Analecta Bollandiana - Volume 129, Issue 1 - 2011.pdf

May 9, 2017 | Author: Noui Testamenti Lector | Category: N/A
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ANALECTA BOLLAND IANA

ANALECTA BOLLANDIANA The Journal is published twice a year (in June and December) in issues of 240 pages each.

La Revue paraît deux fois par an (en juin et en décembre); chaque livraison compte 240 pages.

Volume 130 (2012) Prix de l’abonnement:

€ 110 * * Including postage – Frais de port inclus

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2011 — ANALECTA BOLLANDIANA. — T. 129-I

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REVUE CRITIQUE D’HAGIOGRAPHIE A JOURNAL OF CRITICAL HAGIOGRAPHY

PUBLIÉE PAR LA EDITED BY THE

SOCIÉTÉ DES BOLLANDISTES

TOME 129 I - Juin 2011

FAX: +32 2 740 24 24 E-mail: [email protected] Back issues are all available. Please contact the Sales Office.

Les numéros antérieurs sont tous disponibles. Veuillez vous adresser au Service des Ventes.

SOCIÉTÉ 24,

B

www.bollandistes.be

DES

BOLLANDISTES

BOULEVARD

S AINT -M ICHEL

1040 BRUXELLES

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SOMMAIRE / CONTENTS

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 91

Enzo LUCCHESI. Un fragment bohaïrique du Martyre d’Isidore et Sané . . . . . . . . . . . . . . . .

5

Xavier LEQUEUX. Le martyr Pamoun: une nouvelle victime d’Apellianos ? À propos de POxy 4759 . . . . . . . . .

11

Paulette L’HERMITE-LECLERCQ. Un hagiographe face aux critiques. Le recueil des miracles de S. Liesne de Melun (1136) . . .

13

Jean-Marie SANSTERRE. Avant que le Crucifié ne «parle» à S. François: les mentions de crucifix parlants antérieurs à celui de San Damiano à Assise . . . . . . . . . . . . .

71

Bernard OUTTIER. Les pérégrinations d’une exhortation dans l’Orient chrétien . . . . . . . . . . . . .

1(:

The Greek Life of St. Leo bishop of Catania (BHG 981b) Text and Notes by Alexander G. ALEXAKIS Translation by Susan WESSEL 2011, XXXVII-355 p.

€ 85*

Standing order for the Collection: 10 % discount

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 90 Marco GUIDA

80

Una leggenda in cerca d’autore. La Vita di santa Chiara d’Assisi Studio delle fonti e sinossi intertestuale

Anders FRÖJMARK. Ad portum non precogitatum. The Homecoming of the Birgitta Relics to Sweden (1374) . . . . . . .

81

Bernard JOASSART. Lettres du jésuite Pierre Poussines à Bolland, Henschen, Papebroch et Janning . . . . . . . . .

105

Robert GODDING. Italia hagiographica (VIII). Chronique d’hagiographie italienne . . . . . . . . . . . . .

175

Préface de Jacques Dalarun

2010, X-255 p.

€ 65* Standing order for the Collection: 10 % discount

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 89

Bulletin des publications hagiographiques

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Publications reçues

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Odon de Cluny Vita sancti Geraldi Auriliacensis Édition critique, traduction française, introduction et commentaires par Anne-Marie BULTOT-VERLEYSEN 2009, XVIII-327 p.

€ 75*

Standing order for the Collection: 10 % discount

Résumés – Summaries: 55, 79, 102 TABULARIUM HAGIOGRAPHICUM 6

Ce numéro a paru le 28 juin 2011 ISSN 0003-2468

De Constantinople à Athènes. Louis Petit et les Bollandistes Correspondance d’un archevêque savant (1902-1926)

Présentation, édition et commentaire par Bernard JOASSART 2010, 183 p.

REVUE SUBVENTIONNÉE PAR LA FONDATION UNIVERSITAIRE

€ 45* Standing order for the Collection: 10 % discount

* Excluding postage and VAT

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* TVA et frais de port en sus

ANALECTA

BOLLANDIANA

Comité de rédaction – Editorial Board Bernard JOASSART, S. J. – Robert GODDING, S. J. Xavier LEQUEUX BOLLANDISTES Secrétaire de rédaction – Editorial Secretary François DE VRIENDT

Comité de lecture – Advisory Committee Theofried BAUMEISTER, O. F. M. (Mainz) – Sebastian BROCK (Oxford) Paolo CHIESA (Milano) – François DOLBEAU (Paris) GETATCHEW HAILE (Collegeville, Minn.) Michael LAPIDGE (Cambridge) – Jacques NORET (Bruxelles) Pádraig Ó RIAIN (Cork) – Francis J. THOMSON (Antwerp) Vitalino VALCÁRCEL (Vitoria)

Abonnements et ventes – Subscriptions and Sales Tung TO THANH Société des Bollandistes Boulevard Saint-Michel, 24 B - 1040 BRUXELLES Fax: + 32 2 740 24 24 www.bollandistes.be

© Société des Bollandistes, 2011 All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.

ANALECTA BOLLAND IANA REVUE CRITIQUE D’HAGIOGRAPHIE A JOURNAL OF CRITICAL HAGIOGRAPHY PUBLIÉE PAR LA EDITED BY THE

SOCIÉTÉ DES BOLLANDISTES

TOME 129

SOCIÉTÉ 24,

B

DES

BOLLANDISTES

BOULEVARD

S AINT -M ICHEL

1040 BRUXELLES

2011

ABRÉVIATIONS

AASS = Acta Sanctorum. AB = Analecta Bollandiana. BHG = Bibliotheca hagiographica graeca, 3e édition mise à jour et considérablement augmentée par F. HALKIN (= Subs. hag., 8a), Bruxelles, 1957. — Novum auctarium Bibliothecae hagiographicae graecae, par F. HALKIN (= Subs. hag., 65), Bruxelles, 1984. BHL = Bibliotheca hagiographica latina antiquae et mediae aetatis, ediderunt SOCII BOLLANDIANI (= Subs. hag., 6), 2 tomes, Bruxelles, 1898-1901. — Novum Supplementum, edidit H. FROS (= Subs. hag., 70), Bruxelles, 1986. BHLms = Bibliotheca Hagiographica Latina Manuscripta. http://bhlms.fltr.ucl.ac.be/ BHO = Bibliotheca hagiographica orientalis, ediderunt SOCII BOLLANDIANI (= Subs. hag., 10), Bruxelles, 1910. Comm. martyr. hieron. = Commentarius in Martyrologium hieronymianum [AASS, Nov. t. II, pars posterior], Bruxelles, 1931. Comm. martyr. rom. = Martyrologium romanum… scholiis historicis instructum [AASS, Propylaeum … Decembris], Bruxelles, 1940. Subs. hag. = Subsidia hagiographica. Synax. CP = Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae, edidit H. DELEHAYE [AASS, Propylaeum … Novembris], Bruxelles, 1902. Tab. hag. = Tabularium hagiographicum.

Enzo LUCCHESI UN FRAGMENT BOHAÏRIQUE DU MARTYRE D’ISIDORE ET SANÉ

Dans son énumération des saints connus sous le nom d’Isidore, Arietta Papaconstantinou met au premier rang Isidore de Takinaš1: «D’abord, un martyre (sic) de la persécution de Dioclétien, mort à Péluse en compagnie d’un certain Sina, est commémoré le 18 phanemôth (14 mars); il serait originaire de Takinaš, qui était sans doute le village oxyrhynchite de Takôna (Prunetti, Ossirinchite, p. 190-192). Abou’l-Barakat cite à cette date ‘Isidore et son frère et Matrone, martyrs’».

Puisque le martyre de cet Isidore a pour cadre la ville de Péluse, nous ferons remarquer dès l’abord, afin d’éviter toute confusion, que notre saint n’a rien à voir avec l’autrement célèbre Isidore de Péluse, moine et fécond épistolier, qui est aussi commémoré par le Synaxaire au 10 AmšƯr, et sur la vie et l’œuvre duquel nous ne pouvons que recommander la lecture de l’ouvrage fondamental de Pierre Évieux2. Notre martyr n’est pas non plus à confondre avec le plus connu Isidore d’Antioche, fêté le 19 Bašons, dont le récit complet de la Passion est conservé en sahidique dans un manuscrit originaire d’Hamouli3. Les martyrs Isidore et Sané étaient absents de la Bibliotheca Sanctorum, mais la plus récente Bibliotheca Sanctorum Orientalium4 a pallié cette lacune, en leur consacrant à chacun une brève entrée. D’après les notices du Synaxaire aux fêtes respectives, Isidore était originaire de Takinaš (en arabe DaqanƗš)5, et tisserand de son métier. Il avait un compagnon nommé Sané (en arabe SanƗ ou SinƗ), soldat de cava1

A. PAPACONSTANTINOU, Le culte des saints en Égypte des Byzantins aux Abbassides. L’apport des inscriptions et des papyrus grecs et coptes (= Le monde byzantin), Paris, 2001, p. 110. Par contre, rien pour Sané. 2

P. ÉVIEUX, Isidore de Péluse (= Théologie historique, 99), Paris, 1995.

3

Éd. H. MUNIER, Les Actes du Martyre de saint Isidore, in Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, 14 (1918), p. 97-190. 4 Bibliotheca Sanctorum Orientalium, II, Roma, 1999, col. 257, s. v. «Isidoro di Takinaš», et col. 936, s. v. «SanƗ»; les entrées sont signées WADI ABULIFF (lege ABULLIF). 5 Synaxarium alexandrinum, ed. J. FORGET, II (= Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 90), Louvain, 1926, p. 33: DaqyƗs. Sur ce toponyme, cf. É. AMÉLINEAU, La géographie de l’Égypte à l’époque copte, Paris, 1893, p. 121; et, surtout, S. TIMM, Das christlichkoptische Ägypten in arabischer Zeit, t. 2 (= Beihefte zum Tübinger Atlas des Vorderen Orients, Reihe B, 41/2), Wiesbaden, 1984, p. 558-560, s. v. «DaqanƗš», qui situe cette localité dans la province de Bahnasa (Moyenne-Égypte). Mais toute la narration est centrée sur la Basse-Égypte.

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 5-10.

6

E. LUCCHESI

lerie affecté au service du gouverneur (en arabe wƗlƯ) de Péluse (en arabe al-Farmã ou al-FaramƗ)6. À la suite d’une vision commune, les deux amis, résolus à confesser leur foi chrétienne, se présentèrent spontanément devant le gouverneur pélusiote, qui les jeta en prison, où un ange vint les consoler. En sa qualité de militaire, Sané fut envoyé au gouverneur (wƗlƯ) d’Alexandrie, qui, peu après, le renvoya à Péluse. À nouveau réunis, les deux saints furent soumis à d’atroces supplices, mais le premier à subir le martyre fut Isidore (18 BaramhƗt). Puis ce fut le tour de Sané, martyrisé sur ordre du nouveau gouverneur de Péluse (24 Barmnjdah). Leurs reliques furent déposées à Samannoud, ville du Delta, dans une église dédiée à leur nom. Une doxologie commune en leur honneur — seuls sont intervertis les noms des martyrs — se lit dans le DifnƗr aux dates respectives de leurs fêtes7. Quoiqu’ils aient droit à deux commémoraisons distinctes, Isidore et Sané forment ainsi un couple indissociable, au point d’avoir un seul lieu de culte, une seule doxologie et, bien entendu, un seul Martyre. Aucun fragment copte de la Passion d’Isidore et Sané, dont la double notice du Synaxaire dépend assurément et n’est que le résumé, n’a été signalé, à notre connaissance tout au moins. C’est la raison pour laquelle nous nous empressons de porter à la connaissance des hagiographes un fragment bohaïrique, qui était passé inaperçu jusqu’ici, bien qu’édité depuis longtemps. Il s’agit d’un folio en parchemin des Musées de Berlin (= P. 9542), catalogué et publié dès 1904 par Leipoldt8. Le catalogueur parle vaguement de «Bruchstück eines Martyriums», loin de se douter que le nom du martyr Sané (RҖ@MD) lui était servi dès la première ligne du recto. Mais peut-être la rareté de cet anthroponyme a-t-elle empêché l’éditeur d’y reconnaître un nom propre. 6

M. de Fenoyl (Le sanctoral copte, Beyrouth, 1960, p. 132) donne à ce gouverneur le nom d’Armanios, mais, dans tous les récits de martyrs, Armanius (ou Arménius) apparaît comme préfet d’Alexandrie. Dans notre récit, le vali de Péluse s’appelle BambƯs ou BumbƯs, c’est-à-dire Pompée. 7 Éd. DE LACY O’LEARY, The Difnar (Antiphonarium) of the Coptic Church, II, London, 1928, p. 76-77 et 111-112. Cette doxologie se retrouve dans d’autres antiphonaires bohaïriques, comme par exemple dans le «Book of Odes and Hymns» décrit par W. E. CRUM, Catalogue of the Coptic Manuscripts in the British Museum, London, 1905, sub num. 865, p. 363 (n. 5, Crum donne la forme arabe S̠ƗnƗ). Version copte abrégée dans le DifnƗr actuel de l’Église copte, selon l’édition de BanƯ Suwaif, 1985, p. 348-349 et 407-408. Voir à la fin de cet article une traduction latine littérale de la psalie «Adam». 8 J. LEIPOLDT, Koptische Urkunden (= Ägyptische Urkunden aus den königlichen Museen zu Berlin), t. 1 (seul paru), Berlin, 1904, n° 184, p. 179-180. C’est le seul fragment bohaïrique du lot.

FRAGMENT BOHAÏRIQUE DU MARTYRE D’ISIDORE ET SANÉ

7

Bien que Leipoldt en ignore l’origine («Herkunft unbekannt»), le folio provient sans doute de l’ancienne bibliothèque du Monastère de SaintMacaire, car, à en juger seulement par l’édition diplomatique, sa facture est caractéristique des manuscrits macariotes et de leurs congénères. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si Leipoldt renvoie, pour l’écriture, à la planche XX de l’Album de paléographie copte d’Henri Hyvernat (Paris, 1888), laquelle correspond au Cod. Vat. Copt. 57, précisément un codex originaire de Saint-Macaire. Il n’est du reste pas exclu que d’autres fragments bohaïriques de ce Martyre soient exhumés des différentes collections qui possèdent des membra disiecta de Saint-Macaire, in primis les Tischendorfiani de Leipzig, qui sont d’accès difficile et dont la description laconique du même Leipoldt dans le Katalog de Vollers ne permet pas une étude exhaustive. Selon la transcription de Leipoldt, le recto porte, dans la marge supérieure la double numérotation 4 (à gauche) et 9 (à droite), d’où il s’ensuit que le folio berlinois était le premier d’un quaternion. Mais comme ces chiffres sont immédiatement précédés et suivis de lacunes, plus d’une possibilité s’offre à nous: soit il s’agit de la p. 49 (début quat. 4), soit de la p. 209 (début quat. 14), soit encore de la p. 369 (début quat. 24), et ainsi de suite. La découverte d’autres fragments complémentaires confirmeront l’une ou l’autre de ces hypothèses. Qu’il s’agisse d’un fragment de la Passion d’Isidore et Sané est confirmé par la version arabe complète qui a été publiée récemment (2008), sous le titre SƯrat al šahƯdayn al ÷alƯlayn al-qiddƯs Isnjd̡̢̛̞̟̠̜̑̒̓̔̕̚njrnjs wa-al-qiddƯs SinƗ al-÷undƯ, par les soins de l’AnbƗ Mattéos, évêque et supérieur du Monastère des Syriens (dans le WƗdƯ al-Natҗrnjn), qui dit tirer son édition du manuscrit 267 de son couvent (voir spécimen, p. 9). Encore une fois, c’est notre ami Nabil Farouk Fayez, auquel nous avions eu recours, qui nous a aimablement signalé cette édition. Malheureusement, les éditions de l’AnbƗ Mattéos sont sujettes à caution selon nos critères scientifiques9, mais enfin, elles ont le mérite d’exister et, même avec leurs limites, elles rendent bien service, comme c’est le cas ici. La version arabe permet de situer exactement dans la trame du récit le contenu du fragment bohaïrique, qui a trait à l’interrogatoire de Sané par le comes ou dux (comme porte le copte) d’Alexandrie, interrogatoire entrecoupé d’un incident tragique (le martyre d’une femme chrétienne non nommée [la «Matrone» d’Abnj al-BarakƗt ?] et de son fils, jetés à la mer). 9

Cf. AB, 128 (2010), p. 298.

8

E. LUCCHESI

Les trois quarts du folio berlinois sont d’ailleurs occupés par une longue prière du martyr, que l’on retrouve en arabe en termes similaires, mais non identiques. D’où la question qui se pose: le texte arabe de l’édition égyptienne représente-t-il une recension différente de celle de la version bohaïrique, ou ces différences s’expliquent-elles par l’intervention de l’AnbƗ Mattéos ? Il est difficile de répondre à cette question avant d’avoir vu le manuscrit du Dayr al-SuryƗn ou d’autres éventuels témoins arabes. Nous aurions aimé donner une traduction du fragment de Berlin, mais nous avons dû y renoncer, parce que la transcription de Leipoldt, qui n’est pas toujours satisfaisante10, est trop lacunaire par endroits pour que l’on puisse présenter un texte cohérent, même en s’aidant de la version arabe. Nous ne saurions dire, par ailleurs, si les lacunes dont souffre cette transcription sont imputables au mauvais état du parchemin (qui est certainement de lecture difficile) ou à un manque d’application de Leipoldt. Pour suppléer aux lacunes de l’édition de Leipoldt (et à la perte des autres parties de la version copte), il n’y a donc plus qu’à espérer la découverte, au demeurant probable, de fragments de la version sahidique, dont dépend la bohaïrique. En attendant, nous nous contenterons de donner, faute de mieux, une traduction française du passage parallèle de la version arabe (avec le contexte immédiat) à partir de l’édition de l’AnbƗ Mattéos. Nous ajouterons une traduction latine (pour garder l’ordre des mots et, dans la mesure du possible, la cadence poétique) de la psalie «Adam» (commune aux deux martyrs, mutatis mutandis)11, que nous divisons en quatrains conformément à la ponctuation du manuscrit. À vrai dire, cette doxologie n’apporte pas d’éléments narratifs nouveaux par rapport à la double notice du Synaxaire, dont elle s’inspire manifestement. Mais ce nous est en même temps l’occasion de fournir un échantillon de la versification copte. Genève

Enzo LUCCHESI

2, rue du Vieux-Billard CH – 1205 Genève

10

À titre d’exemple, à la troisième ligne du recto, Leipoldt (Koptische Urkunden… [cf. supra, n. 8]) lit MGDMDL, qu’il faut corriger en MGDMDL («ceux qui sont avec»). 11

Traduction d’après l’édition de O’Leary, citée supra à la n. 7.

FRAGMENT BOHAÏRIQUE DU MARTYRE D’ISIDORE ET SANÉ

9

Traduction du parallèle arabe «Le vali ordonna de faire venir Sina en sa présence et lui dit: ‘À cause de toi, j’ai tué un enfant et des soldats innocents’. Le bienheureux répondit, disant: ‘Je veux que tout le monde entre dans le royaume de mon Seigneur et mon Dieu Jésus-Christ, qui (sc. le royaume) n’a pas de fin12 et ne passe pas’ (cf. Dan. 7, 14). Le vali lui dit: ‘Ce qui a été a été ! Maintenant, aie pitié de toi-même et prosterne-toi devant les dieux’. Le saint répondit: ‘Regarde, ô vali, tes dieux sont rejetés, et rejetés sont tous ceux qui les adorent. Écoute, ô vali, ne me dis pas cette parole13 une autre fois. Une seule parole suffit au sage, et cent paroles ne persuadent pas l’ignorant’14. Le vali s’irrita grandement de cette parole et ordonna qu’il fût attaché à une colonne la tête en bas. Et après que les soldats eurent exécuté cet (ordre), ils s’en allèrent tous pour prendre le repas du soir et se régaler de nourriture, de boisson et de repos. Quant au saint, il louait Dieu, en disant: ‘Je te loue, ô mon Seigneur Jésus-Christ, d’une louange nouvelle (cf. Ps. 32, 3; 143, 9; Apoc. 5, 9 et 14, 3) et je te bénis et te glorifie, ô toi qui habites les hauteurs (cf. Ps. 112, 5), toi que louent les anges, les Chérubins et les Séraphins, et vers qui toute la création crie, en disant: «Saint, saint, saint» (cf. Is. 6, 3); ô mon Seigneur Jésus-Christ, des milliers et des milliers, et des myriades et des myriades se prosternent devant toi (cf. Dan. 7, 1015 et Apoc. 5, 11), car tu es venu à cause de notre salut et tu nous as fait passer des ténèbres à ta lumière admirable (1 Petr. 2, 9) et de la mort à la vie (1 Jn. 3, 14), et tu as donné ton corps et ton sang saints, et tu nous as donné la connaissance en la Trinité Sainte, le Père, le Fils et l’Esprit Saint; c’est toi qui nous as soutenus de ta force et nous as délivrés au temps de l’épreuve (cf. 2 Petr. 2, 9 et Apoc. 3, 10) et tu as ôté de nous la peur (cf. Ps. 63, 2; 2 Tim. 1, 7 et 1 Jn. 4, 18) et les souffrances des péchés, et tu nous as donné la langue de

12

Cf. Credo (cuius regni non erit finis).

13

À savoir «Prosterne-toi» ou «Sacrifie», comme spécifie le copte.

14

Le copte lit autrement («une seule parole réjouit un sage…») et semble faire allusion à Prov. 12, 25. Aussi avons-nous renoncé à chercher cet aphorisme, qui n’est apparemment pas biblique, dans l’abondante littérature sapientiale. 15 Millia millium ministrabant ei, et decies millies centena millia assistebant ei. Du copte wDLwH, l’arabe a retenu le sens d’«adorer», et non celui de «servir».

10

E. LUCCHESI

la louange (cf. Ps. 34, 28), car c’est à toi qu’appartiennent la gloire, l’honneur, la puissance et l’adoration (cf. Apoc. 5, 13 et 7, 12) avec ton Père bon et l’Esprit Saint, maintenant et en tout temps et pour les siècles des siècles. Amen’». Traduction latine de la doxologie «Adam» 1. Sanctus Isidorus16, strenuus martyr, magnus heros regis Christi,

2. Cum Sane16 fratre suo spirituali respuerunt temporalia et obtinuerunt aeterna.

3. Quadam nocte viderunt in somnio mulierem virginem coronas habentem,

4. Deponentem eas super capita eorum; gavisi sunt valde de visione.

5. Scierunt vere quia Christus vocavit ad martyrium in hoc nomine sancto.

6. Accesserunt ad praesidem, solverunt cingula, proiecerunt ea coram illo.

7. Confessi sunt Christum Deum nostrum quia Filius Dei est, Salvator mundi.

8. Praecepit, scilicet comes, ut conicerent eos in carcerem.

9. Dominus misit eis angelum suum; solacium dedit eis a cruciatibus eorum. 11. Iniecerunt Isidorum in ignem, et Sane socius eius, absciderunt caput eius sanctum.

10. Post haec omnia, excruciaverunt hos martyres omnibus modis. 12. Consummarunt certamen cum nobilitate, et acceperunt coronam imperituram in caelis.

Per preces eorum...

16

Dans la doxologie pour Sané il y a naturellement interversion des deux noms.

Xavier LEQUEUX LE MARTYR PAMOUN: UNE NOUVELLE VICTIME D’APELLIANOS ? À propos de POxy 4759

Le papyrus 4759 d’Oxyrhynque, conservé aujourd’hui à la Sackler Library d’Oxford, est constitué de six lambeaux subsistant d’un feuillet couvert d’une élégante écriture onciale des VIe/VIIe siècles. Le texte qui vient d’être publié par J. Chapa dans la prestigieuse série dédiée aux Oxyrhynchus Papyri, relate le début de l’interrogatoire d’un homme âgé de 21 ans, dénommé ̍˾̉̌̑̊ ethonoré de la qualité d’˾̀̆̌̏1. Il existe certes plusieurs saints égyptiens qui portent ce nom, mais on ne trouve aucune trace de ce jeune Pamoun dans les calendriers anciens et dans la littérature martyriale2. D’après le fragment qui nous occupe, le futur martyr répond aux questions d’un magistrat dont le nom est malheureusement mutilé. En effet, seule la finale a été conservée: ̂̈̈̆˾̊̌̏ (l. 24 du texte, sur le verso). L’éditeur, s’appuyant sur la longueur de la justification, postule l’existence de trois lettres adventices (…]̂̈̈̆˾̊̌̏ et précise dans son annotation: «There are no attested names in Greek with this ending which suit the space. Names such as ̡̧̧̫̬̥̝̩̇ң̭, Ѫ̡̧̧̦̬̥̝̩ң̭ or Ѹ̡̧̧̱̥̝̩ң̭ are probably too wide, since the first letter is expected to be larger than the others after the change of speaker»3. Ce qui n’empêche pas l’érudit d’identifier, de façon surprenante, le magistrat en question avec un certain Ƅ̎̌̇%̈ ̈̂̆˾̊̌٦ ou Ƅ̎̌̇̄̈̈̂̆˾̊̌٦, celui-là même qui intervient dans la Passion copte de S. Épimé (BHO 275), c’est-à-dire Sossianus Hierocles, préfet d’Égypte en 310-311 !4 Il existe pourtant un nom propre qui s’insère harmonieusement dans la séquence du texte: ˾̍=̂̈̈̆˾̊̌̏ 1 4759. Passion of St Pamoun, ed. J. CHAPA, in The Oxyrhynchus Papyri, vol. LXX, ed. N. GONIS et al. (= Graeco-Roman Memoirs, 90), Londres, 2006, p. 1-8 et pl. II-III. Une photographie du feuillet est également disponible en ligne sur le site POxy: Oxyrhynchus Online (http://www.papyrology.ox.ac.uk/POxy/). 2

Voir l’enquête menée par J. Chapa (Passion of St Pamoun, p. 5-6, annotation de la ligne 10 du texte grec). 3

Ibid., p. 7-8, annotation de la ligne 24.

4

Ibid.; voir aussi, p. 2, avant-dernier paragraphe.

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 11-12.

12

X. LEQUEUX

Le nom d’Apellianos se rencontre dans plusieurs Passions de martyrs. Il apparaît dans la courte Passion de Sévère, de Memnon et des trente-huit martyrs de Philippopolis (BHG 2399): à une époque non précisée, l’ж̩̤ҥ½̝̯̫̭ Apellianos fait exécuter trente-huit chrétiens à Philippopolis et emmène le centurion Memnon et celui qui l’a converti, Sévère, à Bizyè (aujourd’hui Vize), où le premier connaîtra l’épreuve du feu et le second sera décapité5. De l’autre côté du Bosphore, à Chalcédoine, un sophiste homonyme s’acharne contre les chrétiens dans la Passion prémétaphrastique d’Euphémie (BHG 619d)6. Mais surtout c’est un magistrat dénommé Apellianos qui sévit dans le dossier grec d’un saint égyptien, Épimaque de Péluse († 30 octobre 303), que cette même tradition grecque fait mourir à Alexandrie7. Le témoignage du papyrus d’Oxyrhynque constituerait-il une nouvelle pièce à charge contre l’agent de Dioclétien en Égypte ? Rien ne permet de l’affirmer; on ignore même si le texte original était entièrement dédié au martyr Pamoun ou si ce dernier n’y jouait qu’un rôle secondaire, au sein d’une cohorte de martyrs8. Dans ces conditions, à défaut d’argument péremptoire, nous enregistrerons le nouveau fragmentum papyraceum, dans la mise à jour de la BHG actuellement en chantier9, sous la rubrique: Pamoun m. in Aegypto sub Diocletiano (?). Xavier LEQUEUX

5 H. DELEHAYE, Saints de Thrace et de Mésie, in AB, 31 (1912), p. 161-300, en particulier p. 192-194 (texte grec) et p. 241-242 (composition du texte). 6 § 1-2 et passim: ed. F. HALKIN, Euphémie de Chalcédoine. Légendes byzantines (= Subs. hag., 41), Bruxelles, 1965, p. 13-14. 7 Cf. la Passion BHG 593, éditée par M. VAN ESBROECK, Saint Épimaque de Péluse. Un parallèle arabe à la Passion prémétaphrastique BHG 593, in AB, 84 (1966), p. 399-442, en particulier p. 411-423 pour le texte grec. Sur l’identification de ce martyr, cf. ID., Epimachus of Pelusium, saint, in The Coptic Encyclopedia, 3, New York – Toronto, 1991, p. 965-967. 8 9

Comme le fait justement observer J. Chapa (Passion of St Pamoun, p. 2).

Cf. X. LEQUEUX, Suggestions pour une mise à jour de la BHG, in AB, 126 (2008), p. 241-251.

Paulette L’HERMITE-LECLERCQ UN HAGIOGRAPHE FACE AUX CRITIQUES LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE DE MELUN (1136)* La documentation sur Liesne de Melun est très mince1 et a été trop souvent faussée par les susceptibilités locales. Nulle part on ne garde la trace d’une Vita qui lui ait été consacrée, soit qu’il n’y en ait jamais eu, soit qu’elle ait disparu si tôt que même son souvenir se perdit. Ce texte était en tous les cas introuvable en 1136 quand Gautier, moine de SaintPère de Melun2, consigna une série de miracles du saint intervenus, au moins pour plusieurs d’entre eux, à la suite d’une reconnaissance des reliques que l’auteur raconte au chapitre 3. L’hagiographe avoue lui-même * Liste des abréviations, cf. infra, p. 55. Je tiens à remercier la Société des Bollandistes, et particulièrement Robert Godding, d’avoir accepté cet article et de l’avoir amendé avec soin. Le texte du recueil de miracles sera publié dans le fascicule suivant des AB, en décembre 2011. 1 Liesne est totalement absent de la BHL (y compris du Novum supplementum de 1986). La bibliographie se réduit à quelques articles de dictionnaires: Vies des saints et bienheureux, t. 11, Paris, 1954, p. 307-308 («Comme beaucoup de saints gaulois annoncés par Usuard, saint Liesne est complètement inconnu»); P. VIARD, Leone di Melun, in Bibliotheca Sanctorum, t. 7, Roma, 1966, col. 1226. U. Chevalier dans sa Bio-bibliographie (t. 2, col. 2836) dit seulement de Liesne que ce confesseur de Melun vécut au VIe s. mais ne renvoie à aucune étude. J’ai consacré une première étude au saint à l’occasion d’un colloque organisé à Melun en 1998: Une œuvre retrouvée. Les miracles de saint Liesne, patron de Melun (1136), in Art et architecture à Melun au Moyen Âge, sous la dir. d’Y. GALLET, Paris, 2000, p. 59-78. J’ai ensuite étudié, lors d’un autre colloque, Un saint patron en sa ville. Recueil des miracles de saint Liesne de Melun à la date de 1136, in Les laïcs dans les villes de la France du Nord au XIIe siècle, éd. P. DEMOUY (= Rencontres médiévales européennes, 8). Turnhout, 2008, p. 143-165. Je renouvelle ici l’expression de ma gratitude à Yves Gallet qui, le premier, avait repéré, parmi les documents des Archives départementales de Seine-et-Marne (sous la cote Mdz 560), le premier jet d’une transcription manuscrite des Miracles de S. Liesne par A. Vidier, inspecteur général des Archives, faite à partir du manuscrit de la BnF lat. 12690. Cet autographe fut déposé à sa mort par sa veuve aux Archives départementales, ce qui m’a permis de revenir à la source. Sur cette transcription que Vidier n’a jamais reprise ni eu le temps de publier, je renvoie à mon article cité cidessus. La quasi-totalité des archives manuscrites de Saint-Père sont des copies des XVIIee XVIII s., les originaux ayant disparu, en particulier pendant les Guerres de Religion. J’ai utilisé pour ce travail toute la documentation disponible tant à Paris (BnF, Archives nationales) qu’à Melun (Archives départementales, Archives municipales et Bibliothèque municipale de Melun). 2

Saint-Père (forme locale de Saint-Pierre) et non Saints-Pères comme on le lit déjà chez M. Nicolet (Histoire de Melun, Melun, 1843, p. 356) et encore souvent aujourd’hui, notamment dans la toponymie urbaine. À l’origine le monastère bénédictin de Melun avait deux patrons: S. Pierre et S. Paul. Il est impossible d’aborder ici la question, très délicate, de la fondation de cette grande abbaye extra muros, située sur la rive droite du fleuve, au faubourg SaintBarthélemy, «sur une éminence et joignant la Seine» (BnF, lat. 12690, fol. 188). Sa prospérité a été compromise à plusieurs reprises. Quant à ses origines avant sa reconstruction en 991, elles sont obscures, controversées et posent en particulier la question des invasions normandes. Je me propose de réexaminer cette énigme dans une autre étude.

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 13-70.

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dans la préface n’avoir rien trouvé sur la vie du saint. La première question à poser est dès lors celle de la transmission de ce recueil. I. La transmission du document Qu’est devenu le manuscrit originel de Gautier qui ne semble pas avoir eu une très large diffusion ? Partons des données brutes dans l’ordre chronologique de leur apparition. On se trouve en présence d’une double tradition documentaire, l’une en latin, l’autre bilingue, en latin et en français, qui fait surface uniquement au XVIIe siècle. À la fin du XVIe siècle, une référence à S. Liesne se trouve à la fois dans l’édition du martyrologe d’Usuard de Molanus, qui cite nommément le travail du moine Gautier, écrit pour les moines de son abbaye de SaintPère à Melun, et chez Baronius qui, dès la première édition annotée de son Martyrologe romain, mentionne l’existence «de vieux manuscrits»3. Le bibliothécaire de la Vaticane avait-il en tête le recueil inédit des miracles? Peut-être fait-il référence aux anciens martyrologes du IXe siècle, ou encore aux bréviaires ou aux sacramentaires de la région parisienne qui connaissaient S. Liesne de Melun. En tout état de cause, il est plus que douteux qu’à l’époque où il écrit son propre martyrologe, Baronius ait eu une connaissance directe de ce manuscrit précis, écrit à Saint-Père et pour les moines. En 1628 Sébastien Roulliard4, avocat au parlement de Paris et historien de Melun, avait évidemment plus de facilités pour s’enquérir du passé de la ville et il est le premier à avoir laissé le témoignage d’une ample utilisation du recueil de miracles. Il donne à plusieurs reprises des indications sur le document, mais ne détaille ni sa provenance ni son aspect matériel: aux pages 174 et 590 de son Histoire de Melun, il parle de «Galthère, religieux de Sainct Pere de Melun: qui vivoit comme il atteste, avant l’an 1136»5. À la page 584, citant la mention de «vieux manuscrits» trou3 Leonii miracula diligenter collegit quidam Galterius ad dominos et fratres sancti Petri, juxta castellum Miledunum (Usuardi Martyrologium …opera Ioannis Molani, Lovanii, 1573, f. v 191 [12 nov.]). Cette note ne figure pas dans la première édition de 1568. – De eo vetera manuscripta (Martyrologium Romanum. Accesserunt notationes, auct. Caesare Baronio, Antverpiae, 1589, p. 498 [10 nov.]). 4

Cet historien n’a pas eu de chance: son nom, orthographié Roulliard dans son Histoire de Melun et qu’il latinise sous la forme Rolliardus, se trouve écrit tantôt Rouillard, tantôt Rouilliard, et même Bouillard (cf. Histoire littéraire de la France, t. 11, Paris, 1759, p. 630; C. BEAUNIER – J.-M. BESSE, Abbayes et prieurés de l’ancienne France. T. VI: Province ecclésiastique de Sens (= Archives de la France monastique, 15), Ligugé – Paris, 1913, p. 11, n. 2. 5

ROULLIARD, Melun, p. 174.

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vée chez Baronius, il conclut: «Je me doubte qu’il entend parler du manuscript de Galtère, religieux de Sainct Père de Melun, y a cinq cents ans ou environ6, qui en fort beau latin a descript quelques particularitez des miracles de ce sainct, mais au reste en parlant comme d’un sainct incogneü. De ce manuscript ont esté tirées les leçons que l’on chante à matines de la feste de ce sainct, selon que je l’ay appris d’un vieil registre qui est és archives de Nostre Dame de Melun»7. Il semble donc que Roulliard soit le premier à avoir trouvé et utilisé le document édité ici. Son but avoué étant de contribuer à la vénération du saint chez ses concitoyens, il se propose «de leur réduire en abregé et traduire en françois cette histoire latine de Galtère», ce qu’il fait aux pages 584-5908. Il semble que l’on ait ici la preuve que l’érudit n’eut pas accès à un document bilingue. Mais voici qu’en 1843, plus de deux siècles après, Bernard de la For9 telle , auteur d’une Histoire et Description de Notre-Dame de Melun, publie quelques extraits du recueil des Miracles et fait allusion à un «manuscrit sur vélin qui contient les miracles de saint Liesne, écrits et composés en latin, par D. Galtère, religieux de l’abbaye de Saint-Père de Melun, en 1136»10. S’agit-il du document sur lequel avait travaillé Roulliard? 6

Il serait imprudent de déduire de cette mention chronologique que Roulliard entendait dater le document qu’il avait sous les yeux et que, selon lui, celui-ci avait 500 ans d’âge. Son évaluation exprime plus simplement une soustraction qu’il opéra entre l’époque où il écrit, avant 1628 (date de parution de son livre) et 1136, la date trouvée dans le recueil. 7

Sur les deux lectionnaires existant encore au XVIIe s., mais depuis perdus, cf. Annexe 3.

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Dans quelles conditions Roulliard a-t-il travaillé ? Il a quitté définitivement Melun avant le siège dévastateur de la ville, qui avait pris parti pour la Ligue en 1590, et semble n’y être jamais revenu (ROUILLARD, Melun, p. 631; voir aussi M. LECOMTE, Histoire de Melun, Paris, 1910, p. 98). On constate en tout cas que sa tombe ne se trouve pas à Saint-Aspais, paroisse de la famille de marchands dont il était issu, aux côtés des autres Roulliard. Il écrit son Histoire de Melun à Paris. Je suggère donc qu’il aurait pu, pour ce qui concerne les miracles de S. Liesne, travailler sur des notes – uniquement des têtes de chapitres et/ou une analyse très succinte – prises très longtemps avant, à partir du recueil de Gautier, et que, n’ayant plus ensuite la possibilité de revenir à sa source, il avait été forcé de se fier à sa mémoire… et à son imagination nourrie par sa culture. On pourrait en trouver l’indice dans les rapprochements systématiques qu’il établit entre les miracles de Liesne et ceux d’autres saints qu’ont célébrés les écrivains anciens: depuis Sulpice Sévère, Flodoard surtout et jusqu’à Thomas de Cantimpré. Je renvoie à ses démonstrations aux p. 592 à 598. 9 Notaire puis maire de Melun (cf. A. HUGUENIN, Histoire des maires de Melun, Melun, 1897, p. 205 et 210) à deux reprises (1824-1831 et 1837-1843); il meurt à Paris en 1848. Il a laissé une œuvre manuscrite importante dispersée dans de nombreuses liasses, de même qu’un Dictionnaire des noms anciens de Seine-et-Marne resté inédit (l’ensemble est à la Bibliothèque municipale de Melun). La Fortelle s’intéresse à Notre-Dame de Melun et n’utilise que le préambule (le lecteur trouvera les variantes en notes) et les chapitres 8 à 11 du recueil. 10 LA FORTELLE, Notre-Dame de Melun, p. 95. Il existe dans le dossier GG d 76 des AM de Melun un ensemble de notes manuscrites portées au verso de papiers officiels signés Bernard (de la Fortelle). Il est intéressant d’observer à la p. 3 de ce dossier qu’ont été recopiés

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On le croirait volontiers: tous deux appellent l’auteur du recueil Galtère, comme s’ils avaient vu son nom francisé inscrit par le copiste ou l’archiviste au verso du même document. Était-ce l’original du XIIe siècle ou une copie ? Le fait qu’il soit en parchemin plaide sans conteste pour son ancienneté. Il y a donc bien une tradition savante, attestée du XIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle, selon toute apparence sans traduction et donc indépendante de la suivante, ce qui plaide pour l’existence d’une double famille de manuscrits. Un texte décrit comme bilingue existe en effet. Il est mentionné pour la première fois par les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Quand ils prennent possession de l’abbaye Saint-Père de Melun en 165411, ils rassemblent pour l’élaboration du Monasticon gallicanum de nombreux actes consignés aujourd’hui dans deux gros registres de la Bibliothèque nationale, les manuscrits latins 11818 (par dom Germain, † 1694) et 12690 (par dom Raulin, † 1699)12. Où les mauristes, une génération après Roulliard seulement, ont-ils trouvé le recueil qu’ils recopient et qui est apparemment distinct du précédent ? Après les destructions subies par SaintPère en 1420 et 1590, il paraît exclu que les mauristes l’aient trouvé sur quelques extraits du recueil qui portent pour titre: «Extraits d’un manuscrit sur vélin qui contient les miracles de s. Liesne, écrits et composés en latin par D. Galtère, religieux de l’abbaye S. P. de M. en 1136». Quelle était la source de ces extraits ? La confrontation attentive de cette série d’extraits avec celle que la Fortelle publie dans son ouvrage est décisive. On a en effet la preuve formelle que c’est bien à partir du même manuscrit que l’auteur a travaillé. Dans les deux cas il a appelé chapitre 2 le passage qui en réalité se trouve après l’explicit du prologue et qui, dans les deux copies, commence à Castrum etenim … et finit à restaurata est. Ensuite, il donne rigoureusement les mêmes extraits des mêmes chapitres (les 8, 9, 10, 11) et on observe – à quelques diphtongues près – les mêmes formes que le lecteur trouvera dans les variantes de l’édition, ex.: gypseo, arcuto, absorta… On peut donc être sûr que cet extrait non signé est incontestablement de la plume de la Fortelle et que celui-ci n’a pas emprunté à une autre source que le document en parchemin sur lequel lui-même a eu la chance de travailler avant qu’il ne soit peu après signalé comme perdu. 11 Et non pas 1644 comme on le lit souvent. L’accord entre le monastère et la Congrégation est signé en 1651 (BnF, lat. 12690, fol. 194) et se concrétise en 1654 (ibid., fol. 194v; cf. aussi AD H 224, p. 22; Gallia Christiana, t. 12, col. 270). En 1667 encore, une portion seulement de l’église conventuelle avait été reconstruite et il n’y avait que six moines (BnF, lat. 12690, fol. 190). 12 Les deux registres proviennent du fonds de Saint-Germain-des-Prés: ils sont donc sur place pour les auteurs postérieurs, en particulier Mabillon, les rédacteurs de l’Histoire littéraire etc. Les pièces concernant Saint-Père dans le ms. BnF lat. 11818 vont du fol. 179 à 187. Le moine renvoie à Rouillardus (sic). Dans le ms. BnF lat. 12690, la documentation sur Saint-Père se trouve aux fol. 187 à 239 inclus et rassemble des pièces qui s’échelonnent des années 1650 aux années 1680. La copie des Miracles de S. Liesne commence au fol. 210. Pour l’économie de ce document lui-même tel que l’a transcrit le copiste, cf. l’édition infra. On possède (AD H 228, p. 34 et 39) l’acte de nomination de Damien Raulin comme prieur de Saint-Père en 1663 et 1666, signé de sa main: il est dit moine et prêtre de la congrégation de Saint-Maur.

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place. En tête de la copie qu’ils établissent, ils annoncent: «Ce même livre a été mis en françois il y a fort long tems et sa traduction se voit en suitte du latin et écrite de la même main»13. Était-il en vélin ? Le copiste ne nous le dit pas. Il note aussi qu’à la fin du long préambule il manque le feuillet qui portait presque intégralement les deux premiers chapitres14. Un autre renseignement est apporté incidemment dans le commentaire qui suit la transcription des Miracles15. Le moine discute des identifications possibles entre le saint de Melun et d’autres Leo ou Leonius et affirme partir pour cela des observations d’un Père récollet ayant annoté le document qu’il transcrit. Cette précision révèle qu’un exemplaire bilingue des Miracles, avant même la réforme de l’abbaye par la congrégation de Saint-Maur, passa entre les mains d’un de ces franciscains réformés, protégés par Henri IV lors de leur installation en France et présents à Melun, au faubourg Saint-Liesne justement, depuis 160616. Il ne serait pas absurde de penser que le document annoté dont disposèrent les mauristes avait lui-même été recopié, peut-être directement, sur celui qui était conservé dans la sacristie de l’église Saint-Liesne voisine, tel qu’il est décrit près d’un siècle plus tard dans une lettre. Avant de l’analyser, posonsnous cette question: doit-on supposer que seule la lacune du manuscrit recopié par les mauristes explique qu’ils aient signalé l’existence d’une traduction, dans la mesure où ils lui empruntaient le contenu des chapitres manquants ? Autrement dit, les documents utilisés par Roulliard et la Fortelle en auraient-ils été pourvus également sans que ces auteurs aient jugé utile de nous en informer ? Je ne le crois pas, d’abord pour les raisons exposées plus tôt dans le cas de Roulliard et ensuite pour celles qu’on peut tirer du document qui suit. Le 13 janvier 1745, J.-B. Huchereau, curé de Saint-Liesne depuis 1726, écrivait à l’archevêque de Sens: «Nous avons parmi nos papiers une très ancienne copie du recueil des miracles de saint Liesne, lequel est latin et françois, écrit en lettres gothiques sur du vélin où l’on dit ledit recueil 13

BnF, lat. 12690, fol. 238. Cette brève présentation est très voisine de celle du curé Huchereau étudiée ci-dessous (Annexe 2) et accrédite l’idée que ces copies successives ont pu avoir pour matrice le texte bilingue conservé à Saint-Liesne. 14

Fol. 239r, le mauriste laisse une place dans le registre, sans doute pour recopier le folio latin, au cas où il serait retrouvé. 15 16

Ce commentaire est reproduit en Annexe 1.

ROULLIARD, Melun, p. 599, G. LEROY, Histoire de Melun, Melun, 1887, p. 327 et surtout AD H 228, p. 50, et AD Mdz 594. Le couvent a été fondé par Charles de Rostaing, seigneur de Vaux-le-Pénil et de Saint-Liesne à Melun. Ces religieux y restent jusqu’en 1790, à l’emplacement de l’actuel hôpital. Le faubourg avait été saccagé lui aussi pendant les Guerres de religion.

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fait par Gautier moine de Saint-Père en l’an 1136»17. Rien ici n’obligeait l’auteur à nous donner ces précisions. L’existence de cette tradition bilingue pourrait s’expliquer comme suit. L’église Saint-Liesne voit affluer les pèlerins au bas Moyen Âge18. Au cours des siècles postérieurs à 1136, le curé, nommé par l’abbé de Saint-Père, patron de l’église jusqu’à la Révolution, veut conserver le souvenir des miracles du saint. Il demande une copie du recueil de Gautier ou la réalise lui-même, et lui ou son successeur y joint une traduction, accessible aux paroissiens et dont le vocabulaire (cf. chapitres 1 et 2) atteste qu’elle a été faite à la fin du Moyen Âge. On ignore si texte et traduction étaient contemporains et déjà «de la même main». En tout cas l’ensemble se trouve toujours dans l’église en 1745. Il semble donc bien que, jusqu’aux XVIIIe-XIXe siècles, deux traditions du recueil existaient: une en latin, à laquelle ont accès Roulliard et la Fortelle; l’autre, bilingue, à Saint-Liesne, qu’auraient utilisée les récollets puis les mauristes. La première existe encore en 1845, la seconde n’a survécu que grâce aux mauristes. Il est temps maintenant de poser la question clé: le document en latin signalé par Roulliard était-il exactement celui de Gautier ? Dans ce cas il serait toujours complet alors qu’il ne l’est plus dans la copie bilingue où les deux premiers chapitres ne sont connus qu’en traduction. Si l’on suit chez Roulliard le résumé des Miracles du saint, on voit qu’il passe directement lui aussi de la préface aux troisième et quatrième miracles. On pourra alléguer qu’il ne résume pas non plus les chapitres 5 17

Lettre manuscrite conservée aux AD de Seine-et-Marne, Mdz 127: Documents sur saint Aspais et saint Liesne et sur les deux églises ainsi que sur Saint-Père. La lettre de Huchereau a pour titre: «Mémoire touchant le culte de s. Liesne, en latin Leonius». Le personnage est assez bien connu. Selon la Fortelle (Notre-Dame de Melun, p. 52), qui ne précise pas ses sources, il avait d’abord été prébendé de la collégiale Notre-Dame. En tout cas les Archives départementales de l’Yonne conservent (G 643, 1734-1737) la provision de la chapellenie Saint-André dans la collégiale N.-D. de Melun en faveur de J.-B. Huchereau, curé de la paroisse SaintLiesne. On le trouve aussi marguillier en charge de Saint-Aspais en même temps que procureur au Châtelet de Melun entre 1710 et 1720 (AD 382 G 2: inventaire général concernant les biens et revenus de Saint-Aspais en 1719 et 1720) – c’est dire s’il connaît bien cette paroisse aussi; échevin de Melun en 1722 (AM, AA d 1); curé de Saint-Liesne depuis 1726 (AM, GG 76, p. 5 et 21). Il est mort très âgé, en 1784 (ibid.). Dans les notes manuscrites d’Huchereau, on vérifie combien lui aussi est tributaire de Roulliard (cf. infra Annexe 2). 18

Malgré la démolition de son église en 1832, l’enquête de sociologie religieuse de R. LECOTTÉ, Recherches sur les cultes populaires dans l’actuel diocèse de Meaux, Paris, 1953, entreprise dans les années cinquante du XXe s., prouvait une certaine survivance du culte. Il ne reste plus aujourd’hui pour perpétuer le souvenir que deux rues – la rue Saint-Liesne et la rue de la Fontaine Saint-Liesne – en plus du lavoir du même nom, aménagé au XIXe s. Les Melunais contemporains que j’ai interrogés n’ont aucune lumière sur leur ancien patron… qui semble même s’effacer des mémoires de l’autorité diocésaine (cf. infra Annexe 3).

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et 6 mais l’objection n’est toutefois pas probante19. En revanche à partir du chapitre 7 et jusqu’à la fin, il analyse tous les miracles dans l’ordre, sans en omettre un seul. L’absence de résumés des chapitres 1 et 2 — correspondant exactement au feuillet signalé comme manquant quelques décennies après par les mauristes — peut ainsi difficilement être une coïncidence. Une lacune identique plaide pour l’identité de contenu de la source utilisée. Roulliard a dû travailler sur un exemplaire du recueil dont le texte était déjà incomplet comme l’est le document successivement recopié par les récollets puis par les mauristes20. En revanche, dans le manuscrit bilingue en écriture gothique de la fin du Moyen Âge était présente, à défaut, la version française des deux miracles absents, preuve que le feuillet latin correspondant avait été perdu après la traduction. Les mauristes connaissent aussi les douze leçons en latin du lectionnaire de Notre-Dame qui résumait les miracles — les mêmes qu’utilise Roulliard qui les traduit dans sa Polhymnie. Il reste à ranger dans l’une ou l’autre de ces traditions «la copie [faite] avec assez peu de soin au commencement du dernier siècle» — ce qui nous renverrait au XVIIe siècle — décrite par les auteurs de l’Histoire littéraire en 175921. L’hypothèse la plus satisfaisante est qu’ils ont tout simplement eu sous les yeux la copie même qu’avaient réalisée leurs devanciers mauristes. Elle comporte effectivement un certain nombre de ratures et de coquilles et c’est sans doute aussi la copie qu’avait avant eux, au début du e XVIII siècle, utilisée Mabillon puisque le registre qui la contient était conservé dans le fonds de Saint-Germain-des-Prés22. Si l’on se demande pourquoi, ayant accès à la totalité du recueil, l’Histoire littéraire ne lui a consacré qu’une brève notice, on peut faire valoir que son objectif n’était pas d’ordre hagiographique mais littéraire et que son sujet était non pas S. 19

Il suffit de noter trois choses. 1) Les chapitres 5 et 6 ont le même thème: l’apparition de lumières surnaturelles; 2) le chapitre 5 concerne un Robert qui a déjà été présenté dans le préambule et sur lequel Roulliard n’a sans doute pas jugé utile de revenir; 3) l’auteur a simplement contracté en un seul résumé deux chapitres (6 et 12) dans lesquels apparaissait la recluse Hersinde. 20

Ils l’ont recopié après 1637 (cf. Annexe 1), donc après la parution en 1628 de l’Histoire de Melun de Roulliard. 21 Avant l’Histoire littéraire de la France… (cf. supra, n. 4), t. 11, p. 630-631, il faut signaler que le Père Anselme, dans son Histoire de la Maison royale de France et des grands Officiers de la couronne, t. 5, Paris, 1730, p. 221, se réfère lui aussi à «l’auteur des miracles de saint Liesne» mais on ne sait s’il le cite au travers de Roulliard ou s’il a eu directement accès à la copie bilingue, car il ne mentionne nulle part ses sources. 22 Il évoque à plusieurs reprises le Liber de miraculis sancti Leonii confessoris et en cite des passages: MABILLON, Annales, t. 3, p. 315; t. 4, p. 71-72, 135 et 166.

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Liesne mais Gautier de Melun, l’auteur du recueil. Signalons aussi qu’en un siècle les jugements avaient pu changer. Les rédacteurs de l’Histoire littéraire ne semblent pas avoir été intéressés par l’œuvre du XIIe siècle en elle-même. À l’âge des Lumières, ils critiquent certains miracles «qui ne paroissent fondés que sur un excès de prévention ou de crédulité» et, en tout état de cause, ils ne parlent, contresens compris, qu’au travers des analyses de Roulliard au lieu de citer le manuscrit23. En résumé, en transcrivant le recueil, les mauristes l’ont sauvé et leur copie se trouve ainsi, virtuellement au moins, à la disposition des historiens depuis les dernières décennies du XVIIe siècle. Dans les faits, elle est cependant restée ignorée jusqu’en 1898. Cette année-là, l’archiviste Vidier signala dans un article qu’il l’avait retrouvée dans le manuscrit BnF 1269024: S. Liesne, note-t-il, était un «personnage en grand honneur à Saint-Père qui est resté inconnu jusqu’à ce jour. La tradition de l’abbaye mettait sous son nom une série de miracles dont le récit est encore inédit»25. Les spécialistes de l’hagiographie du XXe siècle n’ont pas prêté attention à cette publication alors qu’elle localisait enfin l’unique exem23 Ils ont adopté sans vérification les analyses souvent approximatives, pour ne pas dire plus, de Roulliard. Un seul exemple: ce dernier (p. 585) nous dit qu’au chapitre 3 le moine Évrard, explorant le contenu du sépulcre «veid des gouttes de sang sur le linceul», ce qui est faux; le linceul n’est pas mentionné dans la prospection du sépulcre mais seulement au chapitre suivant. Résumant le chapitre 4, Roulliard dit: «une moniale de saincte vie leva le linceul», moniale introuvable et dont on ignore de quel monastère elle pouvait être issue ainsi que les raisons de sa présence en ces lieux... L’Histoire littéraire écrit de même qu’Évrard «aperçut des gouttes de sang» et que «le lendemain, une religieuse tira du tombeau le linceul…». Il y a dans cette interprétation de Roulliard et des auteurs qui l’ont suivi de telles distorsions par rapport au texte édité ici que l’on a bien du mal à écarter l’hypothèse qu’elles ne pouvaient être dues à la légèreté de Roulliard mais s’expliquaient par l’existence d’une version manuscrite très différente. Si j’avais cédé à cette tentation dans mon article précité (Une œuvre retrouvée, cf. n. 1), je suis maintenant persuadée qu’il n’y a jamais eu qu’une seule famille de manuscrits. Comme souvent, Roulliard est obsédé par la similitude de schémas hagiographiques qu’il a rencontrés ailleurs et qu’il plaque sur le texte. C’est particulièrement net pour cette mention de la religieuse puisque lui-même glose ainsi (p. 592): «Seules les moniales peuvent toucher les choses saintes». Et il en donne pour preuve Thomas de Cantorbéry «qui ne voulait faire refaire son cilice que par une vierge recluse et qu’icelle ne sachant comment, c’est la Vierge qui en fut l’ouvrière». 24 A. VIDIER, Les abbayes de Saint-Denis … et Saint-Père de Melun, in Bulletin de la Société Historique de Paris, 25 (1898), p. 149-153. 25

Il est significatif de lire ce qu’écrivait M. LECOMTE dans son article Sébastien Roulliard. Sa famille, ses portraits, ses écrits d’histoire briarde, in Bulletin de la Société d’archéologie de Seine-et-Marne, 14 (1912), p. 147-165, p. 161, n. 2. À propos du recueil des Miracles de S. Liesne, il rappelle que dans une longue publication de la Revue Mabillon (L’Histoire littéraire de la France par dom Rivet et autres, 2 [1906], p. 210-285, et 3 (1907), p. 22-42, 134-146) consacré à la composition de cette œuvre, il avait renvoyé au jugement porté par ses auteurs (au t. 11, p. 630) sur la copie fautive des Miracles de Liesne, ajoutant qu’on devrait la retrouver et qu’il ne désespérait pas de la publier. Or, 14 ans plus tôt, A. Vidier l’avait localisée... Lecomte ne réalisa jamais son projet.

