélie étant omis, elle commence au paragraphe βˊ de l’édition imprimée (col. 528); la fin est aussi abrégée, de sorte que le texte se termine à la col. 535. 34) P. 459 [457]-475 [473]. Anastase le Sinaïte, In sextum Psalmum et in initium Quadragesimae (recensio 1) (CPG 7751 [1]: PG 89, 1077-1096C). Inc.: Πρέπουσα ἀρχὴ εἰλικρινοῦς μετανοίας τῶν νηστειῶν ἡ ἐν τῷ ἕκτῳ ψαλμῷ τοῦ ἁγίου Πνεύματος ὑπόθεσις. Des.: Ὅτι πᾶν (leg. ἐπ’ἂν) τὸ πέρας τῆς ζωῆς μου φθάσει, οὐδαμῶς τῷ Θεῷ ἐξομολογήσομαι (= PG 89, 1096C), ὅτι σοὶ πρέπει δόξα εἰς τοὺς αἰῶνας. Ἀμήν. – La fin est abrégée. 35) P. 475 [473]-476 [474]. Ps.-Jean Chrysostome, In Petrum et Paulum (CPG 4572; BHG 1497: PG 59, 491-496). Inc.: Οὐρανοῦ καὶ γῆς ἅμιλλαν ὁρῶ. Des. mutilé: Ἐβυθίζετο γὰρ ἡ δόξα τῶν Ἰουδαίων, καὶ διὰ τοῦ[το… – La fin est incomplète; quatre ou cinq feuillets ont été arrachés. 36) P. 477 [475]-484 [482]. Passio sancti Demetrii (BHG 497: PG 116, 1177A1184). Inc. mutilé: φυλαττόμενος, ὁρᾷ σκορπίον ἐκ τῆς γῆς ἐπα[νελ]θόντα πρὸς τὰς πόδας αὐτοῦ (= § 6: PG 116, 1177A). Des.: Τῆς ἁγίας καὶ καλλινίκου μάρτυρος Ἀναστασίας. Πολλά τε θαύματα καὶ ἰάσεις ἐποίησεν, ἔνθα διὰ τῆς ὀδοῦ τὸ ὄχημα καὶ τὰ ζῶα ἀνεπαύσαντο. Ἐμαρτύρησε δὲ ὁ ἅγιος μεγαλομάρτυς Δημήτριος μηνὶ ὀκτωβρίῳ εἰκοστῇ ἕκτῃ, βασιλεύοντος τοῦ Κυρίου ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ, αὐτῷ ἡ δόξα εἰς τοὺς αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμήν. – Début incomplet. 37) P. 484 [482]-505 [503]. Grégoire de Nazianze, Oratio 41, in Pentecosten (CPG 3010 [41]: ed. Cl. MORESCHINI [= Sources Chrétiennes, 358], p. 312-355). Inc.: Περὶ τῆς ἑορτῆς βραχέα φιλοσοφήσωμεν. Des.: Ἔνθα καὶ τοὺς λόγους τούτους… 38) P. 505 [503]-523 [521]. Texte composite: 9 On corrigera J. MOSSAY – B. COULIE, Repertorium nazianzenum. Orationes. Textus graecus. 6: Codices Aegypti, Bohemiae, Hispaniae, Italiae, Serbiae. Addenda et corrigenda (= Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums. N. F., 2. Reihe: Forschungen zu Gregor von Nazianz, 14), Paderborn, 1998, p. 276.

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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a) «Ephraem Graecus», In pretiosam Crucem (CPG 3948; BHG 431: ed. K. G. PHRANTZOLES, Ὁσίου Ἐφραίμ τοῦ Σύρου ἔργα, vol. 4, Thessalonique, 1992, p. 129-143). Inc.: Πᾶσα ἑορτὴ καὶ πᾶσα πρᾶξις τοῦ Κυρίου ἡμῶν. Le texte fourni par la BHG s’arrête à la page 519 [517], ligne 10 avec les mots: καὶ πᾶσα γλῶσσα ἐξομολογήσεται (PHRANTZOLES, p. 143, ligne 14). b) À partir de la page 519 [517], ligne 10, suit le texte: «Ephraem Graecus», In secundum adventum Domini (CPG 3944: ed. K. PHRANTZOLES, p. 16-46). Inc.: Τότε, φιλόχριστοι, πᾶσα ἡ ἀνθρωπότης ἱσταμένη… (p. 16, ligne 3). Des.: Ὅτι πάντες παραστησόμεθα τῷ βήματι τοῦ Χριστοῦ, ἵνα κομίσηται ἕκαστος τὰ ἴδια τοῦ σώματος, πρὸς ἃ ἔπραξεν, εἴτε ἀγαθὰ εἴτε φαῦλα (p. 20, lignes 6-8), ὅτι αὐτῷ πρέπει πᾶσα δόξα, τιμὴ καὶ προσκύνησις νῦν καὶ ἀεὶ καὶ εἰς τοὺς αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμήν. – Deux homélies amalgamées; la fin de la seconde se trouve abrégée. 39) P. 523 [521]-535 [533]. Ps.-Jean Chrysostome, In ramos palmarum (CPG 4602). Inc.: Ἐκ θαυμάτων ἐπὶ τὰ θαύματα τοῦ Κυρίου ἡμῶν βαδίσαντες. Des.: Καὶ ἡ ἀνάστασις φανερωθῆ… – Recension bien différente de PG 59, 703-708 (= PG 18, 384-397); inédite. 40a) P. 535 [533]-596 [594]. Syméon Métaphraste, Commentarius de vita, obitu et veste Deiparae (BHG 1047: ed. B. LATYŠEV, Menologii anonymi byzantini…, t. 2., Saint-Pétersbourg, 1912, p. 347-376). Inc.: Ἐχρῆν ὡς ἀληθῶς τὴν Παρθένον. Des.: Ἐφεξῆς παραπέμπουσιν. 40b) P. 596 [594]-611 [609], ligne 10. Syméon Métaphraste, Commentarius de vita, obitu et veste Deiparae (BHG 1048: ed. LATYŠEV, t. 2, p. 376-383). Inc.: Ἀλλὰ τῆς μὲν θεῖας ταφῆς. Des.: Εὐχαριστίᾳ δὲ μόνῃ τὸ πρᾶγμα δοτέον… 41) P. 611 [609]-640 [638]. Jean Damascène, Sermo 1 de dormitione Deiparae (CPG 8061; BHG 1114: ed. B. KOTTER, Die Schriften von Johannes von Damaskos, V [= Patristische Texte und Studien, 29], Berlin, 1988, p. 483-500). Inc.: «Μνήμη δικαίων μετ' ἐγκωμίων γίνεται», φησὶν ὁ σοφώτατος Σολομών. Des.: Σὺ δὲ ἐποπτεύεις ἡμᾶς, ἀγαθὴ δέσποινα… 42) P. 641 [639]-677 [675]. Ps.-Hippolyte de Rome (ms.: Ἱππολύτου πάπα Ρώμης), De consummatione mundi (CPG 1910; BHG 812z: ed. H. ACHELIS, Hippolytus Werke, I/2 (= Griechische Christliche Schriftsteller, 1), Leipzig, 1897, p. 289-303). Inc.: Ἐπειδὴ οἱ μακάριοι προφῆται ὀφθαλμοὶ ἡμῶν γεγόνασι. Des. mut.: τῆς ὄψεως τοῦ (= § 34: ed. ACHELIS, p. 303, ligne 17).

II. Le texte II. 1. Contenu Notre texte est une homélie exégétique, prononcée pour «la commémoration de Jean» (Ἰωάννου μνήμῃ, § 6); il emprunte le genre de l’encomion (ἐγκωμιαζέσθω, ἐπαινείσθω, § 2) pour faire l’éloge du saint, à l’occasion «des luttes célébrées aujourd’hui» (§ 20).

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Avant d’arriver au sujet de la fête, le prédicateur consacre à peu près un tiers de l’homélie (§§ 7-18) à l’histoire de la naissance de S. Jean rapportée par Luc (1, 5-80), en y appliquant une exégèse poétique, chargée d’antithèses et de métaphores10. La deuxième partie (§§ 20-43), soit les deux tiers de l’œuvre, raconte les péripéties du festin d’Hérode, d’après les récits de Matthieu (14, 3-11) et de Marc (6, 16-28), en soumettant chaque détail à une analyse de type éthique. Du point de vue stylistique, l’homélie est rythmée par des questions tantôt purement rhétoriques (§§ 1, 4, 16, 17, 32, 41 et 45), tantôt adressées aux personnages du récit évangélique11. Dans l’intervalle, le prédicateur laisse le Précurseur (§ 27) et la danseuse (§ 42) prononcer de petits monologues, et reproduit un court dialogue entre Hérodiade et cette dernière (§ 40), à l’image des «exégètes dramatiques» du Ve siècle qui, dans leurs compositions, donnaient la parole aux personnages du Nouveau Testament12. II. 2. Sources L’homélie XLVIII in Matthaeum, œuvre authentique de S. Jean Chrysostome13 (CPG 4424; BHG 853t), semble avoir inspiré l’auteur de notre homélie. En effet, la scène du diable dansant au milieu des convives invités par Hérode (§ 37) est présente chez Chrysostome: ὁ δι’ἐκείνης ὀρχησάμενος τότε διάβολος (PG 58, 493). La tournure ἡ τρόπαιον κατὰ σωφροσύνης στήσασα (§ 40) fait écho à la phrase τὸ τῶν δαιμόνων τρόπαιον ἐπὶ τῆς τραπέζης ἵστατο (ibid., 489). À deux reprises, notre homéliste fait allusion à deux maux causés par Hérodiade (§ 40 et 42); le sens de ces passages obscurs s’éclaire, lorsqu’on lit Chrysostome: διπλοῦν τὸ ἔγκλημα, καὶ ὅτι ὠρχήσατο, καὶ ὅτι ἤρεσε (ibid., 489). L’utilisation de l’homélie chrysostomienne fournit un évident terminus post quem à notre texte. 10

(«L’être d’en haut [sc. Gabriel] vient ici bas», § 10; «pas encore Jean, mais déjà prophète», § 15; «et c’était une course entre femmes de bien [sc. Elisabeth et Marie] !» § 9). 11 Τί οὖν τὸ βρέφος Ἰωάννης; (§ 15) – Τί οὖν ὁ ἄσβεστος λύχνος (sc. Ἰωάννης); (§ 27) – Τί οὖν ὁ Ἡρώδης; (§ 39) – Τί οὖν ἡ παῖς; (§ 40) – Καὶ τί λέγει (sc. ἡ κόρη); (§ 42). 12

Cf. J. KECSKEMÉTI, Doctrine et drame dans la prédication grecque, in Euphrosyne, 21 (1993), p. 29-68. 13 Cf. aussi le dossier chrysostomien sur la figure d’Hérodiade et sa fille, brièvement analysé dans l’ouvrage récent de C. BROC-SCHMEZER, Les figures féminines du Nouveau Testament dans l’œuvre de Jean Chrysostome (= Collection des Études augustiniennes. Série Antiquité, 185), Paris, 2010, p. 320-353.

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La littérature apocryphe constitue l’autre source de notre prédicateur. Le discours que Jean le Baptiste adresse à Hérode (§ 27) en développant le reproche sec des Évangiles sur l’illégitimité du mariage de ce dernier («il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère», Mt 6, 18), contient la phrase suivante: «Pourquoi enfreins-tu les lois en feignant de les suivre ?». Cette réprimande qui vise l’observance simulée de la Loi n’est compréhensible que si l’on tient compte des justifications habituellement prêtées à Hérode dans quelques Vies apocryphes de Jean. Ainsi dans le Martyre BHG 832, Hérode appuie son argumentation sur la loi mosaïque du lévirat, laquelle prescrit que la veuve épousera le frère (le lévir) de son mari si ce dernier meurt sans postérité; Jean met alors en garde son interlocuteur contre la manipulation de la Loi et l’accuse d’avoir empoisonné son frère14. Le Martyre BHG 833g évoque le même débat, mais c’est Hérodiade qui empoisonne son premier mari à l’instigation d’Hérode pour bénéficier de l’application de la loi du lévirat15. Dans les deux textes apocryphes, la fille qui danse passe pour être la fille d’Hérode et d’Hérodiade16. Comme dans la Vie apocryphe de S. Jean-Baptiste (BHG 838), le feu constitue le châtiment final d’Hérodiade17. Le prédicateur préféra recourir à une métaphore: la femme d’Hérode «a connu la nature du bois», c’est-àdire qu’elle se consuma comme le bois. II. 3. Quelques thèmes 1. Les femmes et la danse Les effets de la séduction féminine sont analysés sous l’angle de la liberté des mœurs conjugales et nuptiales des Juifs (§ 24), présentées négativement. Ainsi, la fête d’anniversaire d’Hérode, où se déroulent trop d’actes libertins, risque de se transformer en banquet de mariage. «On aurait cru 14

A. VASSILIEV, Anecdota graeco-byzantina, I, Moscou, 1893, p. 3.

15

D’après la synthèse de F. NAU, Histoire de saint Jean-Baptiste attribuée à saint Marc l’Évangéliste, in Patrologia Orientalis, IV/5, Paris, 1908, p. 524. 16 Cf. la logique inverse, par ex., chez Syméon Métaphraste dans BHG 835: Hérode n’a aucun prétexte légal pour épouser Hérodiade, celle-ci ayant déjà eu un enfant avec le frère d’Hérode (§ 13: παρὰ τὸν νόμον ποιῶν, σπέρμα ἤδη τοῦ ἀδελφοῦ ἔχουσαν [ed. B. LATYŠEV, Menologii anonymi byzantini…, t. 2, Saint-Pétersbourg, 1912, p. 393]). 17

Ἄγγελος Κυρίου ἥρπασε τὸν Ἡρώδην σὺν τῇ Ἡρωδιάδῃ, καὶ ἔρριψεν αὐτοὺς ἐν μέσῳ τῆς θαλλάσσης, ἐπὶ τοῦ βουνοῦ τοῦ λεγομένου Βαρκάνου, καὶ ἐσχίσθη ὁ βουνὸς καὶ κατέπιεν αὐτούς, καὶ κολάζονται ἐκεῖ ὑπὸ τοῦ πυρὸς… (NAU, Histoire de saint Jean-Baptiste…, p. 524).

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que c’était un mariage» lit-on dans le § 30. Dans une homélie de Philagathos de Cerami (BHG 854), Hérodiade-mère habille également sa fille en fiancée18. On notera aussi que Jean Chrysostome recourt à l’exemple de la danse de la fille d’Hérodiade, lorsqu’il condamne les danses populaires exécutées pendant les mariages19. 2. Le vin L’alcool est un mal invisible (§ 37) tout comme le désir (ἔρως). Les «grands malheurs» qu’il a apportés au peuple d’Israël (§ 37) rappellent l’histoire de Noé et ses fils (Gn 9, 21 et suiv.), et celles de Lot et ses filles (Gn 19, 31 et suiv.). Aucun sage donc, sans parler des gens ordinaires, ne peut faire un «bon usage» du vin (§ 41). 3. Le serment En matière de serment, notre prédicateur se rattache à la longue tradition qui invite à ne pas jurer pour ne pas ensuite en subir les conséquences. Ce précepte de prudence est bien présent dans l’Ancien Testament (cf. Sir. 24, 8-11) et dans l’enseignement évangélique (Mt 5, 33-37; Jc 5, 12). Les échos ne manquent pas dans la littérature patristique, où la promesse d’Hérode est l’exemple par excellence de la tragédie qu’un serment peut occasionner20. Pour renforcer l’interdiction de jurer, notre auteur recourt au paradoxe: «jure plutôt de ne pas jurer mal à propos» (§ 38). La raison invoquée («il vaut mieux pécher une seule fois») suit la logique du moindre mal, déjà avancée par Aristote (Nicom., V, 7). Celui qui jure se met la bride (tant mieux s’il jure de ne jamais jurer, § 38). Ainsi, le prédicateur présente Hérode comme «lié à une courroie» par son serment (§ 39), une métaphore suscitant l’image d’un animal attelé à une voiture ou lié à un bât (cf. Is 5, 18)21. 18 Homélie XXXV, 8: ταύτην κοσμήσασα ἡ μοιχαλὶς μήτηρ ἁβρότερον καὶ νυμφικῶς περιστείλασα (Filagato da Cerami. Omelie per i vangeli domenicali e le feste di tutto l’anno, ed. R. TAIBBI, vol. 1, Palerme, 1969, p. 242). 19

Homilia XLVIII in Matthaeum (PG 58, col. 490 et 493).

20

Cf. le résumé des conceptions patristiques sur le problème du serment par O. DELOUIS, Église et serment à Byzance: norme et pratique, in Oralité et lien social au Moyen Âge (Occident, Byzance, Islam): parole donnée, foi jurée, serment. Actes du colloque international de l’Institut d’Études Byzantines et du Centre de Recherche d’Histoire et Civilisation de Byzance (Paris, 10, 11, 12 mai 2007) (= Centre d’Histoire et Civilisation de Byzance. Monographies, 29), Paris, 2008, p. 211-246. 21

Il est instructif de mentionner ici le parallèle historique pour la tragédie du festin d’Hérode qu’évoque Claudine Gauthier (cf. le tableau comparatif des thèmes communs dans sa thèse

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4. La polémique anti-juive Étant donné le sujet abordé, notre prédicateur ne manque pas de recourir à une rhétorique anti-juive; toutefois celle-ci n’est pas fondée sur l’aversion totale à l’encontre d’une «superstition» juive comme dans d’autres textes22. Les accusations traditionnelles — l’infidélité à l’alliance avec Dieu, le massacre des prophètes, l’ingratitude envers les bienfaits du Christ — sont bien présentes (§§ 26 et 35). La permissivité dans la vie conjugale est mentionnée dans le § 24; s’y rattache l’allusion au manque d’ascétisme parmi les Juifs, ce qui tranche avec l’austérité de S. Jean (§ 18: «Jean était Juif par la race, mais ascète par sa manière de vivre»). 5. Les lectures bibliques lors de la fête d’anniversaire Dans le paragraphe 31, l’orateur reproche à Hérode de ne pas procéder à des lectures du livre d’Isaïe et des Psaumes lors de la fête de son anniversaire: «Hérode célébrait un anniversaire, mais Isaïe n’était point lu, on ne se réjouissait d’aucun psaume». L’interprétation de cette critique se heurte à l’ambiguïté des données littéraires relatives aux célébrations d’anniversaire dans les milieux juifs. D’un côté, le traité talmudique Avodah Zarah, I, 223 énumère parmi les fêtes d’inspiration païenne et donc impures: a) ‫יום גיניסיא של מלכים‬, «le jour de naissance des rois», et b) ‫יום הלידה‬, «le jour de naissance» tout court, visant par celui-ci les anniversaires des personnes particulières24. Derrière la formation composite ‫ יום גיניסיא‬yōm gēnēsiyā, on devine bien le terme grec γενέσια, utilisé dans les sources grecques pour désigner divers types d’anniversaire (naissance, décès, accession au trône, ou encore fondation d’une ville)25. de doctorat, La décollation de Saint Jean-Baptiste: étude ethnologique, vol. I, Nice, 2001, p. 9698). C’est Hérodote (Histoires, IX, 110-111) qui raconte les événements survenus lors d’un banquet d’anniversaire du roi perse Xerxès. Suggestive est l’existence dans un pays voisin comme la Perse, d’une contrainte coutumière visant à satisfaire toutes les demandes adressées au roi lors d’un banquet, une contrainte excluant toute possibilité d’issue heureuse. 22

Cf. par ex. les analyses de l’antisémitisme dans l’homilétique pseudochrysostomienne: J. KECSKEMÉTI, Une rhétorique au service de l’antijudaïsme. IVe siècle-VIIe siècle, Paris, 2005. 23 The Jerusalem Talmud. Fourth Order: Neziqin. Tractates Ševi‘it and ‘Avodah Zarah, ed., transl. and commentary by H. W. GUGGENHEIMER (= Studia Judaica. Forschungen zur Wissenschaft des Judentums, 61), Berlin – New York, 2011, p. 250-256. 24 25

Ibid., p. 255.

Cf. W. SCHMIDT, Geburtstag in Altertum (= Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten, 7), Giessen, 1908; ID., art. Γενέθλιος ἡμέρα, in Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft: Neue Bearbeitung, Bd. VII, Stuttgart, 1910, col. 1135-1149; Ch. LÉCRIVAIN, art. Natalis dies, in Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, t. IV/1, p. 2-3.

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Que le mot γενέσια désigne l’anniversaire de naissance, celui du décès ou un autre événement mémoriel, l’interdiction talmudique exclut invariablement toute forme de célébration rituelle dans les milieux juifs orthodoxes. D’un autre côté, deux sources anciennes, outre les Évangiles, attestent que certains milieux juifs célébraient néanmoins l’anniversaire des membres de la dynastie d’Hérode le Grand. Flavius Josèphe (Antiquités juives, XIX, 321) nous renseigne sur l’ampleur des célébrations de l’anniversaire d’Agrippa Ier26. Perse (Satyres, V, 180-184) laisse supposer que les milieux juifs de Rome célébraient l’anniversaire d’Hérode le Grand27, et évoque la somptuosité des banquets donnés lors des dies Herodis28. Si l’expression dies Herodis désigne effectivement un jour de fête dans le calendrier observé dans une communauté juive, et non pas le sens proverbial que lui assigne, par exemple, H. Hoehner29, il serait possible d’y adjoindre des pratiques rituelles, judaïsantes dans la forme et d’inspiration hellénistique. Dans les textes byzantins, nous n’avons trouvé aucune mention de lectures de l’Écriture sainte lors des fêtes d’anniversaire. Koukoulès ne nous renseigne que sur le côté mondain de ces cérémonies30. 6. L’identité de la fille qui danse Au paragraphe 20, l’orateur invite l’auditoire à prier pour les femmes afin qu’«aucune fille ne se dénude à l’instar d’Hérodiade», ce qui laisse entendre que la danseuse porte le même nom que sa mère, Hérodiade. Le titre de l’homélie attribue aussi la danse à Hérodiade. Malgré le silence des Évangiles à propos de l’identité de la danseuse, celle-ci a reçu le nom de sa mère dans un vaste ensemble de textes: les textes BHG 832, 833g, 834, 835 et 859 attribuent explicitement le nom d’Hérodiade à la danseuse.

26

Cf. un résumé récent chez C.-G. SCHWENTZEL, Hérode le Grand, Paris, 2011, p. 225 et

27

Selon l’interprétation proposée par SCHMIDT, Geburtstag… (cf. supra, n. 25), p. 70.

suiv. 28

Perse, Satyres, trad. E. A. CARTAULT (= Collection des Universités de France), 2e éd., Paris, 1929, p. 49. 29

H. W. HOEHNER, Herod Antipas. A Contemporary of Jesus Christ, Cambridge, 1972, p. 160, n. 5; cf. aussi l’interprétation semblable dans la récente thèse de doctorat de Cl. GAUTHIER, La décollation… (cf. supra, n. 21), vol. 1, p. 62. 30

Ph. KOUKOULÈS, Βυζαντινῶν βίος καὶ πολιτισμός, t. II, fasc. I (= Collection de l’Institut français d’Athènes, 12), Athènes, 1948, p. 11-13 (coutumes populaires) et 35-36 (fêtes d’anniversaire des empereurs).

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L’hésitation des manuscrits néotestamentaires concernant l’identité de la danseuse chez Marc31 (Mc 6, 22) donne lieu à diverses interprétations chez les auteurs postérieurs. Quelques témoins proposent la leçon τῆς θυγατρὸς αὐτοῦ (i.e. τοῦ Ἡρώδου) au lieu de τῆς θυγατρὸς αὐτῆς (i.e. τῆς Ἡρωδιάδος), ce qui explique peut-être pourquoi la fille danseuse est considérée comme la fille d’Hérode dans les textes BHG 832, 835 et 853t. Ailleurs, on lit la formule τῆς θυγατρὸς αὐτοῦ (ou αὐτῆς) Ἡρωδιάδος, de laquelle on a pu déduire l’existence d’une Hérodiade fille et c’est bien cette leçon-là qui doit avoir suggéré l’existence d’une danseuse portant ce nom dans notre homélie comme dans tant d’autres textes médiévaux. Le texte BHG 838, d’inspiration apocryphe, préféra le curieux nom d’Aëria (Éria). On remarquera qu’aucun auteur ancien n’identifie la danseuse avec Salomé, la fille d’Hérodiade, une figure historique attestée chez Flavius Josèphe (Antiquités juives, XVIII, 136-137). Principes d’édition Les pages qui suivent contiennent l’editio princeps du texte grec. Le texte comme sa traduction française ont largement bénéficié des observations de Jacques Noret; qu’il en soit remercié. J’assume l’entière responsabilité des choix éditoriaux. L’orthographe du copiste est rarement prise en défaut. Plusieurs mots omis ou parties de mots ont pu être restitués grâce au contexte: § 9 (ἡ κατὰ φύσιν τὴν φύσιν), 20 (ἵνα μή ποτε ἴδων), 32 (πάντα σεμνά), 38 (καλὸν γὰρ εὐκαίρως τὰ φάρμακα προβαλεῖν ἀναγκαῖον) et 41 (συγχρήσαι τῷ πνεύμα τῆς μέθης). Il subsiste néanmoins quelques endroits corrompus où une ligne entière semble avoir été omise (§§ 3, 13, 21, 23). On ignore si ces accidents doivent être imputés à un copiste peu attentif ou à un modèle défectueux. Académie théologique de Moscou

Sergey KIM

г. Сергиев Посад, Лавра, Академия Московская область RU – 141300

31 Cf. une brève analyse des leçons manuscrites dans C. S. MANN, Mark. A New Translation with Introduction and Commentary (= Anchor Bible, 24), New York, 1986, p. 297.

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TEXTE Manuscrit: Охрид, Национален музеj [Ochrida, Musée National], Inv. 1 (Gr. 72), 1365-1367. Papier, 22, 5 × 13 cm. Pages 287 [285] à 297 [295].

p. 287 [285]

p. 288 [286]

p. 289 [287]

Τοῦ ἐν ἁγίοις πατρὸς ἡμῶν Ἰωάννου ἀρχιεπισκόπου Κωνσταντινουπόλεως τοῦ Χρυσοστόμου, εἰς τὴν ὄρχησιν τῆς Ἡρωδιάδος καὶ εἰς τὴν ἀποτομὴν Ἰωάννου τοῦ προδρόμου1. 1. Ἰωάννης βοᾷ, καὶ τίς ἠρεμεῖν καρτερεῖ; Ἰωάννης | κηρύσσει, καὶ τίς σιωπᾷ; Φωνὴν ἀφίησιν ἡ φωνή, ἵνα ἡμεῖς ὑπὸ εὐγνωμοσύνης τὰς ἡμετέρας τῶν λόγων συνδήσωμεν φωνάς. Λόγον δὲ λάβωμεν, τῶν ἡμετέρων λόγων χορηγόν. 2. Ἐπαινείσθω ἡμῖν σήμερον ἱερεῦς, ἐπαινείσθω προφήτης, ἐπαινείσθω ἀπόστολος, ἐπαινείσθω νέας καὶ παλαιᾶς διαθήκης μεσίτης, παιδαγωγοῦ καὶ κληρονόμου διαλλακτής· ἐγκωμιαζέσθω πρόδρομος ἅμα καὶ λύχνος· θαυμαζέσθω στρατιώτης· θαυμαζέσθω ἄνθρωπος ὑπὲρ ἄνθρωπον, ἄγγελος ἐν ἀνθρωπίνῳ σώματι, ἄνθρωπος Θεοῦ πρόδρομος καὶ ὑπὸ Θεοῦ καταλειφθησόμενος. 3. Οὔπω ἠρξάμην, καὶ ἤδη μου φωνὴν τὰς ἀκοὰς παρέχει. οιοῦτος2 ἡμῖν ὁ μακάριος Ἰωάννης ἀσύλητον δῶρον. Ἐν πρώτοις τὴν νίκην κατὰ τῶν ἀνθρώπων ἐλάμβανεν. Οὐκ ἐμὸς ὁ λόγος, Θεοῦ ἡ ψῆφος, ἵνα βεβαιωθῇ, «ἀμὴν λέγω ὑμῖν, οὐκ ἐγείγερται ἐν γεννητοῖς γυναικῶν μείζων Ἰωάννου τοῦ βαπτιστοῦ». Τὸ δὲ «ἀμὴν» παρὰ Θεοῦ ἀπόφασις αἰώνιος. 4. Τί τοίνυν μάχομαι τῷ λόγῳ τοῖς ἀνθρώποις λέγων τὰ νικητήρια; Τί παλαίω, κατὰ τὸν ἀγῶνα μηδενὸς ἀποδυομένου; 5. Ἱερέως ἦν παῖς· τοῦτο καὶ ὁ μακάριος προφήτης Σαμουήλ, τοῦτο καὶ Φινεές, τοῦτο καὶ Ἐλεάζαρ, | καὶ ὅσοι τῆς λευιτικῆς φυλῆς ἐτύγχανον, ἀλλ’ ἡ γέννησις τούτου ἔσχε τὴν χάριν. 6. Ἀλλ’ ἵνα μὴ τὰ τελευταῖα πρῶτα καὶ τὰ πρῶτα τελευταῖα λέγωμεν, ἐν τάξει διηγησόμεθα Ἰωάννου τὸ θαῦμα Ἰωάννου μνήμῃ.

1

προδρόμου] add. εὐλόγησον δέσποτα O

2

οιοῦτος] prima littera non discernitur

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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TRADUCTION De notre Père parmi les saints Jean Chrysostome, archevêque de Constantinople, sur la danse d’Hérodiade et la décollation de Jean le Précurseur1. 1. Jean crie et qui supporte de rester sans réaction ? Jean proclame et qui garde le silence ? La Voixa donne de la voix pour que — avec bonne volonté — nous associions les sons de nos paroles. Eh bien, prenons le Verbe pour diriger nos paroles ! 2. Qu’un prêtre soit par nous loué aujourd’hui; que soit loué un prophète; que soit loué un apôtre; que soit loué l’intermédiaire entre la nouvelle et l’ancienne Alliance, celui qui réconcilie le pédagogueb et l’héritierc ! Que soit célébré à la fois un Précurseur et une lamped ! Que soit admiré un soldat ! Que soit admiré un homme qui surpasse l’homme, un ange dans un corps humain, l’homme qui fut précurseur de Dieu et qui devait être laissé de côté par Dieue. 3. Je n’ai pas encore commencé et déjà à ma voix2 prête l’oreille. Tel est pour nous le bienheureux Jean, un don que personne ne peut nous ravir. Tout d’abord, il remporta la victoire sur les hommes. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la sentence de Dieu, à titre de confirmation: «En vérité je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste»f. L’expression «en vérité» venant de Dieu est une décision éternelle. 4. Pourquoi donc lutter, quand par mes paroles j’annonce aux hommes sa victoire ? Pourquoi combattre, puisque dans le combat il n’y a pas d’opposant ? 5. Il fut l’enfant d’un prêtre; le furent aussi tant le bienheureux prophète Samuelg que Phinéesh, et Eléazarii, et tous ceux qui appartenaient à la tribu de Lévi; toutefois, c’est la naissance de celui-ci qui obtint la grâce. 6. Mais afin de ne pas raconter d’abord ce qui vient à la fin et à la fin ce qui vient d’abord, nous raconterons dans l’ordre le miracle de Jean en cette commémoration de Jean. a

C’est-à-dire la «voix de celui qui crie dans le désert», cf. Is 40, 3; Mt 3, 3; Mc 1, 3; Lc c d e f Cf. Gal 3, 29 Jn 5, 35 Cf. Jn 1, 15 Mt 11, 3, 4; Jn 1, 23 b Cf. Gal 3, 24-25 11; Lc 7, 28 g Cf. 1 Rois 1, 1 etc. h Ex 6, 25 i Ex 6, 25 1

Le ms. ajoute: «Maître, bénis !».

2

Une ligne de texte semble avoir été omise par le scribe.

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7. Καὶ Ἐλισάβετ βρέφος ὠδίνει, ἄγονος γυνὴ Παρθένου πρόδρομος γίνεται. Ἐπειδὴ γὰρ ἔμελλεν ἡ Μαρία βρέφος ὠδίνειν καὶ Θεὸν κυοφορεῖν, καὶ δυνατὸς ἦν ὁ λόγος, προλαμβάνει στεῖρα καὶ τίκτει παιδίον, ἤδη προγυμνάζουσα τὴν αὐτῆς ἀκοήν. Ἀνέχεσθε τελειωτέρων διδαγμάτων· ὅταν ἀκούσῃς ὅτι Παρθένος ἔτεκε, τῷ μικρῷ θαύματι τὸ μεῖζον πιστεύσεις ! 8. Εἰσῆλθεν ὁ μακάριος Ζαχαρίας εἰς τὰ ἐνδότερα τοῦ ναοῦ θυμίαμα προσενέγκαι τῷ Θεῷ, καὶ ἐξῆλθε βρέφους ἔχων ἐπαγγελίαν, παντὸς θυμιάματος εὐωδεστέραν. 9. Καὶ γαστὴρ γαστέρα προελάμβανεν, ἡ κατὰ φύσιν τὴν φύσιν, ἡ ἐν γάμῳ τὴν ἄνευ γάμου, ἡ νύμφη τὴν ἀνύμφευτον, ἡ ἀνθρωπίνη τὴν ὑπὲρ ἄνθρωπον, ἡ κάτω τὴν ἄνω1. Καὶ δρόμος ἦν ἀγαθῶν. 10. Καὶ Γαβριὴλ ὁ ἄγγελος τὴν ἄνω τάξιν καταλιπών, ἤδη τὰς γυναῖκας εἰς ἑορτὴν διεγείρει· κακῶς γὰρ ἦν αὐτῶν τὸ γένος ἐν παραδείσῳ πεπληγμένον. Καταλιπὼν δὲ τὴν Ἐλισάβετ, ἐπὶ τὴν Ναζαρὲτ ἀνατρέχει, ὁ οὐρανοπολίτης | εἰς κώμην διαβάς, μηδὲν αἰσχυνθείς· ὁ ἄνω καὶ κάτω δι’ ἡμᾶς, μᾶλλον δὲ οὐ δι’ ἡμᾶς, ἀλλὰ διὰ τὸν ἐπιτάξαντα Δεσπότην τὸν κρίνοντα καλῶς, οὐ μόνον ἐν κώμῃ, ἀλλὰ καὶ ἐν φάτνῃ καὶ ἐν εὐτελεῖ χωρίῳ, ἵνα καὶ ἡμεῖς εἰς οὐρανὸν ἀναβῶμεν. 11. Ἦλθε τοίνυν καὶ καταλαμβάνει τὴν Ναζαρέτ, καὶ εὐαγγέλιον ἀγαθὸν ποιεῖ λέγων τῇ Μαρίᾳ· «Χαῖρε, Κεχαριτωμένη, ὁ Κύριος μετὰ σοῦ». 12. Ὅπου γὰρ γυνὴ τὸν τῆς οἰκουμένης ὠδίνει τροφέα, πάσης ἱστορίας ἄξιον τὸ διήγημα. «Χαῖρε, Κεχαριτωμένη, ὁ Κύριος μετὰ σοῦ, καὶ ἰδοὺ σὺ ἐν γαστρὶ λήψῃ καὶ τέξῃ υἱόν, καὶ καλέσεις τὸ ὄνομα αὐτοῦ Ἰησοῦν, οὗτος ἔσται μέγας καὶ Υἱὸς Ὑψίστου κληθήσεται, καὶ δώσει αὐτῷ Κύριος ὁ Θεὸς τὸν θρόνον Δαυὶδ τοῦ πατρὸς αὐτοῦ, καὶ βασιλεύσει ἐπὶ τὸν οἶκον Ἰακὼβ εἰς τοὺς αἰῶνας, καὶ τῆς βασιλείας αὐτοῦ οὐκ ἔσται τέλος». 13. †Ἔχεις πίστεως κλῆρον ἀσφαλείας†, Θεὸν ἅμα καὶ ἄνθρωπον, φύσιν καὶ χάριν ἀδιάλυτον, βασιλείαν καὶ θρόνου παρρησίαν.

1

ἡ κάτω τὴν ἄνω] correxi ἡ ἄνω τὴν κάτω O

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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7. Et Élisabeth met au monde un petit enfant; une femme stérile devient le précurseur de la Vierge. Puisqu’il fallait en effet que Marie mette au monde un petit enfant et donne naissance à Dieu, c’était une parole fortea, une stérile anticipe et enfante un enfant, en mettant à l’œuvre à l’avance ce qu’elle avait entendu. Supportez les enseignements plus parfaits; quand tu entendras qu’une Vierge a enfanté, grâce au petit miracle tu croiras à un miracle plus grand ! 8. Le bienheureux Zacharie avait pénétré au plus profond du temple pour offrir à Dieu le sacrifice de l’encens, et il en était sorti avec une promesse d’enfantb de plus agréable odeur que tout encens. 9. Et un ventre devançait un autre ventre; celui qui était conforme à la nature, devançait celui qui était au-dessus de la nature; celui qui était dans le mariage devançait celui qui était sans mariage; l’épouse devançait l’inépousée; celle qui était humaine devançait celle qui est au-dessus de l’homme; celle d’ici-bas devançait celle d’en haut. Et c’était une course entre femmes de bien ! 10. Et l’ange Gabriel, ayant délaissé l’armée céleste, incite désormais les femmes à la jubilation; leur genre en effet avait été outrageusement blessé dans le Paradis. Et ayant délaissé Élisabeth, il court vers Nazareth; l’habitant des cieux passe dans un village; l’être d’en haut vient aussi icibas, à cause de nous, ou, pour mieux dire, non pas à cause de nous mais à cause du Maître qui lui en avait donné l’ordre et qui juge bien; non seulement dans un village, mais même dans une étable et dans un endroit humble, afin que nous aussi, nous puissions monter aux cieux. 11. (Gabriel) s’en va donc et gagne Nazareth et porte une heureuse nouvelle, en disant à Marie: «Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi !»c. 12. Mais quand une femme met au monde celui qui nourrit l’univers, le récit mérite qu’on le relate en entier: «Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toid. Et voici: tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; et il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fine». 13. †Tu as un lot de foi, de certitude†, un Dieu qui est aussi un homme, la nature et la grâce inséparables, la royauté et la liberté de parole liée au trône. a Cf. Lc 1, 37: οὐκ ἀδυνατήσει παρὰ τοῦ Θεοῦ πᾶν ῥῆμα, «chez Dieu aucune parole ne restera sans force». b Lc 1, 9-22 c Lc 1, 28 d Lc 1, 28 e Lc 1, 31-33

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14. Ἐπιτείνων δὲ τῆς εὐφροσύνης τὸν λόγον ὁ Γαβριὴλ ἐπάγει· «Καὶ ἰδοὺ Ἐλισάβετ ἡ συγγενής σου καὶ αὐτὴ1 συνειληφυῖα υἱὸν ἐν γήρει αὐτῆς». Ταῦτα ἀκούσασα ἡ Μαριάμ, διαναστᾶσα, ἐπὶ τὴν ὀρεινὴν ἐπείγετο, βουλομένη τὴν ἀκοὴν τοῖς ὀφθαλμοῖς | πιστώσασθαι. 15. Τί οὖν τὸ βρέφος Ἰωάννης; Ὁ μήπω Ἰωάννης καὶ ἤδη προφήτης, ὁ μήπω τὸ αἰσθητὸν φῶς θεασάμενος καὶ τοῦ νοεροῦ αἰσθόμενος, ἐσκίρτησεν ἐν τῇ γαστρὶ τῆς μητρός. Ἐπειδὴ γὰρ ἐν δεσμωτηρίῳ τῆς φύσεως κατείχετο καὶ οὐκ ἠδύνατο φωνὴν ἔνδοθεν ἀφιέναι, σκιρτήματι μυστικῶς τὸ μέλλον ἔσεσθαι μηνύει. Ἐσκίρτησεν Ἰωάννης βρέφος λογικόν· ποιμένος γὰρ ᾔσθετο. 16. Εἰ ταῦτα πρὸ κόσμου, τί μετὰ τὸν κόσμον; Εἰ ταῦτα προοίμια καὶ ἔξωθεν τῶν ἀγώνων, τί μετὰ τοὺς ἀγῶνας; Ἐσιώπα Ζαχαρίας· ταύτην γὰρ εἴληφε τὴν τιμωρίαν ἀντὶ τῆς ἀπιστίας παρὰ τοῦ ἀγγέλου. Ἐσιώπα Ζαχαρίας, ἤδη τοῦ νόμου παρὰ Ἰουδαίοις τὴν σιωπὴν προμηνύων· ὅλος γὰρ ὁ νόμος καὶ οἱ προφήται μέχρι Ἰωάννου τοῦ βαπτιστοῦ. 17. Ἐτέχθη Ἰωάννης καὶ ἔλυσε τοῦ πατρὸς τὴν φωνήν. Τίνα γὰρ ἄλλον ἔδει σιωπὴν πατρὸς πολυήμερον λῦσαι, ἢ τὴν φωνὴν τὴν ἐν τῇ ἐρήμῳ; 18. ᾜτησε Ζαχαρίας δέλτον, ἵνα γράψῃ ὄνομα παιδίου, τοῦ μέλλοντος τὰς πλοκὰς τῇ χάριτι διαλύειν. Ἰουδαίων ὁ ἀνήρ, ἡμῶν τὸ κτῆμα· περιτομὴν ἔχων ὁ Ἰωάννης, γλῶσσαν εὐαγγελικήν· Ἰουδαῖος τὸ γένος, ἀσκητὴς τὸν τρόπον. 19. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν πολλάκις ἠκούσατε, καὶ πολλοὺς | ἐδιδάξατε· οὐδέποτε γὰρ Ἰωάννου ἐλύθη τὸ φῶς, λύχνος γάρ ἐστιν ἄσβεστος. 20. Μεταβῶμεν δὲ ἐπὶ τὰ σήμερον παλαίσματα, ἀνδρὸς ὁμοῦ καὶ γυναικὸς ὠφελοῦντα τὰς ἀκοάς, ὑπὲρ ἑκατέρων ποιούμενοι τὰς προσευχάς. Ὑπὲρ ἀνδρῶν μέν, ἵνα μή ποτε δεύτερος Ἡρώδης τῷ βίῳ τεχθῇ· ὑπὲρ γυναικῶν δέ, ἵνα μή ποτε ἴδων οὕτω κόρην γυμνουμένην κατὰ τὴν Ἡρωδιάδα, ἥτις τῇ τῶν μελῶν ἀνακλάσει τὰς τῶν ὁρώντων ψυχὰς ἀνέκλασε καὶ ἐχαύνωσε· δι’ ἣν αἰσχύνονται γυναῖκες. 21. Ἀναλάβωμεν τοίνυν τὸ δρᾶμα. Ἀεὶ γὰρ τοὺς δυσσεβεῖς ἄνδρας σκυλεύει· πάλαι μὲν τὸν τύραννον καὶ δυσσεβῆ Ἀχαὰβ διὰ τῆς κατ’ἀλλήλων συζυγίας Ἰεζαβὲλ χειρωσάμενος, καὶ πείσασα Ἑβραῖον ἄν-

1

αὐτὴ] αὕτη O

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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14. Continuant sa parole de joie, Gabriel ajoute: «Et voici qu’Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse»a. Ayant entendu cela, Marie se leva et se hâta vers le haut paysb, voulant vérifier par la vue ce qu’elle avait appris par l’ouïe. 15. Que se passe-t-il pour Jean, le petit enfant ? Celui qui n’est pas encore Jean, mais qui est déjà prophète, celui qui n’a pas encore vu la lumière sensible, mais qui perçoit déjà la lumière intelligible, tressaillit dans le sein de sa mèrec. Puisqu’en effet il était retenu dans la prison de la nature et incapable de faire sortir sa voix de l’intérieur, par un tressaillement il prédit mystérieusement ce qui allait arriver. Jean, petit enfant doué de raison, tressaillit parce qu’il avait perçu la présence de son Pasteur. 16. Si de telles choses se passent avant qu’il soit venu au monde, que se passera-t-il après qu’il y soit venu ? Si tels sont les préludes et ce qui se passe en dehors des combats, qu’arrivera-t-il après les combats ? Zacharie était muet; il avait reçu de l’ange ce châtiment pour son incrédulitéd. Zacharie était muet, préfigurant déjà le silence de la Loi chez les Juifs; toute la loi en effet, et les prophètes ont subsisté jusqu’à Jeane le Baptiste. 17. Jean naquit et libéra la voix de son père. Qui d’autre devait mettre fin au long silence de son père sinon la Voix dans le désertf ? 18. Zacharie demanda une tablette pour écrire le nom de cet enfantg qui allait délier les liens par la grâce. L’homme appartenait aux Juifs, mais il était des nôtres. Jean avait la circoncisionh, mais la voix évangélique. Jean était Juif par la race, mais ascète par sa manière de vivre. 19. Mais tout cela, vous l’avez entendu souvent et l’avez raconté à beaucoup; jamais en effet, la lumière de Jean ne s’est éteinte, car il est une lampe inextinguiblei. 20. Mais passons aux luttes célébrées aujourd’hui dont l’audition est utile tant pour les hommes que pour les femmes, en priant pour les uns comme pour les autres. Pour les hommes, afin que plus jamais un nouvel Hérode ne vienne au monde; pour les femmes, afin que nous ne voyions plus jamais une jeune fille se dénuder à l’instar d’Hérodiade, laquelle, en tordant ses membres, tordit et amollit les âmes de ceux qui la voyaient; les femmes rougissent d’elle. 21. Revenons alors au drame. En effet, (le diable) dépouille toujours les mâles impies: ainsi conquit-il jadis le tyrannique et impie Achab grâce à son mariage avec Jézabel et elle convainquit cet homme, lui, b Lc 1, 36 Cf. Lc 1, 39 c Lc 1, 41 d Lc 1, 20 e Lc 16, 16 g Mc 1, 3; Lc 3, 4; Jn 1, 23 Lc 1, 63 h Cf. Lc 1, 59 i Cf. Jn 5, 35 a

f

Is 40, 3; Mt 3, 3;

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δρα ἐθνῶν ἐκδουλεῦσαι θεούς, ἀρνήσασθαι τὸν ἴδιον Δεσπότην καὶ εἴδωλα προσκυνῆσαι. 22. Σήμερον πάλιν ὁ διάβολος τὴν αὐτὴν ὁδὸν μετῆλθε, διὰ γυναικῶν πάλιν τὸν τύραννον βαλών, οὐ βέλεσι καὶ ὅπλοις, ἀλλὰ τοῖς τῆς φιληδονίας βέλεσι κατακεντήσας. 23. Ἐξῆρε γυναῖκας τοσοῦτον δραμάτων κακόν, καὶ κακῶς τεκοῦσα καὶ κακῶς θρέψασα καὶ κακῶς διδάξασα θυγατέρα ὀρχεῖσθαι. 24. Καὶ γὰρ τοιαύτη τῶν Ἰουδαίων ἡ συνοικεσία· | γαμοῦσι, γαμίσκονται· ἀπόλλουσιν1, ἀπολλύνται· πάντα ὡς θέλουσι πράττουσι, γνώμῃ τῷ τρόπῳ χρώμενοι. 25. Ταῦτα πράττων ὁ διάβολος λυπεῖ2 τὸν Ἰωάννην. Ἧψε γὰρ αὐτὸν ὡς ἄσβεστον λύχνον τὸν μηδέποτε σβεσθῆναι δυνάμενον, καὶ μετὰ πάσης παρρησίας ἀδυσωπήτως λέγει· «Οὐκ ἔξεστί σοι ἔχειν τὴν γυναῖκα Φιλίππου τοῦ ἀδελφοῦ σου». «Οὐκ ἔξεστι» – λόγος αἰώνιος κατὰ Ἰουδαίων χρησιμεύειν δυνάμενος. 26. Οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν, ὦ Ἰουδαῖοι, προφῆτας ἀναιρεῖν· οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν Ἡσαΐαν πρῖσαι· οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν Ζαχαρίαν λίθοις3 βαλεῖν4· οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν Ἱερεμίαν τῇ δυσωδίᾳ τοῦ βορβόρου καθυβρίζειν· οὐκ ἔξεστιν ἐν Βαβυλῶνι τὴν ἁγίαν Σωσάνναν διὰ σωφροσύνην κατονειδίζειν· οὐκ ἔξεστιν ἐν διαθήκῃ τὸν Θεὸν ἀθετεῖν· οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν Θεὸν ἀρνεῖσθαι· οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν ὀφθαλμοὺς λαμβάνειν καὶ λίθοις τὸν Εὐεργέτην βάλλειν· οὐκ ἔξεστιν ὑμῖν δαιμόνων ἀπαλλάττεσθαι καὶ τὸν Δεσπότην ἡμῶν ἀπελαύνειν. 27. Ὦ πόσα οὐκ ἔξεστι, кαὶ οὐδεὶς ἀκούει. Τί οὖν ὁ ἄσβεστος λύχνος; «Οὐκ ἔξεστί σοι, ὦ Ἡρώδη, ἔχειν τὴν γυναῖκα τοῦ ἀδελφοῦ σου. Τί λύεις νόμους, νόμου φυλάττειν προσποιούμενος; Τίνι προσπέσωμεν, ὦ Ἑβραῖοι; Οἱ δικασταὶ δικαστοῦ δέονται· οἱ τὸ ξίφος ἔχοντες πρὸς ἐκδίκησιν | παρανομίας, ξίφους ἄξια πράττουσιν. Οὐκ ἔστι οὗτος γάμος, ἀλλὰ γυναικῶν στήλη· οὐκ ἔστι θεσμὸς συζυγίας, ἀλλὰ Θεοῦ ἄρνησις».

1

ἀπόλλουσιν] ἀπόλουσιν O

2

λυπεῖ] λύπει O

3

λίθοις] λύθοις O

4

βαλεῖν] βαλλεῖν O

UNE HOMÉLIE INÉDITE SUR JEAN-BAPTISTE

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un Hébreu, de se soumettre aux dieux des gentils, de renier son propre Seigneur et de se prosterner devant les idolesa. 22. Aujourd’hui le diable adopte à nouveau le même procédé, abattant à nouveau le tyran à l’aide des femmes, en le perçant non par des flèches et des armes, mais par les flèches de l’amour du plaisir. 23. Il (le diable) a exalté les femmes, un mal à l’origine de tant de drames, elle qui enfanta funestement, éleva funestement et enseigna funestement la danse à sa fille. 24. Et tel est en effet le mariage chez les Juifs: ils se marient et elles sont mariées; ils font la perte de leurs femmes et elles se perdent; ils font tout comme il leur plaît, se conduisant d’après leurs envies. 25. Ce faisant, le diable irrite Jean; en effet, il a enflammé celui qui comme une lampe inextinguible, ne peut jamais être éteint. Et en toute hardiesse, il dit inflexiblement: «Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de Philippe, ton frère»b. «Il ne t’est pas permis» est une parole qui peut éternellement valoir contre les Juifs ! 26. Il ne vous est pas permis, ô Juifs, de tuer les prophètesc, il ne vous est pas permis de scier Isaïed; il ne vous est pas permis de lapider Zachariee; il ne vous est pas permis d’humilier Jérémie dans la puanteur d’un bourbierf; il ne vous est pas permis d’adresser les reproches à la sainte Susanne, à Babylone, à cause de sa chastetég; il ne vous est pas permis dans votre alliance de ne pas tenir compte de Dieu; il ne vous est pas permis de renier Dieu; il ne vous est pas permis de recouvrer la vue et de vouloir lapider le Bienfaiteurh; il ne vous est pas permis d’être libérés des démons et de chasser notre Seigneuri ! 27. Oh ! Que de choses il ne vous est pas permis de faire ! Et personne n’écoute ! Que dit donc la lampe inextinguible ? «Il ne t’est pas permis, Hérode, d’avoir la femme de ton frèrej. Pourquoi enfreins-tu les lois en feignant de les suivre ? À qui adresserons-nous nos suppliques, ô Hébreux ? Les juges ont eux-mêmes besoin d’un juge; ceux qui portent le glaive pour punir l’iniquité, commettent des choses dignes du glaive. Ce n’est pas ici un mariage, mais une stèle d’infamie pour les femmes; ce n’est pas l’institution d’un couple, mais un reniement de Dieu».

b c d 3 Rois 16, 31sqq. Mt 14, 4; Mc 6, 18 Cf. Ac 7, 52 Cf. Héb 11, 37; Ascension d’Isaïe, V, 1-16 (Corpus Christianorum. Series Apocryphorum, 7. Textus, p. 7275); parmi les sources juives, cf. Talmud babylonien, Jevamoth, 49b; Targum sur 2 Rois 21, 16 e f g h i 2 Par 24, 20-21; Mt 23, 35 Jér 38, 6 Cf. Dan 13 Cf. Jn 9, 1-31; 10, 31 Cf. Mt 8, 28-34 j Mt 14, 4; Mc 6, 18 a

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28. Ταῦτα λέγων, ὁ μακάριος Ἰωάννης βαρὺς ἦν τῷ τυράννῳ, γλῶσσα ἀδυσώπητος πολλῶν λήρων1 βαρυτέρα. Καὶ τέως αὐτὸν ὁ τύραννος συναρπάσας εἰς τὸ δεσμωτήριον ἔβαλεν. 29. Ὁ δὲ, ἐλάλει τῇ γλώσσῃ· φέγγος γὰρ πολύφωτον σβεσθῆναι οὐ δύναται· γλῶσσα μετὰ Θεοῦ φθεγγομένη ἀνίκητος τυγχάνει. 30. Ἀλλ’ ἐν τούτοις Ἡρώδης γενέθλιον ἐπετέλει· εἴθε μᾶλλον ἐπιτάφιον ἦν. Ἡ ἡμέρα τῆς νυκτὸς βαρυτέρα, καὶ γάμοι ἡγοῦντο καὶ ἡ πανήγυρις δάκρυσιν ἐμίγνυτο. 31. Γενέθλιον Ἡρώδης ἐπετέλει· καὶ οὐδαμοῦ Ἡσαΐας ἀνεγινώσκετο, οὐδαμοῦ ψαλμὸς εὐδοκίμει. Ἀλλ’ εἰσῆλθε κόρη, πρόσωπον μὲν ἔχουσα κόρης, γνώμην δὲ λῃστοῦ. 32. Τίνα γοῦν θαυμάσω; Τίνα кαταπλαγῶ; Τοὺς θεατάς; Τοὺς κροτοῦντας; Τὴν τοιαῦτα διδάξασαν μητέρα; Τὴν τοιαῦτα διδαχθεῖσαν παῖδα; Τὸν τοιαῦτα ἐπαινοῦντα Ἡρώδην, τῆς οἰκείας ἀσχημοσύνης κρατοῦντα κακὰ καὶ ἀπὸ τῆς οἰκείας δραματουργίας ἀσχημονοῦντα πάντα σεμνά2, πάντα κατάλληλα; 33. Ἐλθὲ οὖν Ἡσαΐα, ὁ θάνατος τῆς ἀνομίας, ὁ τῶν Ἑβραίων | παιδαγωγός, καὶ κατάλαβε τὴν κατὰ Ἰουδαίων μάστιγα καὶ εἰπέ· «Ἀνθ’ ὧν ὑψώθησαν αἱ θυγατέρες Σιὼν καὶ ἐπορεύθησαν ὑψηλῷ τραχήλῳ, καὶ τῇ πορείᾳ τῶν ποδῶν ἅμα σύρουσαι τοὺς χιτῶνας καὶ τοῖς ποσὶν ἅμα παίζουσαι». 34. Εἰσῆλθε κόρη, πάντα ἀποδυσαμένη, ἡλικίαν καὶ κόσμον καὶ παρθενικὴν σεμνότητα καὶ αἰδῶ· ταῦτα ἐνδυσαμένη ἀντὶ σεμνότητος, τὴν ἰταμότητα περιπλεκομένη. 35. Δεινὰ τὰ Ἰουδαίων παίγνια. Παράνομα τῆς κόρης τὰ βλέμματα3. Τὸ ταύτης βλέμμα4 προφήτην ἀναιρεῖ· οὐ χρεία ξύλων, ὦ Ἑβραῖοι· οὐ χρεία μαχαίρας· οὐ χρεία λίθων, ἵνα προφήτης ἢ ἀπόστολος ἀναιρεθῇ. 36. Μία γυμνοῦται κόρη κακῶς καὶ πάντες ἀναιροῦνται· ὠρχήσατο, καὶ ὁ βασιλεὺς δοῦλος, ὁ τῶν νόμων φύλαξ παράνομος. 37. Ἐμίγη οἶνος καὶ ἔρως, δύο ἀόρατα κακά. Ὁ γὰρ οἶνος αὐτῷ συνέκλεισε μεγάλα τὰ Ἰουδαίων κακά. Εἰσῆλθεν, ὠρχήσατο, ἤρεσε τοῖς συνανακειμένοις, καὶ πρώτῳ γε τῷ διαβόλῳ· ἐκεῖνος γὰρ ἦν ὁ ἐν μέσῳ χορεύων. Ὤμοσεν ὁ Ἡρώδης τῇ κόρῃ δοῦναι αὐτῇ ὃ ἐὰν αἰτήσηται. Ἔρως καὶ μέθη ὅρκου πρόληψις.

1

λήρων] λίρων O

2

σεμνά] correxi, ἄσεμνα O

3

βλέμματα] βλέματα O

4

βλέμμα] βλέμα O

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28. En disant cela, le bienheureux Jean importunait le tyran, une langue inflexible est plus insupportable qu’une masse de bavardages. Et un peu auparavant le tyran l’avait arrêté et jeté en prison. 29. Mais sa langue continuait à parler, car une lumière qui brille avec éclat ne peut s’éteindre; une langue qui parle à l’unisson avec Dieu se trouve être invincible. 30. Mais sur ces entrefaites, Hérode fêtait son anniversairea; il aurait mieux valu que ce fussent ses funérailles ! La journée était plus lourde que la nuit; on aurait cru que c’était un mariage, et la fête était mêlée de larmes. 31. Hérode célébrait un anniversaire, mais Isaïe n’était point lu, on ne se réjouissait d’aucun psaume. Au lieu de cela, une fille fit son entrée; elle avait un visage de fille, mais une volonté de brigand. 32. Qui donc m’étonne le plus ? Qui me frappe de stupeur ? Les spectateurs ? Ceux qui applaudissent ? La mère qui a enseigné ces choses ? L’enfant qui les a apprises ? Ou Hérode qui les approuve, et qui persévère dans les maux de sa propre indécence et qui à cause de sa propre histoire tragique, bafoue l’innocence et le convenable ? 33. Viens donc Isaïe, toi, la mort de l’iniquité, toi, le pédagogue des Hébreux; prends le fouet contre les Juifs et dis: «Puisque les filles de Sion sont devenues altières et qu’elles ont marché la tête haute, en traînant leur tunique du mouvement de leurs pieds et d’une démarche frivole !»b. 34. Une fille entra, qui s’était dénudée de tout: de l’âge, de sa beauté, de sa décence virginale et de la pudeur. Voilà ce qu’elle a revêtu au lieu de la décence: c’est de l’effronterie qu’elle s’est enveloppée. 35. Ils sont terribles, les jeux des Juifs ! Ils sont pécheurs, les regards de la fille ! Son regard fait périr un prophète. Point n’est besoin de bois, ô Hébreux ! Point n’est besoin de glaivec, point n’est besoin de pierresd pour faire périr un prophète ou un apôtre ! 36. Une fille se dénude malignement et tous périssent; elle dansa et le roi devint esclave; le gardien des lois, un transgresseur. 37. Le vin se mélangea au désir, tous les deux étant des maux invisibles. Le vin enferme en lui de grands maux pour les Juifs. Elle entra, dansa, plut aux convives et tout d’abord au diable, car c’était lui qui dansait au milieu d’eux. Hérode jura à la fille de lui donner ce qu’elle lui demanderait, quoi que ce fût. Désir amoureux et ivresse prédisposent au serment. a Mt 14, 6; Mc 6, 21 13, 34; Ac 7, 58-59

b

Is 3, 16

c

Cf. Jér 2, 30

d

Cf. 2 Paral 24, 21; Mt 23, 37, Lc

264

p. 296 [294]

p. 297 [295]

S. KIM

38. Παιδευθῶμεν τοίνυν οἱ ταῦτα κροτοῦντες πάντα μὴ προσλαμβάνεσθαι ὅρκου· παγὶς γὰρ ἀνδρὶ τὰ ἴδια χείλη. Καλὸν γὰρ εὐκαίρως | τὰ φάρμακα προβαλεῖν ἀναγκαῖον. Ὤμοσε φησὶ τῷ δεῖνι μὴ φαγεῖν μετ’ αὐτοῦ· ὤμοσε τῷ δεῖνι ἐπιβουλεύσαντι μὴ ὁμιλῆσαι ἐπὶ ἔτεσι φανεροῖς, ὡς εἴθε ὤμοσε μὴ φαγεῖν, μὴ πιεῖν, μὴ ἀπόσιτος γενέσθαι ἡμέρας δέκα, ἵνα τῆς γλώσσης τὴν ἀσωτίαν χαλινώσῃ. Μᾶλλον ὄμοσον μὴ ἀκαίρως ὀμνῦναι, καλὸν γὰρ ἐστὶν ἅπαξ ἁμαρτάνειν, καὶ μὴ ἀεὶ τὸν Θεὸν παροργίζειν. 39. Τί οὖν ὁ Ἡρώδης; Ὤμοσε δοῦναι τῇ κόρῃ ὃ ἐὰν αἰτήσῃ· ἱμάντι ἐδέθη ὁ τύραννος τῷ ὅρκῳ, καὶ εὐθέως βουλευτήριον κακὸν γίνεται. 40. Τί οὖν ἡ παῖς; Οὐκ ἐπέτρεψεν αὐτὴ τὴν αἴτησιν, ἀλλὰ πρὸς τὴν μητέρα ἔδραμε. Παρῆν ἡ μήτηρ· παρῆν ἐν μέσῳ ὁ διάβολος· παρῆν ἡ κόρη πρόσωπον μὲν ἔχουσα εὐπρεπές, λῃστοῦ δὲ διάνοιαν, ὡς δὲ ἀνέκαμψε πρὸς τὴν μητέρα ἡ τρόπαιον κατὰ σωφροσύνης στήσασα, κοινολογεῖται τὴν μητέρα· ἡ δέ, κακὸς σύμβουλος δύο κακῶν γίνεται αἰτία. «Εἰπὲ φησὶ τῷ βασιλεῖ· ‘δός μοι ὦδε ἐπὶ πίνακι τὴν κεφαλὴν Ἰωάννου τοῦ βαπτιστοῦ’». Διατί; «Ἵνα μὴ χρόνων ἐνδόσει τάχος ἐκβαλῶ, μὴ ἡμέρα γίνηται καὶ ἐκνήψῃ καὶ τὴν θύραν ἀπολέσωμεν. Νῦν οὐδεὶς οἶδε τῶν μεθυόντων τὸ γινόμενον». 41. Τίς προφήτης, τίς δίκαιος, τίς χρηστὰ παιδεῦσαι δυνάμενος συγχρήσαι τῷ πνεύμα τῆς μέθης; Καὶ ἐσβέσθη | ὁ λύχνος. 42. Ἐπανῆλθεν ἡ κόρη ἁλλομένη· ἀνέστρεψεν ἡ κακῶς ὀρχεῖσθαι διδαχθεῖσα, ὠρχήσατο πάλιν τὰ οἰκεῖα κακά. Καὶ τί λέγει τῷ τυράννῳ τῷ τὸ ἔπαθλον τῶν δύο κακῶν ἐπάγοντι; «Δός μοι ἐπὶ πίνακι. Ἐμοὶ δός, ἡ γὰρ μήτηρ ἀναμένει ἐνδεχομένη λαβεῖν καὶ ψηλαφῆσαι, βουλομένη ἰδεῖν, εἰ Ἰωάννης ἐστί, μὴ νεκρὸς ὑποβολιμαῖος ἐστί· μὴ ἕτερος νεκρὸς ἀντὶ νεκροῦ ἐμοὶ δοθῇ καὶ ἀπόλλυμαι, τὴν πολλὴν τῆς κακίας τέχνην μελετήσασα». 43. Ἔμενεν, ὑπέμεινεν, ἔλαβεν, ἐκράτησεν, ἐκαρτέρησε τὸν ἀγῶνα, ἐψηλάφησαν ἑκατέραι, ἰδεῖν εἰ Ἰωάννης ἐστὶν ὁ βαπτιστής· εἰ ἐσβέσθη

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38. Apprenons alors, nous qui applaudissons à tout cela, à ne pas recourir au serment, puisqu’elles sont un piège pour l’homme, ses propres lèvresa. En effet, il est bon nécessaire de proposer les médicaments à temps. Quelqu’un jura, dit-on, à un tel de ne plus manger avec lui; il jura à un tel qui l’avait trompé, de ne plus lui parler durant de nombreuses années; il aurait mieux valu qu’il jurât de ne pas manger ni boire ni se rassasier pendant dix jours afin de mettre la bride à l’intempérance de sa langue ! Jure plutôt de ne pas jurer mal à propos, car il vaut mieux pécher une seule fois et ne pas courroucer Dieu tout le temps. 39. Que fit donc Hérode ? Il jura d’accorder à la fille ce qu’elle demanderait, quoi que ce fût; le tyran était lié à une courroie par son serment, et immédiatement se tint un funeste conseil. 40. Que fit donc la jeune fille ? Elle ne remit pas elle-même sa demande, mais courut chez sa mère. Sa mère était présente; et le diable était aussi présent, là, au milieu; la fille aussi se trouvait là, ayant un joli visage, mais un esprit de brigand. Et quand celle qui avait dressé un trophée de victoire contre la pudeur se fut tournée vers sa mère, elle converse avec celle-ci, qui, la mauvaise conseillère, devient cause de deux maux à la fois. «Dis au roi, dit-elle: ‘Donne-moi, ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste !’b» — «Pourquoi donc ?» — «De peur que je ne laisse l’intervalle de temps s’emballer, de peur que le jour ne se lève, qu’il ne se dégrise et que nous ne perdions cette occasion. Maintenant personne de ceux qui sont ivres ne se rend compte de ce qui se passe». 41. Quel prophète, quel juste, qui parmi ceux qui peuvent enseigner des choses utiles, serait-il capable de faire aussi usage de l’esprit d’ivresse ? Et la lampe s’éteignit. 42. La fille rentra en sautant; elle revint, celle qui funestement avait appris à danser; elle montra à nouveau sa funeste danse. Et que dit-elle au tyran qui accordait le prix pour les deux choses mauvaises ? «Donne-moi, sur un platc. Donne-le moi, car ma mère attend pour s’en saisir et le palper, voulant voir si c’est vraiment Jean et non pas un mort placé à sa place, voir qu’un autre mort au lieu du bon n’ait pas été donné et que je ne périsse pas, moi qui me suis appliquée au grand art de la malignité». 43. Elle attendait, elle resta là, le reçut, le tint, elle alla jusqu’au bout de son combat; elles le palpèrent toutes deux pour voir si c’était bien Jean

a

Cf. Prov 18, 7

b

Mt 14, 8; Mc 6, 25

c

Mt 14, 8; Mc 6, 25

S. KIM

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τῆς εὐποιΐας ὁ λύχνος. Ἐκεῖ μὲν ἠθέλησαν σβέσαι τὸν λύχνον, ἵνα τὸ σκότος τῆς μοιχείας ἑαυτῶν ἐργάσωνται. 44. Ἔμεινε δὲ ἄσβεστος, δύο κόρας κακῶν ἀπολέσας1· πρώτην Ἡρωδιάδα καὶ τὴν ὑπὸ τῶν σεβαστηνῶν προσκυνουμένην κόρην. 45. Ποῦ γὰρ ἡ τῆς Σαμαρείας κόρη, ἡ ψευδώνυμος θεός; Πῦρ γέγονε καὶ τὴν φύσιν τῶν ξύλων ἐπέγνω. 46. Ἔδωκεν ἡμῖν ἁγίαν ἑορτὴν ἡ μεγαλόφωνος φωνή, ἧς ἀεὶ καταξιωθῶμεν, ἐν Χριστῷ Ἰησοῦ τῷ Κυρίῳ ἡμῶν, ᾧ ἡ δόξα καὶ τὸ κράτος εἰς τοὺς αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμήν.

1

ἀπολέσας] correxi, ἀπολέσασα O

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le Baptiste, si la lampe de la bienfaisance était bien éteinte. À ce moment certes, elles voulurent éteindre la lampe, pour s’adonner aux ténèbres de leur adultère. 44. Mais (la lampe) demeura inextinguible, causant la perte des deux filles de mal: la première, Hérodiade, et puis la fille que révéraient les hommes de haut rang. 45. Où est-elle en effet, la fille de Samariea, la fausse déesse ? Un feu survint et elle connut la nature du boisb. 46. Tandis que la Voix éclatante nous a donné une sainte fête, dont puissions-nous être toujours jugés dignes, en Christ Jésus notre Seigneur à qui est la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.

a

Cf. Ez 16, 46

b

Cf. Ez 16, 41 ou Mt 3, 10

Summary. The present article offers the editio princeps of a pseudochrysostomian homily on the Beheading of John the Baptist as found in the manuscript Ochrid, National Museum, Inv. 1 (Gr. 72). The first part of the introduction contains a list of the hagiographical and patristic entries in the manuscript. In the second section we endeavour to identify the patristic and apocryphal sources of the homily and submit the text to a concise literary analysis. It is shown that it goes back to Chrysostomus’ Homilia XLVIII in Matthaeum. One interesting feature of the sermon is the allusion to certain liturgical features for the birthday holiday: the readings of Psalms and Isaiah implied by the homilist (§ 31) have not been hitherto attested. The Greek original is accompanied by a French translation.

Xavier LEQUEUX LA PASSION GRECQUE (BHG 2245) INÉDITE DE MAMELCHTA, MYSTÉRIEUSE MARTYRE EN PERSE* Le 5 octobre, les synaxaires byzantins commémorent le souvenir de Mamelchta, martyrisée en Perse1. Dans la notice que la Bibliotheca Sanctorum consacra à la sainte2, Mgr Sauget estimait que les synaxaristes avaient probablement résumé la Passion grecque (BHG 2245), encore inédite alors. Quelques décennies plus tard, le texte attend toujours les honneurs d’une édition; le présent article se propose de réparer cet oubli. La Passion de Mamelchta est conservée, à notre connaissance, dans un seul témoin: le ms. Jérusalem, Patriarcat grec, Fonds du Saint-Sépulcre 22, un ménologe métaphrastique du XIe siècle3 d’une orthographe remarquable. Le texte, dont la lecture est proposée pour le 5 octobre, y occupe les feuillets 31v-32v, sur deux colonnes4. Aucune Passion syriaque de Mamelchta n’a été repérée à ce jour5, ce qui semblerait indiquer que le

*

Abréviations bibliographiques: voir infra, p. 275. La Passion grecque de Mamelchta nous a introduit dans un secteur de l’hagiographie orientale que nous avions eu peu l’occasion de fréquenter auparavant. J. Noret, A. Binggeli, C. Jullien et S. Brock ont eu la gentillesse de prendre connaissance de cet article. Qu’ils soient remerciés pour leurs observations. Il va sans dire que nous assumons la responsabilité de toute méprise. 1 Synax. CP, col. 107-108 (app. crit.) et col. 111-112. Ajouter la notice du «Ménologe» de Basile II (PG 117, col. 92), ainsi que celle des Ménées (Μηναῖον τοῦ Ὀκτωβρίου…, Venise, 1843, p. 27). Les synaxaires melkites réservent également le 5 octobre à notre martyre, en compagnie de Charitine et Paul le Simple: J.-M. SAUGET, Premières recherches sur l’origine et les caractéristiques des synaxaires melkites (XIe-XVIIe s.) (= Subs. hag., 45), Bruxelles, 1969, p. 120 et 237. Mamelchta est honorée le 17 octobre dans le Martyrologium Romanum (Comm. martyr. rom., p. 459-460), ce qui explique le report de son dossier à cette dernière date dans les AASS, Oct. t. 8 (1853), p. 53-55. 2

SAUGET, Mamelchta.

3

A. EHRHARD, Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche..., t. 2 (= Texte und Untersuchungen, 51), Leipzig, 1938, p. 366. 4 A. PAPADOPOULOS-KERAMEUS, Ἱεροσολυμιτικὴ βιβλιοθήκη, I, Saint-Pétersbourg, 1891, p. 84-88. Autre texte proposé pour le 5 octobre par ce même ms., qui en constitue également l’unique témoin: la Passion de Domnina (BHG 2108: éd. W. LACKNER, in AB, 90 [1972], p. 241-259). 5 Confirmation obtenue de U. Zanetti, initiateur de la future Bibliotheca hagiographica syriaca. Aucune mention de la sainte n’est faite dans les Actes de la table ronde organisée par la Société d’études syriaques, à Paris, le 18 novembre 2011: L’hagiographie syriaque, éd. A. BINGGELI (= Études syriaques, 9), Paris, 2012.

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 268-275.

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sort de la jeune femme ne connut guère de retentissement dans les églises syriennes6. Voici son contenu. Mamelchta, qui était prêtresse dans un temple d’Artémis, en Perse, avait une sœur chrétienne. Une nuit, tandis qu’elle dormait, un ange du Seigneur lui révéla les mystères chrétiens. Mamelchta rapporta le songe à sa sœur, qui la conduisit auprès de l’évêque. Ce dernier, après l’avoir instruite, la baptisa. Les prêtres d’Artémis firent irruption durant la cérémonie pour contraindre Mamelchta à reprendre le culte de la déesse. L’ancienne prêtresse refusa. Victime des mauvais traitements infligés par les païens, elle expira et sa dépouille fut jetée au fond d’un lac. Toute l’affaire fut rapportée par l’évêque au roi de Perse. Celuici autorisa le prélat à détruire le temple d’Artémis et à construire un martyrion pour accueillir la dépouille de Mamelchta. Ce qui fut fait. Les nombreuses guérisons survenues dans le nouveau sanctuaire provoquèrent de multiples conversions. Les diverses notices du Synax. CP précisent que Mamelchta fut lapidée et le synaxaire de Sirmond (S) signale que la synaxe de la martyre avait lieu à Constantinople dans le sanctuaire qui lui était consacré πέραν ἐν τῷ κέρατι7.

Le texte est avare de précisions sur les lieux et les personnages. L’identification de Mamelchta demeure problématique. Pour Delehaye, l’héroïne doit être identifiée avec la martyre homonyme figurant dans la liste des martyrs de Karka d’béṯ Slōḫ et d’autres lieux (BHO 807), avec deux autres religieuses du Béṯ Garmaï, Abiath et Ḥattaï, martyrisées sous Sapor8. Comme le fit remarquer Devos, cette liste est enregistrée, non sans 6

Pour être exhaustif, signalons qu’une «Mamelchta psaltria e Beth Garmaï», ainsi qu’un «Ioseph patriarcha» sont commémorés le 5 octobre dans le martyrologe tardif de Rabban Sliba: cf. AB, 27 (1908), p. 164, où le P. Peeters explique qu’il faut lire sacerdos et non psaltria. 7

L’endroit n’est pas localisé: R. JANIN, La géographie ecclésiastique de l’empire byzantin. Ière partie: Le siège de Constantinople et le patriarcat œcuménique. T. 3: Les églises et les monastères (= Publications de l’Institut français d’études byzantines), Paris, 1953, p. 331. Autre martyre perse honorée, dès le VIe s., à Constantinople, où plusieurs sanctuaires lui étaient dédiés: Ia, martyrisée sous Sapor II (cf. B. KUDONOPOULOS, Ο ναός της αγίας ´Ιας στη Χρυσή Πύλη της Κωνσταντινούπολης. Νέα στοιχεία για τη μάρτυρα ´Ια και για το ναό της, in Βυζαντινά, 23 [2002-2003], p. 155-159). 8 Synax. CP, col. 955 et Comm. martyr. rom., p. 460. C’était déjà l’avis d’Assemani (Bibliotheca orientalis…, t. I, Rome, 1719, p. 190 et Acta sanctorum martyrum orientalium…, Pars I, Rome, 1748, p. 102-103, adn. 10). On notera cependant que dans le texte syriaque visé, il est plutôt question d’une certaine Mezakhya (P. BROCK – S. ASHBROOK HARVEY, Holy Women of the Syrian Orient [= The Transformation of the Classical Heritage, 13], Berkeley, 1987, p. 77). Le Béṯ Garmaï est une «région située entre le Petit Zab et la Diyala, à l’est du Tigre» (Chr. JULLIEN, Contribution des Actes des martyrs perses à la géographie historique et à l’administration de l’empire sassanide, in Contributions à l’histoire et à la géographie historique de l’empire sassanide [= Res orientales, 16], Bures-sur-Yvette, 2004, p. 147-148).

X. LEQUEUX

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altération dans le synaxaire Cc, en date du 20 novembre9, mais le bollandiste était d’avis de distinguer notre Mamelchta de la Μαμλάχα du 20 novembre et de «ramener à elle Μαλφέτα (-ετά, ετώ, -εθώ), dont le nom paraît à la suite du sien dans plusieurs témoins du synaxaire, en rapport avec Χαριτίνη du 5 octobre», tout en mettant en doute l’historicité du personnage vénéré en octobre10. Le spécialiste des martyrs persans ajoutait encore: «Si Mamelkhtha n’est sans doute qu’une figure aussi imaginaire que l’Artémis dont elle aurait, avant sa conversion, desservi le sanctuaire, il n’en reste pas moins que les traits bien accusés de sa personnalité littéraire ne doivent rien à une Mamlakhā perdue parmi ses compagnes, simple nom au terme d’une sèche énumération»11. Malgré ces observations, c’est toutefois le rapprochement avec les martyres du Béṯ Garmaï qui demeure privilégié bien des années plus tard par Fiey12. La Passion anonyme BHG 2245, désormais accessible ci-après dans son intégralité, interdit définitivement d’inclure Mamelchta parmi les victimes de Sapor II (309-379). On comprend mal13 comment le Sassanide, après avoir déclenché la Grande Persécution à l’encontre des chrétiens14, aurait pu accorder à un évêque la faveur de détruire le temple où officiait

9

DEVOS, Commémoraisons, p. 152-153.

10

Ibid., p. 146-147. Pour Sauget (Mamelchta), la réunion de Χαριτίνη et de Μαμέλχθα/ Μαλφετά dans une seule rubrique proviendrait du fait que les deux martyres étaient honοrées le même jour. La même paire est célébrée dans l’hymnographie byzantine dès le IXe s.: cf. E. FOLLIERI, Santi persiani nell’innografia bizantina, in La Persia e il mondo greco-romano. Roma, 11-14 aprile 1965 (= Accademia nazionale dei Lincei, Quaderno 76), Rome, 1966, p. 231, n. 25. Toujours dans l’hymnographie, une autre Mamelchta est parfois associée à la thaumaturge Zénaïs (honorée le 6 juin dans le Synax. CP): E. PAPAILIOPOULOU-FOTOPOULOU, Ταμεῖον ἀνεκδότων βυζαντινῶν ᾀσματικῶν κανόνων seu Analecta hymnica Graeca e codicibus eruta Orientis Christiani (= Σύλλογος πρὸς Διάδοσιν Ὠφελίμων Βιβλίων, 62), Athènes, 1996, p. 212 (# 647). 11

DEVOS, Commémoraisons, p. 154.

12

J. M. FIEY, Saints syriaques, éd. L. I. CONRAD (= Studies in Late Antiquity and Early Islam, 6), Princeton, 2004, p. 312, # 285: «Mamelḫta (?), vierge du Béṯ Garmaï». La martyre n’est pas recensée dans S. P. BROCK, The History of the Holy Mar Ma‛in. With a Guide to the Persian Martyrs Acts (= Persian Martyr Acts in Syriac: Text and Translation, 1), Piscataway, 2008, p. 77-125 («A Guide to the Persian Martyr Acts»). 13 Le constat n’est pas original. Il a déjà été dressé par l’érudit Assemani en son temps (cf. supra, n. 8). 14 Le début de la persécution est controversé, deux dates ayant été proposées: 339/340 ou 344; pour la bibliographie, se reporter à M. L. Chaumont (Christianisation, p. 160, n. 3). Sur les persécutions (à répétition) des chrétiens dans l’empire sassanide, voir la synthèse de J. Th. WALKER, The Legend of Mar Qardagh. Narrative and Christian Heroism in Late Antique Iraq (= The Transformation of the Classical Heritage, 40), Berkeley – Los Angeles – Londres, 2006, p. 109-112.

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Mamelchta; un tel comportement semble peu probable dans le chef des souverains sassanides, fervents adeptes de la religion mazdéenne15. Situer l’histoire de Mamelchta sous la dynastie antérieure des Arsacides pose également problème. Ces souverains passent pour avoir fait preuve de tolérance religieuse, alors que les mages n’avaient pas encore réussi à imposer le mazdéisme comme religion officielle en Perse16. Dans pareil contexte, on voit mal un souverain favoriser une minorité, au risque de compromettre la stabilité de son royaume, en autorisant la destruction d’un temple voué à la déesse Artémis, dont le culte était par ailleurs attesté en Mésopotamie depuis l’Antiquité17. Il semble bien, comme le suggérait déjà P. Devos, que l’histoire de Mamelchta soit une pieuse fiction: la Perse et l’intervention de son souverain proviennent vraisemblablement de l’imagination féconde d’un hagiographe byzantin inspiré par la consonance exotique du nom de l’héroïne. Solliciter cette contrée orientale pour situer artificiellement un débat opposant les chrétiens à leurs contradicteurs est également loin d’être original dans la littérature grecque: le même artifice littéraire est utilisé au sein de la Disputatio de religione, aussi intitulée De gestis in Perside (CPG 6968), un roman dans lequel s’affrontent devant le souverain sassanide Coatos (!) chrétiens, zoroastriens et juifs, et dont un extrait, le «Récit d’Aphroditien» (BHG 806, 806a, 806b; CANT 55), aboutit, de manières diverses, dans l’homélie De nativitate

15 À l’exception notoire de Iazdgird Ier (399-420), l’ami de Maruthas l’évêque de Maiferqāṭ, qui défendit les chrétiens du moins au début de son règne: cf. le jugement nuancé de Sc. MCDONOUGH, A Second Constantine ? The Sasanian King Yazdgard in Christian History and Historiography, in Journal of Late Antiquity, 1 (2008), p. 127-141. Mais dans la Vie du saint évêque (BHG 2265), ses contradicteurs se recrutent parmi les mages et non chez les adeptes de la religion grecque: cf. J. NORET, La Vie grecque ancienne de S. Marūtā de Mayferqaṭ, in AB, 91 (1973), p. 77-103, en part. p. 102-103. Le bollandiste Van Hecke (AASS, Oct. t. 8 [1853], p. 54-55, § 8) avait proposé de situer le martyre de Mamelchta peu après la signature du traité de paix entre Théodose II et Vahram V, conclu en 422 pour une durée de 100 ans, lequel accordait la liberté de culte aux chrétiens sur le territoire perse et autorisait le zoroastrisme dans l’empire byzantin; la trêve sera rompue par Iazdgird II (438-457). 16 CHAUMONT, Christianisation, p. 52; D. METZLER, Arsakiden und andere parthischen Fürsten als Anhänger fremder Religionen, in Anabasis, 1 (2010), p. 226-235. 17

À Borsippa, d’après Strabon XVI, 1, 7. Pour illustrer la survivance des cultes helléniques en Perse, on mentionnera une statue d’Héraclès, munie d’une inscription bilingue (grecparthe) gravée à l’occasion de son transfert à Séleucie en 150/151 ou 151/152 de notre ère dans le temple de la divinité: voir P. BERNARD, Vicissitudes au gré de l’histoire d’une statue en bronze d’Héraclès, entre Séleucie du Tigre et la Mésène, in Journal des Savants (1990), p. 368, en part. 52-62 («Le syncrétisme religieux gréco-oriental»). Sur l’interprétation abusive du titre de «philhellène» porté par les souverains arsacides, cf. J. WOLSKI, Sur le «philhellénisme» des Arsacides, in Gerión, 1 (1984), p. 145-156.

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Christi de Jean Damascène (BHG 1912), ainsi que dans plusieurs panegyrika byzantins18. Quoi qu’il en soit, on ne manquera pas de verser l’histoire de Mamelchta au dossier des destructions, avérées ou supposées, des temples païens opérées par les chrétiens durant l’Antiquité tardive19. Société des Bollandistes

Xavier LEQUEUX

18 Sur ce texte énigmatique, voir K. HEYDEN, Die »Erzählung des Aphroditian«. Thema und Variationen einer Legende im Spannungsfeld von Christentum und Heidentum (= Studien und Texte zu Antike und Christentum, 53), Tübingen, 2009. Une nouvelle édition de la Disputatio est disponible depuis peu: P. BRINGEL, Une polémique religieuse à la cour perse: le De gestis in Perside. Histoire du texte, édition critique et traduction, thèse doctorale, Université Paris IV – Sorbonne, 2007. 19 La destruction des temples païens durant l’Antiquité tardive, qui constitue également un topos hagiographique à succès, a déjà suscité une énorme bibliographie: cf. G. F OWDEN, Bishops and Temples in the Eastern Roman Empire, in Journal of Theological Studies, n. s. 29 (1978), p. 53-78; F. R. TROMBLEY, Hellenic Religion and Christianization c. 370-529, 2 vol. (= Religions in the Graeco-Roman World, 115), Leyde, 1993-1994; B. CASEAU, Πολεμεῖν λίθοις: la désacralisation des espaces et des objets religieux païens durant l’Antiquité tardive, in Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident, dir. M. KAPLAN (= Byzantina Sorbonensia, 18), Paris, 2001, p. 61-123; From Temple to Church. Destruction and Renewal of Local Cultic Topography in Late Antiquity, ed. J. HAHN et al. (= Religions in the Graeco-Roman World, 163), Leyde, 2008. Autre exemple, situé en Mésopotamie et également passé inaperçu dans la bibliographie: d’après les Actes de Mari (BHO 610), ce dernier, après avoir évangélisé Séleucie, obtint du roi Aphraate nouvellement converti de disposer d’un temple païen, qu’il détruisit et remplaça par une église (Acta S. Maris 25: ed. P. BEDJAN, Acta martyrum et sanctorum Syriace, t. I, Paris, 1890, p. 63-66; trad. Chr. et Fl. JULLIEN, Les Actes de Mar Mari: l’apôtre de la Mésopotamie [= Apocryphes, 11], Turnhout, 2001, p. 103-105).

LA PASSION GRECQUE (BHG 2245) DE MAMELCHTA

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ΜΑΡΤΥΡΙΟΝ ΤΗΣ ΑΓΙΑΣ ΜΑΜΕΛΧΘΗΣ e codice Hierosolymitano Patr. 22, f. 31v-32v

1. Ἐν ταῖς ἡμέραις ἐκείναις ἦν ναὸς τῆς Ἀρτέμιδος ἐν Περσίδι. Μαμέλχθα δὲ ἦν ἱερατεύουσα τῇ Ἀρτέμιδι ἐν αὐτῷ. Ἡ δὲ ἀδελφὴ αὐτῆς ἦν χριστιανὴ καὶ παρῄνει αὐτὴν γενέσθαι χριστιανήν. Μαμέλχθα δὲ κατενεχθεῖσα ὕπνῳ, καθεύδουσα εἶδεν κατ´ ὄναρ ἄγγελον Κυρίου δεικνύοντα αὐτῇ τὸ ἅγιον βάπτισμα καὶ τὰ ἄλλα μυστήρια τῶν χριστιανῶν. Kαὶ ἀναστᾶσα Μαμέλχθα ἀπὸ τοῦ ὕπνου ἔμφοβος γενομένη, διηγεῖται τῇ ἀδελφῇ αὐτῆς τὸ ὄναρ. Ἡ δὲ λαβοῦσα αὐτήν, ἀπήγαγεν || πρὸς τὸν ἐπίσκοπον, καὶ διηγήσατο τῷ ἐπισκόπῳ τὸ ὄναρ ὅπερ εἶδεν. Ὁ δὲ ἐπίσκοπος λέγει αὐτῇ· «Tὰ μυστήρια τῶν χριστιανῶν ἀπεκαλύφθη σοι, καὶ ὀφείλεις χριστιανὴ γενέσθαι καὶ σῶσαι ἑαυτήν». Καὶ κατήχησεν αὐτὴν ὁ ἐπίσκοπος. Μαμέλχθα δὲ παρεκάλει εὐθέως, ὥστε λαβεῖν τὸ λουτρὸν τῆς ἀθανασίας. 2. Ὁ δὲ ἐπίσκοπος λαβὼν τὴν ἁγίαν Μαμέλχθαν, ἐβάπτισεν εἰς τὸ ὄνομα τοῦ πατρὸς καὶ τοῦ υἱοῦ καὶ τοῦ ἁγίου πνεύματος. Ἡ δὲ ἀδελφὴ αὐτῆς ἐδέξατο αὐτήν, καὶ γέγονεν αὐτῆς κατὰ Χριστὸν μήτηρ καὶ ἀδελφή. Καὶ προσελθόντες οἱ ἱερεῖς τῆς Ἀρτέμιδος ἠνάγκαζον τὴν ἁγίαν Μαμέλχθαν πάλιν ἱερατεύειν τῇ Ἀρτέμιδι καὶ ἑλληνίζειν. Ἀναγκαζομένη δὲ ὑπὸ || τῶν ἱερέων τῶν Ἑλλήνων, λέγει αὐτοῖς· «Μόλις ποτὲ ἐλθούσης μου εἰς ἐπίγνωσιν ἀληθείας, ὁ Θεός μου σπλαγχνισθεὶς ἐπ´ ἐμοί, ἔσωσεν τὴν ψυχήν μου ἀπὸ τῆς πλάνης τῶν εἰδώλων, καὶ ὑμεῖς θέλετε πάλιν ἀπολέσαι με μεθ´ ὑμῶν;» 3. Θυμωθέντες δὲ οἱ ἱερεῖς, παρέδωκαν αὐτὴν τοῖς Ἕλλησιν, ὥστε αὐτὴν τιμωρηθῆναι. Ἡ δὲ ἁγία Μαμέλχθα αἰκισμοῖς τε πλείοσι τιμωρουμένη ὑπὸ τῶν Ἑλλήνων, παρέδωκεν ἐν εἰρήνῃ τὸ πνεῦμα αὐτῆς τῷ δεσπότῃ Χριστῷ. Οἱ δὲ Ἕλληνες λαβόντες τὸ ἅγιον λείψανον τῆς ἀθλοφόρου, ἔβαλον εἰς λάκκον τοιοῦτον, ὥστε μόλις δυνηθῆναι τοὺς χριστιανοὺς ἐπᾶραι αὐτό. Τότε ὁ ἐπίσκοπος ἐνέτυχε τῷ βασιλεῖ τῶν Περσῶν, διηγησάμενος αὐτῷ τὸ γεγονός. Ἀκούσας || δὲ ὁ βασιλεύς, δέδωκε τῷ ἐπισκόπῳ ἐξουσίαν τοῦ καταλῦσαι τὸν ναὸν τῆς Ἀρτέμιδος, καὶ οἰκοδομηθῆναι αὐτὸν μαρτύριον τῆς ἁγίας Μαμέλχθης. Ὁ δὲ ἐπίσκοπος κατὰ τὸ πρόσταγμα τοῦ βασιλέως μετὰ πολλῆς χαρᾶς κελεύει καταστραφῆναι τὸν ναὸν τῆς Ἀρτέμιδος. Kαὶ οἰκοδομήσας αὐτὸν μαρτύριον, ἐν αὐτῷ κατέθετο τὸ λείψανον τῆς ἁγίας μάρτυρος Μαμέλχθης. 4. Ἀποφερομένου δὲ τοῦ λειψάνου παρὰ τοῦ ἐπισκόπου καὶ παρὰ τῶν τῆς πόλεως χριστιανῶν κατ´ ἐπιτροπὴν τοῦ βασιλέως τῶν Περσῶν, πολλοὶ τῶν Ἑλλήνων ἐν ἐκείνῃ τῇ ἡμέρᾳ ἐπίστευσαν, καὶ γεγόνασιν καὶ αὐτοὶ χριστιανοί. Εἶδον γὰρ πολλοὺς ἰαθέντας ἀσθενεῖς καὶ πολλὰ φοβερὰ σημεῖα | γενόμενα, ἐνεργοῦντος τοῦ λειψάνου τῆς ἁγίας μάρτυρος Μαμέλχθης, εἰς δόξαν τοῦ Κυρίου ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ, ᾧ πρέπει δόξα, κράτος, τιμὴ καὶ προσκύνησις νῦν καὶ εἰς τοὺς ἀπεράντους αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμήν.