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plaire connu à ce jour du recueil de Gautier et ont continué à déplorer qu’il fût perdu sans espoir26. Conséquence: depuis le XVIIe siècle, tous les chercheurs intéressés par ce saint et l’histoire de Melun sont restés tributaires des analyses de Roulliard. En résumé, les choses ont pu se passer ainsi. Au XVIIe siècle, dans les archives de Saint-Père l’original latin du XIIe ou toute copie faite à partir de lui avaient disparu. Cependant, une copie en latin circulait toujours à Melun, mais disparut après la Fortelle, dès 1845, car nous savons qu’un autre historien la chercha en vain27. Par ailleurs, il est probable que les moines, ou plutôt le curé de l’église à leur collation, avaient fait faire, dès la fin du Moyen Âge, une autre copie accompagnée d’une traduction. Ce nouveau document servit ensuite d’unique support à la mémoire. La rédaction au XIIe siècle du recueil des Miracles de S. Liesne et sa transmission au cours des siècles mériteraient d’être replacées dans une perspective chronologique beaucoup plus large: celle de Melun, de ses églises, de ses saints protecteurs, du monastère Saint-Père, du diocèse. Ainsi percevrait-on mieux le rôle qu’il a pu jouer dans la construction de la mémoire de la ville. Dans le cadre de la présente édition, on se bornera à quelques réflexions sur le saint. II. Qui est saint Liesne de Melun ? On a longtemps cru que la mention la plus ancienne concernant Liesne était fournie par le martyrologe du moine de Saint-Germain-desPrés Usuard, dont on sait l’importance, rédigé vers 865-87028. L’étude attentive du martyrologe métrique de Wandalbert de Prüm29, «poète mé26

On a signalé (n. 1) qu’A. Vidier a fait une ébauche de transcription restée manuscrite.

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Étant donné que l’église a été rasée en 1832, on peut penser que ses archives sont passées dans les mains d’un particulier, ou encore à l’Hôtel de Ville où la Fortelle, contemporain des événements et plusieurs fois maire de Melun, aurait pu les consulter… avant qu’elles ne disparaissent presque aussitôt après, du vivant de ce dernier mais après son dernier mandat, puisqu’il meurt en 1848 (cf. supra, n. 9). 28

Cf. J. DUBOIS, Le Martyrologe d’Usuard. Texte et commentaire (= Subs. hag., 40), Bruxelles, 1965, p. 340, et H. LECLERCQ, Sens, in Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie, t. 15/1, Paris, 1950, col. 1204-1251. Remarquons que Liesne est inconnu du Martyrologe hiéronymien. Importé en Occident au milieu du VIe s., celui-ci fait l’objet de modifications à Auxerre à la fin de ce siècle et s’ouvre alors à des saints du diocèse de Sens (auquel appartenait Melun), en particulier Ste Colombe. 29

On sait que le moine de Prüm, Wandalbert, s’est fondé sur Florus et le Martyrologe hiéronymien mais fait aussi œuvre personnelle. Il est le premier à avoir rendu S. Liesne sinon à son terroir, tout au moins à un bassin fluvial – Sequanae … littora – mais il ne sait quand il a vécu. Son martyrologe est une des bases de celui d’Usuard, qui est beaucoup plus précis,

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diocre mais bien informé» dont Usuard s’est inspiré, a permis de remonter à 848 la date de la première mention du saint. Celui-ci n’est pas associé à Melun mais est présenté comme un «confesseur sur les rives de la Seine», dont la fête est célébrée le 12 novembre30. Il est important d’observer que pendant les décennies où Melun a pu être prise par les Normands, le souvenir du saint confesseur de la ville ne s’était pas perdu. Il était connu au nord du Luxembourg et, mieux et plus durablement, ancré en aval de Melun, dans le martyrologe du grand monastère parisien31. Vient ensuite le témoignage du moine Gautier, le rédacteur et panégyriste de 1136. On est frappé par la place qu’y prennent les polémiques locales, si véhémentes qu’elles vont jusqu’à la haine voire la folie fupuisque, souligne Dubois, il localise 98% des saints en indiquant leur pagus d’origine et pas seulement un fleuve. Pour Liesne, Usuard précise ainsi: castello Miliduno. Et il est qualifié de confesseur et non pas d’évêque. En revanche, le martyrologe d’Adon ne connaît pas S. Liesne, ce qui surprend quand on sait que l’auteur a été élevé à Ferrières, tout près de Melun – ayant à sa disposition l’une des plus riches bibliothèques du temps – et a en outre séjourné au même monastère de Prüm (diocèse de Trèves), dont l’abbé en poste de 841 à 853, époque d’élaboration du travail de Wandalbert, venait lui aussi de Ferrières et fut l’un de ses informateurs: cf. G. SÉNÉCHAL, Aspasius: Aspais. Étude sur le nom du saint honoré à Melun, in Bulletin de la Société d’archéologie de Seine-et-Marne, 11 (1905-1906), p. 213-292, en part. p. 242, n. 1, et J. J. DUBOIS, Le martyrologe métrique de Wandelbert. Ses sources, son originalité, son influence sur le martyrologe d’Usuard, in AB, 79 (1961), p. 257-293. Le martyrologe d’Adon est daté de 853-860 (J. DUBOIS, Le martyrologe d’Adon, Paris, 1984, p. XX). Ajoutons que, dans l’hypothèse où Liesne aurait été évêque durant la brève période du VIe s. pendant laquelle il n’est pas impossible que Melun ait eu un rang épiscopal, il faut reconnaître que ce souvenir en était perdu au IXe s. alors qu’Usuard, moine de Saint-Germain-des-Prés († c. 877), était particulièrement bien placé pour connaître l’histoire de Melun au haut Moyen Âge. 30

Leonium Sequanae recolunt quoque littora sanctum, in Wandalberti Prumiensis Martyrologium, November, éd. E. DÜMMLER, in Monumenta Germaniae Historica. Poetae latini aevi carolini, t. 2, Berlin, 1884, p. 599). Notons que cette mention cultuelle provenant de Germanie est à peu près contemporaine des expéditions normandes sur la Seine, dont l’une, d’après l’auteur de notre recueil de miracles, avait causé l’incendie de l’église Saint-Liesne. 31

Roulliard disait avoir vérifié lui-même dans ce qu’il pensait être le manuscrit authentique du martyrologe d’Usuard, et il observait (p. 179) que la mention de Liesne n’était pas du premier jet mais avait été ajoutée «par entreligne». Le problème est évidemment de savoir si la mention était d’Usuard lui-même – qui, selon Dubois, n’avait cessé de perfectionner son œuvre – ou s’il est légitime d’y voir une interpolation qui pourrait être beaucoup plus tardive. C’est cette hypothèse qui a été retenue dans des notes manuscrites déposées aux AM (GG d 93) qui semblent bien attester l’écriture de Bernard de la Fortelle. Voici l’argument qu’elles développent: l’inscription de S. Liesne au martyrologe aurait dû «attendre» la découverte miraculeuse de ses reliques en 1322. L’affirmation est stupéfiante… d’autant que la Fortelle avait lu le recueil des miracles et constaté qu’en 1136 le corps de Liesne était conservé à Melun. Ce dernier aurait-il disparu entre 1136 et 1322 ? Ou bien la Fortelle avait-il écrit ces lignes avant d’avoir lu le recueil des miracles ? On ne sait (le dossier sera rouvert ailleurs). Selon dom Dubois (Le Martyrologe d’Usuard…[cf. supra, n. 28], p. 340-341), le ms. de Saint-Germain-des-Prés (BnF, lat. 13745) peut être considéré «comme une édition originale, exécutée sous la responsabilité de l’auteur».

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rieuse32. Il n’est pas concevable que leur évocation soit seulement un artifice littéraire même si elle emprunte souvent à Cicéron, Horace ou Quintilien et peut forcer le trait pour faire valoir l’éloquence dans la diatribe. Encore faut-il tenter d’en restituer la teneur, d’en comprendre l’origine, les raisons et les enjeux, qui sont loin d’être clairement ciblés et uniformes. Le climat agressif s’observe dès le préambule mais n’est pas explicité. La première controverse ayant un objet précis et non plus allusif est celle du chapitre 3. Quel type de cérémonie est décrit au chapitre 3 et comment sont réparties les reliques de S. Liesne ? Il est essentiel de comprendre l’événement évoqué dans ce chapitre, ses circonstances et la date à laquelle il eut lieu. Remarquons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’une inventio au sens habituel de découverte d’un corps saint, qui inaugurerait un culte ou entraînerait la rédaction d’un recueil de miracles. On peut remarquer d’ailleurs que deux miracles ont déjà été décrits quand est raconté ce qui s’est passé, nous dit-on, le jour anniversaire du saint, un 12 novembre. Alors y eut-il translatio ? Celle-ci aurait pu prendre deux formes: un changement de sépulture sur place ou un transfert définitif de la dépouille vers un autre lieu. Depuis le XIIe siècle, personne n’a prétendu que le corps a changé de contenant. En revanche, et c’est beaucoup plus lourd de conséquences, la tradition historique33 a estimé de façon presque unanime qu’il y avait eu, sur l’ordre d’un abbé nommé lui aussi Gautier, un transfert définitif du tombeau, situé dans l’église Saint-Liesne vers la basilica major, l’église abbatiale de Saint32 Cf. préamb.: detrahere verbis, livor, vitupero; chap. 3: altercatio grandis; chap. 10: insania; chap. 11: obtrectatio, livor, invidia, furor, perturbatio mentis, furiis agitati, delirantes; chap. 13: delirantes, stultitia; chap. 15: vesania, pervicaci procacitate desipientes, obstinatae mentis, illecebroso ore garriunt; chap. 17, 18: vesanus etc.… 33 Commençons par les textes des deux grands recueils des Mauristes – BnF, lat. 11818, et BnF, lat. 12690 – car ils fondent la tradition de l’Ordre bénédictin réformé et ont dû alimenter toutes les autres (Gallia Christiana, Vies des saints, Bibliotheca sanctorum…, etc. – y compris le Propre de Meaux). Le plus curieux est qu’ils prétendent se fonder sur le récit tiré du recueil des miracles de 1136 désigné par la périphrase in vita seu miraculis sancti Leonii. Son auteur raconterait donc que l’abbé de Saint-Père translationem e suburbana ecclesia ipsius (= Leonii) nomini dicata in principis apostolorum basilicam procuravit (BnF, lat. 11818, fol. 184). Même affirmation dans BnF, lat. 12690, fol. 201v. Mabillon fait encore ici exception mais n’a pas été lu. Dans ses Annales, t. 4, p. 72, il ne signalait comme transfert à Saint-Père que celui du suaire du saint, effectivement raconté au chapitre 4. L’abbé Pruneau (Bibl. Meaux, AD 968 F 26) avait également signalé l’erreur. À sa suite, le chanoine Bernier en 1904 (Les deux saints patrons, p. 46-47) avait eu le courage de s’élever contre la tradition liturgique diocésaine, suivi par Lecotté. En vain.

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Père: le saint aurait déserté son faubourg pour s’établir directement dans la seigneurie monastique. Faute d’avoir eu accès au recueil des miracles du saint, ou d’avoir lu la lettre du curé de Saint-Liesne Huchereau, le sérieux historien de Melun Gabriel Leroy (1834-1908) s’est lui aussi laissé abuser. À sa décharge il faut dire que ce qu’il restait de l’église SaintLiesne après la Révolution avait été rasé juste avant sa naissance alors qu’il avait sous les yeux un vitrail, placé de son temps dans l’église SaintAspais, représentant la translation des reliques de S. Liesne à l’abbaye de Saint-Père «où elles furent honorées jusqu’à la Révolution34». Mais quand les mauristes recopient le recueil de 1136, ils ne prennent pas garde que son auteur ne parlait pas de cette translation. Ils ont lu Roulliard et sur ce point ne relèvent pas non plus que sa version est contraire à la leur35. Plus brutalement encore, ils nient l’évidence. Aux XVIIe-XVIIIe siècles, l’église Saint-Liesne est toujours debout, avec son curé, ses paroissiens, et elle possède toujours le corps du saint. Il ne tenait qu’à eux d’aller y faire un tour pour constater qu’ils se trompaient: le lourd tombeau de pierre de S. Liesne s’y trouvait comme au XIIe siècle. Plusieurs indices montrent que les mauristes ont transcrit le recueil de miracles sans chercher à bien le comprendre car celui-ci atteste, à longueur de texte et sans la moindre ambiguïté, l’inverse de ce qu’ils affirment. Vérifions-le. Si les pèlerins se rendant à Melun sur le tombeau du saint ne vont jamais à Saint-Père mais toujours à Saint-Liesne, qui reste manifestement le temple du saint, sacratissima aedes; si pratiquement tous les miracles postérieurs à l’élévation du corps qui sont décrits ont lieu dans l’église Saint-Liesne ou à distance, et jamais dans l’abbaye, c’est bien que le sépulcre est resté sur place. L’hagiographe le dit d’ailleurs expressément: il y est toujours36, dans «la cripte où le précieux corps du noble confesseur reposoit» (chap. 2). Un autel a été aménagé sur le sépulcre (chap. 7), à ses côtés se trouve une poutre à laquelle sont accrochés les objets de secours, témoins des anciennes maladies, devenus inutiles après la guérison miracu-

34 G. LEROY, Le vieux Melun, Melun, 1904, p. 278. Il est plus fâcheux que le Propre de Meaux véhicule encore au XXe s. l’erreur dénoncée ici. 35

Roulliard est formel (Melun, p. 583): «Son corps est non levé de terre en son église au faubourg». Et, plus bas: «Il [Galtère] adiouste que le sépulcre … est en ce lieu voûté sive arcuato opere – expression empruntée au recueil –, en son église au faubourg d’une ville aimable…» (p. 584-585). La seule précision qui surprenne est la première: pourquoi «non levé de terre» alors qu’il se trouve dans un lourd sarcophage ? Roulliard veut-il dire ce que confirme le curé de l’église, plus d’un siècle après, à savoir que ce sarcophage est en contrebas par rapport à la nef, dans une crypte au sol en terre battue ? On ne voit pas d’autre explication. 36

Cf. la fin du préambule: usque hodie permanens.

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leuse, et une lampe brûle en permanence en hommage au saint (chap. 20). On apprend que les moines accourent quand s’y produit un miracle (chap. 12). Et la dépouille est toujours au même endroit cinq siècles après, du temps de Roulliard, moins d’un quart de siècle avant le relèvement de l’abbaye et l’arrivée des mauristes. Plus encore: il s’y trouve toujours, en 1745, décrit par le curé de Saint-Liesne dans sa lettre déjà citée qui anéantit toutes les affirmations antérieures et postérieures37: «Liesne est honoré comme un saint prestre en la ville de Melun premièrement en l’église parroissiale de son nom dans le fauxbourg qui est situé vers le grand chemin de la Bourgogne. On y possède un ossement d’un bras qui est conservé dans une petite châsse d’ébène revêtue de plaques et ornemens d’argent38; on y possède aussi le tombeau du saint, lequel est dans un caveau vouté... Il est en pierre…». Comment expliquer dès lors les contre-vérités avancées par les mauristes ? Non seulement ces derniers ont compris erronément le chapitre 3 sur lequel on va revenir mais ils ont négligé le reste du texte qui leur eût permis de rétablir la vérité. Que dit réellement Gautier en 1136 ? Quelle opération est décrite dans ce fameux chapitre ? Il apparaît que l’abbé de Saint-Père a voulu faire ouvrir le tombeau du saint et a décidé de faire porter le cercueil ad majorem basilicam. Le déplacement du sarcophage précède l’examen de son contenu. Ainsi, selon toute vraisemblance, l’abbé qui, lui aussi on l’a vu, s’appelait Gautier, ordonna de remonter le sarcophage dans la nef, pour plus de commodité, en particulier pour y voir plus clair que dans la crypte (chap. 3), mais aussi en vue de conférer à l’élévation des reliques solennité et publicité: une foule (turba) assista en effet à l’événement. Ensuite, comme Roulliard et Huchereau nous le prouvent, on redescendit le sarcophage. Il n’y eut donc pas capture par les moines de la sainte dépouille. À cette occasion, seul le fin linceul, intact malgré son âge, fut retiré du cercueil et respectueusement transporté à Saint-Père, ce que le biographe n’oublie pas de préciser (chap. 4)39. 37 Il faut donc croire que le tombeau avait été épargné par les Guerres de religion, peutêtre parce qu’il était dans un local souterrain. Il y reste au moins jusqu’à la Révolution où l’église est vendue comme bien national avant d’être transformée en fabrique puis, en très mauvais état, rasée comme on l’a dit, au XIXe s. On ne trouve plus la moindre mention de ce sarcophage dans les archives. 38 39

Sur l’identification de cette relique, cf. infra les notes de l’Annexe 2.

Ceci pose une question délicate: de quand date la fragmentation du corps entre les différentes églises – et d’abord celles de Melun – car le récit rapporte (chap. 9 et 11) que deux reliques sont transférées, la première en Normandie, l’autre tout près, à La Celle ? Cette fragmentation est en tout cas antérieure à ce qui est décrit ici au chapitre 3, à savoir une reconnaissance solennelle de la dépouille du saint sans prélèvement d’ossements. L’a-t-elle de beaucoup pré-

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Reste à répondre à deux questions également préoccupantes compte tenu de l’inertie de la tradition historiographique: quand et à l’initiative de qui eut lieu la reconnaissance du corps décrite dans ce chapitre ? Et peuton utiliser les données de ce récit pour dater les miracles ? Circonstances de la reconnaissance solennelle du corps Partons des données fournies par le texte lui-même. Le recueil de miracles est donc écrit en 1136 par Gautier qui se nomme et se présente dans le préambule: moine de Saint-Père de Melun, il prend la plume à la demande de son abbé. Au préalable, il faut faire très attention de ne pas confondre notre auteur avec «l’abbé de bonne mémoire» Gautier, qui ordonna l’examen du sépulcre40. Comment s’appelle l’abbé commanditaire de l’œuvre ? L’hagiographe ne le dit pas mais, si l’on en croit les documents réunis dans les registres des mauristes (BnF, 11818, fol. 184v et 12690, fol. 191v et 209), comme toute la documentation hétérogène conservée contenant des listes d’abbés plus ou moins précises, aucune hésitation n’est possible: l’abbé qui fit rédiger les miracles s’appelait Waleran. Il aurait été abbé dans les années 1130-1131 et revient dans toutes les listes abbatiales41. Il y a cependant plus important que l’identification du commanditaire du recueil. Il s’agit surtout d’établir trois choses: d’abord la date de l’événement décrit au chapitre 3, à savoir la prospection du sépulcre du saint, ensuite l’identité de l’abbé qui en a pris l’initiative, un Gautier dit de bonne mécédée ? La question sera posée plus loin, en particulier à propos du chapitre 9 qui a pour objet le chef du saint et pour théâtre l’église N.-D. de Melun, et aussi lors de l’étude de la datation des miracles. Il faudra aussi rassembler tout ce que les archives de Saint-Père peuvent nous apprendre sur les reliques du saint conservées dans l’abbaye. La relique possédée par le monastère – même après les pillages des Calvinistes – la plus précisément désignée et la plus précieuse, signalée constamment à l’époque moderne, est un accessoire du vêtement, très symbolique, le cingulum du saint, efficace auprès des femmes en couches (BnF, lat. 12690, fol. 205: Inventaire des reliques de la sacristie; BnF, lat. 11818, fol. 183v). Toutefois le mauriste dom Raulin suggère, semble-t-il (BnF, lat. 12690, fol. 239v), «que ce serait plutôt une partie de son suaire». En ce cas, le cingulum ne serait dans l’église conventuelle que depuis la reconnaissance du corps et s’y trouverait à l’époque de rédaction du récit – nunc (chap. 4). 40

SÉNÉCHAL, Aspasius… (cf. supra, n. 29), enquêtant sur la fréquence du prénom Aspais, a récolté des informations intéressantes sur les prénoms portés dans la région au cours des siècles: il constate en particulier (p. 253) l’extrême fréquence des Gautier et des Garnier. Les recherches récentes sur l’anthroponymie médiévale ont fait apparaître le faible emploi des noms de saints locaux dans le choix des prénoms, au moins jusqu’au XVe s.: M. BOURIN, Choix des noms et culte des saints aux XIe et XIIe siècles, in Le culte des saints aux XIe-XIIIe siècles. Actes du colloque tenu à Poitiers les 15-17 sept. 1993, dir. R. FAVREAU, Poitiers, 1995, p. 1-9. 41

Cf. BnF, lat. 12690, fol. 201v.

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moire par le narrateur; enfin les circonstances susceptibles de justifier qu’un abbé de Saint-Père intervienne dans une église, semble-t-il déjà paroissiale, d’un bourg adjacent, le quartier Saint-Liesne ayant toujours été distinct de celui dans lequel fut reconstruit le monastère à partir de 99142. Ce dernier quartier, le faubourg Saint-Barthélemy, possédait sa propre église paroissiale dédiée à l’apôtre éponyme. Commençons par étudier l’identité de cet abbé Gautier qui ordonna l’examen des reliques. L’homonymie des deux Gautier — le premier, abbé initiateur de la translation, déjà mort à l’époque de rédaction du recueil, le second, moine et écrivain — serait peu gênante si ce prénom n’était pas aussi, et surtout, celui porté par le moine de Sainte-Colombe de Sens qui fut promu abbé du monastère de Saint-Père, après sa restauration en 991, par Hugues Capet et son fils Robert, sur l’intervention de l’archevêque de Sens, soit quelque 140 ans avant l’achèvement du recueil43. Or la confusion entre les deux abbés homonymes a été totale. Rappelons l’enchaînement des faits. À la demande de Sevin, archevêque de Sens (977-† 999), les deux premiers souverains capétiens lui permettent de reconstruire à Melun deux églises qui mirifico opere constructae dudum fuerant: Saint-Pierre-et-Saint Paul (notre Saint-Père) extra muros et Saint-Étienne intra muros. Sevin reçoit également l’autorisation d’établir une communauté monastique à Saint-Père. Les deux rois confient son gouvernement au moine Gautier renommé «pour son érudition et ses bonnes mœurs». Relevons maintenant les circonstances précises de la translation des reliques décrite par le moine au chapitre 3. Feu Gautier, abbé de Saint-Père, a donc décidé, au jour de la fête du saint44, de faire ouvrir le sépulcre dans l’intention avouée de mettre fin aux disputes (altercatio grandis) dont le ou les objets exacts ne sont pas précisés: il s’agit de prospecter de nouveau (revisere) l’intérieur du tombeau 42 En 991 et non pas en 999, comme on le lit dans plusieurs ouvrages, parmi lesquels la Gallia Christiana (t. 4, Paris, 1656, col. 625) qui dit se fonder sur les antiquis tabulis. En revanche, plus bas (p. 718-719), quand les auteurs parlent de l’abbaye de Melun, ils situent correctement sa refondation sous l’archevêque Sevin de Sens en 991. La même oscillation entre les deux dates s’observe pour la date du siège de Melun et on peut vraisemblablement conjecturer une relation implicite entre les deux événements. 43 Cf. W. M. NEWMAN, Catalogue des actes de Robert II, Paris, 1937, n° 5; GAMS, Series episcoporum, p. 622. Acte passé à Compiègne le 15 sept. 991. On peut signaler ici l’étroite parenté entre la politique de restauration ecclésiastique à Sens et à Melun sous le même archevêque. 44 Soit, selon toute vraisemblance, le 12 novembre d’après le martyrologe d’Usuard. On constate ici incidemment que le culte est toujours vivant, même si, incontestablement, la reconnaissance officielle de «l’authenticité» des reliques, a pour objectif de confondre les sceptiques en prouvant le bien-fondé de la vénération et en lui offrant un supplément de prestige.

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pour rechercher l’équivalent de ce que nous appelons aujourd’hui l’authentique des reliques dans le but de confirmer publiquement l’identité du saint devant la foule des fidèles, appelée à être témoin d’une série de merveilles. Le texte raconte qu’un vénérable moine, Évrard45, est chargé de soulever d’un demi-pied (soit une quinzaine de centimètres) le lourd couvercle de pierre du sépulcre: l’ouverture opérée est donc très étroite. Il s’ensuit aussitôt deux miracles spectaculaires. Alors qu’il palpe la couche à l’intérieur du tombeau, une plaque de marbre portant gravé le nom du saint se déplace vers sa main. Voici donc confirmées deux choses de première importance: l’identité du corps — Liesne se trouve bien là, et il est désigné par son nom — et la légitimité de l’occupation du tombeau. Les mains de l’inventeur ruissellent de sang frais, attestant par là l’incorruptibilité du corps, signe de sainteté. Dans la nuit, autour du tombeau auprès duquel l’abbé a fait placer des gardes, ont lieu d’autres miracles dont une guérison spectaculaire; enfin des lueurs surnaturelles et des mélodies célestes, en apothéose, manifestent pour l’éternité la gloire du saint, chéri de Dieu, et confirment tout ce qu’un fidèle pouvait espérer du titulaire d’une antique église. Au chapitre suivant (chap. 4), le rédacteur précise également que le suaire est intact malgré son long séjour dans la terre. Faut-il, comme l’ont fait tous les documents du XVIIe siècle, les rédacteurs des Acta Sanctorum, et même Mabillon46, sans la moindre voix discordante, identifier le Gautier responsable de la restauration de Saint-Père en 991 et le Gautier «de bonne mémoire» dont il est question en 1136 et qui, de son vivant, fit rechercher l’epitaphium du saint47 ? Selon les mau45 On pourrait supposer que les deux Évrard, mentionnés aux chapitres 3 et 9, ne font qu’une seule et même personne. Il serait pourtant étonnant que Gautier, si attentif à croiser les informations, ne l’ait pas signalé. De toute façon, ces deux hommes ont été moines de Saint-Père. 46 Les Bollandistes (AASS, Nov. t. 4, Bruxelles, 1925, p. 315) mentionnent parmi les praetermissi du 10 nov. S. Leo seu Leonius confessor in oppido Milleduno. Citant la Gallia Christiana (t. 12, p. 172), la notice précise: Walterius, abbas S. Petri Melodunensis saec. X, laudatur ‘in Vita seu Miraculis S. Leonii confessoris’, cuius translationem ex ecclesia suburbana ipsius nomini dicatur in basilicam S. Petri procurauit. Mabillon (Annales, t. 4, p. 72) affirme pour sa part: «Je pense – la précaution est à relever – que c’est de son temps (à savoir celui de Gautier, le premier abbé du monastère reconstruit en 991), que fut élevé dans son église paroissiale le corps de saint Liesne, église qui était sous la dépendance de Saint-Père…». Même prudence dans AN M 723 (n° 164), fol. 6, dont l’auteur se réfère plusieurs fois à Mabillon: «on croit que…». 47 On peut vérifier ces incohérences en particulier chez la Fortelle qui écrit d’abord (p. 3, n. 8) que le récit a été composé vers 995, avant d’affirmer (p. 95) qu’il l’a été en 1136, précision effectivement fournie par le biographe. Il est vraisemblable qu’il a confondu lui aussi les deux Gautier, celui de 991 et celui ayant commandé l’élévation du corps, et sans doute aussi le rédacteur du récit également dénommé Gautier. Il faut toutefois mentionner dès maintenant l’existence dans les archives conservées de l’abbaye d’une autre tradition que celle qui s’est im-

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ristes et les autres auteurs, il n’y a aucun doute: le premier abbé cité dans la charte de 991, originaire du monastère Sainte-Colombe de Sens, serait celui qui organisa l’élévation du corps et qui serait mort en odeur de sainteté aux environs de 1025-103048. Dans ce cas, le récit de 1136 retracerait un événement vieux de plus d’un siècle et quasiment contemporain de la reconstruction de l’abbaye. Cette lecture impose, au moins implicitement, l’idée que la refondation de Saint-Père à l’orée de l’an mil fut le moteur de la reconnaissance officielle et du culte du saint patron de l’église. Il faut mobiliser tous les renseignements disponibles pour rétablir une datation plus exacte. L’hagiographe affirme que l’ouverture du sépulcre eut pour témoin un clerc nommé Robert, celui-là même qui fut miraculeusement guéri la nuit suivante, futur prieur de Saint-Sauveur, qui «nous en a souvent fait le récit et dont on reparlera». Comment un contemporain de l’hagiographe de 1136 pourrait-il avoir été le témoin — mieux, le bénéficiaire — d’un événement aussi ancien, daté de 991-1025/1030, si l’on retient cette dernière date pour la mort de Gautier, premier abbé du monastère restauré ? À moins de voir dans ce Gautier un nouveau Mathusalem, il devient impossible de confondre l’abbé Gautier de 991 avec l’homonyme qui fit «revisiter» les reliques, pour reprendre l’expression du texte. Cette expertise des reliques peut difficilement être antérieure à 1100. Conséquence: il faut «dédoubler» le seul Gautier attesté par les listes des abbés et cesser de lui attribuer à la fois les décorations évoquées dans l’acte de 991 et l’initiative décrite par le moine de Saint-Père en 113649. On doit posée à toute l’historiographie et dont il faudra faire état. On possède deux documents capitaux issus l’un de l’autre et qui, à ma connaissance, n’ont apparemment jamais été lus (AD, Mdz 127 et AM d 97): dans leurs listes, remarquablement étoffées, des abbés de Saint-Père, on constate qu’elles n’associent pas au premier abbé Gautier l’initiative de la reconnaissance des reliques de S. Liesne, ni le transfert de son sépulcre à l’abbaye. 48 C’est ce qui est rapporté dans le ms. BnF, lat. 11818, fol. 184 et fol. 186. Au fol. 186, il est précisé que Gautier, mort vers 1025, avait été envoyé de Sens par l’archevêque pour restaurer Saint-Père, et fit ouvrir le sépulcre du saint et procéder au transfert de sa dépouille dans l’église monastique. Cette double erreur se trouve aussi dans le ms. BnF, lat. 12690, fol. 201v, et dans la Gallia Christiana nova (t. 12, Paris, 1770, col. 170). 49 Il est frappant d’observer qu’au moment où s’opérait la confusion entre les deux abbés Gautier, la formule qui désignait ce bifrons a fusionné les deux périphrases qui les désignaient dans deux documents séparés exactement par 145 ans. La charte de 991 présente l’ancien moine de Sainte-Colombe de Sens, promu premier abbé de Saint-Père après sa restauration, comme moribus egregiis ornatus et eloquiis divinis eruditus (cf. ROULLIARD, Melun, p. 234 et surtout AM GG d 56). En 1136, le moine et rédacteur du livre des Miracles qualifie pour sa part d’homme de summae reverentiae l’abbé «de bonne mémoire» ayant ordonné d’ouvrir le sépulcre. Ces périphrases s’appliquaient à l’origine à deux Gautier distincts mais les auteurs les ont juxtaposées pour en désigner un seul, puis ils se sont recopiés l’un l’autre. Cf. BnF, lat. 11818, fol. 184, où le Gautier de 991 est présenté comme suit: vir eloquiis divinis eruditus ac summae reverentiae dictus in vita seu miraculis s. Leonii...

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dès lors placer l’existence d’un abbé Gautier II à la fin du XIe ou au premier tiers du XIIe s., qui était en tous les cas mort quand le moine rédige son recueil. Certes celui-ci est absent des listes abbatiales hétéroclites conservées, mais ne peut-on expliquer cette lacune, du moins en partie, par la confusion entre homonymes50 ? Pour renforcer cette hypothèse on fera valoir qu’un autre abbé Gautier, qui n’est ni le nôtre ni celui de 991, mentionné dans un manuscrit de Leyde, était également ignoré de toutes les listes «officielles» des abbés de Saint-Père…51. Force est dès lors de constater que les historiens rigoureux de la fin du XVIIe siècle, pourtant soucieux de conserver la mémoire de l’ancienne abbaye affiliée à la congrégation de Saint-Maur, ont manqué ici de jugement et n’ont pas tiré du recueil qu’ils transcrivaient dans le ms. BnF 12690 tout ce qui leur eût permis d’atteindre la vérité historique, sur le devenir des reliques solennellement authentifiées, comme sur l’abbé qui avait ordonné leur réexamen. Les rédacteurs qui disposaient du document de 1136 ont imposé, sans le savoir et tout en affirmant tirer leur science de leur source même, une double erreur concernant l’identité du responsable et la destinée de la dépouille du saint. Au fol. 201v, dressant la liste des abbés telle qu’ils croyaient pouvoir la reconstituer, ils ont écrit à propos de Gautier, l’abbé nommé en 991 et «mort c. 1030»: «C’est lui qui fit la translation des reliques de l’église de son nom (= l’église Saint-Liesne) à l’abbaye (= SaintPère), au rapport du religieux qui a écrit les miracles en 1130 (sic)»52. S’ils ne sont pas explicitement abordés dans le récit, les enjeux de cet événement sont plus complexes encore: il s’agit des droits de Saint-Père sur les reliques et de la localisation du tombeau du saint.

50

Cf. en particulier les deux listes d’abbés dans le ms. BnF lat. 12690, fol. 191 et 209.

51

Cf. E. CHARTRAIRE, Une nouvelle liste de professions épiscopales et abbatiales faites à l’Église métropolitaine de Sens, in Bulletin de la Société archéologique de Sens, 23 (1908), p. 122-139. Le ms. Vossianus lat. Q. 12 de l’Université de Leyde contient le serment d’obédience de trois abbés inconnus des listes de Gallia Christiana et des mauristes, dont un Gautier, abbé de Saint-Père de Melun, qui fait allégeance à l’archevêque Guy de Noyers (1176-1193); cf. K. A. DE MEYIER, Codices Vossiani latini. II: Codices in Quarto, Leiden, 1975, p. 33. L’histoire de l’abbaye Saint-Père, rendue obscure en raison des destructions qu’elle subit, reste à écrire. 52 Aussi gênant, bien que de moindre conséquence, est le fait que dans les quelques commentaires qu’ils donnent du contenu des miracles, ils n’empruntent au récit original que de rares expressions au lieu de le citer. Un exemple: le moine Évrard qui procède à l’ouverture du sépulcre est dit habitu et opere monachus mais la description de la scène s’apparente à une glose et non à une citation. Pour la présentation des témoins qui ont fourni nombre d’informations au narrateur, le scribe est plus fidèle: Robertus, Milidunensis monasterii eximiae vitae monachus, ab eodem Gualterio vitae s. Leonii scriptore, testis sincerae vitae testimonium, passage qui se trouve effectivement dans le préambule (je souligne les emprunts directs).

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Quelle que soit, en définitive, la date à laquelle se déroula, sur l’ordre de l’abbé de Saint-Père, la reconnaissance du corps, on nous dit que lorsqu’il ordonna de le faire solennellement examiner, celui-ci se trouvait à Saint-Liesne, sous l’autel de la crypte. La démarche n’allait pas de soi et pose plusieurs questions. L’existence d’un prêtre attaché à cette église accompagné d’un clerc est clairement mentionnée (chap. 3 et 7). L’église n’était donc ni en ruines ni sans pasteur. Que ce ne soit manifestement pas lui qui ait pris l’initiative de l’ouverture du tombeau est normal: une telle décision dépassait les pouvoirs d’un simple prêtre mais on ne voit pas davantage intervenir l’évêque du diocèse de Sens; or l’authentification des reliques relevait normalement de l’ordinaire: «la procédure canonique exige l’évêque»53. Rappelons toutefois qu’il ne s’agit ici ni d’une elevatio ni d’une translatio stricto sensu mais de ce qu’on pourrait définir comme une reconnaissance locale — n’impliquant dès lors pas une ratification de l’autorité diocésaine —, de la dépouille d’un saint qui faisait déjà l’objet d’un culte public. À quel titre l’abbé de Saint-Père put-il ainsi intervenir ? Il est peu vraisemblable, à mon avis, qu’il pût le faire avant que la possession légitime du patronat de cette église paroissiale ne lui ait été, non pas concédée, mais confirmée solennellement par l’archevêque de Sens lors de sa visite à Melun en 108054. Maître du lieu, l’abbé voulait — le texte le précise bien — donner satisfaction aux fidèles et faire taire les calomniateurs. D’où venaient ces critiques ? Le rédacteur reste malheureusement imprécis sur le contenu de cette contestation. On a dit que l’examen des reliques avait été triomphal. Bien qu’elle ne soit pas exprimée dans le récit, on peut cependant supposer une autre attente, sur laquelle il faudra revenir: les moines ne cherchaientils pas à l’intérieur du tombeau un élément leur permettant de découvrir quel avait été le status du saint de son vivant: une coule de moine, un vê53 Cf. A.-M. HELVÉTIUS, Les inventions de reliques en Gaule du Nord, in Les reliques. Objets, cultes, symboles. Actes du colloque international de l’Université du Littoral-Côte d’Opale (Boulogne-sur-Mer, sept. 1997), éd. E. BOZÒKY – A.-M. HELVÉTIUS (= Hagiologia, 1), Turnhout, 1999 p. 292-311. Celle-ci soutient qu’il est peu fréquent que la présence épiscopale ne soit pas mentionnée pour une inventio ou une translatio. 54 En 1080, l’archevêque de Sens Richer (1062-1096), confirme au monastère de SaintPère plusieurs églises, dont trois sur le seul territoire de Melun et sur la même rive de la Seine – Saint-Liesne, Saint-Aspais et Saint-Barthélemy – ainsi que le droit de présenter les prêtres chargés de les desservir. L’original de l’acte de 1080 semble perdu mais on en conserve plusieurs analyses, notamment dans AM GG d 56, ainsi que des mentions (ex. dans un inventaire des titres de l’abbaye Saint-Père du XVIIe s.: AD, H 224, p. 1). Les termes employés dans l’analyse du manuscrit GG d 56 me paraissent significatifs: celle-ci parle de la confirmation, donnée en assemblée synodale, de la possession à Melun de ces trois églises «dont l’abbé avait déjà le droit de présentation».

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tement de clerc, un attribut caractéristique d’un rang ecclésiastique? La prospection ne mit au jour qu’un suaire, qui n’apprend rien à cet égard. Sur quoi portent les autres litiges qui opposent Gautier à ses détracteurs ? Le motif du contentieux reste vague dans le long préambule. On aurait pu espérer le voir explicité au chapitre 3 mais il n’en fut pas ainsi car l’événement rapporté n’avait pas impliqué Gautier personnellement: luimême ne faisait que relater un épisode du passé. Or l’hagiographe se présente d’entrée comme la cible principale des polémistes: il est visé à titre personnel. À la demande d’un nouvel abbé il doit de nouveau, ou plus que jamais, affronter ses adversaires. Preuve que l’unanimité autour du saint n’était toujours pas faite. Retenons donc ici la persistance, d’un abbatiat à l’autre, des critiques comme de la défense monastique: il faut toujours lutter pour convaincre. Les dispositions intellectuelles du narrateur, caractéristiques des exigences rationnelles du XIIe siècle, sont à souligner. Pour lui, établir la gloire du saint est simplement se mettre au service de la vérité. Gautier se défend non seulement de toute manipulation des faits, d’une interprétation abusive, mais aussi de toute complaisance ou d’adulation a priori à l’égard du saint. Son souci est de «rendre raison»55 en vue de manifester la puissance divine. D’où sa confiance dans l’écrit qui seul peut conserver la mémoire de l’événement: verum testimonium (chap. 21). Il dit écarter les fantasmagories des songes; il sélectionne des informateurs qualifiés au-dessus de tout soupçon, mais élimine les illuminés, les faux prophètes et les imposteurs; il donne des repères de temps et de lieu; il affirme rechercher des pièces à conviction ou au moins des indices (indicium [chap. 11]; monimenta [chap. 11, 19]) et écarter tous les miracles qui pourraient s’expliquer de façon naturelle56. Gautier a manifestement fort à faire et la première question à se poser est celle du public auquel il adresse le récit des miracles. Y aurait-il eu, dans le monastère même, des fortes têtes qu’il fallait encore persuader de la sainteté et de la virtus de S. Liesne, même après le réexamen des reliques ? On connaît des exemples de dissensions au sein 55 Reddere rationem: chap. 11. Il refuse le mensonge (chap. 10), l’adulatio (préamb., et chap. 10). On relève douze mots ayant verus pour radical (veritas, verissimus, veridicus, veritus: préamb., chap. 7, 11, 12, 14, 17, 18, 20, 21). Particulièrement frappante s’avère l’affirmation du chap. 17: veridica assertio a veridicis personis comperta, absque scrupuli controversia indaginem veritatis... Sur les cas peu probants, qu’il prétend vouloir éliminer: cf ambigere aux chap.7, 10, 11, 13; ambiguitas: chap. 3, 9, 20. 56

Chap. 16: humanae artis molimine.

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d’une communauté à propos d’un mort réputé saint57. Constatons toutefois qu’aucun des miracles retenus par Gautier ne met en scène un moine sceptique à convertir. Au contraire, les fidèles du saint les plus zélés se rencontrent dans la communauté. Il paraît dès lors évident que le public à persuader était plus large. D’où pouvaient donc venir les contestations, les critiques dont l’acharnement surprend si l’on compare ce recueil à d’autres documents du même type, et sur quoi portaient-elles ? En théorie, on pourrait penser, pour expliquer ces polémiques, à une rivalité de sanctuaires58. Les preuves manquent cependant. Une clé pour comprendre le contenu des critiques se trouve peut-être dans la distribution et la tonalité des miracles consignés. Après les chapitres 3 et 4, l’horizon semble dégagé. Jusqu’au chapitre 11 la narration donne en effet une impression de communion dans la vénération du saint, sans trouble-fête. Les miracles ne contiennent aucune allusion à des suspicions ou des critiques mais au contraire exaltent la puissance de Liesne. Sa sainteté déborde de son tombeau, de son église, en dehors de son bourg; son pouvoir traverse le fleuve et rayonne dans la ville. Une série de manifestations surnaturelles (chap. 5 et 6, comme déjà au chap. 1) démontre la caution céleste, sans même qu’elle eût été sollicitée pour convaincre les incrédules: boule de feu qui se déplace, lumière céleste faisant successivement jaillir de l’ombre des pôles majeurs du paysage sacré urbain… S. Liesne protège, sur la même rive, le monastère bénédictin de Saint-Père et plus encore l’île Saint-Étienne avec son enceinte du Bas-Empire, site primitif et cœur ancien de Melun, que le recueil appelle généralement le castrum (préambule, chap. 5, 9, 12, 17, 20, 21). Le saint n’est donc pas seulement le protecteur d’un bourg. Les chapitres 2, 7 à 10 le prouvent: ses reliques, sa terre, ses biens comme ses protégés, sont invulnérables et la hiérophanie céleste élargit son territoire. Liesne apparaît comme le patronus fédérateur de toute la cité dont chaque miracle entraîne émerveillement et effusion collectifs. Et son prestige s’étend au-delà, à des dizaines, voire des centaines de kilomètres de Melun: dans la région chartraine en faveur d’une pieuse recluse installée à Melun (chap. 6 et 12), ou en Normandie

57 Je pense par ex. aux tribulations de S. Madelgisile, confesseur et ermite du Ponthieu, relatées par un moine de Saint-Riquier au début du XIIe s., soit à la même époque (Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti. Saeculum IV, t. 2, Paris, 1680, p. 537 sq.). 58 En particulier entre le sanctuaire de Saint-Liesne et celui de l’autre patron de la ville, S. Aspais, totalement absent du recueil. L’hypothèse cependant ne convainc pas. Notons au passage que, sur la même rive de la Seine, l’église Saint-Aspais est elle aussi à cette époque sous le patronat de Saint-Père, qui en conserve des reliques.

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(chap. 9 et 20). On reviendra sur le chapitre 11, véritable pivot du récit, où est exposée la discorde passionnée entre Gautier et ses contradicteurs. À partir du chapitre 12, plusieurs guérisons ou délivrances miraculeuses sont encore relatées (chap. 12, 14 à 16, 20 et 21): le saint soulage des malades; il punit les atteintes à la morale ou l’impiété; il accorde sa miséricorde aux prisonniers qui l’invoquent. Mais, en filigrane du texte, le ton change et la contestation reparaît, très âpre, émanant d’une catégorie nouvelle de détracteurs (chap. 13 et chap. 17-18). Elle est désormais le fait de personnages puissants, souvent des guerriers, orgueilleux et violents: des mécréants qui défient le saint, s’en prennent aux biens d’Église, commettent des sacrilèges et menacent de perturber la fête du 12 novembre. À l’encontre du saint, ils ont une attitude de défi, d’insolence, d’agressivité qui entraîne insultes et même voies de fait. Ils se montrent méprisants à l’égard de ses miracles, s’en moquent, refusent d’en reconnaître l’authenticité ou supputent des fraudes les concernant. Ces opposants sont-ils les descendants incorrigibles de ceux qui auraient dû être définitivement convaincus par l’élévation des reliques décrite au chapitre 3 et contestent-ils toujours que Liesne soit saint ? Ou, sans discuter sa sainteté, dénoncentils seulement son impuissance à faire les miracles qu’on lui prête ? On ne sait exactement. On doit supposer en tout cas qu’il existe à Melun des rationalistes avant l’heure, des rebelles, des sceptiques, des impies qui doutent du pouvoir des saints — de celui-ci en particulier ou de tous (chap. 16 à 18). Au XIIe siècle, une telle attitude n’est pas singulière dans ce genre littéraire59. En fin de compte, l’important est pour le narrateur que les lois du genre triomphent: Gautier doit prouver l’insanité de ses adversaires. Et effectivement la démonstration sera éclatante: les contempteurs, mauvais chrétiens, prétentieux, irrespectueux vis-à-vis de Dieu et de ses saints, sont terrassés, morts ou à genoux. Ensuite vient le calme après la tempête: les trois derniers chapitres sont marqués par une sérénité retrouvée et les pouvoirs du saint sont chantés dans l’effusion générale. La diatribe contre les mauvaises têtes semble désormais inutile. La virtus du saint se manifeste dorénavant hors de Melun et, dans tous les cas, les miraculés sauvés par S. Liesne convergent vers son tombeau pour rendre grâces. Le recueil s’achève ainsi, sans surprise, sur la victoire du saint. Mais il faut revenir au long chapitre 11 dans lequel Gautier fait état d’une attaque violente. Peut-on en déterminer l’origine, la cible, la teneur et les enjeux ? Les adversaires du saint étaient-ils clercs ou laïcs ? Dans 59 Pour des contestations du même ordre, cf. la Vita de S. Firmat, écrite à la fin du XIe s. (AASS, Apr. t. 3, Anvers, 1675, p. 341).

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quel cercle se recrutaient-ils ? On l’ignore mais, à mon sens, ils sont radicalement différents des précédents. Dans ce passage, sans équivalent dans le reste du texte, c’est non pas directement le saint ou ses miracles qui sont attaqués ou contestés, mais bien l’auteur lui-même, comme l’annonçait le préambule, auteur qui parle à la première personne et se trouve ici violemment pris à partie en raison — précise-t-il — de ce qu’il a écrit plus haut. Le problème débattu change de nature. Il ne s’agit plus de savoir ce qu’a fait ou n’a pas fait le saint mais de savoir qui il était, quel status il avait durant sa vie terrestre. La portée de la polémique est désormais d’ordre historique et, de façon plus précise encore, ecclésiologique. Dès le préambule, l’auteur avoue avoir cherché et sondé, mais en vain, les traces du passé. Cet aveu d’ignorance (ignorare) ne le dissuada en rien d’entreprendre la rédaction du texte qu’on lui demandait: dès le début et, plus encore, une fois retrouvée dans le sépulcre l’épitaphe du saint, il affirme que tout ignorer de la vie du saint n’est pas un obstacle à la reconnaissance de ses miracles, ni à la vénération qui lui est due. Cette conviction était à coup sûr celle de l’abbé qui avait demandé à Gautier de dresser la liste des miracles. Si l’on compare les dispositions des moines de Saint-Père avec celles de leur contemporain Guibert de Nogent, a priori une différence radicale saute aux yeux. Dans son fameux traité sur les reliques, l’abbé de Nogent met en garde contre le culte rendu à des individus dont on ne sait rien, ni quand ils étaient nés, ni ce qu’ils avaient fait, ni quand ils étaient morts60. En fait, on ne pouvait reléguer S. Liesne dans la fosse commune de ces supposés saints «qui ne sont que des noms», dénoncés par Guibert de Nogent. L’ignorance de l’auteur n’était que partielle: elle portait sur la vie et l’origine familiale du saint. En revanche, son existence, sa sainteté anciennement attestée, ses liens avec Melun où il était titulaire d’une église, son inscription dans des martyrologes vieux de plusieurs siècles et dans les calendriers du diocèse et de la ville, apparaissaient comme hors de doute. À quel siècle avait-il vécu ? Certes on l’ignorait avec précision mais les invasions du IXe siècle fournissaient au moins un terminus ante quem. Dans quelle catégorie de saints se rangeait-il ? La typologie des saints de l’Église chrétienne était ancienne: elle distinguait et hiérarchisait les martyrs, les confesseurs, les vierges. S. Liesne était confesseur. Sa «fiche signalétique» était au bout du compte plus précise que celle de bien 60 Cf. en particulier H. PLATELLE, Guibert de Nogent et le De pignoribus sanctorum, in Les reliques. Objets, cultes, symboles…(cf. supra, n. 53), p. 109-121.

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d’autres: on connaissait depuis très longtemps sa dignité aux yeux de Dieu, son ancrage géographique, les temps lointains où il avait pu vivre. Sans risques, et simplement par induction, Gautier lui attribuait une foi droite (Préambule) et une chasteté exemplaire (chap. 7). À deux endroits l’hagiographe explicite les griefs que lui objectaient ses adversaires les plus opiniâtres61. Pour lui, «il ne s’agissait pas d’autre chose que» de l’aveu formulé au début du récit, où il prévenait ne rien savoir sur la vie d’un tel père. Mais il précise ensuite: s’ils manifestaient tant de hargne, c’était «pour une seule raison», à savoir qu’il avait parlé du saint comme d’un sacerdos62. La question est délicate. Qu’entendaient Gautier et ses adversaires par ce terme ? On sait que sacerdos a pu, pendant des siècles, aussi bien désigner l’évêque que le simple prêtre63. C’était certainement le cas à l’époque où Liesne était censé avoir vécu64. Mais était-ce toujours vrai au e XII siècle ? Une chose paraît sûre: pour ses adversaires, le terme employé par Gautier était non seulement impropre, mais aussi insupportable. Le mot sacerdos constitue donc la pomme de discorde. Mais dans quel sens ? Plusieurs hypothèses d’école peuvent être ici formulées. Pouvait-il s’agir d’un malentendu induit par une réalité lexicale: le terme était alors encore polysémique et chacun l’aurait compris à sa façon ? Inversement, si sacerdos avait à cette époque déjà acquis une signification spécifique, lequel des degrés de la cléricature désignait-il: le prêtre ou l’évêque ? Quelle était au XIIe siècle la position des uns et des autres sur ce point ? C’est de la réponse avancée ici que, neuf siècles après Gautier, dépendra la compréhension du texte. De celle-ci dérive non seulement la restitution de l’image du saint que le récit transmet mais, par-delà sa personne, l’histoire de la ville. Que voulait dire Gautier et, face à lui, que contestaient ses «ennemis» ? Avant de répondre il faut analyser le vocabulaire utilisé par l’auteur pour désigner le saint. Les adjectifs qu’il associe à sa personne ne nous renseignent que sur l’admiration qu’il lui porte: sanctus, sanctissimus, glo61 Nil ob aliud nisi quod, explicité par ignaros nos vitae tanti patris asseruisse meminimus; et haec sola causa est quia explicité par sub sacerdotali vocabulo nuncupavimus. 62 Remarquons pour l’instant combien cette attaque (repugnare) est ciblée: n’est mis ici en question aucun des qualificatifs utilisés pour désigner le saint, ni aucun autre substantif (confessor, patronus, pater...). 63 Robert Godding a récemment éclairé la question dans son étude Prêtres en Gaule mérovingienne (= Subs. hag., 82), Bruxelles, 2001, surtout aux p. 171-201. 64 Cf. Raban Maur († 856), De institutione clericorum libri tres, I, 5, éd. A. KNÖPFLER (= Veröffentlichungen aus dem Kirchenhistorischen Seminar München, 5), Munich, 1900.

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riosissimus, inclitus, justissimus, clementissimus, deiferus... Les substantifs sont plus intéressants. Le plus souvent, à l’instar d’Usuard qu’il ne cite pas mais qu’il ne peut pas ne pas connaître, Gautier qualifie Liesne de confesseur, parfois plusieurs fois par chapitre, mais jamais de confesseur et pontife (cf. chap. 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 20). Quand il veut insister sur la fonction du saint dans sa bonne ville, il utilise le mot pater (11 fois) ou patronus (4 fois). Notons cependant que toutes ces étiquettes ont une connotation surnaturelle, sub specie aeternitatis. Mais ni les épithètes ni la taxinomie de l’au-delà ne nous renseignent précisément sur l’activité de Liesne sur terre. Au chapitre 11, on lit une précision bienvenue, quoiqu’insuffisante: son habit est dit clericalis. Nous pouvons donc exclure que Liesne ait été un laïc, par exemple un prince particulièrement généreux envers les églises. Il reste cependant bien d’autres status possibles au sein de l’Église, qu’elle soit séculière ou régulière: dans l’ordre clérical, tous les degrés possibles jusqu’à l’évêque ou l’archevêque, et dans l’Église régulière, moine, fondateur d’ordre, abbé, chanoine, ermite, reclus… Liesne est appelé une fois ierarcha (chap. 11), terme précieux et honorifique employé indistinctement pour un évêque ou un prêtre sacrificateur, voire un saint moine comme c’est le cas au chapitre 3 à propos d’Évrard. En fin de compte, le seul substantif qui désigne régulièrement la fonction de Liesne est sacerdos. On dénombre dans le recueil trente occurrences du mot ou de l’adjectif dérivé sacerdotalis (utilisé deux fois, aux chap. 11 et 20). Qu’entendent les uns et les autres par sacerdos ? Plusieurs interprétations viennent à l’esprit. On peut déjà éliminer celle, évoquée ci-dessus, d’un malentendu d’ordre lexical, où chaque camp aurait compris par ce mot une fonction différente. Si cela avait été le cas, la rédaction de Gautier aurait été l’occasion idéale de dissiper toute méprise. En réalité tout le monde était sûrement d’accord sur le sens à donner au terme. Mais précisément, lequel ? Si en recourant au terme sacerdos, Gautier avait voulu affirmer que Liesne était évêque, il faudrait conjecturer que certains Melunais lui refusaient cet honneur, et reprochaient à l’hagiographe d’exagérer. On croit pouvoir aussi éliminer cette hypothèse pour deux raisons. La première relève de l’évolution générale de la langue qui, au cours des siècles, a incontestablement imposé l’usage d’episcopus pour désigner l’évêque — particulièrement depuis les écrits polémiques sur l’investiture des évêques, reconsidérée par la Réforme grégorienne et le renouveau conciliaire. La seconde relève de la démarche de Gautier lui-même, si attentif à la qualité de sa prose et, étant donné le contexte polémique, d’autant plus tenu à la rigueur de l’expression. Ses choix

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de vocabulaire me paraissent significatifs. Il utilise constamment le mot sacerdos pour désigner alternativement divers prêtres de son temps et S. Liesne lui-même in illo tempore, voire comme synonyme de presbyter65. S’il avait soutenu que Liesne était évêque, c’était d’une inconséquence grave. Inversement, il ne parle jamais du saint comme d’un episcopus ou d’un pontifex. Praesul quant à lui reste un terme ambigu66. Mais le problème n’est pas totalement résolu pour autant. Reste à comprendre en effet pourquoi les opposants s’insurgent. Ici encore on peut envisager deux possibilités. 1° Pour eux Liesne n’est pas un saint, son culte est une imposture et c’est en somme la démarche hagiographique qu’ils récusent en bloc. Ils rentrent dans la catégorie des esprits forts qui, au chapitre 3, contestent l’authenticité de ses reliques ou, aux chapitres suivants, son pouvoir et la réalité de ses miracles, 65 Le terme est utilisé pour désigner, sans la moindre ambiguïté, plusieurs personnes évoquées dans le texte, en dehors du saint. Trois cas: 1) il désigne d’abord, sans aucun doute possible, un simple prêtre dans l’exercice de sa fonction: chapitres 7 (un prêtre de sainte vie), 9 (le même curé de paroisse, nommé trois fois), 20 (alors que Liesne est ici qualifié autrement); 2) le saint est, pour la première fois, appelé sacerdos au chap. 8, et le seul à être nommé ainsi dans les chap. 8, 13, 15, 16, 17; 3) au chapitre 12 sacerdos désigne une fois le prêtre desservant SaintLiesne, contemporain de Gautier, et trois fois le saint patron de l’église, comme si, consciemment ou non, Gautier avait voulu suggérer une continuité, par-delà les siècles, de rang et de fonction dans ce lieu qui abritait le corps de celui qui, peut-être, en avait été le premier desservant et qui, en tout cas, était titulaire de l’église. Au chapitre 18 sacerdos est utilisé cinq fois pour le saint, sanctissimus sacerdos, et deux fois pour le prêtre desservant l’église. On peut, certes, remarquer que jamais Liesne n’est dit presbyter mais toujours sacerdos. Pourquoi ? Peut-être que Gautier, cet amoureux des mots, préfère-t-il le second terme qui a une connotation sacrée plus marquée ? En tout cas il emploie indifféremment presbyter et sacerdos pour désigner Hildebrand au chapitre 9 ou le prêtre Renaud (celui-ci est dit presbyter dans le préambule et, dans le chapitre 12, deux fois presbyter et une fois sacerdos). Une question dès lors s’impose: l’auteur, si attentif au choix de ses mots, qui se serait opposé à des contradicteurs uniquement – sola causa – à cause du rang occupé par S. Liesne, aurait-il, s’il était sûr que ce dernier avait été évêque, pris le risque de troubler le lecteur en se servant du même mot pour les deux degrés ? Pourquoi ne le dit-il jamais episcopus (qui s’est imposé depuis longtemps dans l’usage) alors qu’il évoque, et sans en réfuter l’existence, la sedes episcopalis de Melun ? Pourquoi ne le qualifie-t-il jamais de pontifex alors qu’il parle de l’ancien pontificium de Melun ? Pourquoi, s’il avait pensé intimement, mais sans oser l’affirmer, que Liesne était évêque, se serait-il privé du renfort que la terminologie contemporaine était susceptible de lui apporter ? 66

Cf. chapitre 11. Dans son Glossarium mediae et infimiae latinitatis (t. 6, p. 473), Du Cange définit praesul ainsi: qui aliis praeest, praeses, rei alicujus auctor. Le terme peut désigner au Moyen Âge plusieurs catégories d’hommes dont le caractère commun est d’être en position d’autorité: le pape, l’évêque, l’abbé, le juge, voire quelqu’un de plus modeste. Mon interprétation me paraît confortée par l’utilisation du mot dans le passage du lectionnaire recopié par le mauriste pour remplacer le texte latin perdu (BnF, lat. 12690, fol. 238v). Dans celuici, on voit le prêtre de l’église Saint-Liesne (presbiter ejusdem loci) envoyer un clerc (c’est le terme choisi par le traducteur de la fin du Moyen Âge; cf. chap. 1) – ici donc l’équivalent d’un bedeau – sonner complies: praesulum quemdam ad eamdem ecclesiam ob completorii sinaxim pulsandam transmisisse. On constate que clerc est la traduction de praesul.

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et seront, comme le relatera Gautier, cruellement punis par le saint. L’enjeu du chapitre 11 ne serait dès lors pas le status de Liesne mais sa sainteté elle-même. On croit pouvoir éliminer cette hypothèse. Peut-on en effet imaginer que l’auteur ait attendu d’être à la moitié de sa rédaction pour s’expliquer sur une question qu’il savait fondamentale et controversée, à savoir l’authenticité de la sainteté de Liesne ? Le recueil de miracles commandité par l’abbé n’aurait pas beaucoup de sens. Soyons plus précis. Rappelons-nous que c’est l’utilisation du terme de sacerdos qui fait débat. Si l’enjeu de la polémique était la sainteté elle-même de Liesne, qu’importait que Gautier parle de celui-ci comme d’un prêtre ou d’un évêque ? Pourquoi faire une fixation sur son rang dans l’Église ? Ne lui aurait-on pas reproché de parler de lui sub sancto verbo au lieu de sub sacerdotali verbo (chap. 11) ? Il semble clair que l’attaque, pleine de haine, n’est pas dirigée contre Liesne, mais contre Gautier. 2° Une seconde hypothèse pourrait être que la querelle porte sur l’étiquette de confesseur. Certains auraient peut-être voulu ranger le saint dans une autre catégorie, celle des martyrs par exemple. Mais, dans ce cas aussi, qu’importait que Liesne ait été ou non sacerdos ? N’attendrait-on pas plutôt sub confessoris verbo ? Au bout du compte, l’hypothèse la plus probable semble avoir été que l’hagiographe ait encouru de virulents reproches de la part de certains de ses concitoyens parce qu’il avait fait de Liesne un simple prêtre alors qu’il était évêque. Péchant donc par défaut, Gautier aurait été injuste envers le saint… et, on va le voir, envers la ville. Car Gautier nous explique, dans le même paragraphe et seulement là, que ces mêmes contradicteurs mettent en avant l’ancien rang épiscopal de la ville. Au préalable, il faut observer comment se répartissent dans le recueil les occurrences de sacerdos pour désigner S. Liesne: dans la première partie du récit (préambule et chap. 1-10), la seule fois où Gautier s’engage sur la fonction ecclésiastique du saint en le qualifiant de sacerdos se rencontre au chapitre 8, comme s’il s’agissait d’une inadvertance ou d’une anticipation par rapport à ce qui suit. Le lecteur attentif se demande aussitôt d’où l’hagiographe tire son information et sur quel fondement il fait de Liesne un prêtre. Il faut attendre le fameux chapitre 11 pour trouver la justification de ce titre, que Gautier introduit comme la suite d’un raisonnement implicite: «et voici maintenant pourquoi je m’autorise — que dis-je ? je m’impose — de le dire prêtre, quitte à vous fâcher !». À partir de cet endroit l’appellation devient systématique. Comme nous le signalions ci-dessus, rien manifestement n’avait été trouvé dans son sarcophage qui pût éclairer les fidèles sur la fonction de

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Liesne. Pour justifier l’emploi du terme sacerdos, Gautier expose, à la moitié du recueil seulement, son système de défense, avant de retourner sans ménagement l’accusation contre la partie adverse. Il dit tirer son argument d’un miracle radicalement différent des autres qui établit l’identité du saint à la fois sur la terre et au ciel. Faute de preuves fournies par l’histoire des hommes, seule l’intervention divine pouvait en effet éclairer les esprits des vrais croyants. Du haut des cieux le saint se manifeste à un témoin privilégié, un saint moine. Apparition relatée aussitôt après l’explicitation de l’objet du conflit — l’emploi de sacerdos —, et phénomène surnaturel annoncé comme un monimentum, une preuve irréfutable, puisqu’envoyée du ciel et aussitôt confiée à l’écrit pour servir à la mémoire collective. En la personne d’un de ses membres, le pieux Gozlin, un monastère voisin de Melun, La Celle67, avait obtenu du vénérable gardien du trésor de Saint-Père un fragment de la relique de Liesne qui y était conservée68. 67 La localisation de ce toponyme est malaisée. Il se trouve plusieurs La Celle en Seineet-Marne: La Celle-en-Brie, encore appelée La Celle-sur-Morin, non loin de Crécy, dioc. de Meaux; La Celle-sur-Moret, cant. Moret, arrond. Fontainebleau; La Celle-sur-le-Bied, prieuré de Ferrières, cant. et arrond. Courtenay. Il pourrait s’agir plutôt de La Celle-sur-Seine, prieuré bénédictin de Saint-Germain-des-Prés, dioc. de Sens, appelé Saint-Germain de Cellis. Il existe depuis environ 678 et a légué son nom à un lieu-dit dans la commune de La Grande-Paroisse, cant. Montereau-Fault-Yonne (Monasteriolum prope Melodunum), arrond. Fontainebleau. C’est manifestement la localisation proposée par L. H. COTTINEAU, Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, t. I, Mâcon, 1935, col. 643 et 646, qui ne la connaît que par l’intermédiaire de Mabillon puisque, pour le situer, il renvoie à son analyse. Les choses sont cependant plus complexes. Mabillon, qui parle plusieurs fois de Cella super Sequanam (Annales, t. I, p. 542 et 594), lorsqu’il utilise le recueil des miracles de S. Liesne et le chapitre 11, identifie ainsi La Celle de notre texte: Exstat inter Milidunum et Monasteriolum locus Cella dictus, haud longe ab alio Cellis dicto, qui locus hic designari dicitur. Il semblerait donc y avoir un autre lieu dit La Celle possédant un monastère bénédictin, mais distinct de celui de Cellis. Alors où le trouver ? À son avis, dit-il – ut puto – le lieu-dit Cella est à chercher dans le pagus de Melun (le texte dit in finibus, «aux confins», sans autre précision) entre Melun et Montereau. La Cellesur-Morin, cant. et arrond. Coulommiers, où se trouvait au XIIe s. un prieuré dédié à S. Pierre appartenant à Marmoutiers depuis 1072, est trop éloigné (Cottineau l’écarte aussi). On exclut aussi, pour les mêmes raisons, La-Celle-sous-Chantemerle, prieuré de Moutier-la-Celle, au dioc. de Troyes. Si Cellae et Cella constituent bien deux lieux distincts sur la Seine, l’identification du monastère reste indécise. 68 Gautier ne précise pas de quelle relique il s’agit. Contrairement à Mabillon, Roulliard (Melun, p. 356) avait compris Cella comme un nom commun, désignant Saint-Père, et faisait de Gozlin un moine de cette abbaye, ce qui rendait le passage incompréhensible. Comment, si Gozlin résidait à Saint-Père, aurait-il pu souhaiter posséder une relique en vue de diffuser le culte, et vers où aurait pu avoir lieu le transfert in finibus évoqué ? Sur ce point, Nicolet (Histoire de Melun…[cf. supra, n. 2], p. 356) suit Roulliard. On peut déduire de la lecture de ce chapitre le souci de renforcer le culte de Liesne grâce au transfert de la relique qui est l’occasion d’une communion spirituelle entre deux monastères voisins. Ce transfert s’accompagna d’une épiphanie du saint, accordée au moine extérieur, qui s’empressa vraisemblablement de la rapporter à l’abbaye Saint-Père.

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Ce don s’était déroulé avec tout le cérémonial requis. Mais Gozlin voulut savoir non pas si Liesne était bien un saint — ce qui n’avait aucun sens dans le contexte — mais qui il avait été sur terre. Le moine n’avait pas réussi à satisfaire sa curiosité en discutant avec le sacriste de Saint-Père. Les deux hommes n’ont aucun argument pour étayer ce qui ne peut que rester une opinion (arbitramini), et non pas la vérité. Prenant acte de l’infirmité humaine, Gozlin, avec la candeur et l’espérance ardente des vrais croyants, s’adresse au Ciel afin d’obtenir une réponse. Celle-ci lui parvient mais à travers un enchaînement subtil de séquences. Une curieuse révélation s’opère étape par étape: la créature céleste fait tantôt appel à la vue, tantôt à l’intelligence du dormeur qui reçoit le message. On se trouve dans le registre de la connaissance à la fois sensible et intellectuelle, la plus irrécusable qui soit pour l’hagiographe, puisqu’octroyée par la grâce. Un bienheureux surgi de la cour céleste apparaît au moine endormi. L’intensité de la lumière qui rayonne de sa personne et de ses vêtements constitue un premier indice de sa sainteté. L’identité de ce saint — aucun nom n’est encore donné — doit se lire d’abord dans son apparence: sur fond de lumière surnaturelle il porte l’habit clericalis. Par la seule vue de la créature, Gozlin est donc capable d’induire le status de cet élu sur la terre et reçoit une preuve incontestable que de simples prêtres peuvent être élevés au rang des saints. Son identité reste cependant encore à élucider — le narrateur fait montre d’un réel sens du suspense. Gozlin remarque alors que le saint tient sur sa poitrine, comme beaucoup de gisants de l’époque, ses propres reliques69 — allusion subtile à la cérémonie de translation, qui avait eu lieu le jour même. Il ose enfin l’interroger. L’échange, au style direct — du je au tu — est remarquable. Le revenant finit par lever l’anonymat — s’il pouvait subsister un doute ! — et se nomme. Prudent, Gozlin se fait ensuite confirmer la nature de ce que porte le bienheureux, qui le rassure: «tu as obtenu la cession de mes reliques», ratifiant ainsi le transfert70. La leçon finale, qui ne se rapporte plus seulement aux per69 Le mot pour les désigner est pignora. Roulliard a traduit par hostie (Melun, p. 587) mais aucun indice ne permet de confirmer cette interprétation. NICOLET, Histoire de Melun…(cf. supra, n. 2), p. 356, ici aussi, a suivi Roulliard. 70 Remarquons que le saint qui parle du transfert de ses propres reliques et les porte comme signe s’inscrit dans le temps terrestre, celui de la cérémonie dont il a été le héros le jour-même, et non plus dans l’éternité paradisiaque: il a donc une forte chance, si on postule la cohérence des visions, d’apparaître habillé comme un ecclésiastique du XIIe s. Gautier dit bien in clericali habitu: le prêtre porte un vêtement spécial (infula est, depuis le Xe s., souvent synonyme de casula) mais pas d’attributs caractéristiques comme l’anneau pastoral; il ne tient pas en main la crosse ni le sceptre de l’évêque dont les réformateurs de l’époque, en pleine querelle des investitures, ont tant débattu. Il n’a pas non plus de coiffure spécifique. Si le saint avait

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sonnes de S. Liesne et de Gozlin, le récipiendaire, est plus importante encore que cette révélation. Véritable point d’orgue de l’épisode, le miracle prend ici la forme d’une proclamation sans discussion possible: «lorsque j’étais de ce monde, j’ai plu à Dieu dans la fonction que tu vois». Le bienheureux ne précise pas ce qu’avait été cet officium. L’image seule doit faire sens. Elle montre et démontre. Et dans cette dé-monstration, le saint, à coup sûr, ne portait ni la mitre ni la crosse; l’expression utilisée pour décrire son costume, sacerdotales infulae, étant clairement insuffisante pour désigner un évêque71. La seule conclusion qu’en tire le moine Gozlin, et avec lui l’auteur du recueil, est celle-ci: Deinceps in summa veneratione beatissimum colit sacerdotem Leonium — sacerdotem et non pas episcopum. C’est après avoir raconté ce miracle que Gautier évoque la rumeur courant à Melun sur le statut de la ville, selon laquelle celle-ci avait été dans le passé le siège d’un évêché. Deux hypothèses sont ici possibles. Ou bien, sans prévenir, l’hagiographe saute d’un sujet à un autre qui n’a aucun rapport avec le précédent, ou bien le rang de Melun dans la hiérarchie ecclésiastique et celui de son patron sont étroitement liés. Comment S. Liesne pourrait-il être concerné autrement que par son accession au rang d’évêque ? Les deux réalités, prestigieuses, étaient liées, au moins dans l’esprit de certains Melunais. L’auteur fait état de l’opinion de gens dignes de la plus grande confiance (probatissimae personae) sur cette ancienne dignité perdue72. Il voulu faire savoir qu’en son temps il avait été évêque, on peut croire, à mon avis, que, pour lever toute ambiguïté, il aurait porté la crosse et la mitre qui se sont progressivement imposées comme les attributs épiscopaux. Dans le chapitre 20, le saint apparaît, en compagnie du Christ et de la Vierge, à un homme en train d’agoniser au Mans, et le seul ornement liturgique relevé est l’amict, qui n’est pas davantage un privilège réservé à l’évêque. Or, selon l’hagiographe, ce miracle, à la suite duquel le moribond se rend à Melun, était tout récent (nuperrime). 71 Infulae est défini comme «insigne de la dignité sacerdotale» dans le Sacramentaire grégorien du VIIIe s. et peut désigner plus précisément la chasuble: cf. A. BLAISE, Lexicon latinitatis Medii aevi, Turnhout, 1975, s. v. La chasuble, et non la coule ou l’habit d’ermite, exclut, notons-le, que le saint ait été un laïc ou, surtout, un régulier. Si S. Liesne porte bien la chasuble, on pourrait avoir ici l’explication d’un rite intéressant intervenant lors d’une des processions décrites par le curé de Saint-Liesne, Huchereau (cf. Annexe 2). Tous les ans, une procession partait de Saint-Liesne pour aller chercher la chasuble du saint conservée à Notre-Dame; le curé de Saint-Liesne la fixe au mercredi des Rogations. Était-il concevable, dans le protocole ecclésiastique, qu’un simple prêtre revête un vêtement qui avait appartenu à un évêque ? On peut en douter. Ajoutons encore que l’existence de ce vêtement liturgique, identifié comme celui du saint, oblige à se demander où et depuis quand il est conservé, et à quelle occasion il a été institué comme relique. Cela invite peut-être à imaginer une première élévation du corps de Liesne, durant laquelle le vêtement aurait été prélevé, la dépouille restant désormais enveloppée seulement dans le suaire signalé au chapitre 3, qui sera à son tour extrait plus tard du tombeau. 72

À propos de cette rumeur, les questions fusent: sur quoi se fonde-t-elle ? Comment s’estelle transmise ? Plus encore, y a-t-il au XIIe s. des facteurs qui aient pu la faire ou naître ou re-

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convient que des témoignages (monimenta) — sans jamais préciser lesquels — étaient conservés attestant que la ville avait bien eu des praesules, issus de ces chrétiens exceptionnels dont incontestablement Liesne faisait partie; mais il apparaît aussi évident qu’aucun des deux camps ne possédait la preuve formelle que Melun avait été un évêché, ni que S. Liesne en avait été le titulaire. En outre, si Melun avait été un siège épiscopal — mais quand ? et combien de temps ? — encore eût-il fallu que Liesne eût vécu précisément à cette époque, et en eût été à la tête, ce qui multipliait par deux les conditions sine qua non…! Autrement dit, Gautier n’écartait pas catégoriquement la tradition, bien au contraire. On le sent tout prêt à la croire fondée — un passé épiscopal plaidait pour une ville anciennement et profondément évangélisée, dirigée par des chrétiens de grande vertu… —, mais il refuse de se prononcer, faute de preuves73. Et, conscient des vérités contingentes de la vie terrestre, celles des historiens, Gautier explique les lacunes documentaires par les bouleversements successifs connus par la région à partir du IXe siècle, et qui à ses yeux sont d’ordre interne et externe et se classent en trois catégories: déclin du niveau culturel, expliquant la régression des écrits, mutations politiques et invasions étrangères… Tout ceci apparaît fort bien pensé. On peut y voir un nouveau témoignage du souci, clairement attesté au XIIe siècle, de faire appel à la raison, appuyée sur le savoir, chaque fois qu’on le peut… lorsque l’intervention providentielle fait défaut. Par ailleurs, que Melun eût été évêché n’était pas le problème de Gautier: sa tâche consistait à célébrer S. Liesne. Celui-ci avait été un saint prêtre. Point final. Et, pour le reste, l’auteur retournait l’accusation qu’il avait dû endurer. Une accusation très grave lancée contre ses adversaires qui dans leur prétention obstinée, leur folie, s’opposaient à Dieu lui-même et à ses saints74. Dans un style très paulinien, Gautier fustige un orgueil démesuré, vivre ? Il paraît clair en tout cas que les partisans de l’existence d’un évêché à Melun étaient incapables d’avancer une date ou de fournir les fameux monimenta qui auraient prouvé leur thèse. On étudiera ailleurs l’époque et le contexte dans lesquels ils reparaissent sur la scène historique. 73

C’est suite à une interprétation abusive que Roulliard (Melun, p. 587) écrit que le miracle de La Celle avait convaincu les moines du titre épiscopal de Liesne. Il écrit ceci: «(Gozlin) ayant révélé cette vision à ses confrères, ils jugèrent que s. Liesne avoit esté evesque de Melun». Il est pourtant impossible d’arriver à cette conclusion. Mabillon lui aussi relevait (Annales, t. 4, p. 72) que, à lire le rédacteur des miracles, beaucoup de Melunais du XIIe s. étaient persuadés que Melun avait dans le passé été un siège épiscopal. Il concluait prudemment: Fides sit penes authores ! Au début du XXe s. Bernier (Les deux saints patrons, p. 41) formulait la même critique contre Roulliard mais n’avait plus la chance de pouvoir revenir au recueil de Gautier. 74

Isti sunt … qui … contra Deum et sanctos … mutati sunt. La sagesse, l’humilité, la foi administrée au cautère et soutenue par l’onguent divin, sont du côté de Gautier. Elles s’inclinent devant les arcana, le mysterium célestes. En face, on trouve la démesure, la folie, la haine.

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dépassant très largement sa personne et confinant au sacrilège: les contradicteurs prétendaient connaître les desseins divins; en exigeant un patron qui ait été évêque, ils apparaissaient mieux savoir que Dieu et la cour céleste que Liesne ne pouvait qu’occuper ce rang, mieux, qu’il devait l’occuper, comme si les hiérarchies humaines, y compris ecclésiastiques, s’imposaient forcément au Ciel et conditionnaient mécaniquement les faveurs divines. Dans sa conclusion, Gautier appelle à la prudence et à l’humilité: Quamcumque vitam exercuerit… Quelle que soit la vie qui avait été celle du saint, son mérite débordait infiniment l’officium exercé sur terre, au milieu des hommes. L’essentiel — une évidence qui éclatait chaque jour dans toute la Gaule (chap. 17), tout l’Occident (chap. 11), voire le monde entier (chap. 17) — était la démonstration de ses grâces, illustrées par le pouvoir d’intercession que Dieu lui avait donné. Ses miracles seuls faisaient sens. Manifestement il faut chercher plus loin encore l’explication de la rancœur des ennemis de Gautier, ses contradicteurs acharnés (aemuli) qui lui reprochent son écrit. Si ceux-ci liaient la carrière de Liesne au passé épiscopal de Melun, leur haine pouvait s’expliquer ainsi: le saint avait en quelque sorte trahi les espérances que les Melunais avaient mises en lui. Non seulement il n’avait rien fait pour que la ville, désormais injustement déchue, conserve son rang mais, de surcroît, il devenait impossible de prouver cette ancienne dignité. Au XIIe siècle, la tentation était grande d’en vouloir à Dieu lui-même qui, sans raisons apparentes ni justifiées, avait abandonné Melun. Plusieurs enseignements sont donc à tirer de cette polémique. En premier lieu, l’audace tranquille de Gautier impressionne. De son temps, rares étaient en effet les simples prêtres non martyrs, qui n’avaient pas été davantage des peregrini méritants, à être considérés au rang des saints. Lui-même n’avait pas l’obsession des titres et des carrières. Le recueil recèle ensuite un jalon — bienvenu car antérieur de plusieurs siècles à ce que conjecturait jusqu’à aujourd’hui l’histoire locale — à propos de l’élaboration de la mémoire, ou de la légende, de la ville. Celle-ci avaitelle été un siège épiscopal ? Son patron Liesne avait-il été son évêque? La revendication, déjà vivace en 1136, va enfler à l’époque moderne. Dans le récit de Gautier deux attitudes s’opposent déjà: un courant nostalgique, qui pleure la grandeur perdue de la cité et en rejette la faute sur son patron; une mouvance réaliste, qui renonce à décrypter les desseins de Dieu et préfère remercier, par une pléthore d’actions de grâces, le saint patron d’autrefois qui continue à protéger les bons chrétiens. Ce courant passéiste, nostalgique et vindicatif, va traverser les siècles. On le verra for-

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midablement s’exalter plus tard lors de la construction hagiographique de l’image de S. Aspais, l’autre patron de la ville… d’une manière plus délirante encore dans la mesure où l’histoire est, en ce qui le concerne, beaucoup plus lacunaire que pour Liesne, puisqu’on ne possède aucun témoignage ancien l’associant à Melun dans les martyrologes, et qu’on ne connaît ni Vita ni recueil de miracles. Ajoutons une autre leçon, implicite mais importante. Nulle part Gautier n’a eu la tentation, si largement attestée dans l’hagiographie, de faire remonter S. Liesne à l’époque apostolique. Plus encore, il n’évoque nulle part cette «vieille tradition monastique» qu’avancent les mauristes de Saint-Père au XVIIe siècle, selon laquelle Liesne aurait été moine de son propre monastère. On ignore quand apparut cette tradition, qui ne faisait pas l’unanimité. Elle flattait la mémoire monastique de l’établissement à divers égards. Elle présupposait en effet que le monastère existait bien avant l’an mil, ce qui reste à prouver. Elle rendait d’autant plus vénérables les relations entre le monastère et l’église construite en l’honneur du saint. Incontestablement aussi elle imposait une filiation entre le monastère et l’église, car Liesne avait été l’un de ses fils — ce qui demeure à démontrer également. L’église qui portait son nom était enfin sous son autorité légitime. Sur ce dernier point, on l’a vu, les écrits conservés n’apportent cependant de preuves formelles qu’au XIe siècle. Il nous faut maintenant revenir aux miracles consignés par l’auteur pour tenter de les situer sur le plan chronologique. III. Les miracles Peut-on dater les miracles ? Avant d’entreprendre cet exercice de datation, une précaution s’impose. Il faut se garder de considérer que le récit des vingt et un miracles suit forcément une trame chronologique. Un seul exemple prouvera le contraire: le protagoniste du chapitre 17, le comte Bouchard, est mort depuis longtemps, en 1005, alors que dans le chapitre 16, nous sommes en présence d’un contemporain du rédacteur, un certain Bernier qui lui raconte sa délivrance miraculeuse. Il est dès lors manifeste que l’ordre d’apparition des quelques personnages nommés par l’historien ne reflète pas l’ordre chronologique75. 75 L’hagiographe prévient d’ailleurs parfois qu’il ne respecte pas l’ordre chronologique. Il signale ainsi que le miracle du chapitre 13 eut lieu avant celui du chapitre 12.

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Deux catégories d’indices, les uns fournis par l’histoire générale, les autres par les indications temporelles de l’hagiographe, sont susceptibles de nous aider à dater au moins approximativement les miracles. Commençons par ces derniers. Plusieurs miracles ont pour bénéfiaires ou pour témoins des personnes que le narrateur a vues ou rencontrées et qui l’ont informé directement76. Parmi les deux témoins principaux, on trouve Robert77, un clerc promu prévôt (provisor) de Saint-Sauveur, guéri sur le tombeau de Liesne le jour même de l’élévation des reliques et qui est aussi témoin de phénomènes lumineux extraordinaires (chap. 3 et 5). Celui-ci, qui n’est jamais dit de «bonne mémoire» ou associé à l’adverbe quondam, semble toujours vivant à l’époque de rédaction du recueil. Évrard, le moine de Saint-Père qui a procédé à l’exploration du sépulcre (chap. 3 et 4) n’est peut-être pas mort non plus78. Inversement, le prêtre de Saint-Liesne, Renaud, second informateur nommé dans la préface et que l’on retrouve aux chapitres 7 et 12, Hersinde la recluse de SaintLiesne, témoin des miracles relatés aux chapitres 6 et 12, ou Évrard, futur moine de Saint-Père, encore adolescent au chapitre 9, sont bien morts, 76 Il n’est pas tout à fait exact d’affirmer, comme le font les auteurs de l’Histoire littéraire de la France… (cf. supra, n. 4), que l’hagiographe «ne se donne pas pour témoin oculaire» des miracles. À défaut d’y avoir assisté en personne – n’oublions pas qu’il est moine et que la plupart des miracles ont lieu soit dans l’église du saint, soit au loin –, il signale ou bien qu’il est très lié aux témoins ou encore qu’il a bien connu les bénéficiaires et tient d’eux ses renseignements: on peut donc au moins le qualifier de témoin auriculaire (chap. 3, 15 et 16). 77 Les homonymies, on l’a déjà constaté à propos des trois Gautier, ne sont pas la moindre difficulté de ce récit. Le rédacteur n’évoque pas moins de quatre personnes dénommées Robert. Il convient de récapituler les données pour éviter toute confusion. Deux Robert sont faciles à distinguer car ils n’apparaissent qu’une fois. 1) Chapitre 12: un infirme, très pauvre, connu de tous, qui ne se déplace que sur un chariot, est guéri sur le tombeau. Puisque c’est une figure présentée comme familière, on peut penser que le miracle n’est pas très ancien et que ce miraculé vit toujours. 2) Chapitre 17: un des deux intendants du comte Bouchard, appelé Robert, est puni par le saint. L’épisode intervient donc dans les dernières décennies du Xe s., voire dans la dernière (cf. infra), plutôt qu’au début du XIe – moment où Bouchard, âgé, s’est retiré à Saint-Maur. Les deux autres Robert jouent un rôle beaucoup plus important et apparaissent comme les familiers et les collaborateurs de l’auteur dans sa quête d’informations sur S. Liesne; l’un est moine, l’autre clerc, tous deux sont irréprochables. 1) Le premier, le principal informateur, est présenté dès le préambule: il s’agit de Robert, moine de Saint-Père à la vie exemplaire. Il réapparaît au chapitre 9, à propos d’un certain Évrard, «éphèbe» de grande sainteté, qui intervient dans le miracle opéré par le chef de Liesne à Notre-Dame. Le rédacteur précise qu’Évrard s’est fait ensuite moine à Saint-Père et y est mort, et qu’il est l’«oncle du Robert, moine de sainte vie dont on a parlé dans la préface». 2) Un autre Robert, cité lui aussi deux fois, est qualifié de clericus. Au chapitre 3, sa présence est signalée aux côtés de l’abbé de Saint-Père qui fait ouvrir le sépulcre: gravement malade, il est guéri miraculeusement. Le narrateur annonce qu’il en reparlera. En effet, au chapitre 5, Robert clericus, nobilior in Deo, de quo paulo ante praetulimus, nommé récemment provisor de Saint-Sauveur de Melun, assiste à une illumination surnaturelle. À aucun moment l’auteur ne dit que ces deux Robert sont morts. 78

Cf. supra, n. 45.

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mais les événements auxquels ils sont mêlés ne peuvent remonter qu’à quelques décennies. Le miracle dont bénéficie Godelieve, une femme de mauvaise vie (chap. 13), survint peut-être au moment de l’ouverture du tombeau de Liesne, à laquelle l’auteur semble se référer quand il dit que l’histoire se déroula eo tempore quo praefatus sum, soit approximativement vers 1100, si mon raisonnement est exact. C’est à la même date que je crois pouvoir associer le miracle du chapitre 11, capital comme on l’a vu, et sur lequel il faut revenir. À l’époque de rédaction du recueil, Gozlin, le moine de La Celle, et Ingilbert, le sacriste de Saint-Père, sont morts: Ingilbert est en effet dit «de très sainte mémoire» et les verbes se rapportant à Gozlin sont au passé — degebat. Quant au narrateur, il ne se met pas en scène directement. À quand peut remonter l’événement ? Si La Celle correspond au prieuré sur la Seine appartenant à Saint-Germain-des-Prés, nous ne sommes guère avancés car celui-ci existe depuis le VIIe siècle. Une lacune du récit peut toutefois surprendre: il est curieux que lors d’un événement aussi important qu’une cession solennelle de relique, l’abbé — celui de Saint-Père sinon celui de La Celle — n’apparaisse pas. Comment expliquer cet «oubli» ? Si l’on écarte l’hypothèse, peu probable, d’une vacance abbatiale au moment de la cérémonie, il ne reste qu’une explication à ce silence: cet abbé est le même que celui qui ordonna d’explorer le tombeau de S. Liesne au chapitre 3, à savoir Gautier II, et c’est dans la foulée de cet événement que se déroula la translation. Le narrateur a pu oublier de le rappeler. Ce qui nous reporte donc ici aussi aux alentours de 1100. Au chapitre 14, le narrateur affirme qu’il pourrait trouver autant de témoins de la guérison de l’aveugle Odon qu’il y a de paysans dans le village d’origine du miraculé, ce qui plaide pour un fait récent. Par ailleurs, la guérison de l’homme venu du Mans (chap. 20) a eu lieu nuperrime et celle de la femme de Moisenay (chap. 21) temporibus nostris. On peut proposer une identification pour les personnages apparaissant dans les miracles 6, 8, 10, 17 et 1879. On constate donc que, par élimination, la liste des miracles non datables, mettant en scène des anonymes, des gens inconnus ou des faits sans âge, se réduit nettement80. La grosse majorité des 79

Il est impossible de développer ici tout ce que le recueil apporte selon moi à l’histoire de Melun, avant et après l’an mil: l’origine ancienne de son habitat; les invasions normandes et la défense de la cité; la nouvelle distribution des pouvoirs à l’époque féodale; la structure ecclésiastique de la ville, en particulier l’histoire si mal connue du monastère Saint-Père et celle des rapports entre Melun et Sens sur la longue durée. 80

L’imprécision ne caractérise que quatre miracles sur vingt-et-un, dans lesquels interviennent des personnages à l’identité vague – un futur prêtre (chap. 1); un prêtre étranger au pays qui,

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prodiges eut lieu au XIe siècle ou dans le premier tiers du XIIe, en tous les cas après la restauration de Saint-Père et, plus clairement encore, après que la possession de l’église Saint-Liesne lui eut été confirmée en 1080. La structure du récit et la typologie des miracles On sait que les hagiographes empruntaient fréquemment à leurs devanciers. Les parentés frappantes qui unissent, dans le fond comme dans la forme, notre recueil aux miracles consignés par le chanoine Flodoard († 996) dans son Histoire de l’Église de Reims81, sont à signaler. Observons, cette fois dans la perspective de l’analyse littéraire, l’enchaînement des chapitres, et prêtons attention aux associations d’idées faites par le narrateur. À plusieurs reprises, celui-ci semble changer de fil conducteur. On repère quatre thèmes centraux: l’identité du saint et les liens qui le rattachent au ciel, sa maîtrise des quatre éléments, son pouvoir sur les corps, ses interventions dans les rapports entre les hommes. Les chapitres 3, 4, 11 et 20 revêtent une importance particulière car le saint, ou bien gracieusement ou bien parce que ses dévots l’en ont prié, y fournit toutes les assurances sur sa place privilégiée à la cour céleste, voire sur son identité. Liesne réduit ses détracteurs au silence; il applaudit à la dispersion de ses reliques, qui élargit l’aire de ses pouvoirs et de son culte82. Sûr de ses mérites, qu’il n’a plus à prouver, Liesne apparaît susceptible comme beaucoup de célicoles, et n’accepte pas sans riposter d’être traité de «vieux décrépit». Les chapitres 17 et 18 en témoignent pleinement. En outre, comme dans nombre de récits hagiographiques, le saint protège ses biens et ses hommes, en particulier son église. guéri, vit encore plus de trente ans, mais dont on ignore la date de mort (2); une pauvresse de Melun (7) – ou des événements indéterminés comme l’écroulement d’un mur de l’église (19). 81 Je renvoie aux pages de la récente édition de M. STRATMANN, Flodoard von Reims. Die Geschichte der reimser Kirche (= Monumenta Germaniae Historica. Scriptores, 36), Hanovre, 1998: les infirmes se déplacent à l’aide d’un engin de locomotion appelé scamnum ou scabellum (p. 204 et 163); du corps de S. Baudry extrait du sépulcre s’écoule du sang frais (441); un méchant est jeté à terre par sa monture (445); un cierge posé sur un autel se consume entièrement sans brûler la nappe (446); un amoncellement de gerbes brûle près d’une église et la flamme enveloppe le toit sans pourtant endommager le sanctuaire (454), etc… 82

Deux exemples l’illustrent. Dans le chapitre 11, déjà commenté, le saint apprécie le don fait par le gardien des reliques de Saint-Père d’une parcelle de son corps au monastère voisin. Plus intéressant encore: au chapitre 9, le vol du tissu de soie, qui s’était chargé d’un pouvoir surnaturel au contact du chef du saint posé sur l’autel de Notre-Dame, n’est pas sanctionné, mais au contraire tacitement approuvé puisque les pieux voleurs ne sont pas punis et que, en honneur de cette relique, une église est édifiée loin de Melun, quelque part en Normandie, ce qui contribue à diffuser le culte de Liesne.

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La maîtrise des quatre éléments constitue une deuxième thématique très présente dans le recueil. Le feu, avec sa double polarité — feu de Dieu et feu des hommes — y joue un rôle prédominant. Les chapitres 1, 5, 6 relatent ainsi l’apparition d’un feu surnaturel à Melun qui terrorise d’abord les spectateurs avant de les émerveiller car, manifestation de la force du saint, il illumine sans consumer, éclairant dès lors les âmes sans léser ni les corps ni les biens. L’auteur annonce ensuite au chapitre 7 une séquence de trois miracles (chap. 7 à 9), qui font plus directement encore intervenir le feu, et démontre à grand renfort de parallèles bibliques que celui-ci est parfaitement maîtrisé par les puissances célestes, gardiennes des lieux saints83. Quant au feu des hommes, il se présente sous deux formes: il est dû à l’imprudence ou au désir vicieux de nuire à son prochain. Qu’on l’ait laissé allumé par négligence (chap. 7 et 9) ou qu’il soit criminel (chap. 8), le résultat est le même: le feu épargne les lieux sacralisés par la présence du saint ou de ses reliques. L’air est lui aussi le théâtre de phénomènes surnaturels: des colombes volettent auprès du sépulcre et caressent de leurs ailes les hommes en prière (chap. 2); il vibre des chœurs célestes (chap. 3). Troisième des quatre éléments, l’eau produit également des miracles mais d’une façon plus originale. De la source jaillissant devant le portail de l’église84 s’écoule un ruisselet (chap. 17 et 18) qui alimente toujours aujourd’hui le lavoir Saint-Liesne avant d’être canalisé sous la chaussée. Un épisode insigne de l’époque moderne, rapporté par Roulliard, éclaire les vertus thaumaturgiques de cette source puisque son eau guérit le roi François Ier qui, alors à Fontainebleau, souffrait de fortes fièvres. Cette guérison fut suivie, sans surprise, d’un appel au pape. Ce dernier aurait accordé par une bulle un supplément de solennité aux fêtes de S. Liesne dans toute la région85. On ignore quand appa83 Le chapitre 19 est significatif à cet égard. Après l’écroulement d’un des murs de l’église Saint-Liesne, accident naturel dû selon l’auteur à la seule usure du temps, on retrouve intacte la lampe fragile qui brûlait devant le tombeau de Liesne. Défiant toutes les lois de la résistance des matériaux au feu, la flamme continue à éclairer les décombres et à appeler à la vénération. Au passage, on peut se demander si cette lampe n’avait pas pour fonction de signaler aux fidèles qu’ils étaient autorisés à dormir dans l’église, comme c’est le cas dans les Miracles de S. Aignan rédigés au XIe s.: cf. G. RENAUD, Les Miracles de saint Aignan d’Orléans, in AB, 94 (1976), p. 245-274, p. 269. 84

Il ne serait pas absurde de penser que l’église ait pu être construite à l’emplacement d’un lieu de culte païen lié à la source, les sanctuaires ayant souvent prisé la proximité des cours d’eau. 85

Voir ROULLIARD, Melun, p. 581, la lettre du curé Huchereau (cf. Annexe 2) et LECOTTÉ, Recherches sur les cultes populaires… (cf. supra, n. 18), p. 166. Les Récollets, installés à Melun au début du XVIIe s., obtinrent l’autorisation de capter partiellement l’eau de la source de l’église Saint-Liesne, ante fores (cf. AD, H 228, p. 50). Ses pouvoirs thaumaturgiques étaient

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rut cette propriété curative de l’eau du saint, attestée donc au début du e XVI siècle. Le rapport entre la fraîcheur de la source et la faculté de faire tomber la fièvre n’a en tout cas, médicalement parlant, rien de surprenant. La guérison du roi, si elle n’a pas inauguré cette virtus (comme le suggère le chap. 2), l’a certainement développée au point que celle-ci est quasiment devenue sa spécialité, à en croire le Propre du saint. La nature des miracles racontés par Gautier prouve cependant que d’autres propriétés étaient associées à la source Saint-Liesne au XIIe siècle. Les guérisons relatées dans le recueil s’opèrent toujours au tombeau86 et, dans trois cas, après incubation (chap. 2, 3, 12), tandis que le seul rôle manifeste du ruisseau est d’administrer, à deux reprises, la justice du saint. Il est ainsi impossible aux criminels et aux brigands de traverser le petit cours d’eau s’ils s’en sont pris aux hommes ou aux biens de S. Liesne. Elle fait office de barrière pour ceux qui ont violé sa terre (le quatrième élément), profané l’asile qu’offrait son sanctuaire, fait couler le sang à l’intérieur de celui-ci, ou, d’une manière insensée, levé le fouet sur l’autel édifié sur son sépulcre: les chevaux des criminels deviennent fous et les cavaliers, quand ils échappent à la mort87, sont paralysés ou frappés d’hébétude. On le voit: l’eau remplit ici une fonction de justicière, plus spectaculaire encore que celle qui lui était traditionnellement reconnue dans l’ordalie. Elle ne se contente pas de dénoncer le coupable ou de l’empêcher d’échapper au châtiment du saint en quittant la gleba de ce dernier pour se mettre hors de portée, elle exécute les sentences: l’eau peut tuer. Plus indulgente, elle se limite parfois à blesser gravement les corps pour corriger les âmes. La majorité des miracles suit un schéma plus classique: ayant tout pouvoir sur les corps, le saint alterne moments de bienveillance et de sévérité, il guérit et il punit. Comme le montrent les chapitres 2 et 3, 12, 13 et 1488, 20 et 21, on observe une certaine tendance au regroupement des toujours recherchés au début du XXe s.: LECOTTÉ, ibid., p. 166, BERNIER, Les deux saints patrons, p. 49. Survivant à la désaffectation et à la destruction de l’église, l’eau de la fontaine Saint-Liesne alimente aujourd’hui l’hôpital qui a remplacé le couvent des Récollets. 86 De même que certains châtiments dans le cas où le mauvais chrétien insulterait le saint ou profanerait son autel (chap. 18). 87 88

L’un d’eux meurt sur le coup (chap. 18).

La juxtaposition de ces deux miracles de guérison semble obéir à la logique des associations d’idées. Deux infirmes souffrent de la maladie connue aujourd’hui sous le nom de paraplégie spastique: les jambes, complètement retournées vers l’arrière du corps, sont soudées aux fesses (information de mon ami, le docteur Bouvier, que je remercie). Guibert de Nogent décrit également cette pathologie (vestigia contorta sub clunibus; cf. De pignoribus sanctorum, ed. PL 156, col. 621), de même que, à la même époque, Hériman de Tournai (Les miracles de sainte Marie de Laon, éd. A. SAINT-DENIS [= Sources d’histoire médiévale, 36], Paris, 2008, p.

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miracles. On relève sans surprise deux types de maladies ou d’infirmités. Les plus nombreuses ont vraisemblablement des causes naturelles89; les autres punissent un péché ou un vice90, dont la nature n’est pas toujours précisée. Comme on le constate souvent dans les recueils de miracles, les guérisons sont soit totales, soit partielles, non pas que les pouvoirs du saint aient été limités ou capricieusement distribués, mais parce que celuici peut choisir de les graduer à des fins pédagogiques. Les séquelles de l’infirmité qui, souvent, restent visibles sur le corps du pécheur repenti sont, pour lui-même et pour les autres, le rappel ostensible de sanctions immanentes, un avertissement, surtout en cas de rechute dans le vice. Les punitions s’abattent sur les hommes pour des fautes diverses. Le saint sanctionne les manquements à la morale et aux commandements de l’Église. Elles touchent ainsi une mauvaise chrétienne travaillant le jour de la fête du saint (chap. 21), ou une femme à la vie dissolue (chap. 13) qui, ayant récidivé, est frappée d’une cruelle infirmité91; elle ne guérit que lorsque son repentir est durable. S. Liesne intervient aussi dans la vie politique et sociale du temps qui est clairement marquée par un contexte violent92. La protection des faibles et la punition des puissants par le saint visent en effet les mauvaises coutumes seigneuriales (par ex. le banvin, au chap. 10), les abus de pouvoir des officiers ou le vandalisme des brigands qui va jusqu’au sacrilège et à l’insulte proférée contre le saint patron. La libération miraculeuse de prisonniers place Liesne soit dans la position 146). Sur ce type d’infirmité, voir P.-A. SIGAL, L’homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe siècle), Paris, 1985, p. 240-243. 89

Chapitres 1-3, 12, 14, 20.

90

Chapitres 13, 17, 18, 21.

91

Sur les miracles de châtiment, cf. SIGAL, L’homme et le miracle…, p. 276-282.

92

Ces chapitres sont représentatifs du «climat de trouble assez propre, en ce temps, à des falsifications d’actes» évoqué par J.-F. LEMARIGNIER, Le gouvernement royal aux premiers temps capétiens (987-1108), Paris, 1965, p. 74, n. 22 et 198, n. 14. Des faux de Robert et d’Henri Ier ont été présentés à Philippe Ier pour confirmation en 1094 «pour servir d’appui aux moines de Saint-Père contre les abus de ses satellites» – le mot se retrouve au chap. 18 de notre recueil – dont les moines étaient victimes. La charte d’Henri Ier, datée des environs de 1033, est éditée dans le Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 11, 2e éd., Paris, 1876, p. 568. Cet acte a été écarté comme faux par G. LEROY – F. SOEHNÉE, Catalogue des actes d’Henri Ier, roi de France (1031-1060), Paris, 1907, p. IV. Cette remarque corrobore l’hypothèse que plusieurs des miracles du recueil sont contemporains de l’examen des reliques décrit au chapitre 3, que je date de la fin XIe-début XIIe s. J.-F. Lemarignier faisait remarquer aussi que, dans la charte de 991 relative à la reconstruction de l’abbaye de Saint-Père, évoquée ci-dessus, on trouve un des premiers emplois connus de consuetudo, la (mauvaise) coutume, caractéristique de la mise en place d’un nouvel ordre politique. La définition est ici explicite. Le roi interdit à l’archevêque ou à ses successeurs aliquam exactionem vel consuetudinem à l’encontre des moines.

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classique du redresseur de torts, soit dans celle de l’intervenant extérieur dont l’esprit de miséricorde vient casser les décisions de la justice aléatoire des hommes. Les miracles relatés concernent en effet aussi bien le coupable d’un grave forfait, qui s’était cependant sincèrement repenti, que des innocents implorant ardemment l’intercession du saint et dont les entraves se détachent spontanément. Ce type d’intervention des saints est souvent attesté dans le genre hagiographique mais il est peut-être plus directement ici inspiré par la parenté lexicale et phonétique entre Liesne et le mot «lien», comme dans le cas de S. Léonard93. Ce motif de miracle de libération occupe deux chapitres consécutifs (15 et 16). L’hagiographe, on le voit, a eu tendance à privilégier dans son récit des enchaînements thématiques plutôt que chronologiques, ce qui paraît fréquent dans ce type de littérature. La typologie des miracles qui s’en dégage n’est pas spécialement originale. On retrouve de nombreux topoi: grâce au saint, l’aveugle peut espérer voir, le paralytique marcher, le malade chronique guérir, le mourant ayant reçu l’extrême onction revenir à la vie, le pécheur s’amender, le méchant endurci recevoir ici-bas un châtiment mérité, susceptible de servir d’avertissement à d’autres. Le saint envoie en enfer ou ramène à Dieu plusieurs catégories d’âmes en perdition. Au bout du compte, on retrouve bien des motifs connus dans ces vingt et un récits. L’hagiographe veille à constamment répéter que le saint n’est que l’intercesseur de Dieu qui daigne lui déléguer ses pouvoirs. Compatissant pour qui l’aime, le prie et s’humilie devant lui, Liesne apparaît comme le gardien sévère de la morale chrétienne94. 93 Parmi les saints doués du même type de facultés, Léonard de Noblat (Limousin), dont Saint-Père possédait d’ailleurs une relique, a un double pouvoir libérateur: la délivrance des prisonniers qui se prolonge dans l’aide aux femmes en couches. S’il ne l’avait pas encore en 1136, Liesne acquit ensuite cette seconde spécialité: son cingulum conservé à Saint-Père, souverain dans le cadre des accouchements périlleux, est constamment signalé dans le trésor des reliques aux XVIIe et XVIIIe s. (BnF, lat. 12690, fol. 205). On aurait aimé trouver des témoignages de Melunais allant dans l’urgence solliciter chez les moines l’aide de cette ceinture pour leur femme en travail. Dans une perspective anthropologique, il est utile de rapporter une observation consignée en 1904 par Bernier (Les deux saints patrons, p. 42, n. 2). Celui-ci notait la persistance au XIXe s. de cette croyance dans les pouvoirs de S. Liesne, invoqué par les condamnés au bagne: «dans les tristes chaînes de galériens en marche vers le bagne qui stationnaient jadis au faubourg Saint-Liesne, plus d’un malheureux dut aussi à l’intercession du saint la manifestation de son innocence et sa mise en liberté». Au XVIe s. déjà l’humaniste H. Estienne avait mentionné cette «élection métaphorique»: «Ceux qui ont pourveu sainct Clair ou sainte Claire de l’ofice de guarir les yeux ont eu esgard de l’etymologie de leur nom car on ne saurait mieux guarir les yeux que de les faire voir clair» (cité par B. CAULIER, L’eau et le sacré. Les cultes thérapeutiques autour des fontaines en France du Moyen Âge à nos jours, Laval – Paris, 1990, p. 84). 94

J’étudierai dans un autre article les données concernant, à Melun et ailleurs, les reliques, les processions, l’iconographie et les autres indices du culte du saint.

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IV. La langue, la copie et l’édition Le latin du long récit de Gautier est un excellent exemple de la «Renaissance» intellectuelle du XIIe siècle et, dans une perspective plus particulière, de l’essor de Melun, où la cour, depuis le XIe siècle, résidait souvent. Le monastère de Saint-Père était alors un centre reconnu du savoir95 et on se rappellera qu’Abélard s’y replia une première fois pour y poursuivre son enseignement, rejoint en ce lieu par de nombreux étudiants venus d’Angleterre, de Flandre, d’Allemagne ou d’Italie. Il devait s’y réfugier une seconde fois, en 1139 — trois ans seulement après la rédaction du recueil de miracles —, quand S. Bernard obtint sa condamnation. On perçoit à plusieurs reprises combien l’hagiographe de notre recueil est sensible aux belles lettres. Il vante ainsi le moine Gozlin d’être probis moribus comptus et contemplativae vitae deditus liberalibusque disciplinis adprime imbutus (chap. 11). Gautier est pétri de culture antique et a manifestement lu, au moins dans des florilèges, les poètes latins et les grandes œuvres de rhétorique. Il emploie des mots rares et nobles: rancidolus («un peu rance»; prologue), qui renvoie à Juvénal et à Perse, altrix plutôt que nutrix (pour désigner la nourrice, mot attesté seulement chez Cicéron; chap. 10), famen («la parole»; chap. 11). Il choisit des mots précieux, surtout utilisés en poésie: à equus il préfère sonipes (chap. 17), ou, plus poétique encore, cornipedis («la cavale»; chap. 17). Il ne craint pas d’invoquer les divinités infernales de l’Érèbe (chap. 18) et montre une prédilection pour les mots d’origine grecque comme syllogismus (préamb.), adyta («lieu impénétrable», synonyme de tombeau; chap. 14), lipsanum (pour reliquiae ou pignora; chap. 3), theca (chap. 9), chalybs (pour acies, «acier»; chap. 17), climax, («région»; chap. 17), malagma («onguent»; chap. 11) ou ierarcha (ibid.). Il parle d’ironia (terme si présent chez Cicéron et Quintilien, dans la tradition socratique; chap. 6), de genealogia (préamb.). Il emploie le mot savant epitaphium (chap. 3) dans le sens actuel d’inscription funéraire alors qu’un tel usage n’est pas attesté dans les dictionnaires de latin médiéval96. Il ne craint pas un néologisme comme depressitas (chap. 14). La coquetterie de sa plume se remarque encore dans ce goût bien daté pour les 95

Cf. LEROY, Histoire de Melun… (cf. supra, n. 16), p. 118-119. À la fin du XIIe s., la collégiale Notre-Dame de Melun demanda au pape le droit de tenir des écoles et d’en instituer les maîtres, privilège dont jouissait alors l’abbaye de Saint-Père et qui lui fut confirmé au XIIIe s. par Honorius III (cf. BnF, coll. Champ. XX, fol. 20, et LA FORTELLE, Notre-Dame de Melun, p. 7). 96 J. F. NIERMEYER, Mediae latinitatis lexicon minus, Leiden, 1976, p. 378, s. v., retient trois acceptions: inscription non funéraire, tombeau (par métonymie), éloge funèbre.

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longues phrases, l’emploi constant des superlatifs, les assonances, les allitérations, les redondances: Hactenus coelicae curiae hunc coelicolam procerem sanctissimum Leonium coelico splendore coelestis luminis coelitus… (chap. 12) ou encore Precatui ergo miseri hominis, misericorditer misertus, misericors Deus… (chap. 15). La copie Comme je l’ai déjà signalé, le copiste qui eut à sa disposition le manuscrit latin avec une traduction en français s’est trouvé devant un feuillet manquant et a, pour les deux premiers miracles, remplacé le texte latin par la traduction. J’ai adopté le parti de reconstituer ainsi l’ordre logique du récit de miracles: d’abord en plaçant en tête l’avertissement du copiste qui n’expliquait qu’en fin de copie comment il avait pu établir le texte, ensuite en transcrivant immédiatement après le préambule — donc à leur place initiale — la version française des deux premiers miracles. On trouvera en notes le sens de quelques termes de la fin du Moyen Âge devenus peu compréhensibles aujourd’hui. Le scribe a sans doute commis quelques contresens et un certain nombre de lapsus. Il en a corrigé plusieurs, mais pas tous. Avec la marge inévitable de subjectivité que cette lecture peut présenter, d’autres rectifications ont été signalées. Quand il existait une autre copie, notamment dans le cas des courts passages recopiés par la Fortelle, les variantes ont été indiquées en notes. À l’intérieur des chapitres, le copiste n’ayant aménagé aucun paragraphe, la rédaction compacte a été respectée. En revanche, pour aérer le texte, la traduction proposée recourt aux passages à la ligne. Puisque nous ne connaissons l’original du XIIe siècle que par cette copie d’érudit du XVIIe, on ne saurait «espérer de renseignements sur la langue de l’œuvre»97 et on se limitera à quelques remarques. Le copiste écrit toujours eius, huius, iustus, iussus, iurgium, iam, iacuere, iucundus, maiestas, eiicere, coniicere, reiicere. De même, il a systématiquement rétabli les diphtongues ae, oe, ce qui ne saurait prouver qu’elles existaient dans l’original98. Il ligature régulièrement les voyelles, sauf quand elles

97 P. BOURGAIN, Sur l’édition des textes littéraires médiévaux, in Bibliothèque de l’École des Chartes, 150 (1992), p. 16. 98 P. Bourgain observe (ibid., p. 29) que, depuis le XIIe s., «à des dates variables selon les lieux et les influences culturelles», les diphtongues disparaissent. Il arrive au copiste de notre document de barrer un a rétabli à tort devant le e de felicitas et d’hésiter pour proemium/proæmium.

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donnent deux syllabes distinctes99. J’ai donc décidé de le suivre y compris dans ses incohérences. J’ai enfin adopté les normes actuelles pour la ponctuation et les majuscules. (à suivre)* Bois-Colombes

Paulette L’HERMITE-LECLERCQ

22, rue Manoury F – 92270 Bois-Colombes

Summary. St. Leontius (Liesne) is one of the two patron saints of Melun. He is commemorated as a confessor in two ninth-century martyrologies but in which century did he live ? No Vita of him has been traced but a collection of his miracles was compiled in 1136 by Gautier, a monk of the Benedictine monastery of SaintPère, which owned the patronage of the church of St. Leontius. The author strongly insists that the saint had been a priest and not a bishop as some citizens of Melun claimed. This collection of miracles, which was partly used in the 17th cent., disappeared in the 19th cent. However, a copy was made by the Maurists and has been found in the Bibliothèque Nationale at Paris and is published here for the first time.

Liste des abréviations AD = Archives départementales. AM = Archives municipales. BERNIER, Les deux saints patrons = P. D. BERNIER, Les deux saints patrons de Melun, in La semaine religieuse de Meaux, 1904, p. 39-55 (cf. le compte rendu de cette plaquette dans AB, 24 [1905], p. 123). BM = Bibliothèque municipale. LA FORTELLE, Notre-Dame de Melun = B. DE LA FORTELLE, Histoire et description de Notre-Dame de Melun, Melun, 1843. GAMS, Series episcoporum = P. B. GAMS, Series episcoporum ecclesiae catholicae, Regensburg, 1873-1886. MABILLON, Annales = J. MABILLON, Annales Ordinis Sancti Benedicti, t. 3, Paris, 1706, et t. 4, Paris, 1707. ROULLIARD, Melun = S. ROULLIARD, Histoire de Melun contenant plusieurs raretez notables, et non descouvertes en l’Histoire generale de France…, Paris, 1628.

99 *

Il distingue bien, par ex., cœlo et coercere, aer et æther, et écrit Raphael.

L’édition du texte sera publiée dans le prochain fascicule des AB, en décembre 2011.

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P. L’HERMITE-LECLERCQ

ANNEXE 1 Remarques du moine mauriste qui transcrivit le recueil des miracles de S. Liesne (BnF, lat. 12690, fol. 239)100 «Ce manuscrit a été apostillé101 par un P. Récolet102 qui prétend que notre saint Liene soit ce saint Leon, évêque de Sens dont le Martyrologe romain103 fait mémoire le 22 avril et qui vivoit du tems de Childebert second104. Vous pouvez voir ce qu’en écrit André du Saussay105 qui dit expressément que ce saint archevêque a été transporté de Sens à Melun. Il cite le Martyrologe d’Usuard106, Baronius107 et

100

Ces remarques, de la même main que celle qui transcrivit le texte du recueil, prennent place immédiatement à sa suite, au fol. 239rv. 101

Annoté.