Tit. + Κύριε εὐλόγησον cod.

X. LEQUEUX

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MARTYRE DE SAINTE MAMELCHTA 1. En ces jours-là, il y avait un temple d’Artémis, en Perse. Mamelchta y officiait comme prêtresse d’Artémis. Sa sœur était chrétienne et l’exhortait à devenir elle aussi chrétienne. Mamelchta, tombant de sommeil, se coucha et vit en songe un ange du Seigneur lui montrer le saint baptême et les autres mystères des chrétiens; et tirée de son sommeil, Mamelchta, épouvantée, rapporte le songe à sa sœur. Celle-ci la prit, la conduisit chez l’évêque, et l’autre rapporta à l’évêque le songe qu’elle avait vu. L’évêque lui dit: «Les mystères des chrétiens t’ont été révélésa, et il te faut devenir chrétienne et assurer ton salut». Et l’évêque l’instruisit. Mamelchta demanda aussitôt à recevoir le bain de l’immortalité. 2. L’évêque prit sainte Mamelchta, (la) baptisa au nom du Père, et du Fils et du Saint-Espritb. Sa sœur se porta garante d’elle et devint à la fois sa mère selon le Christ et sa sœur20. Les prêtres d’Artémis s’approchèrent pour contraindre sainte Mamelchta à officier à nouveau comme prêtresse d’Artémis et à accomplir le culte grec. Sous la contrainte des prêtres des Grecs, elle leur dit: «Tandis que je suis péniblement parvenue à la connaissance de la véritéc, mon Dieu, pris de pitié à mon égard, a sauvé mon âme de l’erreur des idoles, et vous, vous voulez à nouveau me faire périr avec vous ?» 3. Furieux, les prêtres la livrèrent aux Grecs, pour qu’elle fût châtiée. Sainte Mamelchta, que les Grecs punirent par de nombreux tourments, remit paisiblement son espritd à son maître, le Christ. Les Grecs prirent la sainte dépouille de l’athlète pour la jeter dans un lac si profond, que les chrétiens purent à grand peine l’en extraire. Alors l’évêque partit à la rencontre du roi des Perses, lui rapporta ce qui était advenu. Après l’avoir écouté, le roi donna à l’évêque la permission de détruire le temple d’Artémis et de l’aménager en martyrion de sainte Mamelchta. Conformément à l’ordonnance du roi, l’évêque, dans une grande joie, ordonna de démolir le temple d’Artémis. Et après l’avoir aménagé en martyrion, il y déposa la dépouille de la sainte martyre Mamelchta. 4. Une fois la dépouille ramenée par l’évêque et les chrétiens de la cité conformément à la directive du roi des Perses, de nombreux Grecs crurent, en ce jour, et devinrent eux aussi chrétiens. Ils voyaient en effet que beaucoup de malades étaient guéris, et que beaucoup de terribles signes se produisaient, par l’action de la dépouille de la sainte martyre Mamelchta, pour la gloire de Notre Seigneur, JésusChrist, à qui revient la gloire, la puissance, l’honneur et l’adoration maintenant et pour les siècles des siècles sans fin. Amen.

a

Cf. Eph. 3, 5.

b

Cf. Matth. 28, 19.

c

Cf. 1 Ti 2, 4.

d

Cf. Jn 19, 30.

20 Le substantif ἀνάδοχος désigne le parrain (si le baptisé est un enfant) ou le garant (s’il s’agit d’un adulte) et le baptême crée une relation spirituelle entre le parrain et le baptisé: R. J. MACRIDES, Godparent, in The Oxford Dictionary of Byzantium, vol. 2, New York – Oxford, 1991, p. 858.

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Abréviations bibliographiques CANT = Clavis Apocryphorum Novi Testamenti, cura et studio M. GEERARD (= Corpus Christianorum), Turnhout, 1992. CHAUMONT, Christianisation = M. L. CHAUMONT, La christianisation de l’empire iranien. Des origines aux grandes persécutions du IVe s. (= Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 499; Subsidia, 80), Louvain, 1988. DEVOS, Commémoraisons = P. DEVOS, Commémoraisons de martyrs persans dans le synaxaire de Lund, in AB, 81 (1963), p. 143-158. SAUGET, Mamelchta = J.-M. SAUGET, «Mamelchta, santa martire in Persia», in Bibliotheca Sanctorum, t. VIII, Rome, 1966, col. 613-614.

Summary. Folia 31v-32v of MS. Jerusalem, Greek Orthodox Patriarchate, Hagh. Taph. 22 (11th cent.) contain the story of Mamelchta, a priestess of Artemis / Diana, who converted to Christianity and was martyred in Persia at some uncertain time. The Greek text, edited here for the first time, has no parallel in any other literature of the Christian East. This raises the question as to whether the account is nothing more than a literary fiction.

Andrey VINOGRADOV SAINT PARASCEVE OF ICONIUM AND HER «LOST» GREEK ACTS Under the name of Parasceve the Church venerates several holy women: a less well-known martyr Parasceve, the companion of St. Photina the Samaritan (commemoration 20 March), a most famous martyr Parasceve of Sicily (comm. 26 July)1, a holy woman Parasceve of Tarnovo (comm. 14 October), very important for Bulgaria2, and finally the martyr Parasceve of Iconium (comm. 28 October), who was particularly revered in Russia, primarily as a patroness of trade. Despite these differences the cult of all SS. Parasceves (Pyatnica, Petka, Venus) is very close in the various countries, which is caused by the meaning of her name (“Friday”) being associated with the corresponding day of the week, which generates a lot of similar folk customs, often whitout any connection to their original source3. According to a long-established view4 the Greek original of the Acts of St. Parasceve of Iconium has not survived and is preserved only in the Slavonic translation5. This fact has completely excluded this saint from studies in Greek hagiography, which has, as we shall see, a very peculiar consequence. All attention was concentrated on the various versions of the Acts of St. Parasceve of Sicily. However, the absence of any dating for a majority of these Acts has led researchers to examine the few chronological references in the tradition. One of these references was the authorship of John of Euboia, a Greek author of the 8th cent., who wrote an Encomium to St. Parasceve of Sicily (BHG 1420p), which was published by F. Halkin6. The text has survived 1

Cf. J. SCHARPÉ, Parasceve – Veneris – Petkae – Vineri manipulus, Diss., 4 vol., Leuven,

1970. 2 Her Slavonic Life written by Euthymios of Tarnovo was translated in 17 th c. into Greek (BHG 1421). 3

See K. ONASCH, Parasceva-Studien, in Ostkirchliche Studien, 6 (1957), p. 121-141.

4

Сергий (Спасский), архиеп., Полный месяцеслов Востока, t. 3, Мoscou, 1997, col. 285-286; cf. the silence of BHG and its Auctaria. 5

Великие Минеи-Четьи. Октябрь. М., 19. С. 1972-1979.

6

F. HALKIN, La Passion de Sainte Parascève par Jean d’Eubée, in Polychronion. Festschrift Franz Dölger zum 75. Geburtstag (= Forschungen zur griechischen Diplomatik und Geschichte, 1), Heidelberg, 1966, p. 226-237; reprinted in ID., Recherches et documents d’hagiographie byzantine (= Subs. hag., 51), Bruxelles, 1971, p. 270-281.

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 276-279.

ST. PARASCEVE OF ICONIUM AND HER «LOST» GREEK ACTS 277

in two witnesses: MSS. Neapol. II C 33, 1495 AD, ff. 114v-118v and Oxon. Bodl. Holkham gr. 24, from 14th-15th cent., ff. 166v-173. The latter codex contains two additional chapters (7 and 8), written on a bifolium (ff. 170rv and 171rv) inserted between the 6th and 7th leaves of the quire7. On the fourth page of this insertion the scribe went beyond the text field in order to complete the last episode and to link it to the following one. In dealing with this oddity, F. Halkin cautiously suggested that despite the apparent inauthenticity of the fragment (as his colleague P. Devos thought), it was quite possible that the scribe of the Oxford manuscript had another, more complete version of the Encomium. J. Scharpé has established that these two chapters have no parallel in the entire tradition of St. Parasceve of Sicily and has tried to explain the origin of these motifs by an analogous imitation of other versions of the Acts. In fact, the answer to this question is much easier, but also much more interesting. We need only refer to the Acts of another Parasceve, of Iconium, preserved only in Slavonic. There we will find a Slavonic text completely corresponding to these chapters. Thus it is clear that the scribe of the Oxford manuscript has enriched the Encomium of St. Parasceve of Sicily by inserting some passages from the Acts of St. Parasceve of Iconium. Such an enrichment is not surprising: the most famous example is the Life of St. Nicholas of Myra enriched by material taken from the Life of St. Nicholas of Sion (BHG 1347)8. However, this fact poses a number of questions, the answers to which are not so easy. First of all, what was the exact purpose of this insertion ? It seems that the reason for it was the dialogue between the martyr and ἡγεμών Aetios about the meaning of the name Parasceve and its connection with Friday. Together with it were inserted also some other episodes: beating with ox sinews, planing of edges and smashing the statue of Apollo, also unknown in the Acts of St. Parasceve of Sicily. The omission of the miracle of the healing in prison could be explained by the desire of the editor to make room for a consistent link to the following text. At the end of the insertation it was not enough space for complete description; so whole phrases were omitted, some long expressions were replaced by shorter ones and two times the verbs get lost (in Ἡ δὲ ἁγία μάρτυς τοῦ Χριστοῦ Παρασκευὴ ἐπὶ τῷ πρωῒ εὐχομένη καὶ ψάλλουσα and in Δεῖξόν μοι τοὺς θεούς σου 7

Established by Ruth BARBOUR, Summary Description of the Greek Manuscripts from the Library at Holkham Hall, Oxford, 1960, p. 229. 8 Recent edition, with commentary by V. RUGGIERI, La Vita di San Nicola di Sion. Traduzione, note e commentario, Roma, 2013.

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A. VINOGRADOV

καὶ εἰσελθὼν εἰς τὸν ναόν). The fact that the scribe has not written his addendum on the following leaf (f. 172r) of the quaternion, shows that he made this insertion after finishing copying the text of the Encomium by using the margin at the end of the verso. These considerations must be taken into account when solving the second problem: what are the differences between the Greek and Slavonic texts ? Only this explains why exactly at the end of the insertion the editor cuts and omits more and more single phrases or episodes (see above). The techniques of editing the text are different (omissions, rewritings), but the anonymous editor never abandons his original Very important are also the lexical equivalents: on their basis it is possible to reconstruct, albeit in a general way, the original Greek Acts of St. Parasceve of Iconium. Finally, we have to answer the third question: which of the versions of the Slavonic translation of the Acts is closer to this Greek fragment ? Unfortunately, we do not have a critical edition of the Slavonic Acts but even a glance at the manuscript tradition suggests that there are at least three versions: that in of Macarius’ collection (also found in SHM Titov 1769 (2166), 17-18th cent., ff. 158-175), the second one, very different from the printed text (e.g. SHM Uvarov 1045 (613), early 15th cent., ff. 47v-53; RNL OLDP F 186, 16th cent., ff. 12-15v) and the conflated one (e.g. RNL OLDP Q 50, middle of 16th cent., ff. 21-30). The Greek text of the insertion is closest to Macarius’ version but sometimes coincides with the second version (e.g. the second version retains the typical hagiographic words скверни iереи, i.e. μιερεῖς). Thus we can clearly establish the existence of a Greek model of the Slavonic Acts. However, this fact surely does something more than confirm a conclusion that suggests itself ? In our view there are at least two problems that this discovery may enable scholars to solve. The first is the unknown significance of the cult of St. Parasceve of Iconium in the Greek world. In addition to these Acts there is also a Slavonic miracle of St. Parasceve saving Iconium from an Arabic siege, which was no doubt also translated from Greek. This text (still unpublished and existing in at least three versions) remains unknown not only to specialists in Byzantine and Slavonic hagiography. Secondly, the lack of any evidence for a cult of the Megalomartys (!) of Iconium in Greek has led art historians to attribute all images of St. Parasceve in Byzantine art to the Sicilian saint9. This problem also needs to be reproved, especially because 9 See e.g. U. KNOBEN, art. Parasceve (Pjatnika), in Lexikon für christliche Ikonographie, VIII (1976), col. 118-120.

ST. PARASCEVE OF ICONIUM AND HER «LOST» GREEK ACTS 279

some monuments clearly depict the Megalomartys from Iconium (e.g. the famous representation of St. Parasceve with the instruments of Passion in Cod. Paris. gr. 510, 880 AD, f. 285)10. National Research University

Andrey VINOGRADOV

Higher School of Economics Faculty of History Chapaevski per. 8-68 RU – Moscou 125057

Résumé. La présente contribution est consacrée au texte grec du Martyre de Ste Parascève d’Iconium. Ce récit, qu’on croyait jusqu’ici connu exclusivement par la tradition slave, est en réalité partiellement conservé dans un manuscrit grec incluant un éloge de Jean d’Eubée (VIIIe s.) dédié à sainte Parascève de Sicile (BHG 1420p). Il contient quelques épisodes du Martyre, abrégés en vue d’être insérés dans cet encomium. Le fragment retrouvé pose la question de la vénération de Ste Parascève d’Iconium à Byzance, et de l’identification exacte de la sainte figurée dans l’iconographie byzantine.

10

Reproduction available in L. BRUBAKER, Politics, Patronage, and Art in Ninth-Cent. Byzantium: the Homilies of Gregory of Nazianzus in Paris (B. N. Gr. 510), in Dumbarton Οaks Papers, 39 (1985), p. 1-13, esp. p. 10 and plate 7.

Dirk KRAUSMÜLLER THE VITAE B, C AND A OF THEODORE THE STOUDITE Their Interrelation, Dates, Authors and Significance for the History of the Stoudios Monastery in the Tenth Century* Given the important role that Theodore the Stoudite1 played in Byzantine religious history it comes as no surprise that his life became the subject of several hagiographical narratives. In a recent article I have made the case that the oldest extant text, Vita B, is a metaphrasis of a now lost first Life of Theodore, which Patriarch Methodius composed in the middle of the ninth century2. In this article I focus on the relationship between Vita B (BHG 1755)3 and the later versions Vita A (BHG 1754)4 and Vita C (BHG 1755d)5. Through detailed comparison of corresponding passages I establish that Vita B served as the direct model for Vita C whereas Vita A is a later reworking of Vita C, and I show that despite presenting the same subject matter the authors subscribe to radically different stylistic ideals. In a further step I argue that all three texts were written in relatively quick succession in the first half of the tenth century. After a brief discussion of the identity of the authors I demonstrate that their texts served different purposes. Whereas Vita B was written for the benefit of the Stoudite community the other two texts are propaganda pieces addressed to a larger public. At the end of my article I attempt to situate the three texts in the context of tenth-century Stoudite monasticism. How do the texts relate to each other ? In modern scholarship it is commonly accepted that the text of Vita B of Theodore of Stoudios provided the model for two later adaptations, the anonymous Vita C, which is extant in one twelfth-century manuscript, and *

Abbreviations see below p. 298.

1

On Theodore the Stoudite, see PmbZ 7574.

2

Cf. KRAUSMÜLLER, Patriarch Methodius, p. 144-150. About Patriarch Methodius, see PmbZ 4976. 3

PG 99, col. 233-328.

4

Ibid., col. 233-328; emendations by V. LATYŠEV, Žitie prep. Theodora Studita v Mjunhenskoj rukopisi n° 467, in Vizantijskij Vremennik, 21 (1914), p. 222-254. 5

Ed. V. LATYŠEV, ibid., p. 255-304, esp. p. 255-257.

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 280-298.

VITAE B, C AND A OF THEODORE THE STOUDITE

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the more popular Vita A whose oldest manuscript dates to the eleventh century. It is usually assumed that Vita A is derived from Vita B and that Vita C is then a further reworking of Vita A6. However, this hypothesis is based on little more than the sequence of the letters in the alphabet7. In order to come to a more definite conclusion it is necessary to make detailed comparisons of corresponding passages in the three versions. The first example that I have chosen for this purpose is taken from a brief biographical note concerning Theodore’s father Photinus, which is found in the first section of the texts: Vita B, 2: τὴν γὰρ οὐ πολλοστὴν ἀπὸ βασιλέως διέπων ἀρχὴν καθ’ ὅτι ταμείας ἐχχρημάτιζε τῶν βασιλικῶν φόρων (PG 99, col. 236 C14-D1). Vita C, 4: τὴν οὐ πολλοστὴν ἀπὸ βασιλέως διέπων ἀρχήν· ταμίας γὰρ τῶν βασιλικῶν χρημάτων ἐτύγχανε (ed. LATYŠEV, p. 259, l. 28-30). Vita A, 4: τὴν οὐ πολλοστὴν ἀπὸ βασιλέως διεῖπεν ἀρχὴν καὶ αὐτῷ τὰ χρήματα ἐτταμίευσεν (PG 99, col. 116 D4-6).

It is immediately obvious that the three versions resemble each other quite closely. In the first part of the sentence there is only one divergence: where Vita B and Vita C have the participle διέπων, the author of Vita A uses the finite verb διεῖπεν instead. By contrast, the second part contains more discrepancies. Close comparison helps us to establish the relationship between the three versions. Vita C has kept the sentence structure of Vita B — a subject with a genitive attribute from which it is separated by the finite verb — and also the words ταμίας and τῶν βασιλικῶν. Moreover, 6

Th. Pratsch declares: “Die Zuverlässigkeit nimmt von Vita B über Vita A zu Vita C (und zum Fragment Vita D) hin ab” (Theodoros Studites (759-826) zwischen Dogma und Pragma [= Berliner byzantinische Studien, 4], Berlin, 1998, p. 8; quoted in F. WINKELMANN – R.-J. LILIE, Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit. 1. Abt.: 641-867, Prolegomena, Berlin, 1998, p. 76, s. v. Theodoros Studites). St. Efthymiades observes that the author of Vita A added “rhetorical flourishes” to its model Vita B and then states: “More dry and sketchy is the later Vita C” (Hagiography from the “Dark Age” to the Age of Symeon Metaphrastes [Eighth-Tenth Centuries], in The Ashgate Research Companion to Byzantine Hagiography. I: Periods and Places, ed. ID., Farnham – Burlington, 2011, p. 95-142, esp. p. 109). O. Delouis observes: “Le succès de la Vie B se mesure au fait qu’elle fut réécrite à plusieurs reprises: ainsi la Vie A de Théodore Stoudite s’inspire de la Vie B, et la Vie C de la Vie A” (Écriture et réécriture au monastère de Stoudios à Constantinople [IXe-Xe s.]: quelques remarques, in Remanier, métaphraser: fonctions et techniques de la réécriture dans le monde byzantin, ed. S. MARJANOVIĆDUŠANIC – B. FLUSIN, Belgrade, 2011, p. 101-110, esp. p. 106). A. Timotin (Visions, prophéties et pouvoir à Byzance. Étude sur l’hagiographie mésobyzantine [IXe-XIe s.] [= Dossiers byzantins, 10], Paris, 2010, p. 150) also considers Vita C to be a “remaniement” of Vita A. 7 I myself have accepted the traditional view for no better reason: cf. D. KRAUSMÜLLER, The Abbots of Evergetis as Opponents of “Monastic Reform”: A Re-Appraisal of the Monastic Discourse in Eleventh- and Twelfth-Century Constantinople, in Revue des Études Byzantines, 69 (2011), p. 111-134.

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D. KRAUSMÜLLER

it is not difficult to see that the noun χρημάτων, which replaces φόρων, is derived from ἐχρημάτιζε in whose place we now find the new finite verb ἐτύγχανε. By contrast, the sentence in Vita A is markedly different — a verb with a dative and an accusative object — and contains no elements from Vita B that are not also found in Vita C. Indeed, there can be no doubt that ἐταμίευσεν and τὰ χρήματα are directly derived from ταμίας and τῶν … χρημάτων in Vita C. It is evident that the change in syntax allows the author of Vita A to suppress the finite verb ἐτύγχανε found in Vita C. As a consequence, his version appears much more economical, an impression that is further reinforced through the personal pronoun αὐτῷ, which refers back to βασιλέως and thus makes use of the cognate adjective βασιλικῶν unnecessary. The hypothesis that Vita C is closer to Vita B than Vita A is confirmed through analysis of a further passage, which describes how the monks reacted to Theodore’s exemplary behaviour during common meals in the refectory. Elements from Vita B that are found in the two other Lives appear in bold, and elements common to Vita C and Vita A are marked out through italicisation: Vita B, 8: Πρὸς ὃν βλέποντες οἱ συνασκηταί, καὶ μάλιστα ὁ θαυμάσιος Ἰωσήφ, ὁ καὶ τὴν φύσιν καὶ τὴν προαίρεσιν προσφυῶς οἰκειούμενος, ἐμ μορφοῦτο τὴν ψυχὴν τῷ ἐκείνου κάλλει, τοιουτοσθενῆ προθυμίαν τῇ τῶν πραγμάτων ἐνδεικνύμενος ἐξομοιώσει· διὸ καὶ ἄλλος τις εἶναι Θεόδωρος παρ’ αὐτοῖς εἰκάζετο, πολὺς ἀρετῇ καὶ γνώσει γεγονώς· ὃς καὶ θείᾳ ψήφῳ τῆς ἐν Θεσσαλονίκῃ ἁγίας τοῦ Θεοῦ ἐκκλησίας ἐν καιρῷ ἰδίῳ τοὺς οἴακας ἐγχειρισθείς, πλείστας ὑπεροορίας καὶ φρουρὰς ὑπὲρ τῆς ὀρθοδόξου ἐκαρτέρησε πίστεως (PG 99, col. 245 A8-13). Vita C, 12: Ὅθεν πρὸς τὸν ἐκείνου βίον πάντες ἀπέββλεπον καὶ τοῦτον εἶχον ἐν πᾶσιν ἀρχέτυπον, ἐξαιρέτως ὁ θαυμάσιος Ἰωσήφ, ὁ καὶ τὴν φύσιν καὶ τὴν προαίρεσιν ἀδελφός· ὃς πρὸς μίμησιν αὐτοῦ διαναστὰς καὶ ἀπ’ ἐκείνου τὴν ψυχὴν μορφωθεὶς πολὺς ἐφάνη τὴν ἀρετήν, ὡς μετὰ ταῦτα καὶ τῆς ἐν Θεσσαλονίκῃ ἐκκλησίας κρατῆσαι, πρόεδρος ταύτης γεγονὼς καὶ πολλὰς διὰ Χριστὸν ὑπομείνας ἐξοορίας καὶ φυλακάς (ed. LATYŠEV, p. 264, l. 22-25). Vita A, 12: Διὰ ταῦτά τοι καὶ ὡς νόμῳ τῷ ἐκείνου τρόπῳ χρώμενοι οἱ συνόντες, καὶ ζηλοῦν αὐτὸν ἔσπευδον καὶ μιμεῖσθαι ὡς δυνατόν. Ὧν ἐτύγχανε πρῶτος Ἰωσὴφ ὁ καλός, ὁ καὶ φύσιν καὶ τὴν προαίρεσιν ἀδελφός, ὃς διὰ τὴν ἀρετὴν καὶ τῆς ἐν Θεσσαλονίκῃ ἐκκλησίας προέστη, ἆθλον εὐσεβείας τὸν θρόνον εὑράμενος (PG 99, col. 128 B9-14).

Comparison of the highlighted elements shows clearly that Vita C is closer to Vita B than Vita A. Vita C shares with Vita B several elements, such as the phrases πρὸς … (ἀπο-)βλεπειν and μορφοῦσθαι τὴν ψυχήν, which are not found in Vita A. By contrast, several elements from Vita B that appear in

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Vita A show the same modifications of the original that are found in Vita C. For example, τῆς ἐν Θεσσαλονίκῃ ἁγίας τοῦ Θεοῦ ἐκκλησίας is shortened to τῆς ἐν Θεσσαλονίκῃ ἐκκλησίας and ὁ καὶ τὴν φύσιν καὶ τὴν προαίρεσιν προσφυῶς οἰκειούμενος is rephrased as ὁ καὶ τὴν φύσιν καὶ τὴν προαίρεσιν ἀδελφός. The resemblance between Vita B and Vita C is even more obvious when we consider the cases where the author of Vita C has replaced single words or phrases in Vita B with straightforward synonyms. This technique is already employed at the beginning where ἐξαιρέτως is substituted for μάλιστα but it is used most consistently in the concluding passage where virtually every “new” word in Vita C has a corresponding synonym in Vita B (ἐν καιρῷ ἰδίῳ vs. μετὰ ταῦτα, πλείστας vs. πολλάς, ὑπερορίας vs. ἐξορίας, φρουράς vs. φυλακάς, ἐκαρτέρησε vs. ὑπομείνας, ὑπὲρ τῆς ὀρθοδόξου πίστεως vs. διὰ Χριστόν). By contrast, the corresponding sentence in Vita A contains none of these elements. It cannot be entirely ruled out that the author of Vita A additionally consulted Vita B, which must have been readily available, because οἱ συνόντες, which has no counterpart in Vita C, may be an echo of Vita B’s οἱ συνασκηταί and Joseph’s epithet ὁ καλός may be derived from τῷ ἐκείνου κάλλει. However, if this is the case then the author of Vita A made a conscious decision to use Vita C as his main model. Indeed, it is noticeable that he adapts primarily those passages from Vita C, which deviate most clearly from Vita B. Thus one could argue that he saw his work as a link within a continuous chain of metaphraseis. What are the characteristic features of the three texts ? Comparison of the three versions not only permits us to establish the interrelations between the texts but also gives us an insight into the personal styles of the three authors. It is evident that the length of the passage under discussion decreases from Vita B to Vita C and finally to Vita A. Moreover, a clear difference is noticeable between the last two texts. The author of Vita C takes some steps to rein in the verbosity of Vita B. As we have seen he omits the words ἁγίας τοῦ Θεοῦ and he replaces the periphrastic phrase προσφυῶς οἰκειούμενος with the simple noun ἀδελφός. However, as is obvious in the last sentence he often contents himself with replacing one word with another. By contrast, the author of Vita A introduces substantial changes in order to unclutter the narrative and creates pithy statements such as ἆθλον εὐσεβείας τὸν θρόνον εὑράμενος.

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That these differences reflect radically different stylistic ideals becomes even more evident when we turn to a passage in which the authors sketch the historical background against which the narrative unfolds: Vita B, 4: Ὁπηνίκα τοῦ πονηροῦ τυράννου καὶ Φαραογνώμονος ἄνακτος καταποντισθέντος οὐ τῷ Ἐρυθραίῳ πόντῳ, τῷ δὲ πυρὶ τῆς γεέννης, ὡς καὶ τὰ ὑπεκκ καύματα, ξύλα δηλαδὴ καὶ χόρτον καὶ καλάμην τὰ τῆς μοχθηρᾶς ἐκφόρια ζωῆς, παρὰ πάντα τὸν ἑαυτοῦ βίον ὥσπερ τις γῆ κεχερσωμένη καὶ ὑλομανοῦσα ἐξήνεγκεν, εἶτα μετ’ ἐκεῖνον ἀμέσως τοῦ νεωτέρου Λέοντος καὶ υἱοῦ αὐτοῦ ἐκ προγόνων διαδοχῆς, εἰς ὀλίγον τοῦ καιροῦ τῇ βασιλείᾳ διαρκέσαντος καὶ θανατωθέντος, ἐπεὶ μηδ’ ἐβούλετο συνιέναι τὸ διὰ τοῦ Δαυῒδ προφητευόμενον, ἐκ Δαυῒδ ἀνατεταλκέναι ἰφθιμότατον κέρας, ὃ συνέθλασε τὰ κέρατα τῶν ἁμαρτωλῶν δαιμόνων τε καὶ ἀνθρώπων ἐναγῶν· ὁ ἄρχων τῆς εἰρήνης, Χριστός, ὁ μέγας καὶ μόνος ἀΐδιος βασιλεὺς ἐξήγειρε κέρας σωτηρίας ὁμοῦ καὶ εἰρήνης τῇ αὐτοῦ ἐκκλησίᾳ, τὴν φερώνυμον δὲ λέγω καὶ τοῖς ἔργοις μᾶλλον Εἰρήνην ἢ τὴν προσηγορίαν (PG 99, col. 237 D10-240 A13). Vita C, 7: Ἐπεὶ δὲ ὁ τύραννος Κωνσταντῖνος, ὁ πολλὰ τῶν ἱερῶν εἰκόνων κατορχησάμενος, αἰσχίστῳ θανάτῳ τὴν ψυχὴν ἀπέρρηξε καὶ προοίμιον τοῦ ἐκεῖ, φεῦ, πυρὸς τὴν ἐνταῦθα τῶν ὀστέων αὐτοῦ εὗρε κατάκ καυσιν, διεδέξατο δὲ τὴν ἀρχὴν ὁ τούτου υἱὸς Λέων ὁ ἐπίκλην Χάζαρος, τὰ πάντα πατρῴζων καὶ μηδὲν καθυφιεὶς τοῦ γεννήτορος, τοῦτον δὲ καὶ ὁ χρόνος καὶ ἡ ἐξουσία θᾶττον ἐπέλιπον, ἀμφοτέρων ἀθλίως στερηθέντα, τότε δὴ τότε ἐξήγειρε κέρας σωτηρίας ἡμῖν ὁ μὴ ἐπὶ πολὺ κλήρῳ δικαίων ῥάβδον ἁμαρτωλῶν ἀφιείς, ἵνα μὴ καυχήσωνται ἄμετρα, Εἰρήνην τὴν ὄντως τῆς ἐκκλησιαστικῆς εἰρήνης φερώνυμον· ἣ πᾶσαν ταραχὴν καὶ ἀθυμίαν ἀπελάσασα εἰρήνην βαθεῖαν καὶ εὐθυμίαν εἰσήνεγκεν (ed. LATYŠEV, p. 261, l. 7-16). Vita A, 4: Ἐπεὶ δὲ ὁ πολλὰ Χριστιανοὺς λυμηνάμενος βασιλεύς, καὶ τὴν εἰκόνα Χριστοῦ, φεῦ, καθυβρίσας, καὶ αἰσχίστῳ θανάτῳ τὴν ψυχὴν ἐναπέρρηξε, διεδέξατο δὲ τὴν ἀρχὴν Λέων ὁ τούτου υἱός, ὁ καὶ προσονομασθεὶς ἀπὸ τῆς γεννησαμένης Χάζαρος, τὰ πάντα καὶ οὗτος πατρῴζων, καὶ μηδὲν καθυφεὶς τοῦ γεννήτορος· θᾶττον δὲ καὶ αὐτὸς σὺν τῇ βασιλείᾳ καὶ τὴν ζωὴν προσαφῄρητο. Εἰρήνη ἡ τούτου ὁμόζυγος μεθ’ ἅμα καὶ τοῦ παιδὸς Κωνσταντίνου ἐπὶ τῶν σκήπτρων καθίσταται· ἣ καὶ τὴν ὁμωνυμίαν τοῖς πράγμασι πιστουμένη, ταραχὴν ἡμῖν πᾶσαν καὶ ἀθυμίαν τῶν ἐκκλησιῶν ἀπελαύνει· οἷα καὶ πάλαι τοὺς κακοδόξους μυσαττομένη, εἰρήνην δὲ ταύταις καὶ εὐθυμίαν ἐπιβραβεύει, τὴν παλαιὰν ἀναδοῦσα εὐπρέπειαν, καὶ ὃν ἀφῄρηντο στέφανον (PG 99, col. 120 C4-D5).

All three passages give a brief account of the succession from Constantine V to his son Leo IV and from Leo to his widow Irene. Comparison of the highlighted elements again leaves no doubt that Vita C is closer to Vita B than Vita A: crucially the phrase ἐξήγειρε κέρας σωτηρίας, which is an adaptation of Luke 1:69: ἤγειρεν κέρας σωτηρίας ἡμῖν, is found both in Vita B and in Vita C but is missing in Vita A. At the same time it is obvious that each text has its own specific character. The version of

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Vita B is both grammatically awkward and verbose: all the information is forced into one sentence, with Constantine’s and Leo’s reigns being described in a genitive absolute, and we are told that Leo held the throne ἐκ προγόνων διαδοχῆς although this is evident from the context. Moreover, the author has created a complex pastiche of metaphors largely drawn from the Old Testament. Not content with comparing Constantine to Pharao he interprets the emperor’s skin disease as a foreshadowing of the eternal punishment. In order to reinforce this notion he likens the ulcers erupting on Constantine’s skin to weeds in an neglected field, adapting the phrase γῆ κεχερσωμένη from Jeremiah 2:31, and he then further identifies the weeds with ξύλα … καὶ χόρτον καὶ καλάμην, terms that Paul had used in I Corinthians 3:12 as metaphors for the evil deeds of sinners, which after death will be destroyed through fire. In a similar vein the transition of power from Leo to Irene is described through a combination of Psalm 36:4: οὐκ ἐβουλήθη συνιέναι τοῦ ἀγαθῦναι, Psalm 74:11: πάντα τὰ κέρατα τῶν ἁμαρτωλῶν συνέθλασε, καὶ ὑψωθήσεται τὰ κέρατα τοῦ δικαίου, Isaiah 9:6: ὁ ἄρχων τῆς εἰρήνης, and the passage from the Gospel of Luke that I have already mentioned. As a consequence the events are presented as the result of the workings of divine providence, which intervenes in order to save the chosen people, just as it had done on behalf of the Jews during the time of Moses and the Prophets. The author of Vita C has shortened the text of his model considerably and has furthermore broken up the overly long sentence into three independent syntactical structures. Moreover, he has omitted any reference to the emperor’s skin disease. However, he still speaks about hellfire and although he has toned down the Biblical flavour somewhat he retains the passage from Luke and merely exchanges Psalm 74:11 with the very similar statement in Psalm 124:3: οὐκ ἀφήσει τὴν ῥάβδον τῶν ἁμαρτωλῶν ἐπὶ τὸν κλῆρον τῶν δικαίων, ὅπως ἂν μὴ ἐκτείνωσιν οἱ δίκαιοι ἐν ἀνομίᾳ χεῖρας αὐτῶν. In Vita A this Biblical dimension has completely disappeared. In Constantine’s case all that is left is a bland reference to the emperor’s shameful death. In the following passage the contrast is even more extreme because Irene is no longer introduced as a gift of providence but simply as ἡ τούτου ὁμόζυγος, which is clearly added so as to have a counterpart to the already existing phrase ὁ τούτου υἱός. Moreover, Irene’s son is then also mentioned. The author thus presents us with a dispassionate historical account, which focuses on dynastic succession.

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There can be no doubt that these successive modifications reflect a general change in literary taste that took place in the course of the tenth century. The author of Vita B writes in the ponderous and convoluted manner that is characteristic of many texts from the ninth century8. However, in the course of the tenth century this manner increasingly came to be regarded as faulty and aesthetically unpleasing. As is evident from the project of Symeon Metaphrastes the Constantinopolitan elite now preferred to read texts that were more understated and at the same time closer to the language of the Ancients9. When were the texts produced ? The author of the oldest surviving text, Vita B, is identified in the manuscripts as the monk Michael10. It has long been known that Vita B was written after the year 868 but there has been no agreement as to the exact date of its composition11. In my earlier article I have argued that Michael also wrote the surviving Greek Life of Nicholas of Stoudios (BHG 1365) because the two texts are written in an identical style12. According to D. Afinogenov this further text is also a metaphrasis of an earlier narrative, 8 Indeed, it is possible that he was influenced by the style of his model, Methodius’ lost Life of Theodore. After all, Methodius, too, is fond of complex syntax and uncommon words. For example, Methodius characterises Emperor Michael I as ἀρχαγγελογνώμων, which is an exact counterpart of Φαραογνώμων, cf. Life of Theophanes conf., 42 (BHG 1787z; ed. V. LATYŠEV, Methodii Patr. CP. Vita S. Theophanis confessoris [= Zapiski rossijkoj akademii nauk. viii. ser. po istoriko-filologičeskomu otdeleniju, 13.4], Petrograd, 1918, p. 27, l. 1). Cf. M. HINTERBERGER, Wortschöpfung und literarischer Stil bei Methodios I., in Lexicologica Byzantina. Beiträge zum Kolloquium zur byzantinischen Lexikographie, Bonn, 13.-15. Juli 2007, ed. E. TRAPP – S. SCHÖNAUER (= Super alta perennis, 4), Bonn, 2008, p. 119-150, esp. p. 132. Moreover, Methodius tends to describe the reigns of the Iconoclast emperors in overtly Biblical language. Cf. esp. Life of Theophanes confessor, 45 (ed. LATYŠEV, p. 28, l. 8 - p. 29, l. 15). 9 A similar discrepancy between stylistic ideals as in Vita B and Vita A can be found in the pre-metaphrastic and metaphrastic versions of the martyrdom of Andrew in Crisi, cf. D. KRAUSMÜLLER, The Identity, the Cult and the Hagiographical Dossier of Andrew “in Crisi”, in Rivista di Studi Bizantini e Neoellenici, 44 (2007), p. 57-86. Cf. also E. SCHIFFER, Metaphrastic Lives and Earlier metaphráseis of Saints’ Lives, in Metaphrasis. Redactions and Audiences in Middle Byzantine Hagiography, ed. C. HØGEL (= KULTs skrifserie, 59), Oslo, 1996, p. 22-41. 10 Cf. cod. Vat. Gr. 1669, s. 10, described in HAGIOGRAPHI BOLLANDIANI – FRANCHI DE’ CAVALIERI, Catalogus Bibliothecae Vaticanae, p. 158-161. On this author, see PmbZ 5121. 11 Cf. C. VAN DE VORST, La translation de S. Théodore Studite et de S. Joseph de Thessalonique, in AB, 32 (1913), p. 27-62, esp. 29, who pointed out that Vita B refers to Nicholas of Stoudios († 868; PmbZ 5576) as being deceased. 12 Cf. KRAUSMÜLLER, Patriarch Methodius, p. 144-145, with juxtaposition of Vita B (PG 99, col. 233 C2-3): ἕτεροι τῶν τῆς ἐκκλησίας ἱερομυστῶν, and Life of Nicholas of Stoudios (PG 105, col. 900B3): ἔνιοι τῶν τῆς ἐκκλησίας ἱερομυστῶν, which in both cases identify the writers of the models on which the author based his text.

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which has only survived in a Church Slavonic translation13. Afinogenov has dated this earlier narrative to the second decade of the tenth century and has made the case that the extant Greek Life of Nicholas was written almost immediately afterwards14. This suggests that Vita B of Theodore was also composed in the first quarter of the tenth century. By contrast, the contents of Vita C and Vita A do not provide us with clues that would permit us to date them. In late manuscripts Vita A is attributed to the magistros Theodore Daphnopates, a Byzantine bureaucrat who held this position in the middle of the tenth century15. However, the correctness of this attribution is not beyond doubt since in the oldest manuscript the author’s name was added by a later hand16. This manuscript dates to the eleventh century, which gives us a terminus ante quem not only for Vita A but also for its model, Vita C, which is only preserved in a later manuscript17. Recourse to a further hagiographical narrative permits us to be even more precise. In an article about the Life of Maximus Confessor (BHG 1234) by the Stoudite monk Michael Exaboulites, W. Lackner demonstrated that this text has a substantial number of phrases in common with Vita A18. Through comparison of the contexts in which these phrases are found Lackner could show convincingly that Vita A is the primary text and therefore must predate the Life of Maximus19. Since the earliest manu13 D. AFINOGENOV, Rewriting a Saint’s Life in the Monastery of Studiou: Two Lives of St. Nicholas the Studite, in The Heroes of the Orthodox Church. The New Saints, 8th to 16th Century, ed. E. KOUNTURA-GALAKI, Athens, 2004, p. 313-322. 14 Ibid., p. 314. Cf. also A. KAZHDAN, Nicholas of Stoudios, in Oxford Dictionary of Byzantium, vol. 1, Oxford, 1991, p. 1471: “His Vita ... was written by an anonymous Studite monk ca. 915-930”. 15 Cod. Lugdun. Vossianus gr. 62, s. 16, described in VAN DE VORST – DELEHAYE, Catalogus, p. 248. Cf. J. DARROUZÈS – L. G. WESTERINK, Théodore Daphnopatès, Correspondance (= Le monde byzantin), Paris, 1978, p. 1-3. 16 Cod. Monac. Gr. 467, s. 11, described in VAN DE VORST – DELEHAYE, p. 133: “altera manus recentior ascripsit”. 17 Cf. LATYŠEV, Žitie prep. Theodora Studita... (see above n. 4), p. 255-257, who dates the manuscript to the twelfth century. 18 W. LACKNER, Zu Quellen und Datierung der Maximusvita (BHG3 1234), in AB, 85 (1967), p. 285-316. 19

Ibid., p. 294-298, with a comparison of the two texts. Lackner highlights similarities between the narratives and also in phrasing. Here I will only give one example to show that the author of the Life of Maximus did not draw on Vita C, the model of Vita A. Cf. Life of Maximus: ... σπουδῇ γὰρ ἐναμίλλῳ τῇ εὐφυίᾳ χρησάμενος ἱκανῶς εἶχεν ἐν πᾶσι μαθήμασι καὶ περιττῶς... (PG 90, col. 69 D3-4); Vita A, 2: ... καὶ παιδείας τῆς θύραθεν ἥπτετο, ὃς καὶ σπουδῇ χρώμενος ἐναμίλλῳ τῇ εὐφυίᾳ γραμματικὴν ἢ γλῶσσαν οἶδεν ἐξελληνίζειν... (PG 99, col. 117 C10-12); Vita C, 6: ... καὶ τῆς θύραθεν ἥψατο καὶ δὴ ὀξύτητι φύσεως καὶ ἐπιμελείᾳ συντόνῳ γραμματικὴν ἢ γλῶσσαν ἐξελληνίζει... (ed. LATYŠEV, p. 260, l. 23-25).

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script of the Life of Maximus dates to the tenth century, Lackner argued that this text was composed around the year 950. It then follows that Vita A and its model, Vita C, must have been written before this date20. Thus we can conclude that the three Lives of Theodore were produced, quite possibly in quick succession, in the first half of the tenth century. Who wrote the texts ? As I have already mentioned the manuscripts of Vita B state that it was “written by Michael the Monk” (συγγραφεὶς παρὰ Μιχαὴλ μοναχοῦ)21. From Vita B it is evident that at the time when he wrote the text this Michael was a member of the community of Stoudios22. However, at a later date he must have left the monastery in order to become abbot of the Dalmatos monastery. In my earlier article I have argued that Michael not only wrote Vita B but also a Life of Nicholas of Myra, which is equally based on a text by Patriarch Methodius23. This Life (ΒΗG 1348) has survived in two recensions, one of which is identified in the manuscripts as a work “of Michael the archimandrite” (Μιχαὴλ ἀρχιμανδρίτης)24. In tenthcentury Byzantium this title was held by the abbot of Dalmatos who acted as patriarchal exarch of all Constantinopolitan monastic communities25. A tenth-century manuscript has preserved an Encomium of Isaac and Dalmatus (BHG 956d)26, the Late Antique founders of the monastery, which is 20

Cf. LACKNER, Quellen und Datierung... (see above n. 18), p. 310-311: “Die älteste Handschrift, in der uns die Maximosvita überliefert wird, ist, soweit dies bei der Unvollständigkeit der Zusammenstellungen zu übersehen ist, der Codex Angelicus gr. 120 aus dem 10. Jahrhundert (EHRHARD, II, 1024). ... Sie ist wohl ein Werk aus der Mitte des 10. Jahrhunderts”. 21 Cf. e. g. HAGIOGRAPHI BOLLANDIANI – FRANCHI DE’ CAVALIERI, Catalogus Bibliothecae Vaticanae, p. 158. 22

Michael refers to the leaders of the Stoudite community, see below note 48.

23

Cf. KRAUSMÜLLER, Patriarch Methodius, p. 145-146.

24

Life of Nicholas of Myra (BHG 1348; ed. G. ANRICH, Hagios Nikolaos. Der heilige Nikolaos in der griechischen Kirche. I: Die Texte, Leipzig – Berlin, 1913, p. 113-139; esp. p. 113, apparatus, with reference to the manuscript group TVcd). On Michael the archimandrite, see PmbZ 5089. 25 This status is asserted in the tenth-century Life of Dalmatus: Βίος καὶ πολιτεία τοῦ ἐν ἁγίοις πατρὸς ἡμῶν καὶ ἀρχιμανδρίτου Δαλμάτου (Cod. Chalc. Mon. 96, f. 130v-146v: cf. H. DELEHAYE, Catalogus codicum hagiographicorum graecorum bibliothecae scholae theologicae in Chalce insula, in AB, 44 [1926], p. 5-63, esp. pp. 27-28). Cf. esp. f. 143v: τοῦ εἶναι ἀρχιμανδρίτην καὶ ἔξαρχον πρωτοπρεσβύτερον καὶ ἄρχοντα τὸν ἐν ἁγίοις καὶ μακάριον Δαλμάτον καὶ τοὺς μετ’ αὐτὸν ἡγουμενεύειν μέλλοντας ἐν τῇ αὐτοῦ μονῇ πάντων τῶν εὐαγῶν μοναστηρίων τῆς πόλεως ἕως τῆς συντελείας τοῦ αἰῶνος. 26

Εd. P. HATLIE, The Encomium of Ss. Isakos and Dalmatos by Michael the Monk: Text, Translation and Notes, in Eukosmia. Studi miscellanei per il 75˚ di Vincenzo Poggi S.J., ed. V.

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attributed to an abbot named Michael. There can be little doubt that this Michael is identical with the author of the Life of Nicholas of Myra and therefore also with the author of Vita B of Theodore. Indeed, it is possible that the same author is also responsible for a Passio of Callistus and the Forty-Two Martyrs of Amorium (BHG 1213), which the manuscripts attribute to Michael the Synkellos27. It is evident that the question of authorship can only be settled through detailed stylistic analysis of all hagiographical texts attributed to authors by the name of Michael28. However, it is worth pointing out that in four out of the five texts the composite adjective θεοπάροχος appears29. This fact is significant for two reasons. Firstly, θεοπάροχος is found in other writings that go under the name of our author, such as an Encomium of Gabriel and Michael (BHG 1294a) and an Encomium of Daniel and the Pueri (BHG 488a), which are both attributed to Michael the Monk30. And secondly, θεοπάροχος is hardly ever

RUGGIERI – L. PIERALLI, Catanzaro, 2003, p. 275-311). Significantly, this text, too, emphasises Dalmatus’ function as archimandrite of the Constantinopolitan monasteries, cf. Encomium of Isaacius and Dalmatus, 28 (ed. HATLIE, p. 290-291). 27

Εd. V. VASILI’EVSKIJ – P. NIKITIN, Skazanija o 42 Amorijskih muchenikah i cerkovnaja sluzhba im [Zapiski imperatorskoj akademii nauk. Series VIII. Po istoriko-filologicheskomu otdeleniju, tom VII, No. 2], Sankt Peterburg, 1905, p. 22-36). Cf. A. KAZHDAN, Hagiographical Notes, 14: Collective Death and Individual Deeds, in Byzantion, 56 (1986), p. 117-138, esp. p. 160. This person is in turn most likely identical with Michael, the synkellos of Patriarch Nicholas Mystikos (901-906, 912-925) who was buried at the patriarch’s monastic foundation of Galakrenai. Michael is known from an inscription on his tombstone: cf. I. ŠEVČENKO, An EarlyTenth-Century Inscription from Galakrenai, in Dumbarton Oaks Papers, 41 (1987), p. 461-463. 28

In 1996 T. Matantseva announced that she was planning to study the issue in greater depth: T. MATANTSEVA, Éloge des archanges Michel et Gabriel par Michel le Moine (BHG 1294a), in Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 46 (1996), p. 97-155. Unfortunately, she has not yet published the results of her research. 29 Vita B, 38 (PG 99, col. 290 B11-12: τὰ πνευματικὰ αὐτοῦ τέκνα διὰ τῆς ἐνούσης θεοπαρόχου ἐπεστήριζε διδασκαλίας), without counterpart in Vita A, 85 (ibid., col. 192 BC) and Vita C, 45, (ed. LATYŠEV, p. 285); Vita B, 56 (PG 99, col. 313 B13: καὶ ἔχομεν αὐτὸν ὡς ἕνα τῶν ἀποστόλων Χριστοῦ καὶ θεοπάροχον διδάσκαλον τῆς καθολικῆς ἐκκλησίας); without counterpart in Vita A, 113 (PG 99, col. 217 A); Vita C, 68 (ed. LATYŠEV, p. 297); Life of Nicholas of Myra, 2 (ed. ANRICH, p. 114, l. 3: τὸν θεοπάροχον καὶ κοσμικὸν συλλήπτορα) and 51 (ibid., p. 138, l. 21: τὸ τῶν θλιβομένων θεοπάροχον παραμύθιον); Encomium of Dalmatus, 5 (ed. HATLIE, p. 278, l. 17: εἶδες, ἀγαπητέ, τὴν θεοπάροχον χάριν τῶν διδασκαλίων); Passio Γ of the Forty-Two Martyrs of Amorium (ed. VASILI’EVSKIJ – NIKITIN, p. 35, l. 35: τοὺς ἐκ ποταμίου βυθοῦ χορηγηθέντας αὐτῷ θεοπαρόχους μαργαρίτας); without counterpart in Passio B (ed. VASILI’EVSKIJ – NIKITIN, p. 21, l. 25: καθάπερ μαργαρίτας τινὰς πολυτίμους). 30

Encomium of Michael and Gabriel, 6 (ed. MATANTSEVA, p. 138, l. 29-30: τὴν θεοπάροχον καὶ φωτοποιὸν χάριν) and 7 (ibid., p. 139, l. 13: τῆς ἀξίας τὸ ἐχέγγυον θεοπαρόχως κληρωσάμενος). Encomium of Daniel (cod. Chalc. 88, f. 150v: ὦ ὕμνησις ἀξιάγαστος παίδων ἱερῶν καὶ ταπείνωσις θεοπάροχος ψυχῶν φαεινῶν); Encomium of Daniel (cod. Chalc. 88, f. 155: ὦ πλανωμένων ὁδηγοὶ καὶ ἀδικουμένων θεοπάροχοι λυτρωταί). The oldest manuscript containing the

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found in contemporary texts: it appears only once in the substantial homiletic œuvre of Emperor Leo VI31; Peter of Argos, Patriarch Euthymius and Anastasius Traulos never use it32; and it also seems absent from the works of Nicetas the Paphlagonian33. This suggests strongly that we are in each case dealing with the same author. Compared with this wealth of data our knowledge about the author of Vita C is very limited indeed. The text bears no author’s name and contains no reference to the person or persons who commissioned it. All our information comes from a passage that the author has inserted between the narrative of Theodore’s death and the account of the translation of his relics in Vita B: Μέμνησο δὲ λοιπὸν καὶ τῆς ποίμνης σου, ἣν λίαν ἠγάπησας, ὑπὲρ ἧς τὴν ψυχὴν ἔθηκας, ᾗ καὶ ἐπηγγείλω ἐπαμύνειν ἀεὶ καὶ ἀντιλαμβάνεσθαι, ὡς ἂν ἔχοιμέν σε πρέσβυν δυνατὸν καὶ θερμότατον, ὅσοι τῇ ἱερᾷ σου μονῇ προσεδρεύομεν, καὶ διὰ σοῦ πρὸς τὰ κρείττονα ὁδηγοίμεθα, τοῖς ἀστάτοις τουτοισὶ καὶ ῥέουσι τὰ ἑστῶτα καὶ μόνιμα κατακτώμενοι καὶ ζωῆς τῆς ἀγήρω καταξιούμενοι34 (Vita C, 80, ed. LATYŠEV, p. 304, l. 14-20). “Remember henceforth also your flock, which you loved exceedingly, for which you gave your soul, which you promised to defend and take care of, so that we who reside in your sacred monastery may have you as a powerful and most fervent intercessor and may be guided by you to what is better, gaining speech in praise of Michael and Gabriel dates to the early tenth century: cf. MATANTSEVA, Éloge des archanges... (see above n. 28), p. 113. The cod. Vat. gr. 1669, where this text is also found, further includes Vita B of Theodore and an Encomium of Philippus (BHG 1530a), which are also attributed to a monk named Michael: HAGIOGRAPHI BOLLANDIANI – FRANCHI DE’ CAVALIERI, Catalogus Bibliothecae Vaticanae, p. 158-161. 31

Th. ANTONOPOULOU, Leo VI Sapiens, imperator Byzantinus, Homiliae (= Corpus Christianorum. Series Graeca, 63), Turnhout, 2008, p. 595, l. 204: Ξένος ἀληθῶς ὁ τόκος καὶ θεοπάροχος. I would like to thank the Editor for pointing out this reference to me. 32

I have checked the works of Peter of Argos in the edition of K. Th. KYRIAKOPOULOS, Ἁγίου Πέτρου ἐπισκόπου Ἄργους Βίος καὶ Λόγοι, Athens, 1976; the works of Patriarch Euthymius edited by M. JUGIE, Homélies mariales byzantines, I, in Patrologia Orientalis, 16, Paris, 1922, p. 499-514; II, in Patrologia Orientalis, 19, Paris, 1926, p. 441-455; and the works of Anastasius Traulos edited by G. METALLINOS, Ἀναστασίου Πρωτασηκρῆτος ἐγκώμιον εἰς τὴν ἁγίαν Αἰκατερίνην, in Ἐκκλησιαστικὸς Φάρος, 54 (1972), p. 237-274, and G. VAN HOOFF, Encomium in S. Agathonicum Nicomediensem martyrem, in AB, 5 (1886), p. 369-415. 33 I have checked the works of Nicetas the Paphlagonian edited in PG 105, col. 15-440, as well as F. HALKIN, Le panégyrique du martyr Procope de Palestine par Nicétas le Paphlagonien, in AB, 80 (1962), p. 174-193, and M. BONNET, Acta Andreae apostoli cum laudatione contexta, in AB, 13 (1894), p. 309-352. The word is also not found in the sermons of Photius edited by B. LAOURDAS, Φωτίου ὁμιλίαι (= Ἑλληνικά, Παράρτ. 12), Thessaloniki, 1959. It is more frequent in earlier authors, cf. e.g. Life of Stephen the Younger by Stephen the Deacon, 7 (ed. M.-F. AUZÉPY, La Vie d’Étienne le Jeune par Étienne le Diacre [= Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs, 3], Aldershot, 1997, p. 96, l. 17-18). 34

No counterpart in Vita B, 67 (PG 99, col. 326 B6-D7).

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291

lasting and stable things instead of these instable and transient ones and being deigned worthy of the ageless life”.

This appears to identify the author as a Stoudite monk although we cannot be absolutely certain because he could also have acted as a ‘ghost writer’ for the Stoudite community. This second explanation is even more likely in the case of Vita A because its author reproduces this passage without major changes35. As I have mentioned before, late manuscripts note that Vita A was “written by the magister Theodore Daphnopates” (συγγραφεὶς παρὰ Θεοδώρου μαγίστρου τοῦ Δαφνοπάτου) and such an attribution would indeed be chronologically possible36. Moreover, Daphnopates wrote several hagiographical texts, including an Encomium of Theophanes Confessor (BHG 1792), a contemporary of Theodore the Stoudite37. Without a detailed comparison of the texts it is, of course, impossible to come to a definite conclusion. However, if Daphnopates really produced Vita A then he must have done so in close collaboration with Stoudite monks38. This can be concluded from a list of the different officers that Theodore the Stoudite appointed in order to help him run the monastery. Here Vita A does not follow Vita B and Vita C, which speak of ἐπιστημονάρχας καὶ παιδευτὰς καὶ ἐπιτηρητάς (or καὶ ἐπιτηρητὰς καὶ παιδευτάς), but has the list ἐπιστημονάρχας ταξιάρχας ἐπιτηρητὰς καὶ διυπνιστάς instead39. This list corresponds almost exactly to the sequence ἐπιστημονάρχαι ... ταξιάρχαι ... ἀφυπνισταί ... ἐπιτηρηταί,

35

Vita A, 130: Μέμνησο δὲ καὶ τῆς ποίμνης σου, ἣν λίαν ἠγάπησας, ὑπὲρ ἧς τὴν ψυχὴν ἔθηκας, ᾗ καὶ ἐπηγγείλω ἐπαμύνειν ἀεὶ καὶ ἀντιλαμβάνεσθαι. Σοὶ γὰρ θαρροῦντες, τὰς σὰς πρεσβείας εἰς βοήθειαν ἐξαιτούμεθα. Οἴδαμεν γὰρ τὴν περὶ ἡμᾶς σου διάθεσιν, ὦ Πατέρων ἄριστε καὶ φιλοτεκνότατε, ὡς ἂν τά τε ἄλλα καὶ ὁδηγοίης ἡμᾶς πρὸς τὰ κρείττονα, καὶ εἰς λιμένα ἐγκαθορμίσας τὸν γαληνότατον, ταύτην διδοὺς ἡμῖν τὴν ἀντιμισθίαν τῆς προεδρίας, τὸ τὴν παροῦσαν ἀπροσκόπως ἀνῦσαι ζωήν, καὶ ὑπὸ σοὶ μεσίτῃ καὶ πρεσβευτῇ τῷ τῶν ὅλων παραστῆσαι Θεῷ, καὶ τῆς ἐκεῖ μετασχεῖν λαμπρότητος (PG 99, col. 229 D7-232 A11). 36 See above notes 23 and 24. Dobschütz (Methodios und die Studiten, in Byzantinische Zeitschrift, 18 [1909], p. 69) attributes the Vita A to Theodore Daphnopates “nach der Überlieferung”. His authorship of Vita A is also accepted by Kazhdan (Daphnopates, Theodore, in Oxford Dictionary of Byzantium, vol. 1, Oxford, 1991, p. 588). 37

Cf. DARROUZÈS – WESTERINK, Correspondance… (see above n. 15), pp. 2-4, with a discussion of Daphnopates’ hagiographical works. Cf. esp. the Encomium of Theophanes. Unfortunately the radically different character of the two texts precludes any meaningful comparison. 38 Cf. DARROUZÈS – WESTERINK, Correspondance.., p. 5-6: “D’ailleurs, si Daphnopatès est vraiment l’auteur de la Vita A, on doit bien conclure qu’il s’est contenté d’une retouche légère de sa source, car l’orateur parle un peu partout comme un moine Studite”. 39 Cf. Vita B, 21 (PG, 99, col. 261 A10-11); Vita C, 25 (ed. LATYŠEV, p. 272, l. 9-11); Vita A, 30 (PG 99, col. 148 D1-2).

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D. KRAUSMÜLLER

which is found in the Stoudite Hypotyposis40. This suggests that the author of Vita A attempted to harmonise the information he found in Vita C with this recently composed normative text and thus to give the impression that the Hypotyposis was indeed based on Theodore’s teachings41. What was the purpose of the texts ? In his preface the author of Vita B, Michael the Monk, speaks at length about the purpose of his text. Having stated that the existing Life of Theodore presented the saint’s biography in an adequate manner he continues: Ἀλλ’ ἐπεὶ τὸ κοινὸν τῆς ἀδελφότητος, καὶ ἡ τῶν πολλῶν διάνοια μικρὰ βλέπουσα ὡς τὰ πολλά, τὸ πεζὸν καὶ ἁπλοϊκώτερον τῆς φράσεως προτιμᾶν ἐπίσταται, ὡς ἀνύστακτον συντηροῦν τὸν ἐπόπτην τῶν λεγομένων νοῦν, καὶ ὄνησιν ἐμποιοῦν ταῖς σφῶν αὐτῶν ὑπὲρ τὸ σκληρὸν καὶ βαθύγλωσσον τῶν νοημάτων ψυχαῖς, φέρε ταῖς ὑμετέραις πειθαρχήσαντες ἐντολαῖς, πατέρων αἰδεσιμώτατοι, τοὺς περὶ τοῦ θείου τούτου προπάτορος ἡμῶν καὶ πανσόφου διδασκάλου τῆς οἰκουμένης λόγους καὶ ἡμεῖς οἱ ταπεινοὶ καὶ οὐδενὸς λόγου ἄξιοι, ὡς οἷόν τε, καταθώμεθα, πολὺ μὲν κατόπιν τοῦ πρὸς ἀξίαν ἰόντας, ὡς ἐνὸν δὲ τῇ ἀσθενείᾳ ἡμῶν πρὸς τὸ εὔληπτόν τε καὶ καταφανὲς μεταποιουμένους (Vita B, 1: PG 99, col. 236 A8-B4). “But since the community of the brotherhood and the mind of the many, which usually sees little, tends to prefer the pedestrian and more simple style, as it keeps the mind, which focuses on what is being said, from nodding off, and confers profit on their souls, much more than harsh and obscure thoughts do, now then, in obedience to your commands, most venerable of fathers, let us who are humble and of no account set down, as far as it is possible, the narrative about this divine forefather of ours and all-wise teacher of the world, a narrative that falls short of what would be appropriate, but that as far as it is possible for our weakness has been rephrased in an easily comprehensible and clear manner”.

Here the author informs us that he was asked by the leaders of the monastery to rephrase the content of Methodius’ Life of Theodore because not all members of the community understood this text, which was undoubtedly written in the same convoluted style as the surviving works of the patriarch42. If we take this statement at face value we can conclude 40

Hypotyposis, 18 (PG 99, col. 1709 D1-1712 A5).

41

A similar approach was later taken in the case of Athanasius the Athonite. Vita A of Athanasius and the lost Vita prima incorporate passages from the rule of the Panagios monastery where they were written: cf. D. KRAUSMÜLLER, On Contents and Structure of the Panagiou Typikon: A Contribution to the Early History of ‘Extended’ Monastic Rules, forthcoming in Byzantinische Zeitschrift. 42

Cf. KRAUSMÜLLER, Patriarch Methodius, p. 144-150.

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293

that Vita B was composed primarily for a Stoudite audience. The aim was evidently to communicate to the monks in a more effective manner that their monastery had a glorious past and thus to forge a common Stoudite identity. There can be no doubt that Vita B was read out to the monks. In the liturgical typikon of Patriarch Alexius the Stoudite, which was based on the Stoudios Synaxarion, it is stipulated that reading of the Life of Theodore during Matins commenced on 8 November and continued until 11 November, the feastday of the saint43. Unfortunately the typikon of Patriarch Alexius does not state, which version of the Life was read, but its inclusion in a menologion confirms that Vita B was indeed used during church services44. However, this was not the only context in which Stoudite monks might encounter Vita B, to judge by an eleventh-century manuscript where the text follows Theodore’s catecheses45. Editions of works of monastic founders combined with the founders’ Lives were also produced at the Wondrous Mountain near Antioch and at the Great Lavra on Mt Athos46. Unfortunately, we do not know their exact purpose. However, it does not seem unlikely that they were intended to be read by members of the community who would thus be made familiar with the founder saint both through his biography and through his own teachings. By contrast, Vita C has a completely different purpose. The text starts with a praise of Theodore who is presented to the audience as an exemplary figure, which is admired by everybody but in particular by all monks who wish to be shaped and led by his commandments and teachings. Then the author adds the following advice: Βουλομένοις ἡμῖν ἐναργῶς ἐπιγνῶναι, ἡλίκος οὗτος καὶ ποταπὸς καὶ ποίας ἠξίωται χάριτος, ἔξεστι διᾶραι κύκλῳ τοὺς ὀφθαλμοὺς καὶ ἰδεῖν τὴν περιώνυμον τοῦ Στουδίου μονήν, ἣν αὐτὸς τῷ ἰδίῳ περιεποιήσατο αἵματι, κἀν τούτῳ τὸν ἑαυτοῦ δεσπότην μιμούμενος, πῶς μὲν κοσμία, πῶς δὲ περιφανής, πῶς δὲ λαμπρὰ καὶ ἐπίδοξος καὶ πᾶσιν ἐπηνθισμένη καλοῖς. Καινὸς γάρ τις καὶ ἐξαί43

Typikon of Patriarch Alexius (ed. A. PENTKOVSKIJ, Tipikon patriarha Aleksija Studita v Bizantii i na Rusi, Moscow, 2001, p. 293, l. 14-16). 44

Cf. Codex Vat. Gr. 1256, s. 16, described in HAGIOGRAPHI BOLLANDIANI – FRANCHI Catalogus Bibliothecae Vaticanae, p. 123.

DE’ CAVALIERI,

45 Codex Paris. Gr. 1104, s. 11, described in F. HALKIN, Manuscrits grecs de Paris. Inventaire hagiographique (= Subs. hag., 44), Brussels, 1968, p. 112. After a text about the images the same manuscript then also includes the Lives of Thaddaeus the Stoudite (BHG 2414) and of Plato of Sakkoudion (BHG 1553e). 46 For Symeon of the Wondrous Mountain, cf. P. VAN DEN VEN, La Vie ancienne de Syméon Stylite le Jeune. I: Introduction et texte grec (= Subs. hag., 32), Brussels, 1962, p. 13* A. For Athanasius the Athonite, cf. J. NORET, Vitae duae antiquae sancti Athanasii Athonitae (= Corpus Christianorum. Series Graeca, 9), Turnhout, 1982, p. XXXVIII-XXXIX; and LVI-LVII.

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σιος τῶν ἐν αὐτῇ μοναστῶν ὅ τε βίος καὶ τρόπος καὶ ἡ κατὰ πνεῦμα συνάφεια καὶ τὸ τῆς ὑπακοῆς ὁμόγνωμον καὶ τὸ ἐν ψαλμῳδίᾳ καὶ προσευχῇ καὶ τῇ ἄλλῃ καταστάσει οἷον ἀγγελικὸν καὶ οὐράνιον, ὥστε καὶ τὴν φήμην αὐτῶν διαδραμεῖν ἀνὰ πᾶσαν τὴν ὅσην ἐφορᾷ ἥλιος καὶ πάντας ἔργον τοῦτο τῶν μεγάλων τιθέναι κατιδεῖν τε αὐτοὺς καὶ λόγου ἀπολαῦσαι αὐτῶν, ὅπου γε καὶ οἵτινες τούτων ἀλλαχοῦ ἐπεφοίτησαν καὶ πεῖραν τῆς ἑαυτῶν ἔδωκαν ἀρετῆς, τύπος ἀσκήσεως καὶ κανὼν γεγόνασιν εὐθύτητος· οἴδασι γὰρ κομιδῇ καὶ βίον ἐκπαιδεύειν φιλόπονον καὶ πολιτείαν διδάσκειν φιλόθεον· οὕτως ἱκανώτατοι, οὕτω μεγαλοφυέστατοι ὅσοι τῇ τοῦ Στουδίου μονῇ ἐνησκήθησαν καὶ ἀρετῆς ἀρχέτυπον τὸν μέγαν ἔσχον Θεόδωρον (Vita C, 1-2: ed. LATYŠEV, p. 258, l. 15-p. 259, l. 7). “If you wish to learn clearly, of what stature and manner he was and of what grace he was deigned worthy, you can let your eyes look around you and see the famous monastery of Stoudios, which he gained through his own blood, imitating the Lord also in this respect, how decorous it is, how splendid, how brilliant and famous and adorned with all good things. For so novel and extraordinary is the life-style of the monks living in it, their manner and their connection in the Spirit and the unanimity of their obedience and their virtually angelic and celestial behaviour in psalmody and prayer and the other contexts, that their fame, too, has spread throughout the entire world on which the sun shines and that all human beings consider it as one of the great things to see them and to enjoy their speech. Likewise those of them (sc. the Stoudites) who went elsewhere and gave a probe of their virtue, became a type of asceticism and a yardstick for correctness, for they know consummately both to teach a life-style that loves toil and a conduct that loves God. So exceedingly capable, so exceedingly great are all who have been trained in the monastery of Stoudios and who have had the great Theodore as a model of virtue!”

This passage is not addressed to the Stoudite community but to a general audience and in particular to monks. The author invites his readers to come to Stoudios and to see for themselves how Theodore’s teachings are even now being observed by the community. Thus he achieves two aims. On the one hand he increases the prestige of the community by emphasising the status of Theodore as a monastic teacher and on the other he validates Theodore’s status by showing that his teachings still inspire exemplary conduct. The context for such blatant self-advertisement must surely be the competitive environment of Constantinopolitan monasticism where other houses were making similar if less extreme claims for their founder saints47. As one might expect this passage is reproduced in Vita A in all its essentials. However, this does not mean that there are not differences in 47 The closest parallel is the monastery of Dalmatos with its claim to supremacy based on an interpolated passage in the Acts of the Council of Ephesus, cf. above notes 32 and 33.

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295

emphasis48. Comparison shows that the author of Vita A has made several modifications. As we have seen the author of Vita C first mentions the impact of Theodore’s teachings on monks everywhere and then invites his audience to visit Stoudios where Theodore’s greatness can be gauged by the conduct of the community that he had founded. In Vita A this sequence is reversed. There the reference to Theodore’s popularity among monks in general follows the invitation to the readers to gauge Theodore’s greatness. Only then do we find the passage about the Stoudites, which is now introduced through a praeteritio. Moreover, in Vita A the description of the Studite community is considerably shortened and much less concrete. This gives the impression as if the author of Vita A wished to avoid the narrow focus on the Stoudite community that he found in his model and to put more emphasis on Theodore’s role as a teacher of all monks. However, this does not necessarily rule out the possibility that Vita A was commissioned by the Stoudite community. Indeed, the most likely scenario seems to be that the Stoudites turned to an author whose style was appreciated by contemporary audiences in order to ensure a wider circulation of their views. It is quite possible that Vita C was a failure in this respect because it has only survived in one manuscript. By contrast, the manuscript tradition of Vita A is broader, in part owing to the fact that the text is in some manuscripts added to the Metaphrastic corpus (“erweiterter Metaphrast”)49. What is the historical context for the Lives of Theodore ? The fact that all three extant texts were written in relatively quick succession in the first half of the tenth century highlights the importance 48

Vita A, 1: Ἀμέλει καὶ τοῖς βουλομένοις ἐπιγνῶναι ἡλίκης κἀνταῦθα τῆς δόξης εἴληπται ὁ θαυμάσιος ἵνα μὴ τὴν ἐκεῖθεν λέγω, ἧς ἡ ἀπόλαυσις ἄρρητος, ἔξεστι μοναστὰς πάντας καὶ μιγάδας ἰδεῖν τούτου καὶ πρὸς ἔπαινον κινουμένους καὶ στοργῇ τῇ πάσῃ προσφυομένους, καὶ λαμπρὰν τὴν εὐφημίαν τῷ λαμπρῷ τὴν ἀρετὴν ἀναφέροντες· ἐῶ γὰρ λέγειν τὴν περιώνυμον τοῦ Στουδίου μονήν, ἧς αὐτὸς ἀλείπτης καὶ παιδοτρίβης, πῶς οὐδέποτε λήγουσιν οὗτοι τιμαῖς ἐκεῖνον ταῖς φιλοτίμοις τιμῶντες, καὶ διὰ θαύματος ἄγοντες τὸν θεόληπτον· οἵγε δὲ καὶ τῷ παρ’ ἐκείνου οὕτω πεπαιδεῦσθαι, καὶ ἐπὶ μέγα πολιτείας προῆχθαι, ὑπόδειγμα καὶ αὐτοὶ εὐσεβείας, καὶ ἀρετῆς ἀρχέτυπον τοῖς πολλοῖς καθεστήκασι. Πάντα γὰρ οἱ καλοὶ οὗτοι τὰ κάλλιστά τε ἅμα καὶ λυσιτελέστατα, ὥσπερ ἐν κοινῷ ταμείῳ, τῇ ἑαυτῶν ψυχῇ συνελέξαντο, βίον ὑπερφυῆ, τρόπον ἐπωφελῆ, ἐπιτερπῆ πολιτείαν, ἐμμελῆ ψαλμῳδίαν, καὶ ὅσα ἄλλα τίμια τοῖς ἐναρέτοις καὶ περισπούδαστα (PG 99, col. 113 A14-116 A3). There is no reference to reciprocal visits of Stoudites and other monks, and the description of the Stoudite community is formulaic. 49 Cf. cod. Brit. Addit. 36.636, s. 11, described by VAN DE VORST – DELEHAYE, Catalogus, p. 276, where Vita A appears in the company of the Metaphrastic Lives of Acepsimas (BHG 20), Joannicius (BHG 937), Galaction (BHG 666), Paul the Confessor (BHG 1473), Hieron (BHG 750), Matrona (BHG 1222), Theoktiste (BHG 1725-1726) and Menas (BHG 1250).

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of this period in the history of Stoudios. One gets the impression that the leaders of the community made a concerted effort first to create a common identity among the monks of Stoudios and then to propagate this identity within the wider Constantinopolitan monastic milieu. Significantly, Vita C is not the only Stoudite text that aggressively promotes Stoudite claims of supremacy. A strikingly similar passage is found in the Life of Blaise of Amorium (BHG 278): Εἷλκε γὰρ αὐτὸν φήμη τις ὑποσύρουσα πρὸς τὸ εὐαγὲς καὶ παμμέγεθες θεῖον τῶν Στουδίου κοινόβιον, τὴν ἐκτεθεῖσαν ἐκεῖσε πανσέβαστον ὑπὸ τοῦ πάλαι τοῦτο κατάρξαντος καὶ τὴν οἰκουμένην πᾶσαν τῷ πυρσῷ τῶν δογμάτων καταφαιδρύνοντος, τοῦ ὁσίου φημὶ πατρὸς Θεοδώρου, ἀγγελικὴν διαγωγήν τε καὶ διατύπωσιν καὶ αὐτὸς διεξελθεῖν ἐφιέμενος (chap. 19: ed. H. DELEHAYE, in AASS, Nov. t. 4, Brussels, 1925, p. 657-669, esp. p. 666B)50. “For a rumour drew him, dragging him to the sacred and enormous divine coenobium of Stoudios because he, too, yearned to go through the all-venerable angelic conduct and rule that had there been published by the one who had once ruled it and who had illuminated the whole world with the beacon of his doctrines, I mean the pious father Theodore”.

The Lives of Blaise of Amorion and of Nicholas of Stoudios, and quite likely also Vita B of Theodore, were composed at the time of the Stoudite abbot Anatolius who evidently played an important role in reestablishing Stoudios as the pre-eminent Constantinopolitan monastic community after the vicissitudes of the second half of the ninth century51. By contrast, Vita C and Vita A were most likely produced under one of Anatolius’ successors. This suggests that Anatolius’ activities had a lasting effect on Stoudios and that the community maintained its leading role throughout the tenth century. Indeed, it was at the end of this century that the Stoudites produced a second, much longer rule that became a founda50 This is probably another reference to the Stoudios Hypotyposis. The two terms διαγωγή and διατύπωσις are not exactly parallel. One refers to the life-style of the monks and the other to a rule in which this life-style was codified. Cf. Anargyroi Typikon (ed. H. DELEHAYE, Deux typica byzantins de l’époque des Paléologues, Brussels, 1921, p. 136-140, esp. 136, l. 2628): εἰς νοῦν εὐθὺς ἐβαλόμην καὶ διατυπώσασθαι ταῖς ἐν αὐτῇ μοναχαῖς περὶ τῆς σφετέρας αὐτῶν διαγωγῆς καὶ τὰ συνοίσοντα ὡς ἐνὸν εἰσηγήσασθαι οὐκ ἐπ’ ἀτεθήσει τῆς προεκτεθείσης ἐπ’ αὐτῇ διατυπώσεως. 51

Anatolius is mentioned in the Life of Blaise of Amorion, 19 (BHG 278: ed. DELEHAYE, p. 666BC), and in the Life of Nicholas of Stoudios (PG 105, col. 893 A). Cf. DELOUIS, Écriture et réécriture… (see above n. 6), p. 106: “Le second groupe de Vies, au début du Xe siècle, est le produit d’une politique tout aussi volontariste que l’on rattachera en particulier à une figure, l’higoumène Anatole, qui joue un rôle important dans le contrôle et la diffusion d’une hagiographie spécifiquement stoudite jusqu’au premier quart du Xe siècle: Anatole supervise ainsi le ménologe Vaticanus graecus 1660, intervient dans la rédaction de la Vie de Nicolas Stoudite et occupe une place de choix dans la Vie de Blaise d’Amorion”.

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tional document of the monastic reform movement of the eleventh century52. Conclusion Close comparison of corresponding passages in the three extant Lives of Theodore of Stoudios reveals that Vita B served as the direct model for Vita C and that Vita A is a later reworking of Vita C. Despite their common subject matter the three texts have their own distinct characteristics. Vita B is written in the ponderous and convoluted manner that is found in many texts from the ninth century. Vita C seeks to rein in the verbosity of its model but does not go so far as to change its overall character. By contrast, Vita A reflects a radically different stylistic ideal. It is composed in the understated and concise style that is also found in the Metaphrastic menologion. Comparison with two further texts, the Life of Nicholas of Stoudios and the Life of Maximus Confessor, suggests that all three texts were composed in relatively quick succession in the first half of the tenth century. The author of Vita B, the monk Michael, was a prolific writer of hagiographical texts. He later left the Stoudite community in order to become abbot of the Dalmatos monastery and probably also patriarchal synkellos. By contrast, nothing is known about the author of Vita C although it seems likely that he was also a Stoudite monk. Vita A may have been composed by the state official Theodore Daphnopates who would have performed this task in close collaboration with the Stoudite leadership. Vita B was written for the monks of Stoudios whereas the two later texts were propaganda pieces that extolled the qualities of the Stoudite community to outsiders. The three texts thus reflect a concerted effort first to forge a common identity and then to propagate this identity within the wider Constantinopolitan monastic milieu. Together with the Hypotyposis and the later extended Typikon they are a testimony to the vigour of tenthcentury Stoudios, which during the abbacy of Anatolius had regained its status as the pre-eminent monastery of the capital. Mardin Artuklu Üniversitesi

Dirk KRAUSMÜLLER

Edebiyat Fakültesi, Tarih Bölümü. Yeni Kampüs TR – 47000 Mardin

52 This text is lost but can be reconstructed through comparison of several later adaptations as was shown by PENTKOVSKIJ, Tipikon patriarha Aleksija Studita… (see above n. 43), p. 49-120. Cf. also D. KRAUSMÜLLER, The Abbots of Evergetis… (see above n. 7), p. 111-134.

298

D. KRAUSMÜLLER

List of abbreviations HAGIOGRAPHI BOLLANDIANI – FRANCHI DE’ CAVALIERI, Catalogus Bibliothecae Vaticanae = HAGIOGRAPHI BOLLANDIANI – P. FRANCHI DE’ CAVALIERI, Catalogus codicum hagiographicorum Bibliothecae Vaticanae (= Subs. hag., 7), Brussels, 1899. KRAUSMÜLLER, Patriarch Methodius = D. KRAUSMÜLLER, Patriarch Methodius, the Author of the Lost First Life of Theodore of Stoudios, in Symbolae Osloenses, 81 (2006), p. 144-150. PmbZ = Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit. 1. Abt.: 641-867, erstellt von R.-J. LILIE et al., 7 vol., Berlin – New York, 1998-2002. VAN DE VORST – DELEHAYE, Catalogus = C. VAN DE VORST – H. DELEHAYE, Catalogus codicum hagiographicorum graecorum Germaniae, Belgii, Angliae (= Subs. hag., 13), Brussels, 1913, p. 248.

Résumé. L’article entend démontrer que la Vita C de Théodore Stoudite est une métaphrase de la Vita B et que la Vita A s’avère, de son côté, être un remaniement de la Vita C. Le style littéraire, l’auteur, la date et la motivation de ces trois textes sont ensuite examinés.

Éric DELAISSÉ – Fabienne ARBOIT LA VIE DE PIERRE, CONVERS DE VILLERS-EN-BRABANT AU XIIIe SIÈCLE Édition critique et traduction Le dossier hagiographique de l’abbaye de Villers-en-Brabant est constitué de huit Vitae et d’une série de textes plus courts conservés dans les Gesta sanctorum Villariensium1. Ces textes ont tous été édités, ou du moins partiellement2, à l’exception de la Vita Petri conuersi. Nous l’éditons donc ici pour la première fois, accompagnée du chapitre consacré au convers Pierre dans les Gesta, contenu dans le manuscrit 7776-81 de la Bibliothèque royale de Belgique3. L’édition de ces textes latins est doublée d’une traduction française de la Vita. Cette Vita a été écrite par un certain Henri, moine de Lieu-SaintBernard4 et maître des convers5. Peut-être fait-il partie des moines de Villers envoyés à Vremde pour y fonder en 1237 l’abbaye de Lieu-SaintBernard6; toujours est-il que la rédaction de la Vita en résulte et s’avère donc postérieure à cette date. 1 É. DELAISSÉ, Le nombre de bienheureux à Villers-en-Brabant aux XIIe et XIIIe siècles, in Revue bénédictine, 117 (2007), p. 387-391. 2 E. MARTÈNE – U. DURAND, Thesaurus novus anecdotorum, t. 3, Paris, 1717, col. 13091374; A. M. FRENKEN, De vita van Abundus van Hoei, in Cîteaux. Commentarii cistercienses, 10 (1959), p. 5-33; De beato Arnulfo monacho, in AASS, Iun. t. 5, Anvers, 1709, p. 606-631; De beato Goberto confessore, in AASS, Aug. t. 4, Anvers, 1739, p. 370-395; De venerabili viro Godefrido Pachomio, monacho Villariensi, in AB, 14 (1895), p. 263-268; Monumenta historiae Villariensis, ed. G. WAITZ, in Gesta episcoporum, abbatum, ducum aliorumque principum saec. XIII (= Monumenta Germaniae Historica. Scriptores, 25), Hanovre, 1880, p. 192-235. 3 e

Les Gesta sanctorum Villariensium existent sous deux recensions. La première (fin e

XIII , début du XIV s.) est représentée par un seul manuscrit (codex 6410-6416 de la Bi-

bliothèque royale de Belgique) et ne contient pas de chapitre consacré à Pierre. La seconde recension des Gesta (terminée avant 1459) est conservée dans plusieurs manuscrits (dont le codex 7776-7781 de la Bibliothèque royale de Belgique). Par ailleurs, l’édition des Gesta par E. Martène dans le Thesaurus novus anecdotorum ne comprend pas le chapitre consacré à Pierre. Waitz n’en a publié qu’un très bref fragment dans les Monumenta Germaniae Historica. 4 Abbaye cistercienne de Lieu-Saint-Bernard (ou de Saint-Bernard sur l’Escaut), à Hemiksem dans la province d’Anvers, canton de Boom. Voir F. MARCUS, Abbaye de SaintBernard sur l’Escaut à Hemiksem, in Monasticon belge. T. VIII: Province d’Anvers, vol. 1, Liège, 1992, p. 31-79. 5

Voir la lettre qui précède la Vita, éditée ci-après.

6

S. ROISIN, L’hagiographie cistercienne dans le diocèse de Liège au XIIIe siècle (= Recueil de travaux d’histoire et de philologie de l’Université de Louvain, 3e sér., 27), Louvain, 1947, p. 45.

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 299-374.

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Le texte de la Vita est précédé d’une lettre du même Henri au moine Jean, sous-prieur de Villers7. Il y est question des conditions de rédaction de la Vie de Pierre. Henri y révèle avoir promis à Jean d’écrire cette Vita, tout en remettant toujours ce travail à plus tard; finalement, il s’est fixé quatre jours pour en effectuer la rédaction. Il explique donc que, poussé par la hâte, il n’a pas structuré son texte en chapitres et que les virgules en sont absentes. Henri demande d’y remédier et, s’il échet, d’apporter une bienveillante correction quant aux éléments omis ou qui conviendraient moins. La rédaction de la Vita est donc marquée par la hâte, ainsi que par l’humilité: l’auteur évoque même la possibilité que son commanditaire, Jean, n’apprécie pas ce travail; si tel était le cas, puisse-t-il lui être renvoyé malgré tout afin de pouvoir quand même être transcrit par d’autres personnes. Enfin, l’ouvrage est, toujours selon l’auteur, destiné à l’édification des personnes modestes. Mais bien entendu, ces multiples précautions font partie des topoi du genre: l’humilité est de mise, surtout lorsqu’on retrace les vertus d’un saint. En outre, à diverses reprises, l’auteur de la Vita s’adresse directement au lecteur. Il le fait pour des motifs variés: lui exprimer le but poursuivi en entamant la rédaction, lui donner des conseils pour profiter au mieux de la lecture, lui apporter des précisions utiles à la compréhension, le guider dans ses réflexions ou encore répondre à son étonnement éventuel au sujet de certaines pratiques de Pierre. Place du convers Pierre dans l’hagiographie villersoise Toutes les sources hagiographiques villersoises ne citent pas le convers Pierre. Les manuscrits contenant les Gesta sanctorum Villariensium ne comprennent pas toujours un chapitre qui lui soit consacré. Il en va de même des reliques: l’abbaye brabançonne vénérait les corps de sept de ses bienheureux religieux (moines et convers)8; parmi ceux-ci ne figure pas celui du convers Pierre, ce qui suggère qu’il ne fit jamais l’objet d’un culte. 7 Aucun autre document ne signale Jean, sous-prieur de Villers. Cela ne nous permet donc pas de dater plus précisément la Vita. Voir ROISIN, L’hagiographie cistercienne… (cf. supra, n. 6). 8

Un mausolée construit dans l’église abritait dix corps saints parmi lesquels ceux de six moines et convers villersois. En outre, les religieux de Villers vénéraient les restes du moine Gobert d’Aspremont dont le tombeau avait été placé dans le cloître. Voir É. DELAISSÉ, Le nombre de bienheureux… (cf. supra, n. 1), p. 383-387 et 398-399; R. LECHAT, Les bienheureux de l’abbaye de Villers, in AB, 42 (1924), p. 372-373.

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Il demeure toutefois bien présent dans la litanie des bienheureux de Villers composée par Servais Gillet, cistercien qui fit sa profession à Villers en 16179. Cette litanie contient les noms de soixante-quatre religieux, identiques à ceux répertoriés par Chrysostome Henriquez (1595-1632) dans son Menologium cistertiense où Pierre est inscrit à la date du 31 janvier10. Il s’agit là d’une composition tardive, dont on ne saurait inférer l’existence d’un culte. Intérêt de la Vita Petri Au XIXe siècle, les Bollandistes avaient estimé que la Vita ne méritait pas une édition11: elle ne présenterait aucune originalité et constituerait tout au plus une redite d’autres Vitae de Villers, principalement celle du convers Arnulf. Il est vrai que d’un point de vue thématique, plusieurs passages de la Vita Petri sont très semblables à ceux de la Vita Arnulfi conuersi12: les deux hommes se convertirent après une jeunesse dissipée et s’infligèrent des mortifications particulièrement rudes. La Vita Arnulfi a donc certainement inspiré Henri dans sa rédaction. Cependant la Vita Arnulfi s’étend bien davantage et décrit plus longuement et plus précisément les austérités endurées que ne le fait la Vita Petri. La Vita d’Arnulf est construite en deux livres, le premier étant consacré aux mortifications et le second à des matières telles que la charité, les visions et les prophéties; une telle structure est absente dans la Vita Petri. Les autres Vitae villersoises s’attardent nettement moins sur les pratiques ascétiques des religieux de la communauté ou en tout cas ne les décrivent pas de manière aussi spectaculaire que pour Arnulf et Pierre. Elles se contentent en fait d’évoquer les jeûnes, les veilles ou encore le port de cilices. Quant aux aspects mystiques, ils sont évoqués dans la plupart des textes hagiographiques de Villers par la voie d’apparitions, de ré9

É. BROUETTE, Gillet (Servais), in Dictionnaire des auteurs cisterciens, t. I, Rochefort, 1976, col. 298-299. 10

C. HENRIQUEZ, Menologium cistertiense, Anvers, 1630, p. 35-36.

11

ROISIN, L’hagiographie cistercienne… (cf. supra, n. 6), p. 45; [A. PONCELET], Catalogus codicum hagiographicorum qui Vindobonae asservantur in bibliotheca privata serenissimi Caesaris Austriaci, in AB, 14 (1895), p. 243-244. 12 Arnulf est entré à Villers au début de l’année 1202 et est mort le 30 juin 1228. Sa Vita (BHL 713) fut rédigée par Gosuin de Bossut, chantre de Villers, peu après la mort du convers. Le texte fut remanié quelques années avant 1236. Voir ROISIN, L’hagiographie cistercienne..., p. 32-33.

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vélations et de prédictions. Ces dernières sont absentes de la Vita Petri, tout comme les miracles évoqués pourtant dans quelques autres Vitae de l’abbaye brabançonne, notamment celles d’Arnulf et Godefroid le Sacristain. La Vita de Pierre possède ses originalités propres13: bien que selon Simone Roisin, son seul intérêt réside dans le soulignement des thèmes hagiographiques les plus en faveur à Villers14, il faut bien noter qu’elle est la seule du corpus de Villers à montrer un religieux qui se marque le corps des stigmates. En outre, à l’exception de cette caractéristique, elle présente très peu de faits concrets, mettant l’accent sur la mystique et le cheminement spirituel. Le texte accorde aussi une certaine importance à l’Immaculée Conception de la Vierge, fête encore confidentielle à l’époque. Enfin et surtout — fait rare passé jusqu’ici inaperçu —, Pierre est le seul religieux de Villers à se révolter contre le Christ. Une autre caractéristique propre à notre Vita réside dans le relatif «anonymat» qui recouvre l’identité de Pierre. En effet, si les autres Vitae du dossier hagiographique villersois présentent régulièrement le nom du saint dans le corps même du texte15, ce n’est manifestement pas le cas dans la Vita Petri où le nom de Pierre ne figure que dans l’incipit et aux lignes 312-313 de notre édition (dans un emploi métaphorique). En effet, l’auteur a préféré l’usage d’expressions telles que uir Domini (surtout), uir Dei, homo Dei, seruus Christi ou Christi miles. Enfin, aucun des historiens parmi ceux qui ont évoqué le convers Pierre n’a travaillé à partir de la Vita conservée dans le manuscrit de Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Ser. n. 12854. Ils ont utilisé d’une part le texte conservé dans les Gesta sanctorum Villariensium, qui constitue en fait un résumé de la Vita originale, et d’autre part, dans une moindre mesure, la version en français de la Vie de Pierre rapportée par Jean d’Assignies16 — texte qui est à son tour tributaire des Gesta: on pourrait pratiquement parler de traduction. 13

Nous développons les thèmes essentiels de la Vita ci-dessous.

14

ROISIN, L’hagiographie cistercienne... (cf. supra, n. 6), p. 46.