102

Les Récollets s’installèrent à Melun en 1606. On possède une indication indirecte sur la période à laquelle le Père récollet anonyme annota le manuscrit que vient de recopier le mauriste (dans les années qui suivirent le rattachement de Saint-Père à la congrégation de SaintMaur, comme on l’a dit). Le récollet renvoie en effet au Martyrologe gallican d’André du Saussay, paru en 1637, et a dès lors annoté le manuscrit après cette date. 103 Cf. Martyrologium romanum, Rome, 1630, p. 554. On a signalé ci-dessus (p. 14, n. 3) que la fête de S. Liesne y est placée au 10 novembre et non au 12. Elle était pourtant correctement fixée au 12 de ce mois dans les martyrologes de Wandelbert et d’Usuard. 104 Il ne peut s’agir ici que de S. Léon, fêté effectivement le 22 avril et mort en 541, l’auteur d’une lettre au roi Childebert Ier dans laquelle il repousse l’invitation de ce dernier à ordonner un évêque à Melun (ed. W. GUNDLACH, Epistulae Austrasicae [= Corpus Christianorum. Series Latina, 117], Turnhout, 1957, p. 489-491). On constate combien les notions d’histoire du récollet sont imprécises car Léon de Sens ne fut pas contemporain de Childebert II (575-596) mais bien de Childebert Ier, fils de Clovis, qui régna de 511 à 558. Il faut dire, à sa décharge, que Léon de Sens s’était dans sa lettre lui aussi trompé sur les filiations des rois mérovingiens, ses contemporains (cf. Y. GALLET, Childebert Ier et le groupe épiscopal de Melun au VIe siècle, in Art et architecture à Melun, p. 101-120, en part. n. 60). 105 A. DU SAUSSAY, Martyrologium gallicanum, Paris, 1637, p. 223. On perçoit l’influence de cet ouvrage qui contient lui aussi pas mal d’erreurs. Son auteur, suivi par le récollet, a confondu ici deux personnages: Leonius (Léon de Sens) et Leonius (Liesne de Melun), dont on ignore s’ils étaient contemporains. Du Saussay, en effet, n’admet pas l’existence d’un Leonius, patron de Melun, distinct du Leo, archevêque de Sens. On le vérifie à trois reprises: 1) dans le tome 1, au sein de sa Topographie des saints de Gaule, placée en début d’ouvrage et non paginée, il ne signale pour Melun aucun Leo ou Liesne; 2) dans le tome 2, au jour du 12 novembre (p. 868) auquel on s’attendrait à trouver Liesne de Melun, il évoque de nouveau Leo alias Leonius, archevêque, episcopus confessor Senonis et Meloduni qui s’opposa à Childebert; 3) dans les index, aucun Liesne de Melun n’est recensé. Du Saussay ne fait allusion nulle part aux Miracles de S. Liesne consignés par Gautier, ce qui prouve qu’il n’a pas lu l’Histoire de Melun de Roulliard, parue une dizaine d’années avant son Martyrologe, et qu’il ne connaît pas davantage le nouveau Propre des deux saints, accepté par Sens en 1622 en l’honneur des deux patrons de la ville. Il ignore aussi manifestement l’existence de l’église Saint-Liesne à Melun, pourtant fort ancienne. 106

Cf. introduction, supra, p. 14.

107

Cf. ibidem.

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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Pierre de Natalibus108. Un autre critique veut qu’il ait été poictevin et archiprêtre de saint Hilaire entre les bras duquel ce saint prélat voulut rendre l’esprit mais monsieur Rouillard109 (sic) dans son histoire de Melun n’est pas de ce sentiment, ayant examiné la vie de ce saint qui luy a été envoyée par les archidiacres de Poitiers dont il étoit avocat au parlement de Paris110. De plus la feste de ce saint se célèbre le premier de février à Poitiers; une partie de ses reliques honorées dans la même ville et l’autre à Partenay et autres lieux circonvoisins. Le nôtre est mort à Melun et enterré au même lieu si nous en croyons l’autheur de ses miracles et le vieil martyrologe de la collégiale111 de cette ville qui dit «Castro Miliduno depositio B(eati) Leonii confessoris»; celui de Paris: «Castro Miliduno s(ancti) Leonii confessoris»; celui de Saint Germain des Prez: «sa feste se célèbre le 12 novembre». Ses sacrées reliques sont presque toutes en ce monastère112, son chef à Notre Dame de Melun113 et quelques petites parties en son église. Messieurs nos anciens ont toujours tenu qu’il avait été religieux de Saint-Père et que pour vivre plus solitaire, il s’étoit retiré au lieu où est à présent son église paroissiale et où on dit qu’il fut enterré114. Nous sommes décimateurs, présentateurs, patrons et curez primitifs de cette cure. Pour ce qui est de sa | fol. 239v | ceinture115, 108 Pietro de Natali, Catalogus sanctorum, Lyon, 1520. S. Liesne se trouve (fol. CCXXVIr) au numéro 318 de la liste (insérée au livre 11) des saints quorum vita vel gestis nihil penitus potui invenire nisi eorum solummodo nomina et dies festivitatis. La notice ne laisse aucun doute sur l’identité du saint de Melun: Leo confessor in castello Miliduno ipso die claruit. L’auteur déclare d’ailleurs avoir trouvé ces saints dans les martyrologes hiéronymien, d’Adon ou d’Usuard (rappelons toutefois que Liesne ne figure pas dans le premier de ces martyrologes anciens). 109 On a ici une nouvelle preuve, plusieurs décennies après sa parution, du succès que connut l’Histoire de Melun (1628) malgré les sévères critiques des Mauristes. 110

ROULLIARD, Melun, p. 582.

111

L’obituaire avait disparu depuis l’époque où Roulliard l’avait utilisé et il est vraisemblable que le mauriste, tout comme nous, se fondait sur son Histoire de Melun (p. 581). On ignore à quelle époque la mention a pu être portée sur l’obituaire / martyrologe. 112 L’affirmation était abusive: cf. Annexe 2. Il semblerait que cette prétention résulte en partie de la mauvaise interprétation du sens de basilica major qui a fondé la croyance, jamais remise en question, que le sépulcre tout entier avait été transféré de l’église Saint-Liesne à l’abbaye, mais l’explication est insuffisante puisque, avant 1789, toute personne pouvait vérifier à l’église Saint-Liesne la présence de son patron. 113

Cf. chap. 9, miracle que l’on a cru pouvoir dater des environs de 1100. Comme nous l’avons suggéré dans l’introduction, ce transfert a pu intervenir au début du XIe s., constituant une première élévation des reliques du saint dont on a perdu toute trace écrite mais qui semble confirmée par l’assertion de Gautier en 1136 selon laquelle le chef se trouvait à Notre-Dame depuis un siècle. 114 Nous avons souligné que cette opinion, largement répandue, présentait plusieurs avantages: 1) établissant un lien de filiation entre le saint et l’abbaye, elle renforçait le prestige des moines; 2) compte tenu de l’ancienneté de S. Liesne, elle validait la conception d’une fondation de l’abbaye bien antérieure aux invasions normandes. Mais on a vu aussi que cette opinion flatteuse, impossible à démontrer comme le signalait dom Élie à la fin du XVIIe s., ne faisait pas l’unanimité car elle se heurtait au silence obstiné de la documentation. 115

Le fameux cingulum, qui désigne normalement la ceinture caractéristique du statut militaire, constamment cité – avec le suaire, si toutefois les deux objets sont distincts comme s’in-

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P. L’HERMITE-LECLERCQ

laquelle nous conservons dans le trésor et à laquelle les femmes enceintes ont dévotion; je voudrais croire que ce seroit plutost une partie d’un de ses suaires. Je me souviens vous en avoir fait la description116. Tous les offices que j’ay veu de ce saint et de ceux qui chantent encore de luy dans toutes les églises du païs ne parlent de luy que comme d’un confesseur non pontife, néamoins messieurs de Melun117 voudroient se persuader que la ville a été autrefois siège épiscopal: 1) parce que saint Aspais évêque d’Élouze, Éloson ou Élosane, ville du Languedoc entre Auch et Toulouse, se trouve avoir souscrit au concile second et quatrième d’Orléans et que dans le tome des conciles sur ce mot Elosensis on voit un astérique qui renvoye à la marge où est écrit Meldunensis118. Et saint Aspais ayant quitté son evéché d’Élouze vint s’établir à Melun dont il est tenu pour apôtre après saint Sérolin119; il a la principale paroisse de la ville dont terroge le mauriste – pourrait laisser imaginer que, dans la mémoire collective, Liesne avait appartenu à la caste guerrière avant d’entrer dans les ordres et de déposer le baudrier sur l’autel, suivant une symbolique de conversion fréquente. Il est cependant plus probable que le cingulum désigne ici, comme chez Jérôme, le cordon de l’aube du prêtre (cf. Ep. 64, ed. PL 22, col. 614): tertium genus est vestimenti, quod illi [les juifs] appellant abanet, nos cingulum vel balteum, sed zonam possumus dicere. Dans le cas où la ceinture fut découpée dans le suaire, elle n’a aucune de ces significations mais s’avère forcément postérieure au transfert du suaire décrit au chapitre 4. 116 Il doit s’agir de l’Inventaire des reliques de la sacristie de Saint-Père de dom Raulin (cf. supra, p. 26, n. 39), consigné au fol. 205 du registre BnF, lat. 12690, où l’auteur parle précisément de la ceinture du saint. 117 Dans cet argumentaire, réfuté par l’auteur de ce commentaire accompagnant la transcription des miracles, c’est encore Roulliard qui est visé. Pour s’en persuader je renvoie aux passages correspondants de ce dernier, qui écrit: «s. Aspais, évesque d’Elouse, Eloson ou Elosane, ville située en Languedoc, entre celles d’Auch et Toulouse…» (p. 167). La construction autour des deux figures des saints Aspais et Liesne, qui s’opère dans les esprits depuis Roulliard, apparaît ici clairement: 1) réactivation d’une mémoire ancienne: Melun a eu un siège épiscopal au moins depuis l’époque de César !; 2) Aspais, archevêque d’Eauze au VIe s., est ensuite passé à Melun; 3) S. Liesne a par conséquent lui aussi été évêque. 118 Cet argument est aussi emprunté à Roulliard (Melun, p. 168), qui se fondait sur la première et monumentale Collection des conciles de l’Allemand Séverin Bini, chanoine de Cologne (Concilia generalia, t. 2, Strasbourg, 1618, p. 773), où figurait le texte du deuxième concile d’Orléans, tenu en 533. Parmi les souscripteurs, après Honorat, évêque de Bourges, on trouve un Aspasius episc. Elosen. L’éditeur a effectivement placé un astérisque après episc., renvoyant en marge à *Melden, mais Roulliard prétend avoir vu écrit Meldunensis, ce qui frise la mauvaise foi… C’est ce Melden déformé en Meldunensis, mis à la place d’Elosen, que Roulliard a interprété comme un renvoi à Melun (p. 174). Le tour était ainsi joué: Aspais avait quitté Eauze pour se réfugier à Melun et y était mort. Cette interprétation ne fut cependant retenue par aucun des éditeurs suivants. 119 Plus généralement appelé Sérotin. La tradition se trouve déjà chez Roulliard (Melun, p. 169 et 180) qui déclare que le personnage «le premier, ha preché la foy chrestienne» avant de rappeler (p. 180) que cet évangélisateur aurait vécu aux environs de 69 ap. J.-C. selon Odorannus, moine de Saint-Pierre-le-Vif à Sens au XIe s. Dans sa Polhymnie chrestienne (Melun, BM, n° 81, fol. 145rv), écrite avant 1628, le même Roulliard attribue à Aspais, dans des termes sans équivoque, d’avoir, au VIe s., pris la succession de «Sérotin, le grand diacre» dans l’évangélisation. Comme on le verra dans l’Annexe 3, Liesne est situé dans la même perspective et à la même époque: « … pour ce hérault de l’Évangile / Envoyé jadis à Melun / Lorsque saint Aspais, son confrère / A mesme foy, par vœu commun, / Y rendoit pareil ministère» (ibid., fol. 146rv).

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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nous sommes patrons, présentateurs et curez primitifs. Ses sacrées reliques reposent sur notre grand autel excepté ce qui a été donné à son église par Monseigneur de Troyes, commandataire de l’abbaye120 et 2) Raymon de Marly dans ses annotations sur les comentaires de Caesar appelle Melun oppidum episcopale121; 3) parce qu’il se trouve dans un vieil registre de la Chambre des Comptes qu’en l’an 1311 il y avait en France trois trésoriers généraux, l’evesque de Melun, Guy, et Florent les Cocquerels122. Enfin par l’autorité et le témoignage de l’autheur de ces miracles123. *

*

*

ANNEXE 2 Lettre de J.-B. Huchereau, curé de Saint-Liesne À Melun ce 13 janvier 1745, Monseigneur, Ayant appris par Monsieur Poisson, curé de Marchangis124, diocèse de Sens, qui a l’honneur d’estre connu de Vostre Grandeur qu’elle désiroit avoir des mémoires touchant saint Liesne et saint Aspais que l’on honore dans la ville de Melun, j’ai l’honneur, Monseigneur, de vous les envoier les plus exacts qu’il m’a esté possible. C’est avec une entière satisfaction que je m’acquite de cette commission

120

François Malier du Houssay, évêque de Troyes de 1641 à 1678 et abbé de Saint-Père.

121

Cf. Caesaris Commentarii de bello gallico et de bello civili … Raimundi Marliani index commentariorum, Milan, 1478. 122

On constate ici encore que, reproduisant les positions de «ces messieurs de Melun», l’auteur du mémoire manuscrit va jusqu’à recopier fidèlement la ponctuation du passage de Roulliard. Les trois arguments des «messieurs de Melun» sont, mot pour mot, ceux de Roulliard (Melun, p. 174-175) dont on mesure, et ce plusieurs décennies après la parution de son livre, le prestige que lui avait valu son élaboration de la légende des deux saints patrons de la ville et de l’ancienne dignité épiscopale de celle-ci. C’est donc bien l’information de Roulliard qu’il nous faut discuter, faute de pouvoir retrouver le document de 1311 qu’il prétend avoir vu. Première remarque: il ne saurait à cette date être question dans un acte officiel d’un évêque de Melun puisqu’il n’y a pas d’évêché, ni même d’un évêque de Meaux ayant exercé les fonctions de trésorier général; on ne trouve pas trace non plus d’un trésorier dont le patronyme ait été L’évêque, ce qui aurait pu fournir une explication. Enfin, il ne peut pas davantage s’agir d’une confusion entre un archevêque de Sens issu de la maison de Melun – il y en eut plusieurs en effet – qui aurait été pris à tort pour un évêque de la même ville. À cette date l’archevêque de Sens est Philippe de Marigny. 123 Le commentaire qui a fait une large place à l’argumentaire de Roulliard s’achève ainsi. Nous renvoyons à notre introduction (p. 42-45) où ont été discutées les affirmations de Gautier sur l’existence possible d’un évêché de Melun dans un passé très lointain, qu’aucune source cependant n’atteste. Il est en revanche certain qu’il n’y avait plus d’évêque à Melun au e XII s. et c’est contre toute évidence que Roulliard assure que Melun était «toujours» siège épiscopal au début du XIVe s. 124

Département de l’Yonne, arr. et cant. Sens.

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pour rendre quelque service à un prelat qui mérite tant de considération dans l’Église. Je prie le Seigneur qu’il conserve encore longtems Votre Grandeur pour le bien et l’avantage de ses serviteurs. Je suis, Monseigneur, de Votre Grandeur125, le très humble et le très obéissant serviteur, Huchereau, curé de Saint-Liesne126. Mémoire touchant le culte de saint Liesne, en latin Leonius, de J.-B. Huchereau [AD Mdz 127]127. Liesne est honoré comme un saint prestre en la ville de Melun, premièrement en l’église parroissiale de son nom dans le fauxbourg qui est situé vers le grand chemin de la Bourgogne. On y possède un ossement d’un bras qui est conservé dans une petite châsse d’ébène revêtue de plaques et ornemens d’argent128; on y 125 Le destinataire de cette lettre inédite, à laquelle font référence Cottard et Delahaye, serait, de leur point de vue, le prieur d’Argenteuil (J. COTTARD – J.-Cl. LE BLAY – G.-R. DELAHAYE, Le site de Saint-Liesne à Melun. La nécropole mérovingienne et l’église médiévale, in Bulletin du groupement d’Archéologie de Seine-et-Marne, 18-19 [1977-1978], p. 214). Ceci paraît totalement exclu pour les raisons suivantes: 1) Le curé Huchereau écrit un rapport non pas sur un saint et son culte mais sur les deux patrons de Melun, comme il le précise dans le prémbule: «Votre Grandeur … désiroit avoir des mémoires touchant saint Liesne et saint Aspais que l’on honore dans la ville de Melun». Ces «mémoires» ne peuvent donc être destinés qu’à une autorité responsable des deux églises et supérieure au juspatronat des abbayes, soit au plus haut niveau de la hiérarchie, à l’autorité épiscopale. 2) Argenteuil n’a par ailleurs jamais eu le moindre droit sur Saint-Aspais de Melun et on se demande à quel titre le prieuré, appartenant à Saint-Denis, aurait demandé une enquête sur lui. 3) On sait que, comme Saint-Aspais, l’église Saint-Liesne appartint à Saint-Père depuis le XIe s. jusqu’en 1789 et on ne voit vraiment pas pourquoi l’abbaye parisienne aurait demandé un rapport sur le culte de S. Liesne, d’autant que depuis le XVIe s elle avait vendu sa seigneurie de Melun à un laïc. Les termes de «Monseigneur» et de «Grandeur», utilisés par le curé pour désigner le destinataire de son rapport, ne peuvent ainsi que se rapporter à l’archevêque de Sens. La lettre semble avoir été rédigée dans le cadre d’un réexamen des cultes locaux et de leurs fondements historiques, une démarche fréquente au XVIIIe s. L’appellation «Votre Grandeur» est également employée par le prieur de Saint-Père quand il écrit à l’archevêque de Sens (AM AA d 1). Par ailleurs on constate, une fois de plus, combien les deux patrons de Melun sont liés dans les préoccupations des autorités ecclésiastiques. Je n’édite ici que le résultat de l’enquête sur S. Liesne. Il serait intéressant de connaître les motifs précis qui la motivèrent. 126 Pour ce personnage, curé de saint-Liesne depuis 1726 et qui occupa à Melun de multiples fonctions, cf. introduction, p. 18, n. 17. 127

Comme ailleurs, le texte a été transcrit en respectant les règles actuelles. Les majuscules ont été rétablies et la ponctuation est moderne. 128 On peut supposer qu’il était impossible d’extraire de sa cave voûtée le sépulcre de pierre pour les besoins de la procession annuelle. Cette dernière devait se satisfaire du bras dont le curé décrit ici le reliquaire. L’autre bras du saint se trouve – on ignore depuis quand – à Saint-Aspais. Dans les AASS, Febr. t. 1 (1658), p. 91-92, à propos de Leonius, prêtre de Poitiers, Bolland rappelle qu’il ne faut pas le confondre avec S. Liesne de Melun dont les reliques seraient, entre autres églises, à Saint-Aspais. Les inventaires du trésor de l’église confirment la chose. En 1734, il est question de deux châsses en bois doré dont l’une contient des reliques de S. Liesne, et l’autre de S. Aspais. Un bras de Liesne, garni de plaques d’argent, est ensuite signalé dans le même document (AD 968 F 26: Communication de M. Charpentier qui recopie un «État des ornements qui appartinrent à l’église Saint-Aspais de 1661-1743 au 20 Brumaire

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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possède aussi le tombeau du saint, lequel est dans un caveau voûté qui tient en longueur une partie du chœur au dessous. Ledit tombeau est de pierre et sans couvercle, il tient toute la longueur du caveau; ledit caveau est au dessus d’un autel érigé dans une petite cave qui est au dessous de l’entrée et d’une partie du chœur, laquelle cave est par conséquent plus basse que le caveau ou est le tombeau. Ledit lieu est fort fréquenté par les fidèles qui réclament saint Liesne pour la guérison des fièvres129 et notamment les deux festes de saint Liesne: la première qui arrive le 12 novembre et la deuxième qui est la feste de la translation des reliques qui se célèbre le dimanche dans l’octave de l’Ascension130 où il se fait une procession avec les saintes reliques dans plusieurs églises de la ville. L’église collégialle, Nostre Dame de Melun, possède aussi des ossemens de saint Liesne, le chef d’argent du saint ou est une partie du crâne131 et une très ancienne chasuble que l’on révère comme la chasuble du saint, de manière que de tems immemorial le curé de Saint-Liesne s’en est toujours revêtu le mercredi des Rogations132 lorsque la parroisse va processionellement en station à Nostre Dame.

an 2»). A priori rien ne s’opposerait à ce que, par exemple à l’occasion de l’élévation du corps de S. Liesne décrite dans notre recueil, l’abbaye eût fait prélever un bras pour le déposer à Saint-Aspais, renforçant ainsi les liens entre les deux églises, et entre celles-ci et leur abbaye tutélaire, mais on s’étonne que l’hagiographe n’ait pas signalé un tel événement, comme il le fait pour le suaire. Un transfert intervenu dès cette époque me semble donc trop précoce. On croit en trouver une preuve a contrario dans plusieurs des miracles du saint qui, on l’a vu, éclairent les relations spirituelles entre les diverses églises possédant une relique de Liesne (Saint-Liesne, Saint-Père, Notre-Dame, La Celle et peut-être aussi Saint-Sauveur) alors que Saint-Aspais est absent de tout le recueil. On peut s’étonner également qu’Huchereau ne mentionne pas la présence d’une relique de Liesne à Saint-Aspais. Rappelons que lui-même a tenu pendant plusieurs années les comptes de la fabrique de cette dernière église et était donc mieux placé que quiconque pour en connaître le trésor. Dans les inventaires du mobilier de l’église Saint-Aspais dressés en 1809, 1810, 1845 (AD 382 G1), sont attestées des reliques de Liesne. S’agit-il de celles que possédait l’église avant la Révolution ou bien de celles qui – on le sait par ailleurs – furent transférées de Saint-Père et de Saint-Liesne, églises sécularisées et vendues comme biens nationaux, à Saint-Aspais, qui conservait sa vocation d’église paroissiale ? On ignore en tout cas ce qu’a pu devenir le sépulcre de pierre. Le reliquaire en cuivre doré signalé en 1810 après trois châsses de bois doré pourrait correspondre à la châsse de Saint-Père évoquée dans l’introduction. 129

C’est le seul type de miracle thaumaturgique qui soit signalé par le curé avec celui de faciliter les accouchements. La tradition attribuait aussi à S. Aspais le pouvoir de guérir les fièvres, ce qui constitue un nouveau témoignage sur la gémellité spirituelle dont jouirent les deux patrons. 130 Cette procession pourrait commémorer le souvenir de la cession du chef du saint par l’église Saint-Liesne à Notre-Dame dans les années durant lesquelles se déroulèrent à la fois la e restauration de l’abbaye (à partir de 991) et la reconstruction de la collégiale (début du XI s.). 131

Ce reliquaire d’argent en forme de tête se trouve mentionné aussi dans AM, 2M3, Inventaire des objets religieux à Notre-Dame. Il y a tout lieu de croire qu’il remplaça le reliquaire de bois décrit au chapitre 9 du recueil de miracles. 132

C’est-à-dire les trois jours précédant l’Ascension. On observe en outre que la commémoration se prolonge jusqu’au dimanche situé dans l’octave de cette fête. Durant la même semaine le curé de Saint-Liesne effectue deux déplacements solennels: il va chercher la chasuble à Notre-Dame et, le dimanche suivant, la procession promène les reliques d’une église à l’autre.

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Les Bénédictins de l’abbaïe de Saint Père ou Saint Pierre de Melun possède (sic) aussi des reliques de saint Liesne et entre autres reliques une ceinture133 pour laquelle les femmes enceintes ont de la dévotion en se la faisant mettre autour des reins. De tems immémorial la feste de saint Liesne se célèbre dans l’une et l’autre église. Ladite feste est aussi chommée par la plus grande partie de la ville et même par les villages circonvoisins, notamment depuis qu’a la requeste des habitans de la parroisse Saint-Liesne et de plusieurs notables de la ville de Melun, le cardinal de Bourbon134, archevesque de Sens étant pour lors en ladite ville ordonna et statua par une ordonnance addressée au doien de la chrétienté dudit Melun, pour la notifier à tous les curés de la ville et des environs, que la feste de saint Liesne fut célébrée chaque année le 12 novembre dans la ville et à deux lieuës à l’entour et accorda 10 jours d’indulgence à tous ceux qui visiteroient l’église le jour de la feste et qui contribueroient par leur aumône ou services à l’ornement et réparations de ladite église. L’ordonnance est dattée du 17 du mois d’aoust 1537. Nous avons cette ordonnance en entier et en copie aussi bien que la requeste dans les archives de l’église. Il est à observer que le nom et la feste de saint Liesne sont indiqués dans le Martyrologe romain135 au 10 novembre sous ce titre: à Melun, saint Léon confesseur. Sur quoi monsieur Chatellain, autheur du Martyrologe universel, édit(ion) de 1709136, fait cette note: saint Léon, pape premier du nom, mort le 30 octobre et inhumé ce jour-ci137 ou les plus anciens l’ont marqué, méconnu par Maurolycus jusOn ignore quand naquit la croyance en une chasuble du saint conservée à Notre-Dame. Le recueil des miracles n’en fait pas formellement mention mais évoque, au chapitre 11, le saint revêtu des infulae (cf. introduction p. 42). On peut dire en tout cas que cette nouvelle relique constitue une preuve supplémentaire de la fonction sacerdotale du saint. Elle n’accrédite pas l’hypothèse d’un S. Liesne moine et encore moins évêque. 133 Cf. BnF, lat. 12690, fol. 206, qui énumère: «Un reliquaire de cuivre doré représentant saint Liesne d’où on a tiré sa ceinture…, la ceinture de saint Liesne qu’on serre dans un coffret de broderie vénéré par les femmes enceintes…». Il est dommage que l’on ne sache pas à quelle époque remonte ce coffret mais, selon toute vraisemblance, la représentation du saint ne devait pas lui attribuer d’ornements épiscopaux. On a vu combien la tradition monastique, dès l’époque de Gautier, était réservée sur cette question. 134 Ludovic de Bourbon-Vendôme, cardinal, archevêque de Sens de 1535 à sa mort en 1557 (cf. GAMS, Series episcoporum, p. 630). On observe ici combien l’extension du culte de celui qui est pourtant présenté comme un des deux patrons de Melun a été tardive. La même remarque s’applique à S. Aspais, comme le montrent les livres liturgiques du Moyen Âge. Il s’en faut de beaucoup que toutes les paroisses d’une même ville célèbrent des fêtes identiques. 135

Cf. supra, p. 14, n. 3.

136

C. CHASTELAIN, Martyrologe universel, Paris, 1709.

137

Il faut comprendre le 10 novembre. Précisons ce que veut dire Huchereau dont la formulation est ici très elliptique. Il pointe du doigt les hésitations de Chastelain, bien repérables dans son martyrologe: d’abord influencé par Maurolycus (cf. note suivante) qui confondait le pape Léon (mort en 461) et S. Liesne de Melun, fêtés à deux jours de distance, il corrige ensuite l’erreur de son devancier: dans ses additions (p. 575), il distingue Léon et Liesne, rend Liesne (appelé Liène) à Melun, place sa fête le 12 novembre et le situe au VIe s., alors que Léon Ier, dit le Grand, est mort en 461 et étranger à Melun.

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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qu’à le prendre pour saint Liesne138 qu’il voioit à deux jours d’ici dans Usuard139. En effet le nom de saint Liesne de Melun est marqué dans Usuard au 12 novembre sous ce titre: pridie idus novembris castello Mileduno Sancti Leonii confessoris; ensuite il est dit par forme de notes: Leonii miracula diligenter collegit quidam Galterius ad dominos fratres sancti Petri, juxta castellum Miledunum in Sanctorum martyrol(ogio) Usuardi, Antverp(en), 1583140. Or nous avons parmi nos papiers une très ancienne copie du recueil des miracles de saint Liesne, lequel est latin et françois, écrit en lettres gothiques sur du vélin où l’on dit ledit recueil fait par Gautier, moine de Saint Père en l’an 1136. Ce même autheur observe dans la préface de son livre que depuis un long tems il y a un grand concours au tombeau de saint Liesne sur lequel l’église a esté bastie, qui, ayant esté ruinée par les Normants fut rebâtie par la piété des fidèles. Sébastien Rouillard (sic) avocat au Parlement, dans son Histoire de la ville de Melun, p. 58, édit(ion) de 1628 in 4°, rapporte que François premier étant grièvement affligé d’une longue fièvre dans la ville de Melun et en sa maison roialle de Fontainebleau …141 et ayant ouï dire qu’à l’un des fauxbourgs d’icelle ville, il y avoit un saint Liesne, qui guarissoit de ces fièvres et qu’auprès de son église étoit une fontaine dont l’eau, par les mérites du saint, avoit ceste vertu (ladite fontaine subsiste toujours aussi bien que la même confiance en son eau), il y envoia son aumônier faire sa neuvaine et se fit apporter par lui de l’eau de la fontaine, de laquelle ayant bu et soudainement la fièvre l’ayant laissé, non seulem(en)t il en vint rendres (sic) grâces à ce saint bienfaicteur ains obtint aussi une bulle du pape Léon X, portant permission que la feste d’icelui saint fut chommée et solemnisée deux lieues à la ronde de Melun. Il est étonnant142 que cet autheur ne dise rien de l’ordonnance rendue par le Cardinal de Bourbon en l’an 1537 portant la même permission et que le cardinal ne

138 Il s’agit de François Maurolycus, abbé de Messine, mathématicien, géographe et hagiographe, qui édita en 1568 le martyrologe d’Usuard, enrichi et interpolé sous le nom de Martyrologium (suivant l’usage de la sainte Église romaine et universelle) – qui connut de nouvelles éditions en 1576 et 1577. On constate effectivement (p. 74 de la première édition) que S. Liesne, appelé Leo, confessor et associé au castellum de Melun, est fixé au 10 novembre. L’ouvrage de Maurolycus fut utilisé jusqu’à ce que Grégoire XIII impose en 1584 le Martyrologe romain de Baronius dont l’édition retouchée fut approuvée par Sixte-Quint en 1586. Liesne s’est donc trouvé fêté le 10 novembre dans le martyrologe officiel alors qu’Usuard, sept siècles avant, l’avait placé au 12 de ce mois. En 1586 encore le même Maurolycus fit paraître une Topographie des saints. Sur ce personnage et cette œuvre, voir B. DE GAIFFIER, Les sources de la «Topographia sanctorum» publiée par Maurolycus, in AB, 52 (1934), p. 57-65, et R. AIGRAIN, L’hagiographie. Ses sources – Ses méthodes – Son histoire. Avec un complément bibliographique par R. GODDING (= Subs. hag., 80), Bruxelles, 2000, p. 64-65. 139

C’est-à-dire le 12 novembre selon Usuard; cf. supra p. 14.

140

Cf. J.-B. DU SOLLIER, Martyrologium Usuardi, in AASS, Iun. t. 7, Anvers, 1717, p. 668669, qui incorpore les Auctaria dus à Molanus († 1585) – à qui l’on devait alors la meilleure édition du martyrologe d’Usuard. 141

Les points de suspension se trouvent dans la lettre.

142

On a déjà signalé les incohérences entre les données de Roulliard: cf supra, p. 14-15.

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P. L’HERMITE-LECLERCQ

parle pas non plus de la bulle de Léon X143 dans son ordonnance ni les habitans de Saint-Liesne dans leur requeste audit archev(êque). Monsieur Chatellain dans son Martyrologe universel déjà cité, au premier février, dans ce qu’il a ajouté au Martyrologe romain touchant les saints de France, parle d’un saint Liesne que l’on honore à Poitiers comme confesseur et dont le corps repose dans l’église de saint Hilaire sous le même nom que celui de Melun, Léonius144. Lorsque j’entrai en ma cure145, je trouvai une ancienne oraison que l’on disoit en l’honneur de saint Liesne dans laquelle on le fait disciple de saint Hilaire de Poitiers. Il est visible par là que l’on confondait Liesne de Poitiers avec Liesne de Melun et lorsque j’eus vu la distinction qu’en fait monsieur Chastellain dans son Martyrologe, j’ai supprimé ladite oraison146. *

*

*

ANNEXE 3 Saint Liesne dans la liturgie Témoignages indirects Les sources du XVIIe s. mentionnent l’existence d’au moins deux lectionnaires contenant la fête de S. Liesne, à Notre-Dame et à Saint-Père. Le premier est mentionné par Roulliard dans son Histoire de Melun (p. 584). Il contenait les 12 leçons chantées pour la fête du saint à la collégiale et se trouvait dans le «vieil registre» de ses archives. De quand datait le lectionnaire lui-même ? Il est forcément postérieur au recueil de Gautier dont il dérive. L’église NotreDame en possédait-elle une copie et avait-elle établi elle-même le texte des leçons, ou avait-elle emprunté celui de l’abbaye Saint-Père ? On ne sait. L’église SaintLiesne qui, on l’a vu dans la lettre du curé Huchereau (Annexe 2), conservait toujours au XVIIIe s. un exemplaire du même recueil des miracles et d’autres pièces concernant l’église et le culte du saint, possédait certainement un lectionnaire semblable pour célébrer la Saint-Liesne. Il est perdu lui aussi. Quand Roulliard affirme avoir écrit son hymne à S. Liesne, transcrit ci-dessous, en utilisant des «livres antiques», parlait-il du recueil ou du lectionnaire de Notre-Dame ? On croit pouvoir répondre. Dans son Histoire de Melun, il résume presque tous les miracles du saint à l’exception des chapitres 1 et 2. Puisqu’il les évoque dans les strophes 4 et 5 de son hymne, c’est que le texte du recueil qu’il avait en main était dépourvu du feuillet correspondant à ces deux premiers miracles (comme celui qu’ont recopié les mauristes plus tard) et qu’il se rabattit donc sur le lectionnaire. Sont ainsi évoqués:

143

La bulle est introuvable.

144

Sur ce Léonius, archiprêtre et disciple d’Hilaire († ca 367), cf. AASS, Febr. t. 2, Anvers, 1658, p. 91-92. 145

En 1726 (cf. supra, n. 17).

146

La lettre s’achève ici.

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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a) un prêtre qui allait sonner complies dans l’église Saint-Liesne et voit une colonne de lumière; b) des colombes qui viennent se poser sur les personnages présents au pied du sépulcre. Le second lectionnaire contenant l’office du saint est celui de Saint-Père, auquel font allusion les mauristes qui recopiaient les archives de l’abbaye. C’est ce document qu’utilise le copiste quand il constate que le recueil des miracles a perdu un feuillet. Après avoir transcrit l’ensemble des miracles, il signale en effet (fol. 238v-239r): «J’ay trouvé dans un ancien lectionaire de cette abbaye les douzes leçons de saint Liene, tirées mot à mot (je souligne) de ce livre de ses miracles parmi lesquelles se trouvent ces premiers qui nous manquent. La première [leçon] commence à ces mots: Mirabilem igitur Deum in sanctis suis dignis tripudiorum extollamus trophaeis etc. et se finit: «ad laudem nominis sui diebus istis humano generi demonstravit». Puis le moine enchaîne: «La deuxième [leçon] qui décrit ce premier miracle: Castrum Milidunum situ et…»147. On constate que les deux lignes qui suivent ce passage repris littéralement au recueil sont davantage une interprétation libre et un résumé qu’une copie littérale du texte de Gautier mais qu’elles n’en altèrent pas le sens. Il poursuit ainsi: isdem Christi confessor praecipuus praesentialiter exhumatus quam multis signorum documentis soepissime irradiare dinoscitur Christi praesentia. On constate également que la phrase suivante n’évoque que les chœurs angéliques qui ont salué le premier miracle: Nam et stationes angelice crebrius ibi noctu auditae sunt. Ensuite il ouvre un crochet devant ce qui va suivre et, de plus, tout le passage allant de Quodam ergo die jusqu’à Leonium reversus est ad propria148, qui termine le paragraphe, est coché dans la marge. On vérifie que ce passage exprime le sens du chapitre premier dont il avait recopié la traduction en ancien français au fol. 238. Puis le copiste poursuit ainsi, avec l’intention manifeste, cette fois, de résumer le chapitre 9: Est in ipso castro aula in honorem intemeratae virginis genitricis Dei consecrata etc… (après quoi plusieurs mots sont barrés, notamment capite qui renvoie au chef du saint qui va bénéficier d’un miracle); mais manifestement le scribe renonce à ce projet de résumé: il rature ce qu’il vient d’écrire et conclut: «tout le reste de ces leçons se trouve dans le susdit manuscrit». Nous n’en saurons pas plus sur le contenu des douze leçons de l’office. Une remarque vient toutefois à l’esprit. Le copiste qui a transcrit les miracles et se sert du lectionnaire de l’abbaye pour combler les lacunes, a retenu les chœurs angéliques, l’illumination miraculeuse de l’église du saint, ce qui est bien normal puisqu’il avait par ailleurs recopié les traductions en français qui accompagnaient le recueil originel mais il est plus intéressant de constater la tentation – il l’a repoussée – qui a été la sienne de sauter ensuite au chapitre 9. On croit y retrouver l’enchaînement des motifs qui avaient été retenus dans les leçons de l’office. On constatera que Roulliard fait de même à partir du lectionnaire de Notre-Dame.

147

Cf. édition, infra.

148

Cf. édition, infra.

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P. L’HERMITE-LECLERCQ Une hymne inédite

Hymne inédite à S. Liesne, confesseur, extraite de La Polhymnie chrestienne ou hymnes et proses de l’Église, traduite en vers françois avec les hymnes specialles des SS Patrons et SS Patrones des paroisses de Paris149, par Mr Sebastian Roulliard de Melun, Advocat en Parlement. A Paris, 1628, fol. 146rv. Haec ad templa À ton Église et ta fontaine En miracles de foy certaine, O sainct Liesne, je vien chanter Tes louanges de voix faconde, Je vien des palmes y planter Pour marques de ta gloire au monde. Ruisseau, dont l’humeur crystalline Faict vertu sur cette colline, Verse en moy tes douces liqueurs, Affin que cete hymne sacrée Plus en réjouisse les cueurs Et aux oreilles plus aggrée. Aussy fault-il un nouveau style Pour ce hérault de l’Évangile Envoyé jadis à Melun, Lorsque sainct Aspais, son confrère, À mesme foy par vœu commun, Y rendoit pareil ministère150. On l’apprend des livres antiques Et que les esprits angéliques, Au temps passé, sur la minuict, Vinsrent en ce temple descendre, Y chanter et prendre un déduict151, Qu’on ne pouvoit au jour entendre. Le clerc allant sonner complie152 Veid cete esglise toute emplie 149

Le gros manuscrit se trouve à la BM de Melun (autographe n° 81).

150

On remarquera que cette hymne ne précise pas expressément l’époque à laquelle aurait vécu le saint mais, en le présentant comme confrère de S. Aspais (qui, pour Roulliard, serait mort vers 588) et s’acquittant de la même mission à Melun, il impose l’idée que Liesne est son exact contemporain.

lami.

151

Déduict a ici le sens de «divertissement».

152

Le manuscrit porte très distinctement «amplie» mais il s’agit sûrement d’un lapsus ca-

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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D’un feu plus brillant qu’un éclair. Et, ô sainct, du fonds de ta bière Sortoit une fusée en l’air Pleine d’une estrange lumière. Au caveau de la mesme esglise, Au lieu où ton image est mise, Deux pigeons blancs vindrent s’asseoir: D’une splendeur tant inouie Que s’estant mis à disparoir La veue en fut tout esblouie. A Nostre-Dame, sort de sa châsse Ton chef, une nuict se desplace Et s’eslève en l’air haultement, Au millieu d’une grande flamme. Evrard accourt dévotement Et remet le chef en sa lame. À ta feste icy vénérée, Mainte chaisne s’est desserrée Des captifs sauvés de prison. Et ceux qu’on t’apporte malades Reçoivent de toy guarison, Dont s’estonnent bourgs et bourgades. Sur tout la grâce en toy divine Contre les fiebvres prédomine, Et François premier, ce grand Roy, L’ayant esprouvé, fit requeste Au pape qui signa l’octroy Qu’à Melun on chosmast ta feste. O sainct, puisqu’il la solennise Et ta mémoire il éternise, Aye aussy mémoire de luy, Fay qu’en sa paix Dieu le maintienne Et le comble sous ton appuy Des biens de l’esglise chrestienne. La mention de Liesne dans le bréviaire de 1834 Melun a appartenu successivement aux diocèses de Sens puis de Meaux. Les livres liturgiques de Sens ignorent cependant S. Liesne, et il faut attendre le bréviaire de Meaux de 1834 pour le voir mentionner. Le nouveau bréviaire, revu sous l’autorité de Mgr Gallard (1830-1839), traduit l’aboutissement de siècles de cogitations et de débats. Parmi les autorités, l’ouvrage

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P. L’HERMITE-LECLERCQ

renvoie toujours à Roulliard. Certes l’autorité diocésaine ne fait plus de Liesne qu’un prêtre confesseur, comme l’avait affirmé avec véhémence le rédacteur des miracles en 1136: sur ce point elle a partiellement résisté aux sirènes roulliardiennes, mais sur bien d’autres points la hiérarchie n’a pas partagé la réserve du moine du XIIe s. L’association, inexistante au Moyen Âge, de S. Liesne avec Aspais, a triomphé et a, du même coup, imposé le VIe s. comme l’époque supposée à laquelle Liesne aurait vécu. Les deux saints patrons partagent désormais la même spécialité: ils guérissent de la fièvre et, sur le sujet, le discours autorisé recueille le legs de Roulliard qui, le premier – aucune mention antérieure n’apparaît en effet dans la masse des archives – a parlé de la guérison de François Ier et de la bulle de Léon X imposant le culte à deux lieues à la ronde autour de Melun. Du point de vue historique, malgré la précaution de la formulation – ut putatur –, la méconnaissance du recueil des miracles du saint a contribué à maintenir deux erreurs, devenues communes: 1) une confusion entre la redécouverte du corps et la visite du sépulcre décrite au chapitre 3, celle-ci étant conçue comme contemporaine de la restauration de Saint-Père (fin Xe-début XIe s.); 2) l’affirmation d’un transfert définitif de la dépouille du saint à l’abbaye de Saint-Père. On remarquera enfin que la leçon ne fait pas état d’une découverte miraculeuse des reliques du saint. 1834, Breviarium Meldense. Pars autumnalis, Meaux, p. 462. 12 nov. commemoratio S. Leonii, conf. Oratio: Domine Deus omnipotens qui famulum tuum Leonium ut sacerdotio tibi fungeretur a populo segregasti: ejus nos intercessione a peccatoribus segrega; ut secundum vocationem nostram, gens sancta, et regale sacerdotium coram te efficiamur. Per Dominum. Pro S. Leonio. Lectio 9. Leonius, qui et Leo, presbyter et Melodunensium cum sancto Aspasio patronus, apud ipsos in sexto, ut putatur, saeculo, sanctitate floruit vitamque meritis plenam felicissima morte consummavit. Exstabat ibidem, in suburbio ipsius nominis ecclesia parochialis sub ejus invocatione ab antiquissimis temporibus exstructa, quae impios ultimi labentis saeculi furores subiit. Sacrum ejus corpus circa finem saeculi decimi aut initium sequentis in praedicta ecclesia inventum est; et procurante venerabili Valterio abbate, in basilicam monasterii sancti Petri Melodunensis translatum. Beatissimus autem sacerdos plurimis coruscavit miraculis, a febricitantibus praesertim invocatus. Unde Franciscus primus, Francorum rex, tali morbo apud Fontembliaudi laborans, ipsum imploravit; et sanitate recuperata a Leone decimo papa petiit atque impetravit ut dies ei sacra non Meloduni tantum sed etiam duabus circum leucis, ex praecepto celebraretur vel potius instauraretur. La mémoire de S. Liesne figure ensuite dans tous les livres liturgiques du diocèse de Meaux jusqu’au lectionnaire de 1965. Elle n’apparaît plus dans le Propre de Meaux publié en 1980153. 153

Au XIXe s. l’abbé Pruneau déplorait que plus aucune paroisse ni autel du diocèse ne fût dédié à S. Liesne et que son culte ne fût célébré dans l’église paroissiale de Saint-Aspais, à laquelle avait été rattachée la paroisse Saint-Liesne, que comme celui d’un patron secondaire de la ville (cf. notes Pruneau, Bibl. de Meaux, 8.390-1840).

LE RECUEIL DES MIRACLES DE S. LIESNE – ANNEXES

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Principales archives manuscrites utilisées Ɣ ARCHIVES NATIONALES – M 723 (n° 164), Matériaux d’un dictionnaire des monastères bénédictins. Un cahier de 11 feuillets, du XVIIe s., concerne Saint-Père de Melun. Ɣ BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE – Mss. lat. 11818 à 11821: matériaux du Monasticon Gallicanum de Dom Michel Germain († 1694), deux volumes de textes et un de planches; les fol. concernant l’abbaye Saint-Père vont de 182 à 187. – Ms. lat. 12690: nombreuses pièces concernant Saint-Père et transcription du recueil des miracles de S. Liesne par le moine Gautier de Saint-Père en 1136. – Coll. de Champagne XX, 29 pièces, du XVIe au XVIIIe s., concernant Melun. Aux fol. 15 et suiv.: Dissertation où l’on fait voir l’antiquité, la dignité et la prééminence de l’église de Saint-Père au dessus de celle de la collégiale de Melun (1696). Ɣ ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE SEINE-ET-MARNE – Série F, fonds des érudits (G. Leroy, E. Grésy, M. Lecomte, Lhuillier etc.): 1 F 395 / 968 F 17, 19, 24, 26, 27, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 92 / 970 F 22, 36, 42. – Série G: 218 (Notre-Dame), 314 (Saint-Aspais), 382 G1 et G2 (inventaires de Saint-Aspais), 399. – Série H (Inventaires de titres de l’abbaye): 221, 222, 223 (Inventaire des titres … de l’abbaye Saint-Père de Melun), 224 (Id.; actes du Xe au XVIIe s., 40 feuillets), 225, 226, 227, 228 (litige entre Saint-Père et Notre-Dame; écrit de dom Élie), 229, 230, 243, 257, 266, 267, 274, 275, 284. – Mdz 93 (Papiers Lhuillier sur la maladrerie Saint-Lazare); 127: Mémoire touchant le culte de saint Liesne, en latin Leonius, et lettre de Jean-Baptiste Huchereau, curé de Saint-Liesne, 13 janvier 1745. Documents sur S. Aspais et S. Liesne et sur les deux églises, ainsi que sur Saint-Père (G. Leroy, 1890); 129: papiers Leroy; 135: mémoire de J. Élie, recopié par Leroy; 151: papiers Leroy sur la prise de Melun par Henri IV; 153: La vicomté de Melun par Leroy; 155: Les singularités de l’abbaye Saint-Père par Leroy; 156: copie d’un mémoire de J. Élie par Leroy; 323: notes de J. Hubert sur Saint-Aspais; 354: Mobilier de SaintPère; 355: papiers Vidier; 457: papiers Hubert sur Saint-Aspais; 555: papiers du curé Bridoux; 560: papiers Vidier; 593: Hôtel-Dieu de Melun; 594; 687: Manuel des prêtres à l’usage de Meaux; 791: papiers d’état-civil des Roulliard. Ɣ ARCHIVES MUNICIPALES DE MELUN – AA, d. 1: Notes de Gauthier et d’Huchereau, documents sur Saint-Père, et deux mémoires de dom Élie sur l’église de Saint-Père de Melun.

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P. L’HERMITE-LECLERCQ

– GG d 4 (plusieurs papiers de la Fortelle), 13, 22, 23, 26, 48, 52, 54, 55, 56 (nombreuses transcriptions des titres de Saint-Père), 57 (privilèges de Saint-Père par dom Élie), 58 (charte de l’archevêque Hugues de Sens à Saint-Père, vers 1162 et seul original conservé), 59, 60, 61 (état des reliques de l’abbaye), 62, 76 (documents sur l’église Saint-Liesne), 91, 92 (office de S. Aspais en 1743), 93, 94 (lettre de dom Élie sur S. Aspais adressée à l’archevêque), 96, 98, 99, 108 (notes de Huchereau et Gauthier), 116 (lettre de l’archevêque de Sens réglant les préséances de Saint-Père contre les églises de Melun). – II d 29: papiers la Fortelle, notes de Huchereau. Ɣ BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE MELUN – Mss n° 12 (Livre d’heures du XVe s.); n° 48-49 (notes de Bernard de la Fortelle); n° 50-51: Dictionnaire (ms.) des noms anciens de Seine-et-Marne par la Fortelle, deux volumes; n° 81: La polhymnie chrétienne ou hymnes et proses de l’Église traduits en vers françois… par Sébastian Roulliard de Melun, Avocat en Parlement, 256 fol., ms. autographe, 1628; n° 99: Les singularitez de l’abbaye de Saint-Père de Melun, recueillies et colligées par Gabriel Leroy, melunais (1881), qui recopie des excerpta Kalendarii ad usum Ecclesiae s. Petri Milidunensis, dispositi ex chirographo de F. P. Leconte, en 1643; hymnes de saint Aspais et de saint Liesne dont les reliques sont conservées en l’église de saint-Père de M. Ɣ BIBLIOTHÈQUE DIOCÉSAINE GUILLAUME BRIÇONNET DE MEAUX – 8.390-1840: Notes manuscrites de Pruneau sur les saints du diocèse. – F 391-1870: Notes manuscrites incluant la lettre de Pruneau à Grésy sur les SS. Liesne et Aspais. – F 819: Dossier Pruneau. – F 835: Dossier Pruneau relatif aux légendes des saints de Meaux. Ɣ BIBLIOTHÈQUE ROYALE DE BELGIQUE, BRUXELLES – Cod. 8936-38 (Collectanea Bollandiana): lettre de 1614 adressée depuis Melun à Héribert Rosweyde par Roulliard.

Jean-Marie SANSTERRE AVANT QUE LE CRUCIFIÉ NE «PARLE» À S. FRANÇOIS: LES MENTIONS DE CRUCIFIX PARLANTS ANTÉRIEURS À CELUI DE SAN DAMIANO À ASSISE Une recherche sur les images du Christ, de la Vierge et de certains saints qui, au Moyen Âge et aux Temps modernes, furent considérées comme ayant miraculeusement parlé dans la réalité objective et non pas seulement en songe1 m’a permis de découvrir un texte du XIe siècle auquel il ne semble pas qu’on ait déjà prêté attention pour le sujet. Il oblige à revoir une observation que j’avais faite il y a quelques années dans un article sur les récits miraculaires des Xe-XIe siècles relatifs aux crucifix2. On rappellera qu’il s’agit de crucifix monumentaux en deux ou trois dimensions dont les premières attestations remontent à l’époque carolingienne et dont le culte se développa de plus en plus à partir du Xe siècle3. La question porte sur les témoignages antérieurs au fameux miracle du crucifix de San Damiano à Assise tel qu’il est rapporté par Thomas de Celano dans sa seconde Vie de S. François (1246-1247). François est en prière devant le crucifix, quand l’«image du Christ crucifié, ayant ouvert ses lèvres peintes, s’entretient avec lui» (imago Christi crucifixi, labiis picturae deductis, colloquitur). Elle l’appelle par son nom et lui commande de réparer sa maison en ruines. Ainsi, «par un miracle neuf et inouï, le Christ lui parle [du haut] du bois de la croix» (novo et inaudito miraculo de ligno crucis loquitur Christus)4. La mention du mouvement 1

Cette recherche a été présentée dans une communication intitulée Les images parlantes des catholiques, du Moyen Âge aux Temps modernes, et la polémique protestante (XVIe-XVIIe siècles). Une première approche, lue à la table-ronde Faire parler et faire taire les statues qui s’est tenue à l’École française de Rome les 18 et 19 mars 2011. Ses actes, comprenant surtout des textes relatifs à l’Antiquité, seront publiés avec ceux d’une réunion précédente sur le même thème dans la Collection de l’École française. Comme la communication est fort générale, il me paraît utile de développer ici un aspect plus particulier. 2

e

J.-M. SANSTERRE, Visions et miracles en relation avec le crucifix dans des récits des X XIe siècles, in Il Volto Santo in Europa. Culto e immagini del Crocifisso nel Medioevo. Atti del Convegno internazionale di Engelberg (13-16 sett. 2000), éd. M. C. FERRARI – A. MEYER (= La Balestra, 47), Lucques, 2005, p. 387-406. 3

Pour une brève synthèse et la bibliographie, cf. J.-M. SANSTERRE, Autour d’une donation à Fleury. Quelques aspects de l’histoire du crucifix à Saint-Benoît-sur-Loire et dans l’Orléanais (Xe-début du XIIe siècle), in Revue bénédictine, 120 (2010), p. 59-80, ici p. 59-64. 4

Thomas de Celano, Vita secunda sancti Francisci, VI, 10-11, in Fontes Franciscani, éd. E. MENESTÒ – S. BRUFANI et al. (= Medioevo francescano. Testi, 2), Assise, 1995, p. 452-453;

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 71-79.

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des lèvres insiste sur le caractère objectif de la parole de l’image et rend plus explicite un miracle relaté pour la première fois par la Legenda trium sociorum (terminée en 1246)5. Celle-ci pourrait avoir transformé ce qui aurait été au départ une méditation intérieure6, mais il n’en est pas moins significatif que Thomas ait imaginé ou cru qu’un crucifix peint parla réellement d’une voix humaine et qu’il y ait vu un moment décisif qui, au début de sa conversion, mit dans l’âme de François la Crucifixi compassio, la participation aux souffrances du Crucifié, annonçant sa stigmatisation christique7. L’histoire fut reprise par Bonaventure dans la biographie officielle du saint (1260-1262)8 et les exemples postérieurs de miracles de crucifix parlants ne manquent pas, la plupart passant pour survenir lors d’une rencontre personnelle du Christ avec celui ou celle qui le sert et l’imite9. Quant à la croix de San Damiano, elle fut plus tard transportée à Santa Chiara où, remarque Michele Bacci10, «elle n’a, semble-t-il, jamais été investie de fonctions miraculeuses particulières aux yeux des fidèles trad. in François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages, dir. J. DALARUN (= Sources franciscaines), Paris, 2010, vol. 1, p. 1476-1477. 5

… coram quadam imagine Crucifixi, quae pie ac benigne locuta est ei dicens…: Legenda trium sociorum, V, 13, in Fontes Franciscani, p. 1386; trad. in François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages…, vol. 1, p. 1098-1099. Sur la foi, semble-t-il, de l’observation selon laquelle François in anima sua veraciter sensit fuisse Christum crucifixum qui locutus est ei, A. VAUCHEZ, François d’Assise. Entre histoire et mémoire, Paris, 2009, p. 57, pense que la Légende des trois compagnons fait allusion à une voix intérieure. 6 J. DALARUN, in François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages, vol. 1, p. 1442, n. 3; cf. aussi A. VAUCHEZ, comme à la note précédente. 7 Même référence que n. 4. La Légende des trois compagnons (voir n. 5) fait déjà le lien avec les stigmates. 8 … vocem de ipsa cruce dilapsam ad eum corporeis audivit auribus…: Bonaventure de Balneoregio, Legenda maior sancti Francisci, II, 1, in Fontes Franciscani, p. 787; trad. in François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages, vol. 2, p. 2249. 9 Plusieurs sont relevés par P. DINZELBACHER, Religiöses Erleben vor bildender Kunst in autobiographischen und biographischen Zeugnissen des Hoch- und Spätmittelalters, in Frömmigkeit im Mittelalter. Politisch-soziale Kontexte, visuelle Praxis, körperliche Ausdrucksformen, éd. K. SCHREINER – M. MÜNTZ, Munich, 2002, p. 299-330, ici p. 306 – aussi in Images of Cult and Devotion. Function and Reception of Christian Images in Medieval and Post-Medieval Europe, éd. S. KASPERSEN – U. HAASTRUP, Copenhague, 2004, p. 61-88, ici p. 65-66 –, et par K. L. JANSEN, Miraculous Crucifixes in Late Medieval Italy, in Signs, Wonders, Miracles. Representations of Divine Power in the Life of the Church, éd. K. COOPER – J. GREGORY (= Studies in Church History, 41), Woodbridge, 2005, p. 203-227, passim, qui évoque aussi le miracle de San Damiano. Pour l’époque moderne: L. R. CORTEGUERA, Talking Images in Spanish Empire: Vision and Action, in Visual Resources, 25 (2009), p. 53-68. Cf. ma communication à paraître signalée à la n. 1. 10 M. BACCI, Immagini sacre e pietà «topografica» presso i Minori, in Le immagini del Francescanesimo (= Atti dei Convegni della Società internazionale di studi francescani e del Centro interuniversitario di studi francescani, n. s., 19), Spolète, 2009, p. 31-57, ici p. 39.