15

Dans le dossier villersois, les noms d’Arnulf, Gobert, Godefroy (Pachôme), Abond et Francon reviennent de manière très régulière dans leurs Vitae respectives. D’ailleurs, de façon générale, les auteurs hagiographiques ont l’habitude de citer nommément leurs champions (par ex., dans la Vita sancti Martini de Sulpice Sévère, où le nom de Martin revient très régulièrement). 16 Jean d’Assignies, Les vies et faits remarquables de plusieurs saints et vertueux moines, moniales et frères convers du sacré Ordre de Cysteau, propres pour embrazer les cœurs refroidis de tous bons Catholicques, distinguez en trois livres, Mons, 1603, f. 535v-540v. Cet ouvrage devenu très rare se trouve notamment dans la bibliothèque de l’abbaye de Scourmont

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La présente édition permet donc une mise au point nécessaire sur les spécificités de la Vita Petri et porte à la lumière un nouveau texte du dossier hagiographique de Villers. Quelques thèmes de la Vita Petri Les passages de la Vita Petri consacrés aux pratiques ascétiques sont particulièrement marquants en raison de la dureté et de la violence des mortifications infligées. Elles touchent directement le thème de l’humanité du Christ et de son imitation. Une large place est aussi accordée aux phénomènes mystiques, notamment au travers de nombreux dialogues et apparitions du Christ et de la sainte Vierge. La révolte de Pierre contre le Christ est une autre particularité de la Vita. Ascétisme et mortifications Aux XIIe et XIIIe siècles, l’amour excessif des richesses et la recherche effrénée de jouissances avaient contaminé la petite noblesse et même les populations rurales. Une tendance ascétique très stricte fut la réponse d’une partie de la société à ce phénomène17. Elle fut adoptée dans les abbayes cisterciennes où elle était non seulement marquée par la pauvreté dans laquelle voulaient vivre les religieux mais aussi par le désir d’un crucifiement complet dans la chair. Ainsi, chez de nombreux saints religieux, la pauvreté s’était doublée d’excessives austérités corporelles18. Les Vitae expliquent parfois pourquoi les saints religieux s’administrent de telles mortifications. La Vita Petri rapporte ainsi que Pierre décide d’être crucifié et de s’anéantir afin d’être avec le Christ19 et d’obtenir le fruit de la pénitence20. Il s’inflige des coups de discipline jusqu’au (Rés. 391 D’Assignies) et à Versailles, Bibliothèque municipale (Fonds patrimoniaux, F.A. in-8 1 121b). Jean d’Assignies (1560-1642) fit ses études chez les chanoines réguliers de BoisSeigneur-Isaac avant de devenir sous-prieur de Cambron. En 1601, il est envoyé à Nizelles pour redresser l’abbaye. Peu après, il arrive à Flines en tant que confesseur des moniales. Il est choisi comme abbé de Nizelles en 1618 et y résilie ses fonctions (pour cause d’infirmité) en 1640. Voir É. BROUETTE, Abbaye de Nizelles, à Wauthier-Braine, in Monasticon belge. T. IV: Province de Brabant, vol. 2, Liège, 1968, p. 336; ID., Assignies (Jean d’), in Dictionnaire des auteurs cisterciens, t. I, Rochefort, 1975, col. 62-63; J.-M. CANIVEZ, L’Ordre de Cîteaux en Belgique, Forges-Lez-Chimay, 1926, p. 170-171; A. DIMIER, Dassignies ou d’Assignies (Jean), in Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. XIV, Paris, 1960, col. 92-93. 17

ROISIN, L’hagiographie cistercienne… (cf. supra, n. 6), p. 92.

18

Ibid., p. 95.

19

Voir infra notre édition, lignes 229-230 (fol. 97r).

20

Ibid., ligne 261 (fol. 97v).

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sang pour avoir offensé Dieu21. Ceci apparaît d’ailleurs comme un souci tenace car la Vita le dit préoccupé de savoir par quelles dignes souffrances il pourrait répondre à Dieu22. Le souvenir de la Passion du Christ et la volonté de lui ressembler sont des éléments indispensables pour comprendre les austérités corporelles. Saint Bernard parle de la conformatio de l’homme au Christ, à la corporéité du Fils incarné. Cette aspiration christiforme se veut atteinte de perfection dans sa propre humanité23. Selon l’abbé de Clairvaux, l’amour sensible pour l’humanité du Christ est un élément qui conduit l’âme à l’union spirituelle, ou union mystique. Saint Bernard recommandait d’ailleurs une vénération particulière des plaies de Jésus et spécialement celle de son côté24. La Vita de Lutgarde d’Aywières rapporte la vision que celleci eut de cette plaie, ce qui lui permet de découvrir pour la première fois dans l’histoire spirituelle chrétienne le Cœur du Christ25. Cette blessure est également mise à l’honneur dans la Vita Petri puisque le saint convers impose un fer brûlant à son flanc de manière à obtenir une ressemblance avec la plaie infligée au Christ par la lance de Longin. Le texte se poursuit en expliquant que Pierre avait empêché la blessure de se refermer car celle du Christ était restée ouverte26. Le convers est aussi allé jusqu’à se transpercer les mains et les pieds avec des clous en fer27. Pierre est ainsi le seul religieux de Villers à se marquer des stigmates28. Si l’ascétisme est fortement présent dans le monde cistercien et dans le dossier hagiographique villersois, les excès de certains saints religieux sont parfois condamnés par leurs contemporains. Le convers Arnulf a 21

Voir infra notre édition, ligne 388 (fol. 101r).

22

Ibid., lignes 806-807 (fol. 110v).

23

P. NAGY, Le don des larmes. Un instrument spirituel en quête d’institution ( Ve-XIIIe siècle), Paris, 2000, p. 320. 24

J. FORET, Vitae Sanctorum, in Th. GLORIEUX-DE GAND, Manuscrits cisterciens de la Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, 1990, p. 80-81. 25 Lutgarde d’Aywières († 1246), bénédictine puis cistercienne; sa Vita a été rédigée par Thomas de Cantimpré entre 1246 et 1248. Voir A. DEBOUTTE, Lutgarde d’Aywières, in Dictionnaire de spiritualité, t. IX, Paris, 1976, col. 1201-1204. 26

Voir infra notre édition, lignes 280-281 (fol. 98r).

27

Ibid., ligne 813 (fol. 110v).

28

Par contre, le Seigneur a marqué des stigmates Élisabeth de Spalbeek et Ide de Louvain qui devinrent plus tard cisterciennes. Voir A. DIMIER, Élisabeth de Spalbeek, in Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. XV, Paris, 1963, col. 224-225; E. MIKKERS, Ida, in Dictionnaire de spiritualité, t. VII, Paris, 1971, col. 1239-1242. Au sujet de la stigmatisation, voir É. AMANN, Stigmatisation, in Dictionnaire de théologie catholique, t. XIV, Paris, 1941, col. 2616-2624.

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d’ailleurs ainsi été réprimandé pour s’être mortifié sans autorisation29. Un ascétisme aussi violent n’était donc pas bien vu par les autorités de l’abbaye. Aussi, le biographe de Pierre demande de ne pas imiter ce dernier lorsqu’il se transperce les mains et les pieds à l’aide de clous, mais plutôt de l’admirer30. D’ailleurs, la cohabitation avec les saints religieux n’était pas toujours aisée puisque certaines mortifications entraînaient des odeurs très désagréables en raison des blessures infectées31. Mysticisme Chez les bienheureux cisterciens, le corollaire naturel de l’ascèse est la mystique. Le renoncement aux biens factices et passagers était pour eux la source d’un désir inassouvi des biens véritables et éternels32. L’union mystique constitue pour les cisterciens du XIIIe siècle la preuve de l’amitié de Dieu. Cette union est accompagnée de différents phénomènes dont les plus recherchés par les religieux sont les apparitions, visions et révélations33. Pour saint Bernard, l’amour exclusif de Dieu ne peut être atteint sur cette terre que par des extases qui ne durent qu’un instant. L’abbé de Clairvaux affirme que cette expérience, considérée donc comme un avantgoût du Ciel, est une rare faveur et que ceux qui y ont goûté sont saints et bienheureux34. Ces communications avec le monde surnaturel sont donc logiquement souvent présentes dans les Vitae, et les dialogues s’y révèlent directement inspirés de textes liturgiques psalmodiés à l’office35. La sainte Vierge occupe une place de choix dans les expériences mystiques rapportées par le dossier hagiographique de Villers. En effet, les cisterciens accordent beaucoup d’importance à la mère de Jésus36. Saint Bernard estime que toutes nos demandes doivent passer par les mains de la Vierge et que l’expérience de Celle-ci apporte un éclairage unique 29

De beato Arnulfo, in AASS, Iun. t. 5, Anvers, 1709, p. 610.

30

Voir infra notre édition, lignes 813-815 (fol. 110v).

31

É. DELAISSÉ, Relations des saints religieux de Villers avec les membres de leur communauté, in Collectanea Cisterciensia, 69 (2007), p. 161-162. 32

ROISIN, L’hagiographie cistercienne... (cf. supra, n. 6), p. 106.

33

Ibid., p. 165.

34

NAGY, Le don des larmes… (cf. supra, n. 23), p. 314-315.

35

ROISIN, L’hagiographie cistercienne..., p. 167.

36

L’influence de saint Bernard se fait sentir même si l’œuvre mariale de ce dernier ne représente qu’une modeste partie de ses travaux. Voir Bernard de Clairvaux, À la louange de la Vierge Mère, éd. M. I. HUILLE – J. REGNARD (= Sources Chrétiennes, 390), Paris, 1993, p. 26.

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sur le mystère du Christ et de l’Église ainsi que sur l’expérience chrétienne37. L’affection sensible des religieux cisterciens va ainsi à la Vierge qui leur apparaît comme l’incarnation de la mère, de la sœur laissées dans le monde et, plus encore, de la fiancée ou de l’épouse à laquelle ils avaient renoncé38. La Vita Petri constitue un témoignage de cet engouement envers Marie. Un passage est ainsi consacré, nous l’avons dit, à la fête de l’Immaculée Conception de la sainte Vierge; or cette fête était loin d’être universellement admise à l’époque39. Saint Bernard, par exemple, y était hostile. Dans sa lettre 174 aux chanoines de Lyon, l’abbé de Clairvaux explique qu’il ne voit pas l’utilité de faire intervenir un privilège spécial pour la conception de Marie. Il se tient à la ligne traditionnelle et augustinienne qui associe la transmission du péché originel à la conception humaine40. Par contre, Geoffroy d’Auxerre41, pourtant secrétaire de saint Bernard, s’est montré nettement plus ouvert dans le domaine de la mariologie: plusieurs passages dans ses écrits plaident en faveur de l’affirmation de l’Immaculée Conception de Marie42. Dans la Vita, la Vierge apparaît à Pierre un 8 décembre et lui déclare que c’est aujourd’hui sa fête. Le convers, qui ignorait l’existence de cet événement, dût se renseigner auprès d’un homme qui connaissait le calendrier pour apprendre qu’on fêtait l’Immaculée Conception43. Ceci atteste que cette fête n’était pas encore très répandue alors dans le Brabant. Il faut 37

Ibid., p. 27 et 29.

38

ROISIN, L’hagiographie cistercienne... (cf. supra, n. 6), p. 115-116.

39

Le dogme de l’Immaculée Conception de la sainte Vierge fut promulgué en 1854. Voir Unbefleckte Empfängnis, in Marienlexikon, t. VI, St. Ottilien, 1994, p. 519-532. En fait, les origines de la fête de la Conception sont à situer au XIe s. à Cantorbéry et Winchester. Voir M. LAMY, L’Immaculée Conception. Étapes et enjeux d’une controverse au Moyen Âge (XIIe-XVe siècles) (= Collection des Études Augustiniennes. Série Moyen Âge et Temps Modernes, 35), Paris, 2000, p. 40. 40

Bernardus Claraevallensis, Epistola 174, in Sancti Bernardi opera omnia, t. VII, éd. J. LECLERCQ – Ch. H. TALBOT – H. M. ROCHAIS, Rome, 1974, p. 388-392. 41 Geoffroy d’Auxerre († vers 1175), successivement abbé d’Igny, de Clairvaux et de Hautecombe. Voir A. DIMIER, Geoffroy d’Auxerre, in Dictionnaire des auteurs cisterciens, t. I, Rochefort, 1976, col. 279-280. 42 F. GASTALDELLI, Goffredo d’Auxerre precursore dei dogmi dell’immacolata concezione e dell’Assunzione corporea di Maria (saec. XII), in Dizionario di Spiritualità Biblico-Patristica, vol. 41, Rome, 2005, p. 353-373; ID., Il sermone “De muliere amicta sole” di Goffredo d’Auxerre e un confronto con san Bernardo, in Maria, l’Apocalisse e il Medioevo, éd. C. M. PIASTRA – Fr. SANTI, Florence, 2006, p. 59-79; P.-A. BURTON, Geoffroy d’Auxerre, in Collectanea Cisterciensia, 68 (2006), p. 108-109 (compte rendu des deux références précédentes). 43

Voir infra notre édition, lignes 447-449 (fol. 102r).

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noter que cet épisode pourrait presque être assimilé à un topos: on le retrouve dans divers Miracula des XIIe et XIIIe siècles. Par exemple, la légende d’Helsin rapporte que lors d’une tempête en mer, un personnage vêtu de la mise épiscopale apparaît audit Helsin afin de l’exhorter à célébrer la Conception de la Vierge; celui-ci n’est pas au courant et doit lui en demander la date et l’office. Cette histoire fournira d’ailleurs matière à l’office de cette fête44. D’ailleurs, dans son ouvrage sur l’Immaculée Conception paru en 1618, Francisco de Bivar mentionne l’intérêt du témoignage de la Vita Petri, qu’il connaissait à travers la traduction française de Jean d’Assignies45. Révolte de Pierre contre le Christ Le convers se révolte contre Jésus au sujet du sort réservé aux pécheurs46. Il explique à Dieu le Père qu’il ne veut plus accepter les consolations du Christ, qu’il ne veut plus lui offrir des louanges et des actions de grâces s’il n’examine pas mieux les causes des pécheurs, ne les corrige pas avec plus de bonté et ne leur pardonne pas plus vite. L’attitude de Pierre était telle qu’il ne voulait pas s’incliner devant le crucifix et ne le regardait qu’à peine. Le Christ lui apparaît alors et lui demande indul44 Helsin exerce la charge d’abbé de Saint-Augustin de Cantorbéry jusqu’en 1070 lorsqu’il tombe en disgrâce et qu’il trouve refuge au Danemark. Après un exil de près de dix ans, il rentre en Angleterre où il obtient l’abbatiat de Ramsey. Quant aux origines de la légende, elles demeurent assez mystérieuses: le récit est connu sous différentes versions dont plusieurs remontent à la première moitié du XIIe s. Voir LAMY, L’Immaculée Conception... (cf. supra, n. 39), p. 90-104. 45 «Echòse bien de ver el amoroso afecto que la Reyna del cielo tiene a esta su devota familia, en las revelaciones que hizo a un santo frayle lego de nuestra Orden professo del monasterio de Vilario en Flandres, que se llamaua fray Pedro, y era singular sieruo y deuoto suyo. Pero porque el testimonio de la persona que no se conoce no se estima, antes que trayga el que de sus revelaciones tenemos en abono de la fiesta de la limpia Concepcion, serà razon dar alguna noticia de quien fue este sieruo de Dios, y de la mucha cabida que alcãçò con su diuina Magestad y con su Madre santísima, según que se halla escrita su vida en las Cronicas antiguas, manuscrita del mismo Monasterio de Vilario, y la traduxo en Frances nuestro fray Iuan de Assigniès, en el tomo 2 de los Santos de la Orden, lib. 3, cap. 12», extrait de Fr. de Bivar, Historias admirables de las mas ilustres, entre las menos conocidas santas que ay en el cielo. Salen a luz en esta primera parte, solas dos. La vna, de la B. Virgen Doña Beatriz de Sylva, con la fundación de li Orden de la Concepción, y muchos testimonios graves, y antiguos, en favor de la Limpia Concepción de nuestra Señora. Y la oltra, la vida de santa Iuliana, con la milagrosa fundación de la fiesta del Corpus Christi, que ella instituyò, Valladolid, 1618, fol. 23r-v. Pour l’édition de Jean d’Assignies, voir supra n. 16. 46 Voir le chapitre 14 de notre édition «Révolte de Pierre contre le Christ; retour à la paix» aux lignes 727-805 (fol. 108v-110v).

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gence mais Pierre garde son avis. Finalement, le convers sera sensible aux paroles que Jésus lui adresse47. Résumé de l’œuvre: le cheminement intérieur de Pierre48 La Vita, focalisée sur la vie spirituelle de Pierre et ne laissant aucune place à l’anecdote, montre un homme obsédé par ses péchés et en proie aux remords depuis sa jeunesse turbulente (chapitres I et II), qu’une longue pénitence n’a pu soulager, et qui refuse systématiquement toute consolation. Victime d’un salutaire ravissement qui devra lui restituer son innocence perdue, par la main même du Christ il est baptisé, en présence de la Vierge (chapitre III). Après ce nouveau baptême, Pierre, l’âme en paix, et sur le conseil de bons compagnons, entre à Villers; la révélation de sa sainteté spirituelle et corporelle est accordée à un frère (chapitre IV). Pierre médite alors quotidiennement la Passion, en réponse de laquelle il souhaite subir une triple mort: premièrement par amour du Christ, ensuite pour le progrès du prochain, et enfin pour que le Seigneur lui soit propice (chapitre V). Il illustre son propos en crucifiant sa chair par des mortifications (discipline, ronces, orties, cilice, peaux de hérisson, jeûne, coups de tenaille), qui vont jusqu’à imiter la blessure au flanc du Christ à l’aide d’un fer brûlant et de cordes (chapitre VI). Pierre passe aussi par des phases où le Diable tente de le déstabiliser à l’aide de diverses illusions et de coups terribles, mais il résiste toujours, et obtient en contrepartie la consolation du Seigneur. Il s’en prend cependant à l’injustice du Seigneur qui ne l’a pas préservé du péché dès son enfance, comme il l’a fait pour d’autres saints; il finira quand même par revenir à l’humilité véritable, et désirera même subir une accusation honteuse pour imiter le Christ (chapitre VII). Il voudra aussi que la grâce soit accordée aux autres plus qu’à lui-même (chapitre VIII). Il fait preuve d’une profonde dévotion pour la Vierge, et la fête de l’Immaculée Conception lui est d’ailleurs révélée; ravi en esprit, il est conduit auprès de Jésus-Christ qui le marie spirituellement à sa Mère49 (chapitre IX); le Seigneur lui promettant d’accomplir tous ses désirs, Pierre demande alors la Vierge Marie, la croix et les cinq 47

Voir infra notre édition, lignes 800-805.

48

Le contenu de la Vita peut parfois s’avérer ardu; c’est pourquoi nous faisons précéder l’édition du texte d’un petit commentaire retraçant le parcours spirituel de Pierre. 49 Les épousailles mystiques se lisent régulièrement dans les récits hagiographiques. Toutefois, elles concernent plus généralement des femmes qui sont unies au Christ lors d’une vision et selon un cérémonial où la présence de la Vierge semble obligatoire. Voir P. ADNÈS, Mariage spirituel, in Dictionnaire de spiritualité, t. X, Paris, 1980, col. 388-408.

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plaies en gage de cette promesse (chapitre X). Le convers craint cependant que la Vierge n’estime qu’il accorde trop de dévotion au Christ par rapport à elle, mais celle-ci le rassure. Quant au Christ, il lui demande de passer des larmes de compassion aux larmes d’amour (chapitre XI). Pierre formule alors un triple vœu pour être admis au baiser de la Trinité (chapitre XII); il renonce à sa propre volonté, et même à rechercher les consolations du Seigneur, mais celui-ci lui accorde d’obtenir tout ce qu’il veut, au Ciel et sur la terre: Pierre lui offre en contrepartie les mérites de la Vierge et des saints (chapitre XIII). Mais pris d’un scrupule, il pense à ses frères et ne comprend pas qu’il soit le seul à jouir des bienfaits du Seigneur alors que d’autres errent encore à la recherche du salut: devant le Père, il accuse donc le Fils de manquer à ses devoirs et de ne pas corriger les pécheurs, il se révolte donc contre le Seigneur, décidant de se consacrer désormais au Père, au Saint-Esprit et à la sainte Vierge. Le Christ réussit à le ramener à la paix en l’invitant à l’assister pour racheter les pécheurs: Pierre sera comme lui méprisé, insulté et rejeté (chapitre XIV); d’ailleurs il se marquera des stigmates aux mains et aux pieds (chapitre XV). Pierre ne désire plus que deux choses: qu’il puisse lui-même choisir le moment où le Seigneur prend congé lors de ses visitations, et que la charité puisse lui montrer sa présence quand il le désire. Vœux qui se réalisent la nuit de Noël, en une union d’amour avec le Seigneur (chapitre XVI). Désormais Pierre se consacrera tout entier à Dieu et refusera de mourir pour trouver son salut personnel mais acceptera d’œuvrer pour le salut de tous. Il est uni dans l’amour avec la Trinité (chapitre XVII), et quand il s’endormira dans un trépas bienheureux, il s’unira au Ciel avec celui qu’il avait aimé sur terre (chapitre XVIII). Le style La Vita Petri se caractérise par l’emploi d’un latin «pseudo-classique»: périodes d’inspiration classique, constructions parallèles, syntaxe très compliquée avec incises en incise, l’auteur donnant l’impression de vouloir rivaliser avec les grands auteurs latins — ou du moins avec les grands auteurs médiévaux qui s’en inspirent; il en résulte un langage parfois ampoulé, sûrement difficilement traduisible par les gens «simples» pour l’édification desquels le texte est censé avoir été écrit. Le vocabulaire est d’ailleurs plutôt recherché (emploi d’hapax antiques, ce qui confirme une bonne connaissance desdites œuvres antiques, ou du moins des «classiques» médiévaux qui y puisent), même si les barbarismes sont bien pré-

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sents, que ce soit dans l’orthographe50, le vocabulaire ou la syntaxe: citons ut + infinitif 51, cum historique + subjonctif présent52 ou parfait53, ut ne au lieu d’ut non pour la négation d’une conséquence54, dicere ad 55, verbe construit classiquement avec ut + subjonctif, qui ici est affublé d’un quia56, ou qui attendrait une proposition infinitive mais qui ici voit sa subordonnée introduite par quoniam57… Parfois aussi, des erreurs à proprement parler se glissent subrepticement58. Notons en outre que vers la fin de l’œuvre, les fautes d’accord, d’orthographe et de syntaxe sont plus nombreuses59, bien que cette dernière devienne (proportionnellement) beaucoup plus limpide (le moine Henri aurait-il donc vraiment été poussé par la hâte ?). Notons qu’à maintes reprises (une petite vingtaine d’occurrences), le rédacteur de la Vita fait intervenir Pierre à la première personne: outre la variation stylistique, ce procédé permet de mettre en valeur une demande ou une injonction adressée directement au Christ ou à Dieu60.

50 Par ex. sangwinem à la ligne 264 (fol. 98r), ydoneum à la ligne 846 (fol. 111v), ewangelio à la ligne 785 (fol. 110r), etc. 51

Cf. l. 599 (fol. 105v): ... ut dicere posse Domino: «...».

52

Par ex. l. 375 (fol. 100v): ... peruenire non poterat cum ipse dicat...; l. 395-396 (fol. 101 ): cum superbis Deus semper resistat, humilibus autem det gratiam; l. 493-494 (fol. 103v): cum (...) legamus, etc. r

53

Cf. l. 785 (fol. 110r): Ego, (...) cum in ewangelio meo dixerim...

54

Cf. l. 484-485 (fol. 103r).

55

Cf. l. 670-671 (fol. 107r-v): ... uir Dei, ad se reuersus, dixit ad Dominum: «...»; l. 770771 (fol. 109v): Et cum (...) attraheretur, dixit ad Dominum: «...». 56 Cf. l. 461-462 (fol. 102v): ... obserua quia pro uariis animae desideriis gustus (...) consueuit uariari. 57

Cf. l. 291 (fol. 98v) Cognosce quoniam...

58

Notons au fol. 101v, l. 410, un maiori dilectione.

59

Par ex., problème dans la syntaxe des cas aux lignes 863-865 (fol. 112r): tout est au nominatif, sujet comme complément direct: ... sensus sui sint sopiti (...) et in extasi sic constitutus, Dominus Iesus dixit: «...»; même type de problème à la ligne 829 (fol. 111r): au lieu du vocatif attendu (radie), l’auteur se contente de mettre la forme au nominatif (radius): O caritas, plantula celestis, liquor spiritualis, radius diuinitatis...; anacoluthe aux lignes 891-893 (fol. 112v): un participe épithète au nominatif singulier désignant le convers (faisant office de deuxième complément circonstanciel après un gérondif sur le même pied) est en rupture avec le verbe au passif – dont il est sémantiquement l’agent et non le sujet: ... uniendo quaerensque locum (...), nullius dignior locus (...) inuentus est..., etc. 60

À deux exceptions près: la première (chap. 9) le voit prendre des résolutions envers la Vierge, la seconde (chap. 13) est mise à profit pour édifier les autres frères au sujet de l’humilité.

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Les citations et réminiscences La Vita Petri n’échappe pas au foisonnement de citations et de réminiscences, dont évidemment la très grande majorité (environ les quatre cinquièmes) provient de la Bible, avec une faible préférence pour le Nouveau Testament; plus précisément, les emprunts vétérotestamentaires les plus nombreux sont ceux faits au livre des Psaumes, tandis que pour le Nouveau Testament figurent surtout des phrases extraites de l’Évangile selon saint Matthieu et de la Première épître aux Corinthiens. L’auteur s’est également volontiers servi du livre des Confessions de saint Augustin et dans une moindre mesure des Sermons sur le Cantique de saint Bernard. Les manuscrits utilisés Le codex Ser. n. 12854 de Vienne est constitué de trois pièces différentes reliées en un volume. Il comprend 295 folios (papier et parchemin) et mesure 204 × 132 millimètres61. Il contient plusieurs Vitae et d’autres œuvres, notamment de Thomas d’Aquin62. Parmi les Vitae, plusieurs concernent des religieux de Villers-en-Brabant: la Vita Godefridi Pachomii, la Vita Abundi, la Vita Goberti et la Vita Petri conuersi. Cette dernière s’étend du recto du folio 92 au verso du folio 112. Le texte a été recopié dans la deuxième moitié du XVe siècle de manière assez soignée dans une écriture du type gothico semihybrida formata libraria néerlandais. Il se présente en pleine page et chaque folio compte en moyenne 30 lignes63. Le manuscrit appartenait jadis au Rouge-Cloître64. Qu’il se trouve aujourd’hui à Vienne s’explique par le fait que Charles Jean Beydaels de Zittaert65, premier roi d’armes de la Maison impériale d’Autriche, y a envoyé de nombreux manuscrits d’abbayes belges66. 61 P. J. H. VERMEEREN, Op zoek naar de librije van Rooklooster, in Het boek, 3e sér., 35 (1962), p. 159; cf. aussi E. PERSOONS, Handschriften uit kloosters in de Nederlanden in Wenen, in Archives et bibliothèques de Belgique, 38 (1967), p. 59-63, 79; et [PONCELET], Catalogus… (cf. supra, n. 11), p. 242-244. 62

Fr. UNTERKIRCHER, Die datierten Handschriften der Österreichischen Nationalbibliothek von 1451 bis 1500. 1. Teil: Text (= Katalog der datierten Handschriften in lateinischer Schrift in Österreich, 3), Vienne, 1974, p. 202. 63

VERMEEREN, Op zoek naar de librije..., p. 159.

64

E. PERSOONS, Prieuré du Rouge-Cloître, à Auderghem, in Monasticon belge. T. IV: Province de Brabant, vol. 4, Liège, 1970, p. 1089-1103. 65 Charles Jean Beydaels de Zittaert (° Bruxelles 30.04.1747 – † Vienne 18.04.1811). Voir L. DUERLOO, Qui était qui à la Chambre Héraldique au XVIIIe siècle ?, in Le Parchemin, 256 (1988), p. 219-221. 66

VERMEEREN, Op zoek naar de librije..., p. 141-142.

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Le manuscrit 7776-81 de la Bibliothèque royale remonte au XVIIe siècle67. Il contient une version des Gesta appartenant à la seconde recension (qui a dû être terminée avant 145968), dont un chapitre est consacré à Pierre aux folios 86r-90v (chapitre 24). Le texte des Gesta suit de manière très proche la Vita, les phrases sélectionnées par le compilateur étant d’ailleurs presque toujours recopiées telles quelles, même si parfois des phrases sont écourtées, ou des synonymes employés. Les Gesta se singularisent cependant par l’omission de certains passages ainsi que de nombreuses citations et réminiscences bibliques. Les développements théologiques, foisonnant dans la Vita, ne semblent en tout cas plus y avoir la cote, si l’on en croit la réduction extrême des chapitres concernant les méditations sur l’amour divin, les ultimes désirs de Pierre et ses méditations zélées — et même la suppression pure et simple des chapitres consacrés au baiser trinitaire, à la charité, ou aux tentations et à l’humilité. Quant à l’ordre des passages des Gesta par rapport à la Vita, il est respecté à une exception près: celui concernant la dévotion envers la Vierge lors de la fête de l’Immaculée Conception69. Principes d’édition Les notes infrapaginales de l’édition de la Vita et du chapitre des Gesta indiquent les citations bibliques et patristiques. Les emprunts littéraux sont rendus par l’usage de caractères italiques. Les notes infrapaginales signalent également les mots corrigés ou supprimés par rapport au manuscrit, ainsi que les gloses marginales du manuscrit. Respectant la demande de l’auteur de la Vita70, nous avons partagé le texte en chapitres et adjoint une ponctuation; une majuscule a en outre été ajoutée à la première lettre des noms propres. Par souci de cohérence, nous avons découpé le texte des Gesta (sensiblement plus bref) selon la division en chapitres de la Vita71; cette mesure permet de constater combien 67 J. VAN DEN GHEYN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique. T. VI: Histoire des Ordres religieux et des églises particulières, Bruxelles, 1906, p. 184-185. 68 Cf. supra, n. 3; pour plus de renseignements sur la seconde recension, voir É. MOREAU, L’abbaye de Villers-en-Brabant aux XIIe et XIIIe siècles, Bruxelles, 1909, p. XXIV.

DE

69 Les événements (fête de l’Immaculée Conception) relatés entre les folios 102r et 103v de la Vita apparaissent en effet bien plus tard dans le texte des Gesta. 70

Voir en début d’édition de la Vita, la Lettre de l’auteur à Jean, sous-prieur de Villers, l.

18-20. 71 La succession chronologique est en effet identique, sauf pour le chapitre concernant la fête de l’Immaculée Conception comme nous le signalons ci-dessus.

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certains chapitres ont été élagués, voire supprimés — même si dans certains cas, les élagages et/ou suppressions entament profondément la pertinence des titres72. Si nous avons le plus souvent conservé les barbarismes attestés par l’orthographe, nous avons en revanche uniformisé l’usage dans l’emploi des u ou des v. La foliotation a quant à elle été indiquée entre crochets dans les marges*. *

Éric DELAISSÉ

Fabienne ARBOIT

Université catholique de Louvain Faculté de philosophie, arts et lettres Place Blaise Pascal, 1 B – 1348 Louvain-la-Neuve

Rue Camille Wollès, 3 B – 1030 Bruxelles

Summary. The present article contains the editio princeps of the Vita of the lay brother Pierre of Villers (Belgium) together with a French translation and a résumé of the Vita taken from the Gesta sanctorum Villariensium. Until now this short version was preferred by historians who had concluded that the Vita contained nothing original when compared with the other texts relating to the hagiography of Villers. It turns out, however, that the Vita Petri conversi contains certain specific traits: Peter is the only lay brother at Villers who bore the stigmata and also rebelled against Christ. The text deals in detail with his spiritual journey and represents a major element in the study of Cistercian spirituality at Villers.

72

Ceux-ci ont malgré tout été signifiés en cas de suppression ou de réduction extrême.

* Au terme de cette étude, nous tenons à exprimer toute notre gratitude au P. Robert Godding pour ses nombreuses relectures attentives et érudites. Notre reconnaissance va également à François De Vriendt pour son soutien et son patient travail de mise en forme.

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< VITA PETRI CONVERSI VILLARIENSIS >

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Incipit uita fratris Petri conuersi Villariensis cum epistula praeuia: Amantissimo suo in Christo semper uenerabili socio et amico nonno Iohanni suppriori Villariensi suus frater Henricus monachus de Loco Sancti Bernardi et magister conuersorum ibidem uere beatitudinis arcem congruentibus semper mediis intendere intima cum salute. Super promisso hactenus uobis astrictus praepedientibus uariis inpedimentis, diutius uos in exceptione detinui mandantem et remandantema, unde erubescens amicicie metas meo neglectu aliqualiter praetereundo. Tandem quatriduanum laborem post quinquagesimam nuper transactam, michi indixi quo horis competentibus scribendo et dictando uelociter me a promisso uestro absoluere curaui satisfaciens sicut potui, materie indigeste mee tradite ruditati nescio an uestro desiderio uos uideritis. Igitur legendo et relegendo diligenter discutite fructum, attendite quibus prodesse uel obesse poterit praeuia discretione, praeconsiderate et hoc apud uos antequam ad manum alicuius deueniat, cum sciatis iudicia hominum ductu ignorantie, liuoris uel odii fomite plerumque ad condempnandum magis quam ad indulgendum esse procliuiora, quibus si occurrerent, me non eis sed uobis scripsisse responderem. Si tamen ad edificationem aliquorum simplicium transcribere curaueritis et dignum fuerit, per cola, comata, et periodos ut legentibus sensus appareat manifestior, distinguite: hoc enim propter | festinationem praetermisi. Si non ita uestro iudicio placeat, mihi obsecro remittatis, quia ut quibusdam concedam ad transscribendum sum rogatus. Super hiis, quo ad obmissa et minus congrua ueniam petens et beniuolam correctionem, quo ad bene dicta laudem Deo michi quoque orationum suffragia, peto humiliter recompensari. Explicit epistula. Incipit uita.

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Quoniam secundum beatum Augustinum in libro lxxxiii questionum quaestione lxxxi: «Omnis sapientie disciplina est quae ad homines erudiendos pertinet, creatorem creaturamque dinoscere et illum colere dominantem istamque subiectam fateri»b, quid enim aliud ueteris ac noui testamenti ac sanctorum patrum sacra scriptura resonatur quam ut erudiatur a

Is 28, 10

b

Augustinus, De div. quaest. 83, quaestio LXXXI

28 creaturamque] craturamque ms.

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VIE DE PIERRE, CONVERS DE VILLERS Lettre de l’auteur à Jean, sous-prieur de Villers Début de la Vie du frère Pierre, convers de Villers, avec une lettre préliminaire: À son bien-aimé dans le Christ, toujours compagnon vénérable et ami, le moine Jean, sous-prieur de Villers; son frère Henri, moine de Lieu-Saint-Bernard et maître des convers, lui souhaite de toujours tendre par des moyens appropriés vers la cime de la vraie Béatitude, avec son cordial salut. Jusqu’à présent lié à vous par une promesse, étant retardé par divers empêchements, je vous ai tenu assez longtemps dans l’expectative, alors que vous m’ordonniez et m’ordonniez à nouveau cette tâche, d’où ma honte d’avoir en quelque sorte dépassé les bornes de l’amitié par ma négligence. Enfin, la quinquagésime terminée depuis peu, je me suis fixé un travail de quatre jours grâce auquel, en écrivant et en dictant rapidement aux heures appropriées, j’ai pris soin, comme j’ai pu, de donner satisfaction à la promesse que je vous ai faite, sans savoir si vous trouverez à votre goût cette matière sans ordre livrée à mon inexpérience. Donc, en lisant et en relisant avec attention, examinez ce fruit, regardez avec le discernement qui vous est coutumier à qui il pourra être utile ou préjudiciable, et considérez-le en privé avant qu’il n’arrive dans d’autres mains puisque vous savez que les jugements des hommes sous la conduite de l’ignorance, stimulés par la haine ou par la jalousie, sont le plus souvent portés au blâme plutôt qu’à l’indulgence, jugements auxquels, s’ils se présentaient, je rétorquerais que je n’ai pas écrit à l’intention de leurs auteurs mais à la vôtre. Néanmoins, si vous prenez soin de transcrire le texte pour l’édification des simples et si cela vous semble bon, divisez-le par des points, virgules et périodes afin que le sens apparaisse plus clairement aux lecteurs, car moi, à cause de la hâte, j’ai omis ces distinctions. Si le texte ne plaisait pas à votre jugement, je vous demande de me le renvoyer car j’ai été prié de le remettre à certaines personnes pour qu’il soit transcrit. En outre, tout en implorant votre indulgence ainsi qu’une bienveillante correction pour ce qui a été omis ou qui est moins pertinent, pour ce qui a été bien énoncé par contre, je demande humblement d’être récompensé par la louange à Dieu ainsi que les suffrages de vos prières. Fin de la lettre. Début de la Vie.

Vie de Pierre Préface Puisque selon le bienheureux Augustin, dans son livre des 83 questions, à la question 81, «tout apprentissage de la sagesse est ce qui s’attache à instruire les hommes afin qu’ils puissent discerner le Créateur et la créature et qu’ils puissent honorer celui-là comme le Seigneur et reconnaître que celle-ci [la créature] lui est soumise», de quoi d’autre résonnent les saintes écritures de l’Ancien et du Nou-

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proximus, unus ac uerus agnoscatur Deus et cristiane religionis in communi professione augmentetur et crescat cultus diuinus ? Nobis uero tamen desidiosis ac ocio fastidioque torpentibus, sue sapientie disciplinam sepius per sanctos suos pius Dominus innouare non cessat quatinus eorum exemplis uelut quibusdam sue sapientie speculis nobis propositis, tanto sit capacior quo sensibilior et eo in nobis sue cognitioni[s] surgat fructus uerborum et efficatior quo sua ueritas ac benignitas ostenditur et offertur expressior. Ad quam Dauid propheta spiritualiter annelans ait: «Deduc me Domine in uia tua, scilicet in disciplina tue manifestationis, et ingrediar in ueritate tua, uidelicet tue sancte cognitionis, letetur cor meum in uinculo sacre religionis ut timeat nomen tuum quantum ad debitum cultum christiane professionis»a. Hinc, dilectissimi, | ad nostre eruditionis profectum et deuotionis cumulum, nostre religionis athleta a nobis in medium adducitur, in cuius uita penitentie nobis fructus aperitur, fauor diuine dignationis ostenditur ac in feruore caritatis cultus diuinus ac regularis obseruantia in fidelibus excitatur.

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Fuit enim quidam frater nomine et re religiosus in Villari monasterio ordinis cysterciensis Leodiensis diocesis, qui a primis sue puericie annis inter suos simpliciter est conuersatus sed tamen propter coetaneos pueriliter. Hic, cum ad quintumdecimum annum etatis sue adhuc in seculo positus uenisset natura sua iam pubescente et sanguine iuuenili internis titillante, cepit uisum et animum ad mundum flectere, eius illecebras uelle degustare, ac cultu iuuenili studiosaque frequentatione eidem se pro uiribus conformare. Huiusque propositi non solum humani generis hostem instinctorem interius, sed etiam sodales suos habuit in eodem proposito cohortatores exterius. Quorum studiis se adiungens, prout feruor inclinabat iuuenilis, se mundi inquinamentis concessit. Sed quia non est potentia neque sapientia contra Deum, dum se sic mundo huic indulgere proposuit, Christus eum secundum sue benignitatis propositum disposuit reuocare. Nam quantum exterius mundi oblectamenta degustasset tanto interius eum sua conscientia remordebat indicans se nullum exterioris delectationis capere profectum ex cuius frequentatione tam penalem interius se sentit pati defectum. Quia secundum beatum Augustinum in libro confessionum: «Iussisti Domine et ita est ut omnis inordinatus animus pena sit sibi»b. Huius ergo defectus amaritudinem | et compunctionem sentiens,

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Augustinus, Conf., lib. I, cap. XII

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veau Testament et des saints Pères, si ce n’est du devoir du prochain de s’instruire, du souhait que soit reconnu le Dieu unique et véritable et que croisse et augmente le culte divin dans la profession commune de la foi chrétienne ? Mais pour nous qui sommes paresseux et engourdis par l’oisiveté et l’ennui, le Seigneur très bon ne cesse de réinventer l’enseignement de sa sagesse par l’entremise de ses saints de telle sorte qu’à travers leurs exemples, comme à travers autant de miroirs de sa sagesse qui s’offrent à nous, cet enseignement soit d’autant plus ample qu’il est plus accessible à nos sens, et qu’en nous le fruit de ses paroles apparaisse, pour sa connaissance, de manière d’autant plus efficace que sa vérité et sa bonté sont montrées et offertes de façon plus explicite. Aspirant spirituellement à cette connaissance, le prophète David dit: «Conduis-moi, Seigneur, sur ton chemin», c’est-à-dire dans l’apprentissage de ta manifestation, «et que je puisse entrer dans ta vérité», à savoir la vérité de ta sainte connaissance, «que mon cœur se réjouisse» dans le lien de ta sainte religion, «afin qu’il puisse craindre ton nom» selon le culte dû par la profession chrétienne. À partir de maintenant, très chers lecteurs, pour faire progresser notre érudition et mettre le comble à notre dévotion, nous mettons en évidence un champion de notre religion, à travers la vie duquel le fruit de la pénitence nous est révélé, la faveur de la divine grâce nous est montrée et le culte divin ainsi que l’observance de la règle sont stimulés chez les fidèles dans la ferveur de la charité.

Chap. I. Jeunesse «turbulente» et premiers remords Il y eut un frère, religieux de nom et de fait, au monastère de Villers de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Liège, frère qui depuis les premières années de son enfance vécut parmi les siens avec simplicité tout en se conduisant néanmoins comme un enfant à cause des enfants de son âge. Alors qu’il avait atteint sa quinzième année, et qu’il était encore dans le siècle, du fait que sa nature arrivait déjà à la puberté et que son sang juvénile l’excitait intérieurement, il commença à tourner son regard et son esprit vers le monde et à vouloir goûter à ses appâts, et par une application juvénile et une fréquentation assidue, à s’y conformer selon ses propres forces. Pour ce projet, il n’avait pas seulement à l’intérieur de lui-même l’ennemi du genre humain comme instigateur, mais aussi à l’extérieur ses camarades qui l’entraînaient en ce sens. En se joignant aux activités de ceux-ci, dans la mesure où sa jeunesse ardente l’y inclinait, il s’adonna aux turpitudes de ce monde. Mais parce qu’il n’est ni force ni sagesse qui tienne contre Dieu, tandis qu’il projetait de s’abandonner ainsi au monde, le Christ décida de le ramener à lui selon le dessein de sa bonté. Car autant il avait extérieurement goûté aux plaisirs du monde, autant intérieurement, sa conscience était en proie aux remords en lui montrant qu’il n’obtenait aucun profit des plaisirs extérieurs, dont la fréquentation lui faisait sentir intérieurement qu’il souffrait d’une déchéance coupable. Car selon le bienheureux Augustin, dans son livre des Confessions, «Seigneur, tu as ordonné et c’est ainsi que toute âme désordonnée devient un châtiment pour elle-même». Ressentant amertume et tristesse de cette

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quid esset et protenderet nesciens inter proposita cogitationum suarum fluctuabat, subiitque animum suum uerbum Dei libenter audire, ecclesias frequentare, sed uanus pudor mundi et ymaginata derisio sociorum ipsum a proposito huiusmodi retrahebat. In ista fluctuatione aliquandiu suspensus, quasi continua tribulatione animi turbabatur.

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Tandem post octauumdecimum etatis sue annum, uelut alter Augustinus sub quadam arbore quadam die ueniens diuina inspiratione praeuentus, incidit animo suo peccata uelle dimittere ac seculo penitus renunciare. Cuius inspirationis obediens executor ad sacerdotem quantocius properauit et cum magna contritione integram confessionem omnium peccatorum suorum eidem fideliter fecit, absolutionem deuotus suscepit et eidem propositum suum super renunciando seculo nisi insultationibus sodalium suorum retraheretur aperuit. Quo audito sacerdos uelut fidelis et prudens seruusa summi patrisfamilias, capiti suo manum imponens, ne timeret ammonuit et, ut inspiratum sibi diuinitus propositum debito affectui manciparet dum ualeret, hortari cepit. Postquam exhortationem nouus tiro renouatus spiritu mentis sue ac mutatus in uirum alterum, accingens fortitudine gratiae lumbos suosb, abiecto uano timore mundi, cepit deuotioni insistere, ecclesias audacter frequentare, praedicationi uerbi Dei attento animo intendere, missarum misteriis et diuinis laudibus interesse. Et quia consilium sapientis est: «Fili accedens ad seruitutem Dei, sta in timore et praepara animam tuam ad temptationem»c, nouus Christi miles | cepit pristinam conuersationem derelinquere mundi, inquinamenta funditus deuitare, spiritum suum cotidianis exerciciis roborare et ad spiritualem profectum studiosius anelare. Quod antiquus hostis sentiens, uidit et inuidit et artis sue diuersa temptamenta multipliciter reuoluens nouum militem Christi nocte dieque non solum occultis sed apertis et manifestis incursibus temptationum moliebatur euertere. Siquidem in forma et cultu pulcerrime mulieris de nocte eidem sepius apparens ac lenocinando petulanti gestu eidem in lecto suo iacenti superueniens, multociens eum de lecto effugauit. In huiuscemodi igitur colluctationibus palestrae Christi tirunculus aliquamdiu examinatus et in omnibus triumphando de hoste, fidelis proeliator comprobatus, post paucos dies superna gratia respectus, secundum multitudinem dolorumd suorum in consolationibus dulcedinis est releuatus. a

Mt 24, 25

b

Prv 31, 17

67 audire] audiere ms.

c

Sir 2, 1

d

Ps 93, 19

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défaillance, ignorant ce dont il s’agissait et où cela le conduisait, il était balloté entre les propos de ses pensées; il lui vint aussi à l’esprit d’écouter la parole de Dieu avec bonne volonté et de fréquenter les églises, mais une vaine crainte du monde et la dérision dont il imaginait devenir la cible de la part de ses compagnons le retenaient de réaliser pareille intention. Suspendu un certain temps dans cette hésitation, il était tourmenté de façon presque continuelle par les tribulations de son esprit.

Chap. II. Conversion et tentatives de déstabilisation par le Diable Enfin, après sa dix-huitième année, venant un beau jour sous un arbre tel un autre Augustin, devancé par l’inspiration divine, survint dans son âme la résolution de vouloir abandonner ses péchés et renoncer tout à fait au siècle. Exécutant cette inspiration dans l’obéissance, il se hâta aussitôt d’aller trouver un prêtre et, avec une grande contrition, lui fit fidèlement l’entière confession de tous ses péchés; il reçut dévotement l’absolution et dévoila au même confesseur son projet de renoncer au siècle s’il n’en était pas détourné par les insultes de ses camarades. Le prêtre, l’ayant écouté comme un serviteur fidèle et avisé du Père TrèsHaut, ayant posé la main sur sa tête, l’encouragea à ne pas craindre et se mit à l’exhorter afin qu’il se consacre avec la disposition requise au projet qui lui avait été divinement inspiré, tant qu’il en était capable. Après cette exhortation, la nouvelle recrue, renouvelée dans l’élan de son esprit et changée en un autre homme, ceignant ses flancs du courage de la grâce, une fois chassée la vaine crainte du monde, commença à s’attacher à la dévotion et à fréquenter hardiment les églises, à écouter avec attention la prédication de la parole de Dieu et à prendre part aux mystères de la messe et aux louanges divines. Et puisque le sage prodigue ce conseil: «Mon fils, lorsque tu te mets au service de Dieu, persiste dans la crainte et prépare ton âme contre la tentation», le nouveau soldat du Christ commença à délaisser le monde qu’il fréquentait auparavant, à éviter toute souillure, à fortifier son esprit par des exercices quotidiens et à aspirer avec toujours plus de zèle au progrès spirituel. L’antique ennemi, l’ayant pressenti, le vit et fut saisi de jalousie: déroulant de multiples façons les diverses tentations issues de sa ruse, il machinait jour et nuit de renverser le nouveau soldat du Christ, et ce non seulement par des tentations occultes mais aussi par des assauts clairs et manifestes. Et effectivement, lui apparaissant assez souvent la nuit sous l’aspect et avec l’élégance d’une très jolie femme, survenant alors qu’il était allongé sur sa couche et cherchant à le séduire par des gestes impudents, à de nombreuses reprises il le chassa hors de son lit. Ayant été mis à l’épreuve un certain temps dans des combats de ce genre, mais ayant en tout triomphé de l’ennemi, le petit apprenti de la palestre du Christ démontra être un combattant fidèle et, après quelques jours, protégé par la grâce du Très-Haut, il fut soulagé par de très douces consolations en proportion du grand nombre de ses douleurs. En effet, alors qu’il allait son

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Nam pius Dominus eundem incendentem per uiam quandam, postea aliquid forsan de superna consolatione pertractantem, in benedixionibus dulcedinis et largitate sue benignitatis praeuenit et impleuit, ita ut diuina dulcedine debriatus, uoce sibi celitus facta audire mereretur: «Ego te ducam in sancta sanctorum». Que uerba audita memoriter retinuit ac secum tanquam promissum diuinitus acceptum, sepius delectabiliter contulit, licet quid tunc praetenderent ignoraret, quorum tamen Dominus intellectum sibi postmodum reuelauit.

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Huiusmodi tamen seruus Christi mirifica consolatione subleuatus ac quam dulcis est Dominus deinceps degustandoa, superno respectu, a Domino sepius uisitatus; benignitatem Dei erga se immensam considerans ac suam uilitatem quod ad multiplicem Dei offensam | retractans, in corde contrito et spiritu uehementer humiliatob pro delictis suis, dixit aliquando ad Dominum: «Domine Deus salutis mee, quare tanto tempore latere me uoluisti ? Abscondisti faciem tuam a me et factus sum conturbatusc. Si tue benignitatis bonitatem prius cognouissem, tam ingratus tuam maiestatem nullo modo sic offendere praesumpsissem !» Tantaque post hoc contritio et dolor pro peccatis et delictis, quibus Deum offenderat, eum inuaserunt ut dimidium annum et amplius in luctu, dolore cordis et lacrimis irremediabiliter penitenciam continuaret. Et dum dolor, continua peccatorum suorum recordatione, inualesceret nec admitteret consolationem, quodam tempore in quodam pomerio diuertens, sui doloris sollicitudinem quaesiuit ut liberius suo dolori satisfaciendo suspiriis, fletibus et lacrimis per cordis sui amaritudinem indulgeret: «O lacrima humilis penitentium cordium, quantum potes celum possides, Deo imperas, contra hostes triumphas, uincis inuincibilem, ligas omnipotentem, filium Virginis inclinas». Ecce dum de corde penitenti et contrito lacrime ebullientes deuotissime defluunt, Christus consolator affuit. Nam quasi altera Magdalena dum lacrimas lacrimis addidit, uoce delapsa audiuit: «Dimissa sunt tibi peccata tua ! Cur tanto merore affligeris, cur sic irremediabiliter lacrimaris ? Dimissa sunt tibi peccata tua». Hec audiens ac in spe diuine misericordie respirans, diuini amoris ardore succensus, erumpentibus lacrimis prae diuine dulcedinis benignitate totus defluxit dicens: «Ha, Domine Deus, modo ingrauata est super me manus tua, | et dolor non solum renouatus sed et duplicatus est, quia tuam benignitatem ad misericordiam, pietatem ad indulgentiam, facia

Ps 33, 9

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Ps 50, 19

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Ps 29, 8

111 uilitatem] utilitatem ms. Le ms. des Gesta montre lui aussi uilitatem (fol. 86v)

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chemin, et qu’il pressentait alors peut-être quelque chose de la consolation divine, le Seigneur très bon le devança et le combla dans ses douces bénédictions et dans sa grande générosité, de sorte qu’enivré par la douceur divine, il mérita d’entendre une voix céleste lui disant: «Moi, je te conduirai dans le Saint des Saints». Ces paroles qu’il avait entendues, il les retint dans sa mémoire et souvent dans la joie, il les considérait en lui-même comme une promesse reçue de Dieu, même s’il ignorait encore ce qu’elles signifiaient – paroles dont le Seigneur allait lui révéler plus tard le sens.

Chap. III. Souvenir continuel de ses péchés et leur rémission Ainsi soulagé par une consolation merveilleuse, et goûtant par la suite comme le Seigneur est doux, grâce à la bienveillance d’en haut le serviteur du Christ fut visité assez souvent par le Seigneur; considérant l’immense bonté de Dieu à son égard et blâmant sa propre bassesse à cause des multiples offenses faites à Dieu, avec un cœur contrit et un esprit fortement humilié à cause de ses péchés, il dit un jour au Seigneur: «Seigneur, Dieu de mon salut, pourquoi as-tu voulu m’être caché si longtemps ? Tu m’as dissimulé ta face et j’ai été saisi par le trouble. Si j’avais connu auparavant la douceur de ta bonté, je n’aurais été en aucune manière assez ingrat pour avoir l’audace d’offenser ta majesté !» Et une si grande contrition et une telle douleur l’envahirent après cela pour les péchés et les délits par lesquels il avait offensé Dieu, qu’implacablement il poursuivit sa pénitence pendant une demi-année et plus, dans le deuil, la douleur du cœur et les larmes. Et tandis que sa douleur se renforçait par le souvenir continuel de ses péchés, sans admettre la moindre consolation, un jour, s’étant retiré dans un verger, il chercha à cultiver sa douleur, de sorte qu’en lui donnant plus libre cours, il se laissait aller aux soupirs, aux sanglots et aux larmes, dus à l’amertume de son cœur: «Ô humble larme des cœurs pénitents, tu possèdes le Ciel autant qu’il t’est possible, tu commandes à Dieu, tu triomphes des ennemis, tu vaincs l’invincible, tu lies le Tout-Puissant, tu fais s’incliner le fils de la Vierge». Tandis que des larmes ferventes s’écoulaient avec la plus grande dévotion du cœur contrit et pénitent, voici que le Christ consolateur se fit présent. En effet, pendant qu’il ajoutait des larmes aux larmes tel une autre Madeleine, d’une voix qui venait du Ciel, il entendit ces paroles: «Tes péchés te sont remis. Pourquoi t’affliger avec tant de tristesse ? Pourquoi pleurer sans trêve ? Tes péchés te sont remis». À ces mots et retrouvant son souffle dans l’espoir de la divine miséricorde, enflammé par l’ardeur de l’amour divin il se répandit, de tout son être, en un torrent de larmes à cause de la douce bonté de Dieu, et dit: «Ah Seigneur Dieu, ta main fut un temps posée sur moi et ma douleur a été non seulement renouvelée, mais redoublée. Car j’ai ignoré ta miséricordieuse bonté, ta douce indulgence, ta facilité

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litatem ad ueniam ignoraui. Non sit, Domine, non sit sed ut peccatori acrior uolo ut accedat correctio, praeuaricatori diuturnior tribuatur afflictio. Veniam facilem quam tam cito offertis accipere recuso», Dominoque super hiis consolanti respondit: «In penitentia, lacrimis et contricione cordis uitam finire uolo. Deducant oculi mei fontem lacrimarum a uoce gemitus mei; adhereat os meum carni meea; rennuat deinceps consolari anima mea. Periit namque fuga a me et non estb in quo reuertar illucc quia pristinam innocentiam peccando perdidi, ac eam non perdidisse, reficere ut opinor non potestis. Propterea exitus aquarum deducant oculi mei in perpetuum, quia quantacumque consolatio meo desiderio satisfacere non ualet. Sed o Deus omnipotens, qui sic curas unumquemque nostrum, tamquam solum cures, opera mutas nec mutas consilium, tu enim dixisti: «Ego cogito cogitationes pacis et non afflictionis»d. Quamdiu affligetur seruus tuus ? Ecce puer tuus iacet in domo doloris et amaritudinis et male torquetur; ueni ergo et cura eume, ostende illi quid ualeas, quantam dulcedinem consolationis te tuis concedas». Dum ergo seruus Christi sic nocte dieque affligitur, post paucos dies quodam tempore de corpore eius spiritus rapitur ac coram Domino praesentatur. A quo tamquam infans baptizandus a sacerdote suscipitur et tenetur, officiumque baptizantis super ipsum Domino eodem ut moris est prosequente, et | beata Virgine Maria more assistentium conuenienter ad omnia respondente, prout audiuit et tunc intellexit lucide, licet postmodum obliuisceretur, baptizatus est. Dictumque est ei a Domino: «Ecce innocentiam quam planxisti tanquam perditam et in baptismo prius receptam, tibi credas restitutam et hoc tibi signum: dolores tui et luctus mutabuntur in gaudium, contricio et afflictio in amorem, ita ut secundum multitudinem dolorum tuorum in corde tuo, consolationes mee letificent animam tuam».

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Ex hinc serenata eius anima ab omni nubilo peccatorum, tranquillitate reddita ab incursibus hostium et temptationum, prae habundantia pacis spiritus et iocunditatis incrassatus est corporaliter, et inpinguatus sicut adipe siquidem et pinguedine replebatur anima suaf, ita ut consodales sui, quondam subsannando, ei inproperarent quod spiritus sanctus eum impinguaret. Hiis itaque sic se habentibus, quidam amicorum suorum ac uiri sue salutis zelatores, considerantes celestem thezaurum repositum in uase a

Ps 101, 6

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Ps 141, 5

154 Virgine] uirginie ms.

c

Iob 1, 21

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Ier 29, 11

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Mt 8, 6-7

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Ps 62, 6

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au pardon. Que cela n’advienne pas, Seigneur, que cela n’advienne pas, mais je veux qu’une correction plus sévère puisse atteindre le pécheur et qu’un tourment plus long soit infligé au prévaricateur. Ce pardon facile que vous m’offrez si vite, je refuse de l’accepter»; et au Seigneur qui le consolait à ce sujet, il répondit: «C’est dans la pénitence, les larmes et la contrition du cœur que je veux finir ma vie. Que mes yeux fassent couler un torrent de larmes à la voix de mon gémissement; que ma bouche soit rivée à ma chair; que mon âme renonce désormais à toute consolation. En effet, elle a péri par sa fuite loin de moi, et je n’ai nulle part où revenir parce que de pécher j’ai perdu l’innocence originelle et, comme je le pense, vous ne pouvez la restaurer comme si je ne l’avais perdue. Pour cette raison, que mes yeux déversent à jamais des flots de larmes car quelque grande que soit la consolation, elle ne peut satisfaire mon désir. Mais ô Dieu tout-puissant qui prends soin de chacun de nous comme si tu prenais soin d’un seul, tu changes d’ouvrages, mais tu ne changes pas ton dessein; en effet, tu as dit: ‟Moi, j’ai des pensées de paix et non d’affliction”. Combien de temps encore sera affligé ton serviteur ? Voilà que ton enfant gît dans une demeure de douleur et d’amertume et qu’il est tourmenté terriblement; viens donc et soigne-le, montre-lui quelle est ta force et avec quelle grande douceur de consolation tu accordes aux tiens ta présence». Ainsi donc, tandis que le serviteur du Christ est affligé de la sorte nuit et jour, voilà qu’après quelques jours son âme est ravie à son corps et présentée devant le Seigneur. Comme un enfant qu’un prêtre doit baptiser, il est reçu et tenu par lui, et, le Seigneur remplissant sur lui l’office de celui qui baptise – comme il est d’usage – et la bienheureuse Vierge Marie répondant comme il convient à toutes les invocations – selon l’usage des assistants, comme il l’entendit et le comprit assez clairement – quoiqu’ensuite il eut oublié –, il fut baptisé. Et il lui fut dit par le Seigneur: «Voici que l’innocence, dont tu as déploré la perte, cette innocence que tu avais reçue auparavant au baptême, t’a été restituée, crois-le; et que ceci soit un signe pour toi: tes douleurs et tes chagrins vont se changer en joie, ta contrition et ton affliction vont se muer en amour, de sorte que, en proportion avec la multitude de douleurs qui affligeaient ton cœur, mes consolations réjouiront ton âme».

Chap. IV. Entrée de Pierre à Villers Depuis lors, l’âme rassérénée loin de tout nuage de péchés, et la tranquillité revenue après les assauts des ennemis et des tentations, en raison de la paix et de la joie spirituelles reçues en abondance, il prit du poids et engraissa physiquement, tout comme son âme était comblée comme de graisse, de sorte que ses compagnons, un jour, pour le tourner en dérision, lui reprochèrent que l’EspritSaint le faisait grossir. Les choses étant ainsi, certains de ses amis et des hommes qui avaient à cœur son salut, considérant que ce trésor céleste était déposé dans un vase d’argile et que cette nouvelle petite plante du champ spirituel pouvait à

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fictilia ac nouellam spiritualis agri plantulam inter spinas seculi huius et procellas uix adolescere posse, exhortantur eum hoc nequam seculum relinquere, solitudinem spiritualem appetere et ad culmen religionum, ordinem cysterciensem conuolare. Et quia eo tempore monasterium Villariense praedicti ordinis cysterciensis apud omnes longe lateque fama innotuerat, religione conspicuum, sanctitate celeberrimum, regulari obseruantia et discipline custodia artissimum, persuaserunt ei habitum re | ligionis in dicto monasterio uelle assumere ac se sancte discipline sub regulari custodia ibidem tradere. Sed quia Marie ocium timet et refugit Marthe sollicitudinemb, et negocium considerans conuersorum, et religiosorum propter superiorum obedientiam et arbitrium occupationes uarias in ordine quantum ad diuersa ministeria et officia, suique in sufficientiam quantum ad bona exteriora, quibus contentus in quiete et tranquillitate Domino posset uacare, timuit consilio praedictorum acquiescere et quod uolebant effectui mancipare. Sanius tamen estimans aliorum certis duci consiliis quam proprie derelinqui uoluntati, dominum abbatem Villariensem quantocius adiit, se propter Deum in conuersum humiliter recipi petiit ac, receptum, per arma se obedientie et iusticie militaturum deinceps et per habitus susceptionem contradidit. In quo eciam difficultas ac repulsa qualiscumque sibi aliqualiter placuisset, si tamen diuina prouidentia ita disponeret. Factus itaque nouicius ad grangiam quamdam dicti monasterii mittitur ut ministerio sicut consuetum est congruenti deputetur; quem uenientem quidam deuotus frater praedicte grangie per uiteream fenestram respiciens ac statum sue electionis a Domino ex diuina reuelatione cognoscens, magistrum grangie fiducialiter aggreditur ac licentiam sibi generalem cum dicto nouicio loquendi tempore oportuno postulat tribui. Magistro quoque ammirante ac interrogante cur spiritualius ceteris cum illo licentiam loquendi postularet, respondit ipsum singulari ac spiritualiori praerogatiua, prae aliis tam in anima quam in | corpore a Domino deuotari. Optenta ergo licentia praedictis, frater suscepit illum sub custodia et cura, omnem sibi sollicitudinem caritatis casto amore impendens spiritualiter et corporaliter. Zelo fraterne salutis ob amorem Dei repletus, interius meruit sic illuminari a Domino ut sibi per spiritum reuelationis, occulta facta seu cogitata dicti nouicii, quae dissimulare coram eo non poterat, paterent. Quod factum fuisse est arbitrandum quatinus nouella plantula celesti irriguo non solum exposita sed eciam humane sollicitudinis custodie deputata, in agro dominico nec spinis temptationum nec uepribus inanium cogitationum impedita, a profectu deficeret, sed in robur ligni ad spirituale edificium utilis proficeret, conseruata, quod et sequentia comprobabunt. a

II Cor 4, 7

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Lc 10, 38-42

184 dominum] domini ms.

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peine se développer parmi les épines et les tempêtes de ce siècle, l’exhortent à abandonner ce siècle mauvais, à rechercher la solitude spirituelle et à s’envoler vers le sommet des Ordres religieux: l’Ordre cistercien. En ce temps-là, le monastère de Villers, dudit Ordre cistercien, s’était fait en long et en large remarquer de tous grâce à sa réputation: remarquable pour sa vie religieuse, très célèbre par sa sainteté, rigoureux dans l’observance de la Règle et le maintien de la discipline. Ils le persuadèrent donc de vouloir prendre l’habit religieux dans ce monastère et de s’y livrer à l’observance régulière de la sainte discipline. Mais le loisir de Marie craint l’affairement de Marthe et le fuit; aussi, considérant la tâche des convers et, à cause de l’obéissance due à la volonté des supérieurs religieux, leurs occupations variées dans l’Ordre, en ce qui concerne les divers ministères et offices et le fait qu’ils ne manquaient de rien quant aux biens extérieurs – choses grâce auxquelles il pourrait se consacrer au Seigneur, content dans la quiétude et la tranquillité –, il craignit d’acquiescer aux conseils des personnes précitées et de réaliser leurs souhaits. Estimant cependant qu’être conduit par les conseils assurés d’autrui est plus sain que de s’abandonner à sa propre volonté, il alla au plus vite trouver le seigneur abbé de Villers et lui demanda humblement, pour la cause de Dieu, d’être accepté comme convers; une fois accepté, il s’engagea à désormais militer en se servant des armes de l’obéissance et de la justice, et par la prise de l’habit. Dans cette situation, même la difficulté et l’échec, quels qu’ils soient, lui auraient plu de façon égale, si du moins la divine Providence en avait décidé ainsi. Devenu novice, il est donc envoyé dans une grange dudit monastère afin de se charger, selon la coutume, du service approprié; un frère dévot, le regardant arriver par une fenêtre vitrée de ladite grange et reconnaissant par une révélation divine son statut d’élu du Seigneur, s’approche avec confiance du maître de la grange et demande que lui soit accordée une autorisation générale pour s’entretenir le temps opportun avec ledit novice. Alors que le maître s’étonnait et l’interrogeait pour savoir pourquoi il demandait l’autorisation de parler avec celui-là plus spirituellement qu’avec tous les autres, il répondit que Pierre, grâce à une prérogative spéciale et plus hautement spirituelle, était plus que les autres consacré par le Seigneur, tant dans son âme que dans son corps. Une fois donc cette autorisation obtenue, le frère le prit sous sa garde et eut soin de lui, lui accordant spirituellement et corporellement, par un amour chaste, toute la sollicitude de sa charité. Rempli de zèle pour le salut de son frère à cause de son amour de Dieu, il mérita ainsi d’être illuminé dans son être intime par le Seigneur afin qu’à travers l’esprit de cette révélation, lui soient manifestés les faits ou les pensées cachés dudit novice, que celui-ci ne pouvait dissimuler en sa présence. Il faut considérer que cela fut le cas dans la mesure où la nouvelle petite plante – non seulement exposée à la rosée céleste mais aussi confiée à la garde de la sollicitude humaine – ne s’éloignait pas du progrès, n’étant dans le champ du Seigneur entravée ni par les épines des tentations ni par les ronces des vaines pensées; mais elle croissait, préservée, en renforçant la solidité du bois utile à la construction de l’édifice spirituel, ce que vont prouver aussi les faits suivants.

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Christi ergo electus, ordinis institutis iam imbutus et regularis discipline uitali obseruantia leuigatus, accingit in fortitudine lumbos suos omnia terrena calcando et roborauit brachium suuma, de uirtute in uirtutemb cotidie proficiendo. Carnem domans penitentie studuit; spiritum roborans deuotioni indulsit. Super quibus omnibus, ne in uanum laboraret aut facili impulsu deficeret, tutum sibi refugium contra insidiatorem salutis sue statuit, uidelicet passionis et uolnerum Iesu Christi singulis diebus, sedula meditatione recordari. In quas affectiones ordinans, mel quoque celestis saporis tamquam de petra sugens ac oleumc deuotionis, in luce gratiae flammaque diuini amoris totus incanduit, ut dicere posset cum sponsa in Canticis: «Trahe me post te, in | odore ungentorum tuorum curremus»d. Siquidem tanta intentione et affectione tempore uigiliarum cotidie Christi uolneribus se immersit, tantaque compassione se totum ipsius passioni concessit, ut nichil ex omnibus angustiis et doloribus Domini intactum sensu meditationis intime praeteriret, ita ut Christi passio tanquam in eius affectum iam transiens, omnes arterias et compages sui corporis ex compassione constringeret, uenas contraheret atque conceptum internum dolorem, exterioris hominis gestus, magno lacrimarum imbre perfusus, ostenderet. Huius ergo meditationis exercicio ac continuatione aliquamdiu suspensus, cum, lacrimas lacrimis addendo, pietatis ac compassionis uisceribus medullitus ad Christi dolores efflueret, tanteque pietatis apud homines ac dignationis fuisse diuine maiestatis opera retractaret, ipse quoque crucifigi et dissolui cupiuit et esse cum Christoe, ut cum apostolo diceret quia cum Christo affixus sum crucif et quia super omnia nobis amabilem praefert Iesum calix sue passionis in meditatione eius ignis diuini amoris; in eo sic quandoque exardescebat, ut, in stuporem mentis extasimque conuersus, caritatisque uehementi ardore debriatus, aliquando Domino diceret: «Dulcissime Iesu, uincit iam dolor meus dolorem tuum, tu namque pro peccatoribus patiens intuitu et fructu communis salutis, tuum dolorem per caritatis uehementiam mitigasti; cum nichil horum facere ualeam, caritate modicus, inops et pauper meritorum, ut itaque copiosius fiam meritis acceptus tibi, proximo quoque utilis et michi, cupio non una sed triplici morte plecti et dissolui, una ad amorem tui et reuerentiam, alia ad profectum proximi et supplendam | indigentiam, tercia ad propiciationem mihi et impetrandam indulgentiam». Sic beato Petro, ewangelio attestante, a Doa

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Ps 83, 8

229 maiestatis] maiestis ms.

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Dt 32, 13

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Ct 1, 3

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Phil 1, 23

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Gal 2, 19

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Chap. V. Méditations sur l’Amour divin et la Passion Ainsi l’élu du Christ, imprégné désormais par les règles de l’Ordre et modelé par l’observance vitale de la discipline régulière, ceignit ses flancs de courage en foulant aux pieds tous les biens terrestres et il renforça son bras en avançant chaque jour de vertu en vertu. Domptant sa chair, il se voua à la pénitence; fortifiant son esprit, il s’abandonna à la dévotion. Par-dessus toutes ces résolutions, afin de ne pas peiner en vain ni de céder à des impulsions faciles, il établit un refuge sûr pour déjouer les pièges de l’ennemi de son salut, à savoir se souvenir chaque jour, par une méditation constante, de la Passion et des plaies de Jésus-Christ. S’étant établi dans ces sentiments, suçant aussi comme de la pierre un miel de saveur céleste et une huile de dévotion, il resplendit de tout son être dans la lumière de la grâce et la flamme de l’amour divin afin de pouvoir dire avec l’Épouse du Cantique: «Entraîne-moi à ta suite, et que nous courions dans l’odeur de tes parfums». Et vraiment, il s’immergea dans les plaies du Christ avec une telle force et un tel amour pendant ses veilles quotidiennes et il se consacra tout entier avec une telle compassion à sa Passion, qu’il ne laissait rien de toutes les angoisses et douleurs du Seigneur sans les avoir éprouvées sensiblement dans sa méditation intime – à tel point que la Passion du Christ, comme si elle pénétrait déjà tout son être, lui resserrait toutes les artères et articulations du corps et lui contractait les veines par compassion; et que l’attitude de l’homme extérieur, inondé d’une abondante pluie de larmes, montrait la douleur qu’il concevait en son for intérieur. Attaché donc un certain temps à la pratique continue de cette méditation, alors qu’en ajoutant des larmes aux larmes, il se liquéfiait jusqu’à la moelle à cause de la profondeur de sa piété et de sa compassion pour les douleurs du Christ, et alors qu’il se rendait compte que les œuvres de la divine majesté avaient manifesté une si grande piété et une si grande estime envers les hommes, il désira être crucifié lui aussi, s’anéantir et être avec le Christ, afin de pouvoir dire avec l’Apôtre: «Avec le Christ, je suis rivé à la croix» et, par-dessus tout, le calice de sa Passion nous montre un Jésus à aimer dans la méditation du feu de son amour divin. Ainsi parfois il s’enflammait de sorte que, plongé dans l’extase et dans la stupeur de l’esprit, enivré par l’ardeur impétueuse de la charité, il dit un jour au Seigneur: «Ô très doux Jésus, ma douleur désormais vainc ta douleur car toi, souffrant pour les pécheurs en considération du fruit du salut commun, tu as atténué ta douleur grâce à la force de la charité. Comme je ne peux rien faire de cela, moi qui n’ai qu’une charité modeste et suis pauvre et dépourvu de mérites, afin de t’être agréable par des mérites plus abondants tout en étant utile à mon prochain et à moi-même, je désire être frappé et anéanti non par une seule mais par une triple mort: la première par amour et respect de toi; la deuxième pour le progrès de mon prochain et pour suppléer à son indigence; la troisième, afin que tu me sois propice et pour obtenir ton indulgence». Ainsi le bienheureux Pierre, comme l’atteste l’Évangile, conduit par le Seigneur sur la montagne de la transfi-

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mino in monte transfigurationis et sue contemplationis perducto, insolitum claritatis gloriose fulgorem non sustinens, in stuporem mentis extasimque uersus, magisque praesentiam rerum quam nature exigentiam estimans, dixit: «Domine, bonum est nos hic esse. Faciamus hic tria tabernacula: tibi unum et Moysi unum et Helie unuma. Quid hoc fecit non tam stupor quam amor. «O dulce iugum sancti amoris, quam dulciter capis, quam suauiter premis, quam dilectabiliter oneras, quam fortiter stringisb, sponte quos afficis spontaneos efficis. Non quaeris angulum ad proprium commodum sed facis simplicem oculum semper ad Amatum, ut plenius animas, quas dulciter illaqueas, ibi figas, ubi amant quam ubi animant. Supernis inhians, terrena despicis; amantem crucians, in humilitate dulcessis. Non quaeris ocia sed amati negocia unde solus uis regnare totam mentem, occupare mundum, carnem exulare. Vt dilecto placeas, nullo metu frangeris, nullo pudore flecteris, nec metis ullis duceris ut quod amas optineas». Hoc amore uir Dei stimulatus uehementer ut animam suam in uitam eternam custodiret, temporaliter studuit eam perderec, ut Christi non surdus auditor et minister effectus Christum artius sequeretur.

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Sciens ergo secundum apostolum quod qui Christi sunt carnem suam cum uiciis et concupiscentiis suis crucifiguntd, ut fructum penitentie apprehenderet, totis uiribus studuit corpus in seruitutem anime redigere, carnem castigare | flagellis et disciplinis exponere, inter uepres et urticas frequenter uolutare, aculeatis ramis et foliis arborum cedere, sangwinem sepius ex flagellorum aculeis fundere, cilicio membra domare, orationibus et fletibus insistere ac strictioribus ieiuniis seipsum macerare, ita ut quandoque per totam quadragesimam non nisi panem et aquam gustaret. Hiis tamen non contentus sed tanquam posteriorum et minus sibi sufficientium oblitus, ad ulteriora se extendit. In uehementi spiritu nauem corporis conterere cupiens, non ut homicida in seipsum celeratior et crudelior sed ut penitentie emulator et carnis iustissimus castigator, licet seuerior cotidie, carnem suam acris uolneribus forpice lacerauit, addens uolneribus uolnera et cruciatibus

a b Mt 17, 4 Cf. Adamus de Persenia, Epistola VIII ad Stephanum Carthusiensem monachum, et priorem de Portis, éd. PL 211, col. 604A; avec quelques variantes. D’autres ouvrages reprennent cette citation en l’attribuant à Bernard (ex. au XVIIe s., Otto Vaenius, Amoris diuini Emblemata, Anvers, 1615), chose qui s’explique par le fait qu’Adam de Perseigne fait c partie des théoriciens cisterciens de la deuxième génération. Io 12, 25 d Gal 5, 24

252 ubi amant quam] en glose marginale

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guration et de sa contemplation, et ne pouvant soutenir l’éclat insolite de la glorieuse clarté, fut plongé dans l’extase et la stupeur de l’esprit et, considérant davantage la présence des événements que l’exigence de la nature, s’écria: «Seigneur, c’est bien que nous soyons ici. Dressons trois tentes: une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie». Ce n’est pas tant la stupeur mais l’amour qui le conduisit à faire cela. «Ô doux joug du saint amour, avec quelle douceur tu t’empares de nous, avec quelle suavité tu nous presses, avec quelle tendresse tu nous combles, avec quelle force tu nous étreins, par ta volonté tu rends volontaires ceux que tu investis. Tu ne cherches pas un recoin pour ton propre confort mais tu diriges la simplicité du regard toujours vers le Bien-aimé, afin de fixer les âmes, que tu enlaces avec douceur, plus pleinement là où elles aiment que là où elles animent (sc. les corps). Aspirant aux réalités d’en haut, tu méprises les biens terrestres; tourmentant celui qui t’aime, tu témoignes ta douceur dans l’humilité. Tu ne recherches pas le repos mais les intérêts de l’aimé: par là, tu veux seul régner sur l’esprit tout entier, occuper le monde, exiler la chair. Afin de plaire à celui que tu aimes, tu ne te laisses briser par aucune peur, ni fléchir par aucune pudeur, ni contraindre par aucune limite, afin d’obtenir ce que tu aimes». Stimulé fortement par cet amour, l’homme de Dieu, afin de préserver son âme dans la vie éternelle, s’attacha à la perdre dans son existence temporelle; devenu ainsi auditeur non dénué d’ouïe et serviteur du Christ, il pourrait suivre le Christ de plus près.

Chap. VI. Mortifications Sachant donc que, selon l’Apôtre, ceux qui appartiennent au Christ crucifient leur chair avec leurs vices et leurs concupiscences, pour obtenir le fruit de la pénitence il s’appliqua de toutes ses forces à réduire son corps en servitude de son âme, à châtier sa chair à coups de fouet et à l’exposer aux disciplines, à se rouler souvent dans les ronces et les orties, à se flageller avec des branches et des feuillages d’arbres pleins d’épines, à répandre très souvent son sang grâce aux pointes des fouets, à dompter ses membres d’un cilice, à s’abîmer en prières et en pleurs et à se mortifier lui-même par des jeûnes très sévères de telle façon que parfois, de tout le Carême, il n’absorbait rien si ce n’est du pain et de l’eau. Néanmoins, non content de ces pratiques, mais les oubliant comme si elles étaient inférieures et insuffisantes pour lui, il se lança plus avant. Désirant dans l’impétuosité de son esprit consumer la nef de son corps, il se montra plus âpre et plus cruel envers lui-même, non pas comme un homicide mais comme un modèle de pénitence et comme un très juste bourreau de la chair, encore que plus sévère chaque jour: il lacéra celle-ci de profondes blessures à l’aide d’une tenaille, ajoutant des blessures à ses blessures et des tourments plus graves à ses supplices, imitant celui-là

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suis grauiora tormenta, ipsum imitans de quo dicitur: «A planta pedis usque ad uerticem non est in eo sanitas»a. Quem ut perfectius imitaretur, calidum ferrum, quod horribile est, ductum lateri suo, uersus cor suum immisit, uolens in suo corpore et uolnere uolneris Christi, quod lancea militis in cruce inflictum, similitudinem exprimere. In quo ne nature uirtute, quam seipsam in omnibus quo melius poterit saluare nititur, citius clauderetur, cordam ex crinibus equinis contortam transmisit ut trahendo et retrahendo, continua apertura maneret quoadmodum uolnus lateris Christi apertum didicit permansisse. Ne ergo adhuc sibi ulla requies quo ad carnem daretur quo uirga sibi discipline et onus tribulationis | deesset, cum secundum apostolum, «manentem ciuitatem hic non habeamus»b, super hiis omnibus, tanquam gigas fortissimus ut perfectius uiam Domini curreretc, pelles erinatias se superinduit, humerotenus fortiter desuper praecingens quatenus tali strictura arcius circumseptus, exterioribusque pressuris et uerberibus coartatus, maiorem dolorem sensibili carni ingereret, animi iam nulla disciplina sibi ex consuetudine sufficeret quam non sanguis effusio sequeretur. Si miraris, lector, huius uiri Dei factum, intuere factorem: «Quis enim cognouit sensum Domini, aut quis eius consiliarius eius fuit ?»d Cognosce quoniam teste beato Augustino in rebus mirabilibus, tota ratio facti semper potentia est facientise, inuisibilis enim in se, in suis sanctis spectabilis nobis proponitur, pariter et mirabilis. Relege, si placet, uitarum antiquorum patrum heremitice religionis Pauli uidelicet Antonii, Symeonis et aliorum, in quorum comparatione istius modi mirabilia grandia non reputabis. Sed ideo uidentur mirabiliora quo nostris temporibus facta sunt rariora. Si dicis michi scripturam clamare quod nemo «unquam carnem suam odio habuit»f, regula enim nature hoc personat, cum corpus regendum non opprimendum ipsa nobis concesserit, respondetur tibi a Christi discipulo qui et loquitur quod «altare habeamus in quo edere non habent potestatem qui tabernaculo deseruiunt»g. Terrenis enim desideriis praeoccupatos delectatio sancta declinat, atque Ypocras1, atque Epycurus2, alter bonam habitudinem corporis, alter uoluptatem praeferat, magister noster | utriusque rei contemptum praedicat. Quid enim de Christi auditorio sonuit ? «Qui amat», inquit, «animam suam, perdet eam»h, siue ponendo ut e

a b Is 1, 6 Hbr 13, 14 Augustinus, Ep. CXXXVII, 2. 8

c f

Ps 18, 6; Augustinus, En. in Ps. 18, I, 6 Eph 5, 29 g Hbr 13, 10 h Io 12, 25

304 auditorio] adiutorio ms. (avec en correction marginale audit).

1

Hippocrate de Cos (v. 460-v. 370 av. J.-C.).

2

Épicure (341-271 av. J.-C.).

d

Rm 11, 34

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même dont il est dit: «De la plante du pied à la tête, il n’y a plus rien de sain en lui». Pour l’imiter encore plus parfaitement, il appliqua un fer brûlant, chose horrible, sur son flanc, en direction de son cœur, voulant dans son corps et sa plaie rappeler, par ressemblance, la plaie du Christ, infligée sur la croix par la lance du soldat. Dans cette blessure, afin qu’elle ne se referme pas trop vite par la vertu de la nature qui, en toutes choses, s’efforce de se guérir elle-même du mieux qu’elle le peut, il fit passer d’un côté à l’autre une corde tressée de crins de cheval, afin qu’en tirant et en retirant, la blessure puisse rester continuellement ouverte de la même façon qu’il avait appris qu’était restée ouverte la blessure au flanc du Christ. Ainsi donc, afin que nul repos ne soit désormais accordé à la chair et que la verge de la discipline et le poids des tourments ne manquent à son supplice – et puisque, selon l’Apôtre, nous n’avons pas de cité permanente ici-bas –, pardessus tout cela, afin de parcourir plus parfaitement la voie du Seigneur comme le plus courageux des géants, il se couvrit de peaux de hérissons solidement attachées à ses épaules; de cette façon, enserré très étroitement par une telle compression et écartelé sous les pressions externes et les coups, il provoquait une douleur encore plus grande sur sa chair sensible: désormais, aucune discipline habituelle ne suffisait à son esprit si elle n’était suivie d’une effusion de sang. Si, lecteur, tu t’étonnes de ce qu’a fait cet homme de Dieu, regarde son Créateur: «Qui en effet a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ?» Sache que d’après le témoignage du bienheureux Augustin au sujet des prodiges, toute la raison d’être d’un fait dépend toujours de la puissance de celui qui le fait: bien qu’invisible en soi, elle s’offre à nous de manière décelable à travers ses saints – ce qui est également admirable. Relis, s’il te plaît, les miracles des vies des anciens pères ayant embrassé la condition érémitique, à savoir Paul, Antoine, Siméon et d’autres: en comparaison avec elles, tu ne considéreras pas grands les miracles de ce genre. Mais ils apparaissent d’autant plus admirables que de nos jours ils sont devenus plus rares. Si tu me dis que l’Écriture proclame que «personne jamais n’a pris en haine sa propre chair», et que d’ailleurs la loi de la nature le confirme – comme elle nous a concédé un corps à régir et non à opprimer –, il te sera répondu aussi par le disciple du Christ que «nous avons un autel sur lequel ne peuvent manger ceux qui desservent le tabernacle». Parce que la sainte délectation éloigne ceux qui se préoccupent de désirs terrestres, et parce qu’Hippocrate et Épicure préfèrent pour l’un le bon état du corps, pour l’autre la volupté, notre maître prêche le mépris de l’une et l’autre chose. Car qu’est-ce qui a résonné dans l’assemblée des auditeurs du Christ ?: «Celui qui aime sa vie, la perdra» dit-il, soit en la donnant comme martyr, soit en la mortifiant comme péni-

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martyr, siue affligendo ut penitens. Vnde et uox illius tube celestis, nisi quis a seipso deficiat ad eum qui super ipsum est, non appropinquat, nec ualet apprehendere quod ultra ipsum est, si nescierit mactare quod est. Homo ergo Dei tripudiat toto licet lacero corpore, atque non tam fortiter quam alacriter sacrum e carne sepe circumspicit ebullire cruorema. Vbi, obsecro, tunc anima ipsius delituit ? Nempe in petra ! In qua petra ? In uisceribus Iesu Christi: in uolneribus patentibus ad introducendum Petrum, enim est refugium erinatiisb. Quid mirum est si in modum petre induruit ? Neque enim hoc facit stupor sed amor, submittitur sensus non amittitur nec deest dolor sed contempnitur. Quid plura ? Dum hec itaque geruntur, carnis materiam carneus sequens humor, putrescentibus uolneribus, humor sanguineus concretus in saniem ebullire incipiens, fetorem non modicum cohabitantibus euaporando exalauit, itaque confratribus suis talem fetoris horrorem ferre non ualentibus, ad magistrum grangie sermo super huiusmodi denique uolueretur. Qui causam tanti fetoris scire cupiens ac fratrem cohabitantium consulere saluti, uirum Dei suauiter aggreditur, modeste alloquitur dicens: «Quid, frater karissime, apud temetipsum actitas, quo studio in secreto te exerces ? Iam grauis nobis fit cohabitatio tua, importabilis est nobis societas tua, omnes inficimur fetore corporis tui ac tui horroris contagione languemus; | iam te tollerare amplius non ualemus». Quo audito, uir Dei deprehensum se sciens, nec dissimulationi locum patere percipiens, in partem magistrum traxit, penitentiam quam iam facere inceperat exposuit et uolnera inflicta ostendit, propositum ceptum aperuit et ne sibi deinceps in tam duris rebus contrarius esset, sicut hactenus quandoque fuerat, humiliter supplicauit. Quibus uisis et auditis, magister prae stupore totus inhorruit et in lacrimis compassionis resolutus, altius ingemuit dicens: «Quid hoc miraculi, frater !» Innocentiam forsan eius et puritatem uite apud se retractans, penitentiam ammiratur seu propriam fragilitatem considerans, se nichil tale quandoque fecisse uel posse facere uerecondatur; reuerentiam tamen dans in omnibus Deo, et honorem et secretum tenuit, et adiutorium sibi semper deuote compassionis impendit. Hiis itaque peractis, hostis antiquus humani generis, in athleta Christi tanti feruoris et emulationis inflexibile propositum uidens et inuidens, ad sui fraudis callida argumenta conuertitur: laqueos sue malicie molitur exa Bernardus Clarevallensis, Sermones in Cantica canticorum, sermo LXI, 8: l’auteur y b puise son inspiration pour la suite du texte également (jusqu’à contempnitur [l. 315]) Ps 103, 18

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tent. D’où la voix de cette trompette céleste: si quelqu’un ne renonce pas à luimême en vue de celui qui est au-dessus de lui-même, il n’approche pas ni ne peut saisir ce qui est au-delà de lui-même, s’il ne sait pas sacrifier ce qui est. Ainsi donc l’homme de Dieu danse de tout son corps même lacéré et, avec moins de force que d’allégresse, il observe souvent le sang sacré qui sort de sa chair à gros bouillons. Dis-moi donc, je te prie, où s’est alors cachée son âme ? Sans doute dans une pierre ! Mais dans quelle pierre ? Dans les entrailles de Jésus-Christ: dans les plaies qui s’ouvrent pour accueillir Pierre, car la pierre est un refuge pour les hérissons. Pourquoi s’étonner s’il s’est durci comme pierre ? Car ce n’est pas un état d’insensibilité qui le rend tel mais l’amour, les sens se soumettent mais ne se perdent pas, et la douleur n’est pas absente mais elle est méprisée. Que dire de plus ? Pendant que cela se passe, une humeur charnelle est secrétée de la matière même de sa chair, ses plaies pourrissent, et une humeur provenant de sang coagulé commence à suinter sous forme de pus; en s’évaporant elle exhale une puanteur non négligeable pour les frères qui habitaient avec lui; si bien que, ses confrères étant incapables de supporter une si horrible puanteur, l’écho finit par en arriver jusqu’au maître de la grange. Celui-ci, désirant connaître la cause d’une telle puanteur, et conseiller le confrère pour son salut, s’approche avec douceur de l’homme de Dieu et s’adresse à lui avec modestie en lui disant: «Que fais-tu, mon cher frère, avec ta personne, à quelle passion t’adonnes-tu en secret ? Habiter avec toi nous est devenu pénible, ta compagnie nous est insupportable, tu nous infectes tous avec la puanteur de ton corps et nous sommes affaiblis par ton horrible contagion; désormais nous ne pouvons te tolérer plus longtemps». Ce qu’ayant entendu, l’homme de Dieu, se sachant pris sur le fait et comprenant qu’il n’y avait pas lieu de se cacher, prit le maître à part et lui exposa la pénitence qu’il avait commencé à faire: il lui montra les blessures qu’il s’était infligées, lui révéla le but qu’il s’était proposé et le supplia humblement de ne plus se montrer contraire dans des circonstances si dures, comme il l’avait parfois été jusqu’alors. À l’entendre et à voir ses plaies, le maître frémit de stupeur dans tout son être et, se répandant en larmes de compassion, il poussa un gémissement plus profond encore et s’écria: «Quel miracle, mon frère !» Reconsidérant en son for intérieur l’innocence de Pierre et la pureté de sa vie, il admire sa pénitence – ou peut-être que, prenant en considération sa propre fragilité, il a honte de n’avoir lui-même jamais fait ou jamais rien pu faire de tel; le fait est que, montrant son respect pour Dieu en toute chose, il sauva l’honneur [de son confrère] et le secret, et lui procura toujours avec dévotion l’aide de la compassion.