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qui l’ont en revanche vénérée surtout en tant que mémoire tangible d’un événement fondamental de la vie du poverello». Cela dit, qu’en est-il en amont, avant le XIIIe siècle ? Peter Dinzelbacher observe que, quoi qu’en dise Thomas de Celano, le miracle de San Damiano n’est «nullement la plus ancienne attestation d’une telle attitude d’une image». Il en veut pour preuve le récit que Ralph Haget, abbé de l’abbaye cistercienne de Fountains dans le Yorkshire (1190-1203), faisait de sa conversion monastique. Une nuit, il se vit prier dans une chapelle devant une «croix […] sous le regard de mon Dieu» (ante crucem […] ante conspectum Dei mei) et une «voix provenant de la croix» (vox de cruce) lui demanda pourquoi il tardait à venir11. On notera toutefois une différence essentielle avec le récit de Thomas de Celano: la scène se passe en rêve. C’est aussi le cas, dans la Vie de Gérard abbé de la Sauve-Majeure (quelque cinquante ans après sa mort en 1095), de l’image du Crucifié qui à Corbie descendit de la croix, appela le saint par son nom, lui caressa la tête et lui parla pour le réconforter12. De même c’est en songe que, selon le récit qu’il ordonna de mettre par écrit, le moine Odon, futur abbé de Saint-Germain d’Auxerre (1033-1052), vit l’image du Christ à Saint-Remi de Reims descendre de sa croix et lui parler avant de l’inviter à le suivre dans l’au-delà13. Comme le rêve représentait une forme de réalité permettant d’identifier l’image avec le prototype céleste plus librement et de façon plus complète que dans la réalité objective, il convient plutôt de s’arrêter à celle-ci. Dans l’article mentionné plus haut, j’avais relevé un miracle raconté par le moine Osbern de Christ Church à Canterbury14 dans la troisième Vie de l’archevêque de Canterbury Dunstan († 988), qu’il rédigea entre

11 Narratio de fundatione Fontanis monasterii, éd. J. R. WALBRAN, Memorials of the Abbey of St. Mary of Fountains (= Publications of the Surtees Society, 42), Durham – Londres – Édimbourg, 1863, p. 119 (le texte est daté des environs de 1207). Voir DINZELBACHER, Religiöses Erleben… (cf. supra, n. 9), p. 305 (= Images of Cult…, p. 65). 12

Vita sancti Geraldi abbatis [BHL 3417], 17, éd. AASS, Apr. t. 1, Anvers, 1675, p. 417; PL 147, col. 1034. 13 Texte connu sous le titre inexact de Visio Anselli, éd. J. LECLERCQ, Une rédaction en prose de la Visio Anselli dans un manuscrit de Subiaco, in Benedictina, 16 (1969), p. 188-195, ici p. 192-193. Version en vers de peu postérieure: PL 151, col. 643-652, ici col. 645-647. Voir SANSTERRE, Visions et miracles… (cf. supra, n. 2), p. 390-391. 14

Sur Osbern, cf. M. LAPIDGE – R. C. LOVE, The Latin Hagiography of England and Wales (600-1550), in Hagiographies, vol. 3, dir. G. PHILIPPART (= Corpus Christianorum), Turnhout, 2001, p. 237-239; C. L. KINGSFORD, Osbern, rev. M. COSTAMBEYS, in Oxford Dictionary of National Biography, éd. H. C. G. MATTHEW – B. HARRISON, vol. 41, Oxford, 2004, p. 983-984.

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1089 et 109315. Lors d’un concile tenu à Winchester, un crucifix empêcha de réintégrer les clercs séculiers que Dunstan avait expulsés de leurs églises et remplacés par des moines. Alors que le roi Edgard et les grands insistaient auprès de l’archevêque pour obtenir la réintégration, «voici que la figure du corps du Seigneur fixée sur l’étendard qu’est la croix […], s’exprimant d’une manière humaine, arrêta les paroles de tous en disant ‘Que cela ne soit pas ! Que cela ne soit pas !’» (… ecce Dominici Corporis forma vexillo crucis infixa […], humanos exprimens modos, omnium voces compescuit dicens, ‘Absit hoc ut fiat, absit hoc ut fiat’)16. Le témoignage me paraissait «exceptionnel comme si — avant le miracle de San Damiano — l’on avait craint de dépasser une limite dans les modes d’assimilation de l’image au divin» en lui attribuant la parole dans la réalité objective17. En fait, on hésita moins que je ne le pensais. Outre les crucifix dont il va être question, il ne faudrait pas perdre de vue le célèbre récit de l’enfant qui, à Spire, offrit un pain à une image du Christ d’une Vierge à l’Enfant; l’image annonça au petit garçon qu’ils mangeraient bientôt ensemble. L’histoire figure déjà dans le Liber confortatorius écrit en Angleterre en 1082-1083 par Goscelin de Saint-Bertin pour sa fille spirituelle Ève, devenue recluse à Angers. «L’image de l’Enfant tout puissant» (imago cunctipotentis parvuli) allie le geste — elle rend au petit garçon son étreinte — et la parole, entendue aussi par la mère du garçon18. Nous sommes avec Goscelin à la même époque qu’Osbern et c’est 15 SANSTERRE, Visions et miracles… (cf. supra, n. 2), p. 400. Il est repris par O. LEHMANNBROCKHAUS, Lateinische Schriftquellen zur Kunst in England, Wales und Schottland vom Jahre 901 bis zum Jahre 1307 (= Veröffentlichungen des Zentralinstituts für Kunstgeschichte in München, 1), vol. 2, Munich, 1956, p. 644, n° 4677. 16

Osbern, Vita sancti Dunstani [BHL 2344], 36, éd. W. STUBBS, Memorials of Saint Dunstan Archbishop of Canterbury (= Rolls Series, 63), Londres, 1874, p. 113. Voir aussi Eadmer, Vita sancti Dunstani [BHL 2346, entre 1105-1109], 57, éd. et trad. A. J. TURNER – B. J. MUIR, Eadmer of Canterbury. Lives and Miracles of Saints Oda, Dunstan, and Oswald (= Oxford Medieval Texts), Oxford, 2006, p. 140-141, avec la n. 130 et la référence à D. WHITELOCK – M. BRETT – C. N. L. BROOKE, Councils and Synods with Other Documents Relating to The English Church, vol. 1, part I, Oxford, 1981, p. 116. On signalera en passant que ce miracle, qu’on pouvait interpréter comme une condamnation par le Christ du mariage des clercs, suscita de vives critiques parmi les protestants anglais, cf. H. L. PARISH, Monks, Miracles and Magic. Reformation Representations of the Medieval Church, Londres – New York, 2005, p. 109-115. 17 18

SANSTERRE, Visions et miracles… (cf. supra, n. 2), p. 400.

The Liber confortatorius of Goscelin of Saint Bertin, éd. C. H. TALBOT, in M. M. LE– J. LECLERCQ – C. H. TALBOT, Analecta monastica. Textes et études sur la vie des moines au Moyen Âge, 3e sér. (= Studia Anselmiana, 37), Rome, 1955, p. 107-108. Cf. J.-M. SANSTERRE, Omnes qui coram hac imagine genua flexerint… La vénération d’images de saints et de la Vierge d’après les textes écrits en Angleterre du milieu du XIe aux premières décennies du XIIIe siècle, in Cahiers de civilisation médiévale, 49 (2006), p. 257-294, ici p. 276-277, et, BRETON

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encore de la seconde moitié du XIe siècle, quelques années auparavant, que date la plus ancienne des trois mentions de crucifix parlants, des miracles relatifs à des objets qui existèrent bel et bien, ce qu’on ne saurait affirmer pour la statue de Spire. Les deux autres mentions concernent la fin du XIIe siècle; elles ne manquent pas non plus d’intérêt. Dans sa Topographia Hibernica (1188) et sa Gemma ecclesiastica (vers 1197), Giraud de Cambrie, dit aussi de Barri19, rapporte plusieurs miracles relatifs à un crucifix de l’église (la cathédrale) de la Sainte-Trinité à Dublin, le «Speaking Crucifix», qui fut la plus fameuse relique de la cathédrale au Moyen Âge20. Quelques années avant l’arrivée des Anglais (1170), cette «croix au très grand pouvoir montrant la figure du Crucifié […] ouvrit sa bouche sacrée pour parler, de nombreuses personnes entendant ses paroles» (crux quaedam virtuosissima, vultum praeferens Crucifixi […], pluribus audientibus sacrum os in verba resolvit). Un habitant de la ville l’avait prise comme témoin et garant d’un contrat. Comme il n’obtenait pas le remboursement de l’argent prêté à cette occasion, les Dublinois, «avec cependant plus d’ironie que de sérieux» (ironica tamen quam seria magis) se rendirent dans l’église pour cette affaire. «La croix adjurée et prise à témoin rendit témoignage à la vérité» (crux adjurata et obtestata testimonium perhibuit veritati)21. On aura reconnu là un avatar de la célèbre légende byzantine du Christ garant, traduite en latin au XIe siècle; pour la diffusion du récit, K. FUCHS, Les collections de Miracles de la Vierge: rassembler, copier, réécrire. L’exemple du récit du pain offert à l’image du Christ, in Miracles, Vies et réécritures dans l’Occident médiéval, dir. M. GOULLET – M. HEINZELMANN (= Beihefte der Francia, 65), Ostfildern, 2006, p. 67-89. 19

Sur ce personnage, cf. R. BARTLETT, Gerald of Wales, in Oxford Dictionary of National Biography, éd. H. C. G. MATTHEW – B. HARRISON, vol. 21, Oxford, 2004, p. 925-928. 20 «Eclipsing even the Baculus Ihesu, the most famous relic of pre-Norman Ireland», R. Ó FLOINN, The Late-Medieval Relics of Holy Trinity Church, Dublin, in Dublin in the Medieval World. Studies in Honour of Howard B. Clarke, éd. J. BRADLEY – A. J. FLETCHER – A. SIMMS, Dublin, 2009, p. 369-389, ici p. 376-379. Voir aussi M. T. FLANAGAN, Devotional Images and Their Uses in the Twelfth-Century Irish Church. The Crucifix of Holy Trinity Cathedral, Dublin and Archbishop John Cumin, in Ireland, England and the Continent in the Middle Ages and Beyond. Essays in Memory of a Turbulent Friar, F. X. Martin, O.A.S., éd. H. CLARKE – J. R. S. PHILLIPS, Dublin, 2006, p. 67-87. 21 Giraud de Cambrie, Topographia Hibernica, II, 44, éd. J. F. DIMOCK, Giraldi Cambrensis opera, vol. 5 (= Rolls Series, 21/5), Londres, 1867, p. 128-129; trad. J.-M. BOIVIN, L’Irlande au Moyen Âge. Giraud de Barri et la Topographia Hibernica (1188) (= Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 18), Paris – Genève, 1993, p. 229. Cf. Giraud de Cambrie, Gemma ecclesiastica, distinctio I, 52, éd. J. S. BREWER, Giraldi Cambrensis opera, vol. 2 (= Rolls Series, 21/2), Londres, 1869, p. 155. Autres miracles concernant ce crucifix: ibid., p. 155-157, et Topographia, II, 45-46, p. 129-130; Roger de Hoveden, Chronica, éd. W. STUBBS, vol. 4 (= Rolls Series, 51/4), Londres, 1871, p. 29-30, pour lequel on verra FLANAGAN, Devotional Images… (cf. supra, n. 20), p. 69-70.

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mais, dans celle-ci, l’image du Christ prise comme garant d’un prêt confond le prêteur malhonnête — il refusait de reconnaître que le remboursement lui était miraculeusement parvenu — en faisant jaillir un éclair et sans parler22. Sur un autre plan, l’allusion au scepticisme ironique des habitants, démenti par le miracle, doit nous rappeler que la croyance dans les prodiges relatifs aux images ne faisait l’unanimité ni parmi les clercs, ni parmi les laïcs23. La deuxième mention de la fin du XIIe siècle concerne l’abbaye de Glastonbury et fait partie d’un ensemble que j’ai récemment étudié dans les Analecta Bollandiana: des interpolations au De Antiquitate Glastonie Ecclesie destinées à pallier par la promotion d’images miraculeuses la perte de reliques après le grand incendie de 118424. Il est significatif qu’on ait pensé y inclure un crucifix parlant. Un moine de l’abbaye appelé Aylsi ne s’inclinait jamais lorsqu’il passait devant le crucifix. Il finit quand même par le faire une fois. Alors la croix, «éclatant en parole comme si elle avait les organes appropriés» (in vocem quasi debitis organis formatam erumpens), dit: Nu to late, Aylsi. Nu to late, Aylsi. Celui-ci, «frappé par la voix divine» (divina voce percussus) s’écroula aussitôt et mourut25. J’en viens enfin au texte qui est à l’origine de cette note, un chapitre de la Vie de S. Ehrhard, un évêque missionnaire en Bavière dans la seconde moitié du VIIe siècle dont on ne connaît quasi rien. Sa tombe se trouvait à Ratisbonne dans le monasterium inferius, le Niedermünster, un ancien monastère de chanoinesses dont les occupantes avaient été sou22 Texte grec (BHG 797 et suiv.) et trad. latine (BHL 4232), éd. M. HOFERER, Ioannis monachi Liber de miraculis. Ein spätlateinisches Übersetzungswerk, Würzburg, 1884, p. 7-41, ici § 35, p. 36-37. J’ai relevé ailleurs d’autres variantes occidentales de la légende, d’époques diverses: J.-M. SANSTERRE, La caution de S. Euphebius. Une variante napolitaine de la légende byzantine du «Christ garant», in AB, 113 (1995), p 293-296; ID., La vénération des images à Ravenne dans le haut Moyen Âge: notes sur une forme de dévotion peu connue, in Revue Mabillon, n. s., 7 [= t. 68] (1996), p. 5-21, ici p. 10-12 (où l’on trouvera la bibliographie sur la légende); ID., Omnes qui coram hac imagine genua flexerint… (cf. supra, n. 18), p. 274, 276. Ces dernières pages concernent une version racontée vers 1135 par Guillaume de Malmesbury, De laudibus et miraculis sanctae Marie, 32, éd. J. M. CANAL, El Libro De laudibus et miraculis Sanctae Mariae de Guillermo de Malmesbury, O.S.B. († 1143), in Claretianum, 8 (1968), p. 196-200: l’image est une icône constantinopolitaine de la Vierge qui émet des paroles (ibid., p. 199). 23 Cf. J.-M. SANSTERRE, La Vierge Marie et ses images chez Gautier de Coinci et Césaire de Heisterbach, in Viator, 41 Multilingual (2010), p. 153-154, 161, 165 et 176-177. 24 J.-M. SANSTERRE, Le saint crucifix de Waltham et les images miraculeuses de Glastonbury: entre raison d’être et instrumentalisation (XIe-début du XIIIe siècle), in AB, 127 (2009), p. 16-48, ici p. 40-43. 25 J. SCOTT, The Early History of Glastonbury. An Edition, Translation and Study of William of Malmesbury’s De Antiquitate Glastonie Ecclesie, Woodbridge, 1981, c. 26, p. 78.

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mises à la règle bénédictine par l’évêque de Ratisbonne Wolfgang (972994). Les reliques du saint furent solennellement élevées en 1052 par le pape Léon IX en présence de l’empereur Henri III. L’abbesse de l’époque, Heilica († avant 1074), chargea un certain Paul de rédiger une Vita, ce qui fut fait après la mort de Léon IX et donc entre 1054 et 1073, sans doute plus près de la première date que de la seconde26. Le second livre concerne les signes survenus à la tombe du saint récemment, souligne l’hagiographe, et non pas dans un passé reculé. Il commence par le récit en question. Au temps de l’évêque Wolfgang (972-994), il y avait dans le monastère une moniale appelée Cunégonde, nièce du «bienheureux» évêque Ulrich (d’Augsbourg, † 973). Elle présidait à la custodia de l’église et avait atteint le sommet de la perfection. À son époque, le linceul dont le corps du saint était enveloppé se mit à sortir de la tombe comme une sorte de protestation contre l’indignité d’une sépulture aussi petite. Lorsqu’ils balayaient le pavement de l’église, les deux custodes, selon le récit fait à l’hagiographe par quelqu’un qui les avait connus, arrachaient le tissu qu’ils croyaient détérioré par le temps. Puis: Quod cum non semel, sed sepe fieret, crux lignea quaedam, quae adhuc in eadem servatur ecclesia, quam et nos vidimus, cum adhuc iuxta beati patris sepulchrum staret, flevisse dicitur (quid enim inpossibile tibi, Deus omnipotens, qui et in nostra memoria caput crucifixi prope sepulchrum astantis de dextera declinabas in sinistram ?) et dixisse ad praedictam virginem: ‘Interminare’, inquit, ‘custodibus, ne ita neglegenter abrumpant linteamen, quod de sepulchro hoc exstare vident; sub hoc enim iacet tumulo, qui non minimae creditur estimationis coram Domino. Quod illi quidem tam neglegenter abrumpunt, virtutis eius indicium est, non casus’. «Comme cela arrivait non pas une fois, mais souvent, une croix de bois, qui est encore conservée dans la même église et que nous avons vue alors qu’elle se dressait encore près de la tombe du bienheureux père pleura, dit-on27, – quelle chose t’est impossible, Dieu tout puissant, toi qui, à notre souvenance, inclinait de la droite vers la gauche la tête du Crucifié debout près de la tombe ? – et parla à la vierge mentionnée plus haut. ‘Défends, dit-elle, aux custodes en les menaçant d’arracher ainsi avec négligence le linceul qu’ils voient sortir de la tombe; sous 26

Vita Erhardi episcopi Bavarici auctore Paulo [BHL 2590], éd. W. LEVISON, in Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Merovingicarum, VI, Hanovre – Leipzig, 1913, p. 8-21, avec l’introduction p. 1-8 (p. 5-6 pour la date de la Vita); éd. G. KOSCHWITZ, Der heilige Bischof Erhard von Regensburg. Legende – Kult – Ikonographie, in Studien und Mitteilungen zur Geschichte des Benediktiner-Ordens und seiner Zweige, 86 (1975), p. 481-644, ici p. 502-517, avec les p. 486-502 (le saint et son culte jusque la Vita, datée p. 496) et 518-521 (brève analyse). Cf. entre autres A. SCHMID, Erhard, in Lexikon des Mittelalters, 3 (1986), col. 2138-2139. 27

Le dicitur dont dépend aussi dixisse, ce que ma traduction ne rend pas, n’implique en l’occurrence aucune réserve.

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ce tombeau gît celui qui est tenu en grande estime devant Dieu. Ce que ceux-là ont arraché de façon si négligente est un signe de sa virtus, non un accident’».

Après avoir mis les pleurs en relation avec le péché des custodes, l’hagiographe raconte que la moniale proclama partout ce qu’elle avait été la seule à entendre et qu’une foule de fidèles vint alors au tombeau puisque le témoignage divin avait montré quelle pouvait être l’aide apportée par le saint. Il conclut en soulignant les mérites d’Erhard «à qui porta témoignage non l’oracle d’un ange, ni le rêve d’une vision douteuse, mais la parole que celui qui était présent adressa d’une vraie voix par l’image divine à celle qui était présente» (cui nec angelicum venit in testimonium oraculum nec alicuius dubitandae visionis somnium, sed vera voce per divinam imaginem praesentis ad praesentem colloquium)28. Si les pleurs du crucifix sont visibles à tous, ses paroles ne sont entendues que par la pieuse moniale. Cela semble impliquer une hiérarchie dans le miracle sans qu’il soit question pour autant d’une voix intérieure. C’est une «vraie voix» qui parle à la religieuse par l’intermédiaire de l’image. Le récit, avec de surcroît une allusion à une inclinaison de la tête du Crucifié, occupe donc une place de choix parmi les témoignages de miracles de crucifix au XIe siècle. Pour l’essentiel, les pleurs et les paroles de l’image, la tradition doit même remonter entre les années 973 (mort de l’évêque Ulrich) et 994 (mort de l’évêque Wolfgang) puisque l’on peut prêter foi aux précisions de l’hagiographe. Or, c’est dans la seconde moitié du Xe siècle que les mentions de crucifix se font plus fréquentes et l’on conserve quelques grands crucifix de l’époque ottonienne29. Le premier miracle connu est un peu antérieur. Le moine de Saint-Gall qui continua les Annales Alamannici pour les années 921-926 relève que le mercredi saint de 921, à Rome, près de l’autel de S. Pierre, la crucifixa imago Christi versa des larmes et de la sueur au moment où on lisait la Passion. Elle participait ainsi à sa réactualisation30. Contrairement à ce que je pensais, il ne fallut pas longtemps pour que la parole fît partie des manifestations de la présence miraculeuse du prototype céleste dans son effigie. Il reste que, dans l’état actuel de la documentation et en excluant les rêves, les données relatives aux crucifix parlants 28 Vita Erhardi episcopi Bavarici, II, 2, éd. W. LEVISON, p. 16-17 (citations: p. 17); éd. G. KOSCHWITZ, p. 511-513 (citations: p. 512-513). 29 30

SANSTERRE, Autour d’une donation… (cf. supra, n. 3), p. 63-34, avec la bibliographie.

Continuation des Annales Alamannici, a. 921, éd. G. H. PERTZ, Monumenta Germaniae Historica. Scriptores, I, Hanovre, 1826, p. 56; éd. W. LENDI, Untersuchungen zur frühalemannischen Annalistik. Die Murbacher Annalen (= Scrinium Friburgense, 1), Fribourg (Suisse), 1971, p. 192; cf. SANSTERRE, Visions et miracles… (cf. supra, n. 2), p. 389-390.

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sont rares avant le XIIIe siècle et ne traduisent pas une relation personnelle entre le Christ et le fidèle à qui il s’adresse d’une voix humaine. À cet égard, même si des songes comme celui du futur abbé de Fountains ont pu l’anticiper d’une certaine manière, le miracle du crucifix de San Damiano — tel que le raconta Thomas de Celano — marqua une étape nouvelle. Bruxelles

Jean-Marie SANSTERRE

Université Libre de Bruxelles URP Sociamm / URT Image et Culture Visuelle Avenue F. D. Roosevelt, 50 B – 1050 Bruxelles

Summary. The article is devoted to texts which mention talking crucifixes prior to the famous miracle of the cross of Saint Damianus at Assisi which is related by Thomas of Celano in his second Vita of St. Francis (1246-1247). It deals principally with crucifixes which are considered to have actually spoken and not with dreams about speaking crucifixes. The earliest account is of a crucifix of the Niedermünster convent at Regensburg which is related in the Vita Erhardi episcopi Bavarici (BHL 2590) written between 1054 and 1073. It goes back to a tradition of 973-994 and is thus relatively close to the first known miracle of a crucifix (921). It therefore did not take long before speaking became a part of the manifestations of Christ’s miraculous presence in his images. However, Thomas of Celano’s account marks a new stage by its stress on the personal relation of the crucified Lord with the saint whom he is addressing.

LES PÉRÉGRINATIONS D’UNE EXHORTATION DANS L’ORIENT CHRÉTIEN Dans une publication récente consacrée à une exhortation d’Éphrem le Syrien transmise par le ms. Sinaï géorgien 97, j’ai pu établir que l’opus CPG 4145 (16) avait connu une certaine diffusion dans l’Orient chrétien, où il avait été attribué tantôt à Athanase d’Alexandrie (CPG 2152, conservé de façon fragmentaire en copte), tantôt à un Ps.-Basile de Césarée (homélie grecque CPG 2945), et qu’une recension circulait également en copte sous le nom d’Éphrem (CPG 4135 [4])1. Ces équivalences avaient été tirées de recoupements effectués dans la CPG. Une fois le grec identifié, il eût fallu aller plus loin, en consultant le Thesaurus linguae Graecae, ou – ce que j’ai fait – en interrogeant E. Lucchesi, étant donné que plusieurs attestations du texte relèvent de la littérature copte. C’est ce dernier qui m’a fourni un nouvel élément à verser au dossier: notre parénèse apparaît sous la forme d’une exhortation constituant l’ultime paragraphe d’une homélie sur la Nativité du Christ, attribuée à Amphiloque d’Iconium et jadis éditée par Combefis (CPG 3231 = BHG 1907)2. Les traductions anciennes en copte et en géorgien, aussi bien que les témoins de la tradition grecque, invitent le chercheur à se demander si la parénèse, qui n’a pas de rapport véritable avec la fête de Noël, n’a pas préexisté seule, avant d’aboutir dans une homélie attribuée à Amphiloque et dont l’authenticité est loin d’être établie3. E. Lucchesi ajoute que le P. J. Paramelle a également repéré le texte grec de la parénèse dans un manuscrit du Musée Bénaki à Athènes, cette fois sous le patronage d’Athanase4. Cette indication a le mérite de relancer la question de l’attribution primitive en copte. Mais nous laissons à E. Lucchesi le soin d’y répondre. Bien des savants ont lu l’une ou l’autre version de la modeste Admonestatio, sans parvenir à tenir en mains toutes les pièces du puzzle: quelle belle invitation à l’humilité dans nos travaux ! Paris – CNRS

Bernard OUTTIER

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B. OUTTIER, Une exhortation d’Éphrem le Syrien à des moines en géorgien ? Le ms. Sinaï géorgien 97 (CPG 2152 - 2945 - 4135.4 - 4145.16), in Sur les pas des Araméens chrétiens. Mélanges offerts à Alain Desreumaux, sous la dir. de F. BRIQUEL CHATONNET – M. DEBIÉ (= Cahiers d’études syriaques, 1), Paris, 2010, p. 219-230. 2 Voir le § 5 de l’Oratio de natalitia Domini, ed. PG 39, col. 41-43. Une édition plus récente est aussi disponible: Amphilochii Iconiensis opera. Orationes, pluraque alia quae supersunt, nonnulla etiam spuria, ed. C. DATEMA (= Corpus Christianorum. Series Graeca, 3), Turnhout – Leuven, 1978, p. 3-9, en part. p. 8-9. 3

S. Voicu, contacté à ce sujet, est d’avis que la pièce est plus tardive; cf. auparavant ID., L’edizione di Anfilochio nel CChG, in Augustinianum, 19 (1979), p. 363: «… il sospetto che anche l’om. I (In natalitia Domini) vada considerata spuria». 4 Ms. Benaki, 20, XIVe/XVe s., papier, fol. 14rv: cf. E. LAPPA-ZIZICA – M. RIZOUCOUROUPOU, Catalogue des manuscrits grecs du Musée Benaki (10e-16e s.), Athènes, 1991, p. 31, où figurent déjà les renvois à CPG 2945 et 3231.

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 80.

Anders FRÖJMARK AD PORTUM NON PRECOGITATUM THE HOMECOMING OF THE BIRGITTA RELICS TO SWEDEN (1374)*

Introduction Birgitta of Sweden (ca. 1303-1373) is the only Scandinavian saint to have had a real impact outside of Scandinavia1. She spent almost a quarter of a century in Italy where she made friends among influential nobles, dignitaries, and prelates. She conversed with and to some extent influenced both Queen Joanna of Naples and Pope Urban V2. The religious Order that she founded spread to most European countries, and today young women assume the Bridgettine habit in monasteries from India to Mexico. Birgitta’s Revelations were translated into the leading European languages and widely read during the fifteenth and sixteenth centuries — Martin Luther himself was one of its readers, albeit a sharply critical one. Together with Catherine of Siena, Birgitta had argued for the relocation of the papacy from Avignon to Rome, and the relative swiftness with which she was canonized by the Roman pontiff in 1391 bears witness to her usefulness as a legitimizing factor for the Roman see during the Great Schism3. *

List of abbreviations: see below p. 104. Parts of the present study were originally published as Birgittarelikernas hemkomst, in Kyrkohistorisk årsskrift, 92 (1992), pp. 189-193; they have here been largely reworked and extended in light of later research – mine and others’. I wish to thank Jan Brunius and Sara Risberg at Riksarkivet, Stockholm, Åslaug Ommundsen at University of Bergen, Anna Herbert at Linnæus University, Marie Allen at Uppsala University, Jodi R. Eastberg at Alverno College, and the members of the Middle Age seminar of Stockholm University for helpful discussions, suggestions and advice. Thanks are due also to Per Branthle, B.A., for map production. 1

With the possible exception of her daughter Katherine, in reality co-founder of the Bridgettine Order, who was considered a saint but whose canonization has yet to be finalized. 2 See F. VAHLQUIST, Saint Birgitta of Sweden, 1303-1373. A Brief Introduction, in Santa Brigida, Napoli, l’Italia. Atti del convegno di studi italo-svedese (Santa Maria Capua Vetere, 10-11 magg. 2006), ed. O. FERM – A. PERRICCIOLI SAGGESE – M. ROTILI, Napoli, 2009, pp. 7-9; and B. MORRIS, Birgitta of Sweden and Giovanna of Naples: An Unlikely Friendship ?, ibid., pp. 23-33. 3 A. VAUCHEZ, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques (= Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 241), 2nd ed., Rome, 1988, p. 318; B. MORRIS, St Birgitta of Sweden (= Studies in Medieval Mysticism, 1), Woodbridge, 1999, p. 143.

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 81-104.

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A. FRÖJMARK

Also in Sweden, Birgitta had been a visible personality. She was a relative of the royal family on her mother’s side and functioned as magistra — teacher — of the young Queen Blanche during the early years of her marriage to King Magnus Eriksson. Birgitta was an advisor to the royal couple in spiritual matters, and also shared her distinct opinions on how the country should be governed. She continued to influence Swedish politics through her friends during her Roman years and even authorized an uprising against the king4. The negative image of King Magnus in later Swedish historiography has to a large extent been influenced by her5. Most of this is common knowledge today, and even in long-established protestant and widely-secularized Sweden, the majority of men and women would probably be able to give at least some opinion on Saint Birgitta if asked by a reporter on the street. A Swedish daily recently listed her among the most famous Swedish braggarts of all time6. During her canonization process in Rome, however, the image presented of her was entirely different. She was portrayed as a pious and humble woman and her political role was downplayed. On the whole, relatively little was said about her revelations. As a result, two very different images of Birgitta were promulgated, the Italian Birgitta or more exactly Birgitta of the canonization process on the one hand, and the Swedish, political Birgitta on the other7. Controversies concerning her person and her revelations arose on several occasions during the following centuries, for example at the councils of Constance (1414-1418) and Basel (14311438)8. In spite of her long stay in Italy, where she finally passed away on July 23, 1373, at the age of seventy, she still regarded Sweden as her homeland and wanted to be buried there, in the monastery that was being erected according to her instructions at the former royal mansion of Vadstena. For several months, however, her mortal remains rested in the con4 O. FERM, La legittimazione della rivolta di Brigida contro il re Magnus Eriksson, in Santa Brigida, Napoli, l’Italia... (see above n. 2), pp. 11-22. 5 O. FERM, Olaus Petri och Heliga Birgitta: Synpunkter på ett nytt sätt att skriva historia i 1500-talets Sverige, Stockholm, 2007. 6 A. MILDNER, Facebook har sprängt jantelagen, in Sydsvenskan, August 1, 2010 (http:// www.sydsvenskan.se/kultur-och-nojen/article1192973/Facebook-har-brsprangt-jantelagen.html). 7

C. HEß, Heilige machen im spätmittelalterlichen Ostseeraum. Die Kanonisationsprozesse von Birgitta von Schweden, Nikolaus von Linköping und Dorothea von Montau (= Europa im Mittelalter, 11), Berlin, 2008, pp. 201-204. 8 B. LOSMAN, Norden och reformkonsilierna 1408-1449 [mit eine deutsche Zusammenfassung: Skandinavien und die Reformkonzilien 1408-1449] (= Studia Historica Gothoburgensia, 11), Göteborg, 1970, pp. 36-38, 199-200, 244-250.

THE HOMECOMING OF THE BIRGITTA RELICS

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vent church of San Lorenzo in Panisperna in Rome. At some occasion, her body was skeletonized, that is to say that the soft tissues were separated from the bones. This was later depicted as a miracle in testimonies at the canonization process, but was probably helped along by the nuns of San Lorenzo9. Nevertheless, the result was that the transport of the relics to Sweden was facilitated. The task of accomplishing this holy transport was given to her daughter Katherine and the other members of the Swedish “Bridgettine circle” in Rome. They left the eternal city on December 2, 1373, traversed the Alps and journeyed through Moravia, Bohemia, and Poland to GdaĔsk (Danzig), where they most likely arrived in May, 137410. In GdaĔsk, Katherine and her followers were offered a grandiose reception, in the words of Cordelia Heß “almost a state visit”11, after which preparations were made for the final stage of the journey which would bring Birgitta’s relics back to her homeland. At least nine of Birgitta’s bones had been left in Rome before the voyage to Sweden. This fact has later made possible the identification of some of her bones amongst remains of other bodies, saintly or not, now kept in a shrine in the former Abbey Church of Vadstena12. “A port that they had not thought of” The first Swedish collection of posthumous miracles attributed to the Blessed Birgitta begins by relating a number of miracles connected with 9

A.&P [BHL 1343f], pp. 284-285, 342-343, 506-508; I. COLLIJN, Birgittinska gestalter: Forskningar i italienska arkiv och bibliotek, Stockholm, 1929, pp. 67-69; KYHLBERG, Birgitta, pp. 246-247. 10

LINDBLOM, Birgittas sista färd; ID., På Birgittas vägar, Stockholm, 1962; MORRIS, St Birgitta… (see above n. 3), pp. 141-142. The coffin that was used is still conserved in Vadstena; LINDBLOM, Birgittas sista färd, pp. 50-51. The printed version of the Vita Katherine, the Life of St. Birgitta’s daughter Katherine, cites die commemoracionis sancti Pauli (June 30) as date of departure from GdaĔsk, which is probably mistaken: Vita Katherine [BHL 1710], Stockholm, Bartholomeus Ghotan, 1487, f. b8r [f. 16r], ed. in facsimile by T. LUNDÉN, Uppsala, 1981. The manuscript version in the Skokloster Collection at the Swedish National Archives does not mention a date. See LINDBLOM, Birgittas sista färd, p. 38 and note 19. 11 12

“Quasi ein Staatsbesuch”: HEß, Heilige machen… (see above n. 7), p. 104.

COLLIJN, Birgittinska gestalter... (see above n. 9), p. 68; A. BYGDÉN – N. G. GEJVALL – C. H. HJORTSJÖ, Heliga Birgittas reliker, Lund, 1954, pp. 97-100. In 2009, the findings of Prof. Hjortsjö were partly revised when the two skulls presently in the Vadstena collection of relics were examined with DNA and radiocarbon techniques. None of the skulls can possibly have belonged to St. Birgitta, nor to her daughter Katherine: M. NILSSON – G. POSSNERT – H. EDLUND et al., Analysis of the Putative Remains of a European Patron Saint – St. Birgitta, in PLoS ONE, 5 (2) (2010), e8986. doi:10.1371/journal.pone.0008986. C. H. Hjortsjö’s results concerning the other bones that have probably belonged to St. Birgitta are however not cast in doubt by the recent findings.

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A. FRÖJMARK

the journey of the relics under the heading De miraculis in via translacionis reliquiarum versus Sweciam (“On miracles that occurred during the transfer of the relics to Sweden”)13. One of these miracles is related to the crossing of the Baltic in order to reach the Swedish homeland. During the crossing, doubt emerged among the party regarding which port they should anchor in because war raged in Sweden14. The political situation in Sweden was in fact tense during the first half of 1374. King Albert met with active or passive resistance from a part of the Swedish nobility, and in neighboring Norway, deposed kings Magnus and Håkan waited for an opportune moment to strike. On February 3, Bishop Gotskalk of Linköping was murdered by a nobleman with the support of some others. The motive for the murder is unclear, but it was probably related to the political unrest. The account of the voyage of the company bringing the Birgitta relics to Sweden goes on by claiming that a very bright star became visible in the sky shortly after midday and led them to a port they had not thought of beforehand (ad portum non precogitatum)15. The star was later identified as Birgitta; however nothing is said about which port it was. Instead, the only indication given in the miracle collection of the continuation of the journey refers to a landing at the port of Söderköping, the obvious port for a company aiming at the heart of the province of Östergötland, where Vadstena is situated. A miracle that was experienced during their stay there is explicitly referred to as having occurred “when we first arrived in the kingdom of Sweden”16. Translatio Sancte Birgitte and the Sikavarp Tradition What then might we ascertain about the “port that they had not thought of beforehand” ? An answer is given in the printed breviary of 1493 for the 13 A.&P. [BHL 1342], pp. 145-148. The heading exists in only one of the manuscripts of the canonization process, the A 14 of the Royal Library (Kungliga biblioteket) of Stockholm that has once belonged to the Vadstena Abbey library. 14

A.&P., p. 146.

15

Ibidem. Cf. Vita Katherine… (see above n. 10), f. b8r [f. 16r]. The star has been identified as a grouping of planets (M.-L. SALLNÄS, Den heliga Birgittas hemkomst: Tradition och verklighet i öländskt trettonhundratal, in Kalmar län: Årsbok för kulturhistoria och hembygdsvård, 86 [2002], pp. 27-28) or Halley’s Comet (KYHLBERG, Birgitta, p. 249). 16 Ubi primo venimus ad regnum Suecie: A.&P. [BHL 1342], p. 147. A later, more elaborated version of the story is found in A.&P. [BHL 1341], pp. 109-110. The statement is an obvious obstacle for all theories involving a series of landings before the landing at Söderköping, such as Lindblom’s or Kyhlberg’s (see below). The paradox is however built in, since the story of the landing in “a port not thought of beforehand” has just been told in the same miracle collection.

THE HOMECOMING OF THE BIRGITTA RELICS

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Linköping diocese, the Breviarium Lincopense. The story of the voyage across the Baltic and the star that led the company is retold in the legenda of the Translation feast of the Blessed Birgitta, on May 28. Here it is said that the port to which the ship was safely led by the star was Sikavarp on the island of Öland17. The medieval diocese of Linköping included most of southeastern Sweden. The island of Öland belonged to this diocese, as well as the old royal mansion of Vadstena where the Abbey founded by St. Birgitta was erected and where the saint herself had her grave. What is the significance of the mentioning of Sikavarp as the port to which the relics of St. Birgitta arrived in 1374 in a breviary that was printed more than a century later ? As we shall see, scholars differ with regards to their answer to this question. Two main groups can be identified, one for which the breviary represents an authentic tradition and the relics were really landed at Sikavarp, and another which sees in the Sikavarp legend an attempt to promote pilgrimage to this port of eastern Öland that was property of the Linköping bishop. Andreas Lindblom’s Theory Art historian Andreas Lindblom represents the first of these scholarly traditions. In a 1955 article he made a noteworthy attempt to trace the journey through Europe of the group of friends who traveled with Birgitta’s relics. He accepts that the “port they had not thought of” was Sikavarp. Furthermore, he combines the Sikavarp tradition with another Birgitta miracle, which in Lindblom’s interpretation gives support for a stop off at Bröms on the border between the Swedish province of Småland and the then Danish province of Blekinge. Lindblom also finds evidence in a seventeenth-century record from Ålem parish further north on the mainland coast of Kalmar Sound that the relics had landed there as well. His conclusion is that the relics were taken from place to place along the coast from the Danish border to the port of Söderköping so that the relics could be duly venerated in what developed into a triumphant journey18. Lindblom’s view has gained strong popularity among at least parts of the 17

Lectio viij. (…) Que quidem stella eos ad portum quendam in olandia sikawarp dictum minime precogitatum continue precedens et secure dirigens (…) Lectio ix. (…) sic ipsa sancta (…) ad sueciam. Anno domini millesimotricentesimoseptuagesimoquarto. quinto kalendas iunij: Breviarium Lincopense, ed. PETERS, pp. 172-173. 18 LINDBLOM, Birgittas sista färd, pp. 38-49; ID., På Birgittas vägar... (see above n. 10), pp. 100-110.

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scholarly community, and accounts based on his reconstruction were published as late as 200319. We will now look closer into the sources that were used by Lindblom to support his thesis of stops at Bröms and Ålem. Bröms As has already been mentioned, Lindblom’s theory of a stop off at or near Bröms — a Danish fortress at the then Danish-Swedish border at the point where it meets the coast of Kalmar Sound — is supported by a Birgitta miracle. In this account, we are informed of a nobleman from the Swedish province of Östergötland who was captured by his enemies and taken to a place at the coast more than thirty miles (miliaria) from his home. A ship was prepared to take him to Germany. He invoked Lady Birgitta and made a vow to her, hoping for her intercession to help him remain in his country. When he had ended his prayer, armed persons came from the nearby fortress of Bröms and intervened to stop the abduction. After having settled the matter, the man could return to his home20. The story of the nobleman exists in several different versions in the canonization acts, and the version just related is the primitive version that is part of the Relacio Upsaliensis, the first collection of Swedish Birgitta miracles which was sealed by the archbishop of Uppsala in May 2, 137521. Andreas Lindblom however takes as his starting point a secondary version, in which a good number of significant details have been added. The nobleman is identified as Håkan Fadersson of Sörby in Örtomta parish east of Linköping, squire and rural judge of Memming’s härad, and wellknown by the Bridgettine circle22. Two passages that have been added to 19 L. CESARINI, I den heliga Birgittas fotspår, Stockholm, 2002, p. 79; L. UTGREN – D. HARRISON, Birgittas vägar, Örebro, 2003, pp. 121-122. 20

A.&P. [BHL 1342], p. 161.

21

Ibid., pp. 163-164 (sealing), 592 (name).

22

J. E. ALMQUIST, Lagsagor och domsagor i Sverige: Med särskild hänsyn till den judiciella indelningen (= Skrifter utgivna av Rättsgenetiska institutet vid Stockholms högskola, 2, 1), Stockholm, 1954, p. 311; J. RANEKE, Svenska medeltidsvapen, vol. 2 and 3, Bodafors, 19821985, p. 611; Processus canonizacionis beati Nicolai Lincopensis [BHL 6102c], in Sankt Nikolaus av Linköping kanonisationsprocess: Efter en handskrift i Florens utgiven med inledning, översättning och register, ed. T. LUNDÉN, Stockholm, 1963, p. 238. Håkan was married to Ingegerd Nilsdotter, whose mother Ingeborg Larsdotter followed Birgitta to Rome in 1349, and whose sister Iliana later testified to Birgitta’s holy life; A.&P. [BHL 1340c], pp. 65-66; G. ELGENSTIERNA, Den introducerade svenska adelns ättartavlor: Med tillägg och rättelser, vol. 1, Stockholm, 1925, pp. 355-356; Diarium Vadstenense: The Memorial Book of Vadstena Abbey, ed. C. GEJROT, Stockholm, 1988, p. 168 # 243; HEß, Heilige machen… (see above n. 7), p. 158.

THE HOMECOMING OF THE BIRGITTA RELICS

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the text are particularly important for Lindblom’s discussion. One of them relates that Håkan Fadersson, while standing on the beach was given the information that the group carrying Lady Birgitta’s relics home from Rome was taking a break not far away from where he was situated (stans itaque in littore […] audiuit, quod illi, qui transtulerunt reliquias domine Brigide a Roma, pausandi gracia consisterent non longe a loco, quo ille staret). The other is the statement that Håkan after having returned to his home joined the company that carried the relics on its way to Vadstena, where they arrived on July 423. In Lindblom’s view, the miracle tale is evidence of a stop off of Birgitta’s relics near the Danish-Swedish border, on the way from the first landing on Öland. It is however most problematic that he takes the secondary version of the tale as his point of departure. This is found in the beginning of the miracle collection that was brought together by a commission nominated by Bishop Nils Hermansson of Linköping, and proceeding according to the stricter instructions that had been issued by Cardinal Nucerini, since the first collection did not meet the standards required by a canonization process24. We have no exact information as to when the new commission started its work, but it cannot have been earlier than in the autumn of 1375. It includes however material that had been written down already in the beginning of 137525. The report of the Commissio Lincopensis was sealed in Stockholm on December 9, 137626. The additions to the tale of Håkan Fadersson may have been made at one of many possible occasions, since Håkan was a frequent visitor to the monastery. Moreover, he is explicitly said to have retold his tale at many occasions. This is clear from testimonies at the canonization process27. When the secondary text gives the impression that Håkan Fadersson told his story on the arrival of the relics in Vadstena, this is an illusion created by the additions to the text. The following passage illustrates this. While the primary text dryly states et redijt ad propria gaudens narrans omnibus graciam sibi factam (“and returned home in joy, telling every-

23

A.&P. [BHL 1341], p. 109.

24

A.&P., pp. 611-612 (instructions by Cardinal Nucerini), 143-144 (instructions by Bishop Nils). Both texts are undated in the acts of the canonization process. 25

FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult, pp. 36-40.

26

A.&P., pp. 144-145, 351.

27 A.&P. [BHL 1343f], pp. 464-465 (testimony by Petrus Johannis, who has heard Håkan Fadersson relate his story in his own house), 470-471 (testimony by Johannes Petri), and 555-556 (testimony by Petrus Olaui).

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A. FRÖJMARK

body about the grace that had been bestowed upon him”), the secondary version is considerably more detailed: Ille vero, dum reuerteretur ad propria, venit ad illos, qui transtulerunt ossa domine Brigide, et sequebatur eos, usque dum collocassent ea in monasterio suo Wastena, quo collocata sunt quarto nonas julij annj predicti, narrans graciam secum factam 28.

If this had been the occasion of the writing down of Håkan’s story, we would have expected to find the primitive version in the beginning of the Relacio Upsaliensis, not — as is the case — in its end29. The instructions of Cardinal Nucerini necessitated a restart of the writing down of miracles. Håkan Fadersson’s tale, however, could easily be supplemented with the help of the miraculé himself. Not only were his name and place of residence added according to the instructions, but Håkan took the chance of embellishing his story and adding a number of details. When he says that he was inspired to make a vow by the fact that the relics had landed nearby, the wording is vague: consisterent non longe a loco, quo ille staret30. This might be a pious construction based on his later knowledge of the stop off on Öland, the coast of which had been visible to him on the other side of Kalmar Sound, or it might refer to the supposed stop off of the relics in Ålem on the Småland coast of Kalmar Sound, about 70 kilometers north of the place where Håkan had been held hostage. I do not think that we have evidence for a most unlikely stop off at Bröms. The hypothesis of a stop off in the vicinity of Bröms has however recently been reiterated by Ola Kyhlberg. We will come back to his theory below. Let us go on to have a look at the possible stop off at Ålem and the evidence for it, or lack thereof. Ålem In response to an inquiry after antiquities in the realm, carried on by the clergy under Royal decrees issued in 1666, the learned rector of Ålem parish, Georg Brunnerus, wrote as follows: 28 “When he returned home, however, he came to those who carried the bones of Lady Birgitta, and followed them until they placed them in her monastery Vadstena – and they were placed there on July 4 of the aforesaid year – and told about the grace that had been bestowed upon him”; A.&P., pp. 109, 161 (my translation). 29

A possible occasion for the writing down of the story is April 10, 1375, when Håkan co-sealed an entrance charter issued at the entrance of a virgin in the monastery; Diplomatarium suecanum = Svenskt diplomatarium, ed. J. G. LILJEGREN et al., vol. 10/3, Stockholm, 2002, n° 8754: . 30

A.&P. [BHL 1341], p. 108.

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“Jfrån ålhems Sokn. När som H. Britass lijk kom ifrån Rom och skulle förass till Wadstena kloster, det hon sielf hade låtit upbyggia, at begrafwass, blef det öfwerfördt ifrån ölandh och landsat på Smålandz sidan uti strandahäradet och ålhems sokn widh Giäddenäss uti Cappelwiken, der som står upsat it stort träkorss, huilket kallass H. Britas korss. ålhem 4 octob 1667. Georgius Brunnerus”31.

While Andreas Lindblom finds the tradition trustworthy, a later scholar, Ann-Mari Jönsson, is for the understandable reason of the event being almost 300 years older than the text, disinclined to ascribe value to its data32. Elsewhere, I have argued that for two different reasons one should not rule out the stop off at Ålem33. The first reason is its notable coherence with a tradition that has been written down by Petter Åhstrand in 1768 in a book on northern Öland, where he says that St. Birgitta landed in Sikavarp on her way home from the Holy Sepulcher, and that she had thereafter taken a boat over the Kalmar Sound from Borgehamn at the west coast of Öland to the mainland. At Sikavarp as well as in Borgehamn, Åhstrand points to chapels that are said to commemorate the voyage of St. Birgitta34. This tradition is obviously confused, since Birgitta Birgersdotter never came back to Sweden alive after her voyage to the Holy Land, but it lends some support to the theory of a landing in Sikavarp, followed by a land transport over Öland and a short sea voyage over Kalmar Sound to Ålem at the other side35. In historian Nils Blomkvist’s view, late local tradition in Bredsättra parish (such as Åhstrand’s, we might assume) proves no31 “From Ålem parish. / When St. Birgitta’s dead body came from Rome and was to be brought to Vadstena monastery, that she herself had instigated the erection of, it was brought over from Öland and landed at the Småland side in Stranda härad and Ålem parish at Gäddenäs in Kapellviken [Chapel’s Bay], where a big cross is erected, which is called St. Birgitta’s cross. / Ålem, October 4, 1667 / Georgius Brunnerus”; Rannsakningar efter antikviteter, ed. C. I. STÅHLE – N.-G. STAHRE, vol. 3/1, Stockholm, 1992, p. 171 (my translation). 32

LINDBLOM, Birgittas sista färd, pp. 47-49; JÖNSSON, Den heliga Birgittas skrinläggning,

p. 44. 33 A. FRÖJMARK, Birgittarelikernas hemkomst, in Kyrkohistorisk årsskrift, 92 (1992), pp. 191-192. 34 P. ÅHSTRAND, Beskrifning öfwer Öland. Besynnerligen det norra motet eller fögderiet: Jämte bihang af åtskilliga gamla konunga-bref, Uppsala, 1768, p. 165 (ed. in facsimile, Uppsala, 1979). A road across the island between Borgholm and what is apparently Sikavarp port can be seen on the Öland map of Olaus Magnus’s Historia de gentibus septentrionalibus of 1555; see R. BOSTRÖM, Olaus Magnus på Öland, Biskopsbo och Sikavarp, in Linköpings stiftsbok, 91 (1996-1997), pp. 18-25. Borgholm castle was the residence of the bailiff of Öland, and shipping from there presupposes his benevolence; see FRÖJMARK, Birgittarelikernas hemkomst..., p. 192. 35

See also SALLNÄS, Den heliga Birgittas hemkomst... (see above n. 15).

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thing, since it may have emanated from the liturgical readings in the breviary36. Still, it is noteworthy that the tradition retold by Åhstrand contains details that are not to be found in the breviary, and that bind them together with the Ålem tradition. My second reason for upholding the theory of stays at Sikavarp and Ålem was the fact that both places were important bases for the Linköping Church, and thus may have been regarded as safe stations for the transport of the relics. More than half of Bredsättra parish, where Sikavarp is located, was owned by the episcopal mensa. The bishop’s bailiff of Öland resided at Bo manor in this parish, and the harbor and marketplace of Sikavarp were supervised by him37. Important parts of Ålem parish were owned by the Resurrectionis prebend at the cathedral38. Ola Kyhlberg, who advocates a different route from GdaĔsk to Söderköping, argues correctly that Brunnerus may have the details of a landing on Öland from the Breviarium Lincopense39. The stop off at Ålem lacks foundation in contemporary sources and must be regarded as a noteworthy possibility at best. The Landing at Sikavarp — A Late Medieval Construction ? The chief alternative to the theory presented here is best formulated by Nils Blomkvist in his 1979 work on medieval turn-over places on Öland. Blomkvist does not wish to exclude altogether the idea of a landing at Sikavarp, but finds it more likely that this was a later, deliberate construction made during the episcopate of Henrik Tidemansson (14651500) in order to promote pilgrimage to Sikavarp, where the chapel already may have had a St. Birgitta altar. The presence of large economic interests of the episcopal mensa in Bredsättra parish may have made this construction even more attractive40. 36

BLOMKVIST, Medieval Eketorp, p. 76.

37

Ibid.; S. GÖRANSSON, Appendix: Om den heliga Birgitta och Sikavarps kapell, in Den ljusa medeltiden: Studier tillägnade Aron Andersson, ed. L. KARLSSON et al. (= The Museum of National Antiquities, Stockholm. Studies, 4), Stockholm, 1984, p. 23; R. AXELSSON – K. JANZON – S. RAHMQVIST, Det medeltida Sverige. Vol. 4/3: Öland, Stockholm, 1996, pp. 141-144. 38 H. SCHÜCK, Ecclesia Lincopensis: Studier om Linköpingskyrkan under medeltiden och Gustav Vasa, Stockholm, 1959, p. 421; J. BRUNIUS – O. FERM, Det medeltida Sverige. Vol. 4/2: Handbörd, Stranda, Stockholm, 1990, pp. 302-303. 39 KYHLBERG, Birgitta, p. 251. A stop off at Ålem fits into Kyhlberg’s hypothesis, for which he also presents arguments based on the ownership of nearby Strömserum manor. 40

BLOMKVIST, Medieval Eketorp, p. 76. Blomkvist would rather have Bröms as the unexpected port (note 120). Ragnhild Boström argues for a connection between the visitation of

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Clearly, the fact that the identification of the port is first to be found in the Breviarium Lincopense of 1493, as well as the fact that Ulf Birgersson, author of the Vita Katherine and a person who had personally known some of the people who were parts of the group which transported the relics does not mention Sikavarp, should make us dubious41. Is there then any possibility to trace the Sikavarp tradition to an earlier point in time than the episcopate of Henrik Tidemansson ? In the Memorial Book of Vadstena Abbey, the Diarium Vadstenense, the following entry is found under the year 1440: Item, legenda translacionis beate Birgitte tunc primum fuit compilata per quendam fratrem (et lecta in choro, sed multum est abbreviata) videlicet Iohannem Benekini42.

Of this brother Johannes Benechini (in Swedish Johan Benekesson) it is said at his death twenty-one years later that he originated from Öland (nacione tamen Ølandensis)43. Before his entry in Vadstena Abbey in July, 1416, he had been priest at St. Nicholas’s church in Kalmar. From the cited entry we may learn that the translation legend composed by him was large and had to be abbreviated before it was read in the choir. As an Öland native and as a contemporary of the great researcher of Birgitta traditions Ulf Birgersson — author of the Vita Katherine — chances are that he had information about a landing on Öland, if it had happened. But did his legend contain any mention of Sikavarp ? Possible Fragments of Pre-1493 Translation Offices At the National Archives (Riksarkivet) in Stockholm a large collection of fragments and pages from medieval codices has been cataloged in recently completed MPO project. A search for Translatio sancte Birgitte in the catalog reveals three fragments. All are from the fifteenth century. One is a fragment of a Kalendarium, which tells us that the feast day on Bishop Henrik to Öland in 1479 and the mentioning of Sikavarp in the Breviarium Lincopense of 1493: R. BOSTRÖM, Birgittakulten i Sikavarp på Öland: Kort meddelande, in Fornvännen, 99 (2004), pp. 299-302. Concerning Bishop Henrik’s visitations, his concern for Vadstena Abbey, and the printing of Breviarium Lincopense, see SCHÜCK, Ecclesia Lincopensis... (see above n. 38), pp. 120-121. 41

BLOMKVIST, Medieval Eketorp, p. 76 and note 118. For the dating of Vita Katherine, see also FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult, pp. 51-52. 42 “Moreover, the legend of the translation of the Blessed Birgitta was then for the first time written down by a brother (and read in the choir, though much abbreviated), namely Johannes Benechini”; Diarium Vadstenense… (see above note 22), p. 202 # 500 (my translation). 43

Ibid., p. 239 # 715.

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A. FRÖJMARK

May 28 was observed, but nothing about the contents of its liturgy44. Another is a fragment of an Antiphonary, a liturgical book containing sung portions of the breviary. The fragment consists of parts of the first, second and third nocturnes of a Birgitta office, nocturnes which in the printed breviary are common for the feast commemorating Birgitta’s celestial birthday (July 23) and her canonization feast (October 7)45. There is actually nothing in this fragment that points specifically to the translation feast. More rewarding is a fragment of a breviary, in all likelihood older than the printed one. It is a four page leaf — a bifolium. The first two pages contain parts of the liturgy of St. Eric of Uppsala (May 18). The other pages contain the fourth and the beginning of the fifth readings of a Birgitta liturgy, and in between them the responsory Maria virgo parvula46. It is however not clear to which of the Birgitta feasts this fragment belongs, since Birgitta was celebrated on May 28 (translatio), July 23 (Birgitta’s celestial birthday), October 7 (canonization of St. Birgitta — her main feast day) and October 14 (octave of the canonization day). The attribution of this fragment to the translation feast is made in an earlier catalog of fragments at Riksarkivet, the Catalogus Codicum Mutilorum (CCM). The reason for this is probably the presence at the same bifolium of a fragment of the Eric office, which was celebrated in May just like the translation of St. Birgitta. The CCM catalog includes only half of the total number of fragments at Riksarkivet, and thanks to the MPO catalog it has been possible to identify another fragment from the same breviary47. Interestingly enough, this fragment contains the beginning of a Birgitta office. The liturgy begins with the antiphon Rosa rorans, which in the printed breviary is connected 44

Riksarkivet (National Archives), Stockholm: KA, Smålands handlingar 1550:10:2, Årlig ränta (MPO Fr 25625 [CCM Kal 33]). 45 Riksarkivet (National Archives), Stockholm: KA, Östergötlands handlingar 1612:11:1, Räk. för Årlig ränta (MPO Fr 20360 [CCM Ant 156]). Cf. Breviarium Lincopense, ed. PETERS, pp. 714-716. 46 Riksarkivet (National Archives), Stockholm: KA, Provianträkenskaper 80:6 Västervik 1594 (MPO Fr 22216 [CCM Br 263]). The fragment has been used as cover for a 1594 account book, Provianträkenskaper, by the Västervik bailiff Lasse Markusson. Västervik in north eastern Småland belonged to Linköping diocese. 47

Riksarkivet (National Archives), Stockholm: KA, Lokala tullräkenskaper 479:III Västervik 1595 (MPO Fr 7386). The fragment has been used as cover for the 1595 customs account book, Lokala tullräkenskaper, by the Västervik bailiff Lasse Markusson. The fact that folia of the same breviary have been used by the Västervik bailiff during two consecutive years indicates that the binding was made locally in Västervik, as opposed to in the Stockholm Treasury.

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to the main feast, that of October 7, but may have been used also at other Birgitta celebrations. The fragment consists of two folia, which have been sewn together. The text continues from one folio to the other, so the folia must have formed a suite in the manuscript. Below, I summarize the contents of the two fragments: Fr 22216 fol. 1r48 Extracts of the office for St. Eric’s feast, 18 May: Lectio II (end) Resp. Amens omnino Versus Regis Lectio III Ab omni populo suo graciosus propter hec Resp. O miles Christi Fr 22216 fol. 1v Versus Perveniant Ad laudes ant. Hostia grata etc. Capitulum Tu Domine Hymnus Laudes ad laudes lacuna Fr 22216 fol. 2r Extracts of an office in honor of St. Birgitta: Lectio IV Cum autem ad annorum Resp. Maria virgo parvula Fr 22216 fol. 2v Lectio V Hec infirmorum et pauperum Fr 7386 fol. 1r49 Incipit hystoria de Sca Byrgitta Ant. Rosa rorans Capitulum Optaui Resp. Regnum mundi Hymnus Ruine celi Fr 7386 fol. 1v Ant. Ministrans pauperibus Collecta Deus qui ecclesiam tuam [Ad matutinum] Invitatorium Deum patrem Versus Venite 48 In the lower right-hand corner of the page is written the Roman number iii, which might indicate the position of the leaf in the quire, or more likely the position of the quire in the volume. 49

In the lower right-hand corner of the page is written the Roman number v.