Chap. VII. Tentations et humilité Après ces événements, l’antique ennemi du genre humain, voyant et enviant chez le champion du Christ le propos inflexible d’une telle ferveur et d’une telle émulation, se tourne vers les habiles expédients de sa ruse: il se met à multiplier

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pandere inexplicabiles, circuitus quaerere ut uel blandiendo decipiat aut terrendo Christi deuotum militem frangat. Vnde feruorem peregrinum, quandoque qui ad temptationem quibusdam, teste beato Petroa, aduenit, immittendo hortatur eum maiora facere, quandoque exterius diuersas formas pro modo temptationis assumendo, uisibiliter diuersis commentis, spe friuola parat: seducentes mulieres simulans, lenocinia praetendit; sacerdotem uestitum sacris uestibus induens, | religionem mendaciter ostendit: aliorumque formas multiplices suscipiens, mille sue artis actus ad decipiendum extendit. Sed in huiusmodi, dum non sibi sufficiunt uerba, uenitur, Deo permittente, ad uerbera, per quae tanto furore ille obstinatissimus hostis debacatur in Christi militem quod sibi ipsa uerbera, sicut postea suo confessori exposuit, omnibus tormentis inferni, si alia non essent, uidebantur grauiora. Sed Christi miles nec terrore concutitur nec blandimentis seducitur. Ipse enim corde immobili fiduciam habens in Domino, procellis ualidis non ualuit obrui inimici, nam quanto inimicus insurrexit in eum acrius, tanto interne consolationis gaudio uisitabat eum Dominus dulcius, ueraciter ergo sentiens quod per prophetam dicitur: «Qui habitat in adiutorio altissimi, in protectione Dei celi commorabitur»b. In huiuscemodi certaminis palestra positus, quandoque dicebat: «O Domine Iesu, tu principium meum, tu finis es meusc quia per te incepi, in te finire cupio. Custodi me tanquam tuum». Quasi diceret: «Sanctum opus in me, Domine, semper spira ut cogitem, da uirtutem ut faciam, suade ut te diligam, custodi me ne perdam te. Ne proicias me in tempore tribulationis cum defecitur uirtus mea, ne derelinquas med. Quantumcumque ergo angelus Sathane me colaphizete, sufficit mihi, Domine, gracia tua». Vnde cum Dominus sibi in omnibus sue gracie exhibitione munificus existeret, maxime tamen circa sacramentum altaris corporis Christi. In quo superne dulcedinis profluuio, reficiebatur a Domino specialius quanto Dominice passionis praesentiam in eo recordabatur | iocundius. Sic ergo uir sanctus frequentibus tribulationibus et persecutionibus dyaboli pulsatus, pergens pedibus perseuerantie ac diuinis consolationibus ubertim confortatus, succrescens per augmenta gratiae ut magnus ualde uelud alter Ysaac in leticia cordis sui efficeretur, ad cognitionem Dei medullitus suspirabat, tanquam cum sancto Moyse Domino diceret: «Si inueni gratiam in oculis tuis, ostende mihi faciem tuam»f, ad quam quasi in regione adhuc dissimilitudinis distans quia clare peruenire non poterat cum ipse dicat «Non uidebit me homo et uiuet»g, tura

33, 13

Cf. I Pt 4, 12 g Ex 33, 20

b

Ps 90, 1

345 seducentes] seducere ms.

c

Cf. Apc 1, 8; 22, 13

d

Ps 70, 9

e

II Cor 12, 7

f

Ex

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les pièges inextricables de sa malice et à rechercher des voies détournées afin d’abuser le dévot soldat du Christ en le flattant, ou de le briser en l’effrayant. Aussi, tantôt en stimulant une ferveur empruntée, celui qui pousse certains à la tentation, comme l’atteste le bienheureux Pierre, l’encourage à accomplir des exploits plus grands, et tantôt en revêtant extérieurement diverses apparences en guise de tentation, il le prépare clairement par un espoir futile à diverses fictions: simulant le charme des femmes, il met en avant des moyens de séduction; se déguisant comme un prêtre vêtu des habits sacrés, il présente la religion de façon mensongère; et prenant bon nombre d’autres apparences, il sort mille tours de son art pour le tromper. Mais dans ce processus, comme les mots ne lui suffisent plus, on en vient aux coups – avec la permission de Dieu –, à travers lesquels cet ennemi tellement obstiné se déchaîne contre le soldat du Christ, dans une si grande fureur que les coups eux-mêmes, comme le frère l’avoua ensuite à son confesseur, lui semblaient plus durs que tous les tourments de l’Enfer, s’il n’y en avait pas d’autres. Mais le soldat du Christ ne se laisse pas ébranler par la terreur ni séduire par les flatteries. En effet, faisant confiance au Seigneur en son cœur inébranlable, il ne put être renversé par les puissantes tourmentes de l’ennemi, car plus les assauts de l’ennemi étaient âpres à son égard, plus le Seigneur le visitait avec douceur dans la joie de la consolation intérieure, et il se rendit compte du coup de la vérité des mots dits par le Prophète: «Qui demeure sous l’abri du Très-Haut séjournera sous la protection du Dieu du Ciel». Debout dans la palestre propice à ce genre d’épreuves, il disait parfois: «Ô Seigneur Jésus, tu es mon commencement, tu es ma fin; car c’est par toi que j’ai commencé, c’est en toi que je désire finir. Prends-moi sous ta garde comme l’un des tiens». C’est comme s’il disait: «Seigneur, inspire-moi toujours de méditer ton œuvre sainte, donne-moi la force de l’accomplir, persuade-moi de t’aimer, prends-moi sous ta protection afin que je ne te perde pas. Ne me jette pas dans le temps de la tribulation lorsque ma force défaille, ne m’abandonne pas. Quand bien même un ange de Satan me giflerait, ta grâce, Seigneur, me suffit». Aussi, alors que le Seigneur se révélait en toutes choses généreux à son égard par la démonstration de sa grâce, il l’était cependant surtout en ce qui concerne le sacrement de l’autel, le sacrement du corps du Christ. Dans ce déversement de la suprême douceur, il était d’autant plus réconforté par le Seigneur qu’il se remémorait avec plus de joie la présence de la Passion du Seigneur. Ainsi donc, secoué par les fréquentes tribulations et persécutions du Diable, poursuivant le chemin de la persévérance tout en étant abondamment réconforté par les consolations divines, le saint homme croissait par une grâce toujours plus abondante; ainsi, rendu vraiment grand comme un autre Isaac, dans la joie de son cœur, il soupirait de tout son être après la connaissance de Dieu comme s’il disait au Seigneur avec le saint Moïse: «Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, montre-moi ta face»; s’en trouvant à distance, quasiment dans une région encore de dissemblance, il ne pouvait clairement pas y parvenir puisque Dieu lui-même dit: «Un homme ne pourra me voir et rester en

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batus est in spiritu et mente, prae tristiciam confusus, suam indignitatem et inydoneitatem sedule pertractans, querulosis gemitibus iniuriam sibi a Domino factam causabatur, cuius prouidentia ita pure a peccatis ab infantia non est praeseruatus, sicut aliqui sancti priuilegio spiritualis sanctitatis sunt praeseruati, quos et ydoneos diuine contemplationis penetratores audierat. Suam ergo in hac parte iusticiam uolens statuere pia contentione, dixit apud se Domino se eatenus plus potuisse si diuina prouidentia sibi dignata fuisset plus tribuisse. Sed in semetipsum tandem regrediens et se coram seipso diiudicans et uere humilitatis oculo despiciens, tanquam sui murmuris impaciens, cum misericordie Domini solius est quibus saluemur, de secretis diuine cognitionis minus sollicitus, ante conditoris sui oculos, censura artissimarum disciplinarum usque ad sanguinis effusionem, maculas et penas delictorum | suorum nitebatur abluere, quibus offensam Dei se credidit meruisse. Et quia uerus humilis non solum uerissima sui cognitione sibiipsi uilescit, uerum eciam apud alios gaudet uilis reputari, desiderio magno aliquando uir Dei desiderabat sibi quamcumque magnam confusionem fieri, quoniam eciam omni auctore confusionis excusato, uelle in seipsum solum a Domino uindicari ut imitator illius fieret qui super lignum crucis peccata nostra pertulit in corpore suoa confusione contempta. Quoniam ergo uere humilitatis meritum est amor Dei, cum superbis Deus semper resistat, humilibus autem det gratiam, gustans nec capiens quam suauis est Dominusb prae dulcedine diuini amoris plerumque totus liquefactus, consueuit Domino aliquando dicere: «Dulcissime Iesu quis michi dabit ut uenias in cor meum sicque repleas illud ut obliuiscar mala mea et unum bonum meum amplectar tec ? Da mihi te, Deus meusd, te enim amo, te solum desidero unde nec pro disciplinis quas recipio, nec pro penali opere quod sustineo, nec pro confusione quam desidero, nec pro tormentis quibus afficior ab inimico, meritum mihi peto tribui, nec in gratia uel gloria reseruari sed te. Ideoque et pro amore tuo solo, quamcumque permiseris libenter uolo pati. Flagrasti et attraxi spiritum, gustaui et esurio, tetigisti me et exarsi in pacem tuam»e. Et quidem cum pax Christi sit mutue caritatis consensus habitantium simul in domo Dei, ordinatus sub lege | Dei et debita reuerentia obedientia ut unus quisque proximum suum sicut seipsum diligatf.

a

I Pt 2, 24 lib. XIII, cap. 8

b

e

c Ps 33, 9 Augustinus, Conf., lib. I, cap. 5, 5 Augustinus, Conf., lib. X, cap. 27, 38 f Mt 19, 19

401 disciplinis] discipinis ms.

d

Augustinus, Conf.,

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vie». Alors, il fut troublé dans son âme et dans son esprit, confus par la tristesse, et considérant consciencieusement son indignité et son inaptitude, avec des gémissements plaintifs, il s’en prenait à l’injustice qui lui avait été faite par le Seigneur, puisque la Providence ne l’avait assurément pas préservé des péchés depuis son enfance comme elle avait préservé quelques saints par un privilège de sainteté spirituelle, saints dont il avait entendu qu’ils avaient été capables de pénétrer jusqu’à la contemplation divine. Ainsi donc, voulant établir par une revendication pieuse sa propre justice en ce domaine, il se dit que jusqu’alors il aurait pu accorder davantage au Seigneur si la divine Providence avait elle-même daigné lui accorder davantage. Mais à la fin, il rentra en lui-même et, se jugeant face à lui-même et se méprisant avec l’œil de l’humilité véritable, comme s’il ne pouvait plus supporter ses propres plaintes – étant donné que les miséricordes du Seigneur, elles seules, peuvent nous sauver –, il se mit à moins s’inquiéter des secrets de la connaissance divine devant les yeux de son créateur: il s’efforçait par la rigueur des disciplines les plus sévères et jusqu’à l’effusion du sang de laver les taches et les dommages issus de ses délits, pour lesquels il croyait avoir mérité la disgrâce de Dieu. Et puisqu’un homme vraiment humble non seulement s’humilie par la connaissance authentique de lui-même, mais surtout se réjouit d’être considéré comme vil aux yeux des autres, l’homme de Dieu fut saisi un beau jour d’un grand désir, à savoir qu’il puisse éprouver la honte, quelque grande qu’elle soit; parce qu’une fois excusés tous les auteurs de l’accusation honteuse, il voulait en lui-même être vengé seulement par le Seigneur afin de devenir son imitateur, lui qui sur le bois de la croix porta nos péchés dans son corps, en ayant méprisé la honte. Puisqu’effectivement ce qui mérite la vraie humilité, c’est l’amour de Dieu, et puisque Dieu résiste toujours aux orgueilleux mais qu’aux humbles il accorde la grâce, goûtant sans le saisir comme est bon le Seigneur, il était le plus souvent entièrement liquéfié en raison de la douceur de l’amour divin, et avait pris l’habitude de dire au Seigneur de temps en temps: «Jésus très doux, qui me donnera que tu viennes dans mon cœur pour le remplir, afin que je puisse oublier mes méfaits et que je puisse t’embrasser toi qui es mon seul bien ? Livre-toi à moi, mon Dieu, car c’est toi que j’aime, c’est toi seul que je désire, aussi je ne demande pas qu’un mérite me soit reconnu, ni pour les disciplines que je reçois, ni pour les expiations que j’endure, ni pour la honte que je recherche, ni pour les tourments que l’ennemi m’inflige; je n’exige pas d’être préservé dans la grâce ou la gloire, mais je ne demande que toi. C’est pourquoi, et par amour pour toi seulement, je veux souffrir volontiers tout ce que tu permettrais que je subisse. Tu m’as enflammé et j’ai aspiré ton esprit, j’ai goûté et je suis affamé, tu m’as touché et je me suis consumé dans ta paix». Et du fait que la paix du Christ est l’accord de la charité mutuelle de ceux qui habitent ensemble dans la maison de Dieu, cet accord est ordonné à la loi de Dieu et à la révérence qui est due dans l’obéissance, de sorte que chacun aime son prochain comme soi-même.

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Iste homo Dei maiori dilectione supereffluens maiorem gratiam sociis suis tribui quam sibi desiderabat, fideliter illud apostoli implere cupiens, quod nemo quod sibi utile est quaerat sed magis quod proximoa. Nec dubium quin de torrente caritatis id quidem sit censendum, cum et ipse Dominus honorem suum despiciat ut caritatem in proximo requirat, et fraterna sibi magis secundum ewangelium placeat placatio quam muneris cuiuscumque sacrificii oblatiob. Ignis namque diuinus est caritas, qui tanto plus accenditur quanto magis in subiecta materia dilatatur et semper uires sumit eundo. Oleum est quod stare nescit, quod proprii uasis dedignatur angustias, sed profluitate sua uicinis eciam se uasis infundit; quanto enim pluribus redditur, tanto plus acquiritur et augendo multiplicatur. Amor siue caritas denique omni supereminet gratiae et reliquarum est quasi medela uirtutum. In donis gratuitis ea nichil est eminentius, in tormentis et passionibus nichil Deo acceptius, in operibus preuilegiatis nichil ea ditius ab apostolo comendaturc. Quare si desit, frustra habentur cetera; si assit, habentur omnia. Ipsa est per quam apostolus gloriatur, quia omnibus omnia factus est, ut omnes lucrefaceret Christod. Hac ergo caritate uir Dei accensus, non solum penitentie opera, passiones, tormenta, orationes et ieiunia exponere, uerumeciam reuelationum sublimia | exprimere uoluit et manifestare ad Dei laudem et proximorum edificationem, non sicut commendator sui ut locum det inflationi, sed sicut Dei emulator ut pateat imitationi formam apostolicam secutus quam tenens apostulus, enumeratis persecutionibus passionibus ac tribulationibus suis pro Christo subiunxit, non sicut insipiens sed sapiens emulator: «Si gloriari, inquit, oportet, ueniam ad reuelationes»e, et cetera post quam alibi dixit: «Imitatores mei estote sicut et ego Christi»f.

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Hiis itaque sic se habentibus, dum uir Domini solitis orationibus et excerciciis bonorum operum sicut consueuerat insisteret, quodam tempore, tercia uidelicet die post festum beati Nicholai hyemalis3, regina celi Domina angelorum et cysterciensis ordinis mater et aduocatrix spiritualis et unica Virgo Maria apparuit ei dicens: «Hodie, fili, est festum meum4 f

a I Cor 10, 33 I Cor 11, 1

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Cf. Mt 5, 23-24

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Cf. I Cor 13

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I Cor 9, 22

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Fête de saint Nicolas: 6 décembre.

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Fête de l’Immaculée Conception de la sainte Vierge: 8 décembre.

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II Cor 12, 1

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Chap. VIII. Charité Cet homme de Dieu, débordant d’un amour plus intense, désirait qu’une grâce plus grande soit accordée à ses compagnons qu’à lui-même car il voulait accomplir fidèlement ce précepte de l’Apôtre: personne ne doit chercher son propre intérêt mais plutôt celui du prochain. Qu’il faille penser la même chose au sujet du torrent de charité que Pierre déverse n’est pas à mettre en doute, puisque le Seigneur lui-même méprise son propre honneur en recherchant la charité dans le prochain, puisqu’aussi, selon l’Évangile, une fraternelle volonté d’apaisement lui plaît davantage que l’offrande de n’importe quel sacrifice. Car la charité est un feu divin qui s’attise d’autant plus qu’il se répand à travers le combustible qui lui est soumis et qu’il prend toujours plus de force au fur et à mesure qu’il avance. C’est une huile qui ne sait pas rester en place, qui méprise l’étroitesse de son propre vase mais qui justement, par l’abondance de son écoulement, se déverse même dans les vases qui se trouvent dans son voisinage: plus elle est donnée à un grand nombre, plus elle acquiert de surface et se multiplie. Enfin, l’amour, ou la charité, s’élève au-dessus de toute grâce et est comme la moelle des autres vertus. Dans les dons gratuits, rien n’a plus de valeur que celle-ci; dans les tourments et les passions, rien n’est plus agréable à Dieu, dans les œuvres privilégiées, rien n’est plus abondamment recommandé par l’Apôtre. C’est pourquoi si la charité manque, c’est en vain qu’on possède toutes les autres vertus; si elle est présente, on les possède toutes. C’est par elle que l’Apôtre se glorifie parce qu’il est devenu tout à tous afin de les gagner tous au Christ. Enflammé donc par cette charité, l’homme de Dieu voulut non seulement témoigner des œuvres de la pénitence – passions, tourments, oraisons et jeûnes –, mais aussi exprimer les hauteurs sublimes des révélations et les manifester pour la louange de Dieu et l’édification du prochain, non pas comme quelqu’un qui se recommanderait lui-même pour laisser place à l’orgueil, mais comme un émule de Dieu pour donner prise à l’imitation en ayant suivi l’exemple apostolique: cet exemple que l’Apôtre a donné, lui qui, après avoir énuméré ses persécutions, ses souffrances et ses tribulations pour le Christ ajouta, non comme un insensé, mais comme un émule plein de sagesse: «S’il faut s’enorgueillir», dit-il, «j’en viendrai aux révélations», et ainsi de suite, après qu’il eut dit ailleurs: «Soyez mes imitateurs comme je suis moi-même l’imitateur du Christ».

Chap. IX. Apparitions et dévotion particulière pour la sainte Vierge Dans cet état de fait, pendant que l’homme du Seigneur persévérait dans ses oraisons habituelles et dans la pratique des bonnes œuvres, comme il avait coutume de le faire, voilà qu’un jour, le troisième après la fête hivernale du bienheureux Nicolas, la reine du Ciel, souveraine des anges et mère de l’Ordre cistercien, l’avocate spirituelle et l’unique Vierge Marie lui apparut en lui disant: «Aujourd’hui, mon fils, c’est ma fête: aussi te convient-il en ce jour plus que tout autre

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unde magis te ceteris diebus hoc die laudibus instare conuenit, amplioribus praeconiis uacare et sublimioribus meditationibus inuigilare ad uidendum in bonitate electorum meorum, ad letandum in leticia gentis meea, ut lauderis in hereditate». Cui respondens uir Domini dixit: «O dulcis Domina, festum istud usque nunc nesciui, ceteras quoque festiuitates quando instare debeant ignoro; cum sciuero, deuotus peragam, quoad uixero memoriter recolam». Requirente ergo eo a quodam calendarium sciente cuius illo die festum esset, respondit quod esset festum conceptionis beate Virginis Marie. Quo audito, singulis annis, idem festum | tota alacritate deuotionis celebrare studuit. In quo et Dominus ei uisitatione spirituali inenarrabiles consolationes et reuelationes ostendit. Quoniam secundum beatissimi patris nostri Bernardi sententiam, materia sancti amoris magis effectibus estimatur quam uerbisb. Hic lector, fige pedem amoris ut tibi placere ualeant quae sequuntur. Frustra enim ad audiendum legendumue carmen amoris qui non amat accedit, quoniam omnino non potest ignitum eloquium capere frigidum pectus, quomodo enim graece loquentem non intelligit qui graecum non nouit, et ita de ceteris; sic lingua amoris, ei qui non amat, barbara et minus placens erit. Amor enim praeceps, uehemens, impetuosus, dissimulat usum rerum, et uerborum ordinem confundit, modum ignorat, quidquid rationis, quidquid consilii, iudicii ue uidet in semetipso triumphans. Simul quoque obserua quia pro uariis animae desideriis gustus diuine contemplationis et reuelationis consueuit uariari. Et sicut, nisi sub sacris ymaginum uelaminibus secundum praesentis uite cursum uidemus, diuine reuelationis et contemplationis radium nobis non posse ostendi, ita eciam nisi consuetis sensibilibus figuris non posse exprimi — cum Dyonisius dicat impossibile esse nobis lucere diuinum radium nisi uarietate sacrorum uelaminum circumuelatumc. Deoque uerba sponse tanquam sine ordine et sine ratione minus conuenienter ymno, petulanter in canticis prolata, ebrietatem potius et amentiam quam modestiam et sapientiam resonare uidentur; hiis ergo praemissis, ad propositum reuertamur. Vir ergo Dei in festi gloriose | Virginis reuelati deuotionis feruore suspensus, peruigili alacritate totisque affectibus ad amorem Virginis mentem extulit, sedulum sibi seruicium impendere iurans, quapropter oratoria sepius deuote uisitauit, consimilibus seruiciis liberius occupandus. Vnde aliquo tempore, ecclesiam ingressus puri cordis deuotione facturus, sicut consueuerat, in excessum mentis, spiritus eius rapitur ductusque in praesentia Iesu Christi et gloriose matris sue sistitur. Quem Dominus reuerentie, ferb Ps 105, 5 Bernardus Clarevallensis, Sermones in Cantica canticorum, sermo c LXXIX, 1 Ps.-Dionysius Areopagita, Liber de caelesti hierarchia, cap. I a

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jour de te consacrer à mes louanges, de t’investir en des prières plus solennelles et de veiller avec des méditations plus élevées, pour voir dans la bonté de mes élus et te réjouir dans la joie de mon peuple, afin d’être loué dans l’héritage céleste». À celle-ci, l’homme du Seigneur répondit: «Ô ma douce souveraine, cette fête, jusqu’à présent, je ne la connaissais point, et j’ignore aussi quand doivent être célébrées les autres fêtes; mais quand je le saurai, je les observerai avec dévotion et j’en perpétuerai la mémoire tant que je vivrai». Alors qu’il allait s’informer auprès d’un homme qui connaissait le calendrier pour savoir en l’honneur de qui se célébrait ce jour de fête, celui-ci répondit que c’était la fête de la conception de la bienheureuse Vierge Marie. Ayant appris cela, chaque année, il s’attacha à célébrer cette même fête avec toute l’allégresse de sa dévotion. À cette occasion, le Seigneur lui aussi lui montra par sa visite spirituelle des consolations et des révélations ineffables. Car selon l’avis de notre très saint père Bernard, on apprécie la substance de l’amour sacré plus par ses effets que par des paroles. Ici, lecteur, plante le pied de ton amour afin que les choses qui suivent puissent te plaire. Car c’est en vain qu’un poème d’amour, qu’il soit écouté ou lu, atteint celui qui n’aime pas, puisqu’un langage enflammé ne peut absolument pas captiver un cœur froid, de même que celui qui n’a pas appris le grec ne peut pas comprendre celui qui parle en grec, et ainsi de suite: ainsi, la langue de l’amour, pour celui qui n’aime pas, sera barbare et beaucoup moins plaisante. Car l’amour qui se précipite, véhément et impétueux, ne tient pas compte de l’usage des choses et trouble l’ordre des paroles, il ignore la mesure, il se voit triompher de tout ce qui tient de la raison, de la réflexion ou du jugement. Observe en même temps qu’à cause des désirs variés de l’âme, le goût de la contemplation et de la révélation divines a coutume d’être varié. Et comme l’éclat de la révélation et de la contemplation divines ne peut nous être montré, à moins que nous ne l’observions au cours de la vie présente sous les voiles sacrés des images, de la même façon il ne peut être exprimé, à moins de recourir à d’habituels artifices sensibles – puisque Denys nous dit qu’il est impossible que brille pour nous l’éclat divin, si ce n’est enveloppé sous la variété des voiles sacrés. Et les paroles de l’Épouse à Dieu, comme si elles lui étaient offertes sans ordre et sans raison mais avec feu dans le Cantique, de façon moins convenue que dans un hymne, semblent plus faire résonner l’ivresse et la démence que la modestie et la sagesse; cela dit, revenons à notre propos. Ainsi donc, soulevé par la ferveur de sa dévotion pour la fête de la glorieuse Vierge qui lui avait été révélée, l’homme de Dieu éleva son esprit avec une joie prolongée et avec toute la force de ses sentiments pour l’amour de la Vierge, en jurant de se consacrer avec zèle à son service; en raison de cela, il visita avec dévotion les oratoires de manière plus récurrente, désireux de vaquer plus librement à de tels services. Aussi, un jour, entré dans l’église et sur le point d’être emporté dans l’extase de son âme, selon son habitude, grâce à la dévotion de son cœur pur, son esprit est ravi et, conduit en présence de Jésus-Christ et de sa glorieuse Mère, il s’arrête devant eux. Le Seigneur, lui rappelant la révérence, la ferveur et la dévotion que lui-même avait

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uoris et deuotionis quam ad matrem suam habuerat ammonens, ut debita ei fidelitate perseueraret, hortatur, ipsamque perpetuo cultu honorari ab eo cupiens, matris honore delectari inseparabili uinculo demonstrauit. Siquidem Dominus Ihesus uices sacerdotis et morem assumens, matrem suam ipsi ut moris est in facie ecclesie sponsus fieri in perpetuum spiritualis coniugii fedus desponsauit. Post quam horam, corde et animo in amorem Virginis liquescens, tanta deuotionis dulcedine totus est affectus, ut ne quidem nisi de Virgine consolationes quantascumque oblatas posset recipere, nec cogitationes qualescumque quae Virginem gloriosam non praetenderent posset tollerare. Cui in huius tante deuotionis et dulcedinis sincera plenitudine constituto, si aliquando diuicias suarum consolationum Dominus ei atque delicias offerret seu ipse sibi Dominum appropinquare sentiret, debriatus sue sponse dulcedine diceret: «Domine, non appropinquetis huc et adire nolite», uolens Dominum suo imperio obedire quousque | perfectius pro amoris libitu deuotionis dulcedine frueretur. Neque id mirum, cum imperio Iosue Dominum obtemperasse populo triumphanti longiorem praestitisse diem legamusa. Amor enim de quacumque difficultate, ymmo de impossibilitate non capit remediumb. O felix mortalium genus, si uestros animos quo celum regitur amor imperitos regat !

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Alio quoque tempore, in quadam ecclesia sacre deuotionis et meditationis excubiis inuigilans, prae uehementi desiderio anime resolutus, in lacrimas largo fletus sui imbre totus defluxit, forsan ad eterne patrie gloriam suspirans. Sed o quam bonus es, Domine, anime quaerenti te, quam dulcis anime speranti in te occurris, amplecteris, consolaris; sponsum exhibes cum Dominus sis. Itaque dilecto suo sic lacrimanti pius Dominus in desideriis suis respondit dicens: «Dilecte fili, cur ploras ? Cur in expectatione tua turbaris ? Cur tantum in tuis desideriis estuas ? Noli diffidere, noli metuere, noli deficere; ego adimplebo omnia desideria tua. Serui fideliter, profice iugiter, perseuera fortiter; ego adimplebo omnia desideria tua». At ille desiderio estuans, seipsum non capiens, affectu superfluens, immensitatem dissimulans, respondit: «Dulcis amice, non credo: tociens excitans, perficere dissimulas; tociens promittens, reddere differs; tociens spondens, nichil exhibes. Dulcis amice, non credo». Et pius Dominus ad eum: «Vis pro me fideiussorem tibi poni ?» At ille: «Volo» et inde Dominus: «Quem tibi fideiussorem uis dari ?» At ille: «Virginem Mariam crua

Ios 10, 10-15

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Gillebertus de Hoilandia, Sermones in Canticum Salomonis, XIX, 2

481 uices] ajout marginal difficilement lisible

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montrées pour sa mère, l’exhorte à persévérer dans la fidélité due à celle-ci: désirant qu’elle soit honorée par lui d’un culte perpétuel, il lui démontra qu’il se délectait grâce à un lien inséparable de cet honneur rendu à sa mère. En vérité, le Seigneur Jésus, assumant ainsi le rôle du prêtre, le fiança à sa mère en alliance de noces spirituelles pour toujours, de la même manière qu’il est habituel de s’unir devant l’Église. Après cette heure, s’immergeant de cœur et d’esprit dans l’amour de la Vierge, il fut saisi tout entier par la douceur d’une telle dévotion de sorte qu’il ne pouvait plus accepter de recevoir d’autres consolations quelles qu’elles soient si ce n’est celles de la Vierge et qu’il ne pouvait plus tolérer d’autres pensées en dehors de celles qui s’élevaient pour la Vierge glorieuse. Lui qui était dans la plénitude sincère d’une telle dévotion et d’une telle douceur, si parfois le Seigneur lui offrait les richesses de ses consolations et leurs délices ou bien lorsqu’il sentait lui-même que le Seigneur s’approchait de lui, tout enivré de la douceur de son Épouse, il lui disait: «Seigneur, ne vous approchez pas, ne daignez pas venir vers moi»: il voulait que le Seigneur obéisse à son ordre jusqu’à ce qu’il ait pu jouir plus parfaitement de la douceur de sa dévotion à cause de son désir d’amour. Et ceci n’est pas étonnant puisque nous lisons que le Seigneur avait obtempéré à l’ordre de Josué et avait rendu le jour plus long pour son peuple qui triomphait. En effet, l’amour ne prend pour excuse ni la difficulté quelle qu’elle soit, ni même l’impossibilité. Ô bienheureuse race des mortels, si vos âmes dépourvues d’expérience se laissent régir par l’amour qui régit le ciel !

Chap. X. Aspirations, doutes et apaisement Une autre fois, tandis qu’il veillait dans une église sous la garde de la dévotion et de la méditation sacrées, l’âme ébranlée par un puissant désir, il se répandit tout entier en une abondante pluie de larmes, soupirant, semble-t-il, après la gloire de la patrie éternelle. Mais, ô Seigneur, comme tu es bon pour l’âme qui te cherche, comme tu es doux de venir à la rencontre d’une âme qui espère en toi, de l’embrasser, de la consoler; tu te comportes en époux alors que tu es le Seigneur. C’est pourquoi le Seigneur miséricordieux répondit aux désirs de son bien-aimé en larmes, en lui disant: «Fils bien-aimé, pourquoi ces pleurs ? Pourquoi ce trouble dans ton attente ? Pourquoi une telle ardeur dans tes désirs ? Ne te méfie pas, n’aie pas peur, ne te décourage pas; moi j’accomplirai tous tes désirs. Sersmoi avec fidélité, progresse avec constance, persévère avec courage; moi j’accomplirai tous tes désirs». Mais Pierre, bouillonnant de désir, ne pouvant se contenir, débordant d’amour tout en essayant d’en cacher l’immensité, lui répondit: «Doux ami, je ne le crois pas: car après avoir suscité l’espoir si souvent, tu en négliges l’accomplissement; après des promesses répétées, tu diffères mon dû; après des assurances renouvelées, tu ne fais rien apparaître. Doux ami, je ne le crois pas». Et le Seigneur très bon de lui demander: «Veux-tu qu’une garantie te soit donnée en mon nom ?» Il répondit: «Je le veux». Et le Seigneur lui demanda: «Quelle garantie veux-tu recevoir ?» Celui-ci de répondre: «Je veux que la Vierge

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cemque tuam et quinque uolnera tua preciosa | redemptionis humane pignora, pro fideiussoribus dignis michi uolo constitui». Quibus a Domino pro fide iussione datis et deputatis, ille diuini ignis torrens, inundantia sui feruoris, omnia cordis et anime sue penetralia sic repleuit ut sui iam oblitus et immemor, Domino posse carere, quemadmodum nec infans matre nec siciens potu, sibi minime uideretur. Vnde et cum sponsa dicere potuit in Canticis: «Volnerata caritate ego suma». Neque id mirum cum et sponsus et rex tuus introduxerit te, o sancta anima, in cellam suam uinariamb, ubi celestis musti feruore inebriata, in deliciis paradysi Dei tui fuisti. O amor qui semper ardes et nunquam extingueris caritas, Deus meus, accende me; quis dabit michi ut eciam uenias in cor meum et inebries illud c ? Sed certe, Domine, angusta est domus anime mee quo uenias ad eam: dilatetur, oro; pro te ruinosa est: refice eamd ut dignum habitaculum tibi in ea praeparetur ! Sed quia fidelis anime sponsus admodum est uerecondus qui nequaquam suam praesentiam, praesentibus ceteris, uelit indulgere, cum sibi soli seruiri, sibi soli uacare desideret, ab eo cui soli intendit. Dicto tempore, uiro Dei negligentia quaedam minus prouide subrepsit, ob quam se Dominus sua uisitans ab eo elongari, quasi per dimidiam diem simulauit. Forsan alicuius dubietatis scrupulo obsistente, sicut in discipulis euntibus in Emaus, sentiense finxit se Dominus longius ire. Qua negligentia digne correcta, in crastino Dominus ei consuete uisitationis gratiam indulsit et uir Domini deuotionis zelo inflamatus, Domino dixit: «Domine cur me sic dereliquistif ? Non est equa, ut mihi apparet, libra tui iudicii. Iudica mihi, qui iudicas omnem carnem: quomodo et quare sic me dereliquistig ? Si negligentiam commisi, quid mirum cum sim puluis et cinish et pateam corruptioni ? Mirabile autem quod | michi tantam duriciam ostendisti, cum tibi proprium sit semper parcere et misereri». Sicque Dominus amatoris sui amica contentione se uinci paciens, pro duricia facta emenda promissa, se ad satisfacionem obligauit: «Disce ergo nunc terra subdi, disce puluis Deo tuo obtemperarei, cum audiens Deum sic hominibus obaudire, Dominum glorie se sui amatoribus sic inclinare».

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Itaque homo Dei, cum dulcedini deuotionis et diuine contemplationis tota auiditate intenderet, graciarumque actiones et uoces laudis crebris susb c d a Ct 5, 8 Ct 2, 4 Augustinus, Conf., lib. I, cap. V, 5 Augustinus, Conf., lib. I, e f g h i Lc 24, 13-35 Mt 27, 46; Mc 15, 34 Ps 21, 2 Gn 18, 27 Bercap. V, 6 nardus Clarevallensis, In laudibus Virginis Matris, Homilia I, § 8

532 sentiens] sensiens ms. | 535 dereliquisti] le dere et le quisti sont exponctués, mais sans ce verbe, la phrase n’a guère de sens | ut mihi apparet] ut michi michi apparet ms.

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Marie, ta croix et tes cinq plaies précieuses, gages de la Rédemption humaine, soient constituées pour moi, en guise de digne garantie». Celles-ci lui ayant été données et confiées par le Seigneur comme garantie, lui, s’embrasant du feu divin, remplit le plus profond de son cœur et de son âme d’un tel débordement de ferveur que désormais dans l’abnégation et l’oubli de soi, il lui semblait aussi peu possible d’être privé du Seigneur qu’un enfant nouveau-né de sa mère ou un être assoiffé de boisson. Ainsi put-il dire également avec l’Épouse dans le Cantique: «Moi, je suis blessée par l’amour». Et ceci n’est pas étonnant puisque celui qui est ton époux et ton roi t’a introduite, ô âme sainte, dans son cellier à vin où, enivrée par la fermentation du moût céleste, tu t’es trouvée dans les délices du Paradis de ton Dieu. Ô toi amour qui brûles éternellement, charité qui ne t’éteins jamais, mon Dieu embrase-moi ! Qui m’accordera que tu viennes aussi dans mon cœur et que tu l’enivres ? Mais assurément, Seigneur, la maison de mon âme est trop étroite pour que tu viennes jusqu’à elle, je prie pour qu’elle s’élargisse; elle tombe en ruine sous tes yeux, restaure-la afin qu’un habitat digne t’y soit préparé ! Mais l’Époux de l’âme fidèle est en effet très timide, lui qui ne veut absolument pas accorder sa présence quand d’autres sont présents, alors qu’il désire qu’on se dévoue à lui seul, qu’on se consacre à lui seul, lui seul vers qui l’on tende. À l’époque dont nous parlons, une certaine négligence s’immisça subrepticement, de façon peu prévisible, dans le comportement de l’homme de Dieu; pour cette raison, le Seigneur qui visitait les siens, fit semblant de s’éloigner de lui pendant presque une demi-journée. Peut-être qu’un scrupule né de quelque doute l’envahissait, de sorte que, comme dans le cas des disciples allant à Emmaüs, sentant ce doute, le Seigneur fit mine d’aller plus loin. Une fois cette négligence dignement corrigée, le Seigneur lui accorda le lendemain la grâce de sa visite habituelle et l’homme du Seigneur, enflammé par l’ardeur de la dévotion, dit au Seigneur: «Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ainsi ? Elle n’est pas égale, à ce qu’il me semble, la balance de ton jugement. Donne-moi ton jugement, toi qui juges toute chair: comment et pourquoi m’as-tu abandonné ainsi ? Si j’ai commis une négligence, qu’y a-t-il d’étonnant à cela alors que je suis poussière et cendre et que je suis soumis à la corruption ? Il est par contre étonnant que tu m’aies montré tant de dureté alors qu’il t’est propre de toujours épargner et de faire miséricorde». Et ainsi, se laissant vaincre par la demande amicale de celui qui l’aimait, une fois promise la réparation en lieu et place de la dureté endurée, le Seigneur s’obligea à lui donner satisfaction: «Apprends donc maintenant, toi qui es terre, à te soumettre, apprends, toi qui es poussière, à obtempérer à ton Dieu quand tu entends que Dieu obéit ainsi aux hommes, que le Seigneur de gloire s’incline ainsi vers ceux qui l’aiment».

Chap. XI. Dévotion pour le Christ et la sainte Vierge Ainsi, alors qu’il aspirait très avidement à la douceur de la dévotion et de la divine contemplation, et qu’il faisait résonner pour le Seigneur actions de grâce et chants de louange avec des soupirs fréquents, se rappelant l’alliance spirituelle

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piriis Domino personaret, recordatus spiritualis federis quo sibi Dominus matrem suam desponsauerat, pure simplicitatis et non ficte conscientie timore corripitur, ne Virgo Maria offendi ualeret, quod plus seruicii filio suo quam sibi, tanquam sue fidelitatis immemor uel transgressor impenderet. Quam blande leniterque consolata mater purissima docuit eum a seruiciis matris minime discedere si filio suo ministraret, nec a laudibus filii deficere si matrem laudum praeconiis honoraret. O uere beata et sancta simplicitas, quae sic diuina tuis notis accommodas, nichil te felicius: tu cum Iacob patriarcha, benedictiones praeuenis et acceptas; cum Iob, hostem prosternis et triumphas; cum simplicibus humilibus, consolationes recipis et reuelationes diuinas. Sic plane uirum simplicem Iacob habitantem in tabernaculo legimusa, Iob uirum simplicem et rectum, Domino dicente ad Sathan, audimusb; denique et quae sermocinatio Dei sit cum simplicibusc, scriptura teste, tenemus. Propter quod et in Canticis amatoriis sponse dicitur: «Volnerasti cor meum, soror, mea sponsa, in uno oculorum tuorum»d. Oculo nimirum pure simplicitatis ex cuius radiis tota profecto anima diuinam induit claritatem, Domino attestante, qui ayt: «Si oculus tuus fuerit simplex, totum corpus | tuum lucidum erit»e. Sue ergo simplicitati, Virgo puerpera condelectata, tanta dignatione misericordie condescendit ut diuitias glorie sue et delicias thesauri celestis et delectationis angelice quandoque eidem apareret, illum suum benignissimum Iesum infantulum non solum ostendens, uerumeciam Symeonif alteri, uelut inter ulnas intime deuotionis baiulandum ac perfruendum offerens. In cuius sarcine pia gestatione, tantis bonis gratie refectus est et repletus in desideriis animae sueg, ut ueraciter assereret oculum non posse uidere, nec aurem audire, nec in cor hominis ascendere quae praeparauit Deus diligentibus seh. Tantusque ignis diuini amoris celestisque dulcoris in intimis medullis spiritus sui exarsit — cum uiuus sit sermo Dei et penetrabilior omni gladio ancipitii — ut redundantiam tanti impetus celestis profluuii caro ferre non sustinens, a naturali compage destituta, in tremorem paralisis more humano dissolueretur. Necesse enim est terrena succumbere ubi celestia pertractantur: naturalia deficere et silere dum uirtutes diuine dominantur. Cui sic destituto, ut uexatio proprie infirmitatis sibi intellectum aperiret, pius Dominus dixit: «Percute solem gladio si potes, id est uibra aciem tue infirmitatis si potes ad nudam claritatem; summe diuinitatis quo tanto minus pera

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g

Gn 25, 27 Ps 9, 24

h

b c Iob 1, 8; Iob 2, 3 Prv 3, 32 I Cor 2, 9 i Hbr 4, 12

566 apareret] aparret ms.

d

Ct 4, 9

e

Lc 11, 34

f

Lc 2, 25-

f. 105r

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par laquelle le Seigneur l’avait fiancé à sa mère, l’homme de Dieu fut saisi d’une crainte engendrée par sa pure simplicité et sa conscience sincère: il craignit que la Vierge Marie puisse s’offenser de ce qu’il accordât plus son service à son Fils qu’à elle-même, comme s’il se montrait oublieux ou même transgresseur de sa fidélité. Or la Mère très pure, en le consolant avec douceur et bienveillance, lui enseigna qu’il ne s’éloignait guère des services à accorder à la Mère s’il les accordait au Fils, et qu’il ne manquait pas aux louanges du Fils s’il honorait la Mère par des proclamations de louanges. Ô véritablement bienheureuse et sainte simplicité, toi qui accordes aux tonalités de ton langage les accents divins, il n’y a rien de plus heureux que toi: avec le patriarche Jacob, tu prends les devants et reçois la bénédiction; avec Job, tu renverses l’ennemi et tu triomphes de lui; avec les simples, avec les humbles, tu reçois les consolations et les révélations divines. Ainsi nous lisons clairement que Jacob était un homme simple qui habitait une tente, et nous entendons que Job était homme simple et juste, comme le disait le Seigneur à Satan; enfin nous possédons aussi l’énoncé du discours de Dieu avec les simples selon le témoignage de l’Écriture. C’est pourquoi il est dit aussi dans le Cantique d’amour à l’Épouse: «Tu as blessé mon cœur, toi ma sœur, mon épouse, par l’un de tes yeux». Bien sûr, elle l’a blessé par l’œil de sa simplicité pure, par les rayons de laquelle l’âme toute entière se revêt d’une clarté divine, comme en témoigne le Seigneur, qui dit: «Si ton œil est simple, tout ton corps sera dans la lumière». Ainsi donc la Vierge à l’enfant, réjouie par sa simplicité, lui accorda si considérablement sa miséricorde qu’elle lui faisait apparaître parfois les richesses de sa gloire et les délices du trésor céleste et de la joie angélique: non seulement elle lui montrait son bienheureux petit enfant Jésus, mais aussi elle le lui offrait, comme à un autre Siméon, à bercer dans les bras de sa dévotion intime et à s’en réjouir. Dans le pieux exercice de cette charge, il fut restauré par de si grands bienfaits de la grâce et tellement comblé dans les désirs de son âme qu’il pouvait affirmer avec véracité que ce que l’œil ne peut voir ni l’oreille entendre, ce qui ne peut monter au cœur de l’homme, Dieu l’a préparé pour ceux qui l’aiment. Un tel feu d’amour divin et de douceur céleste s’alluma au plus profond de son esprit – la parole de Dieu est vivante et plus pénétrante que tout glaive à deux tranchants – que sa chair, n’étant plus capable de supporter l’excès d’un si violent assaut du flot céleste, fut abandonnée par ses jointures naturelles: elle se désagrégeait dans le tremblement d’une paralysie propre au genre humain. Car il est nécessaire que les réalités terrestres succombent là où les réalités célestes sont approfondies: les instincts naturels se dérobent et se taisent lorsque les vertus divines dominent. Alors qu’il était abattu à tel point que la souffrance due à sa propre infirmité lui ouvrait l’intelligence, le Seigneur miséricordieux lui dit: «Frappe le soleil avec un glaive si tu le peux, c’est-à-dire: fais vibrer la lame de ton infirmité jusqu’à obtenir la clarté pure et simple si tu le peux. Tu pourras d’autant moins atteindre la suprême divinité que tu ne parviendras à

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tingere poteris, quanto gladio materiali hunc solem percutere praeualebis. Quique lactis potum sustinere uix uales, solido cibo uesci quomodo eris idoneusa ? Lucem habito inaccessibilemb in quam acies humane infirmitatis non figitur, nisi amplissima | fidei iusticia emundetur». Homo igitur Dei in cotidiana recordatione passionis Iesu Christi, que paruulis adhuc in Christo tanquam potus salutis sugenda proponitur, deuotissime se exercens passionibus Christi sedula compassione communicando se quasi semper coram Domino mactauit in lacrimis, memorans omnium anxietatum et tribulationum quas pro nobis sustinuit ut nostram salutem operaretur. Cui sic irremediabiliter lacrimanti pius Dominus quandoque dixit ut eum ad sublimiora proueheret: «Hactenus tribulationes quas in humanitate assumpta pertuli fideliter retractans, condolenti animo mihi compaciens defleuisti; deinceps caritatem nimiam qua dilexi hominem perditum et de paterni cordis fonte in sinum matris dignatus sum descendere contemplando, deuotionis uolo te effundere lacrimas et amoris». Qua contemplatione uir Domini ex tunc suspensus, sic in meditationibus suis ad beneficia amoris est accensus, ut quae didicit spiritu, ore silere non posset: caritatis enim emulator, caritatis officium exercere studuit; benificientie Dei conscius, beneficia Dei delectabiliter ruminauit, ut dicere posse Domino: «Quam dulcia faucibus meis eloquia tua super mel et fauum ori meo»c. Vnde et aliquando sibi cum quodam socio suo de diuini amoris misteriis colloquenti, contigit stando prope currum unum, eum integram noctem ducere insompnem dulcedini uerbi Dei sic intendendo, ut sedere uel posse apodiari ad currum penitus obliuisceretur. In quo, nobis litteras scientibus, rubor confusionis ingeritur, cum uidemus indoctos sic sugere uerba Dei, | dulciter ruminare, celum rapere; nosque fastidiosi uerborum Dei lectores, uanissimi intellectores mundi et carnis amatores, cum doctrinis nostris, in infernum demergimur.

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Vir ergo Dei, ut praemissum est in primis, postquam aliquamdiu itaque ad pedes Domini Iesu in spiritu contrito humiliatus, lacrimis penitentie uehementer indulgendo cum Magdalena, peccatorum suorum meruit deponere uetustatem; interim Spiritu mentis sue renouatus, lacrimis compassionis et amoris affluendo, cum electis uirtutum profectu clarescens, a

I Cor 3, 2

b

I Tim 6, 16

c

Ps 118, 103

598 studuit] studuut ms. | 606 dulciter] duliciter ms. | 609 aliquamdiu] aliquamdu ms. | 613 profectu] profectum ms.

f. 105v

f. 106r

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frapper ce soleil avec un glaive matériel. Toi qui es à peine capable de supporter une boisson lactée, comment serais-tu apte à te sustenter d’une nourriture solide ? J’habite une lumière inaccessible à l’intérieur de laquelle le tranchant de l’infirmité humaine ne peut s’implanter, à moins d’avoir été purifié par la sublime justice de la foi». Donc l’homme de Dieu se remémorait quotidiennement la Passion de Jésus-Christ qui se propose en succion comme une boisson de salut à ceux qui sont encore des nourrissons dans le Christ; s’exerçant de la manière la plus pieuse aux souffrances du Christ, en y communiant par une compassion attentive, il se mortifia dans les larmes dans une présence pratiquement constante au Seigneur, faisant mémoire de toutes les angoisses et tribulations qu’il a supportées pour nous afin d’accomplir notre salut. Alors qu’il pleurait ainsi sans espoir de remède, le Seigneur miséricordieux lui dit un jour, afin de l’élever sur des sommets plus sublimes: «Jusqu’ici, retraçant fidèlement les tribulations que j’ai traversées lorsque j’ai assumé mon humanité, tu as pleuré avec compassion pour moi, l’esprit plein de sollicitude; à partir de maintenant, par le fait de contempler l’amour suprême avec lequel j’ai aimé l’homme en perdition et daigné descendre de la source du cœur paternel jusque dans le sein d’une mère, je veux que tu répandes des larmes de dévotion et d’amour». Désormais suspendu dans cette contemplation, l’homme du Seigneur fut tellement enflammé dans ses méditations pour obtenir les bienfaits de l’amour qu’il ne pouvait plus taire par la bouche les choses qu’il avait apprises en esprit et, en imitateur de la charité, il s’appliqua à exercer le devoir de charité; conscient de la bienveillance de Dieu, il rumina avec délice les bienfaits de Dieu, afin de pouvoir dire au Seigneur: «Ô comme elles sont douces tes paroles à mon gosier, bien plus que le miel et ses rayons ne le sont pour ma bouche». De là, il lui arriva une fois, pendant qu’il s’entretenait avec l’un de ses compagnons au sujet des mystères de l’amour divin, de tenir ce dernier éveillé pendant toute une nuit en restant debout près d’une charrette, tellement absorbé par la douceur du verbe de Dieu qu’il en oubliait tout à fait qu’il pouvait s’asseoir ou s’appuyer à la charrette. En cela, pour nous qui connaissons les lettres, la rougeur de la confusion se répand lorsque nous voyons que des ignorants absorbent les paroles de Dieu, qu’ils les ruminent avec douceur et qu’ils ravissent le Ciel, alors que nous, lecteurs arrogants des paroles de Dieu, intellectuels mondains pleins de vanité et amants de la chair, nous nous enfonçons avec nos connaissances en enfer.

Chap. XII. Le baiser trinitaire Donc l’homme de Dieu, comme nous l’avons dit auparavant, après qu’il se fut humilié un temps et de cette façon aux pieds du Seigneur Jésus dans un esprit de contrition, par l’abandon complet aux larmes de la pénitence avec la Madeleine, il mérita de déposer le fardeau de ses anciens péchés; en même temps, rénové dans son âme par l’Esprit, s’épanchant en larmes de compassion et d’amour et resplendissant avec les élus du progrès des vertus, il mérita de revêtir la sain-

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meruit induere sanctitatem. Demum manu pii Domini subleuatus et exortatione roboratus, fiduciam in suo dilecto concipiendo, cum sponsa audet aspirare ad gloriae maiestatem, attollendo uoltum et caput ad os glorie, non solum speculandum sed eciam osculandum. Siquidem desideriis sublimioribus inardescens, in leticia salutaris sui et spiritu principalia exurgens, tria petiuit animae sue fieri uidelicet ut ad osculum diuinitatis admitteretur, dicens cum sponsa in Canticis: «Osculetur me osculo oris sui»b. In quo osculo, lector, non intelligas impressionem labiorum, cum de concorporaliter non tangat sed fide, sed in osculo sponse et sponsi intellige reuelationem secretorum, infusionem gaudiorum indiscretam et unitam conuinctionem superne luminis et illuminate mentis. Vnde in hoc iuxta tria apropriata Tribus Personis, quemadmodum et sponsa, triplicis agnitionis gratiaque uir Dei petiuit sibi infundi. Primo ergo petiuit ut infuso lumine desuper ad reuelationem misteriorum, ubertate influente de sursum | ad imbrem meditationum, sapientia ebulliente ab intra ad intelligentiam diuinorum sermonum, osculum sibi daretur a filio. Quo dignanter admisso et reuerenter suscepto, desiderauit cordi dilecti sui Iesu Christi, in quo sunt omnes thesauri sapientie et scientie absconditic, inconuulsibiliter uniri, ut, desideriis pii amoris interuenientibus in ipso, cum beato Iohanne ewangelista sanctae contemplationis ocio requiescens, sapientie fluenta in suo fonte delectabiliter hauriret. Secundo petiuit ut pinguedine deuotionis aspergente, superius uanitate uilescente, inferius ueritate inflammante, interius gratia uisitationum non extollente, exterius osculum sibi daretur a spiritu sancto. In quo torrente uoluptatis et fontalis amoris nectare potatus, in magna multitudine dulcedinis cordis sui concupiuit cordi spiritus sancti, id est ipsi fonti amoris coniungi. Ibi attractus, audiuit: «Vide hic cor de corde» id est spiritum sanctum de filio et patre procedentem uel amorem de noticia denique, quia quos filius instruit ut discipulos, spiritus sanctus consolatur ut amicos, hos pater tandem exaltat ut filios. Tercio petiuit ut Deo ipsum per influentem gratiam semper enutriente, ipsoque, affectibus et actibus, diuine dignationi debite respondente, gratia Dei quoque non uacuad apud ipsum mansionem faciente, osculum sibi daretur a patre. In quo fontalis originis ac processionis et emanationis omnium rerum illustratione edoctus, ut sibi clarefaceret graduum creaturarum distinctio, bonitatum participatio et omnium diuiciarum et deliciarum nature | et gratiae glorieque ab uno fonte deriuatio, in ammiratione omnium mirabilium et perfruitione omnium delectabilium, paterno cordi, id est fonti tocius bonia

Ps 50, 14

b

618 et] om. ms.

Ct 1, 1

c

Col 2, 3

d

I Cor 15, 10

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teté. Soulevé par la main du Seigneur miséricordieux et fortifié par son exhortation, en accordant sa confiance à son bien-aimé, il osa avec l’Épouse aspirer à la majesté de la gloire en tournant son visage et sa tête vers la face glorieuse, non seulement pour la regarder mais aussi pour la baiser. Puisqu’effectivement enflammé par des désirs plus sublimes, il s’élevait dans la joie de son salut et dans un esprit magnanime, il demanda pour son âme que trois vœux s’accomplissent afin d’être admis au baiser de la divinité, en disant avec l’Épouse dans le Cantique: «Qu’il me baise du baiser de sa bouche». Par ce baiser, lecteur, veuille ne pas entendre la pression des lèvres – puisqu’il n’y a pas de contact par une union des corps, mais par la foi –, mais dans ce baiser entre l’Épouse et l’Époux entends plutôt la révélation des secrets, un épanchement fusionnel de joies et un lien d’unité entre la lumière suprême et l’esprit illuminé. De là vient que selon les attributs propres aux Trois Personnes, l’homme de Dieu, tout comme l’Épouse, demanda d’être inondé par la grâce d’une triple connaissance. Donc, premièrement, il demanda que la lumière se répande d’en haut pour la révélation des mystères, que la fécondité s’écoule du ciel en une pluie de méditations, que la sagesse déborde de l’intérieur pour l’intelligence des discours divins, et qu’ainsi un baiser lui soit donné par le Fils. Ce vœu ayant été justement accordé et le baiser reçu avec révérence, il désira aussi être uni de manière indissoluble au cœur de son bien-aimé Jésus-Christ, dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance: ses pieux désirs d’amour y trouvant leur accomplissement, il reposerait avec le bienheureux Jean l’Évangéliste dans le repos de la sainte contemplation, et puiserait avec délectation les flots de la sagesse à cette source. Deuxièmement, il demanda d’être aspergé par l’abondance de la dévotion: qu’audessus la vanité l’abandonne, qu’en-dessous la vérité l’enflamme, qu’à l’intérieur la grâce des visitations ne le pousse pas à l’orgueil et qu’ainsi, à l’extérieur, un baiser lui soit donné par l’Esprit-Saint. Abreuvé à ce torrent de volupté et au nectar de la source d’amour, dans l’immensité de la douceur de son cœur, il désira être uni au cœur de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire à la source même de l’amour. Attiré par cet élan, il entendit: «Vois ici le cœur qui vient du cœur», c’est-à-dire l’Esprit-Saint qui procède du Fils et du Père, ou, en fin de compte, l’amour qui provient de la connaissance, puisque ceux que le Fils instruit comme ses disciples, l’Esprit-Saint les console comme des amis, et le Père enfin les exalte comme des fils. Troisièmement, il demanda que Dieu le nourrisse toujours par l’affluence de la grâce, que lui-même réponde comme il se doit par ses élans et ses actes à la faveur divine, et que la grâce de Dieu ne fasse pas en vain sa demeure auprès de lui: tel serait le baiser donné par le Père. Il fut donc instruit par l’illustration de cette source originelle dont procède et émane toute chose: ainsi lui furent clairement révélées la distinction des degrés des créatures, leur participation aux bontés ainsi que la dérivation à partir d’une source unique de toutes les richesses et de tous les délices de la nature, ainsi que de la grâce et de la gloire; dans l’admiration de toutes les merveilles et la jouissance de tous les biens délectables, il mérita d’être immergé dignement dans le cœur paternel, c’est-à-dire

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tatis meruit dignanter immergi. Audiens sibi tunc praestitum quod ante fuerat sibi promissum: «Ego te ducam in Sancta Sanctorum». In qua emersione, tanta connexione Trinitati deifice uidebatur unitus, ut ipse se reputaret electissimum organum et excellentissimum uelud instrumentum, si ita fas esset, coniunctionis inter se diuinarum personarum. Quid hac, carissimi, sublimitate iocundius, quid hac conformitate sublimius, quid hac iocunditate optabilius qua fit ut o tu felix anima, humano magisterio non contenta, per temet fiducialiter accedas ad filium, spiritui sancto constanter inhaereas, patrem familiariter percuncteris consultesque de omni re, quantum intellectu capax, tantum audax desiderio. Plane beatus complexus est iste, cum tibi, cum beata Trinitate idem esse uelle, et idem nolle non reuerendum in tanta connexione personarum claudicare ullo modo conuenientiam uoluntatum. Introisti, o beata anima, iam in potentias Domini tuia, memorum potentior facta ad adiuuandum: precor, miserere.

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Post hec, uiro Dei in sanctae experientie sue dulcedine et fruendi gaudio cum gratiarum actionibus iugiter perseuerante, contigit aduenire festiuitatem beati Martini5. Et quia in festiuitatibus sanctorum, frequentius eum specialiusque praerogatiua consolationum Dominus consueuerat uisitare, adueniente uisitationis tempore, uiro Dei in expectatione constituto, Dominus suum modum uisitationis immutauit; quod perpendens uir Dei, ad se reuersus, dixit ad | Dominum: «O dulcissime Domine, quid uobis retribuam pro omnibus quae retribuistis michib ? Minor sum cunctis miserationibusc uestris; omne bonum mihi si uobis perseuerauero promisistis. Insuper et quidem omnia desideria mea impleueritis, in multitudine uestre misericordie michi fideiussores excellentissimos obligastis et hec omnia ad plenum perfecistis et ulteriora exhibuistis et ego, tanquam ingratus pro collatis bonis, immemor pro acceptis beneficiis, tanquam expers uestre bonitatis usque in praesens, ut perpendo semper in propria electione, uixi. Desideriis meis me ipsum dereliqui ac proprie uoluntati minus caute faui quam debui. Non sic Domine, non sic mihi expedit, non uestre bonitati congruit; nobis enim proprium est habere propriam uoluntatem, nullius est nisi uestram sequi et attendere superiorem uoluntatem. Vestra enim lege a

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c

Bernardus Clarevallensis, Sermones in Cantica canticorum, sermo XXVI, 5 Gn 32, 10

681 nobis] uobis ms. 5

Fête de saint Martin: 11 novembre.

b

Ps 115,

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dans la source de toute bonté. Il entendit qu’il lui était alors accordé ce qui lui avait été promis auparavant: «Moi je te conduirai dans le Saint des Saints». Dans cette immersion, il lui semblait être uni à la Trinité divinisante dans une relation tellement étroite qu’il se considérait lui-même comme en étant un membre privilégié et comme instrument par excellence – si l’on pouvait oser l’expression – de la conjonction des personnes divines entre elles. Quoi de plus joyeux, mes très chers frères, que cette sublimité, quoi de plus sublime que cette conformité, quoi de plus souhaitable que cette joie par laquelle il se fait que toi, ô âme bienheureuse, non contente de l’enseignement humain, tu accèdes avec confiance par toi-même au Fils, tu adhères avec constance à l’Esprit-Saint, tu interroges avec familiarité le Père et tu le consultes au sujet de toute chose, te montrant d’autant plus incisive dans ton intelligence que tu es hardie dans ton désir. Bienheureux embrassement en vérité ! Il signifie pour toi vouloir avec la bienheureuse Trinité ce qu’elle veut et ne pas vouloir ce qu’elle ne veut pas, sans craindre que, dans une telle connexion des personnes, l’harmonie des volontés ne puisse vaciller en aucune façon. Tu es entrée désormais, ô âme bienheureuse, dans le royaume de ton Seigneur, rendue plus forte pour aider ceux dont tu gardes la mémoire; je t’en prie, prends pitié d’eux.

Chap. XIII. Reconnaissance de Pierre envers le Christ; son humilité Après ceci, tandis que l’homme de Dieu persévérait sans interruption dans la suavité de sa sainte expérience et dans la joie qu’il en retirait avec des actions de grâce, il se fit qu’arriva la fête du bienheureux Martin. Lors des fêtes des saints, le Seigneur avait l’habitude de le visiter plus fréquemment et plus spécialement par le privilège de ses consolations. Aussi, comme le moment de la visitation était arrivé et que l’homme de Dieu se tenait dans l’expectative, le Seigneur changea sa façon de le visiter; considérant cela, l’homme de Dieu, en son for intérieur, dit au Seigneur: «Ô très doux Seigneur, que vous rendrai-je pour tous les bienfaits dont vous m’avez gratifié ? Je suis indigne de toutes vos faveurs; vous m’avez promis tous les bienfaits si je persévère à votre service. En outre, vous aurez accompli tous mes désirs, dans l’abondance de votre miséricorde, vous vous êtes engagé à mon égard par d’excellents gages de foi et tout ceci vous l’avez fait à la perfection – et vous m’avez montré bien plus encore; et moi j’ai vécu, comme je peux en juger, toujours selon mon propre choix, comme un ingrat en regard des biens qui m’ont été attribués, oublieux des bienfaits reçus, comme si j’avais été dépourvu de votre bonté jusqu’à présent. Je me suis abandonné moi-même à mes désirs et j’ai favorisé ma propre volonté avec moins de prudence qu’il n’aurait fallu. Non, Seigneur, une telle attitude n’est pas dans mon intérêt, elle ne s’accorde pas à votre bonté; car il nous est propre d’avoir une volonté propre, mais cela ne nous sert en rien si nous ne suivons la vôtre et ne sommes attentifs à cette volonté supérieure. En effet, dans votre loi, il est écrit:

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scriptum est: “Qui non abnegat semetipsum et sequitur me, non est me dignus”a. Ideoque, benignissime Domine, abrenuncio stare deinceps proprie electioni, mee uoluntati initi secundum mea desideria, uestris consolationibus quibus hactenus me lactastis uberibus infantie mee delectari, ut sicut meis desideriis semper satisfacere studuistis, ita uestris beneplacitis ac uoluntati, in uestre caritatis affectuosis desideriis adimplendis inconfusibiliter deseruire contendo. Dum enim fui paruulus, sapiebam ut paruulusb, uolebam ut paruulus, faciebam ut paruulus, modo quia adoleui, in uirum accingi uiriliter cupio, solido cibo uescic desidero, ad sublimia opera me extendo». Et ecce continuo sibilus diuine inspirationis sibi immittitur, pro missionis diuine arra sibi proponitur et | arrogatur uox scilicet dicentis: «Data est tibi omnis potestas impetrandi quae uis siue in celis siue in terris»d. Hic diligenter attende, lector, quanta facilitate et dignatione diuina maiestas se timentibus coram se humilibus et per gratiarum actionem praesentibus se inclinet, ut nichil efficatius istis ad gratiam inueniendam, retinendam et recuperandam coram Deo inueniatur. Cur ergo homo coram Deo suo se non humiliet, paruum et benignum exhibeat, cum et ipse Deus, si ratione diiudicamus, talem se in omnibus quasi praebeat ? Hac ergo promissione potestatis ac securitate a uiro Dei recepta, in uoces laudis et gratiarum ex omni corde suo actiones resolutus, decantabat Domino dicens: «Benedic, anima mea, Dominum et omnia quae intra me sunt nomini sancto eius. Benedic, anima mea, Domino, et noli obliuisci omnes retributiones eius»e. Et addidit insuper: «Domine, quod ex me minus sufficio caritate uicaria ex sanctorum uestrorum supererogationibus suppleo. Offero itaque uobis, praesentissime Domine, gloriose matris uestre grata uobis impensa, beneficia quae uobis, lactando sacris uberibus, inuoluendo fassiis infantilibus, imprimendo dulcibus osculis, nutriendo propriis laboribus ac impendendis maternis affectibus dulciter exhibuit. Insuper angelorum ministeria et sancta praeconia omniumque apostolorum, martyrum, confessorum atque uirginum, omniumque sanctorum merita ad ea quae mihi desunt efficaciter supplenda». Super quibus, Dominus pius tanquam sibi beneplacitis benigne acceptare officium assumens, liberalissima benignitate se ei amorosum in omni gracia dulciter exhibuit. De quo, uir Domini mirabiliter excitatus, eciam adiuratus laudes amoris | Christi et praeconia silere non potuit. Vnde cum in colloquio fratrum materia ewangelii quoad illud uerbum Christi: «Discite a me, quia mitis sum et humilis a

12-13

Mt 10, 38; Mt 16, 24; Lc 9, 23 d Mt 28, 18 e Ps 102, 1-2

714 acceptare] acceptate ms.

f

b I Cor 13, 11 Mt 11, 29

c

I Cor 3, 1-2; I Cor 13, 11; Hbr 5,

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‟celui qui ne se renie pas lui-même et ne me suit pas n’est pas digne de moi”. C’est pourquoi, Seigneur très bon, je renonce à m’en tenir dorénavant à mon propre choix, à m’appuyer sur ma volonté selon mes désirs, à me délecter de vos consolations par lesquelles vous avez allaité mon enfance avec abondance jusqu’à ce jour; de cette façon, tout comme vous avez toujours veillé à satisfaire mes désirs, je prétends me mettre au service de votre volonté et de tout ce qui vous sera agréable pour accomplir de façon irréprochable les affectueux désirs de votre charité. Car aussi longtemps que je fus enfant, je savais comme un enfant, je voulais comme un enfant, j’agissais comme un enfant; à présent maintenant que j’ai grandi, c’est en tant qu’homme que je souhaite être armé comme un homme, je désire me nourrir d’un aliment solide, je me déploie vers les œuvres sublimes». Et voilà qu’à l’instant le souffle de l’inspiration divine lui est transmis et proposé en gage de sa mission divine, et une voix s’ajoute au souffle, voix de celui qui dit: «Il t’a été donné tout pouvoir d’obtenir ce que tu veux, que ce soit au Ciel ou sur la terre». Ici, remarque avec diligence, ô lecteur, avec quelles grandes félicité et magnanimité la divine majesté s’incline elle-même devant les humbles qui la craignent et qui se présentent à elle par une action de grâces, de telle façon que ceux-ci ne sauraient rien trouver de plus efficace pour trouver, retenir et récupérer la grâce devant Dieu. Pourquoi donc l’homme ne s’humilieraitil pas devant son Dieu et ne se montrerait-il pas petit et bienveillant alors que Dieu lui-même, si nous jugeons selon la raison, se montre tel presque en toute circonstance ? Donc, alors que l’homme de Dieu avait reçu cette promesse de pouvoir et cette assurance, se répandant de tout son cœur en chants de louange et d’actions de grâces, il chantait pour le Seigneur avec ces paroles: «Bénis, ô mon âme, le Seigneur, et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom. Bénis, ô mon âme, le Seigneur, et n’oublie pas tous ses bienfaits». Et il ajouta là-dessus: «Seigneur, ce par quoi je suis insuffisant, je le supplée par la charité vicaire provenant du trop-plein des dons de vos saints. C’est pourquoi je vous offre, ô Seigneur très éminent, les dons qui vous sont agréables, dons de votre Mère glorieuse, bienfaits qu’elle vous a montrés avec douceur en vous allaitant de ses seins sacrés, en vous emmaillotant dans les langes du nourrisson, en vous couvrant de ses doux baisers, en vous nourrissant par ses propres labeurs et les élans de son amour maternel. Et en outre, pour être efficace, il faut ajouter à ce qui me fait défaut le ministère des anges et les saintes proclamations de tous les apôtres, martyrs, confesseurs et vierges, ainsi que les mérites de tous les saints». Làdessus, comme si ces paroles lui étaient agréables, le Seigneur miséricordieux, assumant le devoir d’accepter avec bienveillance, se montra délicatement plein d’amour pour lui dans toute sa grâce, avec la plus grande bonté. Aussi l’homme du Seigneur, animé de manière merveilleuse, et même si on lui enjoignait de faire silence, ne put taire les louanges de l’amour du Christ ni leur proclamation. De là vient que dans un entretien avec ses frères au sujet de l’Évangile, un jour où il était tombé sur ce mot du Christ: «Mettez-vous à mon école, parce que je

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corde»a, quandoque incidisset, dixit: «Aliquando neminem posse talem humilitatem attingere scientie magnitudine uel longi studii consuetudine, nisi quem diuini amoris scola ad hoc prouexerit; uisio enim multarum diuitiarum bene constat sapientibus siue scientie studentibus, sed possessio debetur et seruatur humilibus. Vnde et de diuina sapientia licet legatur quod in omnibus requiem quaesiuit, solum tamen legitur quod in humilibus inuenit, quia ipsam non docet lingua sed gracia absconditur a prudentibus et sapientibus, et reuelatur paruulis»b.

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Alio quoque tempore, uir Domini quidquam negotii expleturus, diuertit ad quamdam uillam et audiens praedicari illud ewangelii de Filio «Data est mihi omnis potestas in celo et in terra»c et illud «Pater omne iudicium dedit Filio»d, uehementissime in seipso compunctus et dolore cordis et zelo pietatis ex habundanti compassione pro peccatoribus tactus et accensus intrinsecus, totus infremuit contra Filium, sic pro peccatoribus misericordiam interpellans: «Domine Fili, cuncta sunt in dicione tua nunc posita, nec est qui possit resistere tue uoluntatie, cum tibi data sit omnis potestas in celo et in terraf. Quare tot iniquitatum multitudinem sustines ? Quare curam proprii plasmatis non habes ? Cur homines tuo sanguine redemptos sic errare permittis ? Cur de atriis tuis et regno te exturbare spoliaque tua deripere sinis ? Ecce inimici tui sonauerunt et qui oderunt te extulerunt caput, super populum tuum malignauerunt consilium, semper aduersus sanctos tuosg. Memor esto, obsecro, quia uane constituis omnes filios | hominum. Weritati enim creatura subiecta est eciam non uolens, praesertim cum et proni sint sensus hominis ab adolescentia sua ad malum. Sed quid hoc ad potestatis tue magnitudinem ? Omnia enim quae uoluisti, fecisti et facere potes; ubi obsecro, sententia tua ego si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad me ipsumh. Certe potestatem habes, quia data est tibi omnis potestasi, nec dubium quin quitquit iusseris factum erit, quitquit indulseris indultum erit, quitquit sententiaueris firmum erit. Pater enim tibi dedit omne iudiciumj et ecce simulans arras hominum, paruipendis salutem tuorum». Et totis praecordiis, sic uir Dei ingemiscens et fraterne salutis emulator impaciens, in uehementissimo spiritus suo impetu Patrem aggreditur, dicens: «O dulcissime Pater, michi, obsecro, succurrite,

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a b c Mt 11, 29 Mt 11, 25; Lc 10, 21 Mt 28, 18 Mt 28, 18 g Ps 82, 4 h Io 12, 32 i Mt 28, 18 j Io 5, 22

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Io 5, 22

723 et seruatur] en glose marginale, le et est extrapolé (rognage de la feuille)

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Est 13, 9

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suis doux et humble de cœur», il dit: «Personne ne peut parvenir à un tel degré d’humilité par la grandeur de la science ou par l’habitude d’une longue étude à moins que l’école du divin amour ne l’y ait conduit; car si la vision de richesses considérables peut bien s’accorder aux sages ou à ceux qui étudient la science, leur possession est due et réservée aux humbles. De là s’explique qu’on peut lire de la sagesse divine qu’elle recherche le repos en tous; cependant on lit qu’elle le trouve seulement chez les humbles, parce que ce n’est pas une langue qui l’enseigne; mais par grâce elle est cachée aux savants et aux sages et révélée aux tout-petits».

Chap. XIV. Révolte de Pierre contre le Christ; retour à la paix Une autre fois, l’homme du Seigneur, ayant à expédier une affaire, arriva dans un village où il entendit un sermon sur ce passage de l’Évangile à propos du Fils: «Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la terre»; ainsi que cet autre passage: «Le Père a conféré au Fils tout jugement». Profondément affligé, il fut touché par la douleur du cœur et enflammé intérieurement par le zèle de la piété, à cause de son immense compassion envers les pécheurs, et de tout son être il frémit d’indignation contre le Fils en interpellant ainsi sa miséricorde pour les pécheurs: «Seigneur, toi qui es le Fils, toutes choses sont placées en ton pouvoir et il n’est personne qui puisse résister à ta volonté, puisque tout pouvoir t’a été donné au Ciel et sur la terre. Pourquoi supportes-tu une telle multitude d’injustices ? Pourquoi ne prends-tu pas soin de ta propre créature ? Pourquoi permetstu que les hommes que tu as rachetés par ton sang puissent errer ainsi ? Pourquoi tolères-tu qu’on te chasse de tes églises et de ton Royaume, et qu’on t’arrache ton butin ? Voilà que tes ennemis se sont fait entendre et que ceux qui te haïssent ont levé la tête, ils ont ourdi un plan maléfique contre ton peuple, ils se dressent toujours contre tes saints. Souviens-toi, je t’en supplie, parce que c’est en vain que tu élèves tous les fils des hommes. En effet, la créature est soumise à la vérité même quand elle ne le veut pas, surtout du fait que les sens de l’homme sont enclins au mal dès l’adolescence. Mais qu’est ceci comparé à la grandeur de ta puissance ? En effet, tout ce que tu as voulu, tu l’as fait et tu peux toujours le faire; quand je te supplie, ta sentence me vient à l’esprit: ‟moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi toute chose”. Certainement tu détiens ce pouvoir puisque tout pouvoir t’a été donné et il n’y a pas de doute que tout ce que tu auras ordonné sera accompli, tout ce que tu auras concédé sera concédé, tout ce que tu auras décidé restera établi. En effet, le Père t’a conféré tout jugement et voici qu’en même temps que tu simules de donner des garanties aux hommes, tu méprises le salut des tiens». Et ainsi de tout son cœur, gémissant, en zélateur impatient du salut de ses frères, l’homme de Dieu s’en prend au Père dans un élan passionné de son esprit, en disant: «Ô Père très doux, je vous en supplie, venez à

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auxilium ferte, causam meam diiudicate: conqueror uobis de uestro Filio, qui cum a uobis potestatem acceperit, potestate abutitur; cum iudicium acceptauerit, dissimulatione transgreditur. Obsecro, Pater, causam meam defendite de uestro Filio; ut desidero, michi uindictam facite. Et rursus iam sibi amplius seruire non curo, consolationes suas accipere nolo, laudes et gratiarum actiones sibi non offero, nisi causas peccantium melius discutiat, benignius corrigat, cicius emendet. Sed uobis, Pater, deinceps uacare cupio, Spiritui Sancto me fidelem deuoueo, Virginique matri meipsum despondeo. In uobis uolo delectari, per uos ut potero confortari». Sic uehementia fraterni amoris indignatus, uir Dei transiens quandoque tunc in praesentia crucifixi, ei non solum inclinare | noluit, uerum eciam uix respicere. O ebrietas, o furor impetuosi amoris, cur sic debacaris in simplicem spiritum ? Cur in pauperem tuum sic tuas uires exaggeras ? Nam et hominem mutas et sensum alienas; impetra sibi desiderium animae sue ut reddatur naturae sue. Dum hec itaque aguntur, uir Domini ad priuatum locum se contrahit, ut suo dolori ex loci oportunitate liberius indulgeat; et ecce pius Dominus, ille quondam amatus suus, Christus Iesus, se offert ad eius praesentiam, super obiectis petens indulgentiam, spondens emendam, rogansque ut in hac sponsione sibi crederet, nec ullatenus dubitaret. Et cum sic quasi uiolenter a Domino ad pacem attraheretur, dixit ad Dominum: «Hanc pacem quasi uiolenter extortam inter me et te, Domine, inconcussam seruare differo, nisi pro desiderio meo, emendationis signa in peccatoribus per te fieri euidentius cognouero». Cui pius Dominus: «Et quid tibi cum peccatoribus ? Tua praemia pro meritis tuis te expectant, salua remanent, secura seruantur pro aliis; cur etiam sollicitus ?» Et ille: «Pacem tuam solus nolo; fratres meos in pace desidero, omnium salutem intendo». O caritas uere compaciens ! Sic Moyses, populi Dei zelator iustissimus, Domino dixisse legitur: «Domine, dele hanc noxam populi aut me deleas de tuo libro quem scripsisti»a. Dominus quoque ad uirum Dei addidit, dicens: «Michi in omnibus hiis credere debes. An tibi excidit quomodo desideriis tuis abrenunciaueris, quomodo a propriis | electionibus te uoto remoueris, quomodo amplius meis uoluntatibus parere promiseris, quomodo omnia tua pro desideriis amoris mei adimplendis libenti animo obtuleris ? Ego, carissime fili, cum in ewangelio meo dixerim eadem mensura qua mensi fueritis remetietur uobisb, ecce quia omnia tua dolores, an-

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Ex 32, 31-32

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mon secours, accordez-moi votre aide, jugez ma cause: je me plains à vous de votre Fils, lui qui, alors qu’il a accepté de vous le pouvoir, abuse de ce pouvoir; et alors qu’il a accepté le jugement, transgresse son devoir par négligence. Je vous en supplie, Père, prenez la défense de ma cause au sujet de votre Fils et faites-moi justice comme je le désire. Et je ne me soucie plus désormais de le servir davantage, je ne veux plus accepter ses consolations, je ne lui offre plus de louanges ni d’actions de grâces, s’il n’examine pas mieux les causes des pécheurs, s’il ne les corrige pas avec plus de bonté, s’il ne les redresse pas avec plus d’empressement. Mais c’est envers vous, Père, que dorénavant je désire m’engager, à l’Esprit-Saint je me dévoue fidèlement, à notre Mère la Vierge je veux rester fiancé. C’est en vous que je veux me délecter, pour pouvoir être conforté par vous». C’est ainsi qu’indigné en raison de la véhémence de son amour pour ses frères, l’homme de Dieu, passant un jour devant le crucifix, non seulement ne voulut pas s’incliner devant lui mais, en plus, daigna à peine le regarder. Ô ivresse, ô impétuosité d’un amour passionné, pourquoi te déchaîner ainsi dans un esprit simple ? Pourquoi décupler ainsi tes forces en ton pauvre sujet ? Car à la fois tu changes l’homme et tu aliènes son bon sens; obtiens pour lui ce qui est le désir de son âme, afin qu’il soit rendu à sa propre nature. Pendant que ces choses se passent ainsi, l’homme du Seigneur se retire dans un lieu privé afin de donner plus librement cours à sa douleur – puisque le lieu le permet; et voilà que le Seigneur miséricordieux, celui qui avait été autrefois son bien-aimé, le Christ Jésus, s’offre à sa présence en demandant l’indulgence pour les objections qui le concernent, en promettant réparation et en demandant que dans cette promesse il croie en lui et qu’il ne doute plus en aucune manière. Et alors qu’il était ainsi attiré vers la paix de façon presque violente par le Seigneur, il dit à celui-ci: «Cette paix presque violemment extorquée entre toi et moi, Seigneur, je remets à plus tard de l’observer fermement, à moins que, selon mon désir, je n’apprenne avec plus d’évidence que des signes de réparation apparaissent sous ton impulsion parmi les pécheurs». Et le Seigneur miséricordieux de lui répondre: «Et en quoi es-tu concerné par les pécheurs ? Tes récompenses t’attendent, à la hauteur de tes mérites; elles restent sauves, elles sont assurées pour d’autres: pourquoi es-tu encore préoccupé ?» Et lui de répondre: «Ta paix, je ne la veux pas pour moi seul; ce sont mes frères que je désire voir en paix; c’est au salut de tous que je tends». Ô charité vraiment compatissante ! C’est ainsi que Moïse, le très juste défenseur du peuple de Dieu, dit au Seigneur comme on peut le lire: «Seigneur, efface ce châtiment destiné à ton peuple ou bien alors efface-moi du livre que tu as écrit». Le Seigneur ajouta aussi à l’intention de l’homme de Dieu cette remarque: «Dans tout ceci, tu dois croire en moi. Est-ce que t’échappe la façon dont tu as renoncé à tes désirs ? ou comment tu t’es écarté de tes propres choix par un vœu ? ou comment tu as promis de te soumettre plus largement à mes volontés ? ou encore comment tu as offert de bon gré toutes tes ressources afin d’accomplir les désirs de mon amour ? Moi, mon très cher fils, puisque j’ai dit dans mon Évangile que la mesure dont vous vous serez servi servira aussi de me-

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gustias, gratiarum actiones quas uoluntarie pro me sustinuisti, mihi et amicis meis dedisti amore mei; et do tibi omnes dolores, angustias et tribulationes quas passus sum, inimicorum tuorum et tui auxilium uolens nunc a te perfici, et adimpleri quae olim firma promissione ac proposito apud te facere statuisti, uidelicet quod tu aliquando mihi in anima tua delectabile habitaculum faceres, et meis passionibus ueraciter communicans, id ipsum quod in corpore meo sustinui peccatoribus in teipso sentires, adimplens, secundum apostolum meum, quae desunt passionibusa. Vnde, uolo te contempni sicut et ego contemptus sum, exprobrari sicut ego exprobratus sum, te tanquam nouissimum omnium ab omnibus eieci, sicut et ego tanquam nouissimum omnium abiectus sum. Sicque michi assistendo ad peccatorum emendationem de qua me arguis, tibi in omnibus semper assistam, nec te destram ut fedus perpetue pacis inter te et me inconuulsibiliter confirmem». Hiis auditis, uir Domini caritatis ardore accenditur, quitquit factum est ab eo diligenter discutitur, multitudo bonorum | et beneficiorum Dei in medio proponitur, gratiarum actio pro acceptis beneficiis ad mentem reducitur. Et ecce nichil dignum deprehenditur quod Christi passionibus adiciat, quod gratum Deo pro peccatoribus offerat, quod iram Dei pro peccatoribus placari ualeat.

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Sic sollicito in cogitationibus suis quibus dignis passionibus respondere Deo possit, incidit menti sue manus et pedes suos clauis ferreis uelle perforare, ita forsan Dominum sequi cogitans, cum dixerit: «Qui non accipit crucem suam et sequitur me, non est me dignus»b. Sed talia cogitans, timor ne se perimeret in eum irruens, ne hoc faceret corripuit et impediuit. Sed Dominum exhortantem mente pertractans qui usque in finem adiutor eius existeret, interno mirabilique feruore confortatur, timorem humanum dispulit manusque et pedes clauis ferreis modo quo poterat perforando, quod ceperat opere adimpleuit. In quo, uirum Dei mirabilem et admirandum magis quam imitandum censuerim. Legimus tamen beatum Martinum6, feruore fidei, Iuliano imperatore7 cupiente, se inhermem uoluisse armatis barbaris obicere; et si, Domino impediente, non potuit adimplere, a

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Mt 10, 38

793 sustinui] stustinui ms. 6

Saint Martin (v. 316-397).

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Julien l’Apostat, empereur romain de 361 à 363.

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sure pour vous, voilà que tout ce que tu as supporté volontairement pour moi – les douleurs, les angoisses, les actions de grâces –, par amour de moi tu nous les as offertes à moi et à mes amis; et je t’offre toutes les douleurs, les angoisses et les tourments que j’ai subis, voulant que tu mènes maintenant à bonne fin ton salut et celui de tes ennemis et que tu accomplisses ce que tu as décidé jadis de faire par une promesse et une résolution fermes: à savoir que tu me ferais un jour en ton âme une agréable demeure, et que communiant véritablement à mes souffrances, tu sentirais en toi cela même que j’ai enduré en mon corps pour les pécheurs, complétant, comme le dit mon Apôtre, ce qui manque encore à mes souffrances. Par conséquent, je veux que tu sois méprisé comme moi aussi j’ai été méprisé, insulté comme moi j’ai été insulté, rejeté par tous comme le dernier de tous comme moi aussi j’ai été relégué comme le dernier de tous. Et ainsi, si tu m’assistes dans la correction des pécheurs, à propos de laquelle tu m’adresses des reproches, je t’assisterai toujours en toute circonstance, et je m’engagerai à sceller une alliance de paix perpétuelle entre toi et moi». Entendant ces paroles, l’homme du Seigneur est enflammé par l’ardeur de la charité: tout ce qui a été accompli fait l’objet d’un débat diligent en son for intérieur, la multitude des biens et des bienfaits de Dieu occupent le centre de ses pensées, l’action de grâces pour les bienfaits reçus revient en son esprit. Et voilà qu’il ne peut rien envisager de digne à ajouter aux souffrances du Christ, rien qu’il puisse offrir pour les pécheurs et qui soit agréable à Dieu: rien qui puisse apaiser la colère de Dieu pour les pécheurs.

Chap. XV. Pierre se marque des stigmates Ainsi absorbé en ses pensées pour savoir par quelles souffrances dignes de considération il pouvait répondre à Dieu, survint en son esprit le désir de transpercer ses mains et ses pieds avec des clous de fer, en pensant pouvoir suivre ainsi le Seigneur lorsqu’il dit: «Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi». Mais en méditant de telles pensées, survint en lui la peur qu’il ne se tue; cette crainte le saisit et l’empêcha de passer à l’acte. Mais soupesant dans son esprit l’exhortation du Seigneur qui resterait son appui jusqu’à la fin, et réconforté intérieurement par une admirable ferveur, il écarta la peur humaine et en transperçant comme il le pouvait ses mains et ses pieds avec des clous de fer, il mena à bien son projet. En ceci, je considérerais que l’homme de Dieu est admirable et doit être admiré plus qu’imité. Nous lisons cependant que le bienheureux Martin, à cause de la ferveur de sa foi et parce que l’empereur Julien le désirait {comme soldat}, voulut marcher sans défense à l’encontre des barbares armés; et bien qu’il ne put accomplir son projet, empêché par le

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nam dilecti sui militis fidei constantiam Dominus sentiens et animam seruans et si alias seruare potuisset, pugne tamen exemit necessitatema. Huius quoque cari sui pii amoris feruorem considerans, celerem uolnerum pro suo amore inflictorum adduxit sanitatem, | ut uix cicatricum in eo uestigia apparerent.

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Post hec, uir Dei, continua sollicitudine pii amoris desideriis supernis inuigilans ac sui profectus perfectionisque metas discutiens, sensit sibi duo deesse ad perfectum annulum meritorum et saturitatem desideriorum. Vnum erat quod Dominus, in anima sua suis consolationibus eum uisitans, non nisi ab eo licentiatus recederet, aliud fuit quod caritas, pro uoluntate sua sibi semper obediens, praesentiam sui dilecti quando uellet exhiberet. Dixitque: «O caritas, plantula celestis, liquor spiritualis, radius diuinitatis, donum salutis, nuncia dilecto quia amore langueob. Quis mihi dabit ut mei ardoris legationem peragas, languorem exponas, amorem perferas, decorem referas, dilectum inclines, uolneres impassibilem, liges insuperabilem, trahas incommutabilem, captiues omnipotentem ? Vt et ego ueniens ipsum inueniam, ipsum tenens non dimittam, ipsum stringens non deficiam, ipsi adherens cordi suo me uniam. O pulcra inter uirtutes, dealbata inter celestes clarescens, inter conciues uera caritas, cara eternitas, eterna ueritasc, nichil te suauius, nichil te sublimius, nichil te secretius ! Ascende ergo in altum, reducem dilectum captiuum, certe ipsum non dimittam donec eum introducam intus ad cor animae, atque cor ipsius meo forti nectam glutino. O si fieret ipsum tenens non absoluerem, ipsum dimittens bona tollerem quae posset dare glorie ! Omnis enim copia que Deus meus non est egestas michid; | est quare ueraciter sentio, pie Domine, quod male mihi est praeter te. Cum enim inhereo tibi, Domine, ex omni re nusquam est mihi labor et dolor, sed uiua est uita mea tota plena tee; quando autem tui plenus non sum, oneri michi sum, et, ad tibi inherendum, quid tam ydoneum sicut caritas ? Moriar ergo in ea ut in te moriar, ut eam tecum semper teneam». Postea in hiis desideriis suis suspensus, adueniente uigilia natalis Domini, in sacratissima natiuitatis Christi nocte, ille speciosus forma prae filiis hominum, deuotum suum celesti praeueniens dulcedine, b c a Cf. Sulpicius Severus, Vita sancti Martini Turonensis, cap. IV Ct 5, 8 Augustid e Augustinus, Conf., lib. XIII, cap. 8, 17 Augustinus, nus, Conf., lib. VII, cap. 10, 12 Conf., lib. X, cap. 28, 1

831 legationem] legatione ms. | 834 tenens] tenes ms. | 840 tenens] tenes ms. | 843 re] le re remplace un me, barré, qui pourtant était fidèle au texte des Confessions

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Seigneur, celui-ci a reconnu la constance de la foi de son soldat bien-aimé et a sauvé son âme, et même s’il avait pu en sauver d’autres, lui épargna cependant la nécessité du combat. En considérant donc la pieuse ferveur de l’amour manifesté par son bien-aimé, il assura une rapide guérison des blessures que celui-ci s’était infligées par amour pour lui, de sorte que les traces des cicatrices étaient à peine visibles sur lui.

Chap. XVI. Ultimes désirs de Pierre Après cela, s’appliquant aux désirs supérieurs par la continuelle sollicitude et la piété de son amour, et repoussant les limites de son progrès et de sa perfection, l’homme de Dieu sentit qu’il lui manquait encore deux choses pour obtenir l’anneau de perfection pour ses mérites et la satisfaction de ses désirs. La première était que le Seigneur en le visitant dans son âme par ses consolations, ne le quitte que lorsqu’il lui donnerait congé; l’autre était que la charité, obéissant toujours à sa volonté, puisse lui montrer la présence de son bien-aimé quand il le voudrait. Et il s’exclama: «Ô charité, délicate plante céleste, liqueur spirituelle, rayon de la divinité, don du salut, annonce à mon bien-aimé que je me languis d’amour. Qui m’obtiendra que tu puisses mener jusqu’au bout la légation de mon ardeur, que tu puisses exposer ma langueur, supporter mon amour, rétablir mon honneur et incliner mon bien-aimé ? Qui fera en sorte que tu puisses blesser l’impassible, lier l’invincible, attirer l’immuable, rendre captif le tout-puissant, et ce afin que moi aussi en venant je puisse le trouver et qu’en le tenant je ne le quitte plus, et qu’en l’étreignant je ne le perde plus, qu’en étant attaché à lui je m’unisse à son cœur ? Ô belle entre les vertus, resplendissante dans ta blancheur parmi les clartés célestes ! parmi tes concitoyens charité véritable, chère éternité, éternelle vérité ! rien de plus suave que toi, rien de plus sublime, rien de plus secret ! Monte donc dans les hauteurs, que j’en ramène le bien-aimé captif, que je ne le relâche point avant de l’avoir introduit au cœur de mon âme, et avant d’avoir lié son propre cœur au mien avec un ciment puissant. Ô, s’il pouvait se faire que, le tenant, je ne le relâche pas, et que le libérant, je retire les bienfaits qu’il peut donner pour sa gloire ! En effet, toute abondance qui n’est pas mon Dieu est pour moi indigence; c’est pourquoi je sens vraiment, Seigneur de bonté, qu’en dehors de toi, il n’y a pour moi que le mal. En effet, lorsque je m’attache à toi, Seigneur, jamais en aucune chose je n’éprouve de peine ou de douleur, mais ma vie est vive, et entièrement remplie de toi. Mais quand je ne suis pas rempli de toi, je suis un poids pour moi-même, et pour m’attacher à toi, qu’y a-t-il de plus indiqué que la charité ? Que je meure donc en elle afin de mourir en toi, afin de la garder toujours avec toi». Plus tard, alors qu’il était suspendu à ses désirs, arriva la veillée de la naissance du Seigneur; en la nuit très sainte de la Nativité du Christ, celui-ci, dont la beauté l’emporte sur les fils des hommes, vint à la rencontre de son dévot disciple avec une douceur céleste, à la façon d’un nourrisson

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more infantuli, in cuius labiis gratiae plenitudo diffusa est, se manibus et potestati eius ita humilem ita obedientem tradidit, ut secundum desideria animae sue quemadmodum mater suum unicum infantulum et dominus captiuum possidet, ita ipse per omnia eo uteretur et frueretur. Cuius feconda praesentia aliquamdiu iocundatus, eum ut [non] recederet, conditionaliter [eum] licentiauit, scilicet ut quantocius rediret et secum manens sine fine custodiret. Huiuscemodi consolationibus ac amorosis solaciis et uisitationibus, Dominus deuotum suum frequentius uisitabat et ad maiora prouocabat.

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Quodamquoque tempore, homo Dei, sedula meditatione, illas horas quas Dominus sue passionis monimentis reddidit celebres et solempnes, sicut omni die in orationibus suis consueuerat, deuotissime retractabat; in quarum recordatione, melliflua distillatio spiritus Altissimi tanta affluentia dulcedinis eius interiora replebat ut prae uoluptate | spiritus, sensus sui sint sopiti et quod inceperat non poterat explere, et in extasi sic constitutus Dominus Iesus dixit: «Ego sum medicina omnium, nunc ergo me secutus uolo ut, orans pro omnibus, singulis te dones et tribuas». Quo audito, uir Domini ad salutem proximorum totis et plenis affectibus feruescens, die noctuque spiritum ab oratione non relaxabat: hominis oblitus, totus perrexit in Deum qui prius solui cupierat et esse cum Christoa; nunc pro Christo, ut omnium saluti proficeret, uiuere non recusat. Igitur animo cotidie uisitans sedes illas supernas, matri salutis, beatorumque spirituum ordinibus, patriarcharum cetibus, prophetarum cuneis, senatui apostolorum, martyrum, confessorum et uirginum choris singulis se inflectit genibus, supplicat precibus, suggerit mortem, uitam, promissa et beneficia in manus suas a Deo posita presentat, ad compassionem proximorum inuitat, ad intercedendum pro peccatis excitat ut Dominus ab eis auertat iram indignationis et conferat opem salutis. Ad illos quoque fontes salutares, speculamina diuinitatis et germina, precem, sed fontem totalem bonitatis, spiritum quoque alternum aciem sue intentionis dirigit, occulos deuotionis attollit, ipsos inuocans, ipsos obsecrans, ipsos exorans ut aperiant miseris uenas misericordie, rorent stillicidia, uerne pluant ymbres gratiae, omnia crimina delictorum potenter diluant, uirtutes sapienter ordinent, bonitates suauiter foueant, ut in regno prouidentie Dei, nichil temeritati amplius liceat, nichil a

Phil 1, 23

853 feconda] fecondia ms. | 855 rediret] redieret ms. | 867 feruescens] feruenscens ms. | 872 senatui] cenatui ms. | 875 intercedendum] intercededum ms.

f. 112r

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sur les lèvres duquel est répandue la plénitude de la grâce, et se livra en ses mains et son pouvoir avec une telle humilité, avec une telle obéissance que, selon les désirs de son âme, il pût lui-même l’avoir à tout moment à disposition et jouir de sa présence, comme une mère possède son unique petit enfant et un seigneur son prisonnier. Après s’être réjoui pour un temps de sa présence féconde, il lui donna congé à condition qu’il revienne au plus vite et qu’il puisse sans fin le protéger en demeurant avec lui. Avec des consolations, des soulagements pleins d’amour et des visitations de ce genre, le Seigneur visitait plus fréquemment son dévot disciple et le stimulait à de plus grandes choses.