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A. FRÖJMARK Fr 7386 fol. 2r Hymnus Signum magnum [In primo nocturno] Ant. Docetur Lectio I Beata byrgitta nobilis progenie Fr 7386 fol. 2v Resp. Hec sursam Versus Lux venit Lectio II (beginning) Ab ipsa autem infancia

One cannot rule out the possibility that all pages of the Birgitta office in the Breviary Br 263 of the CCM catalog have belonged to one and the same office. In that case, the Fr 7386 should be inserted as the center bifolium of a quire, separated from the Fr 22216 by one bifolium. The interval between the beginning of the second reading on fol. 2v of Fr 7386 and the fourth reading of the Birgitta office on fol. 2r of Fr 22216 corresponds well to a hypothetical two page lacuna. There are however two problems with this reconstruction. Firstly, the Fr 7386 seems not to have formed one bifolium, since the pages have been sewn together before being used as cover for an account book in 1595. Secondly, a two page lacuna would hardly suffice for the latter part of the Eric office and the other offices between it and the Birgitta office, even if this was the office of the translation day, May 28. Instead, we may suppose that the Fr 22216 was the outermost bifolium of the third quire of the breviary, while the Fr 7386 has been sewn together from the two first leaves of the fifth quire. (The numbers iii and v respectively are present in the lower right-hand corners of the first leaves of each fragment.) As we have seen, the presupposition of the CCM catalog is that the Birgitta office on Fr 22216 is that of Birgitta’s translation day on May 28. There is however nothing in the readings of Fr 22216 that talk about the translation of Birgitta’s relics. Instead, the readings deal with Birgitta’s marriage and household (lectio IV) and how her husband was influenced by her piety (lectio V). Without knowing the total number of leaves in the quires of the breviary, we might just as well suppose that the office present on Fr 22216 is the office of Birgitta’s celestial birthday on July 23. A comparison with the Birgitta and Eric offices of the printed Linköping breviary of 1493 shows that the readings are more extensive in the Br 263. The readings of the translation feast in the printed breviary are not found at the expected place in the liturgical year, but in the introductory part, between the office of commendation of souls (commendatio anima-

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rum) and readings for the feast of the 10,000 Knights (June 22). The readings are introduced by a heading: In translatione beate birgitte50. One is given the impression that the readings for the translation feast, as well as those of the 10,000 Knights, were added at a late stage in the preparation of the printing. They are on the last quire, named II, in the introductory part of the breviary, a quire that ends with a lacuna on fol. IIx v. This late addition might be seen as an argument that the readings mentioning Sikavarp were not used, at least not universally, in the pre-1493 Linköping liturgy. Curiously enough, this heading In translatione b. birgitte is also used to introduce the canonization feast of October 7 in the printed Breviarium Lincopense51. Where on the other hand one would have expected to find Birgitta’s translation feast, in between the feasts of Sts. Urban and Petronella, there is no mention of it. I can see three possible explanations for this state of affairs. – The October 7 feast may have been referred to as Translatio before the introduction of the May 28 celebration. To my knowledge, no evidence exists to support this hypothesis. – The editors of the printed breviary may have wanted to indicate that this office was to be used on May 28, but with the readings that could be found in the introductory part of the volume. – The heading is there by mistake. Does the Feast Day of the Translation of St. Birgitta Commemorate a Landing at Sikavarp ? In a well documented article on the translation of St. Birgitta, AnnMari Jönsson questions Andreas Lindblom’s reconstruction of the last part of the journey, including the landings at Bröms and Ålem52. She discusses in detail Håkan Fadersson’s tale, and points to the fact that the place name Bryms (present day Bröms) varies in the manuscripts. She also sets forth that when the tale says that Håkan was brought more than 30 “miles” (triginta miliaria) from his home, miliaria should not be seen as a rendering 50

Breviarium Lincopense, Nürnberg, 1493, fol. IIviiir; Breviarium Lincopense, ed. PETERS, pp. 171-173. 51

Breviarium Lincopense, Nürnberg, 1493, fol. Riiiv; Breviarium Lincopense, ed. PETERS,

p. 809. 52 JÖNSSON, Den heliga Birgittas skrinläggning. Jönsson’s main topic is a discussion of why the feast day of St. Birgitta’s translation was fixed at May 28.

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A. FRÖJMARK

of Swedish miles, but since the miracle collection was intended for use in the canonization process in Rome, miliaria should denote Roman miles, while Swedish miles are rendered in another miracle tale in the same collection as longas leucas. Thirty Roman miliaria from Håkan Fadersson’s home in Sörby could be translated as approximately 45 kilometers, instead of ca. 300 kilometers, which would be the case if they denoted Swedish miles. This would take us not to Bröms, but rather to a place in the vicinity of Söderköping, where the relics are known to have been landed at June 29, 1374. The place could be either one of the manors Bråborg (earlier Branäs) or Herrborum53. I however cannot support this theory. Admittedly, the name Bryms exists with variants in the manuscripts, as Jönsson points out, but the manuscripts which usually have the most reliable renderings of place names, Cod. Ups. C 15 of the Uppsala University Library and Codex Harleianus 612 of the British Library both have the form Bryms (in one case, the Codex Harleianus has the explainable misspelling Brynis)54. The witnesses who were cited to confirm Håkan Fadersson’s tale at the canonization process in Rome were well acquainted with the man and his tale and would have corrected the place name if it had been mistaken55. I also think that miliaria was the word used by the recorders of the miracle at its original recording, as a simple translation of the Swedish word mil. In this case — in contrast to another case cited by Jönsson — no learned digression concerning the term has taken place56. The 1493 breviary maintains that the feast day of the translation was chosen to commemorate the first arrival of the relics in Birgitta’s homeland. Ann-Mari Jönsson does not know of any translation day of a saint being celebrated to commemorate a such occasion. Instead, she finds evidence for an earlier translation in Vadstena than the one hitherto known, which she hypothetically fixes on May 28, 1381. I do not question her findings concerning this earlier translation, but since the breviary of 1493 does not rule out that a translation day could be celebrated on the day of the arrival of the relics, we might perhaps suppose that the date of the translation in 1381 was chosen because of this original landing57. 53

JÖNSSON, Den heliga Birgittas skrinläggning, pp. 44-45.

54

FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult, pp. 32-36, 40 for a discussion of the manuscripts.

55

See above, note 27.

56

JÖNSSON, Den heliga Birgittas skrinläggning, pp. 44-45.

57

See also T. NYBERG, Birgittinsk festgåva: Studier om Heliga Birgitta och Birgittinorden (= Skrifter utgivna av Svenska kyrkohistoriska föreningen, 46), Uppsala, 1991, pp. 419-420. Nyberg does not follow Ann-Mari Jönsson, but argues for the choice of May 28 as a commemoration of the first landing of the relics at their arrival from Italy in 1374.

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Are There More Than One Sikavarp ? Ola Kyhlberg has recently contributed to the debate of the voyage of St. Birgitta’s relics with an article in Situne Dei (2010)58. Referring to Ragnhild Boström’s discussion (see below), he dismisses the theory of a landing at Sikavarp on Öland59. According to Kyhlberg, a place in the vicinity of Bröms was the location of the first landing of St. Birgitta’s relics in Sweden. The continued journey is thought — at least to some extent — to have used manors owned by relatives of Birgitta as stations60. Birgitta miracles, which according to Kyhlberg have been especially frequent in the Kalmar Sound area, are seen as evidence of a strong tradition going back to this triumphant journey61. Kyhlberg is familiar with the medieval manors of the Kalmar Sound region and their owners from earlier research. Further, he has found a bay called Sikavarp in the vicinity of the place where Håkan Fadersson stood with his kidnappers62. Kyhlberg’s reconstruction is however flawed, since he consistently uses secondary sources. He ignores the Relacio Upsaliensis, the only contemporary source for the voyage of the relics63. Consequently, there is no discussion of what made this particular Sikavarp a suitable landing place for a company wanting to escape warlike conditions, except for Kyhlberg’s suggestion that the coastal manor of Påbonäs some eleven kilometers (seven miles) to the north as the crow flies, may have controlled this bay, located at the promontory of Grisbäcksudde64. Påbonäs was owned by Ingeborg Eriksdotter (Bielke), widow after a counselor of the realm, close

58

KYHLBERG, Birgitta, pp. 245-258.

59

Ibid., pp. 245, 249-250. Kyhlberg overlooks Nils Blomkvist’s discussion of the Sikavarp tradition (see above). 60 Kyhlberg mentions as possible stop offs Påbonäs in Söderåkra parish, Kalmar city, Hultsby in Ryssby parish, Strömserum and Pata in Ålem parish, Kråkerum and Mönsterås in Mönsterås parish, Grönskog in Fliseryd parish, Påskallavik in Döderhult parish, and Figeholm in Misterhult parish; KYHLBERG, Birgitta, p. 247. 61

Ibid., pp. 253-254.

62

Ibid., pp. 250-251 with map p. 249; LINDBLOM, Birgittas sista färd, pp. 42-45; Institutet för språk och folkminnen (Institute for Language and Folklore), Uppsala: Ortnamnsregistret (): Söderåkra parish: “Sikavarpet”. A search in Ortnamnsregistret reveals at least eight places called Sikvarp, Sikavarp or the like along the coastlines of Småland, Öland and Östergötland. 63

Instead, Kyhlberg uses the Vita Katherine, written in the 1410s (dating: see note 41).

64

KYHLBERG, Birgitta, pp. 251-252.

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A. FRÖJMARK

friend of Birgitta and mother of two of Birgitta’s daughters-in-law65. Being a fortified manor, Påbonäs may have offered some protection for the company, but its connection to Bröms and the place where Håkan Fadersson was held, as well as to the place name Sikavarp is too vague to serve as the foundation for a believable hypothesis66. Håkan Fadersson’s story is referred to in the version told by the witnesses during the canonization process in Rome. This can be seen as a tertiary version, where all significant information goes back to the versions of the Relacio Upsaliensis and — particularly — of the Commissio Lincopensis. The information that Birgitta miracles were especially frequent in the Kalmar Sound region is based on an overoptimistic interpretation of a map presented in 1994 by Janken Myrdal and Göran Bäärnhielm in Kvinnor, barn och fester i medeltida mirakelberättelser67. In fact, only an insignificant number of posthumous Birgitta miracles are reported from this region. Apart from the Håkan Fadersson miracle, there is a miracle concerning an anonymous woman from the Möre district68. One might add a miracle concerning a nobleman who was miraculously healed from illness during a voyage at sea, and who departed on his pilgrimage to Birgitta’s grave from the port of Kalmar where he had landed69. The finding of a possible alternative to Sikavarp on Öland is Kyhlberg’s most original contribution. A truly convincing discussion of why this rather obscure place would have been chosen, and how a landing there might have given rise to the Breviarium Lincopense tradition is however lacking. Was the Sikavarp Chapel Originally Dedicated to St. Brigit of Kildare? I will end with a brief discussion of the question of which saint the mid-thirteenth-century chapel — now ruin — at Sikavarp originally was 65

H. GILLINGSTAM – A. F. LILJEHOLM, Glysing, in Äldre svenska frälsesläkter: Ättartavlor, ed. F. WERNSTEDT, vol. 1/1, Stockholm, 1957, p. 54; B. KLOCKARS, Birgittas svenska värld, Stockholm, 1976, pp. 86-87, 147, 153-154. 66

For the fortified manor of Påbonäs, see C. LOVÉN, Borgar och befästningar i det medeltida Sverige, Stockholm, 1996, pp. 327-329. 67 J. MYRDAL – G. BÄÄRNHIELM, Kvinnor, barn och fester i medeltida mirakelberättelser (= Skrifter från Skaraborgs länsmuseum, 19), Skara, 1994, p. 155 (map). In the legend on p. 154, it is clearly stated by Myrdal and Bäärnhielm that the map does not indicate the number of miracles. See also map in FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult, p. 86. 68 A.&P. [BHL 1342], p. 160; FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult, p. 115; MYRDAL – BÄÄRNHIELM, Kvinnor..., p. 137 (# A 53). 69

A.&P. [BHL 1341], p. 138; MYRDAL – BÄÄRNHIELM, Kvinnor..., p. 138 (# B 56).

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dedicated to. The chapel is first mentioned in 1515, when it is simply referred to as Sikawarp in Ølandia70. A mid-sixteenth-century source calls it St. Brita’s chapel71. The name of St. Birgitta — of which Brita is a common Swedish variant — on a thirteenth-century chapel is of course puzzling. Either the chapel has been rededicated to St. Birgitta or has had this saint added to its unknown original patron saint, or it is an instance of a chapel dedicated to the Irish St. Brigit (Brigida) of Kildare72. The first of these hypothesizes has long been predominant within the scholarly community. Nils Blomkvist and Sölve Göransson have both dismissed the theory of the Irish saint as a patron saint here. For Blomkvist, St. Catherine of Alexandria is the most likely original patron saint, since a convivium (guild) with this saint as its patron saint is known to have existed in Bredsättra parish in 1413. The convivium had strong connections to the Franciscan convent of Visby, something that would fit in well with its having a chapel at a market place with a harbor73.

70 Scriptores rerum Svecicarum Medii Aevi, ed. C. ANNERSTEDT, vol. 3/2, Uppsala, 18711876, p. 296; AXELSSON – JANZON – RAHMQVIST, Det medeltida Sverige... (see above n. 37), p. 141. See also SCHÜCK, Ecclesia Lincopensis... (see above n. 38), p. 381. 71 Church plate was confiscated from the chapel by the Crown in 1551. The chapel is on this occasion referred to as St. Brita’s chapel. See O. KÄLLSTRÖM, Medeltida kyrksilver från Sverige och Finland förlorat genom Gustav Vasas konfiskationer, Stockholm, 1939, p. 308, and BLOMKVIST, Medieval Eketorp, p. 76 and note 113. 72

The liturgical cult of St. Brigit (Brigida) of Kildare in Sweden has been thoroughly studied by Toni Schmid: Le culte en Suède de sainte Brigide l’Irlandaise, in AB, 61 (1943), pp. 108-115. The name of Birgitta Birgersdotter herself is evidence of a certain popularity of the Irish saint, as is the name of the source in Västergötland where according to tradition, King Olof Skötkonung was baptized. Apart from that, the findings of Toni Schmid only indicate that Brigit’s feast day was commemorated in most Swedish dioceses, but at a low liturgical rank. As a dedication saint in Sweden, Brigit is extremely uncommon. Church historian Sven-Erik Pernler sees Rådene church in Skara diocese as a possible Brigit church. The post-medieval evidence for the name Brita on Västerhaninge church (Strängnäs diocese) and Sikavarp chapel are mentioned as possible indications for Brigit dedications; S.-E. PERNLER, Spår av gotländsk Brigidakult [mit eine deutsche Zusammenfassung: Spuren eines gotländischen Brigida-Kultes], in Archiv und Geschichte im Ostseeraum. Festschrift für Sten Körner, ed. R. B OHN – H. REBAS – T. SILTBERG (= Studia Septemtrionalia, 3), Frankfurt am Main, 1997, pp. 57-66. “Saint Birte’s” source in Ryssby parish near Värnamo in south western Småland may also derive its name from the Irish saint. For an alternative interpretation, see T. LUNDÉN, Sveriges missionärer, helgon och kyrkogrundare: En bok om Sveriges kristnande, Storuman, 1983, pp. 446447. 73 Annales Suecici Medii Ævi, ed. G. PAULSSON, Lund, 1974, p. 330; BLOMKVIST, Medieval Eketorp, p. 76. Göransson (Appendix: Om den heliga Birgitta... [see above n. 37]) regards the chapel as a harbor chapel belonging to the bishop of Linköping. According to Boström, the late medieval reredos of the chapel – later removed to Bredsättra church – had images of St. Catherine of Alexandria as well as of St. Birgitta and her daughter St. Katherine of Vadstena: R. BOSTRÖM, Sankta Britas kapell, in Bredsättra sockenbok, Borgholm, 1997, p. 36.

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A. FRÖJMARK

The alternative theory, minted by William Anderson in 1936, has however acquired an eloquent protagonist in the eminent long time scholar of the churches of Öland, Ragnhild Boström. She regards St. Brigit with her cow as a more genuinely popular saint in a rural environment than the aristocratic Birgitta. She also finds support for her theory in Brigit images on the nearby Baltic island of Gotland74. Church historian Sven-Erik Pernler has published contributions on these, and also directed attention to the presence of Brigit’s name in a prayer for the protection of cattle in Bro parish on northern Gotland in the seventeenth century. Evidently, St. Brigit has been famed also on Gotland for her ability to protect cattle75. Pernler also points to the presence of two images in two neighboring churches on southern Gotland. In Linde, the Irish saint is included in a retable from 1521, and in Hemse, her image is found on the northern wall of the church76. The style of the mural in Hemse is that of the anonymous Passionsmästaren (“Master of the Passion”), generally dated to the second part of the fifteenth century. In the vicinity of the St. Brigit image there is a similar image of St. Katherine of Vadstena, the authenticity of which I have questioned in my dissertation77. The images were restored in 1896 by C. Wilhelm Pettersson based on drawings by Axel Herman Hägg78. Pettersson is notorious for his creative reconstructions of medieval wall paintings. No other mural of St. Katherine exist on Gotland, and her name is misspelled in the legenda: Catharina where one would expect Katherina. Further, images of St. Katherine are usually coupled with images of her mother, but no such image is present here. Now what of St. Brigit ? Are we here presented with a reconstruction inspired by the Brigit image of the retable in nearby Linde church ? Luckily enough, in this case we can rule out the hypothesis of a post-medieval transformation, since a photo of 74

BOSTRÖM, Sankta Britas kapell... (see above n. 73).

75

PERNLER, Spår av gotländsk Brigidakult… (see above n. 72), pp. 58-59; ID., Betydande Brigida-kult på Gotland [with a summary in English: The Cult of Saint Bridget on Gotland], in Kust och kyrka på Gotland: Historiska uppsatser, ed. P. STOBAEUS (= Arkiv på Gotland, 7), Visby, 2010, pp. 33-47. 76

PERNLER, Spår av gotländsk Brigidakult…, pp. 58-59. Other probable images of St. Brigit are discussed in S.-E. PERNLER, Betydande Brigida-kult på Gotland. 77 FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult, p. 160, note 61. I do not, however, wish to maintain that the image originally depictured an apostle, since all apostles can be otherwise accounted for in the church. One might instead think of St. Giles, who like St. Katherine is often portrayed with a deer, and who just like St. Brigit is represented in the Linde retable. 78 E. LAGERLÖF – B. STOLT, Hemse kyrkor: Hemse ting, in Gotland, vol. 6/3 (= Sveriges kyrkor, 131), Stockholm, 1969, p. 214. Photos of the murals discussed here are found on pp. 225, 218, 227 and 228.

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this mural exists from before the restoration. From this photo we may conclude that the Irish saint was also there before the restoration79. Evidence of some veneration of St. Brigit of Kildare in three parishes on Gotland is not, however, enough to let us suppose that a coastal chapel on Öland should have been dedicated to the same saint. In all likelihood, the “Brita” in Sikavarp is St. Birgitta of Sweden, and that is the simplest and most likely interpretation whether or not the Birgitta cult in Sikavarp was founded in a landing of the relics there in 137480. Conclusion The transport of St. Birgitta’s relics from Italy to Sweden went from Rome to Vadstena, the cradles of her two posthumous personalities, the Italian pious and humble pilgrim and the Swedish active, visible, and polarizing prophetess. The relics arrived in Sweden during a period characterized by unrest and civil war, and historian Sten Engström has termed the homecoming of Katherine with Birgitta’s mortal remains in 1374 one of the most important events of the history of those years81. In 1955, Andreas Lindblom published his hypothesis concerning the road used for the transport of relics from Italy to Sweden. What interests us here is the final part of the journey, from GdaĔsk to Vadstena. Lindblom’s reconstruction with its seductive map of the final part of the journey is still used in the scholarly community, but this article argues that the stop off in Bröms at the then Danish-Swedish border supposed by him should be ruled out on the basis of source criticism. For a landing at Sikavarp on the east coast of Öland, Lindblom finds evidence in the printed Linköping breviary of 1493. According to this source, Sikavarp was the port mentioned in a contemporary relation of the journey as not thought of beforehand by the followers of St. Birgitta’s relics, but to which they were miraculously led as war raged in Sweden. Lindblom has been criticized for basing the iden79 Antikvarisk-topografiska arkivet (ATA), Stockholm: Fotografisamlingen [Photographic collection], Bilder av kyrkor, K 1 C:157 Gotland, Hemse 47, photo 3:94, by O. Sörling 1890 (A 327:24). I want to thank Dr. Mia Åkestam, Stockholm, for sharing this information with me. 80 The “official” theory of the dedication saint may however be said to be that it is St. Brigit of Kildare, since that is what the County Administrative Board of Kalmar county publicizes on its information signs at Sikavarp, dating from 2007 (text authored by Dr. Ragnhild Boström). However, the same signs also adhere to the theory of the chapel being that of the St. Catherine convivium, which would normally have indicated that this saint was the patron saint of the chapel. A monograph on the chapel of Sikavarp is soon to be published by Dr. Boström. 81 S. ENGSTRÖM, Bo Jonsson. 1: Till 1375, Uppsala, 1935, p. 215: “Katarinas hemkomst till Sverige med Birgittas jordiska kvarlevor sommaren 1374 är en av de viktigaste tilldragelserna i dessa års historia”.

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A. FRÖJMARK

tification of the port on a late source. The question here is if the Sikavarp tradition can be traced back to an earlier date than that of the printed breviary, e.g. to the translation office known to have been used in Vadstena Abbey from 1440. However, no conclusive evidence has been found in pre-1493 liturgical fragments. Controlled and supervised by the Linköping church through its local bailiff, the port of Sikavarp was nevertheless a suitable landing place for the Birgitta relics in a time of unrest, something that strengthens the hypothesis of a landing there. A thirteenth-century chapel at Sikavarp harbor is referred to as St. Brita’s chapel in a sixteenth-century source. Some scholars see herein an instance of St. Brigit of Kildare as patron saint, otherwise a rarity in Sweden, but a more likely explanation is that St. Brita refers to St. Birgitta of Sweden. Whether or not her relics had really been landed in Sikavarp, this was the view of the Linköping tradition. A late-medieval addition of St. Birgitta to the original patron saint or patron saints of the chapel is therefore plausible. Linnæus University

Anders FRÖJMARK

School of Cultural Sciences SE – 39182 Kalmar

Résumé. Malgré son long séjour en Italie, Ste Brigitte de Suède considéra toujours la Suède comme sa terre d’origine et voulut être enterrée dans le monastère de Vadstena, alors en construction. Des membres de son entourage à Rome transportèrent sa dépouille d’Italie en Suède: ayant quitté Rome en décembre 1373, ils arrivèrent à Vadstena en juillet 1374. Selon un récit de miracle contemporain, alors que le groupe traversait la Mer Baltique et qu’il avait appris que la guerre faisait rage en Suède, des doutes survinrent à propos du port dans lequel il fallait aborder. Cet article contribue assurément au débat scientifique en cours sur l’identification de ce port. La partie finale de cette étude cherche à déterminer quelle est la sainte désignée sous le nom de «sainte Brita» dans une source du XVIe s. comme patronne d’une chapelle située dans le port de Sikavarp, dans l’île d’Öland.

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Abbreviations A.&P. = Acta et processus canonizacionis beate Birgitte, ed. I. COLLIJN (= Samlingar utgivna av Svenska Fornskriftsällskapet. Ser. 2: Latinska skrifter, 1), Uppsala, 1924-1931. BLOMKVIST, Medieval Eketorp = N. BLOMKVIST, Medieval Eketorp and Contemporary Turn-over Places on Öland, in Eketorp. Fortification and Settlement on Öland/Sweden. The Setting, ed. U. NÄSMAN – E. WEGRAEUS, Stockholm, 1979, pp. 61-100. Breviarium Lincopense, ed. PETERS = Breviarium Lincopense [ex unica editione 1493], ed. K. PETERS (= Laurentius Petri sällskapets urkundsserie, 5), Lund, 1950-1958. FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult = A. FRÖJMARK, Mirakler och helgonkult: Linköpings biskopsdöme under senmedeltiden [avec un résumé en français: Miracles et cultes des saints. Le diocèse de Linköping au bas Moyen Âge] (= Studia Historica Upsaliensia, 171), Uppsala, 1992. JÖNSSON, Den heliga Birgittas skrinläggning = A.-M. JÖNSSON, Den heliga Birgittas skrinläggning [with a summary in English: The Enshrinement of St. Bridget], in Kyrkohistorisk årsskrift, 87 (1987), pp. 37-53. KYHLBERG, Birgitta = O. KYHLBERG, Birgitta Birgersdotters relikfärd genom Sverige 1374, in Situne Dei, 2010, pp. 245-256. LINDBLOM, Birgittas sista färd = A. LINDBLOM, Birgittas sista färd [with a summary in English: St. Bridget’s Last Journey], in Rig, 38 (1955), pp. 33-68.

Bernard JOASSART LETTRES DU JÉSUITE PIERRE POUSSINES À BOLLAND, HENSCHEN, PAPEBROCH ET JANNING* Pierre Poussines1 — dont le nom sera latinisé en Possinus — naquit à Laure, dans l’actuel département de l’Aude, le 29 octobre 1609. Avant même d’avoir atteint l’âge de 15 ans, il entra dans la Province jésuite de Toulouse. Au terme de sa formation théologique, il enseigna les humanités, la rhétorique et l’Écriture sainte au collège de Toulouse. Excellent humaniste, particulièrement versé dans le grec, à Toulouse comme plus tard à Rome, il se fit l’éditeur et le traducteur d’auteurs et de textes anciens — son premier ouvrage consista dans l’édition d’un éloge des archanges Michel et Gabriel2. La qualité de ses travaux lui vaudra une réelle notoriété dans le monde savant. En 1654, le Général de la Compagnie, Goswin Nickel3, l’appela à Rome afin de poursuivre la publication de l’histoire de l’Ordre commencée par ses confrères Niccolò Orlandini et Francesco Sacchini4. Cela n’empêcha nullement Poussines de poursuivre ses publications, tant en exégèse qu’en patristique, ni d’enseigner l’Écriture sainte au Collège romain, de 1675 à 1681. À l’âge de 72 ans, il rentra dans sa Province d’origine et mourut à Toulouse le 20 février 1686. En 1953, à l’occasion de son article Deux écrits de Pierre Poussines (Possinus) en l’honneur de S. François Xavier, tirés des archives bollandiennes, Maurice Coens attira l’attention des lecteurs sur l’apport scienti* Liste des abréviations, voir ci-dessous, p. 169. Je tiens à remercier vivement le P. Robert Danieluk, S.J. (ARSI) et M. Paolo Vian (Bibliothèque Vaticane) de leur aide précieuse pour l’identification de plusieurs personnages cités dans les textes ici édités. 1 La plus récente notice biographique consacrée à Poussines est due à G. BOTTEREAU et J. ESCALERA, in DHCJ, 4, p. 3207. On trouvera le détail de la bibliographie de Poussines dans SOMMERVOGEL, 6, col. 1123-1134. 2

Il s’agit de l’édition du texte BHG 1291, publiée dans l’ouvrage intitulé Nicetae laudatio Sanctorum Archangelorum Michaelis et Gabrielis, Toulouse, 1637. 3 Goswin Nickel (1584-1664, jésuite en 1604) fut élu Préposé général de la Compagnie en 1652 (cf. G. BOTTEREAU, in DHCJ, 2, p. 1631-1633). 4 Niccolò Orlandini (1553-1606, jésuite en 1572) fut professeur de collège et secrétaire du Général des Jésuites (cf. H. BEYLARD, in DHCJ, 3, p. 2924). Francesco Sacchini (15701625, jésuite en 1588) enseigna les lettres au Collège romain et fut, lui aussi, pendant 17 ans secrétaire du Général de la Compagnie (cf. M. SCADUTO, in DHCJ, 4, p. 3458). Le premier rédigea l’Historiae Societatis Iesu pars prima, parue à Rome en 1614; le second prépara les Historiae ... pars secunda (Rome, 1620), … pars tertia (Rome, 1622), … pars quarta (Rome, 1652), ainsi que la … pars quinta, tomus prior, à laquelle Poussines apporta des compléments et qui sortit de presse à Rome en 1661.

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 105-174.

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fique de son confrère du 17e siècle aux hagiographes d’Anvers dans le cadre de la préparation des Acta Sanctorum 5. Les familiers de ceux-ci y rencontrent assez régulièrement le nom de Poussines. Une recherche dans la version électronique du grand œuvre bollandien (http://acta.chadwyck. co.uk) permet de repérer quelque 250 occurrences renvoyant au jésuite français. On y découvre également des travaux ou des consultations érudites de Poussines, telles les trois Epistolae relatives aux dates de naissance, de baptême et de mort du Christ, qui se trouvent au début de la première partie du Conatus chronico-historicus ad catalogum Romanorum Pontificum, due à Papebroch et sortie de presse en 16856. L’examen des archives des anciens Bollandistes laisse également percevoir que Poussines s’employa activement à aider ses confrères des Pays-Bas, tant par l’envoi de copies de textes hagiographiques que par toute espèce de renseignements transmis par voie épistolaire. Le dossier ici publié rassemble les lettres adressées par le Français aux Bollandistes, qui sont conservées dans les papiers des hagiographes d’Anvers, tant à l’actuelle bibliothèque bollandienne qu’à la Bibliothèque royale de Belgique. Malheureusement, les missives des Bollandistes envoyées à Poussines — attestées dans plusieurs lettres de celui-ci — n’ont jusqu’à présent pas été retrouvées. Pourraient-elles d’ailleurs l’être un jour ? Sommervogel signale en effet que «les lettres trouvées dans son cabinet furent brûlées», sans toutefois préciser les circonstances de cette destruction; on peut raisonnablement présumer qu’y étaient présents des envois des Bollandistes. D’autre part, des recherches menées par mon confrère Robert Danieluk dans les Archives romaines de la Compagnie de Jésus ont certes permis d’y découvrir des documents relatifs à Poussines, mais pas de lettres émanant du groupe bollandien. Les relations entre Poussines et les Bollandistes commencèrent tôt dans la carrière du Français. La première missive conservée date de 1640 (et encore y apprend-on l’existence d’une lettre antérieure), soit dès avant même la parution des premiers volumes des Acta Sanctorum en 1643. Sans doute Poussines avait-il reçu quelque «Mémorial» que Bolland, perpétuant un usage inauguré par Héribert Rosweyde, avait coutume d’adresser aux érudits de son temps — jésuites ou non — afin de rassembler la documentation nécessaire à la rédaction des dossiers destinés à sa collection7. Il est 5

Cf. COENS, Poussines – François Xavier.

6

Cf. les p. 13-24. La deuxième partie de l’ouvrage fut publiée en 1688.

7

On trouvera quelques exemples de ces «Mémoriaux» dans M. COENS, Héribert Rosweyde et la recherche des documents. Un témoignage inédit, in AB, 83 (1965), p. 50-52, et dans B.

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aussi manifeste que Poussines apprécia d’emblée vivement les volumes des Acta Sanctorum, comme en témoigne sa missive du 1er octobre 1644 [L3], suivant de peu la parution des tomes de Janvier, et il se montrera ensuite attentif à la sortie de presse des volumes ultérieurs [L21]. Ajoutons que les questions théologiques de l’époque — entre autres le jansénisme naissant et la controverse autour de la scientia media8 [L2 à 6] — ont été d’autres occasions de contacts entre Poussines et ses confrères des PaysBas. Rien d’étonnant à cela: on sait que Bolland suivait de près les débats théologiques de son temps, en particulier le jansénisme qui demeura d’ailleurs toujours présent à l’esprit de ses successeurs. Toutefois, c’est à partir de 1662 que la correspondance de Poussines se fit plus abondante. Comme le rappelait M. Coens, le Français avait eu l’occasion de rencontrer à diverses reprises Henschen et Papebroch à Rome pendant leur séjour de plus de dix mois dans la Ville au cœur du long périple qu’ils firent à travers l’Allemagne, l’Italie et la France, de juillet 1660 à décembre 16629. Nul doute que les deux hagiographes et leur confrère s’entretinrent abondamment de leurs travaux et que ces conversations savantes renforcèrent la conviction de Poussines que l’atelier bollandien méritait d’être sérieusement épaulé. Poussines se montra un relais d’autant plus efficace dans la transmission d’informations et de transcriptions de textes provenant de différentes bibliothèques, qu’il était manifestement bien introduit dans les milieux érudits et le personnel de la Curie de la capitale de la chrétienté. JOASSART, Jean Bolland et la recherche des documents. Le «Memoriale pro R. P. Silvestro Pietrasancta», in AB, 120 (2002), p. 141-150. Bien plus tard dans l’histoire du bollandisme, on rencontre un semblable «Mémorial», datant du début des années 1730, et dû à Jean-Baptiste Du Sollier à propos de S. Jonas de Marseille (cf. B. JOASSART, Mauristes et Bollandistes. Documents inédits, in AB, 126 [2008], p. 362-363). 8 Il s’agit d’un débat qui opposa les Jésuites, s’appuyant sur le célèbre théologien Luís Molina (1536-1600), et les Dominicains et les Jansénistes, dans le cadre de la théologie de la grâce. Pour Molina, «le péché originel laisse subsister la liberté de décision de l’homme sans l’affaiblir. Dans l’activité de l’homme, le concours divin n’est pas une prédétermination physique mais se confond avec la causalité divine de l’action humaine libre, elle-même … cela peut se faire sans porter atteinte ni à la disposition souveraine de Dieu, ni à la liberté de l’homme… par la notion de la science moyenne. Par cette ‘science moyenne’, Dieu sait comment l’homme agirait librement dans les circonstances concrètes les plus diverses, et ainsi quand Dieu amène telles ou telles circonstances et dispositions, il peut les amener d’une façon souveraine et avec elles telle action humaine libre également sans amoindrir par là la liberté de décision de l’homme» (cf. K. RAHNER – H. VORGRIMLER, Petit dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1970, p. 288-289). On reprochait à Molina d’avoir une doctrine incompatible avec la théologie de la grâce, et d’être en opposition avec l’enseignement de S. Augustin et du Concile de Trente. In fine, le pape Paul V interdit tant aux Jésuites qu’aux Dominicains de contester l’orthodoxie de l’opinion adverse. 9

Au sujet de ce voyage littéraire, cf. Bollandistes, saints et légendes, p. 61-65.

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Poussines fut à l’origine — au moins en partie — d’une innovation importante dans l’élaboration des Acta Sanctorum, à savoir la publication des textes grecs en langue originale. Dans les volumes de Janvier et de Février, le lecteur découvrait certes des actes «grecs», mais en traduction latine, souvent reprise d’autres collections, seules quelques notations étant imprimées en grec. Voilà qui ne satisfaisait guère plusieurs hellénistes. Dans une lettre du 7 août 1666 [L10], Poussines se fit l’écho des regrets de savants du temps et autres prélats romains, qui convainquirent les hagiographes d’Anvers d’imprimer les textes dans leur langue d’origine. Le changement intervint dès les volumes du mois de mars (1668): les versions latines étaient toujours imprimées à l’intérieur des dossiers concernés, les textes originaux grecs étant regroupés en fin de volume10. Autre dossier dans lequel Poussines fut amené à intervenir: la controverse relative aux origines des Carmes, lesquels prétendaient remonter au prophète Élie11. Même si plusieurs érudits — y compris des Carmes — contestaient pareille prétention, les Bollandistes firent preuve, dans un premier temps, d’une réserve prudente avant d’être amenés à prendre position, tout spécialement après la mise en demeure qui leur fut adressée par le carme François de Bonne-Espérance12 dans la première partie de son Historico-theologicum Carmeli Armamentarium, parue à Anvers en 166913. L’occasion de s’expliquer sur la question se présenta lorsqu’il fallut rédiger le dossier de S. Albert († 1214), patriarche de Jérusalem et auteur de la règle des Carmes14.Papebroch, chargé de préparer ce dossier, prit le maximum de précautions afin de ne pas heurter les fils d’Élie. Le Général des Jésuites, Jean-Paul Oliva15, avait d’ailleurs donné des con10 À l’usage, le procédé s’avéra toutefois peu commode et, dès le tome 4 de Mai (1685), textes grecs originaux et traductions latines furent imprimés en juxtaposition à l’intérieur même des dossiers. Cette pratique demeura en usage jusqu’à la parution du tome 3 de Novembre (1910). Pour la publication du tome 4 (1925) du même mois, le bollandiste Hippolyte Delehaye décida que seul le texte grec serait imprimé. 11

Au sujet de cette controverse, cf. les p. 105-108 de Bollandistes, saints et légendes.

12

François Crespin (1617-1677), en religion François de Bonne-Espérance, enseigna la philosophie et la théologie à l’Université de Louvain et fut deux fois Provincial de son Ordre en Belgique. 13

Une seconde partie, portant le millésime de 1680, sortit de presse en 1677.

14

PAPEBROCH, Albertus Hier.

15 Jean-Paul Oliva (1600-1681, jésuite en 1616). Membre d’une famille gênoise prestigieuse, il fut entre autres maître des novices et recteur du Collège germanique de Rome (16511654 et 1657). En 1651, il fut nommé prédicateur du palais apostolique, charge qu’il n’abandonna qu’en 1675 du fait de son âge. Le 7 juin 1661, au cours de la onzième Congrégation générale de la Compagnie, il fut élu Vicaire général de son Ordre avec droit de succession, et devint Général de plein droit en 1664 (cf. M. FOIS, in DHCJ, 2, p. 1633-1642).

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signes d’extrême prudence à Henschen, dans une lettre du 14 novembre 167116. Et une fois le dossier prêt à la publication, le bollandiste soumit son texte à Aubert Vanden Eeden, vicaire général et censeur du diocèse d’Anvers17, qui estima qu’il pouvait être imprimé en l’état. Pierre Poussines fut également consulté. Il répondit à Papebroch le 18 octobre 1674 et donna un avis tout à fait favorable, concluant par ces mots: censeo id sedulo agendum, ut vestra dissertatio cum toto Aprili sine mora prodeat [L19]. Dans le même temps, le Français consulta Nathanaël Southwell, ancien Secrétaire général de la Compagnie18, qui, on le sait par une lettre de Poussines en date du 10 novembre de la même année [L20], adopta une position semblable à celle de Poussines en faveur de l’impression du dossier. La parution de la dissertation de Papebroch déclencha une véritable saga, alimentée par toute espèce de littérature, y compris des pamphlets de facture parfois fort peu amène. En dépit de l’avis de savants sérieux — tels Charles Du Cange ou Jean Mabillon —, l’affaire tourna au désavantage des Bollandistes: un décret de l’Inquisition de Tolède du 14 novembre 1695 condamnait tous les volumes des Acta Sanctorum des mois de mars à mai — la décision ne sera rapportée qu’en 1715. Entre temps, même s’il n’est pas toujours possible de déterminer les faits auxquels il fait allusion, on remarque à différents endroits de sa correspondance que Poussines suivit de près les développements de l’affaire. S’il hésita quant à la meilleure manière de répliquer aux Carmes [L28], il est clair qu’il évoqua l’affaire avec l’Assistant de Germanie, Charles de Noyelle19 — proche des Bollandistes —, ainsi qu’avec certains membres 16 L’original de cette missive n’a pas été conservé. Il est édité dans l’Elucidatio, p. 5. Oliva y écrivait: RR. PP. Carmelitani valde desiderant, ut cum Actis Sanctorum, in quibus conscribendis Ra Va versatur, Ordinis istius mentio inciderit, antiquitatem illius, quam aliqui etiam e Nostris scriptoribus adstruxerunt, minime impugnet; quin potius confirmet, si quae forte in eam rem argumenta suppetant. Cum igitur praeclarae huius religiosae familiae caussa plurimum cupiam, ad mentem plane meam votumque faciet Ra Va, si ipsorum hac in re desiderio fecerit satis. Et certe antiquitatis gloria, quae huic Ordini tribuitur, a nobis, si non confirmanda, saltem impugnanda non est. Pour plus de détails concernant la position d’Oliva quant à cette affaire, cf. JOASSART, Oliva – Noyelle – Bollandistes. 17 Aubert Vanden Eeden (1603-1678) fut archidiacre et chanoine, puis vicaire général du diocèse d’Anvers (1673), avant d’en être élu l’évêque en 1677. Il mourut le 6 novembre de l’année suivante. L’original de la lettre d’approbation quant à l’impression du dossier d’Albert de Jérusalem est conservée dans le ms. boll. 1109, pièce 1; elle a été publiée dans les AASS, Maii t. 2 (1680), p. 711, et dans l’Elucidatio, p. 17. 18

Nathanaël Bacon, dit Southwell (1598-1676, jésuite en 1625), pro-Secrétaire de la Compagnie en 1649, devint Secrétaire général l’année suivante et le demeura jusqu’en décembre 1667 (cf. P. CARAMAN, in DHCJ, 4, p. 3617). 19

Charles de Noyelle (1615-1686, jésuite en 1630) fut Assistant de Germanie de 1661 à 1682, année où il fut élu Préposé Général de la Compagnie (cf. O. VAN DE VYVER, in DHCJ, 2,

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de la Curie romaine, dont le Maître du Sacré Palais, le dominicain Raimondo Capizucchi20, lequel avait d’ailleurs, avant que la controverse n’éclate, fait savoir à Papebroch qu’il ne voyait aucune raison de craindre quoi que ce fût21. Enfin, Poussines ne sera pas étranger à la publication du Conatus historico-chronologicus Romanorum Pontificum. Il encouragera Papebroch à préparer l’ouvrage, relayant en outre l’avis de quelques personnalités romaines [L26 à 28], sans bien sûr se douter que ce volume serait à son tour l’objet des foudres des autorités ecclésiastiques romaines — il sera mis à l’Index le 22 décembre 1700 et y demeurera jusqu’en 1900 ! Les échanges entre Poussines et les Bollandistes ne se limitèrent pas aux seules informations d’ordre hagiographique qu’il leur transmit. Ainsi qu’on peut le voir dans les documents ici édités, il tenait également ses confrères avertis de l’avancement de ses propres travaux [L31, 34, 36 et 43]22. De même qu’il lui arriva d’interroger ses amis anversois pour obtenir des renseignements scientifiques [L11 et 12]. Terminons cette brève présentation par un détail à la fois sérieux et amusant. Lorsque, pour le quatrième tome des Acta Sanctorum de Novembre (1925), Delehaye entreprit d’éditer la Passion BHL 8285m relative aux martyrs Tiberius, Modestus et Florentia, il utilisa la copie de ce texte envoyée par Poussines à ses prédécesseurs en 1646 et actuellement conservée dans le manuscrit 8936-38 de la Bibliothèque royale de Belgique23. Comme quoi le labeur des anciens peut parfois traverser les siècles ! p. 1642-1644). Ce religieux était entré dans la Province flandro-belge, celle des Bollandistes et qui relevait de l’Assistance de Germanie, et était proche des hagiographes d’Anvers, en particulier parce qu’il avait eu Henschen comme professeur au collège d’Ypres. Dans la correspondance qu’il échangea avec les Bollandistes, on perçoit bien qu’il éprouvait beaucoup d’admiration à l’égard de son ancien maître (cf. JOASSART, Oliva – Noyelle – Bollandistes). 20 Raimondo Capizucchi (1616-1691, dominicain en 1630) fut nommé secrétaire de la Congrégation de l’Index en 1650, puis Maître du Sacré Palais en 1654. Démis de cette fonction en 1663 pour avoir accordé l’imprimatur à un ouvrage jugé trop mordant, il fut rétabli en cette charge en 1673 et créé cardinal en 1681 (cf. S. NITTI, in DBI, 18 [1975], p. 573-575). 21

Cf. B. JOASSART, Daniel Papebroch et Raymond Capizucchi, Maître du Sacré Palais. Un prélude à la querelle autour des origines carmélitaines, in AB, 117 (1999), p. 369-371. 22 Les trois premières lettres concernent son De Vita et morte P. Ignatii Azevedii et sociorum eius e Societate Iesu libri quatuor, Rome, 1679 (cf. note 206); la quatrième évoque son Thesaurus asceticus, Toulouse, 1683. 23 Le dossier est imprimé aux p. 402-410 du volume. À la p. 403, Delehaye précise que la copie utilisée est quae ad Bollandum nostrum missa est, ut ipse testatur: a P. Rectore Monspeliensi* accepta ad me misit P. Petrus Possinus, 8 maii 1646, servaturque adhuc inter Collectanea Bollandiana mensis novembris, cod. bibliothecae Regiae Bruxellensis 8936-38, fol. 243246v, in XXVII lectiones divisa die festo et per octavam recitandas. * Guillaume de Sommièvre (1597-1665, jésuite en 1614) fut recteur du collège de Montpellier de 1644 à 1647 (ARSI).

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DOCUMENTS Certains passages des lettres ont été rendus illisibles, parce qu’ils ont été insérés dans la reliure des volumes où les lettres sont conservées. Ces passages sont signalés par l’indication […]. Pour faciliter la lecture, certains noms de personnages, désignés par leur fonction, ont été ajoutés également entre crochets droits [ ]. L’orthographe n’a pas été normalisée. L1

À Bolland [ms. boll. 153, f. 89rv]

Toulouse, 7 mai 1640

Note suprapaginale de Bolland: 5 Septembris. Accepi a Patre Petro Possino ex manuscriptis Archiepiscopi Tolosatis24. Note préliminaire de Poussines: Narratio celeberrimi miraculi et apparitionis Sancti Archangeli Michaelis quae apud Chonas contigit, autore Sisinnio Archiepiscopo Constantinopolitano25, cuius excerpta dumtaxat mutila et mendosa sine nomine ex Metaphraste apud Surium26 extant, tomo I, pagina 421 editionis Coloniensis anni MDLXXIV, 29 septembris. Nunc integrum et suo autori redditum opus prodit ex Bibliotheca Illustrissimi Domini Caroli de Montchal, Archiepiscopi Tolosani, descriptum ex codice qui inter eius libros ms., ordine quinquagesimus primus est. Ad Reverendum Patrem Joannem Bollandum Societatis Iesu Antverpiam. Reverende Pater, Pax Christi. Ex quo postremas ad Vestram Reverentiam literas dedi, venit in manus meas codex graecus; non antiqua ille quidem, sed plane transmarina tamen, exaratus manu. Lanx Satura prorsus, ita varia tum argumentis tum stylo ac scriptionis tempore sine ordine colligit. Habet inter alia ̴̮̰̩̝̟̟Ҟ̩homiliarum veterum magnis nominibus praefixis Chrysostomi, Procli, Damasceni. Quorum, praesertim Chrysostomi, ̟̩̣̮ҡ̫̰̭ esse partus non continuo acquieverim. Ut ut sit, ж̩ҝ̦̠̫̯̫̥ pleraeque sunt; neque luce indignae, si cui tantum super esset otii. Ego mihi meas horas 24 Charles de Montchal (1589-1651) fut archevêque de Toulouse de 1627 à sa mort. Il favorisa les congrégations religieuses dans son diocèse, tout en s’intéressant aux études d’érudition (cf. T. DE MOREMBERT, in Catholicisme, 9 [1982], col. 632). 25

Sisinnius II fut patriarche de Constantinople de 995/6 à 998. Il composa le texte BHG 1283 ici évoqué. La transcription de ce texte et sa traduction latine en regard sont conservées à la suite de cette lettre, aux f. 90-97. Cet apographe a été utilisé par Jean Stilting (1703-1762, bollandiste à partir de 1737) lorsqu’il prépara le dossier de l’archange Michel pour les AASS, Sept. t. 8 (1762), p. 4-123; ce texte BHG 1283 occupe les p. 41-47. 26

Laurent Sauer, dit Surius (1522-1578). Après ses études à Francfort-sur-l’Oder et à Cologne, il entra à la chartreuse de cette dernière ville, en 1540. De santé fragile, il se livra aux travaux d’érudition: traductions d’œuvres de grands auteurs de la mystique rhéno-flamande et d’ouvrages de controverse antiprotestante, et éditions de textes ecclésiastiques anciens, comme les écrits de Léon le Grand. Les six volumes de son De probatis sanctorum vitis, parus entre 1570 et 1575, restent sa contribution majeure et connurent une longue postérité (cf. N. TRIPPEN, in LTK, 9 [2000], col. 1140-1141).

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B. JOASSART

alibi collocaturus melius videor. Hanc tamen Sisinnii concionem quia vestri magni Operis particulam forte qualemcumque non desperabam esse posse, raptim exscribendam duxi, uno gratificandi vobis studio. Est aliquid in tam paradoxis narrationibus habere quasi fundum, et veluti vadem offerre posse, nomen Autoris idoneae antiquitatis ac dignitatis. Quae res si sola deesset illis excerptis quae 29 septembris apud Surium de Miraculo Chonensi ex Metaphraste recitantur, tamen mihi periisse paucas horas quibus haec ц̡̮̲̠̥қ ̨̡̮̝̩non arbitrarer. Nunc cum non pauca in pervulgatis illis, ex nostris hisce emendari posse videantur, ast opinor cur sperare ausim in fastis istis vestris nostro Sisinnio locum eum quem hactenus eius mutilator ac pene plagiarius occupaverat. In versione latina quasi graece locutus sum neque ullam in tali opere existimavi rationem elegantiae mihi habendam, qui recordabar pios homines in hujusmodi ecclesiasticis Actis etiam istam simplicitatem ac ½̥̩Ң̩ pro ornamentis osculari. Vale mi Reverende Pater. Tolosae nonis maii MDCXL. Tuus in Christo, Petrus Possinus. L2

À Bolland [BRB 8922-8924, f. 163rv]

Toulouse, 5 septembre 1643

Notes d’Henschen au verso: 28 octobris cum altero, donec proprium diem sciamus. Vita Sancti Decentii episcopi Santonensis27. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Scribam alias uberius. Nunc unum id ago ut quaenam et unde sint chartae quas videt breviter indicem. Memini significare me Vestrae Reverentiae incidisse in meas manus scrinia Reverendi Patris Odonis Gissei28 beatae memoriae; ea scrutatus diligenter haec fere reperi quae ad vestrum negotium facere viderentur. Quae ad Vestram Reverentiam transmitto ipsa autographa descriptionis et impensa et mora lucrifacta. Si qua erunt quae vobis non prosint, atque adeo illa ipsa quae proderunt, postquam esse usui desierint, ea Vestra Reverentia data commoda occasione ad nos quaeso remittat. Addidi quatuor exemplaria Exercitationis Scholasticae Reverendi Patris Annati29 Rectoris nostri adversus Gibieuf, quae idem Reverendus Pater libentissime

27 Le dossier de S. Dizant ou Dicence (8e s. ?), évêque de Saintes, fut rédigé par Papebroch dans les AASS, Iun. t. 5 (1709) [25 juin], p. 91-94. 28

Odon de Gissey (1567-1643, jésuite en 1589) fut notamment professeur de théologie morale (cf. SOMMERVOGEL, 3, col. 1467-1469). 29 François Annat (1590-1670, jésuite en 1607), professeur de philosophie et de théologie à Toulouse, fut également à Rome censeur des ouvrages publiés par ses confrères en religion, recteur de différentes maisons de son Ordre, Assistant de France de 1648 à 1652, Provincial de France de 1653 à 1655, et confesseur de Louis XIV à partir de 1654. Membre du conseil de conscience, il se montra extrêmement sévère dans le choix des évêques et fut l’un des principaux adversaires du jansénisme; on lui reprocha toutefois son laxisme vis-à-vis de la conduite de son royal pénitent (cf. P. DUCLOS, in DHCJ, 1, p. 176-177). L’ouvrage ici évoqué porte le titre d’Eugenii Philadelphi romani exercitatio scholastica tripartita contra novam rationem tuendi physicas praemonitiones liberorum agentium eorumque libertatem exponendi, quam auctor operis De libertate Dei et creaturae nuper inuexit…, Cahors, 1632. C’était une réponse

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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dat donatque Reverentiae Vestrae. Et duo exemplaria Indicis Comitum Samblancati30 quae ex vestra pecunia emi. Haec scripsi summa festinatione. Valde vereor ne postremae ad Reverentiam Vestram meae perierint. Atqui erant in eis ad quae vestram sententiam magnopere averemus scire. Vale mi optime et multo carissime Reverende Pater. Deus et Sancti omnes Reverentiam Vestram diu servent ad perfectionem magni operis. Commendo me Sanctis Sacrificiis Vestris. Reverentiae Vestrae servus in Christo obsequentissimus, Petrus Possinus. L3

À Bolland [ms. boll. 64, f. 44]

Toulouse, 1er octobre 1644

Note d’Henschen au verso: De Januario et aliis. Notes suprapaginales de Papebroch: Possinus de Januario et de oppugnatoribus calumniosis scientiae mediae. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Ante hunc fere sesquimensem perlatum ad nos est vere pretiosum Vestrae Reverentiae munus: Acta Sanctorum mensis januarii digesta et explicata duobus tomis31. Ob quam liberalitatem ago habeoque gratias quam possum maximas, nec meo tantum unius nomine, quem tamen praecipue tangit istud officium, sed Reverendi Patris Rectoris [Annat] nostri totiusque adeo Collegii hujus Tolosani cuius in publica Bibliotheca conspicuam iam sedem duobus hisce vestris voluminibus dedimus ut extent illustri loco perenne monumentum non doctrinae minus eruditaeque diligentiae quam amoris et bonitatis erga nos vestrae. Reddere hic rationem morae debeo, quae nisi causam habuit idoneam, inofficiosa sit et ingrata. Sumendum mihi putavi, antequam ad Vestram Reverentiam scriberem, spatium aliquod ad cognoscendum opus vestrum; in eo dum essem, propter rigorem nescio quem dextri humeri ac bracchii, iudicio medicorum damnatus ad thermas medicas Pyrenaeorum Montium, profectus eo sum via satis longa, commoratusque illic diebus aliquammultis, in hanc tarditatem repraesentandi justissimi debiti sero tandem reversus submotum me sensi et dolui. Verum istud quidquid est vel culpae vel incommodi, fraudi mihi, spero equidem, non erit; neque ad diminutionem pertinebit ullam nostrae apud vos gratiae quae causas e coelo habet, unde etiam expectatis beneficiorum vicem. Quid enim nos reponere donis vestris possumus non infinitis quasi partibus minus ? Tamen haec qualiacumque sunt offerimus ex tenui nostra copia. En igitur Historiam Aquitanicam Patris Joannis Bajolii32 nuper non longe hinc editam. Addo Solutionem quaestionis etc. opus Reverendi Patris Annati recau De libertate Dei et creaturae, Paris, 1630, publié par l’oratorien Guillaume Gibieuf (15831650), proche disciple de Bérulle (cf. J. LESAULNIER, in Dictionnaire de Port-Royal, p. 449-451). 30 Jean Samblancat, archidiacre de Tarbes, auteur de l’Index comitum Ruscinonensium, Toulouse, 1642. 31 32

Les deux tomes des Acta Sanctorum de janvier étaient sortis de presse en 1643.

Jean Baiole (1579-1650, jésuite en 1626), prédicateur et enseignant, auteur de l’Histoire sacrée d’Aquitaine, 1e partie, Cahors, 1644 (P. VAUCELLES, in DBF, 4 [1948], col. 1376).