Chap. XVII. Méditations zélées Un jour, dans une méditation profonde, l’homme de Dieu – comme il en avait l’habitude chaque jour dans ses oraisons – se remémorait avec la plus grande dévotion ces heures que le Seigneur a rendues célèbres et solennelles par les hauts faits de sa Passion; dans la commémoration de ces moments, la distillation douce comme le miel de l’esprit du Très-Haut remplissait l’intérieur de son être avec une telle affluence de douceur que par une volupté spirituelle, ses sens s’assoupirent, et il ne pouvait plus accomplir ce qu’il avait commencé; alors qu’il se trouvait ainsi en extase, le Seigneur Jésus lui dit: «Moi je suis le remède de tous; je veux donc à présent que toi qui m’as suivi, priant pour tous, tu te donnes et tu te partages pour chacun». À ces mots, l’homme du Seigneur, tout rempli d’une ferveur passionnée pour le salut du prochain, ne relâchait plus son esprit de l’oraison, de jour comme de nuit: oubliant l’homme, il se dirigea tout entier vers Dieu, lui qui avait auparavant désiré être libéré et être avec le Christ; maintenant pour le Christ il ne refuse plus de vivre afin d’être utile au salut de tous. Donc chaque jour, visitant par l’esprit ces régions supérieures, il se met à genoux et supplie par ses prières la mère du salut, les ordres des esprits bienheureux, les assemblées des patriarches, les foules des prophètes, le sénat des apôtres, les différents chœurs des martyrs, des confesseurs, et des vierges; il leur offre son trépas, il leur présente sa vie, les promesses et les bienfaits déposés par Dieu dans ses mains, il les invite à la compassion pour le prochain, il les incite à intercéder pour les péchés, afin que le Seigneur détourne des pécheurs la colère de son indignation et leur apporte le secours du salut. Il dirige aussi sa prière vers ces sources de salut, vers ces reflets et ces semences de divinité – même si c’est vers la source de toute bonté qu’il dirige son esprit et la pointe aiguisée de son attention –; il élève vers eux les yeux de la dévotion en les invoquant, en les conjurant, en les suppliant afin qu’ils ouvrent aux malheureux les veines de la miséricorde, afin qu’ils les recouvrent de rosée, qu’ils déversent sur eux les pluies printanières de la grâce, qu’ils diluent avec force toutes les atrocités de leurs délits, qu’ils ordonnent avec sagesse leurs vertus, qu’ils encouragent avec suavité leurs actes de bonté, afin que dans le royaume de la Providence de Dieu, rien ne soit plus permis à l’audace, rien ne soit accessible à l’erreur, et rien ne

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HENRI DE LIEU-SAINT-BERNARD

errori pateat, nichilque eterne saluti depereat. Sicque uir Domini, unitati in Trinitate ac Trinitati | in unitate deitatis fidei magnitudine adductus, pietatis amplitudine coniunctus, caritatis plenitudine unitus, inter excessus deuotionis et amplexus contemplationis raptus, ad consistorium paterne gloriae, ad arcem summe sapientie, ad ortum diuine beniuolentie fruens cognitis, delectatus consolationibus, conquiescens in deitatis deliciis, ipsam beatam Trinitatem in funiculo triplici fidei, pietatis et caritatis captiuare contendit. Sine fine inseparabiliter se ei uniendo, quaerensque locum tanto tezauro reseruando ydoneum et se securum, nullius dignior locus, nullius delectabilior, nullius securior in celis et terris inuentus est Virgine gloriosa, quam in triclinium Trinitatis et secretarium deitatis et armarium summe bonitatis fiducialiter elegit et instituit, et sue salutis negocium eidem sic commendauit.

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In quibus omnibus, uir Domini et desideriorum eternorum sanctitatis semitis indeclinabiliter perseuerans, ad possessionem diuinorum promissorum plenius hereditandam, praesentis uite finem future uite principio concludens feliciter, beato fine quieuit. Illi coniunctus in celis, quem in terris positus, tota deuotione dilexit, Christo Iesu, ecclesie et suo sponso qui cum patre et spiritu sancto uiuit et regnat unus per infinita secula seculorum. Amen.

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soit perdu pour le salut éternel. Et ainsi l’homme du Seigneur, amené par la grandeur de sa foi en l’unité dans la Trinité et en la Trinité dans l’unité de la divinité, lié à elle par son immense piété, uni à elle par la plénitude de la charité, entre les excès de la dévotion et les étreintes de la contemplation, fut entraîné au séjour de la gloire du Père, à la citadelle de la suprême sagesse, au jardin de la divine bonté; et là, jouissant de ses connaissances, délecté par ses consolations et reposant dans les délices de la divinité, il s’efforça de s’emparer de la bienheureuse Trinité-même par la triple corde de la foi, de la piété et de la charité. S’unissant à elle de manière inséparable et sans fin, et cherchant un lieu adapté et sûr pour préserver un trésor si précieux, il ne trouva aucun lieu plus digne, plus délectable ni plus sûr dans les cieux et sur la terre, que la Vierge glorieuse, qu’il choisit et établit avec foi en triple lit de repos de la Trinité, en sanctuaire de la divinité et en réceptacle de la bonté suprême, et il lui confia ainsi le soin de son salut.

Chap. XVIII. Mort de Pierre Dans toutes ces circonstances, persévérant sans vaciller sur les voies des désirs éternels de sainteté pour hériter de la pleine possession des promesses divines, l’homme du Seigneur s’endormit dans un trépas bienheureux, concluant avec bonheur la fin de sa vie présente par le début de sa vie future. Il est uni dans les cieux à celui qu’il a aimé avec une dévotion entière quand il était sur terre, l’époux de l’Église et le sien, le Christ Jésus, qui vit et règne avec le Père et l’Esprit-Saint en un seul Dieu, sans fin pour les siècles des siècles. Amen.

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GESTA SS. VILLARIENSIUM

GESTA SANCTORVM VILLARIENSIVM CAP. XXIV

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Fuit in Vilari frater quidam religiosus nomine Petrus, qui a primis pueritiae suae annis satis simpliciter est conuersatus. Hic cum ad quintum decimum aetatis suae annum peruenisset, sanguinae iuuenili titillante cepit | animum ad mundum flectere, eiusque illecebras uelle degustare. Sed dum se sic mundo huic indulgere uoluit Christus eum secundum suae benignitatis propositum reuocare disposuit.

f. 86v



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Quod antiquus hostis ut uidit, inuidit et artis suae diuersa temptamenta reuoluens nouum Christi militem occultis et manifestis incursibus moliebatur euertere. Siquidem in forma et cultu pulcherrimae mulieris de nocte saepius eidem apparuit in lecto iacenti ac ipsum multotiens inde fugauit. In huiuscemodi palestra tyrunculus iste aliquamdiu examinatus et in omnibus fideliter comprobatus, post paucos dies fraterna gratia respectus consolationibus diuinae dulcedinis est releuatus. Nam pius Dominus eundem largitate suae benignitatis praeuenit et impleuit, ita ut quadam die uoce sibi celitus facta audire mereretur: «Ego te ducam in Sancta Sanctorum». Quae uerba audita memoriter retinuit ac saepius secum delectabiliter contulit et licet tunc quid praetenderent ignoraret. Tamen Dominus intellectum sibi postmodum reuelauit.

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Huiusmodi consolatione subleuatus et fraterno respectu a Domino saepius uisitatus immensam benignitatem Dei erga se considerans ac suam uilitatem quo ad Deum multiplicem offensam retractans in corde uehementer humiliato et contritoa pro delictis suis, dixit aliquando ad Dominum: «Domine Deus salutis meae quare tanto tempore latere me uoluisti ? Si tuae benignitatis bonitatem cognouissem prius, tuam maiestatem nullo modo sic offendere praesumpsissem ?» Tantaque primo hoc contritio et dolor pro peccatis, quibus Deum offenderat, inuaserunt eum, ut per dimidium annum et amplius in luctu et lachrimis | irremediabiliter penitentiam continuaret. Qui dum lachrimas lachrimis addidit, uocem de caelo lapsam audire meruit: «Cur tanto merore affligeris, dimissa sunt tibi peccata tua». a

Ps 50, 19

15 mereretur] merretur ms.

f. 87r

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Hec audiens et in spe diuinae misericordiae respirans, tali rursus uisione confortatus est. Nam post dies paucos spiritus eius de corpore rapitur, et coram Domino praesentatur; a quo tamquam infans baptizandus a sacerdote suscipitur, quo ministerium baptizantis ex more super eum persequente et Beata Virgine Maria congruenter ad omnia more assistentium respondente ab eodem audire meruit: «Ecce innocentiam quam planxisti tanquam perditam et in baptismo prius receptam, tibi credas restitutam».

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Ex hinc serenata eius anima ab omni nubilo peccatorum tranquillitate reddita sicut adipe et pinguedine replebatura, ita ut quondam consodales sui irridendo apparent ei dicentes quod Spiritus Sanctus eum impinguaret. Hiis itaque sic sese habentibus quidam suae salutis zelatores hortabantur eum hoc nequam saeculum relinquere et ad ordinem Cistertiensem conuolare. Et quia eo tempore monasterium Vilariense praedicti ordinis apud omnes longe lateque fama percrebrescente innotuerat, religione conspicuum sanctitate celeberrimum regulari obseruantia et disciplinae custodia artissimum, persuaserunt ei habitum religionis ibidem assumere. Cautum ergo existimans aliorum duci consiliis Dominum Abbatem Vilariensem adiit et se in conuersum recipi humiliter petiit.

50

Factus itaque nouitius Ordinis institutis iam imbutus omnia terrena calcauit, ac de uirtute in uirtutem quotidie profecit, carnem domuit, paenitentiae studuit. Spiritum roborans deuotioni indulsit.

55

Sciens etenim secundum Apostolum | qui carnem suam cum uiciis et concupiscentiis crucifiguntb, ut fructum paenitentiae apprehenderet, totis uiribus studuit corpus in seruitutem animae redigere, carnem flagellis et disciplinis exponere, inter uepres et urticas frequenter uolutare, aculeatis ramis cedere, cilicio membra domare, orationibus et fletibus insistere et strictioribus ieiuniis seipsum macerare, ut quandoque per totam quadragesimam non nisi panem et aquam gustaret. Hiis tamen non contentus, quotidie carnem suam acris uulneribus forcipe lacerauit, illum imitans de quo dicitur: «A planta pedis usque ad a

Ps 62, 6

b

Gal 5, 24

36 credas] cedas ms. | 39 impinguaret] impinguerat | 46 Cautum] Catum ms. | 51 qui] Le qui est suivi de trois points et le tout est souligné; une note marginale erant per sublineata obliterata précédée d’une croix figure à gauche

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uerticem non erat in eo sanitas”a. Quem ut perfectius imitaretur, calidum ferrum, quod horribile est dictu, lateri suo uersus cor immersit, in quo uulnere ne citius clauderetur, cordam ex crinibus equinis contortam transmisit. Super his omnibus tanquam gygas fortissimus pelles hericinas se superinduit, quatenus ex tali uinctus maiorem dolorem carni ingereret.

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Quodam tempore in quadam ecclesia sacrae deuotionis excubiis inuigilans, prae uehementi desiderio resolutus in lachrimas totus defluxit, forsan ad aeternae patriae gloriam suspirans. Interea dilecto suo sic lachrimanti pius Dominus respondit dicens: «Cur ploras mi dilecte, et cur tantum in desideriis tuis aestuas ? Noli deficere, noli defidere, noli metuere, ego adimplebo omnia desideria tua. Serui fideliter, profice iugiter, perseuera fortiter, ego adimplebo cuncta uota cordis tui». At ille desiderio aestuans, seipsum non capiens et afflectu super effluens respondit: «Dulcis amice non credo, nam totiens excitans perficere dissimulas, totiens promittens reddere differs, totiens spondens nihil | exhibes». Et Dominus ad eum: «Vis», inquit, «pro me fideiussorem tibi poni ?» At ille: «Volo Virginem Mariam et crucem tuam, atque quinque uulnera tua praetiosa pro fideiussoribus mihi constitui». Quibus a Domino pro fide iussione datis diuini ignis torrens inundantiam feruoris sui omnia cordis sui penetralia sic repleuit, ut sui iam oblitus Domino posse carere quemadmodum nec infans matre, minime sibi uideretur.

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Itaque homo Dei cum dulcedini deuotionis et diuine contemplationis tota auiditate intenderet gratiarumque actiones et uocem laudis crebris suspiriis Domino personaret, recordatus spiritualis faederis quo sibi Dominus matrem suam desponderat purae simplicitatis et non fictae conscientiae timore corripitur, ne Virgo Maria offendi ualeret, quod plus seruitii filio suo quam sibi, tanquam suae fidelitatis immemor uel transgressor impenderet. Quam blande leniterque consolata mater purissima docuit eum a seruitiis matris minime discedere si filio suo ministraret, nec a laudibus filii deficere si matrem laudum praeconiis honoraret. Suae ergo simplicitati Virgo puerpera condelectata tanta dignatione misericordiae condescendit, ut diuitias gloriae celestis et thesauros delectationis angelice a

Is 1, 6

77 constitui] constuitui ms.

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quandoque aperiret eidem, suum benignissimum infantulum non solum ostendens, uerum etiam uelut alteri Symeonia inter ulnas intime deuotionis baiulandum ac perfruendum offerens. In cuius sarcinae deportatione tantus ignis diuini amoris caelestisque dulcoris in intimis medullis spiritus sui exarsit, ut redundantiam tanti impetus caelestis profluuii caro ferre non sustinens, a naturali compage soluta in | paralysis incederet. Cui sic destituto, pius Dominus dixit: «Percute solem gladio si potes, id est uibra aciem tuae infirmitatis ad nudam claritatem, summe diuinitatis quo tanto minus pertingere poteris, quanto gladio materiali solem hunc percutere praeualebis». Igitur homo Dei in quotidiana recordatione Passionis Christi, quae paruulis adhuc in Christo tanquam potus salutis sugenda proponitur, deuotissime se exercens, se quasi semper coram Domino mactauit in lachrimis, memorans omnium anxietatum et tribulationum quas pro nobis sustinuit ut nostram salutem operaretur. Cui sic irremediabiliter lamentanti pius Dominus ut eum ad sublimiora proueheret quandoque dixit: «Hactenus tribulationes quas in humilitate assumpta pertuli fideliter retractans, et condolenti animo mihi compatiens defleuisti, deinceps caritatem nimiam qua dilexi hominem perditum, et de paterni sinus fonte in sinum matris sum descendere dignatus contemplando, deuotionis te uolo effundere lacrimas et amoris». Qua contemplatione uir Domini ex tunc suspensus, sic ad beneficia est amoris accensus, ut quae didicit spiritu, ore silere non posset. Vnde et aliquando sibi cum quodam socio suo de diuini amoris misteriis colloquenti contigit stando prope currum unum, eum integram noctem ducere insomnem dulcedini uerbi Dei sic intendo, ut sedere uel posse appodiare penitus obliuisceretur.

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Post hec uiro Dei in sanctae experientiae suae dulcedine et fruendi gaudio cum gratiarum actione iugiter perseuerante, contigit aduenire festiuitatem Beati Martini1. Et quia | in festiuitatibus sanctorum frequentius eum specialiusque praerogatiua consolationum Dominus consueuerat uisitare, adueniente uisitationis tempore uiro Dei in expectatione constituto, Dominus modum suae uisitationis immutauit quod perpendens uir Dei dixit ad Dominum: «O dulcissime Domine quid uobis retribuam pro omnia

Lc 2, 25-28

102 sugenda] fugenda ms. | 114 colloquenti] colloquentur | 115 intendo] le ms. de la Vita montre quant à lui intendendo (fol. 105v), leçon à préférer | 116 obliuisceretur] obluisceretur ms. 1

Fête de saint Martin: 11 novembre.

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bus quae retribuistis mihia; minor sum omnibus miserationibusb uestris; omne bonum mihi si uobis perseuerauero promisistis. Ideoque, benignissime Domine, abrenuncio stare deinceps proprie electioni et meae uoluntati initi, et uestris consolationibus delectari, ut sicut meis desideriis semper satisfacere studuistis, ita uestris beneplacitis ac uoluntati inconfusibiliter deseruire contendo». Et ecce continuo sibillus diuine inspirationis sibi immittitur, ita dicens ad eum: «Data est tibi omnis potestas impetrandi quae uis, siue in caelis siue in terris»c. Hac ergo promissione a uiro Dei recepta in uocem laudis et gratiarum actionis ex omni corde suo resolutus, insuper adiecit: «Domine quid ex me minus sufficio, charitate uicaria ex sanctorum uestrorum supererogationibus suppleo. Offero itaque uobis, o praesentissime Domine, gloriose matris uestre grata uobis impensa beneficia quae uobis, lactando sacris uberibus, inuoluendo fasciis infantilibus, imprimendo dulcibus osculis, nutriendo propriis laboribus ac impendendis maternis affectibus dulciter exhibuit. Insuper Angelorum ministeria, Patriarcharum et Prophetorum praeconia, omnium Apostolorum, Martyrum, Confessorum atque Virginum cunctorumque Sanctorum merita ad ea quae mihi desunt offero efficaciter supplenda». Super quibus pius Dominus tanquam sibi beneplacitis se eidem liberalissima benignitate amorosum in omni gratia dulciter exhibuit.

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Quodam tempore tertia uidelicet die post festum Beati | Nicolai2, regina celi Domina Angelorum et Cistertiensis ordinis aduocatrix specialis apparuit ei dicens: «Hodie, fili, est festum meum3, unde magis te prae ceteris diebus hoc die laudibus instare conuenit, amplioribus praeconiis uacare, et sublimioribus meditationibus inuigilare». Cui respondens uir Domini ait: «O dulcis Domina, festum istud usque nunc ignoraui, sicut et ceteras festiuitates quando instare debeant ignoro, quas cum sciuero deuotus peragam, et quoad uixero memoriter recolam». Requirente igitur eo a quodam calendarium sciente cuius illo die festum esset, respondit quod esset festum conceptionis Beatae Virginis Mariae. Quo audito singulis annis idem festum tota alacritate deuotionis celebrare studuit; in quo et Dominus ei uisitatione spirituali inenarrabiles consolationes et reuelationes a

Ps 115, 12

b

Gn 32, 10

c

Mt 28, 18

131 promissione] promissone ms. 2

Fête de saint Nicolas: 6 décembre.

3

Fête de l’Immaculée Conception de la sainte Vierge: 8 décembre.

f. 89v

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ostendit. Vnde aliquo tempore, Ecclesiam ingressus puri cordis deuotione facturus sicut consueuerat, in excessu mentis factus spiritus eius rapitur ductusque in praesentia Iesu Christi ac eius gloriosae matris sistitur. Quem Dominus reuerentiae ac feruoris et deuotionis quam ad matrem suam habuerat admonens, ut debita ei fidelitate perseueraret hortatur, ipsamque perpetuo cultu honorari ab eo cupiens, se matris honore delectari inseparabili uinculo demonstrauit. Siquidem ipse Dominus Iesus uices sacerdotis et morem assumens, matrem suam ipsi ut moris est in facie Ecclesiae sponsalia fieri in perpetuum spiritualis coniugii faedus desponsauit. Postquam horam, corde et animo in amorem Virginis gloriosae liquescens, tanta deuotionis dulcedine totus est affectus, ut ne quidem nisi de Virgine consolationes quantascumque oblatas posset recipere, nec cogitationes qualescumque quae Virginem gloriosam non praetenderent posset tollerare. Quo in tantae dulcedinis plenitudine constituto, | si aliquando Dominus delitias suarum consolationum ei offerre uellet seu ipse sibi Dominum appropinquare sentiret, debriatus suae sponsae dulcedine dicebat: «Domine ne appropinquetis huc», uolens Dominum suo imperio obedire, quousque perfectius pro amoris libitu deuotionis dulcedine frueretur.

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Alio quoque tempore ut uir Domini quidquam negotii expleret diuertit ad quandam uillam, et audiens praedicari illud euangelii de filio Dei scilicet: «Data est mihi omnis potestas in caelo et in terra»a, et illud: «Pater omne iudicium dedit filio»b, uehementissime in seipso compunctus, et dolore cordis ac zelo pietatis ex habundanti compassione pro peccatoribus accensus et tactus intrinsecus, totus infremuit contra filium sic misericordiam interpellans: «Domine fili, in ditione tua cuncta sunt posita, nec est qui possit resistere uoluntati tuaec, cum tibi data sit omnis potestas in celo et in terrad. Quare igitur curam proprii plasmatis non habes et cur homines tuo sanguine redemptos sic errare permittis ? Pater enim tibi dedit omne iudicium, et ecce dissimulas curas hominum, paruipendis salutem tuorum». Et totis praecordiis sic uir Dei ingemiscens ac fraternae salutis emulator impatiens, in uehementissimo spiritus impetu Deum Patrem aggreditur dicens: «Obsecro Pater, causam meam defendite, et de filio uestro, ut desidero uindictam facite. Iam enim sibi amplius seruire non curo, consolationes eius accipere nolo, laudes sibi ultra non offero, nisi causas peca

Mt 28, 18

b

Io 5, 22

172 imperio] impio ms.

c

Est 13, 9

d

Mt 28, 18

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cantium melius discutiat, [an melius] benius corrigat, citius emendet. Sed uobis pater deinceps uacare cupio, spiritui Sancto me fidelem exhibeo, Virgini matri meipsum despondeo». Sicque uehementia fratrum superni amoris indignatus uir Dei, transiens aliquando in praesentia crucifixi ei non solum inclinare noluit uerum etiam | uix respicere. Et ecce pius Dominus Iesus se offert penitentiae super obiectis petens ueniam et spondens emendam. Et cum sic quasi uiolenter a Domino ad pacem attraheretur dixit ad eum: «Hanc ad pacem ad praesens seruare differo, nisi pro desiderio meo in peccatoribus emendationis signa per te fieri euidentius cognouero». Cui pius Dominus ait: «Et quid tibi cum peccatoribus ? Tua praemia pro meritis te expectant, salua remanent, secura seruantur pro aliis, cur es ita sollicitus ?» Et ille: «Pacem tuam», ait, «solus nolo; fratres meos in pace esse desidero, omnium salutem intendo». Et Dominus ad eum: «Ego, fili charissime, pro omnibus hominibus saluandis satisfeci Deo Patri per mortem meum sufficienter, etsi non efficienter unde uolo ut secundum Apostolum meum adimplens quae desunt passionibus meisa, ut sic peccatorum emendationem uideas quam ipsi de meritis suis exigentibus consequi non mereantur».

210

Quo audito, uir Dei sollicitabatur quibus Deo passionibus respondere digne possit inciditque menti eius manus et pedes suos uelle clauis ferreis perforare, ita forsan Iesum sequi cogitans. Qui cari sui pium amorem considerans, hoc quod conceperat opere perficientis celerem uulnerum illorum adduxit sanitatem, ut uix cicatricum in eo uestigia relinquerentur.

Post haec uir Dei, continua sollicitudine, desideriis supernis inuigilans

et quotidie animo uisitans sedes aethereas, 215

ac si sanctitatis semitis indeclinabiliter perseuerans, tandemque praesentis uitae finem future principio concludens, feliciter beato fine quieuit, illi coniunctus in caelis, quem in terra positus, tota deuotione dilexit, Iesu Christo, sponso Ecclesiae qui uiuit et regnat per infinita secula seculorum. Amen. a

Col 1, 24

190 an melius] constitue un ajout interlinéaire, mais est redondant et rompt la construction parallèle (cf. Vita, l. 757-758) | benius] lecture probable pour benignius

f. 90v

Jean-Loup LEMAITRE L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PUBLIÉE À COLOGNE EN 1515 ET EN 1521 PAR JOHANN LANDEN* Du Sollier, Bouillart et l’édition critique du martyrologe d’Usuard Le bénédictin dom Jacques Dubois s’était fait remarquer dans le monde des érudits par la publication en 1965 de l’édition commentée du martyrologe d’Usuard, parue dans les Subsidia hagiographica des Bollandistes1, qui lui valut une première médaille au concours des Antiquités de la France de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et d’être recruté par Michel Fleury comme chargé de conférences d’hagiographie à la IVe section de l’École pratique des hautes études2. Cette édition reposait sur le manuscrit BNF, lat. 13745, provenant de Saint-Germain-des-Prés, bien connu des spécialistes de la question, dans lequel certains, comme dom Bouillart au XVIIIe siècle, voyaient même l’autographe d’Usuard. En 1714, le bollandiste Jean-Baptiste Du Sollier, à qui les bénédictins de SaintGermain-des-Prés avaient refusé la communication du manuscrit en question, publiait à Anvers sa monumentale édition du martyrologe d’Usuard3. Pour lui, le manuscrit de Saint-Germain-des-Prés ne pouvait pas être l’œuvre même d’Usuard en raison des nombreuses variantes qu’il présentait au regard des autres manuscrits consultés. Cette affirmation ne pouvait que déplaire à nos bénédictins et l’un d’eux — dom Jacques Bouillart — répliqua en donnant, anonymement en 1718, opera et studio D*** presbyteri et monachi Benedictini e congregatione sancti Mauri, une nouvelle * Abréviations bibliographiques: voir infra, p. 400. Que le P. Bernard Joassart, bollandiste, qui nous a fourni la reproduction des derniers fol. de l’édition de 1521 et la reproduction de l’article du P. de Gaiffier trouve ici l’expression de nos plus vifs remerciements. Merci également au P. Robert Godding et à François De Vriendt pour les remarques, corrections et compléments qu’ils ont bien voulu apporter à cet article, qui a fait l’objet d’une présentation à la séance de la Société nationale des Antiquaires de France du 9 mars 2011. 1

DUBOIS, Le martyrologe d’Usuard.

2

Voir les articles nécrologiques: J.-L. LEMAITRE, dans Revue d’histoire de l’Église de France, 78 (1992), p. 214-216; ID., dans École pratique des Hautes Études, Livret 8, Paris, 1995, p. XXI-XXV. 3

Martyrologium Usuardi monachi, hac nova editione ad excusa exemplaria quatuordecim, ad codices Mss. integros decem et septem, atque ad alios ferme quinquaginta collatum, ab additamentis expurgatum, castigatum et quotidianis observationibus illustratum. Opera et studio Joannis Baptistae SOLLERII, Societatis Jesu theologi, Antverpiae, Ex typographia Joannis Pauli Robyns, MDCCXIV. In-fol, [28]-LXVI-779-[41] p.

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 375-402.

J.-L. LEMAITRE

376

édition du martyrologe, ab observationibus R. P. Sollerii Societatis Jesu vindicatum4… Il poussa même la délicatesse à envoyer à Du Sollier un exemplaire de son travail, accompagné d’une lettre toujours signée D***, où il lui expliquait que ses réponses «n’étaient que des disputes littéraires, qui se doivent faire pour éclaircir la vérité et non pas pour blesser la charité»5. L’édition du manuscrit donnée par dom Bouillart était pourtant loin d’être parfaite. Outre des fautes de lecture, les mains anciennes et les grattages n’ont pas été distingués et seules quelques additions ont été signalées par l’usage d’italiques. La préface était avant tout une contradiction systématique des affirmations de Du Sollier. L’édition de Du Sollier fut publiée dans les Acta Sanctorum des Bollandistes, en appendice aux tomes VI et VII de Juin, en 17156, puis réimprimée au milieu du XIXe siècle dans les tomes 123 et 124 de la Patrologie latine de Migne. L’édition de Jean-Baptiste Du Sollier n’était toutefois pas la première édition de ce martyrologe. Préoccupé avant tout par l’édition du ms. BNF, lat. 13745 qui, s’il n’est pas l’autographe d’Usuard, est en tout cas une copie fidèle de l’archétype, achevé vers 858-865 et qui, pour lui, «donne le texte du dernier état dû à Usuard lui même»7, dom Dubois ne s’est pas intéressé aux éditions successives de ce texte, dont le relevé avait été donné par Du Sollier8. On n’oubliera pas que le martyrologe était un des textes composant l’office du chapitre, qui suivait l’heure de Prime, avec la règle (de saint Benoît ou saint Augustin selon l’Ordre), le nécrologe, et dès le XIe siècle, les capitules de l’homélie sur l’Évangile du 3e nocturne. Il était donc tentant, avec l’apparition de l’imprimé, d’utiliser pour ces lectures un im4 Usuardi San Germanensis monachi martyrologium sincerum, ad autographi in San Germanensis abbatia servati fidem editum et ab observationibus R. P. Sollerii societatis Jesu vindicatum, Opera et studio D***, presbyteri et monachi Benedictini e congregatione sancti Mauri, Parisiis, apud P. F. Giffart, 1718. In -4°, XLII-232 p. 5

DUBOIS, Le martyrologe d’Usuard, p. 22-23. La lettre de dom Bouillart et la réponse de Du Sollier, jadis conservées à la bibliothèque de l’Université catholique de Louvain sont entrées par échange en 2003 dans la bibliothèque des Bollandistes (ms. 1125, pièce 33) et ont été publiées par B. JOASSART dans Bollandistes, saints et légendes. Quatre siècles de recherche, éd. R. GODDING, et al., Bruxelles, 2007, p. 109-113. 6

LXVI,

DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, in AASS, Iun. t. 6, Anvers, 1715, Appendix, p. I1-372; Iun. t. 7, Anvers, 1715, Appendix, p. 373-779.

7 DUBOIS, Le martyrologe d’Usuard, p. 54. Voir aussi J. DUBOIS, Les martyrologes du Moyen Âge latin (= Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 26), Turnhout, 1978. 8

DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, «Articulus III. Antiquiores Usuardini Martyrologii editiones ordine recensentur», p. XXXXV-L. Voir J. DUBOIS – J.-L. LEMAITRE, Sources et méthodes de l’hagiographie médiévale, Paris, 1993, p. 114-117.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

377

primé lorsque cela pouvait se faire, règle et martyrologe, le nécrologe ou l’obituaire restant, eux, manuscrits. Ajoutons que le martyrologe n’est pas un texte «canonique». Sa lecture est certes prescrite dans les Actes du concile d’Aix-la-Chapelle de 816 et 817, mais chaque communauté a la liberté du choix de son texte et si, dès la seconde moitié du IXe siècle, deux textes finissent par dominer le marché, ceux d’Adon, qui devint archevêque de Vienne, et d’Usuard, moine de Saint-Germain-des-Prés, l’usage d’autres textes reste possible et, surtout, les textes procurés par Adon et Usuard ne sont pas intouchables. Adon reprend Florus, qui avait repris l’Anonyme lyonnais, puis Usuard abrège Adon mais l’enrichit aussi, enfin Adon qui a eu connaissance du texte d’Usuard lui fait même des emprunts dans la deuxième famille de son texte9. Et surtout, chaque communauté peut adapter le texte utilisé, l’abréger mais aussi ajouter des noms, ceux des saints propres à son Ordre, à sa maison, et ceux qui ont été ajoutés au sanctoral depuis la rédaction de ces textes au milieu du IXe siècle. Ce sont ces auctaria qui rendent les martyrologes particulièrement précieux pour les hagiographes et les historiens. La première édition imprimée du martyrologe d’Usuard La première édition du martyrologe d’Usuard a été donnée à Lübeck en 1475 par Lucas Brandis de Schass10 — c’est le premier livre daté imprimé dans cette ville — mais le nom d’Usuard n’apparaît pas et la lettrepréface à Charles le Chauve en est absente. Le martyrologe fait suite au Rudimentum novitiorum, vaste compilation historico-chronologique allant de la création du monde à l’année 1473, probablement due à un clerc resté anonyme (de Lübeck, pour les uns, de Mello en Beauvaisis pour d’autres) et ornée de gravures sur bois et de cartes, dont une de la Terre sainte11; elle est plus connue par sa traduction française, La Mer des hystoires. Le Martirologe des sainctz12, imprimée pour la première fois à Paris entre 9 Voir J. DUBOIS – G. RENAUD, Le martyrologe d’Adon. Ses deux familles, ses trois recensions. Texte et commentaire (= Sources d’histoire médiévale), Paris, 1984. 10

Le nom de l’imprimeur est donné dans le long colophon de la colonne b du f. [462v]: Anno secundum carnem filii Dei a nativitate M.CCCCL.XXV°, ipso die sanctissimi regis et martiris Oswaldi, qui est V. augusti (…) per magistrum Lucam Brandis de Schaß feliciter excusum atque finitum. Cf. HAIN, *4996; POLAIN, 3404; Br. Mus., Books pr. XVth c., II, 550. Exemplaires: BNF, Rés. G 212, G 213, G 591; Arsenal, Fol. H 499, 500, 501. DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. XXXXV, § 172. Voir aussi Th. SCHWARZ, Über den Verfasser und die Quellen des Rudimentum novitiorum, Rostock, 1888. 11

F. CLXIIIv-CLXIIIIr.

12

«Cy après sensuit le martirologe des sainctz, chapitre cent XIIIIe du prologue».

J.-L. LEMAITRE

378

juillet 1488 et février 1489, en deux volumes, par Pierre Le Rouge pour le libraire Vincent Commin, à l’instigation de Charles VIII, dont l’exemplaire de dédicace sur vélin, aux images peintes, est conservé à la Bibliothèque nationale de France13, où le martyrologe — toujours anonyme — occupe les f. 272-299v de la traduction14. Cette édition de Lübeck est appellée par Du Sollier Maxima Lubecana, en raison de son format infolio, 38 × 26,5 cm, 462 feuillets, le martyrologe occupant les f. 409-439 de l’édition latine15. Puis, en 1486, paraît à Florence, sur les presses de Francesco de Bonaccursio, la première édition séparée du martyrologe sous ce titre ambigu, Ordo martyrologii16, dont le bollandiste Henschenius avait repéré un exemplaire dans la bibliothèque Strozzi-Medicis à Florence17. Le nom d’Usuard n’apparaît ni dans le titre ni ailleurs, mais y figure cette fois la lettrepréface d’Usuard à Charles le Chauve, Epistola seu Praefatio Usuardi monachi ad Karolum regem super opere martyrologii18. Une nouvelle édition, identique à celle de 1475, est réimprimée en 1490 à Lübeck au format in-4°, faisant suite à un Doctrinale clericorum19, et à Cologne la même année. On peut lire au colophon de la première: Explicit Doctrinale clericorum, una cum martyrologio sanctorum, diligenter in Lubeck impressum anno a Nativitate domini MCCCCXC; — et dans l’édition de Cologne, où elle fait suite à la Légende dorée de Jacques de Voragine: Explicit martyrologium Usuardi monachi, sicut habet augmentatum, ut patet, impressum diligenter per me Johannem Koelhoff 20 de Lubeck, civem sanctae felicisque Coloniae Agrippinae, et consummatum feli13

BNF, rés. Vélins, 676-677. Voir U. BAURMEISTER – M.-P. LAFFITTE, Des livres et des rois. La bibliothèque royale de Blois, Paris, 1992, p. 96-99, no 17. Autre exemplaire: Rés. G 216-217, 688-689. Voir aussi la notice de N. PETIT, dans France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance, éd. É. TABURET-DELAHAYE, Paris, 2010, p. 234-235, no 106. 14 La traduction du martyrologe est suivie du colophon et de la marque de P. Le Rouge. Les ff. 272-299 ne sont pas foliotés. 15

L’exemplaire consulté est un des trois qui sont conservés à la Bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, Fol. H 499, 500 et 501. 16 Ordo martyrologii, [edidit Georgius Antonius Vespucci], Florentiae: impressum per F. de Bonaccursiis, 1486, in-4° (HAIN, 16110; Br. Mus., Books pr. XVth c., VI, 670; Indice generale degli incunaboli delle biblioteche d’Italia, IV, 6252). Exemplaire: Paris, BNF, Rés. H 961. 17

DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. XXXXVI (§ 173).

18

Cf. DUBOIS, Le martyrologe d’Usuard, p. 145.

19

Doctrinale clericorum, una cum sanctorum martyrologio per anni circulum, Hans von Gethelen, Lübeck, 1490, In-4°: HAIN, 6318; PELLECHET, 4389. Exemplaire: Paris, BNF, Rés. H 752. 20

Lu Roelhoff par DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. XXXXVI.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

379

citer anni salutis ac gratiae MCCCCXC, in vigilia sanctissimorum Trium Regum21, praefatae civitatis patronorum ac protectorum jugiter22. Cette même année 1490 voit sortir chez Guy Marchant un recueil in-8o dédié à l’archevêque de Bourges Pierre Cadouet, publié par Jean Le Munérat, cochantre du collège de Navarre, renfermant plusieurs textes, en commençant par le martyrologe: Martirologium. Ex sacro Basiliensi concilio canonica regula quomodo divinum officium sit celebrandum. De Moderatione et concordia grammatice et musice, martyrologe réimprimé à Paris en 1536 par Didier Maheu pour le libraire Ambroise Girault23. Usuard et la chartreuse de Cologne Cologne devient en cette fin du XVe siècle un lieu privilégié pour la production des martyrologes. On sait l’importance de la chartreuse SainteBarbe de Cologne, qui a fait en 1981 l’objet de la thèse de doctorat de Gérald Chaix24 et en 1991 d’une grande exposition au musée municipal de Cologne, Die Kölner Kartause um 150025. Si Surius (Laurent Sauer, Lübeck 1523-† Cologne 1578)26 est le grand nom de l’hagiographie colonaise avec les six volumes in-folio de son légendier, De probatis vitis sanctorum (1570-1575), il a été précédé dans ce domaine par un autre chartreux, Hermann Greven, à qui le P. Baudouin de Gaiffier a consacré une étude très précise27, après plusieurs siècles de flou et d’incertitude. 21 Le diocèse de Cologne fêtait spécialement les rois mages le 23 juillet. L’impression est donc datée du 22 juillet, parfois mise au 5 janvier (vigile de l’Épiphanie). 22 Lombardica historia que a plerisque Aurea legenda sanctorum appellatur… Item Martyrologium Usuardi monachi ad Karolum regem, Colonie Agrippine, per J. Koelhoff, 1490, infol. (HAIN, 16111; COPINGER, 6453; Brit. Mus., Books pr. XVth c., t. I, p. 229; POLAIN, 2202; GOFF, J-123.). Exemplaires: Paris, BNF, H 223, 227, 228; Paris, Arsenal, Fol. H 3714. L’exemplaire BNF, H 228, provient des Frères mineurs de Cologne. 23 Martyrologium, hoc est Martyrum recensio sive catalogus... ad Eusebii et Hieronymi aliorumque sacrorum authorum exemplum, cura et jussu Caroli Magni, Parisiis, impr. D. Maheu, ex officina A. Girault, 1536, in-4°. Exemplaire: Paris, BNF, Rés. H 1000. DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. XXXXVI-XXXXVII, § 177. 24

G. CHAIX, Réforme et Contre-Réforme catholiques. Recherches sur la chartreuse de Cologne au XVIe siècle (= Analecta Cartusiana, 80), Salzburg, 1981; GRUYS, Cartusiana. Vol. 2: Maisons, p. 267-269. 25

Die Kölner Kartause um 1500. Eine Reise in unsere Vergangenheit. Führer zur Ausstellung 18. Mai-22. Sept. 1991, Kölnisches Stadtmuseum, ed. R. WAGNER – U. BOCK, Köln, 1991. 26

GRUYS, Cartusiana. Vol. 1: Bibliographie générale, auteurs cartusiens, p. 163-165; H. WÜLLER, Zum Leben und Werk des Kartäusermönchs Laurentius Surius (1523-1578), in Die Kölner Kartause um 1500, p. 60-62. 27

DE

GAIFFIER, Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven.

J.-L. LEMAITRE

380

Hermann Greven, dont on ignore la date de naissance28, est pourvu le 14 mars 1431 d’un canonicat dans l’église Saint-Pierre de Höxter29. Il est alors clerc du diocèse de Paderborn. Le 22 septembre, il est vicaire de l’autel de Sainte-Marie dans la crypte de l’église Saint-André de Cologne. On le retrouve en 1437 parmi les étudiants de la faculté des arts de cette ville et il en est docteur en 1438. À une date indéterminée, entre 1455 et 1460, il fait profession à la chartreuse de Cologne, où il meurt après dixneuf années de vie monastique, le 5 novembre 1477 d’après les annales de la chartreuse de Cologne: Anno 1477, 5 novembris obiit d. Hermannus Greve, scriptor martyrologii, vir doctus ac devotus, vixit in ordine 19 annis30. Le P. Georges Garnefelt, bibliothécaire de la chartreuse au début du e XVII siècle, place sa mort le 5 novembre 1480. Deux autres chartreux érudits des XVIIe-XVIIIe siècles, Jean Lotley et Michel Mörkens, rappellent qu’il est mort avant le 30 avril 1480, et de Gaiffier s’appuie sur leur témoignage pour conserver la date proposée par les annales de la chartreuse. Hermann Greven est l’auteur d’un martyrologe et d’un légendier inédits, conservés l’un et l’autre en autographes (Darmstadt, Universitätsund Landesbibl., Hs. 1021, f. 173-206v31 et Köln, Historisches Archiv der Stadt Köln, Hs. Wallraf 2832 pour le martyrologe, et Berlin, Deutsche Staatsbibl. Preussischer Kulturbezitz, Theol. fol. 706 pour le légendier). Les deux martyrologes proviennent de la chartreuse de Cologne et sont explicitement attribués à Hermann Greven: 28

GRUYS, Cartusiana. Vol. 1: Bibliographie générale, auteurs cartusiens, p. 103.

29

Höxter, Nordrhein-Westfalen, chef-lieu d’arrondissement, au nord-est de Paderborn. L’abbaye de Corvey est aux portes de la ville. 30 Cf. la Chronologia Carthusiae Coloniensis, ad. ann. 1477, in Die Kölner Kartause um 1500, p. 40. 31 K. H. STAUB – H. KNAUS, Die Handschriften der Hessischen Landes- und Hochschulbibliothek Darmstadt. Bd. 4: Bibelhandschriften. Ältere theologische Texte, Wiesbaden, 1979, p. 226-230. Ms. sur papier, inséré dans un recueil, 20,5 × 14,5 cm, provenant de la chartreuse de Cologne (cf. f. 33r, 66r, 128r), avec une note du P. Garnefelt sur le martyrologe d’Hermann Greven au f. 172v, qui précise: Post illius mortem Usuardi martyrologium (ab illo auctum) typis excusum est Coloniae anno 1490 studio (ut arbitror) P. Werneri Rolevinck et postea iterum 1521 sub V. Petro Leidensi priore Coloniensis cartusiae auctum et alicubi mutatum a quodam Carthusiano Col., cuius nomen necdum inveni, nisi fuerit P. Theodericus Loherius aut forsan P. Lanspergius. Voir DE GAIFFIER, Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven, p. 320. Une photographie des feuillets renfermant le martyrologe est conservée à Bruxelles dans les archives des Bollandistes. 32 Historische Archiv der Stadt Köln, Hs. Wallraf 28. Cf. Die Kölner Kartause um 1500, p. 148 (4. 17) où il est qualifié de «martyrologe d’Usuard», et R. B. MARKS, The Medieval Manuscript Library of the Charterhouse of St. Barbara in Cologne, vol. 2 (= Analecta Cartusiana, 22), Salzburg, 1974, p. 227-228. Le ms. a été préservé lors de la catastrophe du 3 mars 2009. Voir O. JURBERT, L’effondrement des Archives municipales de Cologne, in Francia, 36 (2009), p. 353-359.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

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Darmstadt, f. 173: Martyrologium D. Hermanni Greefgen, monachi huius domus Coloniensis, qui et indicem martyrologii ex diversis multo labore compi33 lavit, note du XVe siècle ; Köln, f. 260r: Hoc martyrologium cum suo indice scripsit et absque dubio collegit et composuit v. P. Hermannus Grefgen, sacerdos et monachus professus Cartusiae Coloniensis, qui obiit anno 1480 die 5 novembris. Confer characteres cum altero martyrologio illius…, note du XVIIe siècle.

Le manuscrit de Cologne est d’un format quasiment identique à celui des éditions de Johann Landen, 10,5 × 14,5 cm. Le P. de Gaiffier s’est surtout intéressé au légendier, dont il a donné le relevé des deux cent soixante et une Vies qui y sont résumées34. Voici ce qu’il dit du martyrologe: «Le martyrologe se présente sous une forme extrêmement concise. Il ne comprend que l’énumération des noms de saints, le plus souvent sans indication topographique. Outre les saints du martyrologe d’Usuard, il en mentionne plusieurs empruntés indistinctement à tous les diocèses de la chrétienté (…) Parmi les martyrologes antérieurs, nous n’en voyons aucun qui présente une liste aussi riche. À côté des noms de saints, le martyrologe de Greven annonce aussi la commémoration des faits principaux de l’ancien et du nouveau Testament (…) Ainsi que nous le disions plus haut, Greven n’avait mentionné que quelques indications topographiques. Dans la suite, un autre chartreux a patiemment ajouté dans l’étroit interligne de l’autographe de Greven les noms des villes et de diocèses, 35 de manière à compléter les notices» .

On s’est interrogé sur l’auteur de ces additions, sans certitude. Ce qui est assuré c’est qu’elles ont été portées avant 1515 car elles se retrouvent dans l’édition donnée cette année-là par Johann Landen à Cologne. Quelle était la source d’Hermann Greven ? Il a utilisé un martyrologe d’Usuard, le texte le plus répandu à cette époque et dont la première édition a été donnée, nous l’avons vu, à Lübeck en 1475. Les anciens Bollandistes et autres érudits qui se sont intéressés à Greven ignoraient l’existence de son manuscrit autographe et pour Georges Garnefelt l’édition donnée en 1490 à Cologne par Jean Koelhoff dépendait du manuscrit de Greven; il l’avait même écrit sur un exemplaire de l’imprimé conservé alors dans la bibliothèque de la maison. Le P. de Gaiffier s’étonnait de cette annotation, car le bibliothécaire avait alors sous la main à la fois l’imprimé mais aussi le manuscrit autographe de Greven:

33

DE GAIFFIER,

34

Ibid., p. 333-358.

35

Ibid., p. 321.

Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven, p. 320.

J.-L. LEMAITRE

382

«Si l’on excepte le fonds commun à tous les martyrologes issus d’Usuard, les deux textes sont fort différents. Non seulement les noms des saints ne se présentent pas dans le même ordre, mais les listes de l’édition de 1490 sont beaucoup moins complètes que celles du manuscrit. Quel que soit l’auteur de l’édition de 1490, il est sûr qu’elle ne peut porter le nom de Greven et que le martyrologe de 36 celui-ci n’a guère inspiré le compilateur anonyme ».

Dans le doute, Jean Bolland s’était abstenu d’attribuer à Hermann Greven l’édition de 1490 et Du Sollier la désigne seulement comme l’Editio Coloniensis (1490)37. Les éditions de Cologne de 1515 et 1521 et leurs sources Cela nous amène aux éditions données à Cologne en 1515 puis en 1521 par Johann Landen. En effet, un quart de siècle plus tard paraît à Cologne une nouvelle édition du martyrologe d’Usuard, dans un format beaucoup plus modeste, in-8° (14/14,5 × 10 cm), pratiquement la même taille que le martyrologe manuscrit conservé à Cologne, où pour la première fois, le nom d’Usuard apparaît dans le titre, entièrement rubriqué: Martyrilogium | Usuardi monachi, quod ad Karolum magnum | scripsit. Cum additionibus iam ex diversis mar | tyrilogiis collectis atque de novo adiectis.

Le titre de l’édition de 1521, dépourvu de rubriques, est légèrement différent: Martyrilogium | Usuardi mona | chi, quod ad Karolum magnum scripsit. Cum addi | tionibus olim ex diversis martyrilogiis collectis et | adiectis atque iam in non paucis locis auctis

Du Sollier rappelle à propos de ces deux éditions qu’elles sont généralement attribuées à Hermann Greven, quam utramque Hermanno Gresgen seu Gresgin (molliori inflexione Greven) a majoribus nostris adscriptam nuperrime dixi et porro adscribere perrexi, non alio quam Greveni nomine, ambas appellans38 ? Il reste toutefois dubitatif sur le fait qu’elles soient l’œuvre de Greven. Et pourtant, comme l’a montré le P. de Gaiffier, cette édition dépend bien du martyrologe de Greven, mais aussi de l’édition donnée en 1490 à Cologne par Jean Koelhoff: «Il suffit de mettre en parallèle les saints cités de part et d’autre pour constater que, dans l’ensemble, les mêmes noms se retrouvent. L’éditeur anonyme de 1515, mettant à profit les annotations topographiques insérées entre les lignes du 36

DE GAIFFIER,

37

DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. XXXXVI, § 174.

38

Ibid., p. XXXXVIII, § 182.

Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven, p. 323.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

383

manuscrit, les complète et les enchâsse, dans une phrase, afin de leur donner une allure moins laconique. Les mentions relatives à l’ancien et au nouveau Testaments sont reprises presque mot à mot et transcrites aux mêmes anniversaires. Les saints locaux inscrits par Greven et que l’on chercherait vainement ailleurs, se retrouvent également dans l’édition de 1515 (…) Ajoutons que des notes qui avaient été inscrites dans les marges du manuscrit ont été insérées dans le texte de l’édition de 1515. Au fol. 191, à côté des notices du 12 juillet, la note suivante a été intercalée: Iohannis Gerson felicis recordacionis, anno 1429. L’éditeur de 1515, à la même date, développe cette mention en ces termes: Item sancte memorie Iohannis Gerson, doctoris christianissimi, qui vita et doctrina eximius 39 quievit anno 1429 ».

Dans l’édition de 1521, les chiffres arabes de la date 1429 sont remplacés par des chiffres romains, M CCCC XXIX. Le compilateur de cette édition demeure inconnu et, comme le remarque fort bien le P. de Gaiffier, «il ne vint à aucun des chartreux interrogés par les hagiographes l’idée de comparer le manuscrit [de Greven] avec le texte imprimé. Peu à peu, on prit l’habitude de la considérer comme l’œuvre des chartreux de Cologne, sans préciser davantage40». Du Sollier a utilisé la plupart des auctaria de cette édition et il renvoie au colophon de l’édition de 1521 (f. S 6v / 142v, cf. infra). Du Sollier avait remarqué dans cette édition la présence de commémoraisons de saints de la région de Chartres et il en déduisait que le compilateur avait utilisé un manuscrit provenant de cette région41. En fait, ces mentions se retrouvent déjà dans le manuscrit de Greven, comme l’a montré le P. de Gaiffier42. L’édition du martyrologe d’Usuard donnée à Cologne en 1515 et 1521 reste l’œuvre d’un compilateur anonyme, qui a agi en milieu colonais, utilisant donc pour son édition: – le martyrologe d’Hermann Greven, dont le manuscrit était alors conservé en deux exemplaires à la chartreuse Sainte-Barbe de Cologne; – l’édition d’Usuard procurée en 1490 à Cologne par Jean Koelhoff, à la suite de la Légende dorée de Jacques de Voragine; – peut-être aussi un ou plusieurs manuscrits d’Usuard alors conservés à Cologne ? Que des religieux de la chartreuse Sainte-Barbe de Cologne soient intervenus dans cette compilation est probable, car ils avaient sous la main les manuscrits d’Hermann Greven et l’édition de 1490, et aussi parce 39

DE GAIFFIER,

40

Ibid., p. 32.

Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven, p. 324-325.

41

DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. XXXXVIII, § 183.

42

DE GAIFFIER,

Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven, p. 325-326.

J.-L. LEMAITRE

384

qu’une dizaine de chartreux au moins figurent dans les auctaria des deux éditions avec une notice assez développée. En dehors de Jean Birelle, 24e prieur de la Grande Chartreuse (1346-1361), après l’avoir été de Glandier (6 janvier), de Landuin, successeur de saint Bruno à la Grande Chartreuse (31 mars), de saint Hugues, évêque de Grenoble (1er avril), dont le long éloge reprend des membres de phrases de sa Vie, de saint Bruno (6 octobre) et, dans une moindre mesure, de Guillaume de Fenoglio (19 décembre), ces chartreux sont peu connus par ailleurs, l’un d’entre eux, «Bernard évêque de Die» provenant même d’une confusion avec Étienne, prieur de Portes puis évêque de Die (27 décembre). La source de leur insertion ne peut être qu’une tradition propre à l’Ordre cartusien. On remarque aussi que plusieurs de ces chartreux sont absents de l’édition de 1515. 6 janvier: Item sancte memorie Johannis Birelli, prioris Maioris domus Carthusie, vita et miraculis conspicui. [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 15]. – Absent de l’éd. de 1515. 31 mars: Beate memorie Lauduini prioris majoris Carthusie, qui unus ex sociis 43 sancti Brunonis fuit , atque post eum prefatam domum regens, a schismaticis carceri mancipatus quievit. [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 184]. – Absent de l’éd. de 1515. 44 45 1er avril: Gratianopoli, beati Hugonis episcopi et confessoris . ¶ Iste Hugo , vir 46 sanctissimus, vidit in solitudine Carthusie Deum dignationi sue habitacula construentem septemque stellas ducatum sibi itineris prestantes. Post quam visionem 47 statim affuit beatus Bruno cum sex sociis, locum querens heremiticie vite con48 gruum. Quos beatus Hugo susceptos in locum sibi divinitus ostensum duxit, consiliis et auxiliis fovit: ac inter eos velut unus ex eis conversabatur. Tandem 49 plenus dierum et sanctitatis quievit in pace . [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 187, post signum LL]. 43

Cf. [dom M. LAPORTE] Un chartreux, Lettres des premiers chartreux. I: S. Bruno – Guigues – S. Anthelme (= Sources Chrétiennes, 88), 2e éd., Paris, 1988, p. 21, 35, 86-87. Successeur de S. Bruno, il va lui rendre visite en Calabre et meurt au cours de son voyage de retour, le 15 septembre 1100. – BHL vacat. Il est inscrit le 14 septembre dans le nécrologe primitif de la chartreuse (La Grande Chartreuse, arch., C III 864, anc. 2 CAL. 2). 44 BHL 4016. Hugo, ep. Gratianopolitanus, † 1137, April. 1. Cf. Vies des saints et des bienheureux. IV: Avril [1], p. 18. 45

Hugo iste dans l’édition de 1521.

46

Cartusie dans l’édition de 1521.

47

Sanctus dans l’édition de 1521.

48

Hugo dans l’édition de 1521.

49

Sur le songe d’Hugues de Grenoble, voir la Brevis historia ordinis Carthusiensis…, rédigée au XIVe s., publiée d’après un ms. de Saint-Laurent de Liège par dom Ed. MARTÈNE, Veterum scriptorum amplissima collectio…, t. VI, Paris, 1729, col. 154. On comparera l’éloge avec le texte de la Vie de S. Hugues (BHL 4016, AASS, April. t. 1, col. 40), qui en est certainement la source directe: Viderat autem circa id tempus per somnium in eadem solitudine Deum,

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

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50

29 avril: Item beate memorie Petri Faverii ordinis Carthusiensis, prioris domus 51 sancte Crucis in Urbe … [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 242]. – Absent de l’éd. de 1515. 52 30 avril: Item in diocesi Lugdunensi, sancte Margarete virginis ordinis Carthusiensis… [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 244]. – Absent de l’éd. de 1515. 6 octobre: In Calabria, depositio sancti Brunonis confessoris…, avec un très long éloge, s’étendant sur plus d’une page. [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 583]. 53 15 décembre: Item sancte memorie Iohannis Cornerii monachi presbyteri ordinis Carthusiensis cuius merita Dominus per miracula multa ostendere dignatus est. [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 746]. 17 décembre: Commemoratio digne et sancte memorie Bernardi episcopi Diensis 54 ex priore domus Portarum ordinis Carthusiensis confessoris… [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 750]. 55 19 décembre: Item sancte memorie Wilhelmi conversi domus Casularum ordinis 56 Carthusiensis; confessoris admirande virtutis viri… [Repris par DU SOLLIER, Auct., p. 754]. On ajoutera le 3 août, une manchette manuscrite marginale dans l’exemplaire parisien de l’édition de 1521: + Translatio quarumdam reliquarum capitis beati Bru57 nonis ordinis Carthusiaci . suæ dignationi habitaculum construentem; stellas etiam septem, ducatum sibi præstantes itineris. Erant vero & hi septem. Quapropter non istorum tantum, sed & qui successerunt eis, consilia libenter amplexus est; & usque ad mortem Carthusiæ habitatores consiliis fovit semper & beneficiis. 50

BHL vacat.

51

Sainte-Croix-en-Jérusalem ou Sainte-Croix in Urbe, à Rome, fondée en 1363 près de Sainte-Croix-en-Jérusalem, transférée dans les thermes de Dioclétien par Pie IV en 1561. Cf. GRUYS, Cartusiana. Vol. 2: Maisons, p. 352. 52

BHL vacat.

53

BHL vacat.

54

Notre-Dame de Portes (Ain, cant. de Lhuis, com. de Benonces), fondée en 1115. Cf. GRUYS, Cartusiana. Vol. 2: Maisons, p. 344. Sur Bernard de Portes, voir [dom M. LAPORTE] Un chartreux, Lettres des premiers chartreux. II: Les moines de Portes. Bernard – Jean – Étienne (= Sources Chrétiennes, 274), Paris, 1999, p. 17-23. Un moine de Portes, Bernard, a été élu évêque de Belley en 1136 et il y resta jusque vers 1140 avant de se retirer à Portes, dont il fut sans doute prieur en 1147. Il s’agit en fait ici d’une confusion, cf. ibid., p. 20: «Guichenon et Chifflet, induits en erreur par un document fautif, ont parlé d’un troisième Bernard, qui aurait été prieur de Portes vers 1160 et serait ensuite devenu évêque de Die; mais il n’y a pas eu de prieur de Portes nommé Bernard à cette date et aucun document ne parle de ce Bernard. Il y a eu confusion avec S. Étienne de Die, chartreux, prieur de Portes en 1196, évêque de Die en 1208, mort la même année, célèbre par ses miracles». Cf. C. LE COUTEULX, Annales ordinis Cartusiensis ab anno 1084 ad annum 1429, vol. II, Montreuil, 1888, p. 134; BHL 78997903, Stephanus ep. Diensis, † 1208, [sept. 7]; Vies des saints et des bienheureux. IX: Septembre [7], p. 156. 55 56

BHL vacat.

Notre-Dame de Casotto (Italie, prov. d’Asti, com. de Garessio). Cf. GRUYS, Cartusiana. Vol. 2: Maisons, p. 257. Sur Guillaume de Fenoglio († 1205): Vies des saints et des bienheureux. XII: Décembre [19], p. 563.

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Si ces auctaria sont passés, sous le nom de Greven, dans l’édition de Du Sollier qui donne parfois leur source, aucun n’avait été retenu par Molanus (Jan Vermeulen, 1533-1585), qui publie à Louvain en 1568 la première édition que l’on pourrait qualifier de «critique», puisqu’il essaie de retrouver le texte d’Usuard et distingue les auctaria en employant l’italique58. Molanus a certes utilisé l’édition de Cologne de 1521 — il le dit explicitement (éd. 1583, f. 208)59 — mais il n’a fait qu’un choix modeste. Mais aussi, le dernier feuillet de l’édition de 1515 est occupé par une gravure sur bois représentant sainte Barbe, surmontée d’une brève oraison (2 lignes): ¶ Participem me fac | Deus omnium timentium te et custodientium mandata tua. Le dessin a été gravé à l’envers, comme on peut le voir avec la légende inversée — Sancta Barbara — et le calice tenu par la sainte dans sa main gauche. La chartreuse de Cologne, faut-il le rappeler, était placée sous l’invocation de sainte Barbe. Les éditions de 1515 et 1521: description sommaire Les exemplaires conservés de ces deux éditions ne sont pas très nombreux. Pour l’édition de 1515 – généralement considérée comme un incunable, en raison de sa typographie mais aussi de ses enrichissements manuscrits (initiales, rehauts de couleurs); elle figure à ce titre dans le répertoire de Hain et l’exemplaire de Munich est coté comme tel –, cinq exemplaires au moins sont conservés 60 en France, trois à Paris, deux à la BNF (rés. H 2056 et H 2271 ) et un à la Bibliothèque Mazarine, un à Metz et un à Strasbourg; sept le sont en Allemagne, 57 Les restes de S. Bruno ont été retrouvés en 1513 dans l’ermitage calabrais où il s’était retiré et où il est mort. Des reliques furent apportées à la chartreuse de Cologne le 3 août 1516. Cf. la Chronologia Carthusiae Coloniensis, ad. ann.: Anno 1516 (…) Eodem tempore venerandas reliquias s. p. Brunonis ibidem sibi oblatas a d. Matthaeo, priore Bononiensi, Coloniam attulit reverenterque deposuit 3. augusti, quo die hodiernum recolitur translatio sanctarum reliquiarum hujus celeberrimi patriarchae, in Die Kölner Kartause um 1500, p. 46. 58 Usuardi Martyrologium quo Romana ecclesia ac permultae aliae utuntur ... cum additionibus ex martyr. rom. ecclesiae et aliarum, potissimum Germaniae inferioris ... et annotationibus in quibus voces aliquot obscurae explicantur... opera Joannis MOLANI, Lovani, apud H. Wellaeum, 1568; nouvelle édition en 1573 chez le même éditeur, puis en 1583 à Anvers chez Philippe Nutium. 59 Quod tamen Carthusia Coloniensis declinare volens in Usuardo Coloniae anno 1521 praefatur se pœne semper (beatæ aut sanctæ memoriæ) non canonizatis præmisisse, ut per hoc a canonizatis secernantur. 60 Le rédacteur du catalogue de la BNF, qui n’a pas vu la date de 1515, précise: «Malgré la notice de Hain, il ne s’agit pas d’un incunable, car l’imprimeur a habité à l’adresse citée au colophon: in vico sancti Gereonis domo rubra porta vulgo dicta, à partir de 1507, cf. J. BENZING, Buchdruckerlexikon des 16. Jahrhunderts».

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

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à Francfort, Fribourg, Cologne, Nuremberg, Schweinfurt (Museum Otto Schäfer), Xanten (Stiftsbibl.) et à la bibliothèque d’État de Bavière à Munich (cet exemplaire provenant de la chartreuse de Cologne est passé au XVIIe siècle à celle de 61 Buxheim ); un en Belgique, à Bruxelles, chez les Bollandistes; deux en Angleterre, à la British Library (4827 .aa. 57) et à Cambridge; deux aux États-Unis, à Chicago (Newberry Library) et à la bibliothèque du Congrès à Washington; un en Russie à la Bibliothèque nationale Saltykov-Chtchedrine de Saint-Pétersbourg; un enfin en Suisse à la bibliothèque cantonale de Thurgovie à Frauen62 feld . Le relevé est plus modeste pour l’édition de 1521. Il n’y en a aucun exemplaire à la BNF et nous n’en avons trouvé aucune mention dans le Catalogue collectif de France, mais qui n’est pas exhaustif. Deux exemplaires sont conservés en Belgique, à Bruxelles, un chez les Bollandistes et l’autre à la Biblio63 thèque royale de Belgique ; cinq le sont en Allemagne, à Berlin (Staatsbibl.), à Cologne (Stadtbibl. et Dombibl.), à Trèves (Stadtbibl.), à Xanten (Stiftsbibl.), un en Autriche, à Vienne (ÖNB) et un en Angleterre, à Cambridge. L’exemplaire utilisé, conservé dans une collection particulière parisienne, a été mis en vente en 64 2010 par le libraire parisien Michel Bouvier . Il porte sur la page de titre l’exlibris manuscrit de l’abbaye bénédictine de Gegenbach, dans la Forêt-Noire: Monasterii Gegenbachensis, 1623. Une mention de possesseur datée de 1563, peu lisible, est ajoutée sur la garde supérieure.

Les deux volumes ont été publiés par l’éditeur colonais Johann Landen, qui apparaît dès 1496 — il imprime cette année-là cinq volumes, dont l’Horologium sapientie de Suso (9 septembre), le Praeceptorium de Nicolas de Lyre, le De summo bono d’Isidore de Séville65. Il a fourni ses polices pour l’imprimerie un temps établie dans la chartreuse de Cologne, où neuf volumes sont imprimés en 1516 [-1517]66. Il est actif jusqu’en 61 Ex-libris ms.: Ad carthusiam Coloniense(m) spectan(tem), | Modo ad eosdem in Buxeria, + cachet de la bibliothèque de Buxheim. Une marque de possesseur figure dans le blanc de tête: Benedictus Summerhart, ordinis Carthusiensis. BSB, Inc. s.a. 224. Consultable en ligne sur le site de la Bayerische Staatsbibliothek (VD 16). 62 Cf. British Library, Incunabula Short Title Catalogue [en ligne]. GREBE, Johann Landen, n’en relève que huit exemplaires, dont un dans la collection Otto Schäfer. 63 Ms. 14649. Exemplaire de la chartreuse de Bruxelles, avec des additions marginales: cf. AASS, Iun. t. 6 (éd. du Sollier), p. LXIV, no 274; J. VAN DEN GHEYN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique, t. I, Bruxelles, 1901, p. 313-314. 64

14, rue Visconti, Paris 6e, cat. 55, 2010, n° 273.

65

Voir GREBE, Johann Landen; S. CORSTEN, Eine Klosterdruckerei in der Kölner Kartause, in ID., Studien zum Kölner Frühdruck. Gesammelte Beiträge, 1955-1985, Köln, 1985, p. 250-261. La question de la date des publications serait à revoir avec précision: l’achevé d’imprimer de Nicolas de Lyre [Grebe, no 1] est daté du 9 mars, et celui d’Hemeric de Campen [Grebe, no 2] du 1er avril. Il faut certainement les reporter à 1497 n. st., le clergé de Cologne ayant utilisé le style de la Nativité à partir de 1310 mais les laïcs ayant continué à se servir du style de Pâques. En 1496, Pâques tombe le 3 avril et en 1497 le 26 mars. 66

GREBE, Johann Landen, p. 60-64.

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1521 et la seconde édition du martyrologe d’Usuard est sa dernière œuvre datée. Plusieurs colophons nous permettent de suivre ses divers ateliers dans Cologne: infra sedecim domos (under XVI. huysser) en 1496-1507 (1er févr.)67, «up Sant Geroin Straiße in der roder Portzen»68 en 1507, 1508, in platea Sancti Gereonis in domo facultatis artium Rubea porta nominata moram gerentem69, in vico Sancti Gereonis domo rubra porta vulgo dicta morantem70 en 151571, up Sent Geroins straiß in der Roeder portzen72 en 1517, dernier colophon portant son adresse. Une seule des neuf impressions connues faites à la chartreuse de Cologne avec les polices de Johann Landen précise l’imprimeur: Impresserunt fratres domus Colonie73. Les deux volumes, très proches par leur format, un petit in-8o (dont la taille actuelle varie de quelques millimètres selon la reliure et le rognage), diffèrent surtout par leur nombre de feuillets, l’impression de 1515 en comptant 176 quand celle de 1521 n’en compte plus que 144 (22 quaternions contre 18), réduction obtenue par l’emploi d’un caractère de corps inférieur et d’un plus grand nombre de lignes à la page, 33 en 1521 contre 27 en 1515. ÉDITION DE 1515 [BSB, Inc. s.a. 224]

ÉDITION DE 1521 [Paris, coll. part.]

Martyrilogium | Usuardi monachi, quod ad Karolum magnum | scripsit. Cum additionibus iam ex diversis mart | yrilogiis collectis atque de novo adiectis ¶ Huic autem operi premittuntur epistole quedam et prefationes ex quibus liquido appareat quantum deceat quantumque expediat sanctorum memoriam assidue agere

Martyrilogium | Usuardi mona | chi, quod ad Karolum magnum scripsit. Cum addi | tionibus olim ex diversis martyrilogiis collectis et | adiectis atque iam in non paucis locis auctis ¶ Huic autem operi premittuntur epistole quedam et prefationes ex quibus liquido appareat quantum deceat quantumque expediat sanctorum memoriam assidue agere

Dimensions: 145 × 100, 5 mm74

140 × 100 mm

67

GREBE, Johann Landen, p. 41, n° 30.

68

Ibid., p. 43-44, nos 34-35.

69

Ibid., p. 45-46, no 38.

70

Ibid., p. 57, no 60.

71

Ibid., p. 57, no 60 [1re édition du martyrologe].

72

Ibid., p. 57, no 61.

73

Ibid., p. 61, no 4, Petrus Dorlandus, Tractatus sive sermo mystica significatione.

74

Exemplaires de la bibliothèque des Bollandistes: 137 × 95 mm pour l’éd. de 1515 et 121 × 85 mm pour l’éd. de 1521.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN Justification: 66 mm (hauteur de page: 100 mm) Lignes par page: 26 + titre courant Cahiers: 22 quaternions, signés a. – y. (en bas de cahier), sur le premier feuillet de chaque cahier (sauf a1: aii) 176 ff.

Pas de foliotation

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66 mm (hauteur de page: 100 mm) 32 + titre courant (mois) 18 quaternions, signés A. – S. (cap.), sur le premier feuillet de chaque cahier (sauf A1: Aii) 144 ff. [142 dans l’exemplaire utilisé, les ff. S7 et S8 manquant]. GREBE, Johann Landen: 143v blanc | 144 blanc | 144v: gravure sur bois Pas de foliotation

Papier épais, à vergeures et pontuseaux, Papier épais, à vergeures et pontuseaux, sans filigrane sans filigrane Caractères [GREBE, Johann Landen]: type 1 et 6 (texte)

Caractères: type 1, 2 (texte), 8 (quelques passages)

Reliure [BSB, Inc. s.a. 224]: reliure portefeuille d’origine, veau brun estampé, avec décor de rosaces et losanges, avec fermoir à agrafe en laiton. Ais fait d’un simple feuillet de parchemin en remploi (livre liturgique) collé sur la peau. Dos à trois nerfs

Reliure [coll. part.]: reliure portefeuille d’origine, veau brun estampé: 4 bandes verticales de 20 mm, à décor floral (vigne) dans un encadrement. Attache de fermoir en laiton ouvragé sur le plat supérieur. Ais fait d’un simple feuillet de parchemin en remploi (texte sur 2 col. non identifié). Plat inférieur en mauvais état, peau arasée, déchirures, le rabat de la reliure a disparu. Dos à 3 nerfs, renforcé, sans doute au XVIIe s.

Rubriques: f. A1 entièrement rubriqué Touches (manuelles) de vermillon sur les initiales Grande initiale C à l’encre sur 6 ligne f. b. Initiales sur 3 lignes au début de chaque mois

Touches (manuelles) de vermillon sur les initiales f. B [9]: espace réservé pour une initiale C[ircumcisio], qui n’a pas été dessinée. Espaces réservés pour des initiales manuscrites, qui n’ont pas été portées

[Colophon, f. y8] ¶ Impressum per me Pas de colophon. La date (term. ante Johannem Landen, civem inclyte civita- quem) se trouve dans le texte du f. S6v tis Colon(iensis), in vico sancti Gereonis domo rubra porta vulgo dicta commorantem Dernier f.: y8v: gravure sur bois (52 × 75 f. S7r: le texte des additions se termine mm)75, figurant sainte Barbe, tenant un sur cinq lignes en dégradé. S7v [143] calice surmonté d’une hostie dans sa blanc, S8r [144] blanc. S8v:- [144v] Gra75

Non reproduite dans GREBE, Johann Landen (Abbildungen).

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main droite, la tour de sa prison figurée en arrière-plan à droite, avec légende: Sancta Barbara. Le dessin a été gravé sans être inversé; l’impression est à l’envers: tour à gauche, calice dans la main gauche et légende inversée

vure sur bois figurant la Vierge à l’Enfant, devant un mur, sur un croissant de lune, avec un soleil rayonnant dans le dos76. Le f. 144 manque dans l’exemplaire des Bollandistes

Le colophon de l’édition de 1515 donne le nom de l’imprimeur, impressum per me Johannem Landen, civem inclyte civitatis Coloniensis, et son adresse, in vico Sancti Gereonis, domo rubra porta vulgo dicta, mais pas la date d’impression. Il faut la chercher, dans l’une et l’autre édition d’ailleurs, dans le court texte qui termine le martyrologe et qui renferme des additions: «¶ Finis martyrologii Usuardi monachi, cum additionibus ex diversis martyrologiis multo sudore collectis, separatimque jam de novo anno Domini millesimo quingentesimo decimo quinto apud Coloniam Agrippinam adiectis. In quibus additionibus is qui ipsas collegit imitatus venerabilem Bedam simpliciter fidem sive historie quam legebat sive diversorum in hac re studiosissimorum scriptis accommodavit, deprecans charitatem spiritus sancti ut labor suus fructum in devotorum profectu, ad Dei et sanctorum eius gloriam invenire valeat»

«¶ Finis martyrologii Usuardi monachi, cum additionibus ex diversis martyrologiis multo sudore collectis, separatimque jam secundo anno Domini millesimo quingentesimo vicesimo primo apud Coloniam Agrippinam adiectis. In quibus additionibus qui ipsas collegit iuxta sententiam divi Hieronymi vel Bede simpliciter fidem sive historie quam legebat sive diversorum in hac re studiosissimorum scriptis accommodavit, deprecans charitatem spiritus sancti ut labor suus fructum in devotorum profectu, ad Dei et sanctorum eius gloriam invenire valeat»

L’édition de 1521 est dépourvue de colophon et son attribution ne peut se faire que par comparaison avec celle de 1515. Si le contenu est pratiquement identique, on peut remarquer quelques petites différences dans la mise en page, à commencer par la page de titre. Celle de l’édition de 1515 est intégralement rubriquée. Le M capital de Martyrologium s’appuie sur la ligne rectrice, [M]artyrologium s’étendant sur toute la ligne et le texte se poursuivant en caractères du corps. Dans l’édition de 1521, le M est suivi de [M]artyrologium | Usuardi mona | [chi], en gros corps, sur 2 lignes. Les trois paragraphes suivants (2-4) sont espacés régulièrement dans l’édition de 1521, alors qu’ils le sont de manière irrégulière dans l’édition de 1515, les paragraphes 3 et 4 étant même collés. Ailleurs, les titres sont centrés et interlignés dans l’édition de 1521. 76

Reproduite dans GREBE, Johann Landen, fig. 24, p. 196.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

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Le compilateur a utilisé, dans le texte d’Usuard, les pieds de mouche (¶) pour marquer la séparation entre le texte d’Usuard et les auctaria. Dans l’édition de 1515 de l’exemplaire de la Bibliothèque de Munich, de nombreux pieds de mouche ont été ajoutés manuellement, rubriqués, pratiquement devant chaque nom de saint. Il n’y en a pas dans l’exemplaire de la bibliothèque des Bollandistes, où les initiales sont par contre rehaussées de jaune. Dans l’édition de 1521, on s’est contenté d’une petite surcharge de vermillon sur les initiales, mais aussi sur les pieds de mouche. Notons aussi que dans l’édition de 1515 les phrases ne se terminent pas par un point et que cette insertion de pieds de mouche rubriqués facilite la lecture. La présentation matérielle des deux volumes reste encore archaïque, ce qui explique d’ailleurs que l’édition de 1515 ait été parfois considérée comme un incunable et de ce fait se retrouve dans certains répertoires d’incunables comme celui de Hain77 ou l’Incunabula Short Title Catalogue, de la British Library. Sinon, la présentation du texte du martyrologe est identique. Ainsi l’incipit: 1515: Incipit martyrologium Usuardi monachi cum additionibus de novo adiectis. 1521: Incipit martyrologium Usuardi monachi cum additionibus de novo adiectis. et iam secundo revisis. et auctis, castigatiusque impressis.

Dans les deux éditions, janvier s’ouvre avec une grande initiale manuscrite. Pour les autres mois, le texte débute avec le nom du mois, centré, en lettres de gros corps, précédé d’un pied de mouche (1515) ou rehaussé de vermillon (1521), selon les exemplaires. Vient ensuite, sur une ligne, la lettre dominicale, le jour (calendrier romain), le quantième, en chiffres arabes (1515) ou romains (1521, parfois aussi en chiffres arabes) sauf pour le 1er du mois, dies prima. Ainsi, pour le 9 mars: E – VII idus martii – d(ies) 9 / IX. Prenons, pour le texte, l’exemple de ce même jour. E – VII idus martii – d(ies) 9 / IX. (1) Apud Nisenam civitatem, depositio sancti Gregorii episcopi, fratris beati Basilii Cesariensis, tam vita quam eloquentia clarissimi. (2) Civitate Barcinona, sancti Patiani episcopi, qui tempore Theodosii principis optima senectute finem vite sortitus est. ¶ (3) Ipso die sanctorum Sici, Philippi, Mariani, Concessi, Sebastiani, Iuliani, Silvani. (4) Parisius, Draconii abbatis. (5) Item secundum aliquos 40 (XL) martyrum, qui in quinto (5) idus ponuntur. 77

L. HAIN, Repertorium bibliographicum in quo libri omnes ab arte typographica inventa usque ad annum MD, typis expressi ordine alphabetico vel simpliciter enumerantur vel adcuratius recensentur, t. 3, Berlin, 1925, p. 498, n° 16109 (sans date).

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392

Le texte des deux premiers éloges correspond rigoureusement à celui d’Usuard (DUBOIS, p. 191), les deux éloges provenant d’ailleurs l’un et l’autre d’Adon. Le groupe de martyrs qui ouvre les auctaria provient du martyrologe hiéronymien78. Le Draconius, abbé à Paris, n’est pas connu autrement et Du Sollier, dans les auctaria au 9 mars, reprenant le texte de notre martyrologe, pense qu’il s’agit d’un doublet pour Droctovée, premier abbé de l’abbaye Saint-Vincent, mort vers 58079, inscrit le lendemain, Parisius, depositio sancti Droctovei abbatis, discipuli beati Germani episcopi80, éloge introduit par Usuard le 10 mars81. On retiendra le dernier auctarium, les Quarante martyrs de Sébaste, inscrit en effet le V idus (11 mars) par Usuard82, placé à la date d’Adon, alors que Florus les avait inscrits le 9 mars, où il n’y avait que cet éloge83. On ne peut aborder ici la question des auctaria, qui font, nous l’avons dit, l’intérêt essentiel des martyrologes car cela passerait d’abord par leur transcription intégrale, puis par leur collation avec les manuscrits d’Hermann Greven conservés à Darmstadt (Univ. und Landesbibl., Hs. 1021, f. 173-207) et à Cologne (Historisches Archiv der Stadt Köln, Hs. Wallraf 28), et avec l’édition donnée en 1490 par Jean Koelhoff à Cologne. C’est à ce prix seulement que l’on pourra individualiser les apports du compilateur colonais (chartreux ?) anonyme. Ce compilateur a d’ailleurs bien fait son travail et nous allons voir rapidement comment il a organisé son édition. Le titre, qui met en valeur le moine Usuard, est suivi de deux citations, l’une de Jean Gerson et l’autre du pape Léon Ier: ¶ Gerson super Magnificat tractatu octavo. Deputet anima quelibet christiana (…) pie et humiliter. 84 ¶ Item Leo papa in sermone Epiphanie . Confirmate amicitias cum sanctis angelis (…) erit et communio dignitatis.

Le Collectorium super Magnificat de Jean Gerson a été publié vers 1475 à Cologne chez Nicolas Goetz85 et les sermons du pape Léon Ier, d’après 78 Martyrologium Hieronymianum, éd. J. B. DE ROSSI – L. DUCHESNE, in AASS, Nov. t. 2, pars prior, Bruxelles, 1894, p. [30]. 79

BHL 2336.

80

DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, p. 146. Cf. Vies des saints et des bienheureux. III: Mars, p. 230-231 81

DUBOIS, Le martyrologe d’Usuard, p. 192.

82

Ibid., p. 192.

83

DUBOIS – RENAUD, Le martyrologe d’Adon… (cf. supra, n. 9), p. 101-103.

84

Fin du cinquième sermon pour l’Épiphanie: Léon le Grand, Sermons, t. I, introd. J. LEtrad. R. DOLLE (= Sources Chrétiennes, 22bis), 2e éd., Paris, 1964, p. 264.

CLERCQ, 85

Exemplaires à Paris, bibl. Mazarine et bibl. de la Sorbonne (Inc. 23, pièce 2).

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

393

l’édition de G[iovanni] Andrea, cette même année 1475 chez Bartholomeus von Unckel86. Suit un extrait du sermon de Bernard de Clairvaux pour la vigile des saints Pierre et Paul: 87

(f. A2) ¶ Bernardus in sermone de vigilia apostolorum Petri et Pauli . {Auxilium sancti Tria sunt que in festivitatibus sanctorum {Exemplum eius {Confusionem nostram. Inc.: Auxilium eius: quia qui potens erat in terra (…) Expl.: … quia eos imitari non possumus.

Les Sermones de tempore et de sanctis et de diversis de saint Bernard ont été publiés à Mayence en avril 1475 chez Pierre Schoeffer88. On enchaîne immédiatement dans l’édition de 1515 avec la préface du compilateur (f. A2-A4v: ¶ Prefatio in martyrologium cum additionibus hic impressum (A2v-A5v). S’ouvrant avec une citation du psaume 150, Laudate Dominum in sanctis ejus, Ps. CL…, la préface explique, citations à l’appui, pourquoi il convient de célébrer la mémoire des saints. Elle se termine avec des considérations plus pratiques, sur la composition du martyrologe (f. A4v): ¶ Cum igitur tam pium tamque salubre sit sanctis Dei per quotidianam commemorationem ac venerationem conjungi ad multorum preces collectasque hic ex diversis martyrologiis et historiis sanctorum vel sola nomina aut etiam summarium vite | A5 seu passionis quanto succinctius fieri potuit additaque scilicet martyrologi Usuardi, ita quod primo ponitur Usuardus, deinde interposito paragrapho ¶ sequant additiones. Interdum autem parvus §* ponitur ad insinuandum sanctum illum cui preponitur superaditum esse Usuardo… * Le § est devenu un L dans l’édition de 1521.

Les f. A5v-A7v contiennent les textes qui accompagnent fréquemment le martyrologe d’Usuard dans la tradition manuscrite médiévale, en fait même depuis le martyrologe hiéronymien pour la lettre des évêques Chromace et Héliodore à saint Jérôme et la réponse de ce dernier, cf. Martyrologium Hieronymianum…, éd. J.-B. DE ROSSI – L. DUCHESNE (AASS, Nov. t. 2, pars prior, [1894], p. [LXXXII]). f. A5v. ¶ Que sequuntur martyrologio Usuardi communiter preponi solent. ¶ De prologis diversis super opus martyrologii…

86

BNF, C 590, 591, 592.

87

28 juin. Sermons pour l’année: sigle PPV dans le Thesaurus sancti Bernardi Claraevallensis (Serie A Formae), CETEDOC, Turnhout, 1987. 88

Exemplaires à Paris, à la BNF et à la bibliothèque Mazarine, et à la BNU de Strasbourg.

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J.-L. LEMAITRE

f. A6 ¶ Epistola Chromatii et Heliodori episcoporum ad Hieronymum. Domino sancto fratri Hieronymo, Chromacius et Heliodorus episcopi in Domino salutem… f. A6rv-A7 ¶ Responsio Hieronymi ad eosdem super eodem. Chromacio et Heliodoro sanctis episcopis Hieronymus presbyter… f. A7rv ¶ Epistola seu prefatio Usuardi monachi ad Karolum regem super opere martyrologii. Inc. Domno regum piissimo Karolo Usuardus indignus sacerdos ac monachus perhennem in Christo coronam. Minime latet vestram celsitudinem… Lettre-préface d’Usuard à Charles le Chauve, recension A, cf. éd. DUBOIS, p. 144. f. A7v-A8v. ¶ Prefatio que in pluribus libris asscribitur Bede super opere martyrologii, plures autem ipsam excerptam dicunt ex libris beati Augustini. Inc. Festivitates sanctorum apostolorum seu martyrum antiqui patres… Expl. Honorandi sunt charitate non servitute. Cf. éd. DUBOIS, p. 146. Dans le ms. d’Usuard (BNF, lat. 13745, f. 3), cette préface est précédée de cette mention: Ex libris beati Augustini qualiter colendi sunt sancti.

On retrouve tous ces textes dans l’édition de Molanus: lettre de Chromace et Héliodore (f. 2v), réponse de saint Jérome (f. 3), préface Festivitates (f. 4), lettre-préface d’Usuard à Charles le Chauve (f. 5). Vient enfin le texte du martyrologe, comme il est dit dans la préface. (F. A5): en tête, le texte d’Usuard, ou considéré comme tel (il faudrait le collationner systématiquement avec l’édition de dom Dubois), suivi dans quelques cas des saints dont l’éloge est précédé du signe § (édition de 1515) — trois cas —, ou d’un L ou double LL (édition de 1521) — six cas, en comptant les trois précédents —, enfin, introduits par un pied de mouche (¶), les auctaria, dont la source est parfois donnée, en particulier lorsqu’il s’agit d’emprunts au Speculum historiale de Vincent de Beauvais, par ex., le 4 janvier: (…) ¶ Lingonis, Gregorii episcopi et confessoris, cuius vitam Vincentius Belvacensis in Speculo historiali libro 22 ca. 52 summatim perstringit (éd. 1515, f. b2v) / … libro XXII ca. quinquagesimo secundo dans l’éd. de 1521. Les additions du premier type — saints dont le nom est précédé d’un § ou d’un L — sont peu nombreuses, six: Héribert, évêque de Cologne (996-† 1021), le 16 mars; Hugues, évêque de Grenoble († 1132), le 1er avril; la translation des trois rois mages à Cologne, le 23 juillet; Bernard de Clairvaux, le 20 août; Materne, évêque de Trèves († 315), le 13 septembre; la Passion des Onze mille vierges à Cologne le 21 octobre… Il s’agit sans doute de saints inscrits de première main sur le martyrologe manuscrit ayant pu servir de modèle, ou considéré comme appartenant au fonds local: la moitié de ces saints concerne Cologne et saint Hugues de Grenoble est le protecteur de saint Bruno et des premiers Chartreux. On

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

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retiendra la volonté de bien les distinguer des autres auctaria, par un § (1515) ou un L (1521) selon l’édition. Ce sont évidemment les additions du second type introduites par un pied de mouche qui constituent le gros des auctaria, mais aussi du volume, et qui font toute son originalité, avec un fort apport en saints rhénans et germaniques. Toute cette partie mériterait une analyse détaillée, passant au préalable, comme nous l’avons dit, par sa collation avec l’édition colonaise de 1490 et le martyrologe manuscrit d’Hermann Greven pour pouvoir apprécier à sa juste valeur le travail du compilateur colonais, chartreux ou non. Le martyrologe proprement dit occupe l’essentiel du volume: éd. 1515: f. b1. [9] – y7. [177] / éd. 1521: f. B1 [9] – S6v [142v]. L’édition se termine avec l’explicit donné précédemment (voir supra, p. 390). Le texte se poursuit avec les errata: ¶ Errata porro licet multum imprimendo caverentur, postea deprehenda sunt… Ils concernent cinq fêtes: … Ut 3° id. junii [11.06] pro Hildulpho Hildephonsus male positus est. Item 13 kal. augusti [20.07] pro Arnulpho Arnuphus. Kalendis septembris [01.09] Winardus Remensis pro Vinardo, licet in hoc nomine varietas multa fuerit exemplariorum, sicut et in nomine Clodouei abbatis qui habetur 6 idus martii [10.03], ubi nos sequuti exemplar quoddam Lugduni impressum Doctouei posuimus, sed utrum recte incertum habemus. Item 14 kal. octobris [18.09] in quibusdam foliis Olmipi Licie in aliis olim Pilicie, utrobique male pro Olimpi Licie positum est. Sexto etiam idus octobris [10.10] perstringit pro perstrinxit. Atque in hunc modum alia si inter legendum occurrerint credimus facile ab unoquoque posse dinosci et corrigi.

Ces fautes ont été corrigées dans l’édition de 1521. Un des intérêts de ces errata de l’édition de 1515 est de montrer que le compilateur colonais a utilisé également l’édition lyonnaise d’un martyrologe. Il s’agit très certainement du Martyrologium seu Viola sanctorum, imprimé à Lyon vers 1480 par Nicolas Philippe et Marc Reinhard, seule édition lyonnaise de martyrologe [romain] connue pour le XVe siècle89. L’explicit se termine avec une liste de saints qui n’ont pas pu être insérés à leur date, faute de la connaître: ¶ Preterea nonnulli sancti iccirco preteriti sunt, quod eorum natalicii dies ignorabantur, et precipue quidam magnarum virtutum viri qui a magno papa Gregorio inter sanctos annumerari digni judicati sunt in libris dialogorum, quorum nomina placuit hic subjicere ut devotus quisque de eorum gestis in originali requirat diesque quibus eos colat pro sua devotione ipse sibi eligat… 89 Martyrologium seu Viola sanctorum, Lyon, N. Philippe et M. Reinhard, ca. 1480, Infol., [128] fol. (HAIN 10866). BNF, B 28 965 / Arsenal, 4 H 6439 / Sainte-Geneviève, OEOX, 579 rés.

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Suit en effet une série de noms de saints tirés du livre I des Dialogues de saint Grégoire90. Viennent ensuite quelques autres saints dont les dates ont été connues trop tard: ainsi la moniale cistercienne Franca: Porro Francam virginem ordinis cisterciensis die suo qui est 25 aprilis non posuimus quia sero cognita fuit. On la retrouve à sa place dans l’édition de 1521: VII kal. maii / XXV. (…) ¶ Item beate France virginis ordinis cisterciensis. Il s’agit de Franca Visalta, abbesse du monastère bénédictin de Saint-Syr, à Plaisance, déposée à cause de sa sévérité excessive, puis abbesse de l’abbaye cistercienne de Montelana, enfin de Pittoli, morte en 1218, dont la sainteté fut reconnue par Grégoire X (1271-1276), fêtée effectivement le 25 avril91 ou le 26 dans le martyrologe cistercien de 168992. Y figurent également la fête de l’ange gardien et celle des saints auxiliateurs. L’édition de 1521 ajoute la fête de saint François de Paule, parce que sa fête, le 2 avril, a été connue trop tard, Franciscum de Paula ordinis fratrum minimorum initiatorem…, cuius festum secunda aprilis servatur, iccirco hic ponimus quod dormitionis ejus diem sero cognovimus. Saint François de Paule, né le 27 mars 1416 à Paola, en Calabre, et mort le 2 avril 1507 au Plessis-lès-Tours, a été canonisé le 12 mai 1519 par Léon X (par la bulle Excelsis Domini…)93. Le nombre des saints auxiliateurs, le 8 août, quinze, en fait quatorze selon la tradition94, est précisé, festum quindecim auxiliatorum, commémoration collective de quatorze saints martyrs, surtout célébrée en Allemagne et supprimée en 196995. L’auteur et la diffusion du martyrologe Toutes les questions posées par ce martyrologe ne peuvent être résolues. Qui en est le rédacteur, ou plutôt le compilateur ? Sans doute un chartreux de Cologne, pour les raisons que nous avons avancées, mais 90 Grégoire le Grand, Dialogues. T. II: Livres I-III, éd. A. (= Sources Chrétiennes, 269), Paris, 1978, p. 10-119. 91

DE

VOGÜÉ – P. ANTIN

Vies des saints et des bienheureux. IV: Avril, p. 637.

92

Kalendarium cisterciense seu Martyrologium sacri ordinis cisterciensis romanis rubricis accomodatum, Paris, 1689, p. 110: VI kal. mai / 26. Natalis sanctae Franchae virginis, quae a monialibus nigris primum educata suscepto deinde habitu Cisterciensi, mater plurimarum virginum effecta est et miraculis clara numero sanctorum adscripta fuit. Sans lieu. 93 Saint François de Paule et les Minimes en France de la fin du XVe au XVIIIe siècle, sous la dir. de B. PIERRE – A. VAUCHEZ, Tours, 2010. 94 95

Vies des saints et des bienheureux. VIII: Août, p. 152.

Acace (22 juin), Barbe (4 déc.), Blaise (3 févr.), Catherine d’Alexandrie (25 nov.), Christophe (25 juil.), Cyriaque (8 août), Denis de Paris (9 oct.), Érasme (2 juin), Eustache (20 sept.), Georges (23 avril), Marguerite (20 juil.), Pantaléon (27 juil.), Gui (15 juin), Gilles (1er sept.).

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

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cela ne peut être appuyé par autre chose qu’un raisonnement reposant sur des éléments qui ne sont pas tous assurés. Certes, la chartreuse de Cologne possédait dans sa bibliothèque un exemplaire de l’édition du martyrologe d’Usuard publiée à Lübeck en 1475 et de celle publiée à Cologne en 1490, elle avait aussi le martyrologe manuscrit composé par Hermann Greven, autant de sources utilisées pour la compilation du martyrologe publié en 1515 puis en 1521 par Johann Landen… Certains auctaria de ce martyrologe enfin ne peuvent venir que du milieu cartusien. Tout cela nous conduit vers la chartreuse où l’on sait que l’on pratiquait et que l’on y pratique toujours l’anonymat littéraire. Autre question, la diffusion du livre ? Il s’agit d’un petit format, imprimé en gothique de petit corps, peu facile à utiliser pour la lecture orale dans le cadre de l’office du chapitre et de la liturgie monastique ou canoniale de Prime, mais très pratique pour une lecture privée, et l’on sait que les Chartreux ne pratiquaient pas l’office du chapitre. La reliure portefeuille de l’exemplaire de Munich de 1515 comme celle de l’exemplaire parisien de 1521 renforce ce sentiment. On notera aussi que l’exemplaire de la bibliothèque de Munich vient de la chartreuse de Cologne, puis de celle de Buxheim. L’exemplaire parisien de l’édition de 1521 était en 1623 à l’abbaye de Gegenbach, une abbaye de moines noirs dans la ForêtNoire, mais il avait appartenu auparavant, en 1563, à un possesseur privé. Il faudrait examiner les marques de possesseurs des autres exemplaires conservés, mais vingt exemplaires pour l’édition de 1515 et dix pour celles de 1521, ce n’est pas très probant et ne permettrait pas de faire des statistiques fiables. Certes, la moitié des exemplaires conservés (1596 sur 30) l’est dans les pays germaniques (Allemagne, Suisse alémanique et Autriche), et c’est la seule constatation possible pour l’instant. On sait aussi que les livres liturgiques imprimés ont beaucoup souffert de la réforme tridentine et que l’editio princeps du martyrologe est publiée à Rome en 158497. L’avenir est aux martyrologes annotés et commentés, comme celui de Molanus, dont la première édition est publiée en 156898, ou le Martyrologium Romanum de 1586. Deux ans en effet après 96 Nous considérons comme tel l’exemplaire français de l’édition de 1521, dont la provenance est attestée par l’ex-libris (Gegenbach) mais aussi par certaines additions marginales. 97

Martyrologium romanum ad novam Kalendarii rationem et Ecclesiasticae historiae veritatem restitutum Gregorii XIII Pont. Maximi iussu editum, Romae, Ex typographia Dominici Basae, MDLXXXIIII. In-4o [32]-416-[154] p., cur. M. SODI – R. FUSCO – R. GODDING (= Monumenta liturgica concilii Tridentini, 6), réimpr., Città del Vaticano, 2005. 98 Usuardi Martyrologium quo romana ecclesia ac permultae aliae utuntur... (cf. supra, n. 58). Nouvelles éditions en 1573 et 1583.

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la publication de l’édition princeps, Baronius donne une nouvelle édition de son texte, toujours à Rome, mais accompagnée cette fois d’une ample annotation, à l’instar de Molanus, mais plus développée, édition appelée à connaître un vif succès. Tout en restant un livre liturgique, le martyrologe devient aussi un instrument de référence pour les hagiographes et les historiens du christianisme. Une dernière question doit être posée, à laquelle une recherche plus approfondie pourra peut-être apporter une réponse: celle-ci concerne la reliure portefeuille estampée avec agrafe en laiton, dont les plats sont faits d’un simple feuillet de parchemin de remploi, avec un dos à trois nerfs dépourvu de pièce de titre. Nous avons vu que l’exemplaire de la bibliothèque de Bavière provenait de la chartreuse de Cologne, Ad Carthusiam Coloniensem spectat, lit-on sur la page de titre. L’exemplaire parisien de l’édition de 1521 renferme plusieurs mentions manuscrites: les saints cartusiens précédemment évoqués sont signalés en marge par Cartusiacus, rubriqué (31 mars, 1er avril, 30 avril, 15, 17 et 19 décembre). On retiendra d’autres mentions, colonaises cette fois: le 2 mai, à propos de l’archevêque de Cologne Raynaud (1159-1167) mentionné dans un éloge, Hic Reynoldus etiam anno MCLXIII transtulit Coloniam Machabeos; le 31 mai, Hic Reynoldus etiam ad Bonam transtulit corpora sanctorum Cassii et Florentii, Malusii et sociorum ipsorum99; le 4 juin, Colonia Agrippina, passio sancti Renoldi martiris100. Septimo vero idus januarii ejus translatio celeberrime agitur; le 3 août, Translatio quarumdam reliquiarum capitis b. Brunonis ordinis Carthusiaci, déjà évoquée. Une dernière mention, le 4 septembre, concerne Yda, vidue nobilis in Westfalia juxta Lippiam: l’annotateur ajoute en marge: † In Hertzfelt, apud Castrum Honestat101. Comme les Bollandistes, dom Dubois a d’ailleurs retenu cette localisation: Herzfeld. Cette double série de mentions manuscrites cartusiennes et colonaises laisse penser que le livre a pu être en usage à la chartreuse de Cologne. Les deux reliures sont très proches, même si celle de Paris est mutilée, et il est manifeste qu’elles sortent d’un même atelier. Les fers ou roulettes utilisés sont certes différents, mais la structure, la place du fer99

Le 10 octobre, cf. Vies des saints et des bienheureux. X: Octobre, p. 311-316.

100

Martyr à Cologne, le 7 janvier. Cf. Vies des saints et des bienheureux. I: Janvier, p. 148. Il n’est pas inscrit le 7 janvier dans le martyrologe. 101

Veuve à Herzfeld († 825), cf. Vies des saints et des bienheureux. IX: Septembre, p. 95; BHL 4143. Abrégé de sa Vita dans l’histoire des saints de Cologne, addition à la Légende dorée dans l’édition de Cologne de 1483.

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moir sont identiques. Or, en même temps qu’un atelier d’imprimerie, pour lequel Johann Landen a travaillé ou collaboré, la chartreuse avait un atelier de reliure102. Le catalogue de l’exposition de Cologne de 1991 mentionne plusieurs reliures provenant de cet atelier, dont une sur un bréviaire de la fin du XVe siècle103, sur des commentaires de la Bible écrits par le chartreux Heinrich de Diessen104, ou sur le Viridarium in Psalterium du même religieux105, mais ces reliures ne sont ni décrites ni reproduites. La bibliothèque de la chartreuse a été détruite par un incendie en 1451106 et les chartreux se sont aussitôt après mis au travail pour la reconstituer; la chronique mentionne les dons de livres faits après cet incendie107. Elle comptait près de cinq cents volumes au début du XVIe siècle108. Il ne pouvait être question de rechercher et d’examiner ici les volumes antérieurs au premier quart du XVIe siècle et d’en analyser les reliures, mais la question de leur atelier de fabrication — la chartreuse de Cologne ou un atelier particulier — reste posée. École Pratique des Hautes Études

Jean-Loup LEMAITRE

4-14, rue Ferrus F – 75014 Paris

102 Voir H. GERIG, Die Buchbinderwerkstatt ʽHl. Barbaraʼ und das Kartäuserkloster ʽSt. Barbaraʼ in Köln. Eine Einband- und siegelkundliche Studie, in Mélanges offerts par ses confrères étrangers à Charles Braibant, Bruxelles, 1959, p. 155-188. 103

Die Kölner Kartäuse um 1500, p. 150, n° 4.23, ms. dans une collection particulière depuis 1973 [anc. Phillipps 536]. 104

Ibid., p. 148, no 4.18.

105

Ibid., p. 149, no 4.20.

106

Cf. la Chronologia Carthusiae Coloniensis, p. 38; voir MARKS, The Medieval Manuscript Library of the Charterhouse… (cf. supra, n. 32). 107 108

Cf. la Chronologia Carthusiae Coloniensis, p. 38 sq.

La bibliothèque comptait 8000 volumes au milieu du XVIIIe s. L’occupation française en 1794 marque sa fin. Les Français récupèrent 158 volumes et les anciens chartreux en rachètent, à titre personnel, un certain nombre. Environ 1100 volumes sont aujourd’hui conservés à Cologne (Kölner Stadt und Universitätsbibliothek); les volumes recueillis par le théologien et collectionneur Franz Ferdinand Wallraf (Cologne, 1748-1824), recteur de l’Université de Cologne de 1793 à 1796, sont conservés aux archives historiques de la ville de Cologne; les volumes acquis par le baron Adolf Hüpsch (1730-† 1805 à Cologne), vendus en 1802 à Louis X de Hesse-Darmstadt, sont aujourd’hui à la Universitäts- und Landesbibliothek de Darmstadt. 136 autres volumes furent achetés dans une vente par le théologien de Marburg Leander van Eß, qui les céda en 1824 à sir Thomas Phillipps. Ils ont été dispersés au début du e XX s.

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J.-L. LEMAITRE ABRÉVIATIONS

Br. Mus., Books pr. XVth c. = Catalogue of Books Printed in the XVth Century now in the British (Museum) Library (BMC), 8 parts, London, 1963. COPINGER = W. A. COPINGER, Supplement to Hain’s Repertorium bibliographicum, 3 vol., London, 1895-1902. DE GAIFFIER, Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven = B. DE GAIFFIER, Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greven, in AB, 54 (1936), p. 316358. DUBOIS, Le martyrologe d’Usuard = J. DUBOIS Le martyrologe d’Usuard. Texte et commentaire (= Subs. hag., 40), Bruxelles, 1965. DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi = Martyrologium Usuardi monachi, hac nova editione ad excusa exemplaria quatuordecim, ad codices Mss. integros decem et septem, atque ad alios ferme quinquaginta collatum, ab additamentis expurgatum, castigatum et quotidianis observationibus illustratum, Opera et studio Joannis Baptistae SOLLERII, Antverpiae, 1714. Die Kölner Kartause um 1500 = Die Kölner Kartause um 1500. Eine Reise in unsere Vergangenheit. Führer zur Ausstellung 18. Mai-22. Sept. 1991, Kölnisches Stadtmuseum, ed. R. WAGNER – U. BOCK, Köln, 1991. GOFF = F. R. GOFF, Incunabula in American Libraries. A Third Census of the XVth Century Books Recorded in North American Collections, New York, 1964. GREBE, Johann Landen = W. GREBE, Der Kölner Frühdrucker Johann Landen und die Druckwerke seiner Offizin, Wiesbaden, 1983 GRUYS, Cartusiana = A. GRUYS, Cartusiana. Un instrument heuristique, 3 vol., Paris, 1976-1978. HAIN = L. HAIN, Repertorium bibliographicum in quo libri omnes ab arte typographica inventa usque ad annum MD, typis expressi ordine alphabetico vel simpliciter enumerantur vel adcuratius recensentur, 4 vol., Stuttgart – Paris, 1826-1838. PELLECHET = M. PELLECHET, Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France, 3 t., Paris, 1897-1909. POLAIN = M.-L. POLAIN, Catalogue des livres imprimés au quinzième siècle des bibliothèques de Belgique, 5 t., Bruxelles, 1932-1978. Vies des saints et des bienheureux = Bénédictins de Paris, Vies des saints et des bienheureux, 13 vol., Paris, 1935-1959. Summary. At Cologne in 1515 Johann Landen published an edition of the martyrologium of Usuard in a very modest format in 8° (14 × 10 cm), in the title of which for the first time the name of Usuard appears. The same printer published a revised edition in 1521. This edition brings the work of an anonymous compiler working in a Carthusian environment who used a manuscript of Usuard’s martyrologium, viz. the martyrologium of Hermann Greven, whose manuscript was kept at that time at the Carthusian monastery of Cologne, as well as the edition published at Cologne in 1490 by Johann Koelhoff.

L’ÉDITION DU MARTYROLOGE D’USUARD PAR J. LANDEN

Ill. 1. Page de titre de l’édition de 1521 (Paris, collection particulière)

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Ill. 2. Le 1er avril dans l’édition de 1521 (Paris, collection particulière) Éloge de saint Hugues de Grenoble, introduit par LL

Bernard JOASSART DOCUMENTS SUR LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN / HISTORIQUE* 1. L’arrêt des activités bollandiennes La suppression de la Compagnie de Jésus en 1773 fut à tout le moins fort préjudiciable aux Bollandistes1. Tout autant que leurs confrères en religion, les quatre membres du groupe des hagiographes d’Anvers — Corneille De Bye2, Jacques De Bue3, Ignace Hubens4 et Joseph Ghesquière5, collaborateur partim — suscitaient la méfiance des autorités publiques. Leurs biens, tant scientifiques que pécuniaires6, excitaient les envies de beaucoup. *

Cf. la liste des abréviations, ci-dessous p. 422.

1

Sur la suppression de la Compagnie dans les Pays-Bas autrichiens, cf. en particulier P. BONENFANT, La suppression de la Compagnie de Jésus dans les Pays-Bas autrichiens (1773) (= Mémoires publiés par l’Académie royale de Belgique. Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, 2e sér., 19), Bruxelles, 1925. 2 Corneille De Bye (1727-1801, jésuite en 1745) fut agrégé au groupe des Bollandistes en 1761, et collabora aux six premiers volumes des AASS d’Octobre. Parmi les principaux dossiers qu’il rédigea, signalons ceux des SS. Léger d’Autun, Denys d’Alexandrie, Gérard de Brogne et Denys l’Aréopagite. Senior des Bollandistes, il eut à gérer l’œuvre bollandienne lors de la suppression de la Compagnie et en négocia le transfert à Tongerlo, mais ne s’y établit pas. Après l’invasion française en juillet 1794, il se retira à Kaiserswerth (au nord de Düsseldorf) (cf. A. DE BIL, in DHGE, 10 [1938], col. 1454-1455). 3 Jacques De Bue (1728-1808, jésuite en 1743) fut d’abord professeur de philosophie et de mathématiques à Anvers. En 1762, il fut agrégé au groupe des Bollandistes et collabora à la rédaction des six premiers tomes des AASS d’Octobre. On lui doit d’importants dossiers tels ceux des SS. François de Borgia, Gommaire, Brigitte de Suède et Ghislain. À Tongerlo, il commença le dossier de Ste Thérèse d’Avila destiné au tome 7, qu’il ne put achever. Après la suppression de l’abbaye, il se retira à Hal (dans l’actuel Brabant flamand), sa ville natale (cf. A. DE BIL, in DHGE, 10 [1938], col. 1052). 4

Ignace Hubens (1737-1782, jésuite en 1755) enseigna les humanités et la rhétorique à Gand, devint bollandiste en 1771 et collabora au tome 4 des AASS d’Octobre (cf. É. VAN ARENBERGH, in BNB, 9 [1886-1887], col. 590-591). 5

Joseph Ghesquière (1731-1802, jésuite en 1750) fut désigné comme bollandiste en 1763, et travailla aux quatre premiers volumes des AASS d’Octobre. En 1773, il prit la direction du Musée Bellarmin / historique, et publia les six premiers tomes des AASS Belgii. Après la suppression de l’abbaye de Tongerlo, il s’établit à Essen, en Allemagne (cf. B. DE GAIFFIER, in DHGE, 20 [1984], col. 1162-1163). 6 MAILLY, Académie, t. 1, p. 121, précise que les Bollandistes disposaient d’un capital de 136.000 florins de Brabant, générant un revenu annuel de près de 9.134 florins, à quoi il fallait ajouter 2.400 florins provenant de la vente des AASS. De son côté, le Musée historique possédait un capital de quelque 50.000 florins, procurant une rente annuelle de 1.500 florins.

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 403-422.

B. JOASSART

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L’atelier bollandien fut alors entraîné dans une odyssée de près d’un quart de siècle7. Dans un premier temps, les hagiographes purent demeurer dans la maison professe d’Anvers et poursuivre leurs activités. En 1775, cette résidence fut transformée en académie militaire, ce qui força les Bollandistes à quitter les lieux et à entreposer livres et manuscrits dans des caisses. À ce propos, le manuscrit bollandien 66, pièce 233, conserve un document particulièrement intéressant: la minute de la réaction des Bollandistes à l’ordre de départ, adressée aux États du Brabant8: «Messeigneurs illustrissimes, Le Préposé Belt[j]ens9 nous ayant déclaré d’avoir ordre de faire évacuer la maison professe pour le dix de ce mois, nous avons jugé que c’étoit par rapport à nous un ordre tacite de nous retirer aussi de la dite maison au terme marqué; et puisqu’en des circonstances pareilles, le susdit ordre, à ce que nous a aussi déclaré le même préposé, ne renferme ni disposition ni même mention quelconque des hagiographes, nous avons cru de pouvoir en inférer qu’il reste maintenant peu d’apparence que nous serons employés à la continuation du grand ouvrage des Actes des Saints commencé par Bollandus. C’est pourquoi, nous supplions très-humblement Vos Seigneuries illustrissimes de bien vouloir nous faire connoître les intentions du gouvernement par rapport à cet objet, pour qu’enfin nous puissions prendre des mesures convenables à notre état. La bienveillance de Vos Seigneuries illustrissimes nous fait espérer qu’elles daigneront déférer en ceci au désir de nous soussignés hagiographes, qui sommes avec des sentimens pleins d’estime, de respect et de soumission, Messeigneurs illustrissimes, de Vos Seigneuries illustrissimes les très-humbles et très-obéissans serviteurs».

Entre autres solutions, il fut envisagé que les quatre religieux soient agrégés à l’Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, créée par lettres patentes de l’impératrice Marie-Thérèse, du 16 décembre 1772. À ce sujet également, les papiers des anciens Bollandistes conservent quelques documents intéressants. En l’affaire, John Tuberville Needham10, alors directeur de l’Académie, joua un rôle important. Chaque bollandiste envoya un mémoire sur 7 Cf. B. JOASSART, L’abbé Godefroid Hermans et l’œuvre des Bollandistes à Tongerlo (1789-1796), in Abbatiat et abbés dans l’Ordre de Prémontré, éd. D.-M. DAUZET – M. PLOUVIER (= Bibliotheca Victorina, 17), Turnhout, 2005, p. 213-238; B. OP DE BEECK, La bibliothèque des Bollandistes à la fin de l’Ancien Régime, in De Rosweyde aux Acta Sanctorum. La recherche hagiographique des Bollandistes à travers quatre siècles, éd. R. GODDING et al. (= Subs. hag., 88), Bruxelles, 2009, p. 149-284; F. DOLBEAU, Nouvelles recherches sur les manuscrits des anciens Bollandistes, in AB, 129 (2011), p. 395-457. 8

Ce document est de la main de De Bye, mais n’est pas daté.

9

Commissaire des États généraux pour les questions de l’Académie impériale (cf. MAILLY, Académie, t. 2, p. 409). 10

John Tuberville Needham (1713-1781) naquit à Londres au sein d’une famille catholique, fit ses études à Douai et fut ordonné prêtre en 1738. Il s’intéressa plus particulièrement

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un sujet historique, destiné à justifier ses capacités à prendre rang parmi les académiciens11. À son étude, De Bye joignit une «courte supplique», datée du 24 juin 1775, dont le même manuscrit bollandien 66 conserve la minute12: «Quoiqu’en conséquence des ordres donnés au préposé Belt[j]ens par le gouvernement de faire évacuer toute la maison professe des ci-devant jésuites à Anvers, le soussigné se soit retiré de la dite maison, il déclare néanmoins d’être très-déterminé à travailler encore à la continuation de l’ouvrage des Actes des Saints commencé par Bollandus, s’il plaisoit à Sa Majesté de se servir de lui à cet effet, et afin que l’ignorance de cette résolution, dans laquelle il continue d’être, ne lui puisse préjudicier, il a donné au dit préposé cette déclaration, en le priant d’en donner part à tous ceux à qui il appartiendra».

Les mémoires des quatre Bollandistes furent présentés lors de la séance de l’Académie du 6 septembre 1775. Mais celle-ci décida de ne pas procéder à des nominations cette année-là. Aussi, le 29 octobre suivant, Needham écrivit-il à De Bye13: «L’Académie, Monsieur, n’a rien décidé sur le sort des Bollandistes, comme elle n’a pas jugé convenable d’entamer l’affaire de nouvelles élections, avant d’être asseuré[e] de Vienne, que la Cour consent à lui conférer le fond[s], dont ils étoient en possession. Nous l’attendons avec impatience afin d’être solidement établis pour pouvoir ensuite augmenter notre nombre. En réponse à votre première lettre que j’ai reçu[e] il y a quelques tems, et avant la séance académique, j’ai bien senti la force de vos raisons pour que l’Académie, si le gouvernement ne veut pas que tous les quatre Bollandistes soient aggrégés, en donne la préférence

aux sciences naturelles. Après plusieurs années durant lesquelles il voyagea surtout en Italie et en France, où il s’établit en 1767, il fut appelé par Cobenzl à Bruxelles, ce dernier voulant fonder une académie des sciences. Needham arriva à Bruxelles en 1769, et devint directeur de la Société littéraire nouvellement créée. Lorsque l’Académie impériale et royale succéda à cette Société, en 1772, Needham en devint le directeur, charge qu’il occupa jusqu’en 1780 (cf. P.-J. VAN BENEDEN, in BNB, 15 [1899], col. 520-528). 11 Cf. MAILLY, Académie, t. 1, p. 130 et t. 2, p. 41-42. De Bue envoya un mémoire sur le lieu de l’apparition de la croix à Constantin; De Bye fournit un écrit où il démontrait que Denys l’Aréopagite et Denis de Paris étaient deux personnages distincts; Hubens traita de la cause exacte de l’exil d’Origène; Ghesquière présenta une Dissertatio geographico-historica de majoribus populis, ante imperatoris Caesaris Augusti imperium Belgii hodierni incolis. Ce travail a été publié dans les Nouveaux mémoires de l’Académie impériale et royale…, Histoire, t. 1, Bruxelles, 1788, p. 1-29. À la p. 42 du deuxième tome de son ouvrage, Mailly précise que les mémoires de De Bue et d’Hubens ne furent point publiés et sont conservés dans les archives de l’Académie, et que celui de De Bye n’a pas été retrouvé; nous verrons plus loin qu’il fut renvoyé à son auteur à sa demande. 12

Ce document a été collé à la réaction des Bollandistes que l’on vient de lire.

13

Ms. boll. 65, pièce 365.

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14

aux deux premiers. J’ai les déjà fait valoir dans notre dernière séance, et il me paroît qu’on est assés de mon avis. J’ai l’honneur d’être avec une considération parfaite, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, Needham».

Le dossier en resta là, du moins momentanément. De fil en aiguille, à la fin de l’année 1776, Marie-Thérèse décréta que les Acta Sanctorum seraient poursuivis par les anciens Bollandistes eux-mêmes, qui conserveraient leur patrimoine financier, que l’on avait pensé, un temps, transférer à l’Académie. Mais d’une décision à son application, le chemin est parfois long ou tortueux. Un extrait d’une lettre de Ghesquière, qui s’était établi à Courtrai, sa ville natale15, lettre datée du 18 février 1777 et adressée à De Bye16, indique que bien des incertitudes demeuraient. «J’ai lu et relu avec la plus grande attention la lettre du N. A. à V.17, et je crois que, s’il est encore temps, il conviendroit de représenter au N. A. que les Messieurs connus n’ont jamais visé à l’indépendance; qu’au lieu de recourir à Vienne en cas de besoin, ils se croyeroient très heureux de pouvoir recourir à S. A. R. le Duc notre Gouverneur18 ou à une personne de distinction, telle que Mgr l’Évêque d’Anvers19 ou Mr le Doyen du chapitre de l’église cathédrale d’Anvers20. Il me semble aussi qu’il conviendroit de représenter que le fonds des volumes des Acta SS déjà imprimés gardés dans la M[aison] P[rofesse] est estimé

14

Sic pour «je les [raisons] ai déjà fait valoir». Comme on pourra le voir à différentes reprises par la suite, Needham utilise certaines tournures particulières dues vraisemblablement au fait que le français n’était pas sa langue maternelle. 15

Ghesquière, malade, était absent de la maison professe d’Anvers au moment de la suppression de son Ordre et résidait à la campagne pour y refaire sa santé. En 1775, il obtint la permission de s’établir à Courtrai, d’où il rejoindra l’abbaye Saint-Jacques sur Coudenberg. 16

Ms. boll. 65, pièce 369.

17

Il s’agit de Giuseppe Garampi (1725-1792), qui fut nommé nonce apostolique à Vienne en 1776, où il demeura jusqu’en 1785, date de sa création comme cardinal. Avant d’être envoyé dans la capitale impériale, Garampi avait mené une carrière d’érudit; il appréciait les Jésuites ainsi que les Bollandistes qu’il avait d’ailleurs visités en 1762. Il intervint auprès de Marie-Thérèse afin qu’elle préserve l’œuvre bollandienne. Il entretiendra des contacts avec De Bye et Ghesquière jusqu’à la fin de sa vie. Cf. A. MERCATI, «Bollandiana» dall’ Archivio Segreto Vaticano (= Miscellanea historiae pontificiae, 3), Rome, 1940; voir en particulier les p. 28-60; ID., Altre «Bollandiana» dall’ Archivio Segreto Vaticano (= Miscellanea historiae pontificiae, 10), Rome, 1945, p. 155-158. 18 Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780), beau-frère de l’impératrice MarieThérèse, fut gouverneur général des Pays-Bas à partir de 1743. 19

Jacques Thomas Joseph Wellens (1726-1784) avait été professeur et recteur à Louvain avant d’être nommé évêque d’Anvers en 1776. Il s’affirma comme un défenseur des droits de l’Église face au pouvoir civil (cf. C. DE CLERCQ, in BNB, 27 [1938], col. 163-165). 20

François Engelgrave († 1784), trésorier du chapitre de 1756 à 1777, fut doyen du chapitre à partir de 1759 (cf. F. PRIMS, Geschiedenis van Antwerpen. 9. Met Oostenrijk en onder de Franschen [1715-1814]. 3. De Geestelijke orde, Anvers, 1947, p. 18).

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 407 bien au-delà de cent mille florins, et qu’en cas que l’ouvrage ne soit pas continué sur l’ancien prix, ce grand fonds ne vaudra pas quatre mille florins, puisque personne ne voudra completter jusqu’au 3me volume d’Octobre21 un ouvrage qui en restera là. Je vous laisse juger s’il conviendroit de représenter que tous les étrangers sçavans et nos patriotes22 mêmes se plaignent de la lenteur avec laquelle on procède dans l’affaire connüe, et que certaines personnes instruites ne manquent pas de dire que par une suite des arrangemens pris par certaines personnes, le mal vole, et le bien se traîne».

La décision impériale amena De Bye à réclamer auprès de Needham le mémoire qu’il avait rédigé en vue d’entrer à l’Académie23: «Monsieur, Quand j’ai, il y a environ deux ans, sur les sollicitations pressantes qu’on m’avoit faites, présenté un mémoire, en demandant d’être aggrégé à l’Académie, dont vous êtes le directeur, je ne l’ai fait qu’en vue de pouvoir continuer l’ouvrage Bollandien, si ceci peut-être ne m’auroit pas été permis sans être académicien. La courte supplique que j’ai alors ajoutée au dit mémoire en fait foi. 24 Maintenant le gouvernement, à ce que de la part du prince de Staremberg on nous a fait sçavoir, préférant de placer en quelque abbaïe les rédacteurs de l’ouvrage susdit, il en paroit que, pour être employé par le même gouvernement à la continuer, il ne faudra pas qu’on ait la qualité d’académicien. C’est pourquoi, si dans l’assemblée prochaine de votre Académie, il étoit peut-être derechef question d’aggréger à votre corps quelques-uns des ci-devant Bollandistes et que la proposition passât, je vous prie de faire en sorte que je ne sois pas du nombre de ceux qu’on voudroit y aggréger. Je n’ai jamais ambitionné de devenir membre de votre Académie ou de quelqu’autre, quelle qu’elle soit. Aussi ne semble-t-il pas convenable que les rédacteurs de l’ouvrage Bollandien soient aggrégés à l’Académie, vû que les occupations continuelles et pénibles auxquelles ils doivent entièrement se livrer, ne paroissent pas assez compatibles avec les devoirs d’un académicien et nommément avec celui de lire et d’apprêter grand nombre de mémoires sur toutes sortes de matières, qu’on présente de tems à autre à l’Académie. Du reste, Monsieur, puisque je révoque la demande que j’ai faite d’être reçu en votre Académie, et que par conséquent vous ne pouvez plus avoir besoin du mémoire que je vous ai remis, je vous prie d’avoir la bonté de me le renvoyer, et de me croire, avec des sentimens de la plus haute estime, Monsieur…». 21

Ce tome était sorti de presse en 1770.

22

Le terme est à comprendre dans le sens de «compatriotes».

23 Ms. boll. 65, pièce 372 (minute). Le document n’est pas daté, mais il précéda sans doute de quelques jours la réponse de Needham. 24 Georges Adam prince de Starhemberg (1724-1807) avait été ministre plénipotentiaire au Portugal, en Espagne et en France, avant d’être envoyé, en 1770, comme ministre plénipotentiaire à Bruxelles. Lorsque Joseph II visita les Pays-Bas, Starhemberg adopta les vues de son souverain, tout en conseillant une certaine prudence. Suite à des divergences de vue entre lui et l’empereur, il demanda son rappel et regagna l’Autriche en 1763 (cf. G. BIGWOOD, in BNB, 23 [1921-1924], col. 646-649).

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À quoi Needham répondit le 16 octobre 177725: «Monsieur, Ci-joint vous trouverés le mémoire en question, pour lequel vous vous êtes 26 adressé à moi, au lieu de le demander au secrétaire ; cependant c’est un plaisir 27 que je vous fais sans hésiter. Du reste il n’étoit pas du tout question sur votre aggrégation ou celle de vos confrères les Bollandistes à notre Académie. Cette affaire ayant été totalement remise au bon plaisir du gouvernement, qui en a dis28 posé autrement, et dont nous étions avertis avant la recette de votre lettre, vous pensés bien, Monsieur, qu’on n’a pas eu la moindre idée de revenir sur cet objet. Je suis fort aise que la Cour a jugé à propos de vous ériger en corps à part pour la continuation de la vie des saints. Si j’ai travaillé autrefois pour vous faire aggréger à notre Académie, c’étoit dans la vue de vous mettre en état de finir un ouvrage de cette importance, qui sans doute sera mieux exécuté, quand vous n’aurés que cette unique tâche à remplir. Je vous souhaite à vous, et à vos con29 frères tout le succès possible. Je m’y intéresse autant que je m’aurai[s] intéressé si l’ouvrage auroit été fait au nom de l’Académie, qui est maintenant remplie, et suffisamment dotée par des moyens également convenables. Du reste je me flatte qu’elle n’aura jamais besoin, malgré la méchanceté de certaines personnes, d’une entreprise de cette espèce pour prouver son attachement à la Religion. Tous vos efforts ne tendent qu’à établir la vraie Philosophie. L’auteur de la Révélation est le dieu de la nature, et la vérité ne peut jamais être en contradiction avec elle-même. J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble serviteur Needham».

De Bye reprit contact avec Needham30: «Ayant remis entre vos mains le mémoire qui de ma part devoit être présenté à votre Académie, je m’étois imaginé que c’étoit dans l’ordre que je m’addressasse aussi à vous pour le redemander; mais, la chose, comme j’ai appris par votre lettre, n’étant pas ainsi, je vous remercie de ce que, non obstant cela, vous avez bien voulu vous-même satisfaire à ma demande sans hésiter et sans me renvoyer à cet effet au Secrétaire de l’Académie. Il m’est très bien connu que, quand vous avez travaillé pour nous faire aggréger à votre Académie, vous ne l’avez fait que par le désir extrême que vous aviez de nous voir employés à la conti25

Ms. boll. 65, pièce 370.

26

Jean Desroches (ou Des Roches) (1740-1787), Hollandais d’origine modeste, se sentit très tôt attiré par les études et se forma principalement en autodidacte. Remarqué pour ses travaux en philologie et en histoire, il fut admis à l’Académie impériale en 1773, dont il fut le secrétaire perpétuel de 1776 à 1787. Particulièrement intéressé par l’histoire des Pays-Bas, il joua un rôle important dans l’organisation de l’enseignement de ces provinces (il fut nommé inspecteur général des écoles peu avant sa mort) (cf. J. STECHER, in BNB, 5 [1876], col. 790-809). 27

Sic pour «de».

28

Réception.

29

Sic pour «que je me serais…».

30

Ms. boll. 65, pièce 371 (minute non datée).

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 409 nuation de l’ouvrage Bollandien. C’est aussi sans doute ce même désir qui, malgré qu’il ne paroisse plus, que cet ouvrage puisse être continué au nom de votre Académie, fait encore que vous vous réjouissez de ce que la Cour, à ce que vous m’écrivez, a jugé à propos de nous ériger en corps à part pour effectuer la dite continuation. Nous ne sçavons pas encore le pied sur lequel ceci se fera et le lieu où nous puissions nous établir nous est également encore inconnu; mais nous espérons que le gouvernement nous fera bientôt sçavoir le tout et qu’ainsi nous sçaurons enfin la décision de notre sort dont l’incertitude nous a jusqu’ici en bien des circonstances beaucoup incommodés. Entretems, sçachant aussi que vous avez tâché de faire aggréger à votre Académie tous les Bollandistes, sans qu’on en excluât aucun, je vous remercie pareillement de toutes les peines, que vous vous êtes données à cet effet, et étant fort sensible aux bons souhaits que vous nous faites, je ne puis manquer de mon côté de vous féliciter en même tems de ce que votre Académie, comme vous m’avez écrit, est maintenant par des moïens convenables suffisamment dotée, quoique pour la raison marquée dans ma lettre précédente, je n’ai jamais souhaité d’être aggrégé à des académies, j’ai néanmoins toujours fort estimé ces corps sçavans. Aussi, suis-je bien éloigné de penser du votre, que pour se faire une réputation ou pour parer des mauvais soupçons, il pourroit avoir besoin d’entreprendre la continuation d’un ouvrage tel que celui des Bollandistes. Je ne crois pas que votre Académie donne lieu de douter de son attachement à la religion, et ne pouvant m’imaginer par conséquent la raison pour laquelle vous vous plaignez de la méchanceté de certaines personnes, à l’égard de votre académie. Je crois au contraire qu’on doit avoir tout lieu de… ses efforts [passage détruit]. C’est là ce que je pense touchant votre Académie et ne sçachant rien de tout ce qu’on peut avoir dit ou écrit contre elle, j’ai l’honneur de me dire, avec le respect le plus profond…».

De Bye et Ghesquière continuaient à entretenir des contacts à propos du sort qui serait réservé aux anciens hagiographes de la maison professe anversoise. Le document suivant mérite de retenir l’attention: il nous livre la réaction, teintée de méfiance, du second face à la décision de laisser les Bollandistes poursuivre leurs travaux tout en demeurant un groupe comme tel, et signale l’un des nombreux projets échafaudés pour tenter de perpétuer l’œuvre bollandienne31: «Monsieur, Si votre lettre en datte du 15 de ce mois m’a allarmé, parce qu’elle sembloit indiquer que tout étoit perdu pour la continuation des Acta SS sous les quatre 32 Bollandistes, votre chère lettre en date du 18 m’a fait reprendre courage . Rien r ne manque à ma satisfaction que d’apprendre que ce que M Needham vous an31

Ms. boll. 65, pièce 366. Ce document est étrangement daté: «Ce 20 1777», le mois n’étant pas mentionné; le contenu indique de manière assez évidente qu’il s’agit du mois d’octobre. 32

Ces deux lettres des 15 et 18 octobre n’ont pas été retrouvées.

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nonce touchant la résolution de la cour de nous ériger en corps à part, lui a été communiqué par la Cour même. Je crains que ce ne soit un simple bruit, qu’on fait courir à Bruxelles, dans je ne sais quelle vue. Peut-être Mr Needham n’a-t-il voulu vous marquer combien il seroit satisfait de nous voir ériger en corps à part. L’expérience du passé me fait toujours craindre que ce ne soit encore une fois de l’eau bénite de la cour. Je serois donc au comble de la joye si la nouvelle qu’il vous mande vous étoit annoncée en peu de jours ou par M r le Conseiller-Fiscal, ou par une lettre du Gouvernement. J’attends cette heureuse nouvelle avec la plus grande impatience. Au reste je vous dois mille remerciemens pour la bonté que vous avez eue de me donner part de la lettre de Mr Needham, et de ce qu’ont 33 assuré Mrs Beunie et Belt[j]ens touchant notre affaire. 34 J’ai reçu avanthier une visite à laquelle je ne devois pas m’attendre . Un chanoine de la métropole de Paris et un abbé commandataire qui est également cha35 noine d’une autre métropole, l’un ami intime de l’archevêque de Paris , l’autre 36 37 de l’archevêque de Cambray et de l’évêque d’Amiens , sont venus me déclarer qu’au cas que les Acta Sanctorum ne fussent pas continués sous les auspices de la Maison d’Autriche, on pourroit bien les faire continuer sous la protection du Roi très chrétien. En autres choses, ils m’ont dit qu’il y avoit au moins trois cens exemplaires de notre ouvrage, qui se trouvoient dans les bibliothèques publiques et particulières de la France; qu’en général on y étoit très mécontent de voir qu’un ouvrage pour l’acquisition duquel on y avoit dépensé jusqu’ici plus d’un demi million de LL de France, restoit interrompu, et qui n’étant pas continué ne vaudroit plus rien, ne pourroit servir qu’à allumer le feu, et à faire des papillottes etc.; que jamais la nation Françoise ne s’étoit attendue à se voir duper de la sorte, par une interruption aussi longue, et encore moins par la cessation totale de cet ouvrage; qu’enfin, puisque Mrs les François pouvoient également faire venir de Rome les Acta beatificationis et canonizationis des Saints modernes, et que dans la bibliothèque des manuscrits du Roi et dans celle de plusieurs abbayes on pouvoit trouver les Actes originaux des anciens saints ou du moins les copies au-

33 Jean-Baptiste De Beunie (1718-1793), médecin anversois, élu membre de l’Académie impériale et royale en 1773. 34 Je n’ai pas trouvé d’autres indications concernant l’épisode ici relaté par Ghesquière. Rappelons qu’après la suppression de l’abbaye Saint-Jacques, avant d’être envoyés à Tongerlo, Jacob-Nicolas Moreau (1717-1804), conseiller du comte de Provence (le futur Louis XVIII), historiographe de France et bibliothécaire de Marie-Antoinette, proposera que la continuation de la collection bollandienne soit confiée aux Mauristes. Rappelons également qu’en 1836, une autre semblable tentative française qui se proposera de reprendre et de terminer la publication des Acta Sanctorum sera l’événement décisif dans la relance du groupe bollandien par les Jésuites belges, par ailleurs fortement appuyés par François-Xavier de Ram, recteur de l’Université de Louvain, et des membres du personnel politique du jeune royaume de Belgique. 35

Christophe de Beaumont du Repaire (1703-1781), archevêque de Paris en 1746.

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Henri-Marie-Bernardin de Rosset de Ceilhes de Fleury (1718-1781), archevêque de Cambrai en 1775. 37 Louis-Charles de Machaut (1737-1820), évêque coadjuteur (1772), puis résidentiel (1774) d’Amiens. Il renoncera à son siège en 1801.

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 411 thentiques, il n’étoit question que de trouver en France trois ou quatre hommes laborieux qui s’appliqueroient à completter notre ouvrage, et qu’ils croyoient les pouvoir trouver aisément, sans sortir même de Paris. Ces Messieurs m’ont cependant sondé pour savoir si j’étois disposé à quitter ma patrie pour me rendre en France, moyennant une permission de la part de notre Impératrice-Reine, qui me seroit accordée par l’entremise de certaines personnes à qui notre Souveraine ne pourroit pas bien refuser leur demande. Sans répondre la dessus catégoriquement, je leur ai dit que notre Gouvernement étoit sur le point de prendre une résolution touchant la continuation des Acta SS, et que le temps n’étoit pas encore venu de demander à notre Souveraine la permission de quitter ses états pour concourir à l’exécution de leur plan. J’ai douté d’abord s’il ne conviendroit pas de donner aussitôt part au Gouvernement des dispositions de la France à faire continuer notre ouvrage sur le pied susdit, mais puisque les choses sont actuellement sur un assez bon pied à Bruxelles, ou que du moins elles paroissent l’être, je crois qu’il vaut mieux attendre encore quelque temps, avant d’en donner au Gouvernement un avis en pleine forme, ce qu’en tout cas je ne ferai jamais que d’après votre avis et consentement commun. J’ai oublié de vous dire que l’un de ces Messieurs m’a demandé le nom, l’âge et l’endroit de la naissance de chaque Bollandiste, et qu’il en a tenu note; qu’il m’a également demandé si l’un ou l’autre des Bollandistes actuellement à Anvers ne voudroit pas venir s’établir en France, moyennant une permission de l’Imp.-Reine; à quoi j’ai répondu que je ne pouvois lui rien dire là-dessus de bien certain, que je ne connoissois pas vos intentions, etc. Croiriez-vous, Monsieur, qu’il ne seroit pas avantageux pour faire continuer l’ouvrage, de faire connoître à Bruxelles ce que j’ai eu l’honneur de vous marquer dans les 8 premières lignes de la page précédente, mais sans faire la moindre mention ou de ma lettre, ou de ces Messieurs françois ? Ce sont là à mon avis des raisons bien pressantes et qui méritent toute l’attention d’un Gouvernement éclairé et qui fait gloire d’être appellé le protecteur des Sciences, de cultiver la bonne amitié de la France etc. etc. En attendant que vous ayez encore d’autres nouvelles intéressantes à me communiquer, je vous réitère mes remerciemens pour celles que vous m’avez mandées, et j’ai l’honneur d’être avec la plus haute estime, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. [paraphe] P. S. Mille complimens de ma part et de celle des amis d’ici à M rs de Bue et 38 Hubens. La petite lettre de change partira bientôt d’ici ».

Trois ans plus tard, suite à un décret de Joseph II en date du 19 juin 1778, les Bollandistes furent priés de s’établir à l’abbaye Saint-Jacques 38 La lettre se termine sur un second post scriptum qui n’a absolument rien à voir avec son objet premier: «Un de nos amis souhaiteroit bien d’avoir de la semence du bois d’ébène Hebbenhoud-saet, dont il y a un arbre chez un voisin de Mr Verbiest, marchand en vin, lequel arbre on peut voir de la petite cour de la maison de Mr Verbiest. C’est actuellement le temps de cueillir cette semence; j’aurois écrit là-dessus une lettre à Mr Verbiest, si la poste n’étoit pas sur son départ. Si l’occasion se présente de voir Mr Verbiest, je vous prie de lui faire mes complimens et de lui en dire un mot, mais sans vous gêner en rien pour cette bagatelle».

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sur Coudenberg, à Bruxelles, alors gouvernée par Gilles-Joseph Warnots39; le travail put reprendre un cours relativement normal. Hubens mourut à Saint-Jacques en 1782. Et si, dès le mois de mai 1781, l’un des chanoines, Jean-Baptiste Fonson40, avait bien été désigné pour prendre rang parmi les hagiographes, il n’était toutefois pas encore suffisamment formé pour assurer la succession du défunt. Le gouvernement trouvera une solution à cet inconvénient, deux ans plus tard, en adjoignant à l’équipe, le 30 octobre 1784, le bénédictin français et membre de l’Académie impériale et royale Anselme Berthod41. Dans une lettre du 12 juillet 178442, De Bye faisait part du projet d’intégrer le moine dans le groupe des hagiographes, tout en dressant un tableau du bollandisme où l’on perçoit une réelle lassitude: Etsi enim jam pluries ut in collegae nostri Hubeni, a duobus circiter annis defuncti, locum jesuita alter sufficiatur, enixissime rogaverimus, id tamen hactenus impetrare haud potuimus. Monachum quemdam Benedictinum et quidem natione Gallum nobis volunt adjungere; verum quantopere collega hujusmodi placere nobis queat, Rae Vae dijudicandum relinquo. Mallemus certe, ex abbatiae in qua hic habitamus, canonicis Regularibus quiempiam assumere; sed cum hosce inter, praeter unum solum, qui statimque huic venimus, nobis se adjunxit, nullus omnino sit qui illustrandis Sanctorum Actis operam navare velit, oportet ut socium quocumque etiam ex ordine acceptum admittamus, neque enim soli vastissimo 39

Gilles-Joseph Warnots (1722-1782) entra à l’abbaye Saint-Jacques en 1739, dont il fut élu abbé en 1769. Il mena une politique de prestige, entre autres par l’édification d’une nouvelle église et l’aménagement de l’actuelle Place-Royale qui ruina son abbaye (cf. D. VAN DERVEEGHDE, in Monasticon belge, t. 4/4, Liège, 1970, p. 983-985). L’arrivée des Bollandistes à l’abbaye Saint-Jacques fut précédée par bien des tractations. Les papiers des anciens Bollandistes conservent un billet, daté du 24 avril 1778 et adressé à De Bye par l’abbé Warnots qui invite ceux-là à prendre contact avec lui (ms. boll. 65, pièce 368): «Monsieur, S. A. le Prince Ministre m’a témoigné qu’on lui feroit chose agréable si l’on mettoit la main à l’œuvre; je vous prie donc, Monsieur, de vous rendre à Bruxelles tous quatre au commencement de la semaine prochaine. J’ai l’honneur d’être avec une considération distinguée, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, G. J. Warnots, abbé de Coudenberg». 40 Jean-Baptiste Fonson (1757-1826) avait fait ses études chez les Jésuites de Bruxelles avant d’entrer à Saint-Jacques. Il collabora au tome 5 des AASS d’Octobre. Il ne suivit pas l’atelier bollandien à Tongerlo et passa le reste de sa vie au service des paroisses du Finistère et de Notre-Dame du Sablon à Bruxelles (cf. R. AUBERT, in DHGE, 17 [1971], col. 814). 41 Anselme Berthod (1733-1788) fit profession à l’abbaye de Faverney (congrégation de Saint-Vanne) en 1752. Il fut notamment bibliothécaire à Saint-Vincent, à Besançon. Il acquit une connaissance approfondie des papiers de Granvelle et des bibliothèques des Pays-Bas, et fut élu membre de l’Académie impériale en 1776. Il collabora au tome 6 des AASS d’Octobre (cf. B. HEURTEBIZE, in DHGE, 8 [1935], col. 957-958). 42 Ms. boll. 65, pièce 373. Il n’y a aucune indication de destinataire, mais il s’agit vraisemblablement d’un confrère jésuite; la lettre commence en effet par des nouvelles des jésuites de Russie blanche, suivies du passage ici repris, et se poursuit par de longues indications relatives à Ste Édith.

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 413 nostro ac difficillimo operi absolvendo sufficimus, imo vero, ut id vel solita cum celeritate continuemus, alieno auxilio quam maxime indigere incipimus, cum ego prae morbo, e quo nondum penitus convalui, a mense Octobri proxime elapso usque ad mensem Maium proxime pariter elapsum manum calama admovere haut potuerim, podagraque interim ac chiragra per duos circiter aut tres menses D. De Bue, qui Ram Vam plurimum salvere jubet, laboravit. Atque haec hactenus de rei nostrae hagiographicae statu.

Le 26 mai 1786, Joseph II supprima l’abbaye Saint-Jacques; le 25 juillet suivant, il obligea les Bollandistes à transporter les reliquats de leur patrimoine scientifique dans l’ancien collège des Jésuites bruxellois, transformé en collège thérésien; le 16 octobre 1788, il décréta que les Bollandistes devaient cesser leurs activités le 1er novembre suivant. Après de multiples tractations pour tenter de relancer le travail hagiographique dans le cadre d’autres institutions — entre autres la Congrégation de Saint-Maur et le Saint-Siège lui-même —, le 2 février 1789, il fut finalement décidé par le Conseil privé que les Bollandistes seraient accueillis à l’abbaye de Tongerlo alors gouvernée par Godefroid Hermans43. Celui-ci consentit à ce que trois de ses religieux — Siard Van Dijck44, Mathias Stals45 et Cyprien Van de Goor46 — s’initient aux recherches hagiographiques sous la conduite des deux seuls anciens bollandistes qui avaient rejoint ce nouvel asile, De Bue et Ghesquière. Le travail continua tant bien que mal, au milieu des troubles du moment, en particulier les révolutions brabançonne et française. Lors de la seconde annexion de la 43 Godefroid Hermans (1725-1799) entra à l’abbaye de Tongerlo en 1745, et y fut élu abbé en 1780. Sous son abbatiat, l’établissement connut un réel essor intellectuel. D’un autre côté, Hermans entretint des rapports assez conflictuels avec Joseph II, refusant notamment de confier ses jeunes religieux au séminaire général de Louvain pour leur formation. Plus encore, lors de la révolution de 1789, il consacra la fortune de son abbaye à la levée de deux régiments destinés à combattre l’armée autrichienne et assura la tâche d’aumônier général des troupes «belges». S’il put rentrer dans son abbaye en 1793, il dut la quitter lors de sa suppression, se cacha à Haren (ancienne commune du nord-est de la région de Bruxelles-capitale, faisant actuellement partie de la ville de Bruxelles), fut condamné à la déportation en 1798, mais mourut dans son refuge de Haren (cf. M. KOYEN – L. C. VAN DYCK, in Monasticon belge, t. 8/1, Liège, 1992, p. 354-357). 44

Siard Van Dijck (1759-1830), profès à Tongerlo en 1784, fut désigné, en 1789, comme collaborateur des Bollandistes. Après la suppression de son abbaye, il se consacra au ministère paroissial (cf. GOOVAERTS, 2, p. 297-298). 45 Mathias Stals (1761-1826), entré à l’abbaye de Tongerlo en 1784, fut ordonné prêtre en 1787. Il participa à la rédaction du tome 6 des AASS d’Octobre; on trouve également de lui quelques commentaires dans le tome 7 paru en 1845. Lors de la suppression de son abbaye, il se consacra au ministère paroissial à Chaam (près de Breda), puis à Goorke (Tilburg) où il mourut (cf. H. DELEHAYE, in BNB, 23 [1921-1924], col. 585-586). 46 Cyprien Van de Goor (1759-1838), profès à Tongerlo en 1784. Après la suppression de son abbaye, il se consacra au ministère paroissial (cf. GOOVAERTS, 2, p. 274-275).

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Belgique à la France, en décembre 1796, l’abbaye de Tongerlo fut fermée. La bibliothèque bollandienne fut alors dispersée. En dépit de ces tribulations, le bilan en fait de publications était fort honorable: les tomes 4, 5 et 6 des Acta Sanctorum d’Octobre étaient sortis de presse en 1780, 1786 et 1794. Lors de la suppression de l’abbaye de Tongerlo, le tome 7 commençait à être imprimé, s’ouvrant sur le dossier de Thérèse d’Avila; l’impression du volume fut arrêtée et il faudra attendre un demi-siècle pour que la collection bollandienne reprenne vie avec la parution, en 1845, de ce tome 7, qui ne conservait qu’une partie infime de ce qu’avaient préparé les derniers bollandistes de l’Ancien Régime. 2. La fin du Musée Bellarmin Une même odyssée fut vécue par une autre institution, elle aussi établie à la maison professe d’Anvers: le «Musée Bellarmin», appelé aussi «Musée historique». Dans un lot de papiers des anciens Bollandistes revenus il y a quelques années à l’actuelle bibliothèque bollandienne, et qui constituent maintenant le manuscrit bollandien 1126, se trouve un historique relativement long de ce Musée, rédigé par Ghesquière, qui présidait à ses destinées, tout en ayant été nommé historiographe de l’Impératrice par décret du 19 juin 1778 et élu membre de l’Académie impériale le 12 octobre 1780. Ce document — pièce 16 du manuscrit — est daté du 8 mai 1786, soit d’une quinzaine de jours avant la fermeture de l’abbaye Saint-Jacques. Avant de lire ce texte, remarquons d’emblée que Ghesquière n’évoque qu’assez succinctement les antécédents de ce Musée. En réalité, lancée sous l’impulsion du célèbre théologien dont elle portait le nom, cette entreprise visa tout d’abord à combattre le protestantisme. Tous ses collaborateurs ne résidaient pas en un même lieu, mais étaient dispersés dans différentes communautés jésuites des Pays-Bas méridionaux. Au début du 18e siècle, l’institution, bien fournie en hommes, en livres et en ressources financières, se fixa à Malines, et modifia son objectif: désormais, elle combattrait le jansénisme. L’apaisement de la querelle amena les autorités des Pays-Bas à demander une nouvelle orientation du but de l’œuvre. Après de longues négociations menées à leur terme en 1771, sous le provincialat de Jean Clé47, elle fut transférée à Anvers. Désormais le Musée 47 Jean Clé (1722-1800, jésuite en 1740) fut bollandiste de 1753 à 1760 (il collabora à la préparation des tomes 6 à 8 des AASS de Septembre). Par la suite, il enseigna l’exégèse à Louvain, et fut, à partir de 1770, l’avant-dernier Provincial de la Province flandro-belge avant la suppression de son Ordre (cf. SOMMERVOGEL, 2, col. 1224-1225).

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Bellarmin, auquel on donna le nom de «Musée historique», aura comme programme — celui-ci se lit dans un Prospectus imprimé à Anvers en 1773, c’est-à-dire l’année même de la suppression de la Compagnie de Jésus48 — de publier les Analecta Belgica, divisés en trois séries: 1° des travaux sur l’histoire des anciennes provinces des Pays-Bas depuis l’époque celtique; 2° les Acta Sanctorum Belgii selecta (qui suivraient non pas l’ordre du calendrier liturgique comme c’est le cas des Acta Sanctorum, mais l’ordre chronologique des saints); 3° la publication de chroniques belges, en langues latine, française et flamande, ainsi que de documents diplomatiques. S’il était distinct de l’atelier bollandien, le Musée historique n’en était pas moins appelé à travailler en collaboration d’autant plus étroite avec celui-là, qu’il pourrait profiter de sa riche bibliothèque et surtout que sa direction était confiée à un bollandiste, libéré de sa tâche première, en l’occurrence Joseph Ghesquière, à qui se joignirent, dans un premier temps, trois autres religieux jésuites, Donatien Dujardin, Philippe Cornet et François Lenssens49. On remarquera également l’insistance de l’auteur sur le fait que le Musée historique était avant tout dédié à l’histoire «nationale». «Il y a plus de 25 ans qu’on a reconnu comme une vérité incontestable qu’il n’est pas possible de faire une histoire solide et véridique des Pays-Bas, sans les secours des vrais Actes des Saints Belgiques50. La difficulté de trouver ces Actes dans le vaste et volumineux ouvrage de Bollandus et de ses successeurs, jointe à la grande rareté et cherté des 15 premiers volumes de cet immense recueil, avoit fait désirer qu’on fît une édition à part des Actes des Saints Belgiques publiés dans l’ouvrage de Bollandus, et qu’on y joignît même ceux qui devoient avoir leur place dans les volumes des mois d’octobre, de novembre et de décembre. Des personnes, non moins illustres par leur naissance, que par leurs lumières et leurs emplois, témoignèrent plus d’une fois aux Supérieurs des Jésuites de la 48

Ce prospectus, qui avait été précédé d’un autre, assez sommaire et publié en 1772, est intitulé Prospectus operis, quod inscribetur Analecta Belgica ad XVII Provinciarum Belgii ac ditionum interjacentium historiam dilucidandam pertinentia, etc. 49

Donatien Dujardin (1738-1804) fut adjoint au Musée historique en 1770 auquel il collabora jusqu’à la suppression de la Compagnie en 1773, puis se retira à Ypres (cf. E. J. REUSENS, in BNB, 6 [1878]); Philippe Cornet (1732-1806, jésuite en 1753) (cf. PIBA, 1, p. 239) et François Lenssens (1742-1791, jésuite en 1758) (cf. PIBA, 1, p. 64). 50 Note de Ghesquière: «Ad Acta Sanctorum quod attinet, certum est ipsas provinciarum, urbium et familiarum historias ex illis magnam mutuari lucem etc. J. J. Chiffletius in suo Stemmate Austriaco. C’est aussi le sentiment du célèbre Leibnits, et de Baringius dans sa Clavis diplomatica. Aussi ceux qui blâment parmi nous la publication des vrais Actes des Saints Belgiques, sont précisément ceux qui ne les ont pas lus, ou dont le discernement est trop borné pour pouvoir les distinguer d’avec des légendes apocryphes». Rappelons qu’à l’époque le terme «belgique» est un adjectif.

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Province Flandro-Belgique, combien elles avoient à cœur l’exécution d’un tel projet, étant complettement du même avis que le célèbre Baringius, qui dans sa Clavis Diplomatica imprimée à Hanover en 1754, dit à la page 70: «Magnam gratiam apud omnes eruditos iniret, si quis ea quae ad Historiam Germaniae faciunt (et il en est de même de l’histoire du reste de la Belgique) ex hisce pretiosis tomis Actor. Sanctor. seligeret, et justis voluminibus luci publicae exponeret»51. Les Supérieurs des Jésuites songèrent donc aux moyens d’exécuter ce projet utile et tâchèrent d’engager les quatre Bollandistes d’Anvers à se charger de l’exécution; mais comme les Bollandistes leur firent observer qu’ils ne pouvoient tous se livrer à ce nouveau travail, sans déranger le cours de leurs études et sans suspendre la publication des nouveaux volumes de leur ouvrage, il fut résolu qu’on employeroit sous la direction littéraire du bollandiste Ghesquiere, deux ou trois jésuites, dont les talens et les lumières étoient propres à l’exécution du dit projet. Comme il falloit trouver un fonds suffisant pour faire face aux frais de l’impression et pour payer la table de ces jésuites, à cause que la Maison Professe où ils devoient loger et travailler n’avoit aucun revenu52, on jeta les yeux sur les fonds du Museum Bellarmini, établi au collège de Malines, et en peu de temps tout fut réglé. Après de longues et laborieuses recherches le bollandiste Ghesquière forma le plan d’un ouvrage qui devoit contenir les vrais Actes des Saints Belgiques rangés selon l’ordre chronologique et éclaircis par des Notes historiques, topographiques et critiques, outre plusieurs autres articles très-intéressans. Ce Plan fut publié en 1772, après avoir été présenté au Gouvernement général des Pays-Bas, et les savans observèrent qu’on s’y proposoit d’aller même au-delà de leur attente et y applaudirent. Les ci-devant jésuites Dujardin, Cornet et Lenssens ayant été attachés au nouvel établissement, il fut résolu de rendre l’ouvrage projetté plus utile encore et plus complet53, que ne portoit le Prospectus de 1772. Les ci-devant jésuites Dujardin, Cornet et Lenssens étoient chacun fort avancés dans la tâche particulière qui leur étoit échuë, et le Bollandiste Ghesquière avoit déjà mis plusieurs dissertations sur l’histoire Belgique en état d’être livrées à l’imprimeur, lorsqu’un événement trop connu pour en faire mention 54, rompit toutes les mesures prises pour exécuter l’ouvrage, tant désiré par le public savant. Le public éclairé apprenant la distinction que le Gouvernement avoit faite des fonds et des bibliothèques des deux Musées d’Anvers, d’avec les fonds et les bibliothèques des collèges des ci-devant Jésuites, se flatta que l’un et l’autre Musée seroit un jour rétabli, et que non seulement les Actes généraux des saints, mais 51 Ghesquière fait ici référence à la deuxième édition de la Clavis diplomatica de Daniel Eberhard BARING[IUS]; une première édition avait paru, également à Hanovre, en 1737. 52 Il s’agit ici d’un élément du droit de la Compagnie qui interdit à certaines résidences – les maisons professes – d’avoir des revenus stables pour assurer la subsistance de leurs membres, tandis que, de manière générale, les œuvres, tant pour leur fonctionnement que pour la vie courante de leurs collaborateurs, ne sont pas astreintes à la même règle. 53

Note marginale: «Voyez le Prospectus imprimé à Anvers en 1773».

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C’est-à-dire la suppression de la Compagnie de Jésus.

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 417 aussi l’ouvrage, annoncé sous le modeste titre d’Analecta Belgica, seroient tôt ou tard exécutés. En effet M. Kuylen, conseiller-fiscal de Sa Majesté, écrivit le 17 avril 1778 une lettre aux bollandistes De Bye, De Bue, Ghesquiere et Hubens, par laquelle il leur notifia de la part de Son Altesse le Prince Starhemberg, Ministre plénipotentiaire, que l’ouvrage des Bollandistes et celui des historiographes du Museum Bellarmini seroient continués à Bruxelles, conformément au plan joint à la dite lettre de M. le Conseiller Fiscal. Il y étoit réglé et statué, que le ci-devant Bollandiste Ghesquière, et préposé en vertu du dit plan à la rédaction et publication des Analectes Belgiques, auroit le même traitement et pension et logement que celui accordé à ses trois ci-devant collègues, savoir une pension de huit cens florins sa vie durant, et la table et le logement à l’abbaye de Coudenberg. Il étoit aussi réglé et statué par l’article XIV du même plan, approuvé par feue Sa Majesté et par le Gouvernement Général, que l’historiographe Ghesquière interviendroit comme membre dans l’association de ceux qui seroient chargés de la rédaction de l’ouvrage des Analecta Belgica, dont il feroit les fonctions de secrétaire et de préposé à la rédaction. Cette association se forma le 6 novembre 1780 à l’occasion d’un mémoire que l’abbé Ghesquière lut dans une séance de l’Académie de Bruxelles, dont il venoit d’être élu membre55. Elle étoit composée, cette association, de M. le Marquis de Chasteler56, de M. l’Abbé Nélis57, de M. Des Roches, de M. Gérard58 et de l’Abbé Ghesquière, et s’assembla quelques fois en 1780 et 1781, sous le nom de Comité historique. 55 Les Mémoires de l’Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, t. 4, 1783, rapportent que «dans la séance du 6 [novembre 1780], M. l’Abbé Ghesquière prit possession de la place d’Académicien, à laquelle l’appeloit l’élection du 12 octobre, confirmée par l’agréation de S. A. le gouverneur général. Il lut une Notice de la Chronique manuscrite de Gilbert, et du troisième volume de l’Histoire de Jacques de Guise: cette notice a été réservée pour quelque autre occasion [elle ne fut en fait jamais publiée]» (p. XIX). 56 François du Chasteler (1744-1789), juriste de formation, était fort apprécié de l’impératrice Marie-Thérèse et du gouverneur général des Pays-Bas. Il consacra une grande partie de son temps aux travaux historiques et fut élu à l’Académie impériale en 1779 (à l’époque, Ghesquière s’était présenté, face à lui, pour la seconde fois, mais n’avait pas été élu). Il sera élu directeur de l’Académie à quatre reprises (cf. A. WAUTERS, in BNB, 4 [1873], col. 25-31). 57 Corneille-François de Nélis (1736-1798), ancien bibliothécaire de l’Université de Louvain, élu à l’Académie impériale en 1769, historien et philosophe, était très favorable aux Jésuites. Nommé évêque d’Anvers en 1785, il occupa une place importante dans la politique des Pays-Bas. En 1794, il se retira en Hollande, puis en Italie. Établi chez les Camaldules de Campo Maduli (Florence), il y mourut le 21 août 1798 (cf. Ch. PIOT, in BNB, 15 [1899], col. 568-583). Nélis sera l’un des principaux négociateurs du transfert des Bollandistes à Tongerlo. 58 Georges-Joseph Gérard (1734-1814). Après ses humanités, il entra dans l’administration des Pays-Bas et se fit remarquer au point de devenir, en 1772, secrétaire de l’Impératrice. Érudit, il fit partie de la Société littéraire de Bruxelles dès 1769, puis de l’Académie impériale, dont il devint le premier secrétaire perpétuel, tout en étant directeur de la bibliothèque de Bourgogne de juin à octobre 1772 (Gérard sera remplacé par Jean-Baptiste Chevalier, mais il gardera la haute main sur certaines opérations majeures, telle la liquidation des livres des

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On y prit des arrangemens pour exécuter le plan dont on étoit convenu, et S. A. le Prince de Starhemberg les approuva par une lettre en date du 16 mai 1781. Malheureusement diverses circonstances empêchèrent la tenue régulière des assemblées du Comité historique. M. le Marquis Du Chasteler avoit dû faire en 1780 un voyage à Vienne, et quelque temps après son retour à Bruxelles, il lui survint une longue maladie. M. Des Roches s’étoit chargé de la publication d’un livre qui devoit servir aux écoliers des collèges59; l’Abbé Ghesquière avoit été chargé par le Prince de Starhemberg de retirer du cabinet d’antiques de feu S. A. R. le duc Charles de Lorraine, toutes les médailles qui manquoient au cabinet impérial de Vienne, d’en faire la description et un catalogue en règle, et de confronter chaque médaille avec la description de plus de trente mille médailles du cabinet impérial de Vienne, afin de constater que les douze cens cinquante pièces antiques qu’il avoit triées du médailler de feu S. A. R., manquoient effectivement au cabinet impérial; il avoit également été chargé de la rédaction et de la publication du catalogue des médailles de feu S. A. R., lesquelles montoient à plus de quinze mille bonnes pièces60. Ce ne fut donc que le 22 octobre 1781, que M. le Marquis Du Chasteler communiqua à l’historiographe Ghesquière une lettre du Gouvernement, dans laquelle se trouvoit l’article suivant: «La Cour dans son projet pour l’exécution de cet ouvrage (les Analectes Belgiques) s’est particulièrement occupée d’une partie, qu’elle en a détachée dans son plan, et qui consiste à présenter dans un ordre chronologique une suite de tous les saints et saintes des Pays-Bas». M. le Marquis Du Chasteler notifia en suite à l’Abbé Ghesquière la déclaration que M. le Chancelier de Brabant61 lui avait faite, portant en substance, que la Cour désiroit, que le Prospectus du dit ouvrage détaché, parût le plutôt possible. Peu après le dit Prospectus fut lu dans une séance du Comité historique, présidée par M. le Chancelier de Brabant et président de l’Académie; il fut approuvé dans tous ses points; et en conséquence l’Abbé Ghesquière prit un engagement formel avec le public, par lequel il promettait de publier chaque année un gros volume in-quarto, contenant selon l’ordre chronologique les vrais Actes des Saints Belgiques, conformément au plan et aux désirs de la Cour.

Jésuites au moment de leur suppression). Il sera également directeur de l’Académie en 1784 et 1785. Il renonça à ces charges en 1776, devenant alors auditeur surnuméraire à la chambre des comptes. Après la tourmente révolutionnaire, il sera entre autres directeur de la bibliothèque publique de Bruxelles et conseiller municipal de cette ville. Il laissa de nombreuses publications historiques (cf. É. VARENBERGH, in BNB, 7 [1880-1883], col. 647-655). 59 Epitomes historiae belgicae libri septem, in usum scholarum Belgicae, 2 t., Bruxelles, 1782 et 1783. 60

Ghesquière publia effectivement un Catalogus numismatum nummorumque tum veterum, tum recentiorum, omnis generis et moduli, quos non minore sumptu, quam cura et delectu collegit Regius Princeps ac Dux Lotharingiae Carolus Alexander, Austriaci Belgii supremus quondam gubernator, Bruxelles, 1781. 61 Joseph de Crumpipen (1737-1809), chancelier de Brabant en 1769 et président de l’Académie à partir de 1773 (cf. Ch. PIOT, in BNB, 4 [1873], col. 571-578).

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 419 Le public ayant favorablement reçu cet engagement, et le nombre des souscripteurs étant assez grand pour que l’impression du premier volume pût avoir lieu, ce volume fut mis sous presse et parut en 1783 au terme fixé; le second en 1784, le troisième en 1785; et le quatrième doit également paroitre vers le mois de novembre de la présente année 1786, l’impression en étant déjà fort avancée. Il est inutile de dire ici combien le public savant a applaudi à cette entreprise, et combien il a été content de l’exécution. On pourroit cependant produire, en cas de besoin, les témoignages les plus expressifs de la part de plusieurs savans et des journalistes les plus accrédités, qui en font foi. La satisfaction du public savant n’a fait qu’augmenter, quand il a vu que l’Abbé Smet62, assumé le 27 mai 1784 pour aider l’Abbé Ghesquière, étoit capable de continuer et d’achever le Recueil des Actes des Saints Belgiques, en cas qu’une maladie ou d’autres accidens empêchassent l’Abbé Ghesquière de continuer son pénible travail. Aussi le dit Abbé Smet n’a-t-il cessé de travailler avec le plus grand succès à l’éclaircissement de plusieurs Actes de Saints, dans le temps que l’Abbé Ghesquière préparoit les matériaux pour publier divers mémoires intéressans sur l’histoire monétaire des Pays-Bas, qui paroitront successivement, tant que le présent arrangement du Musée historique aura lieu, et qu’il aura à sa disposition les livres manuscrits et imprimés confiés à la garde des Bollandistes. Lorsque l’ouvrage des Acta Sanctorum Belgii selecta, et celui de l’Histoire monétaire des Pays-Bas seront achevés, ce qui pourra avoir lieu d’ici en cinq ans, les dits Abbés Ghesquière et Smet se proposent d’entreprendre un autre ouvrage non moins intéressant, savoir un Supplément aux Diplomata Belgica de Miraeus et de Foppens63, dans lequel se trouveront les diplômes que Miraeus et Foppens n’ont pas connus, et d’autres en assez grand nombre, qu’on publiera d’après les originaux, au lieu que Miraeus ne les a publiés que sur des cartulaires fautifs64. Remis ce jourd’hui 8 mai 1786 à M. le Marquis du Chasteler, commissaire impérial et royal à l’établissement du Musée historique, par l’Abbé Ghesquière.

Ghesquière annonçait la parution prochaine du tome 4 des Acta Sanctorum Belgii selecta: elle intervint, non en cette année 1786, mais en 1787. Le même manuscrit bollandien 1126, pièce 17, contient la minute d’un «Mémoire pour Son Excellence Monsieur le comte de Trauttmans-

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Corneille Smet (1742-1812, jésuite en 1759) enseigna les humanités à Anvers, puis fut adjoint à Ghesquière, en 1784, au Musée historique et collabora aux tomes 3 à 5 des AASS Belgii. Il ne rejoignit pas Tongerlo. Établi à Bruxelles, il y exerça le ministère pastoral, mais fut suspendu pour avoir refusé une approbation explicite du catéchisme impérial. Il continua à se livrer aux études historiques (cf. P. BERGMANS, in BNB, 22 [1914-1920], col. 770-773). 63 64

J.-Fr. FOPPENS, Opera diplomatica et historica, 4 t., Louvain, 1723-1748.

Les projets relatifs à l’histoire monétaire des Pays-Bas et les suppléments aux Diplomata de Miraeus ne furent pas menés à bien, même si Ghesquière publia quelques travaux sur ces sujets.

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dorff65, Ministre plénipotentiaire de S. M. l’Empereur et Roi». Daté du «12 de j. 1788», il est antérieur à l’ordre du 16 octobre 1788 donné aux Bollandistes d’arrêter leurs travaux, et aux tractations qui allaient aboutir au transfert de l’œuvre bollandienne et du Musée historique à Tongerlo66. «C’est avec autant de sensibilité que d’étonnement que j’ai appris, indirectement et sans en être prévenu, l’abolition d’un établissement confié à mes soins tant pour la partie littéraire que pour la partie œconomique par dépêche du prince de Starhemberg du 16 mai 1781, que je joins ici sous A. Je croiois avoir mérité par mon exactitude et ma surveillance d’être entendu sur pareil objet, et Votre Excellence est trop équitable pour ne pas sentir la justice de cette observation. J’ose l’assurer que cet établissement, connu sous le nom de Musaeum Bellarmini, auroit été d’une utilité incontestable pour former un jour le corps d’histoire le plus complet dont aucun pays eut pu se glorifier. Cet établissement, il est vrai, ne s’est occupé depuis qu’il est sous ma direction, que de la rédaction des vies des saints et saintes belgiques, mais c’étoit par un ordre exprès du gouvernement, comme il conste67 de mes instructions ci-jointes sous B. Dans ces circonstances, qu’il me soit permis de lui représenter que cet établissement n’étoit qu’accidentellement chargé de la rédaction de ces vies des saints et saintes belgiques, mais que son but principal étoit la compilation des matériaux qui devoient servir à la composition de l’histoire Belgique. Envisagé sous le point de vue qui l’occupoit actuellement, je sens parfaitement qu’il devoit suivre le sort de l’établissement des Bollandistes. Mais si j’avois été entendu, il m’auroit été facile de prouver à Votre Excellence, combien le but réel et permanent de cet établissement étoit distinct de celui des Bollandistes. En effet, l’un ne tendoit qu’à accumuler des vies de saints de tous les pays et n’avoit trait aux provinces belgiques qu’à raison de la place qu’elles occupent dans l’univers. L’autre, au contraire, étoit exclusivement destiné à éclaircir et à composer l’histoire civile et politique de ces mêmes provinces, et il étoit sous la direction d’un savant qui réunit toutes les connoissances qui pouvoient en assurer le succès (à l’abbé Ghesquière) et celui-ci avoit sous lui l’abbé Smet, également recommandable par ses connoissances historiques et sa constante application; ce dernier y avoit été emploié en vertu d’une dépêche du comte de Belgiojoso68 qui me fut adressée le 27 de mai 1784 et jointe ici en extrait sous c. 65 Ferdinand de Trauttmansdorff (1749-1827) fut ministre plénipotentiaire de Joseph II à Bruxelles de 1787 jusqu’à la révolution de 1789, qu’il ne put empêcher (cf. H. PIRENNE, in BNB, 25 [1930-1932], col. 547-553). 66

Le «j.» signifie sans doute juin ou juillet.

67

Est évident.

68

Louis-Charles-Marie de Barbiano et Belgiojoso (1728-1802) fut ministre plénipotentiaire de Joseph II à Bruxelles de 1783 à 1787 (cf. L.-P. GACHARD, in BNB, 2 [1868], col. 118-124).

LA FIN DU MUSÉE BOLLANDIEN ET DU MUSÉE BELLARMIN 421 Personne certainement ne disputera l’utilité d’un pareil projet et j’ose supplier Votre Excellence de daigner avoir égard à ma représentation en laissant subsister un établissement dont les travaux ne peuvent que faire honneur et profit au pays dont il est destiné à tirer l’histoire du chaos dans lequel elle est encore enveloppée. Je crois devoir aussi l’informer que déjà quatre volumes des vies des saints et saintes belgiques ont été publiés par l’abbé Ghesquières, que le cinquième est composé et imprimé, et qu’enfin trois volumes completteroient l’ouvrage en trois ans, de sorte qu’à cet égard les mois qui manquent au grand ouvrage des Bollandistes seroient complettés relativement aux Pays-Bas et cet ouvrage immense qui est composé de plus de 50 volumes in folio recevroit par là un certain complément. Une dernière raison qui mérite quelque attention, c’est la réclamation que fait (et je crois à juste titre) l’abbé Ghesquiere d’une somme de 12960 fl. par lettre du 2e de ce mois adressée à la chambre des comptes, tandis que pendant les trois ans qui sont nécessaires pour completter l’ouvrage, sujet de cette réclamation, l’établissement entier ne tireroit que 4500 fl. et la réclamation des 12960 fl. viendroit à cesser. Telles sont les considérations que je prends la liberté de soumettre à la décision du gouvernement».

Ghesquière accompagnera De Bue à Tongerlo. C’est là qu’il achèvera la composition du tome 5 des Acta Sanctorum Belgii selecta, qui paraîtra en 1789, puis qu’il mettra au point le volume suivant, avec la collaboration du prémontré Isfroid Thys69, dont la parution interviendra en 1794. Ce fut là l’ultime surgeon du Musée historique. Ou plus exactement, comme je l’ai exposé ailleurs70, un antépénultième surgeon. Entre 1837, année de la reconstitution de l’atelier bollandien désormais installé à Bruxelles, et le début des années 1860, il fut à plusieurs reprises question de relancer la collection des Acta Sanctorum Belgii selecta. Sans résultat. Elle connaîtra une dernière tentative en 1910: le bollandiste Poncelet71 mit en route le septième tome et fut près d’aboutir. Le décès prématuré de Poncelet entraîna l’arrêt définitif de l’entreprise, les Bollandistes n’ayant pas trouvé de solution satisfaisante pour achever le manuscrit du volume laissé par leur collègue. Société des Bollandistes

Bernard JOASSART

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Isfroid Thys (1749-1824) fit profession à Tongerlo en 1770 et fut ordonné prêtre en 1773. Après la suppression de son abbaye, il se consacra au ministère paroissial, puis se retira à Anvers et continua à se livrer aux travaux historiques (cf. GOOVAERTS, 2, p. 244-247; P. BERGMANS, in BNB, 25 [1930-1932], col. 204-207). 70 Cf. B. JOASSART, Notes sur l’histoire des Acta Sanctorum Belgii aux XIXe et XXe siècles, in AB, 119 (2001), p. 88-125. 71

Né en 1854 et nommé bollandiste en 1888, Albert Poncelet mourut le 19 janvier 1912.

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B. JOASSART ABRÉVIATIONS

AASS Belgii = Acta Sanctorum Belgii selecta, 6 t., Bruxelles – Tongerlo, 1783-1794. BNB = Biographie nationale [de Belgique]. DHGE = Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques. GOOVAERTS = L. GOOVAERTS, Écrivains, artistes et savants de l’Ordre de Prémontré. Dictionnaire bio-bibliographique, 4 vol., Bruxelles, 1889-1909. MAILLY, Académie = É. MAILLY, Histoire de l’Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles (= Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des BeauxArts de Belgique, coll. in-8°, 34 et 35), 2 vol., Bruxelles, 1883. PIBA = W. AUDENAERT, Prosopographia Iesuitica Belgica Antiqua (PIBA). A Biographical Dictionary of the Jesuits in the Low Countries, 1542-1773, 4 vol., Louvain – Heverlee, 2000. SOMMERVOGEL = C. SOMMERVOGEL, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 11 vol., Bruxelles, 1890-1932.

Bernard JOASSART PAUL PEETERS AU LIBAN En marge de la Bibliotheca hagiographica orientalis Le 12 octobre 1908, Albert Poncelet1 notait dans le diaire des Bollandistes: «Le P. Peeters2 pourra, selon son désir, aller à Beyrouth s’entendre avec l’imprimerie de l’Université St-Joseph au sujet de l’impression de la BHO. La durée de son séjour en Orient est fixée à trois mois au maximum».

Cette «BHO», dont l’auteur avait fait antérieurement un séjour dans la même Université, de 1902 à 1903, pour y apprendre l’arabe, allait compléter la série des Bibliothecae hagiographicae — la BHG et la BHL l’ayant précédée de quelques années — entreprise par les Bollandistes depuis que Charles De Smedt avait engagé le groupe des hagiographes de Bruxelles dans la voie de la critique historique moderne, qui exigeait tout naturellement que l’on eût une connaissance aussi complète que possible des éditions de textes hagiographiques déjà réalisées3. Le 4 novembre 1908, le même Poncelet indiquait: «Départ du P. Peeters». La correspondance reçue par Hippolyte Delehaye4, collègue de Peeters, recèle quatre missives de celui-ci qui donnent quelques échos de ce voyage. Le 22 novembre, Peeters écrivait: «Me voici donc dans la Βασίλισσα τῶν πόλεων. J’ai brûlé toutes les étapes afin de pouvoir séjourner ici un peu plus longtemps et je ne m’en repens pas, bien [que] la route Vienne-Cpl. [Constantinople] ne ressemble guère à une promenade d’agrément. Ce n’est pas tout à fait aussi assommant que je l’avais craint, mais il ne s’en faut pas de beaucoup: 49 heures de patache ou plutôt de tramway vicinal. Cela permettrait d’admirer le pays tout à l’aise… si on le 1

Albert Poncelet (1861-1912, jésuite en 1878) fut collaborateur des Bollandistes de 1886 à 1888 et définitivement attaché au groupe des hagiographes belges en 1892. 2

Paul Peeters (1870-1950, jésuite en 1887) avait rejoint le groupe bollandien en 1904.

3

Au sujet de l’œuvre de Charles De Smedt (1833-1911, jésuite en 1851), bollandiste à partir de 1876, cf. B. JOASSART, Hippolyte Delehaye. Hagiographie critique et modernisme (= Subs. hag, 81), Bruxelles, 2000, p. 127-137. La BHG telle que nous la connaissons aujourd’hui fut précédée par deux éditions préparées par les soins de Delehaye, parues respectivement en 1895 et 1909; la BHL fut publiée entre 1898 et 1901. 4 Au sujet d’Hippolyte Delehaye (1859-1941, jésuite en 1876), agrégé au groupe bollandien en 1891: B. JOASSART, Hippolyte Delehaye… (cf. note précédente).

Analecta Bollandiana, 131 (2013), p. 423-428.

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voyait; mais la journée déjà bien courte en cette saison, s’abrège encore d’environ 1 heure par jour pendant ce trajet d’ouest en est. Froid de loup tout le long de la route. J’ai trouvé Cpl. dans la neige. Il gelait encore ferme à 7 h 1/2, heure à laquelle nous aurions dû arriver. La boue et la saleté des rues dépassent toute imagination. Mais l’aspect général du pays et la magie des souvenirs empêchent de songer à ces détails. De ma fenêtre, j’aperçois la coupole de l’Ἁγία Σοφία par-delà la Corne d’Or, et dans le lointain, au fond de la Marmara, la chaîne de l’Olympe de Brousse. Chaque pas dans la ville vaut des heures de lecture, surtout quand on est piloté par un guide aussi obligeant et aussi bien informé que M. Delebecque5. Je serais allé ce matin au patriarcat arménien, mais il paraît qu’aujourd’hui la rue n’est pas sûre à cause d’une manifestation politique des Grecs qui pourrait tourner au tragique, de comique qu’elle est naturellement; j’en ai vu une. Dommage que le P. Scheys6 ne fût pas là pour photographier la scène ! Les mékhitaristes de Pancaldi7 sont presque aussi obligeants que leurs confrères de Vienne. J’ai fait une ou deux bonnes trouvailles dans leur bibliothèque. Celle des Antonins est inutilisable à cause de l’ignorance et de la verbosité du bibliothécaire. Le P. Petit8 est absent; j’irai cependant à Kadi-Keuï si j’en trouve le moyen, mais ce n’est pas si simple qu’on le croirait de loin. Je pars jeudi prochain. Amitiés aux collègues. En hâte».

Le 4 décembre, de Beyrouth, Peeters écrit alors à son collègue pour lui relater ses premières déconvenues: «Je joue de malheur et dans les grands prix. Il était convenu avec l’imprimeur qu’en vous envoyant un spécimen des caractères, il vous adresserait en même temps une sorte de devis précisant les conditions du travail, avec mention explicite du chiffre du tirage et de la qualité du papier de manière à prévenir tout malentendu. Une heure après, comme je venais d’écrire au P. Poncelet 9, le chef d’atelier est venu m’apporter un projet où il comptait à 42 fr. la feuille de 8 (huit) pages; à quoi j’ai répondu en lui mettant sous les yeux la lettre du directeur où le même prix est compté pour la feuille complète de 16 pages. Le bonhomme ahuri a emporté le papier et l’a montré à son chef, lequel a constaté le ‟lapsus calami”; consternation, regrets, excuses, protestations, et le reste ! Je me suis montré fort 5

Ce personnage n’a pas pu être identifié.

6

Alphonse Scheys (1862-1922, jésuite en 1883) résidait au collège Saint-Michel, où il était entre autres directeur du périodique Missions belges de la Compagnie de Jésus. 7 Quartier de Constantinople occupé majoritairement par des Levantins, tirant son nom des fours qui y étaient installés et des pains que l’on y cuisait, les pani caldi. 8 Louis Petit (1868-1927, assomptionniste en 1885) était, depuis 1895, à la tête de l’établissement de Kadiköy, ancêtre de l’Institut français des études byzantines. Ce byzantiniste, plus tard archevêque latin d’Athènes (1912-1926), entretint des relations suivies avec le bollandiste Hippolyte Delehaye. Il publia, en 1926, une Bibliographie des acolouthies grecques, 16e volume de la collection des Subsidia hagiographica. Cf. B. JOASSART, De Constantinople à Athènes. Louis Petit et les Bollandistes. Correspondance d’un archevêque savant (19021926) (= Tab. hag., 6), Bruxelles, 2010. 9

Cette lettre n’a pas été retrouvée.

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peu empressé à le consoler. En m’excusant de la désagréable surprise dont je lui étais l’occasion, je lui ai fait observer que le plus mal loti des deux, c’était moi, et que je me voyais maintenant quasi forcé à un marché que jamais je n’aurais accepté s’il nous avait été présenté sans ‟lapsus calami”. L’affaire en est là pour le moment. Le R. P. Rect.10 veut que je la pousse et que je prenne mon recours à qui de droit. C’est ce que je ferai dès que je pourrai sortir. Cette secousse n’était pas le remède dont j’avais besoin pour couper ma fièvre. Depuis hier heureusement, le temps s’est un peu remis au beau; mais peut-être par l’effet de cette invraisemblable contrariété, tout m’est devenu unheimisch. Je vous serais infiniment reconnaissant de me faire savoir sans tarder ce qu’il faut faire. Peut-être pourriez-vous demander d’urgence les prix de l’imprimerie des Méchitaristes de Vienne. En tout cas un mot de réponse, de grâce, pour que je sorte au plus tôt de ce cauchemar. L’imprimeur vous écrira lui-même. Si le Gros11 voulait se fendre d’une dépêche, il m’épargnerait huit ou dix jours de tourment. J’écrirai plus au long demain».

Le 8 décembre, Peeters poursuivait le récit de son équipée: «Voici la suite de mon odyssée. Samedi dernier, comme le temps s’annonçait meilleur, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis parti pour Ghazir12 où le P. Supérieur de la Mission réside en ce moment. Le P. Supérieur, qui est un de nos compatriotes (P. Vande Putte)13, a trouvé que l’histoire du lapsus calami était par trop forte. Il m’a déclaré sans ambages que les conséquences de l’erreur devaient être supportées par celui qui l’avait commise, et il m’a promis qu’il arrangerait l’affaire. Reste à savoir si le directeur de l’imprimerie se tiendra pour battu (Le P. Cheïko14 et tous ses collègues m’engagent fort à tenir

10 Louis Cattin (1851-1929, jésuite en 1868) fut recteur de l’Université Saint-Joseph à trois reprises (1897-1901, 1907-1910 et 1919-1921); il s’occupa principalement du développement de la Faculté de médecine dont il fut le chancelier de 1895 à 1913 et de 1921 à 1924 (cf. H. JALABERT, Jésuites au Proche-Orient. Notices biographiques (= Collection Hommes et Sociétés du Proche-Orient), Beyrouth, 1987, p. 173-174 [désormais abrégé JALABERT, Jésuites Proche-Orient]. 11

Surnom du bollandiste (1888) François Van Ortroy (1854-1917).

12

À 30 kilomètres au nord de Beyrouth.

13

Édouard Van de Put (1860-1934) entra au noviciat de Ghazir en 1877, accomplit une partie de sa formation au Liban et ses études de théologie en Europe. Il revint définitivement en Orient en 1892. Entre autres charges, il fut supérieur de la mission de Ghazir de 1907 à 1910. Il put rester au Liban durant la Première guerre mondiale, bien qu’il fût Belge (l’empire ottoman avait déclaré la guerre à son pays d’origine), et s’établit à la Faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph; il y exerça divers ministères ainsi qu’à l’Hôtel-Dieu de Beyrouth (cf. JALABERT, Jésuites Proche-Orient, p. 188-189). 14 Louis Cheikho (1859-1927), chaldéen catholique né en Turquie, entra dans la Compagnie de Jésus en 1874. Toute sa vie fut consacrée au travail scientifique; par le biais des études arabes, son objectif était de susciter l’estime des musulmans à l’égard des chrétiens d’Orient. Fondateur de la Bibliothèque d’Orient et de la revue al-Machriq, il fut surnommé le «sultan de la langue arabe» (JALABERT, Jésuites Proche-Orient, p. 168-169). Il avait été le maître de Peeters lors de son premier séjour au Liban.

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bon). En tout cas, j’aime à croire que l’excellent homme qui, dans ses rapports privés est on ne peut plus aimable, acceptera de bonne grâce la transaction qui lui sera imposée. S’il voulait me tenir rigueur il lui serait par trop facile de me faire expier sa mésaventure; il lui suffirait de m’abandonner sans défense à la lenteur et à l’inertie de son personnel. Hélas, je ne suis pas encore au bout de mes peines. Un détail pratique. Vous aurez vu sur le spécimen qui vous a été envoyé deux corps syriaques différents. L’estranghelo15 est incontestablement le plus beau et le mieux assorti, comme œil, aux autres caractères. Mais outre qu’il prend beaucoup plus de place, il nécessite des parangonnages16, lesquels nous exposent à des accidents sous presse à cause de l’insouciance du conducteur et de l’antiquité de sa machine. Quid ad casum ? Y aurait-il lieu d’employer l’estranghelo pour les textes ordinaires et de réserver la petite cursive jacobite pour les recensions secondaires ? De Ghazir, j’ai fait une promenade jusqu’à Beth Khaschbo17, le monastère arménien dont je vous ai parlé. Le couvent est aujourd’hui complètement désert. Le gardien (laïque) qui en a la charge, m’a laissé pénétrer dans la bibliothèque, contrairement à son habitude, car tout récemment encore, il a éconduit sans pitié le bon P. Tournebize18. En furetant là un peu au hasard sous le regard inquiet de ce cerbère, j’ai trouvé un certain nombre d’anciennes éditions de textes hagiographiques que les vers sont en train de détruire à tout jamais. L’idée m’est venue d’écrire aux propriétaires de cette bibliothèque, qui sont précisément ces mêmes moines antonins d’Ortha-Köj (Constantinople) dont j’ai inutilement essayé de tirer le moindre renseignement sur leur fonds imprimé. Mais je crains fort que l’unique résultat de ma lettre ne soit que le gardien recevra la défense de me laisser pénétrer une seconde fois dans ce trésor délaissé. Ceci me rappelle qu’à Constantinople quelques heures avant mon départ, j’ai découvert par hasard dans la soupente d’un bouquiniste une édition arménienne d’Aphraates, différente de celle d’Antonelli, avec une Vie de S. Jacques de Nisibe19. Malheureusement, je n’avais pas d’argent turc sur moi et comme le change 15

Il s’agit de l’une des trois graphies principales de l’alphabet syriaque.

16

Procédé typographique qui consiste à aligner correctement des caractères d’imprimerie de différents corps. 17 Le monastère Saint-Antoine de Beit Kischbaou, proche de Jounieh, fut fondé au début du 18e s. pour des moines de l’Ordre libanais maronite, et accueillit les premiers moines arméniens qui y demeurèrent tout en adoptant la règle maronite. Ils furent rejoints en 1890 par des Capucins, le monastère étant abandonné au début du 20e s. avant d’être relevé en 1985. 18

François Tournebize (1856-1926, jésuite en 1875) fut d’abord rédacteur aux Études et partit à Beyrouth en 1889 comme professeur au séminaire. Il étudia particulièrement l’histoire de l’Arménie (cf. JALABERT, Jésuites Proche-Orient, p. 161-162). 19 Le cardinal (1759) Niccolò Maria Antonelli (1698-1767) publia les Sancti Patris nostri Jacobi episcopi Nisibeni sermones… à Rome, en 1756 (version arménienne et traduction latine de 19 homélies d’Aphraates, théologien persan de la première moitié du 4e s., souvent confondu avec son contemporain Jacques, évêque de Nisibe; Antonelli y édita la Vie BHO 409). Peeters fait vraisemblablement allusion au «Liber qui “Sapiens” dicitur (Homiliae Aphrahatis, ed. 2, CPoli, 1824)» qu’il indique sous ce numéro (p. 94 de la BHO).