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toris nostri, cuius operis haec est occasio33. Est in Academia civitatis hujus professor publicus Theologiae Dominicanus Reformatus34 supra quam credi potest infensus nobis rebusque nostris. Is magnam hujus anni partem quotidianis praelectionibus impugnans scientiam mediam, odiosissime invectus in nos est. Neque hoc contentus edidit (ut quidem vulgo creditur), verbosissimam thesim quam inscripsit Quaestio theologica etc. de scientia media in quam mendaciorum impudentissimorum plaustra coacervavit occupans editionis tempus et mentiens locum, ut ex praefatiuncula solutionis intelligere est. Nefarium id scriptum non parum invidiae concitavit in nos doctrinamque nostram, disseminatum omnem in partem malitiosissime. Didicimus novissime perlatum Parisios quoque cupideque exceptum a nostris illic adversariis, quorum alicui tantum otii superfuit aut potius tantum in nos odii, ut sentinam hanc conviciorum derivare curaret in cognitionem muliercularum ac vulgi, vertens thesim istam pestiferam ex Latina in Gallicam linguam edendoque ibidem Lutetiae dignam appendicem Theologiae Moralis et libri de Frequenti Communione35. Itaque res eo plane iam processerat ut sine destitutione veritatis silere non possemus. Spero post duos tresve menses missurum me ad vos librum eius Reverendi Patris Francisci Annati pro Scientia Media adversus Twissium aliosque eius impugnatores36. Venerunt tandem Roma facultates illae omnes quarum mora dilatam editionem queri me memini, cum alias ad Vestram Reverentiam scriberem. Curatur ergo res impigre, nec praelum cessat. Habeo et ego opus in manibus mox exiturum. Luce enim imprimis dignum est, quia meum non est, sed viginti Graecorum Patrum quorum in eo Sententiae catenam texunt perpetui commentarii in Evangelia Matthaei et Marci. Descripsi ex codice antiquissimo Archiepiscopi nostri [Montchal], ipso in primis volente et editionem miro studio urgente. Primum volumen complectens catenam in Matthaeum a me latinitate donatam incipiet excudi post sesquimensem nisi typographus fallit qui in istud mihi tempus fidem obstrinxit, postquam longo tempore dilationibus variis ludificatus est. Quanto vos hoc in genere feliciores qui summos artifices paratos habetis ad omnem usum studiorum vestrorum ! Quanta elegantia typorum vestrorum, quam exacta emendatio ! Nobis res est cum tyronibus qui nihil nisi Kalendaria et Theses norunt et magno taedio 33 Solutio quaestionis theologicae, historicae et iuris Pontificii quae fuerit mens Concilii Tridentini circa gratiam efficacem et scientiam mediam, s. l., s. d. (à la fin, on lit cependant Coloniae Volcarum, 1645). 34 Il s’agit du dominicain Antoine Ravaillé (en religion Antonin Réginald) (1606-1676) qui fut principalement professeur de théologie à Toulouse et se montra un défenseur vigoureux des positions thomistes face aux Jésuites, en particulier Annat, dans la querelle de Auxiliis (cf. A. DUVAL, in Catholicisme, 12 [1990], col. 650). L’ouvrage ici évoqué est intitulé la Quaestio theologica, historica, et juris pontificii quae fuerit mens concilii Tridentini circa gratiam efficacem, et scientiam mediam, s. l., 1644, auquel répondit Annat dans sa Solutio… (cf. note 33). 35

Soit les deux écrits d’Antoine Arnauld (1612-1694), Théologie morale des Jésuites, extraite fidèlement de leurs livres, contre la morale chrétienne en général, s. l., 1643, et De la fréquente communion, Paris, 1643. 36 En 1645, Annat publia à Toulouse son ouvrage intitulé Scientia media contra novos eius impugnatores defensa, dirigé notamment contre le pasteur calviniste anglais William Twisse (1578-1646).

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nostro, si quid ipsis boni ac solidi committimus, sexcentis mendis conspurcant. Et cum tales sint, tamen saepius rogandi sunt ut semel impetremus. Bonos libros non alios appellant quam Clenardos et Despauterios37; ac si qui alii puerorum quotidiano usu teruntur; de aliis omnibus cunctationes mirae, nec nisi pecunia vincendae, ut pene plus operae habeat editio quam scriptio. Equidem si minus distitisset Antverpia. Tolosa, fortassis expertus essem ecquid e vestris typographis unum qui catenas in Lucam et Joannem edidit, a Reverendo Patre Balthasare Corderio38 latine versas, etiam has duas meas vellet adiungere, ut uni Orbis deberet absolutum opus catenarum Evangelicarum. Sed et infelicitate temporum et intervallis locorum spes haec omnis absumitur; miseriaque nobis nostra ferenda est. Vobis felicitas vestra gratulanda, qua tanto bono publico divinae gloriae utilitatisque ecclesiasticae fructu, gloriaque Societatis utimini. Vestra Imago primi Saeculi mirifice hic placuit39. Magnam, ut editionis magnificentiam taceam, magnam praefert autoris facultatem is liber, magnum ingenium exercitationemque dicendi. Nec rerum delectus minor. Ordo quoque pulcherrimus. Mirus in carminibus lepos perque tam tam varias poematum species eodem elegantiae tenore permeans indoles poeseos vere antiquae salivamque ducentis heroicorum temporum Graeciae Latiique. De Actibus Sanctorum pene excidit dicere cum sint plurima quae commemorare verissime possum de excellentia operis eius. Multa ex locis variis desultoria lectione hinc inde carpsi, ubique diligentiam incredibilem comperi. Lectionis indicium immensum judicii praesentis magnum specimen. Prorsus expectationem quamvis magnam longe superavit conspectus praesens. Utinam fortunet inceptum Deus, fortunent superi quorum tanta hic res agitur viresque ac otium suppeditent Vestrae Reverentiae ad opus istud caelitaque quae promittit pertexenda. Ego non cesso a conquisitione Actorum, nec spes abest omnis navandae operae. Est in hac urbe coenobium virginum titulo Sancti Pantaleonis ut vulgus hic loquitur40, verius dicerent Sancti Panteleemonis; ita enim Sanctus Martyr ex quo nomen habet id monasterium, dicitur, ut apparet, ex manuscripto graeco veteri asservato inter sacra cimilia domus eius, quo historia Vitae, Martyrii et miraculorum istius Sancti Martyris continetur. Curavi iam ut mihi copia eius fieret. Videat Ves37 Nicolas Cleynaerts/Clénard[us] (1495-1542) enseigna le grec et l’hébreu à Louvain, ainsi que l’arabe et le coran (cf. F. NÈVE, in BNB, 3 [1872], col. 163-172). Jean Despautère (ou De Spauter, ou encore De Spouter) (vers 1480-1520) se consacra à l’enseignement de la grammaire, notamment à Louvain (cf. A. ROERSCH, in BNB, 23 [1921-1924], col. 304-312). 38

Balthasar Cordier, dit Corderius (1582-1650, jésuite en 1612). Helléniste réputé, il enseigna les humanités dans différents collèges belges, puis la théologie morale et l’exégèse à Vienne. On lui doit notamment la Catena sexaginta quinque Graecorum Patrum in Lucam, et la Catena Patrum Graecorum in Sanctum Ioannem, parues à Anvers, en 1628 et 1630 (cf. O. VAN DE VYVER, in DHCJ, 1, p. 953). Pour sa part, Poussines publiera, bien plus tard, une Catena graecorum Patrum in Evangelium secundum Marcum, Rome, 1673. 39 L’Imago primi saeculi Societatis Iesu a Provincia flandro-belgica eiusdem Societatis repraesentata, parut à Anvers en 1640, pour commémorer le premier centenaire de la Compagnie. Bolland coordonna la préparation de cette publication, dont il signa par ailleurs une bonne partie du texte. 40

Il s’agit d’un couvent d’Augustines fondé en 1350 en l’honneur des Onze mille Vierges.

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tra Reverentia ecquid velit ad se mitti, exemplar vel versionem utrumvis vel utrumque si ita maluerit curabo diligenter. Quod si habet aliunde Acta quaedam hujus martyris cuius festum redit mense augusto, si memini, operae pretium esset indicare mihi eorum initium et finem ut experirem comparando an hic quidquam habeamus novi et in quo describendi aut vertendi labor bene collocetur. Habeo praeterea in promptu, praeter alia quae expecto, martyrologium vetus manuscriptum in membranis in folio quod paratus sum mittere si Vestra Reverentia opus esse significaverit. Caetera omnia quae quidem potiro prout Vestra Reverentia velle ostenderit, aut ipsi cordi fore suspicari quibo, diligentissime curabo41. Vale mi optime atque amantissime Pater meisque quotidianis ad Deum precibus ac Sacrificiis memor esse dignare. Tolosae kalendis octobris anno MDCXLIV. Tuus in Christo Jesu Petrus Possinus. L4

À Bolland [KBR 8950-52, f. 68-69v]

Toulouse, 9 avril 1645

Notes suprapaginales de Papebroch: Possinus. De Translatione Sancti Edmundi 20 novembris. De Vita Sancti Bertrandi 2 maii. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Literis quas a Vestra Reverentia dudum accepi scriptas postridie nonas januarii ne respondere hactenus possem, fecit typogragi42 mei cunctatio. Qui tribus fere mensibus tardius quam promiserat catenae in Matthaeum et Marcum editionem inchoavit, cuius specimen, quod se optare significarat, ad Vestram Reverentiam nunc tandem mitto, cum primum licuit. Rogoque ut Reverendo Patri Balthazari Corderio communicare ne gravetur, una cum salute a me plurima. Novi et miror iampridem hominem eruditionemque eius pro eo ac necesse est facere non iniquum aestimatorem, maximi facio, documento illius hausto ex magnis et variis laboribus, quibus bene mereri de Ecclesia pergit. Et pergat utinam. Idque ei per longam et prosperam valetudinem quam diutissime liceat facere. Quod si doctissimus ille Pater haberet penes se aut esse uspiam sciret exemplar catenae meae utriusque vel alterius, equidem pro magno velim id resciscere quamprimum. Darem enim statim ad illum literas quibus rogarem ut mihi ex suo codice suppeditaret quantum necesse est ad duas non magnas lacunas implendas quibus nostra in Marcum catena hiat. Loca nisi fallor indicavi postremis meis ad Reverentiam Vestram literis. Deinceps de caeteris Reverentiae Vestrae mandatis expediam brevissime quid egerim, urgeor enim tabellarii discessu et vix totum habeo quadrantem horae quo hanc deproperem epistolam. 41 Le dossier de S. Pantaléon, martyr à Nicomédie sous Maximien, fut rédigé par Pierre Van den Bossche (1686-1736, bollandiste à partir de 1721) dans les AASS, Iul. t. 6 (1729) [27 juillet], p. 397-426. Dans le Commentarius praevius, à la p. 400, le bollandiste écrit notamment ceci: Alia sunt Acta S. Pantaleonis Graeca, quorum initium ibidem pag. 125 Allatius ait esse, ˿̧̡̝̮̥ҥ̫̩̯̫̭̯̫ԉж̡̡̮̞̮̯̘̯̫̰̦̝Ҡ½̷̨̝̬̝̩̫̰. Ea ipse Metaphrastae attribuit; nos graece non vidimus; forte illa sunt, de quibus nos monuit anno 1644 Possinus noster, esse Tolosae, in coenobio virginum S. Pantaleonis, ms. graecum vetus, asservatum inter cimelia, quo historia vitae, martyrii, et miraculorum istius Sancti continetur: de quo praeterea nihil reperio; haud dubie; quia re examinata, nihilo ceteris meliora judicaverint Majores nostri». 42

Sic pour typographi.

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Liber Reverendi Patris Rectoris [Annat] nostri de Scientia Media dudum absolutus est43. Expectatur in dies Privilegium Regium Parisiis, quod pridem iam concessum accepimus et diploma Tabellario qui adhuc est in itinere commissum; simul allatum id fuerit, distrahi exemplaria incipient. Unum iam ad Vestram Reverentiam destinatum est quod statim curabo. Quod innuit de Burdigalensi commercio, non aspernamur si possit perfici. Quaestionem Theologicam44 etc. contra nos hic editam, ut creditur a Reginaldo Ravaillé, nos edendam iterum hic curavimus plane iuxta primum exemplar eique subiecimus Solutionem45 Reverendi Patris Annati et Responsionem ad Theses apologeticas ab eodem Ravaillé pro quaestione editas. Eius responsionis autor est Reverendus Pater Antonius Lalouvere46, Professor Theologiae scholasticae in hoc nostro collegio. Ad extremum subjunxit Reverendus Pater Annatus Rector noster Solutionis appendicem. Exempla duo singulorum mitto. Unum vero quod abunde sit, thesium apologeticarum. Addidi libellum de Vita Sancti Edmundi Regis Anglorum, cuius corporis Translatio magna pompa in hac civitate celebrata est mense novembris proxime praeterito. Et ea occasione haec vita scripta ab homine docto47. Incredibiliter invalescit hic quoque Jansenismus, adiuvantibus Arnaldistis nostris qui nihil aliud nisi mala ova mali corvi sunt. Deus et hunc et hos destruet. Minantur nobis multum adversarii a proximis futuris cleri gallicani comitiis. Sed non proposuerunt Deum ante conspectum suum. Ipse enim Deus adjuvat nos. Alias uberius de omnibus; nunc tempore excludor. Commendo me Sanctis Sacrificiis Reverentiae Vestrae. Ejus in Christo servus Petrus Possinus. Jubet me Reverendus Pater Rector noster hic addere, indigere nos exemplari Concordiae Molinae juxta editionem Antverpiensem; non enim habemus hic nisi Olyssiponensem primam48. Si quod commodo Reverentiae Vestrae fieret, transmitti ad nos posset, non parum de nobis bene mereretur et pretium et vecturam praestaremus sine mora. 43

Cf. note 36.

44

Cf. note 34.

45

Cf. note 33.

46

Antoine de La Loubère (1600-1664, jésuite en 1620) qui enseigna les humanités, la rhétorique, l’hébreu, la théologie et les mathématiques, publia, en 1645, à Toulouse, la Responsio ad theses apologeticas contra P. Annatum de mente Concilii Tridentini circa gratiam efficacem et scientiam mediam (cf. J. MCDONNELL, in DHCJ, 3, p. 2242-2243). 47 Edmond, roi d’Est-Anglie, mourut en 870. En 1217, le futur Louis VII de France, passé en Angleterre avec ses troupes pour aider les barons anglais en lutte contre Jean sans Terre, rentra dans son pays en emportant le corps de S. Edmond qu’il confia à la basilique Saint-Sernin à Toulouse. Il y eut plusieurs reconnaissances de ces reliques, dont une en 1644, ici évoquée par Poussines, sous l’épiscopat de Montchal. 48 La Concordia liberi arbitrii cum gratiae donis, divina praescientia, providentia, praedestinatione, et reprobatione, ad nonnullos primae partis D. Thomae articulos, de Luís Molina, parut pour la première fois à Lisbonne en 1588. L’édition anversoise ici citée par Poussines date de 1595.

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Salutem quoque si per utrumque vestris liceat plurimam opto Reverendo Patri Henschenio. Eius in Christo servus, Petrus Possinus. Describitur mihi apud Convenas egregia vita Sancti Bertrandi numquam edita quam suo tempore transmittam49. De Breviariis quoque non excidit quod mandatum est. L5

À Bolland [ms. Boll. 64, f. 52]

Toulouse, 8 mai 1646

Notes d’Henschen au verso: Lovanii de Jansenismo. Vitae missae et promissae. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Ex quo postremas meas ad Vestram Reverentiam dedi sub finem Aprilis, quas confido ipsi redditas, accepi Monspelio a Reverendo Patre50 Rectore Collegii nostri, cuius opem ad idipsum imploraveram, quaedam Acta Sanctorum Maxentii Abbatis et Severi Confessoris51. Item Sanctorum Martyrum Tiberii, Modesti et Florentiae, quae omnia huic fasciculo inclusi52. Erant et alia ad manum de Sancto Tiberio sed majusculae molis, ut expectandam duxerim occasionem transmissionis commodioris. Vir Clarissimus Philippus Jacobus Maussacus53 Praeses, Monspeliensis, vir doctissimus et libris editis olim notus, egit mecum hodie (familiarissime siquidem et amicissime utitur nobis) de Opere vestro, mirifice illud commendans, nec consilium solum, sed etiam industriam et eruditionem Vestrae Reverentiae, specimine duorum voluminorum quae vidit, egregie probata in coelum ferens. Is ultro recepit sedulo conquisiturum si quid vestro proposito utile hisce in partibus subodorari poterit. Atque adeo iam rogavit amicum commendatarium antiquissimi coenobii apud Gabalos54 hinc bidui distantis, ad se ut mittat Vitam Sanctae Enemiae55 (sic

49

Le dossier de S. Bertrand de Comminges († 1123) fut publié dans les AASS, Oct. t. 7 (1845) [16 oct.], p. 1140-1184. Ce dossier comprend une édition de la Vie BHL 1304. Référence y est faite à l’envoi d’une copie de ce texte par Poussines; à la p. 1141, on peut lire: Reperimus nos dein duplex ejusdem Vitae apographum, utrumque a P. Petro Possino anno 1649 ad Bollandum transmissum … alterum vero, quod primam tantum partem, seu novem primos numeros capit, descripsit P. Odo de Gissey... La copie établie par Poussines n’a pas été retrouvée dans les papiers des Bollandistes; par contre, celle de Gissey se trouve conservée dans le ms. boll. 168, f. 154-157, et porte la note suivante de Bolland: Hanc Vitam ex schedis P. Odonis Gisseii p. m. misit Tolosa 1643 P. Possinus; remittendam ubi usi fuerimus. 50

Guillaume de Sommièvre (cf. supra, n. 23).

51

Le dossier de Maxence, abbé dans le Poitou († 515), fut rédigé par Henschen dans les AASS, Iun. t. 5 (1709) [26 juin], p. 169-176. Celui de Sévère d’Agde († vers 500) fut préparé par Jean Pien (1678-1749, bollandiste à partir de 1714) dans les AASS, Aug. t. 5 (1741) [25 août], p. 155-163. Le ms. boll. 131, f. 98-100v, conserve, dans un même document, les leçons de leur office, à propos duquel Bolland a précisé: Misit Tolosa 8 maii 1646 P. Petrus Possinus a P. Rectore Monspeliensi [Sommièvre; cf. note 23] accepta. 52

Cf. supra, p. 110.

53

Philippe Jacques de Maussac (vers 1590-1650), conseiller au Parlement de Toulouse, puis président de la chambre des comptes de Montpellier (1628), enfin premier président de la même institution (1647), est aussi connu pour ses travaux dans le domaine de l’hellénisme. 54

C’est-à-dire les habitants de Javols, dans le département de la Lozère.

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appellavit; vereor ne sit error in nomine) Sanctissimae Virginis ex progenie Dagoberti Regis, quae Vita illic habetur antiquissime scripta. Nec dubitat quin voti compos fiat. Id si erit, moram transmittendi non faciam circumspiciamque si quod aliunde alterius spei extiterit indicium. Nimirum praeterquam quod omnia velle Reverentiae Vestrae causa multis nominibus debeo, tum certe illud reputo: qui ei tam praeclarum urgenti ceptum qualemcumque potest operam commodet, eum et publicis commodis et religioni servire. Salutem dico plurimam Reverendo Patri Henschenio vestrisque me precibus et Sanctis Sacrificiis unice commendo Tolosae VIII idus majas anno MDCXLVI. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. Incredibiliter profuit nobis in hac civitate a jansenismo laborante vidisse gazetis nostris Parisiensibus vulgatam qualemcumque resipiscentiam Caleni56. Jansenistae acerbissime tulerunt, adeo quidem ut typographum hujus urbis qui gazetas Parisienses a se recusas vulgari per urbem curaverat ad Magistratum Ecclesiasticum accerserent. Quid multa ? Plurimis eorum quos mendaciis laetant oborta suspicio est vere damnatum Romae Jansenium esse Bullamque quam nos producimus esse verissimam, id quod hactenus impudentissime perseverabant negare. Nunc scriptum ad nos est Roma vulgatam quoque bullam apud vos esse et Regis Catholici57 mandato de quo Reverentia Vestra suis ad me postremis meminit apud vos delatum esse. Id si revera ita est, pro magno optaremus Parisios ad gazetarium mitti, vel ad aliquem qui cum eo agere efficaciter posset ut in Gazetas transferretur58. Hoc me ut […] L6

À Bolland [KBR 8969-71, f. 87rv]

Toulouse, 23 mai 1648

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Diuturni mei ad Reverentiam Vestram silentii causa est quod nihil plusculis hisce mensibus ad manus venit, quo vestrum opus de Sanctis juvare possem. Spem amici fecerant de vitis olim scriptis Sancti Bertrandi et Sanctae Ennemiae. Sed fides defuit. Tantum ante hos dies paucos, accepi ex Arvernia Vitam Sancti Sindulphi59 quam his adjungo60. Ea latine scripta olim extabat. Exemplar illud hodie periit 55 Le dossier d’Énimie, considérée par la légende comme fille de Clovis et sœur de Dagobert, et abbesse dans le diocèse de Mende, fut préparé par Constantin Suyskens (1714-1771, bollandiste à partir de 1745) dans les AASS, Oct. t. 3 (1770) [6 oct.], p. 406-413. 56 Henri Van Ca(e)len, dit Calenus (1583-1653), prêtre du diocèse de Liège, fut très proche de Jansénius et s’occupa, avec Libert Froidmont (1587-1653), de l’impression de l’Augustinus après la mort de son auteur, refusant toujours de rejeter cet ouvrage (cf. H. SCHMITZ DU MOULIN, in Dictionnaire de Port-Royal, p. 229). 57

Philippe IV (1605-1665), roi d’Espagne en 1621.

58

L’Augustinus avait été condamné par la bulle In eminenti d’Urbain VIII (6 mars 1642). L’authenticité du document papal fut rapidement contestée par les partisans de Jansénius, dont l’Université de Louvain. Il fallut un long délai pour que la bulle fût publiée dans les Pays-Bas. 59 Joseph Van Hecke (1795-1874, bollandiste à partir de 1837) rédigea le dossier de S. Sindulfe (7e s.), ermite honoré dans la région de Reims, pour les AASS, Oct. t. 8 (1853) [20 oct.], p. 890-896. 60

BHL 7792.

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B. JOASSART

nihilque aliud est reliquum praeter Gallicam versionem fumoso libro descriptam, eoque ut opinor unica. Est hic unus e Nostris Fratribus qui Philosophiae dat operam; impetravit is a suo Patre potestatem illic habente ubi ea Acta servantur, ut cuicuimodi sunt ad me mitterentur. Accepta, e Gallico iterum in Latinum reddenda curavi ab eodem illo fratre nostro Stephano Lachenal61 dicto, cuius manu descriptam Vitam ad Vestram Reverentiam mitto, utinam profuturam aliquid. Pro magno cuperem aliqua in re obsequi vobis et gratificari posse. Vester Januarius iam ab anno legitur ad mensam in nostro Tolosano collegio magna voluptate fructuque nostrorum. Ex eo inter alias Vitas audivi dum legeretur Vita Sanctae Syncleticae autore magno Athanasio62 quam ego per errorem antea credideram separatim editam graece ac latine a Reverentia Vestra63. Saluto ex animo Reverendum Patrem Henschenium, et utriusque Sanctis Sacrificiis me in Domino commendo. Tolosae 10 kalendas junii MDCXLVIII. Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. L7

À Henschen [KBR 8228, f. 144-145v]

Nole, 26 septembre 1662

Ce document n’est pas à proprement parler une lettre, mais une «dissertation» sur Ste Eudocie, martyre à l’époque de Trajan, reprise partiellement dans le dossier qui lui fut consacré. Ce dossier fut publié dans les AASS, Mart. t. 1 (1668) [1er mars], p. 8-22. Aux p. 10-22, on trouve une Vita et Passio Sanctae Martyris Eudociae Samaritanae e graeco codice Vaticano, interprete Petro Possino, Soc. Iesu. Il s’agit de la traduction des textes BHG 604 et 605. Les textes originaux grecs ont été publiés dans le même tome, aux p. 875-885, ex antiquissimis membranis Biblioth. Caricanae, num. 1589 fol. 224 (ils se trouvent exactement aux f. 225v-237 du ms.).

L8

À Bolland [KBR 8944, f. 240]

Rome, 8 septembre 1663

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Distuli in hunc diem responsum ad ultimas Reverentiae Vestrae literas; quoniam heri tantum accepi notas Malvendae64 in Martyribus Romanis. Causa morae fuit, quod Dominus Mari65 et longissime habitat a nobis, et nunquam domi est; et saepe frustra quaesitus a me, vix tandem inventus, promissis stetit hesterna dumtaxat die. Constat is Liber Notarum Malvendae tribus et quinquaginta foliis. Quare per cursorem publicum transmitti nequit. Vidi quae habet ad mensem Martium spectantia. Pauca sunt, et omnia ab aliis, pleraque a Baronio iam animadversa. Si qua via commodioris vecturae inveniretur, libenter transmitterem etiam 61

Étienne Lachenal (1625-1674, jésuite en 1644) enseignait au collège de Toulouse

(ARSI). 62

BHG 1694.

63

Le dossier de Ste Synclétique fut publié dans les AASS, Ian. t. 1 (1643) [5 janv.], p. 242257. Bolland y donna une traduction latine de la Vie BHG 1694 ici évoquée. 64 Tomás Malvenda (1565/1566-1628), dominicain espagnol, exégète et historien, participa notamment à la rédaction des Annales de Baronius (cf. F. DOMÍNGUEZ, in LTK, 6 [1997], col. 1255). 65

Ce personnage n’a pas pu être identifié.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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hoc ipsum exemplar ad Vestram Reverentiam. Nam in id Dominus Mari consentit: modo securissima sit transmissio. Si enim periculum ullum esset ne istud unicum exemplum periret in itinere, praestaret illud hic describendum curare. Cuperet Dominus Mari integrum id opusculum ad calcem Martii vestri excudi. Dixit etiam sibi esse ad manum exemplum antiquissimi Martyrologii reperti apud Sanctum Cyriacum in Thermis, cuius libenter copiam vobis faceret si forte non haberetis. Rhodii Nili Laudationem Sanctae Matronae Chiensis66 tam graece quam latine ex Allatiano codice habeo, transmittendam istuc prima quaque opportunitate. Adjungerem Acta Sanctarum Perpetuae et Felicitatis cum notis Holstenii posthumis et meis aliquot a me hic edita. Itemque antiqua Acta Sancti Bonifatii Martyris cum annotatis marginalibus Holstenii in Martyrologium Baronianum67. Puto me ad vos misisse Graecum exemplar Actorum Sancti Barlaam martyris cuius latinam interpretationem huic epistolae junctam videtis68. Si tamen fallor, et id non accepistis, aliud habeo quod statim mittam. Expecto quid circa haec omnia mandetis, confestim obsecuturus. Patres Assistentes Germaniae [Noyelle] et Galliae69 plurimam Reverentiae Vestrae salutem. Itemque Pater Generalis Ordinis Sancti Bernardi70 et Dominus Mari. Ego ex animo profiteor venerationem intimam meam erga optimum Patrem nostrum Joannem Bollandum quem utinam Deus et Sancti omnes quam diutissime nobis servent. Fausta item precor omnia Patri Danieli Papebrok, et omnium ves66 Il s’agit de la Laudatio BHG 1220 due à Nil, métropolite de Rhodes. Matrone de Chios († 1306-1310) n’a pas fait l’objet d’un dossier dans les AASS. 67

Luc Holstein (1596-1661), préfet de la Bibliothèque Vaticane (1653), fut l’auteur de la Passio sanctarum martyrum Perpetuae et Felicitatis. Prodit nunc primum e ms. codice sacri Casinensis monasterii … notis eius [Holstenii] posthumis adiunctis, Rome, 1663. Cet ouvrage, publié par les soins de Poussines, contient l’édition de la Vie BHL 6633, texte qui fut repris dans le dossier de ces saintes paru dans les AASS, Mart. t. 1 (1668) [7 mars], p. 630-638. L’exemplaire de l’ouvrage d’Holstein actuellement présent dans la bibliothèque bollandienne appartenait aux anciens Bollandistes et peut vraisemblablement être identifié à celui que Poussines leur envoya. Le même Holstein fut l’auteur d’un autre livre, paru à Paris en 1664, intitulé Passio SS. Perpetuae et Felicitatis cum notis Lucae Holstenii… Item Passio Bonifatii Romani martyris. Eiusdem Lucae Holstenii animadversa ad Martyrologium Romanum Baronii. His accedunt Acta Sanctorum Martyrum Tarachi, Probi et Andronici ex codice ms. S. Victoris Parisiensis. Ce volume comprend les éditions des textes BHL 6634 et 1413 (le dossier de S. Boniface fut signé par Henschen, dans les AASS, Maii t. 3 [1680] [14 mai], p. 279-284), et 7981-7983. C’est ce livre dont parle Poussines; l’actuelle bibliothèque bollandienne en possède un exemplaire, rien ne permettant toutefois de dire qu’il correspond à un envoi de Poussines. 68 Il s’agit de la Vie BHG 221. Il est plus que probable que la copie ici annoncée par Poussines est celle conservée dans le ms. KBR 8944, f. 237-238v et 240, où elle est précédée de la note Ex graeco ms. codice Vaticano interprete Ioanne Francisco Vannio* Soc. Iesu, le même Vanni ayant envoyé une missive à Anvers également le 8 septembre 1663, en même temps que Poussines. * Giovanni Francesco Vanni(us) (1638-1709, jésuite en 1638) enseigna diverses disciplines, dont la philosophie à Viterbe, Florence et Rome, ainsi que l’hébreu et la théologie morale. 69

Claude Boucher (1603-1683, jésuite en 1618) fut Assistant de France de 1661 à 1682

(ARSI). 70

Claude Vaussin fut abbé de Cîteaux de 1643 jusqu’à son décès en 1670.

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B. JOASSART

trum Sanctis Sacrificiis me commendatum cupio. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. L9

À Henschen [ms. boll. 1110, n° 15]

Rome, 12 décembre 1665

Note d’Henschen au verso: Piquer Provincialis Aragoniae. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Accepi heri a Vestra Reverentia literas 20 novembris datas. Quas commendabat, adiunctas, statim reddidi cui erant inscripta, Reverendo Patri Piquer71 Procuratori Aragoniae; quem etiam, ut iubebat certiorem feci de statu operis vestri tribus praelis properantis ad lucem publicam. Delectari visus est, et mirifice vestra omnia probare. Addidit: quandoquidem iam declaratus a Patre Nostro est Provincialis Aragoniae; se curaturum ut sibi subdita collegia Martium vestrum emant, simul prodierit. Reverendus Pater Manderstein72 vestrae Provinciae Poenitentiarius Sancti Petri, cum casu cognovisset deesse pecuniam ad solvendum Domino Portio73 pretium manus, ultro dixit se subministraturum. Et paulo post, nempe heri, detulit ad me novem scuta monetae Romae, quibus spero me expuncturum nomen istud, et aliquid futurum reliquum. Nudiustertius acceperam a modo memorato D. Laurentio Portio septem et nonaginta folia graece scripta, quae unicum sed praelongum opus continent hoc titulo ˿̛̫̭ ̦̝Ҡ ½̧̡̫̥̯ҡ̝ ̯̫ԉ ѳ̛̮̫̰ ½̝̯̬Ң̭ ѓ̨Ԗ̩ ̨̡̰̏Ҧ̩ ̯̫ԉ ц̩ ̯ԗ ̨̤̝̰̝̮̯ԗ Ѷ̡̬̥  ̮̰̟̟̬̝̱ҝ̩̯̝ ½̝̬Қ ̥̦̣̱̊ң̬̫̰ ̯̫ԉ ̛̝̟̮̯̬̫̰̉  ̦̝Ҡ ̯Қ ч̪Ӭ̭. Descripsit ex codice Vallicellano conferens se quotidie ad eam Bibliothecam74. Nam impetrari non potui ut codex efferretur. Praeterea in aliquot foliis vetustate deletis summam diligentiam adhibuit ad divinandum, quod feliciter fecit. Communicavit mihi Reverendus Pater Nadasi75 folium editionis vestrae agens de Sancto Simplicio76. Valde libenter vidi. Et cum erit occasio vel Serenessimae Sueciae Reginae77, vel aliis indicabo quam utilia et erudita luci publica paretis. Utinam possem aliud conferre. Nam dudum in parte felicitatis numero posse aliqua in re cooperari tam bene merentibus de Ecclesia triumphante et militante. 71

Hyacinthe Piquer (1598-1671, jésuite en 1615) fut Provincial d’Aragon de 1665 à 1668 (ARSI). 72 Poussines a dû par erreur attribuer ce nom à Charles Alexandre von Manderscheidt (1616-1691, jésuite en 1633), qui avait accompagné Christine de Suède à Rome, où il résida par la suite en tant que pénitentier de Saint-Pierre (cf. SOMMERVOGEL, 5, col. 470-471). 73

Lorenzo Porzio (1604-1676) était scriptor grec à la Bibliothèque Vaticane.

74

Le dossier de S. Syméon stylite le Jeune († 592) fut préparé par Conrad Janning pour les AASS, Maii t. 5 (1685) [24 mai], p. 298-401. Le bollandiste édita notamment la Vie BHG 1690 ex ms. Vallicellanae bibliothecae apud Patres Oratorii Romae cod. B. 75 Johann Nadasi (1613-1679, jésuite en 1628) fut entre autres professeur de lettres, de philosophie et de théologie. Il résida à Rome de 1652 à 1672 comme secrétaire de l’Assistance d’Allemagne. Par la suite, il sera notamment père spirituel du collège de Vienne et confesseur de l’impératrice Éléonore (1630-1686), épouse de Ferdinand III (1608-1657) (cf. Š. SENýIK, in DHCJ, 3, p. 2796). 76

Il n’a pas été possible de déterminer de quel Simplicius il s’agit.

77

Christine de Suède.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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Millies saluto Reverendum Patrem Danielem Papebrochium et utriusque vestrum precibus et Sanctis Sacrificiis me plurimum commendo. Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. L10 À Henschen ou/et Papebroch78

Rome (?), 7 août 1666

Non parvo me affecit gaudio quod indicatis, vestri expectatissimi Martii primum fere iam volumen excusum79. Scio huius generis mensibus recte annos impendi; et castigo impatientiam voti, quo illam editionem videre perfectam dudum cupio. Sed si me sinitis effundere apud amicos intimum animi, nollem in Martio desiderari, quod in Ianuario et Februario vestris ab eruditis plerisque requiritur. Fateor me cum Xenophontis XXVI Ianuarii, cum Lucae Iunioris Thaumaturgi VII Februarii80, cum alibi alia dari a vobis Acta e Graecis Latina video, etsi nec fidei nec peritiae doctissimorum Interpretum diffido, inquietari tamen quod copia non fiat Graecorum Archetyporum; si minus ijs per columnas cum interpretatione comparatis, saltem reiectis ad calcem, ut ea illic consulere qui volent possint. Nec dubito quin idem usu venturum multis sit Acta vetera S. Eudociae, kalendis Martii a me vestro iussu latine reddita, legentibus. Quare oro vos ut vitam illam Graecam Eudociae, e Vaticano vetustissimo promptam codice, tum si quam aliam ibi Latinam e Graeco datis, adiungere sub finem primigenio charactere ne gravemini81. Nec vestri opinor typographi repugnabunt. Quippe quibus magnum ostenditur emolumentum morae brevis, quod per eam Appendicem commendabitur tanto magis opus ipsum, fietque vendibilius. Novi non paucos viros doctos qui aegre adducuntur ad emendas versiones Latinas meras operum Graecorum. Itaque puto verisimile, aliquos comparaturos librum istum, ubi cognoverint origines ipsas Graecas illi additas, qui alias non curarent emere. Non is sum qui nimis velim haberi rationem iudicii mei, nisi commune mihi cum sapientioribus sit. In hoc porro sensu conspirare mecum credo quantum uspiam est hominum humanioris litteraturae peritorum. Quare non meam auctoritatem, quae nulla est, sed tot praestantium virorum in Belgio vestro, Germania, Batavia, Anglia, Gallia, dimidiatas editiones scriptorum veterum lingua primigenia suppressa improbantium iudicia, pondus, peto, apud vos quantum convenit habere ? Etiam in ipsa Italia, ubi hodie minus videntur linguarum eruditarum studia florere, novi ego sat multos, qui ferunt impatienter, et quasi ̧̡̘̦̝̓ ̡̬̰̮̓ҡ̫̥̭ substitui, quaeruntur, cum omissis Graecis archetypis, ectypa dumtaxat Latina vulgantur. Quibusque gratum valde futurum sit, si vestrum opus tam eleganti mantissa videant auctum. In ea esse sententia Eminentissimos Cardinales Franciscum Barberinum Sacri Collegii Deca78

Cette lettre, dont l’original est perdu, fut publiée dans les AASS, Mart., t. 1, p. 862-863.

79

Les trois tomes des AASS de Mars sortiront de presse en 1668.

80

Le dossier de S. Xénophon, de Marie son épouse, et de leurs fils Arcadius et Jean, fut publié dans les AASS, Ian. t. 2 (1643) [26 janv.], p. 723-730. Bolland y donna une traduction latine de la Vie BHG 1878 due à Syméon Métaphraste. Le dossier de Luc le Jeune († 956) parut dans les AASS, Febr. t. 2 (1658) [7 févr.], p. 83-100. Dans ce cas également, Bolland fournit une traduction latine de la Vie BHG 994. 81

Cf. la lettre du 26 septembre 1662 (L 7).

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B. JOASSART 82

83

84

num , et Brancacium , D. Ioan. Franc. Suarezium Episcopum Vasionensem , 85 86 87 DD. Leonem Allatium , Abb. Octavium Falconerium , Abb. Gradium et alios, ex quodam cum illis usu satis comperisse videor. L11 À Papebroch [ms. boll. 107, f. 299v]

Rome, 30 août 1670

Notes suprapaginales de Papebroch: Mortuo Patre Diotiguardi confessario Cardinalis Alterio 1671, 3 Aprilis. Pater Petrus Possinus Roma 30 Augusti 1670. Respondi indicari a Bollando manuscripti annuntiatiunculam ad Usuardum Molani anni 1573. Deinde descripsi instructionem a Patre Petrasancta88 missam et petii processum a Iacobillo89 citatum ac literas Pontificias et si quid novi et novos possunt. Iterum eadem petii per Patrem Possinum 1677, 21 maii.

82 Francesco Barberini (1597-1679), dit «Il Seniore», créé cardinal en 1623, contribua beaucoup à l’enrichissement de la bibliothèque familiale (cf. A. MEROLA, in DBI, 6 [1964], p. 172-176). 83 Francesco Maria Brancaccio (1592-1675), créé cardinal en 1633, occupa plusieurs postes importants au sein de la Curie romaine de son temps, et était très proche de la Compagnie. Il fut d’ailleurs inhumé dans l’église romaine du Gesù (cf. G. LUTZ, in DBI, 13 [1971], p. 774-776). 84 Contrairement à ce qui est transcrit dans les AASS, il ne peut s’agir que de JosephMarie Suarez (1599-1677), élu évêque de Vaison en 1633, qui renonça à son siège le 17 mars 1666 et mourut à Rome. 85 Leone Allacci, dit Allatius (1586-1669). Né dans l’île de Chios, il vint à Rome dès son enfance, fit ses études au collège Saint-Athanase, puis étudia la médecine avant de se tourner définitivement vers la théologie (il œuvra notamment en faveur de la réconciliation entre Latins et Grecs) et les travaux d’érudition. Après avoir été scriptor à la Vaticane, il fut entre autres bibliothécaire du cardinal Francesco Barberini (1597-1679), de 1638 à 1661, avant de devenir Préfet de la Bibliothèque Vaticane (cf. D. MUSTI, in DBI, 2 [1960], p. 467-471). 86

Ottavio Falconieri (1636-1675) eut une carrière au service la Curie romaine – peu avant son décès, il sera nommé secrétaire de la congrégation des eaux et routes, et de celle du bon gouvernement – tout en menant des travaux d’érudition, entre autres en archéologie (cf. M. SANFILIPPO, in DBI, 44 [1994], p. 385-388). La première de ces congrégations s’occupait du réseau des aqueducs, des ponts et des routes des États pontificaux, la seconde étant dédiée à l’administration économique. Toutes deux furent supprimées sous le pontificat de Pie IX. 87

Stefano Gradi (1613-1683), prêtre d’origine dalmate, fut second (1661) puis premier (1682) custode de la Bibliothèque Vaticane (cf. T. MONTANARI, in DBI, 58 [2002], p. 361-363). 88 Silvestro Pietrasanta (1590-1647, jésuite en 1608) résida en Allemagne comme confesseur du nonce Pier Luigi Carafa (1581-1655), de 1624 à 1634, et sera par la suite bibliothécaire de la maison professe de Rome de 1642 à 1647. Il fut l’un des correspondants des premiers Bollandistes (cf. B. JOASSART, Jean Bolland et la recherche des documents… [note 7]). 89

Ludovico Jacobilli (1598-1664) s’établit à Foligno où il rassembla une importante bibliothèque et se livra aux travaux d’érudition civile et ecclésiastique, spécialement en hagiographie. Il fut en correspondance avec les Bollandistes (cf. M. DURANTI [dir.], Ludovico Jacobilli, erudito umbro del ‘600 [= I Quaderni della Biblioteca Jacobilli], Foligno, 2004; voir spécialement dans ce volume R. GODDING, Ludovico Jacobilli e i Bollandisti, p. 127-138).

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Reverendus Pater Caesar Diotiguardi90 confessarius Eminentissimi Domini Cardinalis Alterii91, obsequens piis desideriis eius Eminentiae, quaerit undecumque notitiam Beatae Ludovicae de Albertonibus, viduae Romanae, mortuae cum opinione Sanctitatis anno 1533 et sepultae ad Sancti Francisci trans Tiberim, ubi votis piorum publice colitur, ardente continuo ante eius sepulcrum lampade. Quia vero in 2° tomo vestri Januarii, initio diei 31 mensis illius, vos illam inter praetermittendos recensentes, significatis esse in vestris manibus quoddam manuscriptum de illa agens, et miraculis claruisse significans, enixe rogat memoratus Dominus Cardinalis Patronus, mitti huc ad nos compendium quoddam illius manuscripti quo praesertim miracula indicentur92. Fuit illa Beata Mulier ex familia sanguine conjuncta Domui Alteriae Sancti Domini Nostri Clementis X93, qui propterea inclinat ad debitos eius memoriae honores tribuendos, nec possent Vestrae Reverentiae gratius quidquam eius Sancti facere, quam eo conferendo si quid possunt. Quod ibi scripsistis: non existimare vos tributum umquam Romae isti Beatae cultum publicum, in eo fraudi vobis fuit defectus notitiae. Nam antiquissimo et a Pontificibus probato usu in ea Ecclesia Sancti Francisci trans Tiberim sacellum est proprium illi dicatum in quo eius corpus requiescit, suspensa ante illud jugiter lucente lampade. Hoc nos oculis nostris quotidie videmus. Expecto a Vestra Caritate et eruditione quod monstrare possimus Eminentissimo Patrono, de nostra Societate optime merito […] L12 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 129]

Rome, 8 novembre 1670

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Dedi Reverendo Patri Caesari Diotiguardi quas Vestra Reverentia rescripsit circa Beatam Joannam [sic] de Albertonibus literas, quas ille Eminentissimo Cardinali Alterio communicavit. Utrique gratissimum accidit vestrum in eo negotio studium, vobisque se obstrictos eo merito fatentur. Indicavit tamen mihi Pater Caesar: haud quaquam in his repertum quod speraverant. Nam Acta eius Beatae [Ludovicae] quorum exempla e vestro Archivio datis, eadem sunt cum iis quorum Eminentissimus Cardinalis Patronus ipsa possidet archetypa; et aliud videlicet quid90

Cesare Diotiguardus (1600-1671, jésuite en 1616), membre de la Province romaine.

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Paluzzo Altieri Paluzzi degli Albertoni (1623-1698), créé cardinal in petto en 1664 et publié en 1666, fut notamment cardinal neveu de Clément X et archevêque de Ravenne (cf. A. STELLA, in DBI, 2 [1960], p. 561-564). 92 Ludovica de Albertoni (1474-1533), membre du tiers ordre franciscain, fut effectivement annoncée parmi les Praetermissi du 31 janvier (cf. AASS, Ian. t. 2 [1643], p. 1078). Les archives des anciens Bollandistes conservent plusieurs documents à son sujet dont principalement: un «Compendio della Vita della Beata Ludovica Albertoni» (ms. boll. 104, f. 92-96); des notes envoyées par Pietrasanta, le 11 août 1646, provenant du marquis Paluzzo Albertoni (ms. boll. 107, f. 301-302v); une Vie en italien, composée par Paolo Alberini et Francesco Jacobilli († 1623; mathématicien et astronome, frère de Ludovico), suivie de notes, et, selon une note de Papebroch, reçue à Anvers en 1661 (ms. boll. 107, f. 303-307). 93 Emilio Bonaventura Altieri (1590-1676), créé cardinal le 29 novembre 1669 et élu pape le 29 avril 1670 sous le nom de Clément X.

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B. JOASSART

piam latere apud vos ex illo Patris Bollandi beatae memoriae indicio crediderat. Ut ut sit, optimae vestrae voluntati gratias, ut par est, rependit. Si quid deinde circa istius Beatae viduae cultum novi decernetur, dabimus operam ut, si fieri poterit, primi sciatis. Iuvit heri vidisse in recentibus isthinc literis Reverendi Patris Henschenii, cui fausta omnia precor, ad Reverendum Patrem Franciscum de la Faluere94 datis, fuisse apud vos Reverendum Patrem Menestrier95. Sed iniecit curam quod nullam ibi mentionem vidi, redditi ab eo vobis fasciculi satis magni Actorum e Vaticano Graecorum quem ei volenti ferendum ad vos commisi. Eius quidem fides nullam dubitationem admittit. At casus humani terrent; et quod de Actis aliis ante sesquiannum hinc missis, necdum, prout nuper indicabatis isthuc perlatis, sed adhuc nescio qua mora Coloniae detentis, didici, metum intendit; etsi, ut equidem spero ac velim, vanum et panicum. Sinite vos exorari ut quamprimum aliquid a me istiusmodi acceperitis, id vobis recte redditum statim indicare ne gravemini. Nam dum talia in itinere sunt, suspenso anxie animo laboro. Renovata nuper a Sanctissimo Domino Nostro Clemente X facultate extrahendi Vaticanos codices a me vestro nomine petita, strenue usus hoc octobri Dominus Laurentius Portius tulit ad me nudiustertius quinque et triginta folia scripturae graecae iuxta missos a vobis catalogos ex illis monumentis veteribus eruta. Nunc elaborat idem meo monitu in operibus Sancti Hippolyti Portuensis96 episcopi quae nuper vos desiderare scribebatis, insuperque in aliis ex vestro catalogo residuis. Persolvi ei Julios 37, hoc est partem maximam residui apud me vestri depositi, unde recurrendum mihi erit ad Reverendum Patrem Carolum Manderscheidt ut Domino Portio cum quid novi attulerit queam satisfacere. Per has autumnales ferias excurri Subiacum. Atque illic dies aliquot imbribus detentus quaesivi Acta Sanctorum. Reperi quaedam quae suspicabar vobis ignota. Vitam Sancti Petri97 eremitae Terrae Trebarum Anagninae dioecesis, cuius corpus Trebis 10 a sublaco milliari honorifice habetur, dies festus colitur, multa miracula fiunt, etc. Mittam eam si voletis, describi curans, nam commodato accepi: uti et ex

94

François de La Falluère (1637-1678, jésuite en 1637) (ARSI).

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Claude-François Ménestrier (1631-1705, jésuite en 1646) se distingua en particulier par son enseignement brillant de la rhétorique au collège de la Trinité à Lyon; il fut également prédicateur pendant 25 ans. Esprit vif et doué d’une prodigieuse mémoire, il s’intéressa plus spécialement à l’héraldique. Parmi ses nombreuses publications en ce domaine, on lui doit une Histoire du roy Louis-le-Grand par les médailles, emblèmes…, Paris, 1689. Il écrivit aussi une Histoire civile ou consulaire de la ville de Lyon, Lyon, 1695 (cf. A. DEMOMENT – P. DUCLOS, in DHCJ, 3, p. 2625-2626). 96

Hippolyte, prétendu évêque de Porto, est en réalité un dédoublement d’Hippolyte de Rome (cf. l’article consacré à celui-ci par V. SAXER, in DHGE, 24 [1993], col. 627-635). 97 Le dossier de Pierre de Trevi (Latium), ermite ayant vécu au milieu du 11e s., fut rédigé par Jean Pien dans les AASS, Aug. t. 6 (1743) [30 août], p. 634-647. Le ms. boll. 134, f. 153-159, conserve une copie manuscrite de l’ouvrage Vita et miracula S. Petri eremitae Terrae Trebarum Anagnignae dioecesis ex proprio officio Romae impresso et ex manuscriptis asservatis in archivio Trebano, Viterbe, 1621; Papebroch y a noté: Misit P. Petrus Possinus Societatis Iesu an. 1671.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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monasterio Sanctae Scholasticae. Acta sane […] Monumentis Cleridonae98 scribitur. Celebratur eius festum cum octava, ut Patronae totius Subiacensis, decreto Sacrae Rituum Congregationis talis declaratae. Et decretum et Actorum exemplar ex codice quem utendum precario extuli membranaceo manuscripto. Descriptum si iubetis mittam. Corpus Sanctae illius magna ibi religione colitur, miraculis celebre. Praeter vitae Acta extat in eo codice prolixa sed eleganter scripta Translationis historia solemnissime factae tempore Gregorii XIII99 praesente Cardinale Stanislao Hosio100, quam non puto esse tanti esse describere, est enim nimis longa; eius compendium si jubebitis addam. Sed quamprimum quaeso praecipite quid de his fieri velitis. Vereor enim ne codex manuscriptus repetatur. Harum rerum in specimen ac gustum adiungo his quae Sublaci item reperi, monumenta Sancti Laurentii Eremitae101, cuius corpus tertio inde milliari magno cum honore asservatur in sacello exstructo in ipso ubi vixit loco. Commendo me Sanctis Sacrificiis Reverentiae Vestrae Reverendorumque Patrum Henschenii ac Ravenstenii. Roma VI idus novembris anno MDCLXX, Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. L13 À Henschen [ms. boll. 138, f. 29]

Rome, 24 janvier 1671

Cette lettre fut envoyée, de Florence, par le jésuite Giovanni-Francesco Vanni à Henschen, le 17 janvier 1671. Vanni y disait posséder des documents relatifs à Rose de Viterbe et demandait des informations complémentaires à son sujet. Il confia sa missive à Poussines afin de la transmettre à Anvers. 98

Sur Chelidonia, ermite près de Subiaco (vers 1077-1152), cf. le dossier rédigé par Jacques De Bue dans les AASS, Oct. t. 6 (1794) [13 oct.], p. 362-365, et l’ouvrage de S. BOESCH GAJANO, Chelidonia. Storia di un’eremita medievale (= Sacro/Santo, n. s., 16), Rome, 2010. Le ms. boll. 164 conserve: 1) aux f. 139-144v, une copie de la Vie écrite par Guillaume de Narni, moine de Subiaco; ce document fut transmis par Poussines qui a recopié lui-même le prologue et ajouté quelques notes à la fin; 2) au f. 138rv, les leçons de la fête de la sainte, transcrites par Poussines, qui les a fait précéder du texte d’approbation du choix de la sainte comme protectrice de Subiaco, et les a fait suivre de quelques notes. Papebroch a pour sa part écrit à la fin: Haec manu sua P. Petrus Possinus Societatis Jesu anno 1671 qui haec Roma misit. 99

Grégoire XIII (1502-1585), élu pape en 1572.

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Stanisáaw Hozjusz (Hosius) (1504-1579), employé de la chancellerie royale de Pologne et chargé de diverses missions diplomatiques, devint évêque de Cheámno en 1549 et, deux ans plus tard, du diocèse de l’Ermland. En 1561, Pie V le créa cardinal et le désigna comme légat au concile de Trente. Il fut par la suite l’un des principaux agents de la réforme catholique. Il invita notamment les Jésuites en Pologne et leur confia un collège à Braniewo (Braunsberg), en 1564. En 1569, il devint ambassadeur du roi (1548) de Pologne Sigismond II Auguste (15201572) auprès du pape et s’établit définitivement à Rome. De cette dernière époque datent ses efforts en faveur du retour de la Suède au catholicisme, qu’il tenta d’obtenir par ses contacts avec la reine Catherine Jagellon (1526-1583), épouse du roi (1568) Jean III de Suède (15371592) et mère du futur roi (1587) de Pologne Sigismond III (1566-1632) (les Jésuites étaient aumôniers de la reine et partisans de son initiative à recatholiciser la Suède) (cf. R. AUBERT, in DHGE, 24 [1993], col. 1195-1196). 101

Pierre Van den Bossche fut l’auteur du dossier de Laurent, ermite à Subiaco († 1243), dans les AASS, Aug. t. 3 (1737) [16 août], p. 302-309. S’il écrit, à la p. 303, que Poussines envoya le texte d’une Vie de Laurent aux Bollandistes en 1670, cette copie n’a cependant pas été retrouvée dans les papiers de ceux-ci.

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B. JOASSART Par ailleurs, le dossier de Rose de Viterbe (1233/4-1252), du tiers ordre franciscain, est dû à Constantin Suyskens et fut publié dans le t. 2 (1748) des AASS de Septembre [4 sept.], p. 414-479. À la p. 415, le bollandiste rappelle que Poussines et Vanni envoyèrent à Anvers une copie de la Vie et du procès de canonisation; ces documents n’ont pas été retrouvés dans les papiers des anciens Bollandistes.

[Ajout de Poussines] Autor epistolae misit illam ad me apertam Florentia, rogans ut ei aliquid mea manu subscriberem. Est ille Pater mihi notissimus familiariter intima trium annorum quibus adhaesit mihi socius. Praeter virtutem et religionem eximiam, ingenio et doctrina vix ulli cedit aequalium, multos etiam, et fortasse omnes, anteit, adiuncta scientiis superioribus et inferioribus, praeclara notitia linguarum hebraicae et graecae. Docuit triennio philosophiam Viterbii, nec est incredibile postquam erit perfunctus tertia probatione, ipsum Romam evocandum. De Beata Rosa Viterbiensi nihil habetis in vestro Martio. Unde quam pollicetur eius Vita vobis usui esse poterit die IV Septembris. Qua eius meminit Martyrologium Romanum. Addo ex occasione, Beatam Joannam (sic) de Albertonibus viduam Romanam cuius aliquam fecistis mentionem in vestro Januario, novo Sacrae Congregationis Rituum decreto obtinuisse annuum cultum cum officio et Missa. Nondum vidi decretum; ubi prodierit, vobis mittam. Reverentiae Vestrae et duobus amicissimis sociis felicissimum hunc annum precor, omnium Sanctis Sacrificiis me commendans, Romae 24 januarii 1671. Petrus Possinus. L14 À Papebroch (?) [ms. boll. 107, f. 300 ]102

Rome, 7 mars 1671

De novo Bibliothecae Vaticanae Custode quod quaerit. Videtur nec supervacaneum nec intempestivum fore vestrum aliquod officium humanae gratulationis ac salutationis. Si quas eius argumenti dare placuerit literas, ego libenter reddam. In inscriptione titulus ei Reverendissimi tribuendus. Nomen eius ut ab ipso expressum vidi cum suis adiunctis, hujusmodi est: Frater Laurentius Brancatus de Lauraea Ordinis Minorum Conventualium Sancti Francisci; quibus addi nunc debet: Praefectus Bibliothecae Vaticanae103. De Beata Ludovica Albertonia quod exiit Sancti Domini Nostri decretum, permittit celebrari festum eius in ecclesia Sancti Francisci de ripa in Urbe, ubi corpus eius requiescit, die XXXI januarii ritu duplici, cum officio et Missa de communi nec Virginis nec Martyris, id quod hoc anno apparatu magnifico fieri cepit, praesenti universo Sacro Collegio. Decretum id editum cum quodam eius vitae compendio, et si quid aliud eo pertinens, reperire potuero, ad vos mittam. Ad haec uti gratia Reverendi Patris Caesaris Diotigardi nunc non licet. Nam is die 2 mensis hujus Martii hac in domo est mortuus.

102 103

Lettre mutilée en son début.

Lorenzo Brancati di Lauria (1612-1693, frère mineur en 1630) avait notamment enseigné la philosophie et la théologie avant d’être nommé préfet de la Bibliothèque vaticane en 1670. Il sera créé cardinal en 1681 (cf. G. PIGNATELLI, in DBI, 13 [1971], p. 827-831).

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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Gratulor Reverendo Patri Ravenstenio104 Professionem quatuor votorum, eique ac Reverendo Patri Henschenio fausta omnia ex animo voveo, utriusque ac Reverentiae Vestrae opem apud Deum per Sacrificia et preces implorans. Roma 7 martii 1671. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. L15 À Papebroch [KBR 8940, f. 223-224]

Rome, 23 janvier 1672

Notes suprapaginales de Papebroch: De Beata Columba de Rieti 20 Maii. De Sancto Antonino Abbate Surrenti 14 Februarii. De Sancto Bartholomaeo Cryptae Ferratae 11 novembris. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Acceptis literis 13 decembris Laureti scriptis a Patre Hectore de Albada105, quae me jubebant accipere a Patre Paulo Ottolino106 scuta romana sex, et octodecim a Patre Laurentio Koler107, adii eos; et uterque illorum cum fide summas illas numeravit. Quare habeo scuta vigintiquatuor adjungenda reliquiis pecuniae superius a vobis mihi commissae, ut curem hic vestro ingenti operi necessarias descriptiones Actorum veterum quae in manuscriptis codicibus harum bibliothecarum, praesertim Vaticanae asservantur, in quo pergam elaborare quam maxima potero fidelitate ac diligentia. Iam incepit Dominus Portius exscribere Menologium Graecum Basilii Imperatoris, cuius latina quam habetis interpretatio vobis non sufficit108. Sed occurrit in ea re dubitatio: an velitis menses quoque januarium et februarium, qui in eo semestri habentur ultimi, describi ? Incipit enim a septembri et Dominus ipse Portius existimat vos, qui dudum edidistis Acta Sanctorum januarii et februarii109, non requirere ut quae in illo codice ad duos illos menses pertinent, a se describantur. Id ei proponenti, respondi: pergeret quae cepit a septembri describere; fore enim ut antequam finem decembris attigisset, responsum a vobis haberemus. Praescribat igitur, quaeso, quid in ea re fieri velit Reverentia Vestra. Circa locum actorum martyrii Sanctarum Irenes, Agapes, et Chioniae, quae extant isto in codice die 22 decembris a Vestra Reverentia indicatum, cuius verba graeca latinis illis, Irenem autem gladio interfecit, respondentia desiderat. Sic habeat: in graeco exemplari hoc modo legi: ̝̇Ҡѳо̴̬̲̩̯Ҟ̨̩Ҝ̩з̟ҡ̝̩о̟қ½̣̩̦̝Ҡ ̯Ҟ̩з̛̟̝̩̥̫̩̓ҡ̝̩½̰̬Ҡ½̝̬ҝ̴̡̠̦ ̯Ҟ̨̩Ҝ̩з̟ҡ̝̩̂Ѣ̬ҟ̩̣̩ц̦̯Ԗ̴̩̮̯̬̝̯̥̯Ԗ̡̩ѩ̭ ̨̡̯Қ̮½̛̝̤̫̰ц̱ң̡̡̩̰̮̩. 104 Jean-Baptiste Ravenstein (1634-1683, jésuite en 1655) fut bollandiste de 1670 à 1675. Il avait émis sa profession solennelle le 2 février précédent (cf. PIBA, 2, p. 240). 105 Hector Van Albada (1622-1703, jésuite en 1652) fut pendant 13 ans pénitencier à Rome et à Lorette (cf. PIBA, 1, p. 48). 106 Paolo Ottolini (1608-1687, jésuite en 1638) fut adjoint du procureur général de la Compagnie en 1649, puis procureur général à partir de 1681 (ARSI). 107

Laurent Köler (1609-1676, jésuite en 1629) fut procureur de l’Assistance de Germanie de 1661 à 1675 (ARSI). 108 Le Ménologe de Basile II (958-1025), empereur byzantin à partir de 976 est conservé dans le ms. Vat. gr. 1613. 109

Pour rappel, les volumes des AASS de janvier et de février étaient sortis de presse respectivement en 1643 et 1658.