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est toujours fort onéreux, je me suis contenté de donner notre adresse au libraire et de prendre la sienne (B. Balentz, Tachkmakdjelar, n° 2°, Cpl) en le priant de nous réserver le volume, qu’on lui commandera ferme d’ici à quelques mois (un Père de la résidence ou l’excellent M. Delebecque se chargerait volontiers de la commande et du marchandage). Rien de neuf ici, sinon qu’il pleut à verse sans discontinuer. Voilà deux fois que je tombe en Syrie sur le plus affreux hiver qu’on ait vu depuis longtemps. Les gens du pays sont tout honteux de cette «coïncidence». Quant à moi, je ne m’attendais pas à autre chose et je me console philosophiquement par la pensée qu’il y aura bien quelques embellies avant mon départ. Du reste, j’ai de quoi m’occuper tout à loisir à la Bibliothèque orientale qui s’est étonnamment enrichie depuis mon premier séjour. Pour finir, pardonnez-moi de vous importuner de quelques demandes. 1. Le P. Ministre20 (cui pl[urimam] sal[utem] dico) voudrait-il veiller à m’envoyer l’ordo divini officii pour 1909 ? 2. Y aura-t-il moyen de me faire parvenir les derniers numéros de l’Arara, septembre et suivants ? Cette revue était prohibée en Turquie avant la constitution21, en sorte que personne ne la recevait ici. 3. Je vous serais fort reconnaissant de me faire parvenir les épreuves de la BHG2 qui me seraient du plus grand secours. Sur ce, Herr Professor22, je vous dis à vous et au bon P. Senior [De Smedt] et aux collègues un cordial au revoir qui résume pour le moment le plus cher de mes souhaits. Commendo me SS».

La suite du séjour de Peeters ne laissa pas de traces. Et ce n’est que le 23 février 1909 que, de Paris, il redonna signe de vie, annonçant son prochain retour à Bruxelles: «Débarqué hier matin à Marseille, après une traversée fatigante – [je] compte repartir demain ou après-demain via Doornik23 pour arriver à Bruxelles dimanche soir ou lundi matin si je me sens trop vanné. La présente est pour vous avertir de mon retour; une lettre envoyée de Marseille arrivera sans doute à mon adresse. Elle émane d’un original qui bazarde sa bibliothèque, laquelle contenait un certain nombre de livres précieux. Je l’ai prié d’extraire de son catalogue la liste des ouvrages qui seraient dans nos cordes et de me l’envoyer. Il faudrait en prendre connaissance immédiatement et si possible répondre tout de suite à ce «bibliopole», car il n’y a pas de temps à perdre. Donc, s’il plaît à Dieu, on se reverra dans quatre ou cinq jours. Je m’en fais une fête, qui m’aidera je l’espère à oublier les quatre mois qui viennent de s’égre-

20

Trophime De Browne (1868-1910, jésuite en 1889).

21

Il s’agit de la constitution promulguée à la suite de la révolution des Jeunes-Turcs du 24 juillet 1908. 22

Formule utilisée par Peeters comme formule d’introduction, comme il l’avait d’ailleurs fait dans sa première lettre du 22 novembre. 23

Peeters.

Forme flamande du nom de la ville – francophone – belge de Tournai, ville natale de

B. JOASSART

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ner, minute par minute, comme une classe de philosophie. Brrr. Au revoir. Au revoir».

À la date du 1er mars 1909, Poncelet consignait dans le diaire: «Retour du P. Peeters». La BHO n’était pas pour autant sur le marché… Il faudra encore attendre une bonne année pour en arriver là. En «mai 1910», sans aucune précision de jour, Charles Van de Vorst24 indiquait tout simplement dans le diaire bollandien: «On décide de fixer à 20 francs le prix de la Bibliotheca hagiographica orientalis»… Société des Bollandistes

24

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Charles Van de Vorst (1870-1955, jésuite en 1888) fut bollandiste de 1909 à 1917.

BULLETIN DES PUBLICATIONS HAGIOGRAPHIQUES Adele MONACI CASTAGNO. L’agiografia cristiana antica. Testi, contesti, pubblico (= Letteratura cristiana antica, n. s., 23). Brescia, Morcelliana, 2010, 498 p. [ISBN 978-88-372-2441-7] Ce livre n’est pas un manuel d’histoire de la littérature hagiographique de l’Antiquité tardive. Bien qu’elle traite d’un grand nombre d’œuvres relevant de genres variés, l’A. n’a pas de prétention exhaustive. Son intention est d’étudier le discours hagiographique antique (gréco-latin uniquement), défini de façon assez large comme «l’ensemble des stratégies rhétoriques et des formes littéraires qui transmettent sur le mode narratif la mémoire de ce que des hommes et des femmes, supposés incarner un idéal de perfection, ont accompli durant leur vie et après leur mort». L’accent est mis sur les textes et sur leurs auteurs, envisagés sous les aspects suivants: les circonstances historiques dans lesquelles naît le texte hagiographique; les groupes qui s’y expriment; son interaction avec le contexte culturel et théologique; le public auquel il s’adresse; la façon dont ces éléments se reflètent dans le choix du contenu et les formes littéraires. L’ouvrage se divise en neuf chapitres, étonnamment dépourvus de titres, ce qui déroute quelque peu le lecteur (il n’y a donc pas non plus de titres courants significatifs pour guider la consultation). Le premier chapitre considère la mort de figures exceptionnelles telle qu’elle est rapportée dans des récits rédigés à la charnière du Ier et du IIe s.: le scribe Éléazar, la mère aux sept fils (IV Maccabées), Jésus (évangile de Marc), Étienne (Actes des Apôtres) et Sénèque (Tacite). Cette mise en valeur du contexte littéraire extra-chrétien laisse percevoir les interactions probables entre des milieux trop souvent considérés comme des entités closes sur ellesmêmes. Le chapitre II est consacré au discours hagiographique sur les martyrs. À côté de thèmes classiques (terminologie, «actes authentiques», datation), l’A. attire l’attention sur une série d’éléments moins connus: ainsi l’existence, dès la fin du Ier s., du modèle de la «Passion épique», ou à tout le moins d’une Passion qui réserve de larges développements aux discours et aux supplices, dans le IV e Livre des Maccabées et, dès la seconde moitié du IIe s., dans les Actes apocryphes des Apôtres, modèle repris de façon systématique par Eusèbe. Abordant, avec le troisième chapitre, les Vies des saints, A. M. C. s’applique utilement à caractériser la biographie antique et considère le discours hagiographique tardo-antique comme commun aux païens et aux chrétiens: le succès des Vies des philosophes aux IIe et IIIe s. (Vies de Demonax et d’Alexandre «le faux devin» par Lucien de Samosate, Vie d’Apollonius de Tyane par Philostrate, Vies de Pythagore et de Plotin par Porphyre) contribuerait à expliquer le développement des Vies de saints à partir de la seconde moitié du IVe s. Elle attire aussi l’attention sur une œuvre biographique négligée, celle d’Eusèbe (Apologie pour Origène, perdue, dont le livre VI de l’Histoire ecclésiastique nous donne cependant une bonne idée, et Vie de Constantin). Le chapitre IV examine l’hagiographie du IVe s. où, à côté de la Vita Antonii, l’A. s’intéresse notamment aux éloges funèbres de Grégoire

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de Nazianze. Le chapitre V est dédié aux deux dernières décennies du IVe s. et aux deux premières du Ve, avec l’œuvre hagiographique de Jérôme, celles de Paulin de Nole, de Sulpice Sévère et de Prudence. Ici encore, l’A. élargit les conceptions traditionnelles en rattachant au discours hagiographique de Jérôme les profils biographiques, tellement différents (notamment par l’absence de la dimension thaumaturgique), de Lea et Asella (Ep., 23, 24), ainsi que l’oraison funèbre de Paula et la Vie de Marcella. Les chapitres VI-IX sont consacrés respectivement aux Vitae monachorum, à l’hagiographie en Afrique (Passions donatistes, libelli miraculorum, Vie d’Augustin par Possidius, Histoire de la persécution vandale par Victor de Vita, Vie de Fulgence de Ruspe), en Italie (Vie d’Ambroise par Paulin, Vie d’Épiphane par Ennode, Dialogues de Grégoire le Grand), en Gaule (hagiographie «lérinienne», Vie de Germain d’Auxerre, Vie de Césaire d’Arles, Vies des Pères du Jura, les deux Vies de Radegonde, l’œuvre de Grégoire de Tours). Si l’A. n’aborde pas l’hagiographie versifiée – ce que l’on peut parfaitement comprendre –, on pourra toutefois penser que le traitement d’un Venance Fortunat (présent ici seulement pour sa Vie de Radegonde) aurait pu être plus développé. Tout chercheur intéressé par la littérature hagiographique de l’Antiquité tardive trouvera grand profit à lire ce livre, en particulier pour l’attention qu’il consacre au contexte extra-chrétien, et pour l’extension inusitée qu’il confère à la catégorie du discours hagiographique, mettant ainsi en valeur des textes souvent négligés par les hagiographes. Trois index complètent le volume (personnages anciens, auteurs modernes, thèmes). Une édition revue pourrait utilement organiser la bibliographie de façon plus systématique, en regroupant sources et travaux selon les thèmes et périodes traités dans les différents chapitres. R. GODDING

Πρακτικά διεθνούς συνεδρίου: Ο Απόστολος Ανδρέας στην ιστορία και την τέχνη. Πάτρα, 17-19 νοεμβρίου 2006. Ed. E. G. SARADI – D. D. TRIANTAPHYLLOPOULOS. Patras, 2013, XVI-242 p., ill. [ISBN 978960-89611-5-9] En 2006, on s’en souvient peut-être, la ville de Patras fut désignée «capitale européenne de la Culture» de l’année. Pour marquer l’événement, l’Université du Péloponnèse organisa opportunément, du 17 au 19 novembre, un colloque intitulé «Ο Απόστολος Ανδρέας, πολιούχος της Πάτρας», où furent présentées trente communications ayant trait à celui dont le nom est étroitement associé à la cité, du fait que la tradition y situe son martyre. Environ la moitié d’entre elles sont reprises dans les Actes qui viennent de paraître; comme à l’accoutumée, nous nous attarderons sur celles qui relèvent de nos études: – P. 5-7: E. A. CHRYSOS, Εισαγωγή στη θεματική του Συνεδρίου [Introduction au thème du Colloque]. – P. 9-16: X. LEQUEUX, Les anciennes Passions latines de l’apôtre André. À côté de l’abrégé des Actes apocryphes grecs de S. André (BHL 430) élaboré par Grégoire de Tours, les légendiers de l’Occident médiéval conservent deux Passions de l’apôtre

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martyrisé à Patras; il s’agit de la Passion Conversante et docente (BHL 429) et de l’Épître des presbytres et des diacres d’Achaïe, transmises par le biais de trois recensions principales (BHL 428; BHG 93 et 94). La recension BHL 428, elle-même traduite en grec (BHG 93), dérive en réalité d’un texte aujourd’hui disparu, dont la recension BHG 94 constitue un fidèle témoin. Cette Epistula primitive utilise une source analogue à celle qui fut mise à profit par l’auteur anonyme de la Passion Conversante et docente. Contrairement à l’opinion reçue, Passion et Epistula constituent deux compositions indépendantes.

– P. 17-46: H. SARADI, Ο άγιος Ανδρέας και η Πάτρα: ιστορία και παράδοση [Saint André et Patras: histoire et tradition]. Les Actes anciens, tels qu’ils peuvent être reconstitués, laissent transparaître chez leur auteur une bonne connaissance de la topographie et de l’histoire de Patras; on ne peut toutefois déterminer si l’écrivain provenait effectivement de la ville ou s’il consigna une tradition préexistante. Au cours des IXe et Xe s., la tradition apocryphe s’enrichit de plusieurs miracles et l’apôtre prend possession de l’Église de Patras, après avoir anéanti les cultes antiques. Mais dans les textes rédigés en l’honneur du saint après le transfert de ses reliques à Constantinople (IVe s.), Patras cède déjà le pas à la Capitale. La ville d’Achaïe, entretemps placée sous la juridiction de Rome, voit alors défiler plusieurs visiteurs occidentaux, venus reconnaître le lieu du martyre, où s’exerce également le pouvoir thaumaturgique du saint. L’élévation du saint au titre de patron de Patras résulte du rôle protecteur que les habitants lui attribuèrent dans la résistance aux incursions slaves de 805 et de 842. Une protection analogue sera rapidement revendiquée par Constantinople, du fait que la Capitale abritait ses reliques. L’Achaïe sera une dernière fois associée à l’apôtre dans le discours prononcé par Bessarion à Rome, en 1462, alors que le pape Pie II avait acquis le chef du saint et qu’il était question de monter une expédition pour rétablir le despote déchu de Morée, Thomas Paléologue.

– P. 47-61: I. THEODORAKOPOULOS, Le culte de saint André et la rivalité entre Rome et Ravenne (VIe-IXe siècles). Nouvelle interprétation d’un passage d’Agnellus (Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis 76, 179-196), relatif au vol manqué du corps de S. André par l’évêque ravennate Maximien à Constantinople, sous Justinien.

– P. 63-74: D. B. GONIS, Ο άγιος Ανδρέας και το ψευδοπρόβλημα της αποστολικότητας της Εκκλησίας της Ρωσίας [Saint André et le faux problème de l’apostolicité de l’Église de Russie]. – P. 75-86: C. G. PITSAKIS (†), Η αποστολικότης της Εκκλησίας της Κωνσταντινουπόλεως: μια προσέγγιση από την άποψη του εκκλησιαστικού δικαίου [L’apostolicité de l’Église de Constantinople: une approche du point de vue du droit canonique]. – P. 87-100: Th. KOLLYROPOULOU, Υμνογραφικά για την εορτή του Πρωτοκλήτου αποστόλου Ανδρέα [Production hymnographique pour la fête du Premier appelé des Apôtres, André]. Passage en revue des compositions hymnographiques en l’honneur de l’apôtre, recensées dans les répertoires classiques.

– P. 101-127: Ph. DIMITRAKOPOULOS – M. CHRONI, Πρωτόκλητος Ανδρέας και οσία Φιλοθέη [André, le Premier appelé des Apôtres, et sainte Philothée]. Philothée Venizelou naquit à Athènes, en 1522, au sein d’une famille aristocratique. Après un mariage malheureux et la disparition de ses parents, elle ouvrit, au centre d’Athènes, un établissement placé sous le vocable de S. André, pour venir en aide aux femmes maltraitées par les Turcs. La contribution recense les autres édifices situés dans les faubourgs d’Athènes, qui sont associés à celle qui devait également subir le martyre en 1589.

– P. 129-147: D. D. TRIANTAPHYLLOPOULOS, Ο Πρωτόκλητος στην Κύπρο: τεκμήρια

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και συμφραζόμενα [Le Premier appelé des Apôtres à Chypre: documents et contexte]. Concerne surtout le monastère Saint-André de Karpassia, dans la partie nord de Chypre.

– P. 149-171: A. MOUTZALI – H. G. SARADI, Ναοί του αποστόλου Ανδρέα στην Πάτρα: πηγές και ερμηνείες τους (4ος-19ος αι.) [Les églises dédiées à l’apôtre André, à Patras: les sources et leurs interprétations (IVe-XIXe s.)]. – P. 173-200: I. BITHA, Η παρουσία του αποστόλου Ανδρέα στο εικονογραφικό πρόγραμμα των βυζαντινών ναών των Κυθήρων (13ος αι.) [La présence de l’apôtre André dans le programme iconographique des églises byzantines de Cythère (XIIIe s.)]. – P. 201-211: A. KOUMOUSI, Παραστάσεις του αγίου Ανδρέα σε φορητές μεταβυζαντινές εικόνες [Représentations de saint André sur des icônes portatives de la période post-byzantine]. – P. 213-225: M. D. POLYVIOU, Ο Πατριάρχης Σεραφείμ Β´ κτήτορας του κελιού του Αγίου Ανδρέου στις Καρυές [Le patriarche Séraphin II, fondateur du Kellion SaintAndré, à Karyès]. – P. 227-242: Ch. A. APOSTOLOPOULOS, Ο παλαιός και ο νέος ναός του Αγίου Ανδρέα στην Πάτρα: διάγνωση και αποτίμηση βλαβών [La Vieille et la Nouvelle église de saint André, à Patras: identification et évaluation des dégradations]. X. LEQUEUX

The Martyrdom of St Phokas of Sinope. The Syriac Version. Introduction, translation and edition by Sebastian P. BROCK (= Texts from Christian Late Antiquity, 31). Piscataway, NJ, Gorgias Press, 2013, XI-59 p. [ISBN 978-1-4632-0189-0]. Cette plaquette contient l’édition princeps, munie d’une traduction anglaise, du Martyre syriaque de Phokas, premier évêque de Sinope (BHO vacat; cf. BHO 990 pour l’équivalent arménien), condamné au martyre par l’empereur Trajan et commémoré le 13 octobre dans l’aire syriaque. Le texte manifestement traduit du grec est établi à partir de deux copies indépendantes, conservées dans le ms. composite Vaticanus Syr. 160, ff. 205-211 (Ve/VIe s.; sigle A; témoin de base) et f. 224v231v (VIe/VIIe s.; sigle B). Comme S. P. B. l’indique (p. 11), le Martyre grec utilisé par le traducteur transmettait un état de texte différent de celui qui se trouve publié dans les AASS, Iul. t. 3 (1732), p. 639-645, d’après le ms. Vaticanus Gr. 797, XIe s., f. 284-291v (BHG 1536). On ignore si les divergences observées sont imputables à ce seul témoin ou à l’ensemble de la tradition directe du texte grec, par ailleurs proposé pour la commémoraison du saint le 22 juillet (cf. Synax. CP, col. 835-836) dans les mss Chalcensis Mon. 100, XIe s., f. 13v-18v; Mosquensis 178/179 (Vlad. 367; XIe s., f. 55-64), Hierosolymitanus Sabait. 26 (XIe s., f. 221-223 et 218-219), Vaticanus Barber. III.37 (XIIe-XIIIe s., f. 39-46), qu’il conviendrait de collationner pour disposer d’une édition satisfaisante. Le récit dans ses moutures grecque (II, 12 et 20) et syriaque (§ 62 et 91) précise que l’évêque fut auparavant pilote de bateau, ce qui lui valut le titre de saint patron des marins en péril. La même qualité est ac-

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cordée à deux autres saints homonymes, un jardinier de Sinope honoré le 22 septembre (Synax. CP, col. 67-69, #2; cf. l’homélie d’Astérius d’Amasée [BHG 1538]) et le fils d’un constructeur naval à Héraclée en Bithynie, devenu évêque de Sinope et honoré le même jour (Synax. CP, col. 69-70, #3; cf. BHG 1535y et 1535z). Ces trois personnages incarnent-ils des étapes dans l’évolution de la légende du jardinier de Sinope, comme le prétend le bollandiste Van de Vorst (AB, 30 [1911], p. 263-265), qui ignorait l’existence du Martyre syriaque ? L’hésitation des calendriers (p. 10-11) et l’attestation à date ancienne d’un récit célébrant l’évêque martyr de Sinope rendent, nous semble-t-il, la réponse moins évidente qu’il n’y paraît. X. LEQUEUX

Eusèbe de Césarée. Vie de Constantin. Texte critique: F. WINKELMANN (GCS). Introduction et notes: Luce PIETRI. Traduction: Marie-Joseph RONDEAU (= Sources Chrétiennes, 559). Paris, Éditions du Cerf, 2013, 568 p. [ISBN 978-2-204-10134-9] En cette année, où l’on commémore le 17e centenaire de la promulgation de l’édit de Milan, l’Institut des Sources Chrétiennes publie la traduction française de la Vita Constantini, d’après le texte grec établi par F. Winkelmann au siècle dernier. Cette nouvelle ressource était attendue, car la traduction jusqu’à présent disponible pour le public francophone, imprimée à Paris en 1675, avait bien vieilli… Eusèbe de Césarée commença à rédiger ce document, qui présente la vie et l’œuvre du premier empereur chrétien, dès 335/336 – soit avant le décès de Constantin, survenu le 22 mai 337 –, et poursuivit sa tâche jusqu’à sa propre disparition (339), ne pouvant mener à son terme l’ultime révision du texte. Élaborée par quelqu’un qui disposait d’une documentation de première main et qui fut également un proche de Constantin, l’œuvre, qui tient à la fois du panégyrique, de l’histoire et de la biographie sans être un texte hagiographique au sens strict – Constantin et sa mère Hélène ne figuraient pas encore au panthéon des saints à cette époque –, constitue une source capitale pour l’histoire de l’Église durant les premières décennies du IVe siècle. Texte engagé, confectionné sur mesure à la gloire d’un personnage hors du commun, l’opus d’Eusèbe, qui s’inscrit dans le prolongement direct de son Histoire ecclésiastique, doit donc être interprété avec toutes les précautions d’usage. L’introduction et l’annotation n’éludent aucune des nombreuses questions posées par une composition qui a déjà suscité une abondante bibliographie. X. LEQUEUX

J. H. W. G. LIEBESCHUETZ. Ambrose and John Chrysostom: Clerics between Desert and Empire. Oxford, University Press, 2011, XII303 p. [ISBN 978-0-19-959664-5] Ambroise de Milan et Jean Chrysostome furent assurément deux personnalités marquantes de la seconde partie du IVe siècle et du tout début du Ve pour le second.

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De nombreux points communs rapprochent les deux hommes, bien que leur milieu d’origine et les régions où ils œuvrèrent les séparent: on citera une éducation soignée, l’accession à l’épiscopat, la promotion de l’idéal ascétique, une opposition permanente aux sympathisants du courant arien, l’usage constant de la παρρησία et des confrontations répétées avec le pouvoir impérial. Mais les deux prélats devaient connaître une fin contrastée: Ambroise mourut à Milan en 397, tout auréolé d’une considération unanime, tandis que Jean finit misérablement exilé dix ans plus tard. Comment expliquer la belle réussite de l’un et le dramatique échec de l’autre, alors que se recoupe leur message, imprégné de l’idéal ascétique en vogue au IVe siècle ? C’est la question à laquelle se propose de répondre J. H. W. G. L., excellent connaisseur de la ville d’Antioche au temps de Chrysostome et, de surcroît, récent traducteur d’Ambroise (Ambrose of Milan: Political Letters and Speeches, Liverpool, 2005). Au prix d’un long périple dans la biographie et l’œuvre des deux Pères de l’Église (40 p. pour Ambroise, et 153 p. pour Chrysostome, à l’image du nombre de tomes que leur consacrent respectivement les deux Patrologiae de Migne), J. H. W. G. L. reconnaît à Ambroise une grande habilité dans ses relations avec autrui, alors que Chrysostome manquait visiblement de tact et de sens politique. Une compétence théologique reconnue contribua à asseoir l’autorité d’Ambroise parmi les évêques du nord de l’Italie; le titulaire du siège de Constantinople fut davantage un pasteur préférant le concret à la spéculation et accablant ses auditeurs, dont il remettait continuellement en cause la moralité, au point d’exaspérer les gens, tous milieux confondus. Jean n’hésita pas à viser sans détours les membres de la cour impériale, tandis qu’Ambroise, même s’il ne s’abstenait pas de critiquer les agissements de l’empereur (cf. l’affaire de la basilica Portiana ou encore le massacre de Thessalonique), présenta toujours les souverains récemment décédés comme des chrétiens modèles, ce qui fut diversement apprécié… Le livre s’achève sur un chapitre consacré à la postérité des deux évêques et à la diffusion, en Orient et en Occident, de leur vision de l’idéal ascétique. X. LEQUEUX

Demetrios S. KATOS. Palladius of Helenopolis. The Origenist Advocate (= The Oxford Early Christian Studies). Oxford, University Press, 2011, XVII-219 p. [ISBN 978-0-19-969696-3] On associe au nom de Pallade, évêque d’Hélénopolis puis d’Aspona, deux compositions directement inspirées par les tensions à la fois ecclésiales et théologiques qui ébranlèrent l’Orient au tournant du Ve siècle: le Dialogue sur la vie de Jean Chrysostome (BHG 870) et l’Histoire dite lausiaque (BHG 1435-1438c). Selon D. S. K., Pallade, dont une biographie est proposée aux p. 9-32, écrivit le Dialogue fin 407 ou début 408 (p. 27), pour démontrer aux partisans de Chrysostome que ce dernier, injustement condamné à un exil qui lui fut fatal, devait à nouveau être inscrit dans les diptyques de l’Église de Constantinople et être ainsi réhabilité (p. 40). Ce plaidoyer, qui adopte la forme d’un dialogue entre un diacre romain et un évêque grec, ne doit donc pas être considéré comme une histoire au sens large, comme pourrait le suggérer son titre Διάλογος ἱστορικός; il s’agit plutôt

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d’un plaidoyer, dont le plan s’inspire des préceptes du traité Περὶ στάσεων d’Hermogène de Tarse (IIe/IIIe s.). Cette approche (déjà exposée dans un article paru dans Vigiliae Christianae, 61 [2007], p. 42-69) permet d’expliquer de manière convaincante le canevas parfois déroutant du Dialogue. Pour la rédaction du Dialogue, une nouvelle fourchette chronologique (fin 408 – début 409) vient d’être proposée par P. van Nuffelen (Palladius and the Johannite Schism, in Journal of Ecclesiastical History, 64 [2013], p. 1-19), lequel estime que l’œuvre en question avait pour objectif de pousser les partisans de Jean à se réconcilier avec l’Église officielle pour œuvrer, en quelque sorte de l’intérieur, à la réhabilitation de leur ancien chef.

Le second ouvrage parvenu à la postérité serait une «Origenist apologia» (p. 116), parce que son auteur aurait constitué cette galerie de portraits ascétiques (Isidore d’Alexandrie, Didyme l’Aveugle, Mélanie l’Ancienne, Rufin, Évagre le Pontique, entre autres), pour répondre aux attaques lancées par Jérôme (Epist. 33 et Dialogue contre les Pélagiens) à l’encontre du parti origéniste, et tenter de rallier l’entourage impérial à cette cause par l’intermédiaire du haut fonctionnaire Lausus. Le titre exclusif («the Origenist advocate») décerné à Pallade est sans aucun doute éditorialement percutant, mais usurpé dans les faits. Il est incontestable que le personnage avait plus que de la sympathie pour le courant origéniste, comme l’attestent sa théologie et sa théodicée, largement influencées par ses fréquentations, ainsi que sa condamnation explicite par le synode du Chêne. Toutefois, on remarquera que les œuvres analysées dans le présent livre ne relèvent pas de l’apologétique; dans ces conditions, prêter à l’écrivain une défense active de l’héritage d’Origène à partir de ces deux seuls textes est, pour le moins, forcé. Si l’on veut mettre en évidence chez Pallade une incontestable maîtrise des techniques de la rhétorique, un titre tel que «an Origenist rhetor» nous aurait semblé plus approprié. X. LEQUEUX

Il cristianesimo in Istria fra tarda Antichità e alto Medioevo. Novità e riflessioni. Atti della giornata tematica dei Seminari di Archeologia Cristiana (Roma – 8 marzo 2007). Cur. Emilio MARIN – Danilo MAZZOLENI (= Sussidi allo studio delle antichità cristiane, 20). Città del Vaticano, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 2009, 289 p., ill. [ISBN 978-88-85991-47-7] L’Istrie, aujourd’hui partagée entre l’Italie, la Slovénie et la Croatie, a un riche passé paléochrétien, récemment illustré par une remarquable Journée d’études organisée par l’Institut pontifical d’archéologie chrétienne. Voici les titres des contributions. R. BRATOŽ, Cristianesimo in Istria. Una sintesi e alcune riflessioni (con particolare riguardo allo sviluppo dell’organizzazione ecclesiastica) (9-46). – R. MATIJAŠIĆ, Società e commercio nell’Istria e i rapporti con il Mediterraneo nella tarda Antichità (47-69). – Kr. DŽIN, Nesazio alla luce delle recenti scoperte archeologiche (71-85). – G. ROSADA, Le basiliche doppie di Nesazio e di Pola nel contesto delle direttrici di comunicazione altoadriatiche (87-112). – G. CUSCITO, Battisteri paleocristiani in Istria (113-145). – D. MAZZOLENI, A proposito delle is-

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crizioni cristiane musive del territorio istriano (147-167). – V. GIRARDI JURKIĆ, Scavi recenti di una villa dell’epoca costantiniana a Medulin (Croatia) (169-185). – J. BARAKA, A proposito dei reliquiari paleocristiani di Pola e di Novalja (187-207): découverts respectivement en 1860 et en 1971, ces pyxides-reliquaires d’argent constitués d’un vase de forme polygonale et d’un couvercle pyramidal remonteraient à la seconde moitié du IVe s.; ils sont conservés, le premier au Kunsthistorisches Museum de Vienne, le second au Musée archéologique de Zara. – E. MARIN, Il mosaico della cappella di S. Venanzio al battistero Lateranense. Status quaestionis (209-215): cette mosaïque représente notamment, autour du pape Jean IV (640-642), dix saints de l’Église de Salone martyrisés sous Dioclétien, et dont les reliques avaient été portées par l’abbé Martin, envoyé en mission commandée par le pape Jean, lui-même originaire de Dalmatie. L’identité d’un de ces saints, précisément celui qui donne son nom à la chapelle, Venantius, demeure discutée. – F. BISCONTI, La capsella di Samagher: il quadro delle interpretazioni (217-231): l’iconographie de ce précieux coffret d’ivoire, trouvé en 1906 à l’état de fragments dans le village de Samagher près de Pola, a fait l’objet d’interprétations très diverses; l’A. propose d’y voir le souvenir du pèlerinage accompli par une famille d’Istrie à Rome, évoquée par l’episcopium et par le martyrium de S. Pierre. – D. DAMJANOVIĆ, Note e osservazioni sul reliquiario d’oro di Pola (233-245): trouvé en 1860 avec le reliquaire d’argent mentionné plus haut et conservé au même musée de Vienne, l’objet décoré de croix et de palmes stylisées remonterait au VIe s. – R. BUDRIESI, Problemi di scultura in Istria fra tarda Antichità e alto Medioevo (247-278). Une Discussione (279-288) conclut le volume, qui est dépourvu d’index. R. GODDING

Geoffrey GREATREX. The Chronicle of Pseudo-Zachariah Rhetor. Church and War in Late Antiquity. Translated from Syriac and Arabic Sources by Robert R. PHENIX and Cornelia B. HORN, with Introductory Material by Sebastian BROCK and Witold WITAKOWSKI (= Translated Texts for Historians, 55). Liverpool, University Press, 2011, XIV-562 p., cartes [ISBN 978-1-84631-494-0] Two Early Lives of Severos, Patriarch of Antioch. Translated with an Introduction and Notes by Sebastian BROCK and Brian FITZGERALD (= Translated Texts for Historians, 59), Liverpool, University Press, 2013, XI-175 p., 2 cartes [ISBN 978-1-84631-883-2] 1. Le titre «Chronique du Pseudo-Zacharie le Rhéteur» désigne une compilation historique confectionnée par un moine anonyme de la région d’Amida (auj. Diyarbakir, Turquie) en 568/569. Cette œuvre qui, en réalité, tient plus de l’histoire ecclésiastique que de la chronique, était constituée à l’origine de 12 livres incorporant des écrits de nature diverse: – Les livres I-II proposent une série de récits légendaires et historiques, parmi lesquels figurent les versions syriaques de l’histoire apocryphe de Joseph et Aseneth (cf. BHG 178), du baptême de l’empereur Constantin (BHO 1069; cf. BHG 1628-

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1630f), de l’Invention des reliques de S. Étienne le Protomartyr (BHO 1087 a et b; cf. BHG 1648x et non 1648 comme indiqué p. 81), et de la Légende des sept dormants d’Éphèse (BHO 1012; cf. BHG 1593-1599b). Comme il arrive bien souvent, ces versions transmettent un état de texte plus ancien que celui conservé dans la langue grecque originale. – Les livres III-VI (consacrés aux règnes des empereurs Marcien, Léon, Zénon et Basiliscus) reproduisent en l’abrégeant succinctement une version syriaque de l’Histoire ecclésiastique (perdue en grec) de Zacharie de Mytilène. – Les livres VII-IX couvrent les règnes d’Anastase et de Justin, ainsi que celui de Justinien jusqu’à l’an 536/7, avec une évocation du siège d’Amida (502/3). – Les livres X (conservé de manière fragmentaire), XI (perdu) et XII (également fragmentaire) sont supposés évoquer la seconde partie du règne de Justinien. L’auteur de ce miscellanée est conventionnellement dénommé le Pseudo-Zacharie, du fait que Michel le Syrien et Barhebraeus attribuèrent à tort l’ensemble de la compilation à Zacharie le Rhéteur, auteur d’une Histoire ecclésiastique (précisément transmise dans les livres III-VI) et futur titulaire du siège épiscopal de Mytilène, un écrivain dont il sera question ci-après. La chronique, éditée au siècle dernier par Brooks dans la série du Corpus scriptorum christianorum Orientalium (nos 87-88 = Script. Syr. III.5-6, Louvain, 1924), constitue donc une source capitale, certes d’origine anti-chalcédonienne, pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’empire byzantin entre les années 440 et le milieu du VIe siècle. Nul doute que la traduction anglaise proposée par R. R. Ph. et C. B. H. remplacera la vénérable traduction latine de Brooks. On remarquera toutefois que les textes qui ne relèvent pas de l’histoire au sens strict (c’est-à-dire ceux contenus dans le livre Ier et au début du deuxième) font seulement l’objet d’un simple résumé. L’ensemble est assorti d’une annotation abondante, tenue à jour dans une «accompanying webpage» (http://aix1.uottawa.ca/~greatrex/zach.html). Huit cartes et plusieurs index complètent l’ouvrage. 2. À Beyrouth, tandis qu’il y étudiait le droit, Zacharie s’était lié d’amitié avec Sévère, qu’il avait croisé un an plus tôt à Alexandrie. C’est à son instigation que Sévère se convertit au christianisme dans les années 488-490. Le destin sépara les deux compagnons: Zacharie entama une brillante carrière d’avocat qui le conduisit à Constantinople – ce qui lui valut d’être appelé «le Rhéteur» ou encore «le Scholastique» –, tandis que Sévère se fit moine à Maiuma, avant de devenir patriarche d’Antioche en 512. Fervent opposant au concile de Chalcédoine, Sévère dut abandonner son siège en 518 à l’avènement de l’empereur Justin, et se réfugia en Égypte. Fin 535 ou début 536, à l’invitation de Justinien, qui s’efforçait de ramener les miaphysites à l’orthodoxie, Sévère arriva à Constantinople et entra en communion avec le patriarche nouvellement installé, Anthime. La chose déplut au pape Agapet, qui, après avoir fait déposer Anthime, convoqua à Constantinople un synode, qui anathématisa ce dernier … et Sévère, lequel se réfugia à nouveau en Égypte, où il mourut en 538, âgé de 70 ans environ. Justinien confirma les décisions du synode et fit brûler les écrits de Sévère, provoquant de ce fait la damnatio memoriae de l’homme et de son œuvre dans l’Église grecque.

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Lorsqu’il accéda à la dignité patriarcale, Sévère dut faire face à un pamphlet l’accusant d’avoir participé à des sacrifices païens lorsqu’il étudiait à Beyrouth. Sa défense fut assurée par Zacharie, avec qui il serait, suppose-t-on, resté en contact: ce dernier, que Justinien installera sur le siège épiscopal de Mytilène vers 530, rédigea une apologie, où il évoque le genre de vie mené par son condisciple à Beyrouth, ainsi que le cheminement de Sévère vers l’épiscopat. C’est ce texte, conservé en version syriaque (BHO 1060) et improprement qualifié de Vie, qui est ici traduit par S. B. d’après l’édition de Kugener (Patrologia Orientalis 2, fasc. 1, Paris, 1907). Comme on l’aura remarqué, la composition de Zacharie ne couvre pas toute la vie de Sévère. Les biographies intégrales en l’honneur de celui que les Coptes, les Syriens et les Éthiopiens honorent comme saint, ne manquent pas. La plus ancienne d’entre elles, attribuée erronément dans les manuscrits à Jean bar Aphtonia, fondateur du monastère de Qenneshre († 537), constitue le second texte retenu dans la présente publication. Cette véritable Vie de saint, composée en grec entre 538 et 543, mais accessible elle aussi dans la seule version syriaque (BHO 1061), est traduite par B. F. d’après l’édition du même Kugener, parue dans PO 2, fasc. 3 cette fois. Deux autres textes, pour lesquels on dispose d’une traduction anglaise récente, ont été laissés de côté: la Vie (cf. BHO 1062) habituellement attribuée à Athanase, patriarche anti-chalcédonien d’Antioche (594-631/2), dont la version arabe vient d’être éditée par Y. N. Youssef (PO 49, fasc. 4, Turnhout, 2004), et le poème syriaque (BHO vacat) composé par Georges, dit «l’évêque des Arabes» († 724) et publié par K. E. McVey (CSCO, 530-531 = Script. Syr. 216-217, Louvain, 1993). La Vie ou homélie en l’honneur de Sévère par Cyriaque de Tagrit, repérée par Vööbus dans le ms. Chicago, Oriental Institute A. 12.008, attend toujours les honneurs d’une première publication. La lecture de ces deux early Lifes, abondamment annotées, constitue un excellent complément aux monographies récemment consacrées par P. Allen (Severus of Antioch [= The Early Church Fathers]…, Londres, 2004) et F. Alpi (La route royale: Sévère d’Antioche et les Églises de l’Orient [= Bibliothèque archéologique et historique, 188], Beyrouth, 2009) à cet incontournable personnage de l’actualité ecclésiastique au tournant du VIe siècle. X. LEQUEUX

Syméon A. PASCHALIDIS. Ἐν Ἁγίοις. Εἰδικὰ θέματα βυζαντινῆς καὶ μεταβυζαντινῆς ἁγιολογίας. Thessalonique, Éditions Pournaras, 2011, 350 p., ill. [ISBN 978-960-242-487-2] S. A. P., un spécialiste reconnu de l’étude du culte des saints à Byzance et sous la Turcocratie, vient de republier 14 articles, jusqu’alors disséminés dans des publications diverses (monographies, périodiques ou encore Actes de congrès). Les contributions sélectionnées sont réparties dans quatre sections: I. Thèmes de la littérature hagiographique à Byzance et pendant la Turcocratie: P. 17-46: Παρατηρήσεις στὸ ἁγιολογικὸ ἔργο τοῦ Νικήτα Δαβὶδ Παφλαγόνος [Remarques concernant l’œuvre hagiographique de Nicétas David le Paphlagonien] = Νικήτας Δαβὶδ Παφλαγών· τὸ πρόσωπο καὶ τὸ ἔργο του… (= Βυζαντινὰ Κείμενα καὶ

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Μελέται, 28), Thessalonique, 1999, p. 297-316. Cette monographie est désormais accessible en ligne: . P. 47-74: Ἄγνωστο ἐγκώμιο τοῦ Νικήτα Ῥήτορος στὸν προφήτη Ἠσαΐα «ἐν ᾧ καὶ περὶ τῶν Σεραφίμ» [Éloge inconnu de Nicétas le Rhéteur en l’honneur du prophète Isaïe «ἐν ᾧ καὶ περὶ τῶν Σεραφίμ»], tiré de Ἐπιστημονικὴ Ἐπετηρίδα Θεολογικῆς Σχολῆς Πανεπιστημίου Θεσσαλονίκης (Tμ. Ποιμ. καὶ Κοιν. Θεολογίας), n. s. 5 (1998), p. 251-274, avec une édition de l’encomium (BHG vacat), d’après le ms. Athos, Dionysiou 145 (Lambros 3679), XVIIe s., f. 302-311v. P. 75-88: Παρατηρήσεις στὶς μεταφράσεις τῶν βυζαντινῶν ἁγιολογικῶν κειμένων [Remarques sur les métaphrases des textes hagiographiques byzantins], tiré de Ἐπιστημονικὴ Ἐπετηρίδα Θεολογικῆς Σχολῆς Πανεπιστημίου Θεσσαλονίκης (Tμ. Ποιμ. καὶ Κοιν. Θεολογίας), n. s. 15 (2010), sous presse. P. 89-126: Ὁ τρόπος ἐργασίας τοῦ Νικοδήμου κατὰ τὴν συγγραφὴ τοῦ Συναξαριστοῦ καὶ οἱ πηγές του [Le modus operandi de S. Nicodème pour la composition du Synaxaire et ses sources], tiré des Πρακτικὰ τοῦ Β´ ἐπιστημονικοῦ συνεδρίου «Ἁγ. Νικοδημος ὁ Ἁγιορείτης – 200 χρόνια ἀπὸ τὴν κοίμησή του», Τhessalonique, 2011, p. 255-289. II. Histoire et critères de la sainteté à Byzance et à notre époque: P. 129-144: Ὁ ἰδεώδης αὐτοκράτορας. Ὁ Μέγας Κωνσταντῖνος στὴ μεσοβυζαντινὴ ἁγιολογικὴ γραμματεία καὶ πολιτικὴ ἰδεολογία [L’empereur idéal: Constantin le Grand dans la littérature méso-byzantine et l’idéologie politique], tiré de Niš and Byzantium. Symposium, V: 1700th Anniversary of the Proclamation of Constantine as Emperor, 306-2006 (Niš, 3-5 June 2006), ed. M. RADOCIJA (= Zbornik Radova, 5), Niš, 2007, p. 39-50. P. 145-186: Ἡ συνείδηση τῆς Ἐκκλησίας γιὰ τὴν ἁγιοτήτα τοῦ M. Φωτίου καὶ ἡ ἔνταξή του στὸ ἑορτολόγιο. Καταγραφὴ καὶ ἀνάλυση τῶν φιλοφωτιανῶν πηγῶν [La prise de conscience par l’Église de la sainteté de Photius et l’insertion de ce dernier dans le calendrier: description et analyse des sources en faveur de Photius], tiré de Μνήμη ἁγ. Γρηγορίου τοῦ Θεολόγου καὶ Μεγάλου Φωτίου ἀρχιεπ. Κωνσταντινοπόλεως. Πρακτικὰ ἐπιστημονικοῦ συμποσίου (14-17 ὀκτ. 1993), Thessalonique, 1994, p. 367-397. P. 189-219: Ὁ ἀνέκδοτος Λόγος του Νικήτα Στηθάτου Kατὰ ἁγιοκατηγόρων καὶ ἡ ἀμφισβήτηση τῆς ἁγιότητας στὸ Βυζάντιο κατὰ τὸν 11ον αἰ. [Le discours inédit de Nicétas Stéthatos contre des gens qui accusent les saints et le débat sur la sainteté à Byzance au XIe siècle], tiré de Οἱ Ἥρωες τῆς Ὀρθόδοξης Ἐκκλησίας: οἱ Νέοι Ἅγιοι, 8ος-16ος αἰ., ed. Ε. KOUDOURA-GALAKI (= ΕΙΕ/ΙΒΕ Διεθνῆ συμπόσια, 15), Αthènes, 2004, p. 493-518, avec une édition du texte à partir du ms. Athos, Iviron 388 (Lambros 4508), XVIe s., f. 535rv. P. 221-245: Διερεύνηση τῶν κριτηρίων ἁγιοτήτας τοῦ ὁσίου Νεοφύτου στὸ πλαίσιο τῆς ἁγιολογίας τῆς μεσοβυζαντινῆς περιόδου [Examen des critères de la sainteté de S. Néophyte dans le cadre de la production hagiographique de la période méso-byzantine], tiré des Πρακτικὰ Α´ διεθνοῦς συνεδρίου «Ἅγ. Νεόφυτος ὁ Ἔγκλειστος: ἱστορία – θεολογία – πολιτισμός (= Ἐγκλειστριώτικα Ἀνάλεκτα, 1), Paphos, 2010, p. 681-709.

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P. 246-268: Οἱ νέοι Ἅγιοι τῆς Ἐκκλησίας μας [Les néo-saints de l’Église orthodoxe], cf. Θεοδρομία, 3, p. 29-36; 5, p. 33-44. P. 269-281: Ὁ Π. Β. Πάσχος καὶ οἱ νέοι ἅγιοι τῆς Ἐκκλησίας [P. B. Paschos et les néo-saints de l’Église], tiré de Θεολογία καì Λογοτεχνία. Γιὰ τὰ Ἑβδομηντάχρονά του, Kριτικοί, Συνάδελφοι καὶ Mαθηταὶ τοῦ Π. B. Πάσχου σχολιάζουν τῇ συμβολῇ του στὰ Θεολογικὰ καὶ τὰ νεο-ελληνικὰ Γράμματα, Athènes, 2005, p. 228-237. III. Considérations héortologiques: P. 285-310: Οἱ ἑορτὲς τῶν ἁγίων [Les fêtes des saints], tiré des Πρακτικὰ Η´ πανελληνίου λειτουργικοῦ συμποσίου Στελεχῶν Ἱ. Μητροπόλεων: Τὸ χριστιανικὸν ἑορτολόγιον (Βόλος, 18-20 Σεπτ. 2006) (= Ποιμαντικὴ Βιβλιοθήκη, 15), Αthènes, 2007, p. 365-397. IV. En guise d’appendice: P. 313-333: Μία «χαμένη» βυζαντινὴ εἰκόνα ἀπὸ τὶς Σέρρες: ἐντοπισμὸς τῆς ἀνάγλυφης εἰκόνας τῆς Θεοτόκου Πονολυτρίας [Une icône byzantine «perdue» originaire de Serrès: localisation de l’icône sculptée de la Vierge Ponolytria], tiré de Βυζαντινά, 18 (1995-1996), p. 365-380. P. 335-350: From Hagiography to Historiography: The Case of the Vita Ignatii (BHG 817) by Nicetas the Paphlagonian, tiré de P. ODORICO – P. AGAPITOS, Les Vies de saints à Byzance: genre littéraire ou biographie historique ? Actes du IIe colloque international philologique «Ἑρμηνεία» (Paris, 6-8 juin 2002), Paris, 2004, p. 161-173. Le volume est entièrement téléchargeable à l’adresse . X. LEQUEUX

Edina BOZOKY. Miracle ! Récits merveilleux des martyrs et des saints. Paris, La Librairie Vuibert, 2013, 191 p. [ISBN 978-2-311-00257-7] L’objectif annoncé de ce petit livre, à l’élégante couverture, est d’offrir «un florilège des récits les plus étonnants sur les miracles des saints». L’A. ne nous en voudra pas de préciser qu’il s’adresse davantage au grand public cultivé qu’aux spécialistes en hagiographie. Rédigé avec clarté et, on s’en doute, riche en anecdotes pittoresques, il se laisse lire avec plaisir. Les miracles retenus sont empruntés le plus souvent à la littérature latine – mais aussi à quelques récits grecs et coptes – depuis la première littérature apocryphe jusqu’au XIIIe s. E. B. a choisi de structurer cette matière abondante, et assez redondante, en trois parties: les miracles opérés par les saints de leur vivant, ceux – bien plus fréquents – obtenus par l’entremise de leurs reliques et, entre ces deux catégories, les prodiges illustrant les connexions entre le monde des vivants et le Ciel (visions de l’Au-delà, interventions des saints dans la vie quotidienne après leur mort…). À l’intérieur de ces trois ensembles, elle s’est livrée à l’exercice, délicat, de ranger les miracles par motivations: convertir, maîtriser la nature, transcender la mort, glorifier, guérir, châtier… Toute la panoplie, ou presque, des prodiges s’y retrouve: céphalophorie, domestication d’animaux sauvages, élimination de dragons,

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phénomènes lumineux ou olfactifs liés aux corps saints, incorruptibilité de ceux-ci, effets vivifiants qu’ils ont sur la nature environnante, révérence des reliques par des animaux, châtiments de l’irrespect, sauvetages et libérations, «miracles utiles» (guérisons, aide dans les combats, extinction des incendies, atténuation des épidémies, règlement des conflits ou promotion de la paix, etc….). Relevons que, çà et là, cette catégorisation met en lumière des tendances significatives: ainsi, par ex., les épisodes miraculeux impliquant une transformation du paysage naturel (déplacement ou assèchement de lacs, remodelage de montagnes, création de forêts…) apparaissent comme une caractéristique de l’hagiographie irlandaise. L’index des saints compte 154 entrées, ce qui laisse deviner le spectre assez large des histoires et des univers entrevus. Les interminables et invraisemblables supplices subis par S. Georges, l’action de S. Frigdien qui, traçant un sillon à l’aide d’une bêche, détourne un fleuve impétueux, l’injonction lancée par Jean l’évangéliste aux punaises de quitter sa couche et de patienter devant la porte de sa chambre, la transformation par S. Patrick d’un de ses ennemis en renard, la frénésie avec laquelle on récolte la paille, aux vertus présumées, du lit dans lequel S. Martin avait dormi…: le but premier du livre est de relater les faits tels quels, à la façon d’historiettes, sans les interpréter, pour mieux en faire ressortir le caractère merveilleux. Quand elles sont données, les informations sur le contexte de rédaction se limitent souvent à l’essentiel. De même, les notes (regroupées en fin de volume) fournissent uniquement les références à l’édition ou à la traduction du texte. Les précédents bibliques de certains types de miracles sont parfois rapidement signalés. À côté d’œuvres emblématiques comme la Visio Pauli, les Apophthegmes des Pères, les miracles de Ste Thècle, l’extraordinaire navigatio S. Brendani, le Liber miraculorum S. Fidis ou la Legenda aurea, on rencontre quelques récits de miracles bien moins connus et pourtant très détaillés, comme celui du noyé extrait de la Charente par S. Eutrope de Saintes. Dans une très brève conclusion, E. B. s’interroge sur les ressorts de la croyance aux miracles, rappelant les doutes qui s’élevèrent à leur égard dès le Moyen Âge, le rôle fondamental de la foi dans leur perception, ainsi que les antécédents antiques – 80 «miracles» se lisent sur les stèles du sanctuaire d’Asclépios à Epidaure. E. B. soutient que «le destin légendaire des saints fondateurs du christianisme est comparable à celui des héros de la religion grecque antique, qui avaient acquis un statut particulier entre le divin et l’héroïque» (p. 162). Sans doute le fait d’avoir retenu les prodiges les plus spectaculaires, présentant les saints comme de puissants magiciens, a-t-il inspiré cette affirmation assez catégorique. Gardons cependant à l’esprit que tous les miracles ne furent pas aussi caricaturaux que ceux sélectionnés dans ce volume: bien d’autres furent plus subtils, plus spirituels ou, au contraire, banals et explicables. Mais soyons de bon compte: ce petit livre réussit à donner une première idée de la richesse et de l’extraordinaire variété du merveilleux au Moyen Âge. En outre, ce survol général et diachronique permet au lecteur attentif de réfléchir sur les constantes des miracles au fil des âges – on remarque notamment le grand nombre de typologies «miraculaires» déjà présentes chez Grégoire de Tours – et, inversement, sur certaines de leurs spécificités chronologiques et géographiques. Fr. DE VRIENDT

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Milone di Saint-Amand. Vita sancti Amandi metrica. Ed. critica e commento cur. Corinna BOTTIGLIERI (= Millennio Medievale, 65; Testi, 16). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2006, CXLVI-230 p. + 4 pl. [ISBN 88-8450-197-0] Jeune moine à Saint-Amand, Milon (post 810-ca 871 ou 872) composa vraisemblablement entre 845 et 855 une paraphrase métrique (BHL 333) de la Vita prima Amandi en prose (BHL 332), récit anonyme élaboré dans la seconde moitié du VIIIe s. Nous n’avons que trop tardé à présenter la belle édition de cette composition hagiographique, emblématique de la poésie carolingienne. La méticulosité déployée dans l’analyse du poème – plus de 1800 hexamètres, près de 2000 vers au total – et la clarté de l’exposé en font une indéniable réussite. Aboutissement peaufiné d’une thèse (1997), cette édition est précédée d’une solide introduction, structurée en deux grandes parties, l’une portant sur l’auteur, l’autre sur l’œuvre proprement dite. C. B. commence par rappeler le remarquable foyer de culture que fut l’abbaye royale de Saint-Amand au IXe s. (pas moins de 75 codices conservés en proviennent) et passe en revue les protagonistes que Milon croisa durant sa carrière: Haimin, son maître à Saint-Vaast d’Arras, Hucbald, son élève, Vulfhac, son camarade d’école devenu lui aussi moine à Saint-Amand, auteur des Versiculi, 15 distiques élégiaques ajoutés à la fin de la Vita metrica pour en célébrer la qualité. Cherchant à étoffer les minces données biographiques disponibles sur Milon, C. B. a tenté d’exploiter le moindre indice, qu’il émane de ce poème, son premier écrit, ou de ses œuvres ultérieures. Un exemple ? Nullus poeta acceptus est in patria sua: ce pastiche du verset biblique, qu’on lit dans la réponse d’Haimin en tête de la Vita metrica, ferait-il allusion à l’incompréhension rencontrée par le jeune moine ou doit-il être conçu comme un simple jeu de mots ? L’éditrice s’interroge également sur les rapports que Milon entretenait avec le roi Charles le Chauve. Si le poète adressa la première mouture de son œuvre à Haimin, il en dédia au roi la seconde «édition», augmentée de deux savants carmina figurata et des Versiculi. Sans doute le moine désirait-t-il se faire remarquer du souverain et attirer sur lui sa bienveillance. Mais fut-il cet arriviste que certains crurent déceler dans un passage de son De sobrietate ? C. B. nuance, estimant que les liens étaient à ce point étroits que Milon pouvait se permettre certaines libertés de langage. Fut-il le précepteur de deux des fils de Charles ? Elle reste prudente à propos de l’épitaphe tardive (XIIe s.) qui l’affirme. De même, elle considère plutôt avec scepticime le témoignage de la Translatio S. Cyrici de Gonthier de Saint-Amand († 1107) faisant d’Hucbald le neveu de Milon, et son concurrent à Elnone. L’analyse de l’œuvre, très complète, nous est souvent apparue brillante. Les comparaisons que C. B. opère dans la littérature carolingienne – sur les carmina, les paraphrases métriques de Vies de saints, etc. – confèrent à son travail des accents de synthèse. Sur le dossier propre de l’évangélisateur mérovingien, l’expertise permet l’une ou l’autre avancée: ainsi le fait que Milon connaissait probablement la Vita antiqua Amandi, ce récit antérieur à la Vita dite prima dont un fragment fut identifié en 1976. S’il ne s’en inspira pas dans l’élaboration de sa Vita metrica, des analogies repérées dans la Suppletio (BHL 339-343) qu’il composa après 855 pour

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étayer la documentation disponible sur Amand, le suggèrent. C. B. décortique les procédés formels adoptés par Milon en vue de mettre au point son long poème, clairement destiné aux moines: le plus souvent fidèle à la trame narrative de son modèle (BHL 332), il intervient néanmoins, intégrant commentaires et interprétations qui aspirent à transcender le cadre ponctuel de la vie d’Amand pour atteindre une portée universelle. Les innovations introduites par Milon sont méthodiquement répertoriées (p. LIX-LXVII): retenons par ex. la division du poème en quatre parties, reflétant les quatre phases de la vie du saint et adossées explicitement aux quatre évangiles, ou le motif allégué – la fête du saint – pour entreprendre la rédaction de l’œuvre. Milon conçoit réellement cette dernière comme un hommage, un cadeau offert à Amand. Sur ses motivations profondes, C. B. signe ici aussi plusieurs pages inspirées: la transposition métrique ne vise pas à populariser les faits et vertus du saint dans une perspective didactique, elle ne cherche pas à améliorer le texte existant mais seulement à l’embellir. Milon entend susciter chez le lecteur «un approfondissement interprétatif et méditatif» (p. LXXVI), un effort de réflexion que le texte en prose, à la compréhension immédiate et facile, n’impose pas, contrairement aux vers ciselés avec art. Le vocabulaire, et ses néologismes, le style, les figures rhétoriques et l’orthographe font eux aussi l’objet d’une expertise approfondie. De celle-ci affleurent des paradoxes parfois cocasses: pétri du latin tardo-antique de la première poésie chrétienne et des Pères, Milon emprunte dans le même temps quantité de tournures à Virgile, tout en raillant les poètes «virgiliens», assimilés à … un concert de cygnes ! Grosso modo, les procédés métriques de Milon ne s’affranchissent guère des habitudes classiques, mais paraissent occuper une place médiane entre les usages virgiliens et ovidiens de l’hexamètre, sans avoir la nouveauté d’un Heiric d’Auxerre auquel il servit de modèle. Les manuscrits sur lesquels la présente édition se fonde sont les mêmes que ceux utilisés en 1896 par L. Traube dans les Monumenta Germaniae Historica. Les prospections de C. B. n’ont guère permis d’enrichir la tradition manuscrite mais soulèvent d’intéressantes questions sur la diffusion de ce genre de textes à la haute technicité. Seuls quatre codices anciens renferment la Vita metrica, dont trois dans son intégralité. Les leçons variantes sont assez rares et les erreurs peu significatives, offrant une tradition textuelle homogène, se prêtant mal à l’établissement d’un stemma. C. B. se démarque cependant de Traube dans le choix des témoins à privilégier. Alors que le savant allemand estimait que A [Valenciennes, BM, 414; fin IXe] constituait la première édition, envoyée à Haimin, et K [Copenhague, KB, Thott 520 4°; 3e quart du IXe s.], celle offerte à Charles le Chauve, C. B. démontre que le manuscrit fragmentaire de Copenhague doit absolument être privilégié – il fut peut-être même écrit sous la supervision de Milon ! – pour le texte qu’il transmet, et que V [le luxueux Valenciennes, BM 502; fin du XIe] est à préférer à A, incomplet et imparfait. Un commentaire très riche – plus de cent pages (p. 89-191) –, à dominante philologique, est donné à la suite de l’édition. Sous celle-ci, le texte correspondant de la Vita prima Amandi anonyme a été reproduit en petits caractères, permettant de mieux juger son traitement métrique par Milon (les mots communs sont soulignés). Une bibliographie (p. 195-209) et cinq index (p. 211-230) complètent cette réalisation magistrale. Fr. DE VRIENDT

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Svatý Václav. Na památku 1100. výročí narození knížete Václava Svatého. Saint Wenceslas. On the 1100th Anniversary of the Birth of Duke Wenceslas the Saint. Ed. Petr KUBÍN (= Opera Facultatis theologiae catholicae Universitatis Carolinae Pragensis. Historia et historia artium, 11). Praha, Univerzita Karlova, Katolická teologická fakulta – Togga, 2010, 450 p., ill. [ISBN 978-80-87258-23-1] Les actes de cet important colloque organisé en novembre 2008 par la Faculté de théologie catholique de l’Université Charles en collaboration avec l’archidiocèse de Prague comprennent vingt-cinq contributions en langue tchèque, toutes accompagnées d’un résumé en allemand ou en anglais. Sur la figure historique de S. Wenceslas, on lira d’abord l’introduction de l’éditeur de l’ouvrage, P. KUBÍN, Who was Saint Wenceslas or an Introduction to the New «Saint Wenceslas’ Memorial Volume» (p. 23-30), publié également en tchèque (15-22); ensuite les articles suivants: P. SOMMER, České křesťanství doby knížete Václava [Das böhmische Christentum der Zeit von Fürst Wenzel] (65-79); J. SLÁMA, Kníže svatý Václav [Der Fürst Heilige Wenzel] (31-50); P. CHARVÁT, Svatý Václav a raný český stát [Saint Wenceslas and the Early State of Bohemia] (81-88); Th. PETRÁČEK, Svatý kníže Václav a sociální problémy jeho doby [Saint Wenceslas and the Social Problems of his Times] (89-102); Zd. PETRÁŇ, Mince přisuzované knížeti Václavovi [The Coins Considered to be Denarii of Duke Wenceslas] (103-129). Un seul article est consacré explicitement à l’hagiographie: J. KALIVODA, Nejstarší svatováclavská hagiografie v evropském literárním kontextu přelomu tisíciletí [The Oldest Saint Wenceslas’ Hagiography in European Literary Context on the Turn of the Millennium] (51-64). Sur la tombe de S. Wenceslas, on lira: J. FROLÍK, Rotunda sv. Víta na Pražském hradě ve světle nových poznatků [Die Sankt Veitsrotunde auf der Prager Burg im Lichte neuer Erkenntnisse] (131-147); M. BRAVERMANOVÁ, Osudy hrobu svatého Václava [Die Schicksäle des Sankt Wenzelsgrabes] (149-166); I. BOHÁČOVÁ, Stará Boleslav a odraz duchovní kultury v archeologických pramenech [Stará Boleslav and Reflection of Spiritual Culture in Archaeological Evidence] (167-192). La majorité des contributions s’intéressent au culte du saint: J. ČIHÁKOVÁ, Legendami zmíněný kostel svatého Václava na Malé Straně [Die von Legenden erwähnte Sankt Wenzelskirche an der Kleinseite] (193-209); J. ŽEMLIČKA, Svatý Václav jako věčný kníže «Čechů» [Der heilige Wenzel als ewiger Fürst der «Tschechen»] (211-220); J. KUTHAN, K šíření kultu svatého Václava za hranice Čech a Moravy v době Přemyslovců a Lucemburků [Die Verbreitung des Sankt Wenzelskultes über die Grenzen Böhmens und Mährens zur Zeit der Přemysliden und der Luxemburger]; Zd. HLEDÍKOVÁ, Postava svatého Václava ve 14. a 15. století [Die Gestalt des heiligen Wenzels im 14. und 15. Jahrhundert] (239-252); K. OTAVSKÝ, Svatováclavská koruna a její funkce [Die Sankt Wenzelskrone und ihre Funktion] (253-266); Fr. ŠMAHEL, Úcta k svatému Václavu v husitských Čechách [Die Verehrung des heiligen Wenzels im hussitischen Böhmen] (281-299); J. MIKULEC, Kult svatého Václava a barokní náboženská bratrstva v Čechách [The Saint Wenceslas Cult and the Baroque Religious Confraternities in the Bohemian Lands] (363-

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376); R. LUNGA – V. PETRBOK, Barokní kult svatého knížete Václava v českoněmeckých literárních souvislostech [Der Kult des heiligen Fürsten Wenzel in der Barockzeit in den deutsch-tschechischen literarischen Zusammenhängen] (377-400). L’iconographie fait l’objet de plusieurs articles: J. HOMOLKA, Socha svatého Václava ve Svatováclavské kapli [Die Sankt Wenzelsstatue in der Sankt Wenzelskapelle] (267-279); J. ROYT, Ikonografie svatého Václava ve středověku [Die Ikonographie des heiligen Wenzels im Mittelalter] (301-327); A. MUDRA, Královské atributy ve středověké ikonografii svatého Václava [Königliche Attribute in der mittelalterlichen Sankt Wenzelsikonographie] (329-344); M. OTTOVÁ, Zobrazení svatého Václava za vlády Jagellonců v českých zemích [Darstellungen des heiligen Wenzels in den böhmischen Ländern zur Zeit der Jagiellonen] (345-362). Enfin trois contributions concernent l’histoire récente: V. BABIČKA, Josefa Kalouska «Obrana knížete Václava svatého proti smyšlenkám a křivým úsudkům o jeho povaze» z roku 1872 [Josef Kalouseks «Verteidigung des heiligen Fürsten Wenzel gegen Erfindungen und falschen Beurteilungen seines Charakters» aus dem Jahre 1872]; V. VELEK, Svatováclavská hudební tradice za první světové války [Die musikalische Sankt Wenzelstradition während des Ersten Weltkrieges] (413-428); J. ŠEBEK, Svatováclavská tradice za první republiky a během nacistické okupace [Die Sankt Wenzelstradition in der Ersten Republik und während der nazistischen Okupation]. L’ouvrage comporte un bon nombre de cartes et d’illustrations. Si chaque article est suivi d’une abondante bibliographie, le volume est dépourvu d’index. R. GODDING

Petr KUBÍN. Sedm přemyslovských kultů. Seven Přemyslid Cults (= Opera Facultatis theologiae catholicae Universitatis Carolinae Pragensis. Historia et historia artium, 12). Praha, Univerzita Karlova, Katolická teologická fakulta – Togga, 2011, 369 p., ill. [ISBN 978-80-87258-19-4] Cet ouvrage comprend deux parties. Dans la première (p. 11-78), qui constitue en fait une longue introduction générale, l’A. nous livre un aperçu du culte des saints et de la procédure de canonisation à travers l’histoire, en développant particulièrement ce qui concerne la période médiévale. La seconde partie correspond plus directement au titre annoncé. L’A. y explore les origines du culte et la canonisation des saints de la dynastie des Premyslides qui régna sur la Bohême du IXe s. jusqu’à 1306. Cet étonnant cas de sainteté dynastique ne concerne pas moins de sept personnages, bien que ceux-ci ne furent jamais identifiés comme un groupe homogène: la duchesse Ludmilla († 921), le duc Wenceslas († 935), la princesse Mlada († après 983), l’évêque Adalbert († 997), l’ermite Gunther († 1045), l’abbé Procope († 1053) et l’abbesse Agnès († 1282). Tous n’eurent pas le même rayonnement, tant s’en faut. Le culte du duc S. Wenceslas est le plus important et sans doute aussi le plus ancien. Sa réputation de sainteté se serait développée peu après le transfert de ses restes de Stará Boleslav à Prague (v. 950). Des miracles lui furent bientôt attribués. Son culte proprement dit commença sans doute peu après 976, année de la consé-

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cration du premier évêque de Prague, Thietmar. Contrairement à la première légende en vieux slave, la légende latine BHL 8823 le décrit comme saint. – Le cas de la duchesse Ludmilla est assez similaire. Son culte a probablement pris naissance en même temps que celui de Wenceslas mais en gardant une dimension plus locale, limitée à la communauté des chanoinesses du château de Prague. Ce n’est qu’à la faveur de la légende composée par le ps.-Christian (BHL 5028) qu’il s’étendit à tout le diocèse de Prague. – Quand à Mlada, la première abbesse de cette communauté, à qui l’on doit la promotion du culte de Ludmilla, elle fut également vénérée pour un temps à l’intérieur de la communauté. – L’évêque Adalbert vit sa réputation, un moment ternie du fait de son abandon du diocèse, restaurée par son martyre, et son culte fut aussitôt diffusé par Otton III dans tout l’Empire. Quarante ans après qu’il eut été envoyé en exil, il fut enseveli solennellement aux côtés de S. Wenceslas dans la cathédrale de Prague et devint le second patron du pays. – Gunther et Procope, deux ermites bénédictins, auraient vu l’un et l’autre le duc, guidé par un cerf, parvenir à leur ermitage. Gunther fut le parrain de Bretislav Ier, Procope le père spirituel du duc Ulrich. Mort en odeur de sainteté, Gunther fut enterré à l’abbaye de Břevnov, où il fut pieusement vénéré. Au milieu du XIIIe s., une tentative de canonisation romaine échoua. Procope, dont la vie nous est beaucoup moins connue, vit son culte démarrer un siècle après celui de Gunther. Les moines de Sázava créèrent de toutes pièces un faux rapport à propos d’une prétendue canonisation papale de Procope en 1204, que personne ne mit en question jusqu’aux années 1990 ! – Quant à Agnès, fille d’Ottokar Ier de Bohême, elle se fit clarisse. La requête d’une canonisation fut rejetée par Jean XXII et n’aboutit qu’en 1989 sous Jean-Paul II ! – Le volume se conclut par une riche bibliographie, un sommaire en anglais, ainsi qu’un index des noms de personnes et de lieux. R. GODDING

Expériences religieuses et chemins de perfection dans l’Occident médiéval. Études offertes à André Vauchez par ses élèves. Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres [diffusion de Boccard], 2012, 508 p., ill. [ISBN 978-2-87754-279-1] Les études hagiographiques ont une dette immense envers André Vauchez. De La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques (1981) à François d’Assise. Entre histoire et mémoire (2009), autant d’études qui ont renouvelé notre conception de la sainteté médiévale, particulièrement en Italie ! La bibliographie qui complète le présent volume (p. 461-484) atteste, si besoin était, la richesse et la qualité de cette recherche au cours d’un demi-siècle (1963-2012). Après ses collègues de Padoue (cf. AB, 127 [2009], p. 170-171), ses anciens élèves à Paris ont voulu l’honorer par un colloque, tenu dans la capitale française du 30 novembre au 2 décembre 2009. En voici les actes, divisés en cinq sections, correspondant aux thèmes majeurs développés par A. V. On ne s’étonnera pas que la première section s’intitule «Histoire de la sainteté et hagiographie». En voici le contenu: J. DELUMEAU, L’Agneau mystique de Gand:

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une Toussaint (13-21). – S. BARNAY, Les images bibliques du langage hagiographique. Relire l’histoire de la sainteté: l’exemple de saint Benoît (23-31). – C. PEROL, À la recherche de sainte Marthe, l’hôtesse du Christ: lecture de neuf légendes «florentines» des XIVe et XVe siècles (33-54). – D. RUSSO, Corps saints et iconographie dans les milieux dominicains de l’église Sainte-Marie-Nouvelle à Florence (XIIIe et XIVe siècles) (55-79): s’attache surtout au fameux ensemble de fresques d’Andrea da Firenze. – D. RIGAUX, Fragments d’histoire: un nouveau cycle de saint Antoine abbé, en Piémont (81-103): à propos de fresques récemment découvertes dans l’église Saint-Antoine d’Arola. – V. SOUCHE-HAZEBROUCK, Terra beata Brabancia. Genèse du concept dans la littérature historiographique et hagiographique brabançonne. Bilan et perspectives (105-118). Intitulée «L’espace et le sacré. Sanctuaires et pèlerinages», la deuxième section fait écho au grand projet de recherches mis en œuvre par A. V. au cours de son mandat comme directeur de l’École française de Rome. Elle comprend les articles suivants: U. LONGO, Dimensione locale e aspirazioni universali a Roma nel XII secolo: San Giovanni in Laterano come santuario e l’eredità dell’antica alleanza (121-137). – Ch. MERCURI, La dévotion à Rome: des martyrs aux saints (139-149). – C. VINCENT, Le pèlerinage de saint Dominique au couvent des Frères Prêcheurs de Rouen (XIIIe siècle): enjeux et aléas d’un sanctuaire urbain (151-172). La troisième section, «Dissidence, prophétie et pouvoirs surnaturels», nous rappelle qu’A. V. a consacré une série d’études au prophétisme. Plusieurs de ses élèves l’ont suivi sur cette piste: R. BERNDT, Le Contra haereticos de l’archevêque Hugues de Rouen († 1164): les dissidents normands (175-188). – D. SANSY, Peine et pénitence: les croix des hérétiques convertis dans le Midi de la France (XIIIee XIV siècles) (189-202). – A. RELTGEN-TALLON, «Par le fer et par le feu»: critiques et apologies de la violence antihérétique dans l’Occident du XIIIe siècle (203-216). – N. WEILL-PAROT, Réalité ou vacuité du mal ? Vaines superstitions, magie et démons au crible de la théologie et de la philosophie naturelle (XIIIe-XIVe siècle) (217232). – C. CABY, La pessima et periculosa lingua de l’augustin Adam de Montaldo: étude d’un recueil de prédictions dans l’Italie de la fin du XVe siècle (233-254). La quatrième section a pour titre «Les Ordres mendiants»: M. CUSATO, «The Gospel» according to Francis of Assisi (257-276). – D. RUIZ, Es tu infatuatus sicut alii qui istam doctrinam secuntur ? La nature du joachimisme du franciscain Hugues de Digne (ca. 1200-ca. 1255) (277-292). – I. HEULLANT-DONAT, In ongni luogo il sangue loro è sparso… Pauvreté, martyre et identité franciscaine au XIVe siècle (293-309). – J.-M. MATZ, Couvents mendiants et polycentrisme religieux dans les cités épiscopales de la province ecclésiastique de Tours (XIIIe-début du XVIe siècle): état de la question (311-333). La cinquième section, «Spiritualité, pratiques religieuses et engagements temporels» se réfère à un autre centre d’intérêt cultivé par A. V., à commencer par La spiritualité du Moyen Âge occidental, VIIIe-XIIe s. (1975): R. GUEMARA, La demande de la sagesse adressée à Dieu de la part du spirituel (337-354). – A. CHARANSONNET, Les grands laïcs lèguent-ils leur spiritualité à leurs enfants ? Le cas des Montfort au XIIIe siècle (355-374). – S. COUSSEMACKER, «La femme est un mal que l’homme ne peut éviter», ou peut-on sauver son âme à la Cour ?, à la

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lecture des traités didactiques castillans du XIIe au XIVe siècle (375-390). – M. LAMY, Pierre Poquet, un maître spirituel chez les Célestins, à la fin du XIVe siècle (391-408). – F. MASÈ, Franceschina Brati, femme indépendante et sa relation privilégiée avec le monastère de San Giorgio Maggiore de Venise (XVe siècle) (409423). – R. LE BOURGEOIS-VIRON, Les laïcs et le culte paroissial à la fin du Moyen Âge. L’exemple de Saint-Étienne de Beauvais durant la seconde moitié du XVe siècle (425-440). Le volume se conclut par un épilogue dû à D. RUSSO, André Vauchez, lecteur d’Alphonse Dupront (1905-1990) (443-454) et une Conclusion de N. BÉRIOU (455460), ainsi que par deux index (lieux et personnes) et une Tabula gratulatoria. R. GODDING

Paganism in the Middle Ages. Threat and Fascination. Ed. Carlos STEEL – John MARENBON – Werner VERBEKE (= Mediaevalia Lovaniensia. Studia, 43). Leuven, University Press, 2012, XIV-250 p., ISBN 978-90-5867-933-8. Face à l’Antiquité, les lettrés médiévaux oscillèrent entre fascination et rejet. À une admiration compréhensible, induite par le degré de raffinement des vestiges – monumentaux, littéraires, scientifiques, philosophiques – qu’ils rencontraient, répondait une méfiance viscérale à l’égard d’une société ayant prospéré dans l’ignorance de la Vérité, adonnée à la vénération d’idoles. Onze communications, issues de deux journées d’étude organisées en 2007 à Louvain et Cambridge, ont voulu approfondir ce dilemme et explorer diverses facettes des survivances païennes au Moyen Âge. Les éditeurs auraient dû préciser, nous semble-t-il, que plusieurs exposés faits à cette occasion n’ont pas été intégrés au volume. À une exception près, consacrée à l’Islam (A. AKASOY), l’approche concerne l’Occident chrétien. La matière envisagée est vaste et la notion de «paganisme» assurément polysémique, ce qui donne à l’ensemble un caractère hétéroclite. Des contributions s’attachent à des personnalités subjuguées par l’Antiquité classique (le dominicain Dirc van Delf [R. LIEVENS], l’humaniste Callimaco Esperiente [S. PITTALUGA]) ou à une œuvre trahissant la permanence des anciennes croyances (le Liber contra insulam vulgi opinionem de grandine et tonitruis d’Agobard de Lyon [R. MEENS]); d’autres illustrent les efforts menés par certains théologiens médiévaux pour concilier sagesses antique et chrétienne, notamment en tentant d’affranchir la philosophie platonicienne des traditions païennes (C. STEEL). L’hagiographie apporte son écot à l’analyse de ces problématiques très diverses: elle se trouve au centre de deux études et affleure dans plusieurs autres. Dans Martyrs, Relics and Holy Places: the Christianization of the Countryside in the Archdiocese of Rheims during the Merovingian Period (109-138), Br. MEIJNS entend montrer que la genèse chrétienne du nord de la Gaule fut plus diversifiée que ne le suggère la célèbre thèse de Lemarignier, opposant une «Gaule conciliaire», au sud de la Seine, où les évêques furent les acteurs majeurs de l’évangélisation, à la «Gaule monastique», caractérisée par le rôle des abbayes dans ce

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processus. À ses yeux, les Passions du cycle de Rictiovare permettent en effet de penser que, dès la seconde moitié du VIe s., des basiliques avaient été édifiées sur la tombe de martyrs à Sains-en-Amienois (Victoric et Fuscien), Bazoches-sur-Vesle (Valère et Rufin), Saint-Quentin (Quentin), Soissons (Crépin et Crépinien) et, au e VII s., à Fismes (Macra), Beauvais (Lucien), Saint-Just-en-Chaussée (Juste), que les évêques furent mêlés au développement de ces sanctuaires, et que ceux-ci jouèrent un rôle primordial dans la christianisation des campagnes environnantes. Un autre exemple d’initiative épiscopale dans ce domaine nous est fourni par la Vita de S. Éloi (BHL 2474-76), responsable de plusieurs inventiones marquantes. L’A. discute de leur nature véritable, estimant que seule l’exhumation des reliques de S. Piat à Seclin correspondit stricto sensu à l’inventio d’un martyr oublié, les autres événements étant plutôt à concevoir comme des entreprises de valorisation de cultes déjà en vigueur, à travers l’aménagement de tombeaux plus somptueux. La littérature hagiographique perpétua certains thèmes de l’imaginaire antique, tel celui de la régénérescence de la nature par le sang de victimes innocentes. E. BOZOKY, Paganisme et culte des reliques: le topos du sang vivifiant la végétation (139-156) s’attache à illustrer cette continuité à partir d’une bonne vingtaine d’exemples tirés de l’hagiographie latine du IVe au XIVe (Martin, Oswald, Evermar, Coloman, etc…). Plus d’une fois le sang d’un martyr, ou ses reliques, agissent sur la fertilité de son environnement naturel: sur sa tombe ou au contact de ses ossements, de beaux arbres poussent ou reverdissent, des fleurs odorantes éclosent, des sources jaillissent… Durant l’Antiquité, les cultes à mystères, et certaines œuvres littéraires, à commencer par les Métamorphoses d’Ovide, contiennent des motifs assez similaires, qui laissent peu de doute sur ce type de filiation. Parmi les autres contributions, relevons celle de M.-A. WAGNER, Le cheval dans les croyances germaniques entre paganisme et christianisme (85-108), qui se demande dans quelle mesure cet «animal sacré» de la mythologie nordique, conducteur des morts, conserva son aura dans la société christianisée. Si des ruptures sont identifiables, la place du cheval dans les processions médiévales et son rôle dans quelques Vies de saints (celle de S. Gall par ex.) constituent peut-être des réminiscences de son ancienne sacralité. Dans The Spooky Heritage of Ancient Paganisms (1-17), L. MILIS recense diverses perpétuations des anciennes croyances au Moyen Âge (amulettes, devins, potions, rites…), parfois éclairées par l’hagiographie (ex. Vie de Ste Godelieve), et cherche à cerner le legs du paganisme à la société médiévale et au christianisme. À ses yeux, le système de croyances païen se désagrégea face à l’avènement d’une religion plus élaborée, mais des éléments de celui-ci subsistèrent pour combler les secteurs de la vie quotidienne ou les attentes des individus que le christianisme délaissait. La figuration de Dieu, sous forme de statues ou dans les peintures, formerait l’un des héritages majeurs légués par le paganisme au christianisme. Comment expliquer les vertus évidentes qu’on lisait sous la plume d’auteurs antiques, et si ceux-ci étaient justes, pouvaient-ils espérer être sauvés ? La question dut tarauder plus d’un clerc médiéval. Pour étudier cette problématique, A. MARENBON, A Problem of Paganism, considère l’exemple atypique de l’empereur Trajan qui, dans plusieurs œuvres (entre autres la Legenda aurea), fut jugé digne d’accéder

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au Paradis. H. ANZULEWICZ, analyse quant à lui les conceptions positives d’Albertus Magnus über die philosophi theologizantes und die natürlichen Voraussetzungen postmortaler Glückseligkeit: Versuch einer Bestandsaufname. Pour le grand théologien dominicain, les trois rois mages incarnaient particulièrement bien la convergence possible entre la sagesse et la science antiques et le christianisme. À n’en pas douter, ce recueil, par ailleurs doté d’un index, ouvre des perspectives instructives sur la religion de l’époque médiévale. Fr. DE VRIENDT

Iacobus de Vitriaco. Vita Marie de Oegnies. Thomas Cantipratensis. Supplementum. Cura et studio Robert B. C. HUYGENS (= Corpus Christianorum. Continuatio Mediaeualis, 252). Turnhout, Brepols, 2012, 241 p. [ISBN 978-2-503-54211-9] Iacobi de Vitriaco sermones vulgares vel ad status. Prologus, I-XXXVI. Cura et studio Jean LONGÈRE (= Corpus Christianorum. Continuatio Mediaeualis, 255). Turnhout, Brepols, 2013, CXIV-791 p. [ISBN 9782-503-54532-5] 1. La Vita de Marie d’Oignies (BHL 5516), écrite peu après sa mort (23 juin 1213) par Jacques de Vitry, constitue l’un des textes hagiographiques les plus étonnants du XIIIe s., tant par son contenu, riche en visions et en ascèses, que par la proximité spirituelle qui unit la bienheureuse à son talentueux hagiographe. Ammiremur potius quam imitemur (lib. I, 2): l’avertissement de Jacques exprime toute la radicalité de l’expérience religieuse vécue par «la perle précieuse du Christ». Une quinzaine d’années plus tard, Thomas de Cantimpré y ajoute un Supplementum (BHL 5517), consignant notamment plusieurs miracles opérés par Marie, peut-être en vue de susciter une enquête de canonisation, qui ne viendra cependant jamais. Souvent exploités et plusieurs fois traduits, ces récits – fondamentaux sur le mysticisme et les débuts du mouvement béguinal – étaient jusqu’alors disponibles grâce à l’édition des Bollandistes (1707), celle de Surius ayant été négligée par les érudits. Or, comme le montre R. H., le texte donné par Papebroch est incontestablement défectueux, des leçons et des parties entières de phrases ayant été omises «à plusieurs centaines d’endroits». C’est dire si la nouvelle édition, établie avec un grand soin, s’imposera désormais comme l’unique référence possible, et que les traductions existantes devront être renouvelées. L’éditeur signale à ce propos qu’une traduction des textes, entreprise par I. Geyer, devrait voir le jour «in naher Zukunft» (p. 10). On reste admiratif devant l’impressionnant travail fourni pour repérer et collationner les exemplaires des deux textes. L’introduction, en allemand (p. 7-40), est principalement consacrée à présenter cette tradition manuscrite, ainsi que les aspects philologiques et orthographiques inhérents à celle-ci. Dans le cas de la Vita, R. H. a utilisé seize manuscrits du XIIIe s. (dont le plus ancien, copié dans la première moitié du siècle, provenant d’Himmerod, aujourd’hui à Baltimore), cinq du e e e XV et, à titre d’appoint, neuf autres des XIV et XV s. Son édition repose avant tout sur cinq témoins (Baltimore, Walters Art Museum, W 71; Liège, Bibl. de

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l’Université, 260; Vienne, ÖNB, 488; Bruxelles, KBR, 8629-39; Grand Séminaire de Malines, ms. 20, aujourd’hui à Louvain, Bibl. de l’Université). Dans certains manuscrits tardifs, le récit est clairement désigné comme un extrait du Speculum historiale de Vincent de Beauvais, auquel il fut incorporé. L’origine des manuscrits atteste sans surprise une prédominance des établissements cisterciens et des chanoines réguliers, mais il est intéressant de noter que dès le XIIIe s. la Vita fut aussi copiée en milieu bénédictin, chartreux ou prémontré. Constat étonnant: aucun des nombreux manuscrits conservés n’apparaît être la copie d’un autre, ce qui fait dire à R. H. que la diffusion originelle de la Vita fut très importante. La tradition manuscrite du Supplementum est quant à elle beaucoup plus réduite: cinq exemplaires du XVe s. transmettent un texte imparfait, parfois difficile à interpréter et à éditer. Conformément aux usages de la collection, on ne trouvera guère de commentaires historiques sur le contenu du texte. De la lecture de l’introduction, retenons enfin que l’éditeur ne remet pas en cause les datations habituelles de ces deux récits: à ses yeux, la Vita fut composée entre le milieu de 1213 et la fin de 1215, et le Supplementum vers 1230/1231. En annexe, R. H. a choisi de republier un petit texte sur Jacques de Vitry, copié au XVe s. dans un manuscrit de Rouge-Cloître (Vienne, ÖNB, s. n. 12831), mais manifestement tombé dans l’oubli, malgré son édition dans les AASS (appendice I). On trouvera également (appendice II) une nouvelle édition de l’Historia fundationis, narration brève mais essentielle sur la création du prieuré d’Oignies (Belgique, prov. de Hainaut), qui recèle quelques informations importantes sur Jacques, Marie et la vénération dont celle-ci fit l’objet peu après sa mort. Précédant un utile «Namen- und Sachregister», l’index scripturaire (10 pages) illustre le foisonnement des citations et allusions bibliques chez Jacques de Vitry et Thomas de Cantimpré. À propos du ms. conservé à Pommersfelden, utilisé par R. B. (p. 17), signalons que l’énigmatique Vita Sofiae qui s’y trouve a désormais été éditée et que la religieuse de ce nom ne peut plus être identifiée à une abbesse du couvent de Hoven: Fr. SCHNOOR, Die Vita venerabilis sororis Sophye der Pommersfeldener Handschrift 30 (2754). Kritische Edition und Kommentar, in AB, 125 (2007), p. 356-414.

2. Fruit de deux décennies de travail, l’édition de la moitié des Sermones ad status (prologue et serm. 1-36) est précédée par une introduction, en français, offrant une présentation commode et à jour (sauf dans le cas de la Vita Mariae de Oegnies) sur la vie et l’œuvre littéraire de Jacques de Vitry (ca 1165-1240). Excellent connaisseur du prélat, J. L. avance des données biographiques divergeant parfois de l’opinion courante: il accorde ainsi davantage de crédit au témoignage de Vincent de Beauvais, suivant lequel Jacques était déjà prêtre en arrivant à Oignies vers 1208, qu’à celui de Thomas de Cantimpré qui attribue à Marie un rôle décisif dans l’obtention du sacerdoce. Jacques a beaucoup prêché en France, dans le pays de Liège et en Terre Sainte. Si, dès 1211, il s’engage pour promouvoir la croisade contre les Albigeois, c’est durant les années 1226-1229, alors qu’il remplit les fonctions d’auxiliaire de l’évêque de Liège, que son activité de prédication semble avoir été la plus intense. Selon Humbert de Romans, sa parole «remua la France comme jamais, de mémoire d’homme, aucun prédicateur ne l’avait fait». Jauger l’impact réel de ses succès oratoires reste très aléatoire mais, d’après J. L., ce sont vraisem-

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blablement ceux-ci qui valurent à Jacques d’être élu évêque de Saint-Jean d’Acre (1216). En plus de la Vie de Marie d’Oignies, de sept lettres et de sa célèbre Historia Hierosolomita abbreviata (l’Historia orientalis, qui en forme la première partie, est conservée dans 124 manuscrits), nous gardons de Jacques 410 sermons. Tous ont été élaborés et relus par leur auteur, dans le but délibéré de les publier, après son retour de Terre Sainte (1226), durant son second séjour en pays liégeois et, surtout, lors de sa fin de carrière à la curie romaine. Ces sermons ne sont pourtant que «l’écho fort partiel de ceux, beaucoup plus nombreux, qu’il a prononcés devant divers auditoires» (p. XXIV). Un seul exemple suffit pour s’en convaincre: nous ne possédons aucun sermon en relation avec l’hérésie cathare qui, on le sait, mobilisa les énergies de Jacques. Loin de se limiter aux seuls Sermones ad status qu’il édite, J. L. présente l’ensemble de l’œuvre oratoire du prédicateur, que celui-ci avait luimême structurée en plusieurs parties, et leur tradition manuscrite: les Sermones de tempore (193), les Sermones de sanctis (au nombre de 105, et non de 144 comme le soutenait jadis Schneyer), les 26 Sermones feriales uel communes, à la diffusion modeste et, enfin, les Sermones vulgares uel ad status. Bien qu’ils apparaissent au sein de manuscrits italiens, français, allemands ou bohémiens, c’est avant tout dans les diocèses de Liège et de Namur que ces sermons connurent une diffusion importante. Pour chacune des œuvres de Jacques, on trouvera une bibliographie très complète (p. LXXXI-CXIV). Les Sermones vulgares uel ad status, constitués de 75 entités, ont été conçus par Jacques «selon la diversité des hommes et des fonctions». Ils visent ainsi des catégories très précises d’auditeurs: prélats et prêtres, chanoines, moines et moniales, scolares, théologiens et prédicateurs, ermites et reclus, frères mineurs, juges, chevaliers, croisés, femmes mariées… (ces trois derniers groupes de laïcs ne sont pas concernés par les sermons édités dans le présent volume). Ils regorgent d’exempla et d’anecdotes à portée morale. Avec notamment 11 témoins complets, ce recueil apparaît comme la collection de sermons la plus répandue de Jacques de Vitry. Pour en établir le texte, J. L. a utilisé dix manuscrits, appartenant à quatre familles distinctes, privilégiant, en raison de son ancienneté et de sa qualité, le codex de Trente, BC 1670 (milieu du XIIIe s.). Un rapide survol de l’Index fontium montre la variété des sources d’inspiration de notre prédicateur et son impressionnante culture, théologique et littéraire. Une centaine d’auteurs identifiés y figurent. À côté de Grégoire le Grand et Jérôme, très présents, on repère par ex. des emprunts au Décret de Gratien, à Pierre le Chantre, à divers textes conciliaires, aux sermons de S. Bernard et de S. Antoine de Padoue, ainsi qu’à plusieurs auteurs antiques (Cicéron, Horace, Ovide et surtout Sénèque). Sans surprise, les récits hagiographiques n’entrent que très rarement en ligne de compte: de rares extraits proviennent de la Vita S. Antonii dans la traduction d’Évagre, de celle d’Augustin par Possidius, de la Vita Barlaam et Iosaphat, et, plus étonnamment, de la Passion de Ste Dorothée. Quelques coquilles, parfois flagrantes, sont à déplorer (ex. p. X, «il faut se souvenir qu’en 1213-1213 (sic)». Il semble par ailleurs y avoir une incompatibilité entre la date attribuée à la lettre I, écrite par Jacques le 4 novembre 1216 «à bord d’un bateau dans le port de Gênes» (p. XVII), et celle assignée à son départ pour la Terre sainte «fin septembre ou début octobre 1216» (p. XII). Ce sont là des vétilles qui n’enlèvent rien à la grande qualité de l’édition.

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Il reste à souhaiter, avec l’éditeur, que la suite des sermones de ce recueil paraisse dans des délais raisonnables afin de pouvoir jouir pleinement de ce joyau de la prédication médiévale. Fr. DE VRIENDT

Jean de Mailly. Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum. Supplementum hagiographicum. Editio princeps. Cur. Giovanni Paolo MAGGIONI (= Millennio medievale, 97; Testi, 21). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2013, CXCVIII-588 p. + 5 pl. [ISBN 978-888450-368-8] L’Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum figure parmi les premières Legendae novae, ou légendiers abrégés, qui fleurirent au XIIIe s., essentiellement dans le milieu des Frères Prêcheurs, pour répondre aux besoins nouveaux de la prédication. L’auteur, Jean de Mailly, tiré de l’ombre grâce aux travaux d’A. Dondaine (1947), fut d’abord clerc à Auxerre. C’est en cette qualité qu’il composa, sans doute entre 1228 et 1230, l’Abbreviatio, qu’il destinait surtout aux prêtres, afin de les aider dans leur prédication. Cette origine bourguignonne explique la présence, dans le recueil, de plusieurs saints propres au diocèse d’Auxerre. Quelques années plus tard, peu après 1234, ayant rejoint l’Ordre dominicain, il remit son ouvrage sur le métier pour l’adapter au public plus exigeant de ses confrères et des milieux urbains auxquels ceux-ci devaient s’adresser: exempla modifiés, citations patristiques, discussions critiques plus approfondies; il ajouta aussi deux chapitres (Julien et Basilissa, Dominique), soumit trois autres à une réélaboration radicale (Noël, Purification, Marie-Madeleine) et pourvut chaque légende d’un élément chronologique. Une troisième rédaction eut lieu en 1243, probablement à Metz, comme en témoigne l’insertion de traditions hagiographiques propres à cette région. Elle ne comporte pas de nouveau chapitre mais un certain nombre de fêtes se voient enrichies par l’apport d’exempla. Outre quelques modifications de type doctrinal, chronologique ou simplement stylistique, l’auteur ajoute çà et là des notes explicatives de caractère géographique ou lexical. Un manuscrit conservé à Berne témoigne de l’état de l’exemplaire de travail laissé par Jean († avant 1260): le texte de l’Abbreviatio y est suivi d’un certain nombre de récits hagiographiques et d’exempla, sans doute destinés à être insérés dans le corps du légendier à l’occasion d’une rédaction ultérieure (Supplementum). Le manuscrit Paris, BNF lat. 14593, autographe de Jean de Mailly, contient trois autres œuvres qui nous permettent de mieux le connaître: la Chronica universalis Metensis, la Genealogia Arnulphi episcopi (descendance carolingienne d’Arnould de Metz) et le Catalogus Sanctorum; ce dernier, qui compte 590 noms, range les saints en catégories (martyrs, vierges, confesseurs, saintes femmes) à l’intérieur desquelles ils sont ordonnés selon l’ordre chronologique des empereurs. Clairement, il ne s’agit pas d’une œuvre autonome mais plutôt d’un travail préparatoire à un ouvrage hagiographique majeur. Toutefois, sa date de rédaction (vers 1250) le situe après l’Abbreviatio, et même après que l’essentiel du travail de compilation du Speculum historiale de Vincent de Beauvais, avec lequel il présente de

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nombreuses affinités, ait été achevé. Sa raison d’être demeure donc mystérieuse. L’intérêt de ces autres ouvrages réside notamment dans le fait qu’ils attestent le recours à des collaborateurs, technique à laquelle recourut aussi Vincent de Beauvais, et, fort probablement, notre auteur pour son Abbreviatio. La seconde rédaction se caractérise en effet par l’insertion systématique de données chronologiques (Circa annum Domini…), lesquelles, non exemptes d’erreurs et de lacunes, semblent devoir être attribuées au travail de secrétaires œuvrant sous la direction de l’auteur. Un recueil de sermons-modèles de tempore et de sanctis, parfois mis sous le nom de notre auteur, est en fait l’œuvre de Gérard (ou Guillaume) de Mailly. Légendier abrégé, l’Abbreviatio utilise de nombreuses sources fort hétérogènes – habituellement les légendes hagiographiques les plus diffusées (l’A. en fournit la liste aux p. CLXXII-CXCVIII). Jean les a amplement réélaborées, sans épargner coupures ni réécritures. Les citations littérales ne manquent pas non plus, notamment dans les discours directs. Dans sa tâche de compilateur, Jean se signale par son esprit critique: il cherche à résoudre les contradictions entre diverses traditions sur la mort de S. Barthélemy; il avertit, dans le cas de la légende de Quiricus et Iulitta, qu’il s’agit d’un écrit apocryphe; il recourt à plusieurs sources dans son chapitre sur Noël, où il rejette la tradition faisant état de la présence de deux sagesfemmes. Ce même chapitre rapporte curieusement qu’à la naissance du Christ omnes sodomitas qui tunc erant subita mors extinxit. L’édition critique de ce vaste ouvrage (150 folios manuscrits en moyenne), retouché à plusieurs reprises par son auteur, et qui connut une diffusion relativement importante (34 témoins connus), n’était pas à la portée du premier venu. Personne n’était mieux préparé que G. P. M. pour mener à bien ce travail de longue haleine. La prouesse que représente l’édition de la Legenda aurea (1998) lui avait permis de rencontrer bien des problèmes analogues, d’autant plus que Jacques de Voragine fait de larges emprunts à son prédécesseur Jean de Mailly. C’est donc avec grand profit qu’on lira la longue introduction dans laquelle il expose avec clarté la démarche suivie et les solutions apportées. La collation des 34 témoins a porté sur un échantillon de quelques chapitres (1/10 du texte), ainsi que sur la vérification d’une série de passages critiques. Un classement basé sur la présence d’erreurs et l’existence de variantes rédactionnelles a permis de définir les relations mutuelles des témoins, d’identifier les familles et d’établir un stemma général. L’existence de trois rédactions successives posait la question de savoir laquelle privilégier: fallait-il, en d’autres mots, opter pour une édition génétique (la première rédaction, en tant que l’une des premières legendae novae, rédigée de surcroît en dehors de l’Ordre dominicain) ou une édition évolutive (la dernière rédaction en tant qu’expression la plus aboutie de l’auteur) ? C’est cette seconde option qui a été retenue, les variantes des deux premières rédactions figurant clairement dans un deuxième apparat. L’édition se fonde sur sept témoins manuscrits, dont le principal est Berne, Bürgerbibliothek 377. Quatre autres témoins documentent les deux premières rédactions. Le Supplementum, appendice à la troisième rédaction, et dont G. P. M. établit qu’il doit être attribué lui aussi à Jean de Mailly, est publié à la suite de l’Abbreviatio (comme dans le ms. de Berne) et non distribué dans le corps du

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texte de celle-ci, comme c’est le cas dans quelques manuscrits. Deux index (sources, noms de personnes et de lieux) permettent une utilisation optimale de l’ouvrage. Comme il en avait fait la preuve dans sa magistrale édition de la Legenda aurea (cf. AB, 115 [1997], p. 426-427 et 117 [1999], p. 197-198), G. P. M. nous montre encore une fois comment un éditeur peut venir à bout d’un texte considérable, à la tradition complexe et d’une large diffusion. Les chercheurs pourront désormais aborder de façon beaucoup plus sûre le monde des Legendae novae, dont trois des plus importantes (celles de Barthélemy de Trente [cf. AB, 121 (2003), 428430], Jean de Mailly et Jacques de Voragine) ont fait l’objet d’une édition critique au cours des quinze dernières années. On saluera au passage le rôle de la SISMEL, tant pour l’impulsion donnée à ces initiatives, que pour la grande qualité apportée à leur réalisation matérielle. R. GODDING

Alessandra BARTOLOMEI ROMAGNOLI. Santità e mistica femminile nel Medioevo (= Uomini e mondi medievali, 37). Spoleto, Fondazione Centro italiano di studi sull’alto Medioevo, 2013, XXII-759 p., ill. [ISBN 978-88-6809-021-0] Spécialiste de Ste Françoise Romaine, à laquelle elle a consacré de nombreuses études, A. B. R. s’est également attachée à la sainteté et à la mystique féminines au e e XIII et au XIV siècles. Cet imposant volume rassemble dix-huit contributions publiées dans des recueils collectifs, parfois sous des titres légèrement différents, entre 1995 et 2012 (deux d’entre elles sont même encore in corso di stampa). Ces articles pour la plupart fort substantiels sont regroupés en quatre sections. I. Agiografia e modelli di santità: Madri sante nella letteratura medioevale (p. 3-66): de Monique à Françoise Romaine; Umiltà, Gherardesca e le altre tra realtà e rappresentazione (67-101); Le ‘Vitae matrum’ di Tommaso da Cantimpré (103-149): Marie d’Oignies, Christine l’Admirable, Marguerite d’Ypres; La pia Lutgarda, mistica del cuore (151-211). – II. Vita religiosa: Donne e francescanesimo (215-309); Francesca Romana e la regola di Tor de’ Specchi (311-381 + 18 ill.). – III. Scritture mistiche: Discernimento spirituale e costruzione della memoria (385-413): traite de Claire de Montefalco, Angèle de Foligno, Brigitte de Suède, Catherine de Sienne et Françoise Romaine; Maria negli scritti delle donne medioevali (415-445); Il Testamento di Chiara d’Assisi (447-467); “Non solum discens sed patiens divina”. Il Libro di Angela da Foligno (469-500); Il linguaggio del corpo in Caterina da Siena (501-523); Imago Urbis. San Pietro e santa Francesca Romana (525-547 + 6 ill.); Le metamorfosi del testo. Il caso di Veronica da Binasco (549-585); Fabula picta. Le forme visive del linguaggio mistico (587-598). – IV. Donne, profezia, potere: Brigida e Caterina nella crisi del papato medioevale (601-630); Caterina e Robina: profezia e antiprofezia al tempo del grande scisma d’Occidente (631-656); Lotta politica e profezia: pellegrine e mistiche a Roma alla fine del Medioevo (657680); La controversia sulle stimmate di Caterina da Siena (681-721 + 11 ill.). Deux index complètent utilement l’ensemble. R. GODDING

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Roy TEPE. Oog in oog met de Martelaren van Gorcum. Catalogus bij de tentoonstelling in het Gorcums Museum – 2012. Gorinchem, Gorcums Museum, 2012, 252 p., ill. [ISBN 978-90-78251-00-2] Le 9 juillet 1572, entre deux et quatre heures du matin, dix-neuf religieux âgés de 23 à 90 ans furent pendus par les gueux de mer dans une vieille grange située sous les murs de Brielle (Hollande méridionale). Quinze d’entre eux avaient été faits prisonniers lors de la prise de Gorinchem (Gorcum), dix jours auparavant. Le groupe des victimes, condamnées pour leur seule appartenance à l’état ecclésiastique, était assez hétéroclite: il comprenait onze Franciscains, deux Prémontrés, un Dominicain, un chanoine régulier et quatre prêtres diocésains. Le catalogue, soigné et attrayant, de l’exposition qui leur a été consacrée à Gorinchem fournit une large sélection d’œuvres et de documents relatifs à leur culte. On imagine l’assiduité qu’il a fallu pour localiser et réunir cette petite centaine de pièces, souvent méconnues ! La grande majorité d’entre elles proviennent des Pays-Bas, plusieurs autres de Flandre, une dernière du Vatican. Celles-ci sont présentées au sein de 87 notices, qui détaillent leur histoire et fournissent, outre de belles illustrations, la bibliographie les concernant. Datant du dernier quart du XVIe s. à 2005, les témoignages sur les martyrs sont classés par support: peintures [21], gravures et dessins (y compris images pieuses ou bandes dessinées) [28], photos anciennes de la cérémonie de canonisation, imprimés (incluant les premiers livrets relatifs au martyre ou les impressions pontificales liées aux procès) [9], sculptures (récentes) [3], textiles (surtout des bannières de procession des XIXe et XXe s.) [8], vitraux [2] et «objets divers» [17]. Parmi ces derniers, relevons un acte écrit par l’un des futurs martyrs et, surtout, douze reliquaires et monstrances (provenant respectivement de Weert, Louvain, Saint-Trond, Breda et Utrecht). La principale châsse des martyrs de Gorcum, conservée dans l’église Saint-Nicolas de Bruxelles, n’a pas fait le déplacement. Certaines pièces s’avèrent exceptionnelles: ainsi cette gravure imprimée en 1619 commémorant le miracle des fleurs mirifiques cueillies sur le lieu de sépulture des martyrs qui, trois ans plus tard, loin de se dessécher, donnèrent dix-neuf bourgeons (n° 23), ou encore cette carte peinte et légendée, elle aussi établie en 1619 (n° 24) et plus tard adjointe au procès de béatification, figurant avec précision les lieux du martyre. R. T. soutient, à juste titre, que la production iconographique a été rythmée et modelée par trois «kernmomenten»: l’exécution proprement dite des ecclésiastiques, leur béatification (1675) et leur canonisation (1867). Précédant le catalogue, trois chapitres liminaires explorent ces dates clés et l’impact qu’elles eurent sur la postérité des martyrs, en particulier sur leur représentation. On reste pantois devant l’essor fulgurant de l’historiographie relative à ceux-ci, fondée sur des témoins oculaires des événements et initiée dès 1572 par Willem Estius, neveu d’une des victimes. L’iconographie se développa tout aussi rapidement: en 1573 ou 1574, les portraits des quinze martyrs originaires de Gorcum avaient été réalisés par un peintre local, J. D. Tibout, sur base de ses souvenirs et, en 1597, trois quarts de siècle avant leur béatification, Jacob Lacops, l’un des dix-neuf, figure déjà parmi les saints sur la page de titre d’un bréviaire prémontré tchèque. Ce sont indénia-

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blement les Franciscains qui lancèrent, entre 1615 et 1620, la cause de béatification et s’activèrent le plus pour la faire aboutir. Les grandes peintures ornant la basilique Saint-Pierre lors de la cérémonie de 1675 n’ont pas été retrouvées mais leur splendeur est connue par l’intermédiaire de gravures qui en dérivent. En revanche, R. T. a pu exploiter un document comptable conservé dans les archives des Bollandistes: celui-ci nous informe sur le commanditaire de ces peintures (le postulateur), l’artiste (le jeune peintre Jan Zierneels) et leur coût élevé. Plusieurs imprimés présentés lors de l’exposition illustrent les fastes inouïs déployés à Rome lors ou en marge des cérémonies de béatification (tirs de mortiers, feux d’artifices, flambeaux par centaines «de sorte que la nuit semblait avoir été changée en jour»). Cette première reconnaissance liturgique des martyrs de Gorcum donna une nouvelle impulsion à la création artistique. L’A. recense ainsi plusieurs peintures réalisées à la fin du XVIIe s. en Flandre et en Italie (où les martyrs furent longtemps mal identifiés et confondus avec d’autres). La canonisation – une initiative romaine davantage qu’une demande hollandaise, selon certains – entraîna également de somptueuses célébrations. La renommée des martyrs n’attendit pourtant pas cette apothéose pour dépasser les frontières de l’Europe. Deux pages signalent quelques représentations au Mexique, Chili, Guatémala et aux Philippines mais constituent avant tout une exhortation à étudier cet aspect de leur culte. Une annexe, bien utile, donne l’identité précise des dix-neuf victimes, que des graphies variables ont parfois rendue nébuleuse. Sept pages de bibliographie – dans laquelle les quelques titres en français ont trop souvent été «écorchés» – donnent une solide base pour poursuivre des recherches sur ce dossier assez délaissé depuis un demi-siècle (malgré la permanence d’un pèlerinage national annuel à Brielle). Il convient de saluer avec gratitude ce travail, sans précédent pour faire connaître au grand public la postérité de ces martyrs et qui met en lumière de nombreuses pièces significatives à leur égard. Fr. DE VRIENDT

Conversaciones con Monseñor Escrivá de Balaguer. Edición críticohistórica preparada por José Luis ILLANES y Alfredo MÉNDIZ. — Josemaría ESCRIVÁ DE BALAGUER. Es Cristo que pasa. Homilías. Edición crítico-histórica preparada por Antonio ARANDA (= Obras completas de san Josemaría. Ser. I: Obras publicadas, 3 et 5). Madrid, Ediciones Rialp, 2012-2013, XXVI-574 p., ill. et XLI-1033 p., ill. [ISBN 978-84-321-4203-1 et -4317-5] L’entreprise de publication des Œuvres complètes du fondateur de l’Opus Dei (cf. AB, 122 [2004], p. 451) se poursuit avec ces deux volumes, rééditions «critiques» de textes bien connus et largement diffusés. Le premier est un recueil de sept interviews concédées dans les années 1966-1968, auxquelles s’ajoute la fameuse «Homilía del Campus» prononcée le 8 octobre 1967 à l’Université de Navarre à Pampelune. Ces interviews ont toutes été réalisées sur la base d’un questionnaire écrit et de réponses pareillement écrites, et même élaborées avec un soin méticuleux puisqu’elles firent l’objet de révisions successives – jusqu’à sept

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ou huit ! – avant d’être transmises au périodique intéressé. Les minutes n’ont généralement pas été conservées, à quelques exceptions près (trois feuillets sont reproduits en facsimilé). Les réponses étaient normalement préparées par le secrétariat du fondateur (Oficína del apostolado de la opinión publica) sur base d’une documentation rassemblée dans le Clasificador informativo, puis revues et corrigées par lui. La publication en recueil sous le titre de Conversaciones eut lieu dès le mois de septembre 1968, soit trois mois après la dernière interview. On peut s’interroger sur les raisons d’un tel empressement. Dès 1962, Escrivá, insatisfait du statut juridique d’Institut séculier accordé à sa fondation, avait demandé au SaintSiège d’ériger l’Opus Dei en prélature nullius, sur le modèle de la Mission de France (le changement de statut, sous la forme nouvelle de la prélature personnelle, ne sera concédé qu’en 1982). Par ailleurs, la vague de contestation de 1968 n’avait pas épargné l’Opus Dei. Ce recueil d’interviews constituait donc une sorte de «livre blanc» dans lequel l’Œuvre se présentait sous son meilleur jour et désamorçait les critiques, tout en prenant ses distances vis-à-vis du statut d’institut séculier dans lequel elle se sentait désormais à l’étroit. La publication des Conversaciones marqua d’ailleurs la fin de la brève «saison des interviews», permettant au fondateur de s’orienter désormais vers des publications de nature plus spirituelle. La longue introduction à la présente édition développe bien ce contexte historique. On regrette toutefois qu’une édition qui se dit critique n’ait pas jugé bon de publier le texte des interviews dans la langue où ils furent publiés pour la première fois dans Le Figaro, Time, The New York Times et L’Osservatore della domenica. Le second volume est un recueil de dix-huit homélies rédigées et publiées séparément entre 1968 et 1973, année où elles furent regroupées en un volume. Leur origine remonte à des méditations prêchées oralement par Escrivá à Rome. Cellesci firent l’objet de notes écrites de la part des auditeurs, voire d’enregistrements. Ces matériaux étaient conservés au Collège de la Santa Croce, à disposition de l’équipe de direction et des membres du Conseil Général de l’Opus Dei. La publication séparée de chacune de ces homélies commença immédiatement après la fin de la «saison des interviews». Comme ces dernières, elle reposa en bonne partie sur le travail des collaborateurs, dont la mission fut clairement précisée. En vue de la publication d’une homélie déterminée, généralement en lien avec une fête liturgique, ceux-ci devaient suivre une méthode identique: reprendre la documentation relative à la prédication du fondateur depuis la fin des années ’40; compléter les références bibliques et indiquer d’éventuels passages parallèles; citer de façon adéquate les témoignages patristiques, du Magistère, ou d’autres auteurs auxquels le texte oral faisait allusion, et même proposer des passages analogues; suggérer librement de développer telle idée seulement esquissée dans la version orale; retoucher les phrases et expressions initialement modelées par le public auquel s’adressait le fondateur, afin que l’homélie apparaisse adressée à tout chrétien. Le texte ainsi élaboré était alors transmis au Padre, qui le complétait, le modifiait et le corrigeait – ceci à plusieurs reprises, tout comme il l’avait fait pour les interviews. La présente édition critique indique en apparat les variantes par rapport à la première édition individuelle de chaque homélie, et parfois par rapport à un stade antérieur, lorsque celui-ci a été conservé (Escrivá faisait habituellement détruire les documents inter-

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médiaires). Un second apparat, d’un grand intérêt, reproduit les notes d’auditeurs reflétant la version orale à la source de l’homélie. Plusieurs index, dont un des auteurs cités et un des thèmes traités, facilitent l’exploitation du volume. Comme on le voit, des publications qu’un observateur extérieur pourrait a priori considérer comme secondaires (interviews, homélies) furent menées avec un souci des moindres détails, très caractéristique de leur auteur, qui avait clairement décidé d’en faire un véhicule important de sa pensée. R. GODDING La Vita di San Nicola di Sion. Traduzione, note e commentario, a cura di Vincenzo RUGGIERI. Roma, Edizioni Orientalia Christiana – Valore Italiano – Lilamé, 2013, 254 p., ill. [ISBN 978-88-97789-23-9]. — Pour cette Vie de Nicolas, archimandrite du monastère de la Sainte Sion et évêque de Pinara sous le règne de Justinien, un texte qui fut exploité par l’auteur anonyme de la Vita compilata (BHG 1348c) pour combler les zones d’ombre de la vie de l’évêque homonyne de Myre, V. R. adopte le texte grec publié naguère par I. Ševčenko et N. Patterson Ševčenko (The Life of saint Nicholas of Sion [= The Archbishop Iakovos Library of Ecclesiastical and Historical Sources, 10], Brookline, MA, 1984) et revu par H. Blum (Die Vita Nicolai Sionitae: Griechischer Text, Bonn, 1997). La traduction italienne, qui se veut à la fois fluide et parfois littérale (en l’occurrence «per illuminare il sottofondo liturgico e teologico del testo», p. 25), fait l’objet d’une annotation infrapaginale, où V. R. éclaire le sens particulier de certains termes spécialisés, identifie les citations et allusions bibliques, souligne les difficultés du texte ou remet (rarement) en cause le texte retenu jusqu’à présent. Une section intitulée «La Vita di San Nicola Sionita: gli elementi costitutivi» fait office de commentaire (p. 109176); y sont abordés la structure non linéaire du récit, la personnalité et le milieu social du saint, le symbolisme et le fonctionnement du monastère de la Sainte Sion, la foi vécue de Nicolas (le rituel de l’initiation monastique, sa christologie déroutante et le célèbre épisode du sacrifice des bœufs), et enfin la présentation et la localisation des édifices mentionnés dans la Vie. Le livre est muni non seulement de cartes, mais surtout d’un abondant dossier de clichés photographiques pris par R. V., qui a sillonné les sites autrefois fréquentés par Nicolas: Asarcık (où se situait le monastère Saint-Jean, dont l’archimandrite était l’oncle homonyme du saint), Alacahisar (localisation du monastère de la Sainte Sion) et Pinara. X. L. Repertorium sermonum latinorum Medii Ævi ad laudem sancti Francisci Assisiensis. Composuit Aleksander HOROWSKI (= Subsidia scientifica Franciscalia, 13). Roma, Istituto storico dei Cappuccini, 2013, XXIV-287 p. [ISBN 97888-88001-91-3]. — Il y a trente ans, le P. J. G. Bougerol avait publié un répertoire d’incipit de sermons latins antérieurs à 1350 dédiés à S. François (Antonianum, 57 [1982], p. 706-794). Le présent volume embrasse une période plus longue (jusqu’au début du XVIe s.) et offre pour chaque sermon une présentation plus détaillée. Les notices relatives aux sermons, numérotées de façon continue, se suivent dans l’ordre alphabétique des versets bibliques qui les introduisent. Viennent ensuite l’incipit proprement dit et le desinit, puis le nom de l’auteur (ou la mention Anonymus) suivi éventuellement du lieu et de l’année où le sermon fut prononcé. Les

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indications bibliographiques comprennent la mention d’un ou de plusieurs manuscrits (sans prétention à l’exhaustivité), la référence aux catalogues et répertoires décrivant les manuscrits et aux études relatives à la paternité du sermon; la mention d’une ou plusieurs éditions anciennes (également sans volonté d’exhaustivité) et de toutes les éditions modernes (depuis la fin du XIXe s.). La moisson est abondante: pas moins de 1049 sermons, pour la plupart encore inédits ! Plusieurs index achèvent de faire de ce volume un très utile instrument de travail, qui ne manquera pas de susciter de nouvelles études et éditions critiques. R. G. Icons from the Thracian Coast of the Black Sea in Bulgaria. Ed. A. TOURTA. Thessaloniki, European Centre for Byzantine and Post-Byzantine Monuments – Kapon Editions, 2011, 183 p., ill. [ISBN 978-960-6878-52-7]. — Après avoir mis à l’honneur les icônes méconnues d’Albanie (cf. AB, 125 [2007], p. 228), le Musée de la culture byzantine de Thessalonique – en collaboration avec le «European Centre for Byzantine and Post-Byzantine Monuments» et la Galerie nationale d’art de Sofia – a voulu présenter au grand public une cinquantaine d’icônes issues de plusieurs cités du littoral bulgare. Le catalogue de l’exposition reprend 52 œuvres, dont 17 jusqu’à présent inédites. Un quart d’entre elles ont au préalable été restaurées. Les icônes proviennent de Varna (3), Ahtopol (1), Tsarevo (2), Sozopol (5), Brashlyan (1), et surtout de Nessebar (Mesemvria) (39). Presque toutes (43) sont aujourd’hui conservées dans la crypte de la cathédrale Alexandre Nevsky à Sofia. Ces peintures s’échelonnent du XIe-XIIe au XIXe s., mais on notera en particulier le grand nombre de pièces du XVIIe s. associées à Nessebar, illustrant le renouveau que la cité connut sous les métropolites Christophore († 1606) et Cyprien († 1611). Classées par lieu de provenance, les icônes font l’objet de descriptions technique et iconographique minutieuses. Les multiples photographies de ce beau livre rendent pleinement leur splendeur. Si le Christ, la Vierge et les fêtes de l’année liturgique constituent la majorité des thèmes figurés, les saints sont évidemment bien présents. Dix-sept icônes (dont huit inédites) ont ainsi un sujet hagiographique. À côté de saints universels – Nicolas, Jean l’évangéliste, Étienne, Jean-Baptiste, Dimitri, Georges, Théodore –, on rencontre quelques saints à l’iconographie et au culte plus restreints comme Polyeucte, Ménas, Charalambos, Athanase ou Modeste, patriarche de Jérusalem. En revanche, aucune sainte – hormis la Vierge – n’est concernée. Certaines icônes constituent des témoignages de premier ordre sur la dévotion rendue à ces saints parmi les populations, principalement grecques, des rives de la Mer noire. Mentionnons, à titre d’exemples, l’icône de S. Nicolas (n° 2), du XIIe s., l’une des premières à figurer des épisodes de sa vie, celle de S. Polyeucte (XVe s., n° 10), la plus ancienne icône portative connue le représentant, ou celle de S. Charalambos (n° 46) peinte en 1766 par Demetrios le pèlerin, probablement motivée par l’épidémie de peste qui sévissait alors. À la suite de l’avant-propos signé par l’éditrice de ce volume, deux études, dues à d’éminents spécialistes, précèdent le catalogue: P. L. VOCOTOPOULOS, Ecclesiastical Architecture on the Thracian Shores of the Black Sea (p. 26-39) et E. BAKALOVA, Christian Art of the West Coast of the Black Sea on the Basis of the Monuments of the Region Now in Bulgaria (p. 40-55). L’un comme l’autre mettent

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en évidence l’influence exercée par Constantinople sur ces cités littorales, relativement proches. La contribution d’E. B. livre en outre une synthèse commode sur les vestiges chrétiens conservés, parmi lesquels plusieurs reliquaires très anciens. Ce beau catalogue dévoilera à plus d’un lecteur une facette significative du patrimoine chrétien d’une région qui, à l’exception de Nessebar, a perdu la plupart de ses églises médiévales. Il y a tout lieu d’en féliciter les auteurs. F. D. V. Catalogue of Books Printed in the 15th Century in Swedish Collections. Ed. Wolfgang UNDORF. Wiesbaden, Harrassowitz, 2012, XI-1116 p. en 2 vol. [ISBN 978-3-447-06807-9]. — La Suède compte parmi les pays pionniers de la catalographie des incunables, grâce à l’œuvre d’Isak Collijn (1875-1949) qui inventoria les grandes collections du pays (Bibliothèque diocésaine et municipale de Västerås, Bibliothèque Nationale de Stockholm, Bibliothèque de l’Université d’Uppsala [avec deux suppléments par H. Sallander]). C’est justement pour célébrer le centenaire du premier catalogue (1904) que l’Académie royale de Suède a financé un recensement national de tous les incunables conservés dans les collections publiques et privées. Le résultat est ce nouveau catalogue qui comprend 4070 titres d’ouvrages, pour un total d’environ 6100 exemplaires. Le modèle adopté est celui de l’Incunabula Short-Title Catalogue (ISTC). Chaque notice, numérotée de 1 à 4069 (4070 est un supplément découvert tardivement), inclut auteur et titre, impressum, format et renvois aux grands répertoires. Le lieu de conservation actuel et la cote sont suivis des données connues sur le mode et l’année d’acquisition, ainsi que sur les possesseurs antérieurs. Si les collections les plus considérables sont celles de l’Université d’Uppsala et de la Bibliothèque Nationale, on constate toutefois qu’un tiers des exemplaires sont aux mains d’institutions ou de particuliers qui entendent conserver l’anonymat: ils sont simplement identifiés sous le vocable générique de «Swedish Library» (plus de détails peuvent être obtenus en contactant la Bibliothèque Nationale). Le volume se termine par les habituelles tables de concordance avec les principaux répertoires (Bayerische Staatsbibliothek, Collijn / Sallander, Copinger, Goff, Gesamtkatalog der Wiegendrucke, Hain et Madsen). Outre un index des lieux d’impression et des imprimeurs, on examinera avec un intérêt particulier le long Index of previous owners (33 pages). Parmi les plus importantes collections anciennes, on relève celles des collèges jésuites de Braniewo [Braunsberg] (257 incunables), d’Olomouc (280 incunables) et de Poznań (135 incunables), obtenues, avec bien d’autres, comme butin de guerre suite aux succès militaires des rois de Suède lors de la Guerre de trente ans. R. G. Lettere di Achille Ratti [1880-1922]. Cur. di Fr. CAJANI. Vol. 4. = I Quaderni della Brianza, 179/1-2 (2013), XXIV-970 p. en 2 vol., ill. — Depuis de nombreuses années, Fr. C. a entrepris de rassembler les lettres adressées par celui qui, avant d’être pape sous le nom de Pie XI, connut une longue carrière de savant à la bibliothèque Ambrosienne puis à la bibliothèque Vaticane, avant d’être nonce en Pologne, puis éphémère archevêque de Milan. Ratti fut un épistolier fécond durant les années antérieures à son élection au souverain pontificat. Dans ce quatrième volume qui termine l’entreprise (encore que l’éditeur ne désespère pas de mettre au jour tel ou tel document supplémentaire), près de 780 lettres sont éditées (certaines

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sont toutefois reprises de publications antérieures. Celles-ci viennent s’ajouter aux 118 du premier tome (Lettere di A. Ratti [1875-1922]) et 485 (Lettere … [18821922]) du second, parus en 2003 et 2006, auxquelles il faut ajouter les 211 Lettere… alle sue figlie spirituali del Cenacolo [1884-1921] publiées en 2000. Deux raisons principales nous incitent à mentionner la parution de cet ouvrage, indépendamment du fait que toute correspondance est toujours par nature un témoignage précieux sur une époque. Comme on l’a dit, Ratti fut d’abord un savant et à ce titre il entretint une abondante correspondance avec des collègues de son temps; dans le cas de ce volume, on découvre un lot important de missives adressées à Theodor von Sickel, Carlo Cipolla, Paul Cagin et Francesco Novati. Par ailleurs, Ratti fut un ami des Bollandistes, en particulier de François Van Ortroy qui séjourna longuement à Milan où il devait préparer le dossier de Charles Borromée (qu’il ne put malheureusement mener à bonne fin), et, devenu pape, il accepta que le Comm. Martyr. Hieron. lui fût dédicacé. Petites faiblesses toutefois de l’ouvrage: à la différence du premier tome qui donne la liste des documents, rien de tel dans le cas présent; de plus, absence d’un index onomastique. De tels instruments sont toujours les bienvenus pour compléter une annotation soignée comme celle préparée par l’éditeur. B. J. Louis-Hugues VINCENT. Le père Marie-Joseph Lagrange. Fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Sa vie et son œuvre. Paris, Éditions Parole et Silence, 2013, 670 p. [ISBN 978-2-88918-148-3]. — Le procès de canonisation du dominicain Albert – en religion Marie-Joseph – Lagrange a été ouvert il y a plus de 20 ans. Son confrère Bernard Montagnes fut, pour l’occasion, chargé de rédiger la partie biographique du fondateur de l’École biblique de Jérusalem, qui parut en 2004 aux Éditions du Cerf (cf. AB, 123 [2005], p. 217). Pour ce faire, il put profiter d’une source particulièrement précieuse, à savoir la toute première biographie détaillée de l’exégète composée par Louis-Hugues Vincent, l’un de ses plus proches collaborateurs. Ce dernier avait pu s’appuyer notamment sur la correspondance passive de son maître, tout en faisant disparaître certains de ces documents (1000, aux dires de Congar) au fur et à mesure qu’il les transcrivait (des lettres ne sont donc plus connues que par les transcriptions de Vincent). Mais ce qui aurait dû paraître dans la collection «Études bibliques», n’en demeura pas moins à l’état de manuscrit: les autorités de l’Ordre estimèrent alors que la publication risquait de réveiller les querelles qui avaient opposé les Dominicains de l’École biblique de Jérusalem aux Jésuites de l’Institut biblique de Rome. Quelque soixante ans plus tard, Manuel Rivero, vice-postulateur de la cause de Lagrange, a jugé bon de publier le manuscrit de Vincent conservé aujourd’hui au couvent de Jérusalem. On ne le regrette pas, en dépit du fait que Vincent ne fit aucune recherche dans la correspondance active de Lagrange. Outre que Vincent, certes admirateur de son maître, nous donne «un» portrait de Lagrange, il a aussi été témoin direct de l’époque. Et l’on sait qu’il n’est jamais de mauvaise méthode de lire l’histoire telle qu’elle fut relatée par les contemporains, même si la critique doit sans cesse être au rendez-vous. B. J.

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PUBLICATIONS REÇUES Un grand nombre de chercheurs nous font l’honneur et l’amitié de nous envoyer un exemplaire (volume, tiré à part ou photocopie) de leurs travaux. Qu’ils en soient remerciés. Plusieurs des titres mentionnés feront l’objet d’un compte rendu dans un prochain numéro de la Revue. I. HAGIOGRAPHICA Le agiografie di Vigilio, Massenzia, Adelpreto. Ed. critiche, trad. e note di commento di A. DEGL’INNOCENTI – P. GATTI (= Edizione nazionale dei testi mediolatini d’Italia, 30; Corpus hagiographicum tridentinum, 1). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2013, VIII-301 p., ISBN 978-88-8450-487-6. [Vigilius ep. Trident.; Maxentia vidua prope Trident.; Adalpretus m. Trident.] BOZOKY, E. Les reliques, le prince et le bien public, in Le Prince, son peuple et le bien commun. De l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge. Sous la dir. de H. OUDART – J.-M. PICARD – J. QUAGHEBEUR (= Histoire). Rennes, Presses universitaires, 2013, p. 203-215. CAPRON, L. Codex hagiographiques du Louvre sur papyrus (P.Louvre Hag.) (= Papyrologica Parisina, 2). Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2013, XXVI-188 p. + pl. + 1 CD-ROM, ISBN 978-2-84050-894-6. CARLÀ, F. Milan, Ravenna, Rome: Some Reflections on the Cult of the Saints and on Civic Politics in Late Antique Italy, in Rivista di Storia e Letteratura Religiosa, 46 (2010), p. 197-270. [Nazarius, Protasius, Gervasius et Celsus mm. Mediolani; Vitalis et Agricola mm. Bononiae; Vitalis et Valeria mm. alter Ravennae, altera Mediolani; Apollinaris ep. Ravennas m.] DELAISSÉ, E. – SCARCEZ, A. Manuscrits conservés à Rome issus de monastères cisterciens. Répertoires hagiographique et liturgique musical, in Commentarii Cistercienses, 60 (2009), p. 161-238. LUBINSKY, C. L. Removing Masculine Layers to Reveal a Holy Womanhood. The Female Transvestite Monks of Late Antique Eastern Christianity (= Studia Traditionis Theologiae. Explorations in Early and Medieval Theology, 13). Turnhout, Brepols, 2013, XII-252 p., ISBN 978-2-503-54981-1. NUß, D. Die hagiographischen Werke Hildeberts von Lavardin, Baudris von Bourgueil und Marbods von Rennes. Heiligkeit im Zeichen der Kirchenreform und der Réécriture (= Beiträge zur Hagiographie, 12). Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2013, 257 p., ISBN 978-3515-10338-1. The Old English Martyrology. Edition, Translation and Commentary. Ed. with a Translation by C. RAUER (= Anglo-Saxon Texts, 10). Cambridge, D. S. Brewer, 2013, XII-400 p., ISBN 978-1-84384-347-4. SANSTERRE, J.-M. «Virtus» des saints, images et reliques dans les miracles de guérison ou d’autres bienfaits en Italie du VIIIe au XVe siècle, in Hagiographica, 20 (2013), p. 25-78. VISCIDO, L. Ancora su Sant’Acacio, martire di Bisanzio. Catanzaro, Edizioni Istante, 2013, 111 p., ISBN 978-88-908348-2-0. [Acacius centurio m. Byzantii] FLEITH, B. do sant Agnes […] dis gerette, do wande er, si meindi ein andern liplichen man. Zum Problem des Verstehens in der Hagiographie am Beispiel der Agneslegende, in Kannitverstan. Bausteine zu einer nachbabylonischen Herme(neu)tik. Akten einer germanistischen Tagung vom Oktober 2012. Hg. A. SCHNYDER. München, Iudicium Verlag, 2013, p. 19-44. [Agnes v. m. Romae]

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HAGIOGRAPHICA

BERS, G. Der Kult der Katakomben-Heiligen Albina in der Stadt Jülich 1665-1944 (= JosephKuhl-Gesellschaft / Gesellschaft für die Geschichte der Stadt Jülich und des Jülicher Landes. Kleine Schriftenreihe, 24). Jülich, Verlag der Joseph-Kuhl-Gesellschaft, 2013, 51 p., ill., ISBN 978-3-943568-06-6. [Albina m. Romana e catacumbis eruta] RE, M. Un manoscritto del Martyrium dei SS. Alfio, Filadelfo e Cirino recentemente ritrovato, in Rivista di studi bizantini e neoellenici, n. s., 49 (2012) [paru en 2013], p. 363-374. [Alphius, Philadelphus, Cyrinus et soc. mm. Leontinis] LEQUEUX, X. Les anciennes Passions latines de l’apôtre André, in O απόστολος Ανδρέας στην ιστορία και την τέχνη. Πρακτικά διεθνούς συνεδρίου (Пάτρα, 17-19 νοέμβριου 2006). Ed. [Andreas ap.] H. G. SARADI – D. D. TRIANTAPHYLLOPOULOS. Patras, 2013, p. 9-16. The Anonymous Sayings of the Desert Fathers. A Select Edition and Complete English Translation. Ed. and transl. by J. WORTLEY. Cambridge, University Press, 2013, VIII-651 p., ISBN 978-0-521-50988-6. [Apophthegmata Patrum] MANDOUZE, A. Avec et pour Augustin. Mélanges. Sous la dir. de L. PIETRI – C. MANDOUZE (= Patrimoines). Paris, Éditions du Cerf, 2013, 608 p., ISBN 978-2-204-09747-5. [Augustinus ep. Hipponensis] JOASSART, B. Prémices au dossier de sainte Aure dans les «Acta Sanctorum», in Amicorum societas. Mélanges offerts à François Dolbeau pour son 65e anniversaire. Études réunies par J. ELFASSI – C. LANÉRY – A.-M. TURCAN-VERKERK (= Millennio Medievale, 96; Strumenti e Studi, 34). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2013, p. 403-407. [Aurea abb. Parisiis] FORNERIS, G. San Calocero di Albenga. Iconografia e culto del protomartire ligure. Ivrea, Bolognino editore, 2013, 96 p., ill., ISBN 978-88-95704-49-4. [Calocerus Brixiensis m.] Catherina of Siena. The Creation of a Cult. Ed. J. F. HAMBURGER – G. SIGNORI (= Medieval Women. Texts and Contexts, 13). Turnhout, Brepols, 2013, X-338 p., ill., ISBN 978-2503-54415-1. [Catharina Senensis] VAVŘÍNEK, V. Cyril a Metoděj mezi Konstantinopolí a Římen. Praha, Vyšehrad, 2013, 380 p., ill., ISBN 978-80-7429-344-3. [Cyrillus et Methodius Slavorum apost.] DÉROCHE, V. Un recueil inédit de miracles de Cyr et Jean dans le Koutloumousiou 37, in Rivista di studi bizantini e neoellenici, n. s., 49 (2012) [paru en 2013], p. 199-220. [Cyrus et Iohannes mm. in Aegypto] ALBERTO, P. F. Poesía en el reino de León: los himnos en honor de san Facundo y san Primitivo, in Quando Portugal era reino de Leão. Estudos sobre cultura e identidade antes de D. Afonso Henriques / Cuando Portugal era reino de León. Estudios sobre cultura e identidad antes de Alfonso Enríquez. Coord. P. F. ALBERTO – R. FURTADO. Universidad de León, Área de Publicaciones – Universidad de Lisboa, 2011, p. 201-212. [Facundus et Primitivus mm. in Galecia] La canonizzazione di santa Francesca Romana. Santità, cultura e istituzioni a Roma tra Medioevo ed Età moderna. Atti del Convegno internazionale (Roma, 19-21 nov. 2009). Cur. A. BARTOLOMEI ROMAGNOLI – G. PICASSO (= La Mistica Cristiana tra Oriente e Occidente, 20; Francesca Romana Advocata Urbis, 2; Studia Olivetana, 10). Firenze, Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Ezio Franceschini, 2013, XXVIII-626 p. + 80 pl., ISBN 978-88-8450-490-6. [Francisca Romana vidua] Prima e dopo san Francesco di Paola. Continuità e discontinuità. Cur. B. CLAUSI – P. PIATTI – A. B. SANGINETO. Caraffa di Catanzaro, Abramo Editore, 2012, 816 p., ill., ISBN 888324-153-3. [Franciscus de Paula] DE VRIENDT, Fr. Martyr invincible, patron militaire, icône chevaleresque. Les métamorphoses de saint Georges, de Lydda à Mons, in La Ducasse rituelle de Mons. Sous la dir. de B. KANABUS. Bruxelles, Éditions Racine, 2013, p. 135-143, ill. —, Saint Georges à Mons, une initiative laïque ? La confrérie Dieu et Monseigneur Saint-Georges, ibid., p. 163-165, ill. [Georgius m. Cappadox]

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MUMELTER, C. Vita Heriberti. Rupert von Deutz – Biographie eines Erzbischofs. Kiel, Solivagus-Verlag, 2013, 157 p., ISBN 978-3-943025-09-5. [Heribertus ep. Coloniensis] YEVADIAN, M. Sur la patrie de Jean Cassien et la tradition manuscrite du De viris inlustribus de Gennade de Marseille, in Provence historique, 253 (2013), p. 373-401. [Iohannes Cassianus] SCARCEZ, A. Les répons de saint Marc dans la liturgie cistercienne: un exemple de transferts culturels, in Revue de la Société liégeoise de Musicologie, 28 (2009), p. 5-71, ill. [Marcus evangelista] —, Découverte d’un office protocistercien de Marie-Madeleine, in Académie royale de Belgique. [Maria Magdalena] Bulletin de la Classe des Arts, 6e sér., 22 (2011), p. 17-110, ill. DE VRIENDT, Fr. «Comme une escarboucle au milieu d’autres gemmes». Une vie hors normes: Marie d’Oignies (ca. 1177-1213), in Actes de la journée d’étude Hugo d’Oignies. Contexte et perspectives. Sous la dir. de J. TOUSSAINT (= Monographies du Musée provincial des Arts anciens du Namurois-Trésor d’Oignies, 58). Namur, Société archéologique, 2013, p. 104-121, ill. [Maria Oigniacensis] MISONNE, D. Le culte de saint Maur martyr, de Reims à l’abbaye de Florennes, in Revue Bénédictine, 123 (2013), p. 65-97. [Maurus presb. et soc. mm. Remis] WIESELHUBER, C. Die Darstellung Kaiser Heinrichs II. in der Vita Meinwerci, in Historischer Verein Bamberg, 147 (2011), p. 27-48. [Meinwercus ep. Paderborn.] OBEREINER, J.-L. Au cœur de l’histoire religieuse du Quercy. Saint Namphaise. Paladin de Charlemagne, ermite-exorciste, martyr. S. l., Éditions Quercy-Recherche, 2013, 328 p., ill., ISBN 978-2-915028-14-0. [Namphasius erem. Marciliacensis] LUZZI, A. Un probabile influsso dei sinassari pugliesi sugli arredi pittorici della cripta rupestre di S. Posidonio (con una disamina della diffusione del culto del santo dal sud al nord Italia), in Agiografia e iconografia nelle aree della civiltà rupestre. Atti del V Convegno internazionale sulla civiltà rupestre (Savelletri di Fasano, 17-19 nov. 2011). Cur. E. MENESTÒ. Spoleto, Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 2013, p. 17-48 + 5 pl. [Posidonius asceta (Ian. 16)] NAGY, P. – BOQUET, D. La Vita d’Étienne d’Obazine († 1159), une aventure alimentaire, in Des châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale. Mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher. Textes réunis par É. LALOU – B. LEPEUPLE – J.-L. ROCH. Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2008, p. 529-554. [Stephanus ab. Obazinensis] DELOUIS, O. Théodore Stoudite, figure de l’Union des Églises ? Autour de la renaissance d’un monachisme stoudite en Galicie (Ukraine) au XXe s., in Héritages de Byzance en Europe du Sud-Est à l’époque moderne et contemporaine. Éd. O. DELOUIS – A. COUDERC – P. GURAN (= Mondes méditerranéens et balkaniques, 4). Athènes, École française, 2013, p. 431-480, ill. [Theodorus Studita] YANNOPOULOS, P. Théophane de Sigriani le Confesseur (759-818). Un héros orthodoxe du second iconoclasme (= Collection Histoire, 5). Bruxelles, Éditions Safran, 2013, 328 p., ISBN 978-2-87457-066-7. [Theophanes conf. chronographus] LANGENBAHN, S. K. Das „Pastor bonus“ – Motiv im proprium Thomas Beckets, in Archiv für Liturgie-Wissenschaft, 53 (2011), p. 1-74, ill. [Thomas ep. Cantuariensis] ERKENS, Fr.-R. Wie Valentin Bischof von Passau wurde, in Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte, 74 (2011), p. 727-741. [Valentinus ep. Raetiarum] SANSTERRE, J.-M. Variations d’une légende et genèse d’un culte entre la Jérusalem des origines, Rome et l’Occident. Quelques jalons de l’histoire de Véronique et de la Veronica jusqu’à la fin du XIIIe siècle, in Passages. Déplacements des hommes, circulation des textes et identités dans l’Occident médiéval. Actes du colloque de Bordeaux (2-3 févr. 2007). Ed. J. DUCOS – P. HENRIET (= Études médiévales ibériques). Toulouse, Éditions Méridiennes, 2013, p. 215-231. [Veronica matrona Hierosolym.]

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DE VRIENDT, Fr. Aristocrate, abbesse et sainte. L’état de nos connaissances historiques sur Waudru, in La Ducasse rituelle de Mons. Sous la dir. de B. KANABUS. Bruxelles, Éditions Racine, 2013, p. 41-49, ill. [Waldetrudis abb. Montensis] MARTÍN-IGLESIAS, J. C. Dos versiones inéditas de la Passio S. Zoili (BHL 9022) y la Inventio S. Zoili (BHL 9024d) en manuscritos de origen Leonés, in Habis, 44 (2013), p. 305-322. [Zoilus et soc. mm. Cordubae] *

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II. VARIA A. Opera Actes de la journée d’étude Hugo d’Oignies. Contexte et perspectives. Sous la dir. de J. TOUSSAINT (= Monographies du Musée provincial des Arts anciens du Namurois-Trésor d’Oignies, 58). Namur, Société archéologique, 2013, 240 p., ill., ISBN 978-2-87502-040-6. Athanase d’Alexandrie. Lettre sur les synodes. Texte critique H. G. Opitz (Athanasius Werke II, 1). Synodale d’Ancyre. Basile d’Ancyre, Traité sur la foi. Introd., texte, trad., notes et index A. MARTIN – X. MORALES (= Sources Chrétiennes, 563). Paris, Éditions du Cerf, 2013, 409 p., ISBN 978-2-204-10135-6. Die Bibliothek Herzog Johann Albrechts I. von Mecklenburg (1525-1576). Beschr. N. KRÜGER (= Kataloge der Universitätsbibliothek Rostock). Wiesbaden, Harrassowitz, 2013, VI-2082 p. en 3 vol. + 40 pl., ISBN 978-3-447-06961-8. BRETSCHER-GISIGER, C. – KAMBER, P. – MANGOLD, M. Katalog der mittelalterlichen Handschriften des Klosters St. Urban. Dietikon-Zürich, Urs Graf Verlag, 2013, 272 p., ill., ISBN 978-3-85951-278-8. Catalogus codicum manuscriptorum Medii Aevi latinorum qui in Bibliotheca Jagellonica Cracoviae asservantur. Vol. X: Numeros continens inde a 1431 usque ad 1500. Red. A. KOZŁOWSKA – L. NOWAK – A. SOBAŃSKA, et al. Kraków, Bibliotheka Jagiellońska – Księgarnia Akademicka, 2012, XXVIII-535 p., ISBN 978-83-7638-256-2. Chronicon. Medieval Narrative Sources. A Chronological Guide. With Introductory Essays. Ed. J. M. BAK – I. JURKOVIĆ (= Brepols Essays in European Culture, 5). Turnhout, Brepols, 2013, 493 p., ISBN 978-2-503-54833-3. Evangelium secundum Iohannem. Ed. P. H. BURTON – H. A. G. HOUGHTON – R. F. MACLACHLAN – D. C. PARKER. Fasc. 2: Jo 4,49 - 9,41 (= Vetus Latina, 19). Freiburg, Herder, 2013, 360 p., ISBN 978-3-451-00319-6. Evangelium secundum Marcum. Ed. J.-Cl. HAELEWYCK. Fasc. 2: Introduction (fin); Mc 1,1-43 (= Vetus Latina, 17). Freiburg, Herder, 2013, 80 p., ISBN 978-3-451-00587-9. Die Handschriften der Signaturenreihe Hdschr. der Staatsbibliothek zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz. Teil 1: Hdschr. 1-150. Beschr. K. HEYDECK (= Staatsbibliothek zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz. Kataloge der Handschriftenabteilung. 1. Reihe: Handschriften, 9). Wiesbaden, Harrassowitz, 2013, 301 p., ISBN 978-3-447-06793-5. Katalog der lateinischen Fragmente der Bayerischen Staatsbibliothek München. Bd 3: Clm 29550-29990. Kurzkatalog mit Nachträgen zu den Katalogbänden 1 und 2 nebst einem Anhang zu den bislang nicht ausgelösten Handschriftenfragmenten. Beschr. von H. HAUKE – W.-V. IKAS (= Catalogus codicum manu scriptorum Bibliothecae Monacensis, IV, 12/3). Wiesbaden, Harrassowitz, 2013, XX-459 p., ISBN 978-3-447-06944-1. I manoscritti datati della Biblioteca Riccardiana di Firenze. IV: Mss. 2001-4270. Cur. T. DE ROBERTIS – R. MIRIELLO (= Manoscritti datati d’Italia, 23). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2013, XI-173 p. + 155 pl. + 1 CD-ROM, ISBN 978-88-8450-491-3.

PUBLICATIONS REÇUES

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VARIA

DOLBEAU, Fr. Une collection méconnue de Sermons sur les Psaumes, in Tractatio scripturarum. Philological, Exegetical, Rhetorical and Theological Studies on Augustine’s Sermons. Ministerium sermonis. Vol. II. Ed. A. DUPONT – G. PARTOENS – M. LAMBERIGTS (= Instrumenta patristica et mediaevalia, 65). Turnhout, Brepols, 2012, p. 9-39. —, Un Sermon prêché durant des intempéries, témoin négligé de versets d’Isaïe en vieillelatine, in Revue d’études augustiniennes et patristiques, 59 (2013), p. 95-116. GOLINELLI, P. Celestiniana 2010. Rassegna, in Benedictina, 58 (2011), p. 231-235. —, Sul contributo di Polirone alla cultura giuridica italiana, in Benedictina, 59 (2012), p. 393400. LAFLI, E. – KAN ŞAHIN G. Pottery from southwestern Paphlagonia II. Unguentaria and Lamps, in Naturwissenschaftliche Analysen vor- und frühgeschichtlicher Keramik III: Methoden, Anwendungsbereiche, Auswertungsmöglichkeiten. Hg. B. RAMMINGER – O. STILBORG – M. HELFERT (= Universitätsforschungen zur prehistorischen Archaeologie aus der Abteilung Vor- und Frühgeschichtliche Archaeologie der Universität Hamburg, 238). Bonn, 2013, p. 353-378, ill. LUCÀ, S. Guglielmo Sirleto e la Vaticana, in La Biblioteca Vaticana tra riforma cattolica, crescita delle collezioni e nuovo edificio (1535-1590). Cur. M. CERESA (= Storia della Biblioteca Apostolica Vaticana, 2). Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2012, p. 145-188, ill. MARTELLO, F. Paterius, in La trasmissione dei testi latini del Medioevo / Mediaeval Latin Texts and Their Transmission. Te.Tra.4. Cur. P. CHIESA – L. CASTALDI (= Millennio Medievale, 94; Strumenti e Studi, 32). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2012, p. 431-446. NORET, J. Comment a-t-on trouvé le véritable auteur du commentaire sur l’Ecclésiaste longtemps attribué à Grégoire d’Agrigente ?, in Ho Theológos, 30 (2012), p. 159-165. PERSOONS, E. Het Herentalse handschrift van Het Ryck Gods van Joannes Evangelista van ʼsHertogenbosch, O.F.M. Cap., in Historisch Jaarboek van Herentals, 22 (2012), p. 64-70, ill. RONZANI, R. La tradizione manoscritta dei Dialogi di Gregorio Magno in Spagna. Nota su una recente ricognizione, in Augustinianum, 53 (2013), p. 231-260. YEVADIAN, M. Mani et l’Arménie, in Haigazian Armenological Review, 31 (2011), p. 405-412.

INDEX SANCTORUM Indicem in pagellas 60-128, 161-192 videsis supra p. 130-133, 192-195 Abiath et Hattaï mm.: cf. Narses, Ioseph et soc. mm. Abundius mon. Villariensis: 302, 311 Acacius centurio m. Byzantii: 463 Acacius ep. Melitenae: 198 Acacius primicerius et soc. mm. 10000: 396 Acepsimas, Ioseph et Aeithalas mm.: 295 Adalbertus ep. Prag. m.: 445-446 Adalpretus ep. Tridentinus m.: 463 Aegidius ab. in Occitania: 233, 396 Aemilianus m. Durostori: 14, 199 Agape, Chionia et Irene vv. mm.: 199 Aggai ep. Edessae: 197 Agilolfus ep. m. Colon.: 213 Agnellus ab. Neapoli: 218-219 Agnes de Bohemia, Ord. S. Clarae: 445446 Agnes v. m. Romae: 463 Agrippina m. Romae: 216 Agrippinus ep. Neapolitanus: 219 Agritius ep. Treverensis: 202 Albertus Magnus O. P.: 450 Albertus erem. in territorio Senensi: 230 Albina m. Romana e catacumbis eruta: 464 Alexander et Antonina mm.: 216 Alexius seu Homo Dei conf.: 197 Alphius, Philadelphus, Cyrinus et soc. mm. Leontinis in Sicilia: 464 Alphonsus a Ligorio: 233 Amandus ep. Traiectensis: 442-443 Ambrosius ep. Mediolan.: 430, 433-434 Amos propheta: 216 Andreas ap.: 430-432, 464 Andreas in Crisi m. CP: 286 Angela de Fulginio: 455 Angeli: 396 Anselmus ep. Cantuariensis: 230 Anthimus ep. Nicomediensis m.: 235

Antonius de Padua: 452 Antonius ab. in Thebaide: 235, 330-331, 429, 447, 452 Apollinaris ep. Ravennas: 463 Apophthegmata Patrum: 441, 464 Apostoli: 8, 198, 216, 234 Aquilina v. m. Bybli in Phoenicia: 216 Archangeli: 206 Aredius ab. Lemovicinus: 220 Ari presb. m. in Aegypto: 53-58 Arnulfus ep. Mettensis: 453 Arnulfus mon. Villariensis: 301-302, 304 Asella v. Romae: 430 Ᾱsia (al. Pantaleon): 198 Attalus m. Lugduni: 216-217 Athanasius ep. Alexandriae: 460 Athanasius Athonita: 292-293 Athanasius ep. Neapolitanus: 218 Augustinus ep. Hippon.: 318-319, 430, 452, 464 Aurea abb. Parisiis: 464 Auxiliatores (sancti XIV): 396 Aventinus presb. erem. Trecis: 229 Barbara v. m.: 386, 389-390, 396 Barlaam et Iosaphat: 452 Barnabas ap.: 216 Barsauma Syrus mon.: 198 Barsimaeus ep. Edessae m.: 197 Bartholomaeus ap.: 216, 454 Bartholomaeus erem. Farnensis: 230 Bartholomaeus Pucci-Franceschi: 235 Bartholomaeus conditor mon. S. Mariae Rossani et S. Salvatoris Messanae: 208 Basilius ep. Caesareae: 229 Bavo conf. Gandavi: 407 Behnam, Sara et soc. mm. in Perside: 198 Benedictus ab. Casinensis: 226, 447 Benno ep. Misnensis: 234 Berardus ep. Marsorum: 196, 235

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INDEX SANCTORUM

Bernardinus Senensis: 234 Bernardus ab. Claravallensis: 304-306, 340-341, 394, 452 Bibianus seu Vivianus ep. Sancton.: 220 Birgitta Suecica: 234, 403, 455 Blasius Amoriensis mon.: 296 Blasius ep. Sebastenus m.: 215, 233, 396 Brendanus ab. Clonfert.: 210, 441 Bruno fund. Ord. Carthus.: 384-386, 394, 398 Caesarius ep. Arelatensis: 142, 430 Callistus m. Amorii: cf. Martyres XLII Calocerus Brixiensis m.: 464 Canutus Laward dux: 234 Carolus Borromaeus: 462 Carolus Magnus imp.: 234 Cassius m. Thebaeus: cf. Gereon Cataldus ep. Tarentinus: 218 Catharina v. m. Alexandriae: 231, 396 Catharina Mattei a Raconiscio: 223 Catharina Senensis: 224, 236, 455, 464 Charalampes m.: 460 Charitina v. m. Coryci in Cilita: 268, 270 Christina Mirabilis v.: 455 Christophorus m. in Lycia: 396 Cirycus et Iulitta mm.: 442, 454 Clara v. Assisiensis: 455 Clara de Cruce abb. apud Montem Falconem: 223, 455 Clemens I p.: 145 Colomannus m. in Austria: 449 Columba ab. Hiensis: 224 Columbanus ab. Luxov.: 202-203, 205 Conon m. Iconii: 199 Constantinus imp.: 17, 26-27, 32-33, 45, 198, 405, 429, 433, 436, 439 Conwoion ab. Rotonensis.: 236 Crispinus et Crispinianus mm.: 449 Crux Christi: 233, 235, 236, 244, 247, 344-345, 370, 405 Exaltatio: 242, 245 Cyprianus ab. Calamit. in Calabria: 208 Cyprianus ep. Carthaginiensis m.: 198 Cyriacus, Largus et Maximianus et soc. mm. Romae: 396

Cyrillus archiep. Alexandriae: 216 Cyrillus ep. Hierosolym.: 14 (?), 21, 2427, 32-33, 40 Cyrillus et Methodius Slavorum apost.: 464 Cyrus frater Theodosii imp. mon.: 54 Cyrus et Iohannes mm. in Aegypto: 216, 464 Dalmatus ab. CP: 288-289 Daniel propheta et tres pueri: 289 Dasius m. Durostori: 199 David, Symeon et Georgius conf. Mytilenae: 205-206 David solitarius Thessalonic.: 216-217 Demetrius m. Thessalonic.: 242, 246, 460 Desiderius ep. Cadurcensis: 203 Diomedes, Orestes et Rhodon mm.: 216 Diomedes m. Niceae: 208 Dionysius ep. Alexandrinus: 403 Dionysius Areopagita: cf. Dionysius ep. Parisiensis Dionysius ep. Parisiensis: 151, 236, 396, 403, 405 Dominicus fundator O. P.: 447, 453 Dominicus Loricatus mon.: 234 Domnina m. Anazarbi: 268 Donatus et Advocatus mm.: 198 Dormientes septem Ephesi mm.: 437 Dorothea v. m.: 452 Dorotheus m. Tyri: 216-217 Draconius ab. Parisiensis (?): 391-392 Droctoveus ab. Parisiensis: 392 Dunstanus ep. Cantuariensis: 211-214 Editha abb. Wiltoniensis: 412 Eduardus rex Anglorum m.: 212, 234 Egil ab. Prumiensis: 152 Elias Spelaeotes mon. in Calabria: 208 Elias propheta: 14, 328-329 Elias Siculus mon. in Calabria: 208 Eligius ep. Noviomensis: 220, 449 Elisabeth mater S. Iohannis Baptistae: 248, 256-259 Elisabeth mon. in Erkenrode: 304 Elisabeth landgravia Thuringiae: 236

INDEX SANCTORUM Elisaeus propheta: 216 Ephraem Syrus diac. Edessae: 51-59, 197198 Epiphanius ep. Ticinensis: 430 Erasmus ep. m. in Campania: 396 Ermengaudus ep. Urgellensis: 214-215 Ethelwoldus ep. Wintoniensis: 212 Eugenius ep. Carthaginensis: 220 Euphemia v. m. Chalcedone: 197 Euplus seu Euplius diac. m. Catanae: 199 Eusebius ep. Samosatenus: 216 Eustachius (al. Placidus), Theopiste uxor et filii mm.: 54, 396 Eustathius ep. Antiochenus: 216 Eustochius presb. et soc. mm.: 216 Eustratius, Auxentius et soc. mm. in Armenia: 207 Eutropius ep. Sanctonensis: 441 Evagrius Ponticus: 435 Evermarus m. in agro Tungrensi: 449 Facundus et Primitivus mm. in Galecia: 464 Febronia v. m. Nisibi: 197, 205-206, 216217 Felix a Cantalicio: 236 Fides v. m. Aginni: 214, 441 Fides, Spes, Caritas et earum mater Sophia mm.: 197 Florentius m. Thebaeus: cf. Gereon Fortunatus ap. (unus ex LXX): 216 Franca abb. Ord. Cist. Placentiae: 396 Francisca Romana vid.: 455, 464 Franciscus Assisiensis: 224, 236, 446-447, 459 Franciscus Borgia: 403 Franciscus de Paula: 396, 464 Franco mon. Villariensis: 302 Frigdianus ep. Lucensis: 441 Fructuosus ep. Bracarensis: 229 Fulgentius ep. Ruspensis: 430 Furseus ab. Latiniacensis: 210 Fuscianus, Victoricus et Gentianus mm. Ambianis: 202, 449

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Gabriel archangelus: 248, 256-259, 289290 Gabriel Kostanensis ep.: 197 Galaction et Episteme mm. Emesae: 295 Gallus ab. in Alamannia: 202-205, 220, 449 Gamaliel, Nicodemus et Abibus: 6, 8 Gatianus ep. Turonensis: 201 Gebehardus ep. Constantiensis: 236 Geminianus ep. Mutinensis: 236 Georgius Cappadox m.: 198, 200, 208, 220, 396, 441, 460, 464 Geraldus comes Auriliacensis: 221 Gerardesca de Pisis: 455 Gerardus Maiella: 233 Gerardus ab. Broniensis: 234, 403 Gerardus ep. Chanadensis m.: 218 Gereon et soc. mm. Coloniensis: 202, 398 Germanus ep. Autisiodorensis: 224, 430 Gervasius et Protasius mm.: 463 Gislenus ab. in Hannonia: 136, 140-141, 403 Gobertus comes Asperi Montis mon.: 300, 302, 311 Godefridus mon. sacrista Villar.: 302, 311 Godehardus ep. Hildesheimensis: 234 Godeleva v. m. Ghistellae: 449 Godricus erem. Finchalae in Anglia: 229 Gregorius Magnus p.: 203, 229 Gregorius ep. Lingonensis: 394 Gregorius Nazianzenus ep. CP: 51, 429 Gregorius ep. Nyssenus: 391 Gummarus conf. Lirae: 403 Guntherus erem. in Bohemia: 236, 445446 Gurias, Samonas et Abibus mm.: 197 Guthlacus erem. Croylandiae: 229 Habib diac. m. Edessae: 197 Halvardus m. in Norvegia: 236 Hananias ep. Mardin: 198 Helena imperatrix: 198, 433 Henricus Walpole m.: 137 Heribertus ep. Coloniensis: 394, 465 Hieron et soc. XXXII mm. Melitin.: 295

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INDEX SANCTORUM

Hieronymus presb.: 393-394, 430, 435 Hilarion hegum. Dalmat. CP: 216 Hilarion Hiberus mon.: 236 Hildulfus chorep. Treverensis: 202 Hippolytus presb. Romanus: 14 Hugo ep. Gratianopolitanus: 384, 394 Humilitas abb. prope Florent.: 455 Hypatius hegum. Rufinian. in Bithynia: 216-217 Ia v. m. in Perside: 269 Iacobus Maior ap.: 215, 233, 236 Iacobus Baradaeus ep. Edessae: 197 Iacobus ep. Nisibenus: 197, 426 Iacobus Picenus seu de Marchia: 221 Iacobus ep. Sarugensis: 198, 205 Ida Hertzfeldensis vidua: 398 Ida de Lovanio mon. in Valle Rosarum: 304 Ieremias propheta: 260-261 Iesus Christus: 43, 48-49, 201, 206, 303304, 307-309, 326-374, 429, 460 Ascensio: 14, 245 Circumcisio: 243 Hypapante: 242 Imago / Imagines: 208 Lotio pedum: 244 Nativitas: 207, 242, 246, 271-272, 454 Reliquiae: 235 Sepultura: 233, 244 Transfiguratio: 245 Ignatius ep. Antiochiae m.: 199 Ignatius patr. CP: 440 Innas, Rhemas et Pinas mm. Gothi: 216217 Innocentes mm.: 9-10 Innocentius m. Thebaeus: 201 Ioannicius mon. in Bithynia: 295 Iob patriarcha: 222, 346-347 Iohannes evangelista: 350-351, 441, 460 Iohannes Baptista: 8, 216, 237, 241-267, 460 Iohannes Birellus Ord. Carthus.: 384 Iohannes de Bridlingtona prior: 234 Iohannes Calybita mon. CP: 54 Iohannes Cassianus: 465

Iohannes Chrysostomus ep. CP: 237, 241267, 433-435 Iohannes Cornerius Ord. Carthus.: 385 Iohannes ep. Gothiae: 216-217 Iohannes Gualbertus: 229 Iohannes ep. Mardensis: 198 Iohannes Olini: 225 Iordanus a Saxonia O. P.: 230 Ioseph patriarcha et Aseneth uxor: 269, 436 Ioseph et soc. mm. (in Aegypto ?): 216217 Iosephmaria Escrivá: 237, 457-458 Irene iunior Atheniensis imp.: 284-285 Isaac et Maximianus Donatistae mm.: 199 Isaac mon. Kievocryptensis: 222 Isaacius hegumenus CP: 17, 288-289 Isaias propheta: 260-263, 439 Isaurus, Basilius, Innocentius et soc. mm. Apolloniae: 216 Isidorus presb. Alexandriae: 435 Isidorus ep. Hispalensis: 203 Iulianus Anazarbenus m.: 216-217 Iulianus m. cultus Arimini: 139, 152 Iulianus, Basilissa et soc. mm.: 453 Iulianus Sabas erem. in Mesopotam.: 198 Iurenses Patres: 199-200, 430 Iustinus philosophus m. Romae: 216-217 Iustus puer Autisiodor. m. Bellovac.: 449 Kentigernus ep. Glascuensis: 210 Landuinus Ord. Carthus.: 384 Laurentius diac. m. Romae: 14 Laurentius ep. Sipontinus: 237 Lazarus amicus Christi: 244 Lea vid. Romae: 430 Legenda aurea: 219, 378, 383, 398, 441, 449, 454-455 Leo Bembo: 225 Leodegarius ep. Augustodunensis: 403 Leontius, Hypatius, Theodulus et soc. mm. Tripoli: 216 Liutgardis mon. Aquiriensis: 304, 455 Lucas evangelista: 16, 204

INDEX SANCTORUM Lucas ab. Armenti in Lucania: 208 Lucas ep. Isolae in Calabria: 208 Lucas Gourniokotes: 230 Lucas iunior erem. in Hellade: 230 Lucianus ep. et soc. mm. Bellovaci: 449 Lucillianus, Paula et pueri IV mm.: 216217 Ludmilla ducissa Bohemiae: 445-446 Ludovicus IX rex Francorum: 201 Macarius mon. in Calabria: 222 Machabaei mm.: 198, 398 Macra v. m.: 449 Magi tres: 379, 394, 450 Magnus ab. Faucensis: 203 Maiolus ab. Cluniacensis: 237 Malusius m.: cf. Gereon Mamelchtha m. in Perside: 268-275 Mamertinus ab. Autisiodorensis: 229 Mamilianus (ep. Panormit.?) et soc.: 220 Manuel, Sabel, Ismael Persae mm. CP: 216-217 Marcella vidua Romana: 430 Marculus presb. Donatista: 199 Marcus evangelista: 465 Margarita seu Marina v. m. Antioch.: 396 Margarita de Ipris: 455 Margarita v. Ord. Carthus. in dioecesi Lugd.: 385 Margarita a Sabaudia: 223 Margarita v. Ungariae regis filia: 237 Maria Aegyptiaca: 244 Maria Deipara: 197, 206-208, 222, 225, 237, 243, 247, 256-259, 303, 305-306, 308-309, 322-323, 338-343, 346-347, 358-359, 366-367, 369-370, 372-374, 390, 455, 460 Annuntiatio: 244 Conceptio: 302, 306-308, 312, 338, 340-341, 372 Dormitio: 14, 242, 245, 247 Imagines: 235, 440 Miracula: 207, 221-222, 230, 244 Nativitas: 245 Praesentatio: 245 Reliquiae: 221

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Maria Magdalena: 320-321, 348-349, 453, 465 Maria Oigniacensis: 237, 450-452, 455, 465 Maris ap. Assyriae, Babyloniae et Persidis: 197, 272 Martha v. hospita Christi: 447 Martinus ep. Turonensis: 233, 302, 352353, 360-361, 371, 441, 449 Martyres XLII Amorienses: 289 Martyres Gorcumienses: 456-457 Martyres in Perside: 197, 237, 269-271 Martyres Thebaei: 201-202 Martyres XV Tiberiopolitani: 237 Martyria, Philopator et Eutopius mm.: 54 Maruthas ep. Maipheractensis: 197, 271 Maruthas metropolit. Tagritensis: 197 Maternus ep. Coloniensis: 394 Matrona Pergensis mon. CP: 295 Mauritius et soc. mm. Agaunenses: 199202, 237 Maurus ep. Caesenas: 234 Maurus presb. et soc. mm. Remis: 465 Maurus Syrus et Felix filius eius: 220 Maurus ep., Pantaleemon et Sergius mm. Vigiliis: 218 Maxentia vidua prope Tridentum: 463 Maxima, Secunda et Donatilla vv. mm.: 199, 237 Maximus levita m. Aquilanus: 198 Maximus confessor CP: 287-288, 297 Meingoldus comes, cultus Hoii: 202 Meinwercus ep. Paderbornensis: 465 Melania iunior matrona Romana: 19 Melania senior matrona: 435 Menas m. in Aegypto: 295, 460 Mercurialis m. Foroliviensis: 220 Methodius patriarcha CP: 216 Metrophanes ep. CP: 6, 8-9, 14, 21, 23, 216-217 Michael archangelus: 151, 220, 237, 289290 Milada abb. Pragensis: 445-446 Modestus ep. Hierosolymitanus: 460 Monachi in Sina et Raithu mm.: 209 Monica vid. mater S. Augustini: 455

474

INDEX SANCTORUM

Moyses legislator et propheta: 328-329, 334-335, 358-359 Mustiola m. Clusii: 237 Namphasius erem. Marciliacensis: 465 Narses, Ioseph et soc. mm. in Sahrgerd: 269-270 Nazarius et Celsus mm. Mediol.: 463 Neophytus presb. reclusus in Cypro: 439 Nicander, Marcianus et soc. mm.: 216217 Nicephorus patr. CP: 216-217 Nicodemus Hagiorita: 439 Nicolaus ex milite mon. saec XI: 209 Nicolaus ep. Myrensis: 43, 233, 245, 277, 288-289, 338-339, 372, 459, 460 Nicolaus hegum. Sionita: 237, 277, 459 Nicolaus Studita mon. CP.: 209, 286-287, 296-297 Nicolaus a Tolentino: 221, 223 Nicolosa Bursa abb.: 225 Nicon Metanoeite mon. Lacedaem.: 230 Nilus ab. Cryptae Ferratae: 208 Ninianus ep., ap. Pictorum: 210 Odilo ab. Cluniacensis: 234 Onuphrius anachoreta: 216-217 Oswaldus rex Nordanhymbr. m.: 449 Oswaldus ep. Wigorn., dein Eborac.: 212213 Otmarus ab. Sangallensis: 203 Pancharius m. Nicomediae: 216-217 Pantaleon seu Panteleemon m. Nicomediae: 206, 396 Parasceve m.: 276-279 Parasceve iunior Epibatis: 276 Parasceve m. soror Photinae: cf. Photina Paris ep. Teanensis: 220 Patianus ep. Barcinonensis: 391 Patriarchae et prophetae: 245 Patricia v. CP, culta Neapoli: 218 Patricius ap. Hibernorum: 237, 441 Patrum Vitae: 208, 434-435 Paula vidua Romana: 430

Paulus ap.: 43, 216, 238, 242, 246, 393, 441 Paulus Confessor ep. CP: 295 Paulus simplex erem. in Thebaide: 268 Paulus Thebaeus erem.: 330-331 Petrus ap.: 216, 242, 246, 393, 436, 455 Petrus Athonita: 216 Petrus Damianus: 234 Petrus Faverius Ord. Carthus.: 385 Petrus de Luxemburgo: 234 Petrus de Murrone p.: 238 Petrus conversus Villariensis: 299-374 Philippus ap.: 49, 238, 290 Philothea v. Atheniensis: 431 Phocas ep. m. Sinope: 238, 432-433 Phocas hortulanus Sinope: 433 Photina Samaritana et soc. mm.: 238, 276 Photinus ep. Lugdun. et soc. mm.: 210 Photius patr. CP: 439 Piatus seu Piato presb. m.: 449 Pius a Pietrelcina: 225 Plato ab. Saccudionis: 293 Polyeuctus m. Melitenae: 460 Posidonius asceta (Ian. 16): 465 Procopius ab. Pragensis: 445-446 Pulcheria imperatrix: 5, 19-20 Quintinus m. Viromandensis: 449 Rabbulas ep. Edessae: 197 Radegundis regina Francorum: 430 Reinoldus m. Coloniae: 398 Rodulfus erem. Avellan. ep. Eugubinus: 234 Rofillus ep. Foropopiliensis: 220 Romualdus ab. fundator Camald.: 234 Rosa a S. Maria seu Limana: 223 Rufinus et Valerius mm. in agro Suession.: 449 Sabas Gothus m.: 199 Sabas iunior mon. in Sicilia: 222 Sallita coenobiarcha in Zabdicene: 197 Sampson presb. xenodochus CP: 216-217 Samuel propheta: 255

INDEX SANCTORUM Sancti martyres: 234 Sancti milites: 238 Sancti Scotiae: 209-211 Sarbelus et Bebaia mm. Edessae: 197 Saturninus, Felix, Dativus, Ampelius et soc. mm. Abitinae: 199, 238 Schetzelo erem.: 230 Sebaldus erem. Norimbergensis: 234 Sebasteni XL mm.: 198, 391-392 Sebastianus m. Romae: 199 Senzius (Sensias) presb. in Tuscia: 220 Sergius et Bacchus mm.: 198 Sergius a Radonež: 225-227 Servanus ep. in Scotia: 229 Severinus presb. in Norico: 219 Severus Antiochenus patr.: 198, 436-438 Sicus, Philippus, Marianus, Concessus et soc. mm.: 391 Silvester p.: 219-220 Simon et Iudas (Thaddaeus) app.: 204 Sixtus II p.: 14 Šmoni mater Macchabeorum: 198 Sophia et filiae tres mm.: cf. Fides, Spes, Caritas… Sophia monialis O. Cist.: 451 Stanislaus ep. Cracoviensis m.: 233 Stephanus iunior conf. (vel m.) CP: 290 Stephanus protomart.: 198, 218, 429, 460 Inventio: 5-6, 9-14, 17-18, 21-22, 437 Translatio: 5-50 Stephanus ep. Diensis: 384-385 Stephanus ab. Obazinensis: 465 Susanna Babylonia: 260-261 Symeon ep. Carrhanita: 198 Symeon Metaphrastes logotheta CP: 286 Symeon Sinaita, reclusus Trevir.: 238 Symeon stylita senior: 47, 330-331 Symeon stylita iunior: 293 Syrus ep. Ianuensis: 220 Teresia a Iesu: 238, 403, 414 Thaddaeus ap.: 197 Thaddaeus Studita mon.: 293 Thecla v. discipula Pauli: 441

475

Theoctista Lesbia in insula Paro: 295 Theodorus stratelates m.: 198, 216, 460 Theodorus Studita: 280-298, 465 Theodorus tiro m.: 243 Theodotus et virgines VII mm. Ancyrae: 216 Theodutus Amidensis: 198 Theophanes conf. chronographus hegum. Sigrianae in Bithynia: 286, 291, 465 Thomas ap.: 48 Thomas de Cantilupe: cf. Thomas Herefordensis Thomas ep. Cantuariensis: 235, 465 Thomas ep. Herefordensis: 223 Thyrsus, Bonifatius et soc. mm. Trever.: 202 Timotheus ep. Prusae m.: 216 Trinitas: 226, 309, 352-353, 366-367 Tychon ep. Amathuntis in Cypro: 216 Udalricus ep. Augustanus: 227 Ursula et soc. 11000 vv. mm.: 394 Valentinus ep. Raetiarum: 465 Venantius Fortunatus ep. Pictav.: 203 Venantius cultus Salonae: 436 Venera (al. Parasceve) v. m.: 276-279 Veronica de Binasco: 455 Veronica matrona Hierosolymitana: 465 Vigilius ep. Tridentinus m.: 463 Vitalis et Agricola mm. Bononiae: 463 Vitalis et Valeria mm.: 463 Vitus, Modestus et Crescentia mm.: 396 Walaricus ab. Leuconaensis: 229 Waldetrudis abb. Montibus: 466 Wenceslaus dux Bohemiae m.: 444-446 Wiborada v. m. prope S. Gallum: 203 Wigbertus fundator monast. Gemblac.: 137, 143-144 Wilfridus ep. Eboracensis: 213 Willelmus Fenol. Ord. Carthus.: 384-385 Willelmus Firmatus conf.: 229 Willelmus ab. Hirsaugiensis: 230

INDEX SANCTORUM

476 Willelmus Magnus erem.: 220

Zenon et Zenas mm. Philadelphiae in Arabia: 216-217 Zoilus et soc. mm. Cordubae: 466 Zosimus m. in Pisidia: 216-217

Zacharias propheta: 6, 260-261 Zenais thaumaturga m.: 270

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INDEX OPERUM RECENSITORUM Agiografia e culture popolari 217 Ο Απόστολος Ανδρέας στην ιστορία και την τέχνη 430 Aranda, cf. Josemaría Escrivá Autour de S. Maurice 199 Bartolomei Romagnoli, Santità e mistica femminile nel Medioevo 455 Benedetto XIV, La beatificazione dei servi di Dio e la canonizzazione dei beati 232 Bernardo d’Angers, Liber miraculorum S. Fidis 214 Binggeli, cf. L’hagiographie syriaque Bottiglieri, cf. Milone di Saint-Amand Bozoky, Miracle ! 440 Bretscher-Gisiger – Gamper, cf. Katalog der mittelalterl. Hss der Klöster Muri und Hermetschwil Bretscher-Gisiger – Gamper, cf. Katalog der mittelalterl. Hss des Klosters Wettingen... Brocard – Vannotti – Wagner, cf. Autour de S. Maurice Brock, cf. The Martyrdom of St Phokas Brock – Fitzgerald, cf. Two Early Lives of Severos Byzantine Religious Culture 205 Cajani, cf. Lettere di Achille Ratti Catalogue of Books Printed in the 15th Cent. in Swedish Collections 461 Codex Lesbiacus Leimonos 11 216 Concilium universale Nicaenum secundum. Concilii actiones IV-V 229 Conversaciones con Mons. Escrivà de Balaguer 457

Il cristianesimo in Istria 435 Dalarun, cf. Vie et miracles de Bérard The Early Lives of St Dunstan 211 Die Echternacher Hss bis zum Jahr 1628 in den Beständen der Bibl. nat. de Luxembourg, sowie der Archives diocésaines, des Archives nationales, der Section historique de l’Institut grand-ducal und des Grand Séminaire de Luxembourg 179 Epifanio il Saggio, Vita di S. Sergio di Radonež 225 Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin 433 Expériences religieuses et chemins de perfection dans l’Occident médiéval 446 Falmagne – Deitz, cf. Die Echternacher Hss Glauche, cf. Katalog der lat. Hss der BSB München. Die Pergamenthandschriften aus dem Domkapitel Freising Golinelli, cf. Agiografia e culture popolari Greatrex, The Chronicle of Ps.-Zachariah Rhetor 436 L’hagiographie syriaque 196 Die Hss der Staats- und Stadtbibl. Augsburg 8° Cod 1-232 167 Hauke – Freckmann, cf. Katalog der lat. Hss der BSB München. Die Hss aus Augsburger Bibl. Der heilige Gallus 612/2012. Leben – Legende – Kult 202 Helmer – Hauke – Wunderle, cf. Katalog der lat. Hss der BSB München. Die Hss aus St. Emmeran in Regensburg Horowski, cf. Repertorium sermonum

INDEX OPERUM RECENSITORUM Huygens, cf. Iacobus de Vitriaco, Vita Marie de Oegnies Iacobi de Vitriaco sermones vulgares 450 Iacobus de Vitriaco, Vita Marie de Oegnies – Thomas Cantipratensis. Supplementum 450 Icons from the Thracian Coast of the Black Sea in Bulgaria 460 Illanes – Méndiz, cf. Conversaciones con Mons. Escrivà de Balaguer Jean de Mailly, Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum 453 Josemaría Escrivà de Balaguer, Es Cristo que pasa. Homilías 457 Katalog der Hss in der Stiftsbibl. Einsiedeln. T. 2 176 Katalog der mittelalterl. Hss bis zum Ende des 16. Jhs in der ZB der Wiener Franziskanerprovinz in Graz 178 Katalog der lat. Hss der BSB München. Die Hss aus Augsburger Bibl. Bd. 2 184 Katalog der lat. Hss der BSB München. Die Pergamenthandschriften aus dem Domkapitel Freising. Bd. 2 186 Katalog der lat. Hss der BSB München. Die Hss aus St. Emmeran in Regensburg. Bd. 3 188 Katalog der mittelalterl. Hss der Klöster Muri und Hermetschwil 162 Katalog der mittelalterl. Hss des Klosters Wettingen. Katalog der mittelalterl. Hss in Aarau, Laufenburg, Lenzburg, Rheinfelden und Zofingen 165 Katos, Palladius of Helenopolis 434 Kitzler, cf. Příběhy raně křesťanských mučedníků Kompatscher – Classen – Dinzelbacher, cf. Tiere als Freunde im Mittelalter Kubín, Sedm přemyslovských kultů 445 Kubín, cf. Svatý Václav Lackner, et al., cf. Katalog der mittelalterl. Hss bis zum Ende des 16. Jhs in der Zentralbibl. der Wiener Franziskanerprovinz in Graz

477

Lamberz, cf. Concilium universale Nicaenum secundum Lang, cf. Katalog der Hss. in der Stiftsbibl. Einsiedeln Legends of Scottish Saints 209 Lettere di Achille Ratti, vol. 4 461 Liebeschuetz, Ambrose and John Chrysostom 433 Longère, cf. Iacobi de Vitriaco sermones Macquarrie – Butter – Taylor – Márkus, cf. Legends of Scottish Saints Madas, et al., cf. Mittelalterliche lat. HssFragmente in Sopron Maggioni, cf. Jean de Mailly Mallet – Thibaut, Catalogue des mss de l’abbaye de Clervaux 173 Marin – Mazzoleni, cf. Il cristianesimo in Istria The Martyrdom of St Phokas of Sinope. The Syriac Version 432 Mazurek – Ott – Siebert – Dreis, cf. Die mittelalterlichen Hss der Signaturengruppe B in der Universitäts- und Landesbibl. Düsseldorf Milone di Saint-Amand, Vita S. Amandi metrica 442 Die mittelalterlichen Hss der Signaturengruppe B in der Universitäts- und Landesbibl. Düsseldorf. T. 2. 174 Mittelalterliche lat. Hss-Fragmente in Sopron 190 Monaci Castagno, L’agiografia cristiana antica 429 Paganism in the Middle Ages 448 Paschalidis, Ἐν Ἁγίοις 438 Petr, Soupis rukopisu knihovny pri farním kostele svatého Jakuba v Brne 169 Pietri – Rondeau, cf. Eusèbe de Césarée Piovano, cf. Epifanio il Saggio, Vita di S. Sergio di Radonež Příběhy raně křesťanských mučedníků, 2 vol. 198 Pulz, et al., cf. Zwischen Himmel und Erde Ratti, cf. Lettere di Achille Ratti

478

INDEX OPERUM RECENSITORUM

Repertorium sermonum latinorum Medii Ævi ad laudem S. Francisci 459 Robertini – Ricci, cf. Bernardo d’Angers, Liber miraculorum S. Fidis Ruggieri, cf. Vita di S. Nicola di Sion Sant Ermengol bisbe d’Urgell 214 Saradi – Triantaphyllopoulos, cf. Ο Απόστολος Ανδρέας

Sawilla, Antiquarianismus, Hagiographie und Historie im 17. Jh. Zum Werk der Bollandisten 227 Schnoor – Schmuki – Tremp, cf. Der heilige Gallus Ševčenko, The Celebration of the Saints in Byzantine Art and Liturgy 230 Spanos, cf. Codex Lesbiacus Leimonos Sullivan – Fisher – Papaioannou, cf. Byzantine Religious Culture Steel – Marenbon – Verbeke, cf. Paganism in the Middle Ages Svatý Václav. Na památku 1100. výročí narození knížete Václava Svatého 444

Tepe, Oog in oog met de Martelaren van Gorcum 456 Tiere als Freunde im Mittelalter 229 Tourta, cf. Icons from the Thracian Coast Trede – Gehrt, cf. Die Hss der Staats- und Stadtbibl. Augsburg 8° Cod 1-232 Two Early Lives of Severos 436 Undorf, cf. Catalogue of Books Vie et miracles de Bérard évêque des Marses 196 Vincent, Le Père M.-J. Lagrange 462 Vita sancti Galli vetustissima. Die älteste Lebensbeschreibung des hl. Gallus 202 Vita di S. Nicola di Sion 459 Vizkelety, Mittelalterliche lat. Hss der Széchény-Nationalbibl. (405-556) 171 Winterbottom – Lapidge, cf. The Early Lives of St Dunstan Zwischen Himmel und Erde. Körperliche Zeichen der Heiligkeit 224

TABLE DES MATIÈRES TABLE OF CONTENTS

François BOVON – Bertrand BOUVIER. La translation des reliques de saint Étienne le premier martyr . . . . . . . . . .

5

Enzo LUCCHESI. L’Asceticon copte d’Éphrem le Syrien. Un nouveau feuillet rapporté à son codex d’origine . . . . . . . . 51 Cécile LANÉRY. Nouvelles recherches sur le légendier de Clairvaux .

60

Bernard JOASSART. Ursmer Berlière et les bollandistes Albert Poncelet et Hippolyte Delehaye . . . . . . . . . . . 134 Bernard JOASSART. L’absence remarquée des Bollandistes au sixième Congrès international de l’histoire des religions (Bruxelles, 1935). 154 François DOLBEAU. Catalogues de manuscrits latins. Inventaire hagiographique (trentième série) . .

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161

Sergey KIM. Une homélie inédite sur la décollation de Jean-Baptiste attribuée à Jean Chrysostome. Introduction, édition et traduction d’après le ms. Ochrid, Musée National, Inv. 1 (Mošin gr. 72) . . . . . . . . . . . . . 241

Xavier LEQUEUX. La Passion grecque (BHG 2245) inédite de Mamelchta, mystérieuse martyre en Perse . . . . . . . . . 268 Andrey VINOGRADOV. Saint Parasceve of Iconium and Her «Lost» Greek Acts . . . . . . . . . . . . . . . 276 Dirk KRAUSMÜLLER. The Vitae B, C and A of Theodore the Stoudite. Their Interrelation, Dates, Authors and Significance for the History of the Stoudios Monastery in the Tenth Century . . . . . . . . 280

Éric DELAISSÉ – Fabienne ARBOIT. La Vie de Pierre, convers de Villers-en-Brabant au XIIIe siècle. Édition critique et traduction . . . . . . . . . . . 299

TABLE DES MATIÈRES

480

Jean-Loup LEMAITRE. L’édition du martyrologe d’Usuard publiée à Cologne en 1515 et en 1521 par Johann Landen . . . . . 375 Bernard JOASSART. Documents sur la fin du Musée bollandien et du Musée Bellarmin / Historique . . . . . . . . . . 403 Bernard JOASSART. Paul Peeters au Liban. .

En marge de la Bibliotheca hagiographica orientalis

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Bulletin des publications hagiographiques .

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. 196 429

Publications reçues .

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. 233 463

Index Sanctorum .

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469

Index operum recensitorum .

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Table des matières – Table of Contents .

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Résumés – Summaries: 23, 55, 128, 267, 275, 279, 298, 313, 400

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Each annual volume (2 issues): 110 € 25 € + shipping Sergey KIM. Une homélie inédite sur la décollation de Jean-Baptiste attribuée à Jean Chrysostome.

Minimum purchase of 4 volumes

Introduction, édition et traduction d’après le ms. Ochrid, Musée National, Inv. 1 (Mošin gr. 72) . . . . . . . . . . . . . 241

Xavier LEQUEUX. La Passion grecque (BHG 2245) inédite de Mamelchta, mystérieuse martyre en Perse . . . . . . . . . 268 Andrey VINOGRADOV. Saint Parasceve of Iconium and Her «Lost» Greek Acts . . . . . . . . . . . . . . . 276

– Just published – SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 93

Dirk KRAUSMÜLLER. The Vitae B, C and A of Theodore the Stoudite.

Introd., éd. critique et trad. française par Jacques DALARUN

Their Interrelation, Dates, Authors and Significance for the History of the Stoudios Monastery in the Tenth Century . . . . . . . . 280

Éric DELAISSÉ – Fabienne ARBOIT. La Vie de Pierre, convers de Villers-en-Brabant au XIIIe siècle. Édition critique et traduction . . . . . . . . . . . 299

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Jean-Loup LEMAITRE. L’édition du martyrologe d’Usuard publiée à Cologne en 1515 et en 1521 par Johann Landen . . . . . 375

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 92 François DOLBEAU

Bernard JOASSART. Documents sur la fin du Musée bollandien et du Musée Bellarmin / Historique . . . . . . . . . . 403

Prophètes, apôtres et disciples dans les traditions chrétiennes d’Occident

Bernard JOASSART. Paul Peeters au Liban. .

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En marge de la Bibliotheca hagiographica orientalis

Vies brèves et listes en latin 2012, XVI-437 p.

Bulletin des publications hagiographiques Publications reçues

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Index Sanctorum .

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Index operum recensitorum .

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Table des matières – Table of Contents

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Du même auteur: Sanctorum societas. Récits latins de sainteté (IIIe-XIIe s.) € 120*

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469 476

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. 479

De Constantinople à Athènes. Louis Petit et les Bollandistes Résumés – Summaries: 267, 275, 279, 298, 313, 400

Correspondance d’un archevêque savant (1902-1926) Présentation, édition et commentaire par Bernard JOASSART

Ce numéro a paru le 30 décembre 2013 ISSN 0003-2468

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Volume 132 (2014) Subscription Print only

REVUE CRITIQUE D’HAGIOGRAPHIE A JOURNAL OF CRITICAL HAGIOGRAPHY

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2013 — ANALECTA BOLLANDIANA. — T. 131-II

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TOME 131 II - Décembre 2013

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