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B. JOASSART

Spero jam perlatum ad Vestram Reverentiam [note marginale de Papebroch: non accepi] encomium Sancti Georgii Martyris cuius est initium: џ̧̥̫̭ ̨Ҝ̩ ч̦̘̮̯̣̭ ж̴̛̩̮̲̩ ѓ̨̙̬̝̭ etc. praetereaque miraculum Sancti eiusdem a me ex Graeco versum110, denique Procopii encomium de Sancto Marco latine redditum a Domino Abbate Albano111. Quae omnia dudum scio Antverpiam pervenisse. Accepi Reate acta, copiose et eleganter lingua etrusca scripta in codice manu exarata rarissimo, Beatae Columbae Tertiarii Ordinis Sancti Dominici, quae sanctitate ac miraculis floruit Reate ac Perusii tempore Alexandri Sexti Summi Pontificis112, quae mihi videntur vobis necessaria. Festum istius beatae Perusii, ubi decessit in monasterio a se fundato, et eius corpus religiose asservatur, celebrari solet 20 maii; tali enim die illic obiit anno 1501113. Pius V114 anno 1566 concessit, ut in monasterio ab ea fundato Perusii celebrari quotannis posset dies eius mortis anniversarius, facta in officio et missa diei commemoratione ipsius per propriam collectam. Id quod hactenus servatur. Nihil enim huic obfuit Decretum sub Urbano VIII115 anno 1625 editum, prohibens cultum personis mortuis non canonizatis aut beatificatis exhibendum. Idem quippe Pontifex alio decreto edito 13 februarii anno 1627 declaravit non impediri per prius decretum cultum ac venerationem isti Dei servae adhibita, quae et in posterum continuari libere permisit. In illis Actis prudenter et egregia fide conscriptis, multa sunt illustria, quae vix alibi reperiantur. Et est opus illud, quantum conjectura licet assequi, valde rarum. Quin imo exemplar quod habeo forte unicum et originale est; suppeditatum nobis duntaxat ad tempus a quodam honorato sacerdote Reatino, qui magnopere orat sedulo id conservari, ac sibi reddi statim atque descripserimus. Propter haec cuncta valde propendeo in consilium curandae exscriptionis huius commentarii etsi longiusculi, quae tribus aut quatuor scutis constabit. Dignetur Vestra Reverentia significare quam primum quid de hoc censeat. Quidam amicus nuper misit ad me Vitam italice manuscriptam [note marginale de Papebroch: Non est opus] Sancti Antonii Surrentini Abbatis Ordinis Sancti Benedicti compositam ab anonymo qui dicit in titulo se illam compilasse adjectis 110 Le premier texte est le n° BHG 682; le second ne peut être déterminé. Par ailleurs, le dossier de S. Georges, rédigé par Papebroch dans les AASS, April. t. 3 (1675) [23 avril], p. 100163 et IX-XLV, ne fait aucune allusion à Poussines. 111 Le dossier de S. Marc, préparé par Henschen, parut dans les AASS, April. t. 3 (1675) [25 avril], p. 344-358 et XLVI-L. Le texte BHG 1037 (dont Poussines avait lui-même donné une édition en tête de sa Catena graecorum patrum in evangelium secundum Marcum, Rome, 1663), fut publié aux p. XLVIII-L, avec la traduction latine établie par Gianfrancesco Albani (16491721, fonctionnaire de l’administration du Saint-Siège, créé cardinal en 1690) aux p. 350-352. 112

Alexandre VI (1431-1503), élu pape en 1492.

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Le dossier de Colombe de Rieti (1467-1501), rédigé par Papebroch, fut inclus dans les AASS, Maii t. 5 (1685) [20 mai], p. 319*-398*. La vie italienne composée par Cesare Blanchi et envoyée par Poussines (cf. p. 320* du dossier) n’a pas été retrouvée dans les papiers des anciens Bollandistes. 114

Pie V (1504-1572), élu pape en 1566.

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Urbain VIII (1568-1644), élu pape en 1623.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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ad ea quae de illo Sancto edidit Paulus Regius episcopus Vicensis anno 1582, et Cardinalis Baronius in Notis ad Martyrologium, multis aliis quae reperit in codice antiquo manuscripto Surrenti servato116. Dicitur hic Sanctus obiisse die 18 Martii anno Christi 625. Nihil de illo apud vos eo Martii die reperio. De hoc etiam expectabo mandata vestra. [note marginale de Papebroch: Est Sanctus Antoninus qui colitur 14 februarii, quando plene de illo egimus. Videat num quid ultra habeatur in antiquo manuscripto Surrentino. Forte illud ipsum est quod edidimus. Si amicus iste suis sumptibus transcriptum velit mittere, exprimatum nomen et memoriam faciemus in supplemento]. In Monasterio Cryptae Ferratae curavi quaerendam Vitam graece manuscriptam Sancti Bartholomaei Abbatis, quam Vestra Reverentia se illic vidisse in proprio codice magno et literis majusculis exarato significat117. At illi Patres rescripserunt se nullam hodie talem Vitam habere, sed tantum quaedam de eo synaxaria et canones in ecclesiasticis libris quibus utuntur. Ex his quaedam descripta miserunt et caetera se descripturos sunt polliciti. Opto Vestrae Reverentiae prosperitatem omnem cum in cunctis caeteris tum in sancto in quod incumbit opere, orans ut mei in suis ad Deum et Sanctos orationibus praesertim vero ad sacrum altare meminerit. Romae 23 januarii 1672. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. L16 À Papebroch [KBR 8940, f. 220rv]

Rome, 25 novembre 1673

Note suprapaginale de Papebroch: De Vita Beati Bartholomaei. 11 novembr. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Reddidi ultimas Reverentiae Vestrae literas Fratri nostro Eliae118; et quamquam non opus fuit currenti calcar, hortatus eum sum, ut jussis vestris obsequerer, ad continuandam quam praestare cepit operam expediendis hic rationibus vestris, in quo etsi haud parciturus sibi sit, vereor tamen ut eius fides et diligentia quem optamus successum sit habitura, quoniam eluctari vix poterit moras et recusationes ̯̫ԉ̡̠Ӻ̩̝cui est obnoxius. Quare cogitandum etiam atque etiam vobis putarem, 116 Antonin de Sorrente († vers 830) fut présenté par Bolland dans les AASS, Febr. t. 2 (1658) [14 févr.], p. 783-796. Poussines fait ici référence à l’ouvrage de Paolo Regio (évêque de Vico de 1583 à 1607), La vita del santo padre Antonino abbate, principal protettor della città di Sorrento, Naples, 1582. Par ailleurs, le ms. boll. 111, f. 210-260, conserve les «Discorsi, nel quale brevemente si racconta l’origine et nascità del glorioso et miracoloso S. Antonino Abbate particolare protettore della città di Sorrento, et il progresso della sua vita, morte, et sepoltura, canonizatione et miracoli operati in vita et depo morte, cavato dall’istoria della vita et morte di detto santo, composta da Monsignor Paolo Regio, vescovo de Vico … ed da un’altra antica scritta a mano, che si conserva appresso alcuni gentil’huomini in Sorrento, quale non pervenne nelle mani di detto Monsignor Paolo Regio, et dal martirologio romano, annotatione, et commentarii dello Illmo Sr Cardinal Cesare Baronio diviso in tre capitoli». Rien ne permet de dire que ce document fut envoyé par Poussines. 117

Bartholomée (vers 985/990-vers 1050), disciple de Nil, fut l’un des fondateurs de l’abbaye de Grottaferrata dont il devint abbé. Il s’agit ici de la Vie BHG 233, dont Poussines donna une édition dans son Thesaurus asceticus, Toulouse, 1684, p. 429-455. 118

Élie Du Ponceau (1630-1689, belge entré dans la Province romaine comme frère coadjuteur en 1656) était assistant-secrétaire de Laurent Köler (cf. note 107).

132

B. JOASSART

an e re vestra videatur, exemplaria vestri Aprilis quae huc distrahenda destinabitis, tam difficili et intricato iterum committere mancipi. Epistolam Reverentiae Vestrae die 25 augusti scriptam, etsi dudum acceperam, quae tamen in ea curanda mandantur circa schedas et monumenta sancta Reate missa, ante hanc hebdomadem expedire nequivi, quia ille nostrorum quo eram usus ad illas memorias parandas, e peregrinatione bimestri, nudius tantum tertius rediit. Cum eo statim egi; et ille accurate ad suos Reatinos literas dedit, quarum ubi responsum huc venerit, certiores vos faciam, quid propositis a vobis capitibus reponant. Circa desideratum a vobis codicem acta Beati Bartholomaei Abbatis Cryptae Ferratae continentem, voti compotes, Deo juvante, sumus facti. Ivi eo mense superiori, et illis monachis vestras literas ostendi, quae vos istum codicem illic vidisse testabantur; quem tamen se habere paulo ante mihi negaverant. Promisere se diligentius quaesituros; in quo ut eos juvarem dedi scripto initium operis a vobis notatum, ѳ½̬Ң̨̭ҡ̨̣̮̥̩etc. Non ita multo post renunciarunt se aliquid simile reperisse; accurri, vidi. Codex erat in membranis manus perantiquae hoc titulo: ˿ҡ̫̭ ̦̝Ҡ½̧̡̫̥̯ҡ̝̯̫ԉѳ̮ҡ̫̰½қ̯̬̫̭ѓ̨Ԗ̩˿̧̨̝̬̤̫̫̝ҡ̫̰̯̫ԉ̩̙̫̰̯Ӭ̭̬̰̇½̯̫̱̙̬̬̣̭ Principium operis hoc est:̌Ѿ̠Ҝ̴̡̡̩̫̯̠̥̟҃ҡ̡̬̥̩̫Ѩ̡̠½̬Ң̨̭ҡ̨̣̮̥̩etc.119 Idem sine dubio quod vos vidistis. Sed quia prima litera rubrica scripta longius protenditur usque ad secundum versum cuius est initium ½̬Ң̭ ̨ҡ̨̣̮̥̩, vos cursim excerpentes ѳ ½̬Ң̭ ̨ҡ̨̣̮̥̩ pro libri principio sumpsistis. Curavi describendum bona manu totum commentarium plus viginti foliorum parvae formae, et in id 12 Julios expendi. Mittam istuc quando et qua via jubebitis. Uti et Vitam Beati Jacobi Piceni Ordinis Minorum a Joanne Baptista Petruccio Archiepiscopo Tarentino quinque libris heroico carmine satis eleganter scriptam. Editum typis opus illud est120. Sed cuius unicum fere hic exemplar hodie reperitur in bibliotheca Cardinalis Chisii121, unde commodato impetrato manu describi curavi, quoniam id vos cupere e Reverendo Patre Carolo Manderscheidt intellexeram. Folia sunt 49. Pretium amanuensis duodecim Julii fuerunt. Habeo item transmittenda ad vos, prout jampridem admonui Acta graeca Sanctorum januarii et februarii e Basiliani Menologii vaticano codice descripta, foliis majoribus 46. Gratulor felicem Aprilis progressum et, Reverendum Patrem Henschenium ex animo venerans, Sanctis utriusque Sacrificiis me plurimum in Domino commendo. Romae 25 novembris 1673.

119

BHG 233.

120

Giovanni Battista Petrucci († 1514) fut archevêque de Tarente en 1485, puis évêque de Teramo en 1489, enfin de Caserta en 1493. Il est l’auteur de la Vie BHL 4106 du franciscain Jacques de la Marche (1394-1476; son dossier ne parut jamais car il était prévu à la date du 28 novembre), que Luc Wadding (1588-1657) publia sous le titre Vita et res gestae B. Jacobi Piceni, à Lyon, en 1641. La copie transmise par Poussines est conservée dans le ms. KBR 895758, f. 424-431, Papebroch ayant précisément noté: Est impressa integra Lugduni in-8°, 1641. 121 Flavio Chigi (1631-1693), neveu du pape (1655) Alexandre VII (1599-1667) et créé cardinal en 1657, occupa différentes charges importantes au sein de la Curie romaine, dont celle de bibliothécaire de l’Église (cf. E. STUMPO, in DBI, 24 [1980], p. 747-751).

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. Dignetur quaeso Reverendo Patri Hesio122 plurimam a me salutem dicere123. L17 À Papebroch [ms. boll. 115, f. 83]124

Rome, 3 mars 1674

Note suprapaginale de Papebroch: Pater Petrus Possinus Roma 3 martii 1674 de capite 40 quod apud Lippomanum in Vita Sancti Eutychii habetur et deest in nostro Graeco deberetque peti Venetiis. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Rescribens nuper ad literas a Vestra Reverentia mihi scriptas Antverpia die 22 decembris anno 1673, dixi: consultum a me Dominum Portium super Actis 125 graecis Sancti Eutychii , quae olim descripsit ex codice Vaticano, ecquid meminisset omissum a se capitulum unum, respondisse. Haud solitum se in talibus esse negligentem; quare non dubitare quin quantum in archetypo reperit summa fide repraesentaverit. Caeterum se jam per decrepitam aetatem prohiberi ne se ad Bibliothecam Vaticanam conferat, ad illum codicem visendum. His ego auditis, oblata deinde occasione […] scriptorem Graecum e frequentantibus Bibliothecae Vaticanae mihi amicum, ne gravaretur quaerere in codice 1660 Acta graeca Sancti 126 Eutychii , et ea comparare cum ipsorum latina editione quae apud Surium extat 9 aprilis, explorando an capitulum quod in hac numeratur quadragesimum, et agit de leproso sanato estque perbreve, in graeco contextu reperiatur. Fecit ille cuncta ista diligenter, et mihi retulit capituli illius quadragesimi nullum plane cerni vestigium in graeco codice; sed ibi finem capitis quod in editione latina 39 computatur, ж̨ȑ̴̮̭ continuari cum initio 41 (nam a graecis notae numerales absunt) nec ullum illic esse indicium lacunae. L18 À Papebroch [KBR 8495-505, f. 159rv]

Rome, 23 juin 1674

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. {127Statim atque accepi literas ad me a Vestra Reverentia datas 27 aprilis, scribendum curavi ad amicos Reatinos, ut notitiae inde a vobis desideratae mitterentur}. Responsum est circa centum quinquaginta miracula Beati Joannis Rea122 Guillaume Van Hees, dit Hesius (1601-1690, jésuite en 1617), fut professeur de lettres, de mathématiques et de philosophie, prédicateur et supérieur de diverses maisons de la Compagnie, dont la maison professe d’Anvers (1673-1676) (cf. O. VAN DE VYVER, in DHCJ, 2, p. 1917-1918). Ajoutons que Van Hees fut également architecte; il dessina entre autres les plans de plusieurs églises, dont celle des Jésuites de Louvain (cf. J. GILISSEN, Le Père Guillaume Hesius, architecte du XVIIe siècle, in Annales de la Société d’archéologie de Bruxelles, 42 [1938], p. 216-255). 123

La lettre est suivie d’une copie du texte BHG 233e.

124

Lettre mutilée à la fin.

125

Le dossier d’Eutychius (vers 512-582), patriarche de Constantinople de 552 à 565, puis de 577 à son décès, fut rédigé par Henschen dans les AASS, April. t. 1 (1675) [6 avril], p. 548-572 et LIX-LXXXIII, où est éditée la Vie BHG 657. 126

La Vie BHG 657 est conservée aux f. 108v-190v du Vat. gr. 1660.

127

Les passages entre accolades { } ont été publiés dans les AASS, Aug. t. 4 (1739), p. 451.

134

B. JOASSART

tini128 [note marginale de Papebroch: 1a maii], quae Jordanus129 ab eo edita scribit, nihil haberi in conventu hodie Augustinianorum Reatino, quoniam archivum eius coenobii in quadam illius urbis direptione Bellis Italicis conflagraverit. Addunt tamen: multos quotidie illic languentes particulae cuiusdam vestium illius Beati contactum expectare. Quem sibi fuisse salutarem non pauci profitentur esseque in civitate illam vulgarem opinionem, eos praesertim qui hemicrania laborant, applicata capit Beati Joannuccii (nam ita ibi appellatur) tunica sanari. De Vita Sanctorum Eusanii, Sipontini et Theodori per Marcellum De Auria scripta130 consulti Reatini respondent: se illam ad nos misisse. Ego autem quaecumque ab iis accepi ad vos transmisi. Unde forte isthic reperietur. In omnem eventum datur et dabitur hic opera, ut vel inveniatur, si quo casu interverta fuerit, vel iterum describatur. [note marginale de Papebroch: 9 Julii. Respondi non haberi nisi antiqua manuscripta missa a Patre Beatillo131.] [Note marginale de Papebroch: 21 Augusti] {De Beato Balduino Abbate Cisterciensi promittit qui scribit amicus Reatinus exploraturum se cum cura, ecquid monumentorum de Actis eius at Miraculis illic reperiatur cunctaque ad me missurum132. De cultu eius Beati, affirmat idem celebrari festum eius ritu duplici Reate; et corpus ipsius quiescere in uno e sacellis episcopalis ecclesiae sub altari marmoreo, cum aperta fenestella ex qua lumen lampadis perpetuo ante eius ossa ardentis cernitur. Caput quoque eiusdem in forma argentea conditum in festis anni praecipuis cum reliquiariis aliis in ara eius templi principe exponi consuevisse. Haec sunt quae ad vestra quaesita Reatini respondent}.

128 Jean le Simple ou de Rieti († 1336 [?]) fut annoncé parmi les Praetermissi des AASS, Aug. t. 1 (1733) [1er août], p. 3. 129

Jourdain de Saxe visita la tombe de Jean de Rieti peu après sa mort et le présenta dans ses «Vies des frères», comme étant particulièrement charitable et zélé dans le service de la messe, décrivit sa mort et rapporta que 150 miracles se produisirent au cours de l’année qui suivit son décès. Cf. Jordani de Saxonia… Liber Vitasfratrum, ed. R. ARBERMANN – W. HÜMPFNER (= Cassiciacum. Studies in St. Augustine and the Augustinian Order, 1), New York, 1943, p. 105-106. 130

Jean Pien rédigea le dossier de S. Eusanius et de ses compagnons, martyrs à Furconium sous Maximien, dans les AASS, Iul. t. 2 (1721) [9 juillet], p. 691-697. Il y publia notamment la Passion BHL 2734 ici évoquée, éditée auparavant par Marcello De Auria, protonotaire apostolique, chanoine et vicaire général d’Aquilée, dans son ouvrage Vita sanctorum martyrum Eusanii et sociorum, 1607 (livre dont je n’ai trouvé d’attestation que dans la BHL). 131 Antonio Beatillo (1570-1642, jésuite en 1588) fut successivement professeur d’humanités, d’hébreu et d’exégèse, prédicateur et recteur de plusieurs collèges de son Ordre. Historien et hagiographe, il fournit aux premiers Bollandistes bon nombre de transcriptions de textes hagiographiques (cf. M. GIOIA, in DHCJ, 1, p. 378). Les papiers des anciens Bollandistes ne semblent pas avoir gardé la trace d’envois par Beatillo de documents relatifs à Eusanius; le jésuite n’est d’ailleurs pas évoqué dans le dossier du saint. 132

Baudouin de Rieti († 1140), cardinal en 1130, moine à Clairvaux puis abbé de S. Matteo, près du lac de Montecchio, fut présenté par Guillaume Cuypers (1686-1741, bollandiste à partir de 1720) dans un très bref dossier inclus dans les AASS, Aug. t. 4 (1739) [21 août], p. 450-451. À la p. 451, le bollandiste a reproduit le passage de la lettre de Poussines relatif à ce personnage.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

135

[Note marginale de Papebroch: 1 Maii] Quam habeo vitam Beati Joannis133, cum, quod ad kalendas maii pertineat, Vestra Reverentia jubeat per postam ad se mitti, huic epistolae inserturus eram. Sed re attentius considerata judicavi tutius differendam hujus monumenti transmissionem in mensem octobrem aut novembrem. Timendi enim non injusta forte nunc causa est, propter flagrantia nunc per Belgium bella et exercitus late vagantes, ne etiam quae a cursoribus publicis portantur, casu aliquo pereant. Quod si metus is vanus Reverentiae Vestrae videbitur, ad primum eius mandatum mittam134. Spero vestrum Aprilem a meta non multum abesse135, et vobis vestrisque publice utilissimis studiis fausta omnia vovens, Reverendi Patris Henschenii et Vestrae Reverentiae preces et Sacrificia imploro. Romae 23 Junii 1674. Utriusque servus in Christo Petrus Possinus. Catalecta mea, sive Variorum carminum libros tres cum Mantissa, hic aprili ac maio mense edita dedi Fratri nostro Eliae cum aliis quos habet vobis destinatis libris isthuc mittenda, quae pro vestra humanitate grata habere quaeso dignemini136. L19 À Papebroch

Rome, 18 octobre 1674

137

Accepi hoc die, S. Lucae evangelistae sacro, ultimam clausulam Dissertationis vestrae accuratissimae et eruditissimae super originibus sacri Carmelitarum Ordinis, intextae a vobis Commentario de vita et actis S. Alberti138, cuius natalis incidit in diem octavum Aprilis vestri. Admiratus fuissem diligentiam et ceteras 133 Il s’agit de Jean le Bon ou Jambonus (1168-1249), fondateur de la congrégation des ermites dits Jeanbonites. Il fut rangé parmi les Praetermissi du 1er mai (cf. le t. 1 des AASS de Mai [1680], p. 5), les Bollandistes prévoyant de traiter son dossier aux dates des 23 ou 24 octobre. En réalité, il fera l’objet d’un dossier rédigé par Édouard Carpentier (1822-1868, bollandiste de 1846 à 1850, puis de 1856 à sa mort) dans les AASS, Oct. t. 9 (1858) [22 oct.], p. 693886. Rappelons ici que, en 1860, ce dossier donna lieu à un incident à la Chambre des représentants belge, lorsque le député libéral Louis Hymans voulut remettre en cause l’octroi par le gouvernement d’un subside annuel de 6000 francs aux Bollandistes pour financer la continuation de la publication des Acta Sanctorum. Hymans avait pris connaissance du dossier rédigé par Carpentier et avait suscité les rires parmi les rangs de la gauche, faisant un calembour assez grossier en parlant de «saint Jambon»; citant les principaux miracles attribués au saint, il demandait à l’assemblée s’il fallait «consacrer l’argent du trésor public à publier de pareilles naiseries et le mot de fatras… ne serait-il pas ici bien à sa place ?». Après bien des péripéties, qui eurent même des échos dans la presse du temps, le subside fut certes accordé cette année-là et les années suivantes. Hymans ne se tint cependant pas pour définitivement battu: chaque année il refusa de voter le budget du ministère de l’Intérieur à cause de ce subside et il finit par obtenir gain de cause en 1869: ce crédit fut alors supprimé. Au sujet de cette affaire, cf. M.-Th. DELMER, En marge des Acta Sanctorum. Saint «Jambonus», in AB, 105 (1987), p. 141-151, et B. JOASSART, Quelques réactions face aux tentatives de suppression du subside accordé par l’État belge aux Bollandistes, dans les années 1860, in AB, 120 (2002), p. 392-403. 134

On était alors en pleine guerre de Hollande (1672-1678).

135

Les trois tomes des AASS d’Avril portent le millésime de 1675.

136

Poussines évoque ici son ouvrage Variorum carminum libri tres cum Mantissa, paru à Rome en 1674. 137

Cette lettre, dont l’original est perdu, a été publiée dans l’Elucidatio, p. 18.

138

Cf. AASS, April. t. 1 (1675) [8 avril], p. 769-802, et les compléments aux p. 909-910.

136

B. JOASSART

eximias ingenii vestri dotes, nisi solitus paria fere suspicere in omnibus vestris commentariis ad Acta Sanctorum quae editis, admirationem ut in re consueta remisissem, aestimationem et laudem auxissem. Scribo serius, quod ad meam super isto vestro scripto sententiam aperiendam expectandus videretur epilogi adventus, qui hodie, ut dixi, demum appulit. Interim non omisi praemunire animum Reverendi Patris Assistentis [Noyelle] vestri; rogans, ut, si forte ad Patrem Nostrum [Oliva] venirent preces aut expostulationes in vos Patrum Carmelitarum, ageret cum eius Paternitate, ne statim prodiret in nimium favorem, sed defungeretur promissis commendationem, quibus possetis, salva justa libertate ac fide historica, satisfacere. Ex responso Patris Assistentis intellexi, actum jam a Reverendissimo Patre Generali Patrum istorum cum nostro super ea re, et litteras ab hoc ad vos missas, de quibus inaudisse vos aliquid video, etsi eas nondum acceperitis. Confido tales fore, quae minime vobis manus ligent. Et censeo id sedulo agendum ut vestra dissertatio cum toto Aprili sine mora prodeat. Cum luce potietur, suam per se causam aget. L20 À Papebroch139

Rome, 10 novembre 1674

Dissertationem vestram, de B. Alberto et vera origine Carmelitani Ordinis, dedi legendam Rev. P. Nathanaeli Sotuello. Est is magnus admirator rerum vestrarum. Et hanc partem vestri operis mirifice probavit. Solidissime a vobis adstrui quod affirmatis, profitens et inexplebiliter laudans exactionem, eruditionem, prudentiam, etc. quae elucent in illa operosissima lucubratione. Puto me, tali viro ita vobis conciliando, parasse potentem operis vestri protectorem apud Reverendissimum Patrem Nostrum [Oliva], si forte contingat querelas ad eius Paternitatem deferre a Carmelitanis. Nam P. Sotuellus, tot Generalium Secretarius, vir doctissimus, summi judicii et experientiae maximae, magni aestimatur a Reverendissimo Patre Nostro, cuius est Admonitor140, et ad omne fere consultatione supernumerarius adhibetur, etsi non sit amplis Secretarius. Quare ipsius de vestra ista dissertatione testimonium, peramplum et honorificum, praecipui momenti erit ad obstandum, ne ad preces, si quae incident, Generalis Carmelitarum141, a Patre Nostro quidquam vobis moleste statuatur. L21 À Papebroch [ms. boll. 66, f. 65]

Rome, 22 juin 1675

Note suprapaginale de Papebroch: S. Cecardus episcopus 16 junii. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Accipio literas a Vestra Reverentia scriptas 31 Maii. Suivent quelques lignes concernant une poésie de Jacques Van de Walle (15991690, jésuite en 1617) qui fut engagé principalement dans l’enseignement des lettres et composa de nombreuses poésies (cf. PIBA, 2, p. 422). 139

Cette lettre, dont l’original est perdu, a été publiée dans l’Elucidatio, p. 18.

140

Dans le droit de la Compagnie, un «admoniteur» est un jésuite chargé de transmettre les «remarques» que ses confrères estiment devoir être faites au supérieur, et ceci sans révéler le nom des religieux qui formulent ces observations. 141

Francesco Scan(n)apieco (vers 1617-1676) fut élu Prieur général des Carmes en 1674.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

137

Gaudeo Acta Aprilis dudum in cursu esse142, et auguror bona fortuna usuram navem cui toti bonorum et potentium geniorum tam certo est oppigneratus favor. Cum huc pervenerint quae destinata Romam sunt, exequar summa fide quod mandatis. Iam provisum de aditu ad D. N. et Cardinalem Patr. [Altieri] curabimus speciose compingenda quae utrique offerenda mittitis exemplaria, item quod Patri Nostro [Oliva] destinatis, ea forma minus sumptuosa quam scio illi placere. Quod exemplar itinere terrestri ad R. P. Assistentem [Noyelle] misisse vos dicitis, et iam pervenisse arbitrabamini, non est adhuc perlatum, nisi heri aut hodie venerit. Nam nudiustertius negavit mihi Patrem se accepisse. Dudum non vidi Dominum Portium decrepita senectute domi detentum. Quaeram, et si poterit describi ab eo, curabo quam optatis Sancti Theodosii Vitam143. Sin is жį̡̰̩̝̯Ӻ, non deerit alius, ut spero. Vidi ante paucos dies Illustrissimum Falconerium qui ultro et prolixe spopondit operam suam omnem nihil non se vestra causa cupere et conari paratum humanissime ostendens. Accepi ex urbe Sarzana folium continens notabilia de Sancto Cecardo episcopo Lunensis olim civitatis, et martyre, cuius reliquiae illic hodie servantur et festum celebratur 16 junii ob quandam translationem tali die factam144. Mittam cum aliis quae habeo danda vestro Procuratori145, quando hinc discedet sub finem hujus anni, si Deus eo usque nos salvos servaverit. Servet utinam R. P. Nostrum Henschenium et Reverentiam Vestram cui ex animo vovens fausta omnia, opem precum vestrarum et sacrificiorum imploro. Roma 22 Junii 1675, Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. Acta vestra Aprilis servabuntur in domo Professa cura Fratris Eliae, sed meo nomine pecunia distractorum deponetur apud Patrem Ottolinum. Omnium rationes exactissimas statim dabimus. L22 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 140]

Rome, 29 juin 1675

Notes suprapaginales de Papebroch: Probatio Aprilis quoad diplomata a Kirchero. Quoad Albertum a Falconerio146. De Vita Sancti Joannis Eleemosynarii 23 januarii. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Respondens hebdomade praeterita vestris pridie kalendis hujus mensis junii datis, omisi quidpiam hic supplendum circa impactam a rabioso cane apostata ga142

Les trois tomes des AASS d’Avril sortiront de presse en cette année 1675.

143

Poussines n’a donné aucune précision sur l’identité exacte de ce Théodose, les papiers des anciens Bollandistes ne conservent aucune copie d’un texte relatif à un Théodose, et les AASS ne font aucune allusion à ce texte. Toutefois, comme la copie aurait été réalisée à partir d’un manuscrit de la Vaticane, il est fort probable qu’il s’agisse de Théodose le Cénobiarque († 529), dont le dossier avait été publié dans les AASS, Ian. t. 1 (1643) [11 janv.], p. 680-701. Bolland y avait donné une traduction latine de la Vie BHG 1778. 144

Le dossier de Cec(h)ardus, évêque de Luni († 892), rédigé par Papebroch dans les AASS, Iun. t. 3 (1701) [16 juin], p. 142-144, ne contient aucune référence à Poussines. 145 Laurent Van Schoone (1613-1677, jésuite en 1629), délégué de la Province flandrobelge à la congrégation des procureurs de 1675, fut supérieur de nombreuses communautés et Provincial de 1671 à 1674 (cf. PIBA, 2, p. 297). 146

Il s’agit d’Ottavio Falconieri et non d’Alberto.

138

B. JOASSART

zetario nostris Messinensibus calumniam. Certissimo rescivimus neque in defectione civitatis illius ab Hispanis et advocatione Gallorum147; neque in conjuratione deinde contra hos inita, partem habuisse illam Patres Societatis qui Messanae degunt esseque falsissimum illos omnes ejectos. Duobus tantum ex ipsis qui aegre continebantur ab improbando praesenti rerum statu, comiter oblata facultas est, alio, si mallent, abeundi; qua illi utendum sibi putarunt primo Rhegium, deinde illinc Panormum se conferentes. En quantum ex vero est. Caetera omnia sycophantiae sunt diabolicae. Accepi hac hebdomade novas vestras literas 7 junii scriptas, et cum iis exemplar epistolae ̯̫ԉ ̡̠Ӻ̩̝ Carmelitae Franci148. Quam gaudeo esse etiam in manu Reverendi Patris Assistentis [Noyelle] et spero utiliter in tempore monstrandam Patri Nostro [Oliva]. Ego illam ostendi Illmo Falconerio recentissime in magni hic habitam promoto dignitatem; est enim renunciatus Secretarius Congregationis quam vocant boni regiminis, qua deciduntur ea quae ad regimen temporale universi status ecclesiastici pertinent. Quo munere antea fungebatur Illustrissimus Mellinus149 in aulam nunc Hispanicam missus Nuncius. Libenter id scriptum Dominus Falconierius vidit, et fauturum se in omni occasione causae vestrae etiam atque etiam summo affectu promisit. Vitam Sancti Theodosii, de qua vestrae priores, dudum commendavi describendam bono juveni graece docto; non enim tum rescieram satis adhuc valere Dominum Porcium ad aliquid eiusmodi curandum. Quod ex ipso postmodum cognovi eique negotium commisi describendi vobis ex codice Vaticano 797 folio 397 miracula Sancti Menae150 Ægyptii, et quaerendi Vitam graecam Sancti Joannis Eleemosynarii per Leontium in Indicibus vaticanis151. Ubi si non reperiatur, alibi forte inveniam. Memini enim olim vidisse me in alia hujus urbis Bibliotheca graecum perantiquum manu exaratum codicem istius episcopi Leontii quaedam opera habentem. Hunc, si erit opus, consulam, et exscribi curabo quantum cupitis (benevolo quippe utor libri eius Domino) dummodo in eo sit quod quaerimus. 147 En août 1674, Messine se révolta contre les Espagnols. La ville, assiégée par ces derniers, fut libérée par les Français Louis-Victor de Rochechouart, duc de Vivonne (1636-1688), général des galères, et son adjoint Abraham Duquesne (1614/10-1688), lors de la bataille navale de Stromboli, le 11 février 1675. Le 28 avril suivant, Louis XIV fut proclamé roi de Sicile. 148

Je n’ai pas pu découvrir ni l’auteur ni la nature du document ici évoqué. Sans doute s’agissait-il soit d’un des nombreux pamphlets publiés à l’époque dans le cadre de la controverse sur les origines carmélitaines, soit d’une lettre envoyée par un Carme à Papebroch qui en transmit une copie à la Curie généralice de la Compagnie, et susceptible d’aider les Bollandistes dans leur défense. 149

Savo Mellini ou Millini (1644-1701) fut secrétaire de la Congrégation du bon gouvernement de 1674 à 1675, puis envoyé comme nonce à Madrid en 1675. Créé cardinal en 1681, officiellement rappelé à Rome et nommé archevêque (à titre personnel) d’Orvieto, il demeura toutefois en Espagne jusqu’en 1686. En 1694, il fut transféré sur le siège de Nepi et Setri (cf. S. TABACCHI, in DBI, 73 [2009], p. 346-349). 150 Les miracles de S. Ménas, martyr sous Dioclétien, se trouvent en réalité aux f. 346v357 du ms. Vat. Gr. 797. 151 Il s’agit de la Vie BHG 886 relative à Jean l’Aumônier (vers 555-617/618), évêque d’Alexandrie (610), œuvre de Léonce de Néapolis (vers 590-vers 650).

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

139

Salutationem vestram gratissimam habuit optimus senex noster Pater Athanasius Kircher152. Is vestrum de sigillo carolino iudicium prolixe comprobat. Ostendi ei utrumque ectypum vestrum ad me missum, alterum diplomatis Dagoberti, alterum Caroli et Lotharii. Summe illi placuerunt; adeo ut petierit ea sibi relinqui, quod libenter annui. Laudabiliter curiosus rerum talium est153. Salutem opto plurimam venerabili et amantissimo Patri Henschenio eiusque et Reverentiae Vestrae Sanctis Sacrificiis me plurimum commendatum cupio. Roma, 29 junii 1675, Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. L23 À Henschen, Papebroch et Cardon154 [KBR 8963, f. 218-235v] Rome, 13 janvier 1676 Ce document n’est pas à proprement parler une lettre, mais une dissertation à propos de la date de naissance de S. François Xavier, prélude à l’ouvrage que Poussines publiera sous le titre De anno natali S. Francisci Xaverii dissertatio, à Toulouse, en 1677.

L24 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 144]

Frascati, 17 septembre 1676

Notes suprapaginales de Papebroch: Ad quaesita pro 3 maii in Actis Sanctorum Timothei et Maurae et circa inscriptionem Alcantarensis Pontis num. 4, ante Acta Sanctorum Alexandri et Antonine citatam. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Ex quo rusticor Tusculi ab octo aut decem diebus duplices accepi a Vestra Reverentia literas. Priores continebant duas epistolas reddendas Reverendis Patribus Hanssen155 Ordinis Praedicatorum, et Bartolino156 Congregationis Matris Dei. Vidi eas, ut jubebatis, et sigillis clausas misi ad Fratrem Eliam rogans ut pro me redderet. Respondit se fecisse, et utrumque promisisse missuros se scripturas quas petitis. Accipiet eas vice mea, quamdiu ab Urbe abero, modo memoratus Elias. Omnia deinde istuc recte curabimus. 152 Athanase Kircher (1601/1602-1680, jésuite en 1618) se révéla un esprit encyclopédique, versé autant dans les sciences mathématiques que dans l’orientalisme. Il fut également un inventeur fécond, mettant au point une «lanterne magique», ancêtre des appareils de projection, un pantomètre, un orgue mathématique, un procédé d’écriture universelle et une machine à écrire, etc. (cf. S. CORRADINO, in DHCJ, 3, p. 2196-2198). 153

Poussines évoque vraisemblablement ici les fac-similés intégrés dans le Propylaeum antiquarium circa veri ac falsi discrimen in vetustis membraneis publié en tête du tome 2 des AASS d’Avril (1675). Kircher ne pouvait que s’y intéresser de près, car ses propres ouvrages contenaient des illustrations complexes. 154 Daniel Cardon (1644-1678, jésuite en 1661). Au terme de ses études de théologie, il fut associé au groupe des hagiographes d’Anvers; il mourut peu après, victime de son dévouement pour les pestiférés (cf. PIBA, 1, p. 192). 155 Léonard Hansen († 1685), dominicain, auteur notamment d’une Vita mirabilis et mors pretiosa venerabilis sororis Rosae de S. Maria Limensis, Rome, 1664. 156 Niccolò Bartolini fut prêtre de la Congrégation de la Mère de Dieu de 1664 à 1684. Il publia l’Hodoeporicon d’Ambroise Traversari († 1439) (cf. note 218), à Florence et à Lucques en 1680 (cf. G. MAZZUCHELLI, Gli scrittori d’Italia, t. 2/1, Brescia, 1768, p. 456).

140

B. JOASSART

Alterae literae hodie appulsae sinu claudebant epistolam signatam cuius haec est exterior inscriptio: Reverendo Patri Aloysio Leslaeo157 S. J., in collegio Anglicano. Nullus est eius nominis in Collegio Anglicano sed Pater Aloysius Leslaeus, qui nuper hic professionem votorum quatuor emisit die 15 mensis praeteriti, a duobus iam annis Rector est collegii Scotorum in Urbe. Addidi ergo titulo, Rectoris epithetum, et delevi mentionem Collegii Anglicani misique vestram epistolam ad illum. Suivent deux indications relatives à l’élucidation de passages de deux textes hagiographiques. La première concerne le dossier des SS. Timothée et Maure, martyrs en Thébaide († vers 286), publié par Papebroch dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [3 mai], p. 375-379 et 741-744. La seconde se rapporte au dossier des martyrs Alexandre et Antonine rédigé par le même Papebroch dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [3 mai], p. 379-382 et 744-746.

Reverendo Patri Bertet158 numerarem libenter quam pecuniam iubet Vestra Reverentia, sed haesit in Gallia, adeoque illum non introduxit in conclave Card. Bullionius159, ut ne in Italiam quidem duxerit. At jampridem depuduit mentiri Rhapsodos Batavos, quorum folia quidam hic Sterquilinia calumniarum in Jesuitas vocant; quibus quot hebdomadis impingendo tam evidenter falsa, suam ipsi non malignitatem magis quam stultitiam traducunt. Saluto ex animo R. P. Henschenium; et reditum gratulor R. P. Danieli Cardon. Eorumque ac Reverentiae Vestrae Sancta Sacrificia implorans, sum omnibus servus in Christo Petrus Possinus. Tusculo, die 17 Septembris 1676. Et hoc ad priores Reverentiae Vestrae datas 21 augusti. Egi cum Bibliothecario160 Eminentissimi Barberini (ipse enim clausus in longum ut videtur: tempus conclavi est161) de scriptis Holstenii circa notitiam Ecclesiarum Africae. Respondit: quiquid Holstenius de illo argumento reliquit, missum fuisse ad nostros curatores ultimae editionis Conciliorum162; qui ea omnia ibi posuerunt; petere igitur inde poteritis. De Actis Sancti Martyris Alexandri Romani, quaeram ubi Romam rediero, quod petitis supplementum. Si quae habetis, sumpta ut dicitis, sunt ex codice Pa-

157

William A. Leslaeus (1641-1704), jésuite (1666) de la Province d’Angleterre (ARSI).

158

Jean Bertet (1622-1692, jésuite en 1637) fut surtout attaché à l’apostolat des collèges. Il fut chargé d’aider Théophile Raynaud (1583-1663) pour la publication de ses œuvres complètes, qu’il termina après la mort de celui-ci. Féru de magie, il fut compromis dans «l’affaire des poisons» et Louis XIV exigea son renvoi de la Compagnie. Après quelques années d’exil, il revint finalement à Paris (cf. ROMAN D’AMAT, in DBF, 6 [1954], col. 180-181). 159 Emmanuel-Théodose de la Tour d’Auvergne (1643-1715) fut tôt pourvu de bénéfices prestigieux, créé cardinal en 1669 et nommé grand aumônier de France en 1671. Il participa au conclave de 1676 qui élit Innocent XI (1611-1689). Sa vie fut celle d’un courtisan, ayant connu pas mal de démêlés avec Louis XIV (cf. R. LIMOUZIN-LAMOTHE, in DBF, 6 [1954], col. 13231325). 160

Carlo Morone ou Moroni, mort sans doute en 1685 et successeur d’Allatius.

161

C’est-à-dire celui qui élit Innocent XI.

162 Poussines fait ici allusion à Philippe Labbe (1607-1667, jésuite en 1623) qui publia la célèbre collection Sacrosancta concilia (17 vol., Paris, 1671-1672), demeurée inachevée à sa mort et menée à son terme par Gabriel Cossart (1615-1674, jésuite en 1633).

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latino, spero reperiemus163. Quod si codex ille manens […] latine vertit quae desideratis. Vale iterum, Reverende ac dulcissime Pater. L25 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 147]

Rome, 14 août 1677

Note suprapaginale de Papebroch: De Vita Beati Benedicti de Fratelis Aprilis 4a. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. [Note marginale de Du Sollier: Videatur Vita Italica, p. 238] Gaudens accipio cum literis 23 julii datis expectatum indicium accepti isthic primi folii interpretationis latinae encomii Sancti Damasceni164. Tria sequentia consequenter missa sunt. Caetera mox continenter addentur. Mittam ad Dominum Bonetum165 fasciculum adiunctum. Sed moneo, solere sic illi Illustrissimi titulum tribui. Quare, si videbitur, in reliquis ad eum literis illo utemini. Larga profusio viget in his partibus istiusmodi honorificentiarum, quam emendare nostrum non est, et noceret negotiis, eos quorum opera egemus ostendere. Vita de qua scripsi sabato praeterito, Beati Benedicti de Fradelli edita est Panormi 1652 lingua italica; plane digna est quae in vestro Aprilis supplemento compareat. Egi iam cum uno e nostris Panormitano, ut inde mihi exemplum quod possim ad vos mittere curetur166. Praeter Vitam Sancti Petri Caelestini167 a Maffeo Vegio scriptam168, de qua postremis meis, suggerit idem Illustrissimus Dominus Abbas169 Riccius tria monumenta illustrandae Sancti illius historiae. 1. est: [note marginale: formula electionis notus dicitur v. initium seq. pag. Habemus] Fides Cardinalium: qualiter Frater Petrus de Morono fuit electus Pontifex in anno 1294. 2. Bulla canonizationis Caelestini Papae V quam fecit Clemens170 Papa V ex originali quod asservatur in Civitate Aquilae, in sepulcro eiusdem Sancti Caelestini Papae V. 3. [note 163

Le dossier d’Alexandre fut préparé par Henschen pour les AASS, Maii t. 3 (1680) [13 mai], p. 193-201 et 15*-16*. Le texte ici évoqué est la Passion BHG 48-49 conservée dans le ms. Vat. Gr. Palat. 27, f. 148rv. 164 Il s’agit du texte BHG 885, publié dans les AASS, Maii t. 2 (1680), p. 731-760, interprete Joanne Francisco de Rubeis, Iurisconsulto Romano. 165

Ludovico Bonetti, chanoine de Narni, cité à différentes reprises dans les AASS.

166

Benoît le More (1526-1589), originaire de San-Fratello, proche de Messine, ermite d’inspiration franciscaine puis ayant rejoint les Franciscains, fut annoncé parmi les Praetermissi du 4 avril dans les AASS, April. t. 1 (1675), p. 319. L’ouvrage ici mentionné est celui de Pietro Tognoletto, Vita e miracoli del venerabile servo di Dio b. f. Benedetto da S. Fradello… Novamente raccolta dal P. F. Pietro da Palermo…, Palerme, 1652. 167 Pierre de Morrone (1209-1296), élu pape sous le nom de Célestin V en 1294, fit l’objet d’un dossier rédigé par Papebroch dans les AASS, Maii t. 4 (1685) [19 mai], p. 419-536. 168 BHL 6752. Maffeo Vegio (1407-1458) fut notamment chanoine de Saint-Pierre de Rome et secrétaire des Brefs sous le pape (1431) Eugène IV (1383-1447). 169 Il s’agit de Michelangelo Ricci (1619-1682) qui sera entre autres secrétaire de la Congrégation des Indulgences et des Reliques et consulteur du Saint-Office, avant d’être créé cardinal en 1681. Il est évoqué à la p. 420 du dossier de Célestin V. Cf. également la lettre suivante. 170 Clément V († 1314), élu pape en 1305. Cette bulle de canonisation porte le numéro BHL 6745.

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B. JOASSART

marginale: deest] Exoratio Cardinalium facta Fratri Petro de Murrono, ut contentaretur suscipere locum Pontificis in quem fuerat electus, in anno 1294. Scripta sunt omnia manu aliquantum antiqua et praeferunt quamdam vetustatis venerabilitatem. Si jusseritis, describi curabo, et mittam. Saluto ex animo Reverendos Patres Henschenium et Cardon, utriusque et Vestrae Reverentiae Sanctis Sacrificiis me commendans, omnium servus in Domino Petrus Possinus. Romae 14 Augusti 1677. L26 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 148]

Frascati, 22 octobre 1677

Notes de Janning au verso: […] Domini Michaelis Riccii sententia de edenda chronologia Pontificum Romanorum. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Etsi mihi videbar iure posse differre usque ad meum in Urbem proximum reditum plenius responsum ad tres quas hic Tusculi rutiscans a Vestra Reverentia epistolas accepi, est tamen quod me urgeat, ut istud iam hinc officium anticipato repraesentandum putem, spes vobis gratificandi, libenter, ni fallor, cognituris, quid ab Illustrissimo Domino Michaële Angelo Riccio, hesterno cum eo sermone audierim. Venit huc ipse quoque purioris et salubrioris aurae captandae gratia. Quo ego comperto statim amicissimum hominem conveni; et quas vestrae literae injungunt gratiarum actiones pro tot monumentis ad Acta Sanctorum instruenda ultro comunicatis, vestro nomine gratias reddidi. Dixit, se ex quo me postremum viderat, quaedam alia reperisse ac seposuisse, vobis, ut sperat, utilia futura, quae simul Romam redierimus traditurum mihi promisit. {171Inde prono cursu ad vestrum opus consiliumque, quod passim solet, commendandum progressus, multa vobis perhonorifica congessit. Inter quae, captato tempore, ecquid, inquam, etiam probas quod Patres, dum Vitas Sanctorum illustrant, plerumque aliqua proferunt emendandae historiae accomodata; ut de caeteris taceam, circa obitus ingressusque Romanorum Pontificum, multa illi annotant haud parum ab hactenus creditis diversa. Qualium specimen iam videris in quadam praefatione ad Aprilem. Habereque ipsos audio longe plura eius generis; adeoque posse conficere catalogum integrum Pontificum ad hunc diem cum veris et bene probatis decessionis successionisque cuiusque ipsorum epochis. Sed retardari a tali opere vulgando, metu ne quosdam offendat crebrior a Baronii sententia discessio. Ad ea ille. Atqui vana illa quidem meo iudicio et nihil nisi panica formido est. Satis illi testati saepe sunt, quanti Baronium faciant; nec justa umquam ulli oborietur suspicio, invidere ipsos illius gloriae. Quin et proferre quae ipsum fugerint, imitari potius sit diligentiam illius, et vobis obsecundare, quam ulla ex parte debitae ipsi a cunctis reverentiae deesse. Audeant igitur me quidem autore: ac quidquid collectum habent eiusmodi argumenti, quamprimum in lucem publicam effundant, magnam inituri ab eruditis gratiam sine admixtione ullius a quamlibet piis invidiae}. Haec ille, et in eam sententiam plura, quae referenda hic Vestrae Reverentiae duxi, orans ut ea dulcissimis Collegis Henschenio et Cardoni nostris, praesertim autem priori, significet. Est Dominus Riccius consultor 171 Le passage entre accolades { } a été reproduit aux p. *1-2* de la première partie du Conatus chronico-historicus ad catalogum Romanorum Pontificum.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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Congregationum Sancti Officii, Rituum, et Indicis; Secretarius Congregationis de Indulgentiis, praecipuae apud Sanctum Dominum Nostrum [Innocent XI] existimationis et gratiae; ut talis viri autoritati deferri a vobis non imprudenter posse videatis. [note marginale de Janning: Anno 1681 Cardinalis creatus, non diu post obiit]. Vale optime Pater et mei apud Sanctam Aram dignare meminisse. Tusculi 22 octobris 1677. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. L27 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 149]

Rome, 30 octobre 1677

Notes de Janning au verso: […] Domini Joannis Lucii sententia de edenda quamprimum chronologia Pontificum Romanorum. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Acceptis Tusculi literis Vestrae Reverentiae 17 septembris scriptis quibus de Breviario Cryptae Ferratae quid velle ostendebat, adii Patres illos, et cognito ex ipsis jam completam editionem eius operis cura et sumptu ipsorum hoc anno Romae factam, oravi ut vobis seponeretur unum exemplar iusto pretio emendum. Statim curarunt afferendum unum Roma, mihique tradiderunt, remissis in nostri gratiam quatuor Juliis de pretio constituto duum et viginti Juliorum. Solvi ergo ipsis de vestra pecunia Julios octodecim librumque ad vos illum prima commoda oratione172 [= occasione] de sententia Fratris nostri Eliae transmittam. Spero istuc perlatum copiosum responsum Narniensium ad vestras literas quod fere ante mensem Tusculo, quo ad me pervenerat, destinavi. Ultimas vestras kalendarum octobris datas quibus docetis de parata voluntate Electi Antverpiensis [Vanden Eeden] ad consulendam Sacram Congregationem Rituum etc. simul Tusculi accepi, adii Montem Porcium173, ut eas ostenderem ibi rusticanti Reverendo Patri Assistenti [Noyelle] Vestro. Sed is domo aberat. Unde necessario rem distuli in eius meumque proximum in Urbem reditum. Dicitur is hodie aut cras venturus. Non dubito interim quin res illi probetur vehementer. Pergitur strenue in interpretatione encomii Damasceni, cuius reliqua folia dabimus operam ut tempori habeatis. Addo inclusum folium oratu Domini Joannis Lucii174 quo is R. P. Henschenium et Vestram Reverentiam de quadam sua conjectura consulit. Postremo mecum sermone, {175venerandus ille senex et ipse doctissimus et assidua cum eruditis Urbis conversatione sensus publici apprime conscius, tam ardenter incubuit ad suadendum ut quae nova lumina circa obitus successionesque Pontificum Romanorum, e monumentis non antea visis, hausistis quamprimum ederetis, ut sibi videri diceret ad id vos officio, et conscientiae obligatione cogi; cumque metum qui vos moraretur exponerem, dejerabat terrorem esse panicum, modo id cum convenienti venerationis erga Baronii memoriam}, significatione fiat. 172

Sic, pour occasione.

173

Monte Porzio Catone, localité du Latium.

174

Giovanni Lucio (1604-1679), historien dalmate, établi à Rome où il étudia plus spécialement l’histoire de son pays d’origine. 175 Le passage entre accolades { } a été reproduit à la p. 2* de la première partie du Conatus chronico-historicus ad catalogum Romanorum Pontificum.

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B. JOASSART

Alias alia. Plurimam salutem duobus collegis dico, eorum et Vestrae Reverentiae suffragia implorans. Romae 30 octobris 1677. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. Quod de Joanna a Cruce scribitis in catalogo praetermissorum ad diem III Maii176, utiliter ostendam Illustrissimo Casalio177, prima quae se offeret opportune de vestris rebus cum eo agendi occasione. Qualis optima esset si libellum Electi vestri ei offerendum haberem. L28 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 150]

Rome, 30 décembre 1677

Notes suprapaginales de Papebroch: Epistola allegata in Praefatione ad 1 partem de Pontificibus. 2 novembris de Sancto Theodoto. Notes de Janning au verso: Pater Petrus Possinus Romae 1677. Consilia sua de Actis Sanctorum cum decore tractandis, de Propylaeis praefigendis, de controversiis cum Carmelitis aliisque; quomodo et quando et quo loco iis respondendum sit. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Inter multa quae certatim se aggerunt in argumentum hujus epistolae (quam inde auguror longiusculam futuram), illud cunctis praeverti dies anni penultimus quo scribo, monet ut ante omnia voveam et precer Reverentiae Vestrae, R. P. Henschenio, R. P. Cardon faustum prosperum fortunatissimum quem auspicaturi mox sumus annum, compluresque ex hoc consecuturos, ad Dei Sanctorumque gloriam. Venit nuper ad me Reverendus Pater Harold178, Hybernus, historiographus Franciscanorum, et attulit transmittendam ad vos prolixam vitam Sancti Declani episcopi et confessarii diligenter a se collatam cum archetypo manuscripto in archivio ipsorum Sancti Isidori servato, annotatis ad marginem diversis lectionibus179. Spero vos recepisse cuncta jam folia interpretationis encomii Damasceni. Ipsum graecum encomium 45 magnis foliis quatuor unoquoque paginarum, paratum transmissioni habeo, quando et qua via jubebitis. Invisi heri Reverendum Patrem Leandrum Congregationis Oratorii180. Is mihi dixit habere se in promptu quae ad vos mittat: 1: Vitam Sancti Philippi Nerii latine

176

Cf. AASS, Maii t. 1 (1680), p. 360, où est annoncée parmi les Praetermissi Jeanne de la Croix († 1534), tertiaire franciscaine. Elle fut considérée comme une sainte par les uns, comme une fausse mystique par les autres. Son procès de béatification fut commencé en 1619, mais la cause n’a pas abouti (cf. R. AUBERT, in DHGE, 27 [2000], col. 933). 177

Bernardino Casali fut secrétaire de la Congrégation des Rites de 1662 à 1689.

178

Francis Harold († 1685), franciscain irlandais, enseigna la philosophie et la théologie puis, appelé à Rome par son oncle Luc Wadding, fut chargé de poursuivre ses Annales Minorum. Il fut en contacts suivis avec Papebroch (cf. Cl. SCHMITT, in DHGE, 23 [1990], col. 395). 179 Le dossier de S. Declan, considéré comme l’un des évangélisateurs de l’Irlande avant S. Patrick, fut préparé par Pierre Van den Bossche pour les AASS, Iul. t. 5 (1727) [24 juillet], p. 590-608. À la p. 593, le bollandiste rappelle qu’Harold envoya, en 1679 (sic), une copie de la Vie BHL 2116 ici évoquée, appartenant au monastère romain Saint-Isidore. 180

Leandro Colloredo (1639-1709, oratorien en 1653) occupa différentes charges dans le gouvernement de son Ordre et fut notamment bibliothécaire; il entretint des relations étroites

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scriptam omnium plenissimam, numquam adhuc editam; 2: compendium Actorum, Processuum, Miraculorum etc. accuratissime e scripturis authenticis Sacrae Rituum Congregationis visis et probatis collectum et digestum; 3: Relationem consistorialem Cardinalium coram Pontificem in causa canonizationis eius S. recitatam181. 182 { Rogavit obiter ut vos suo nomine consulerem circa litem hic modo ventilatam de Theodoto episcopo Laodiceno quem Illustrissimus Michaël Angelus Riccius et alii viri docti putant aut valde suspicantur immerito irrepsisse in Martyrologium Romanum, ubi 2 novembris perhonorifica eius extat mentio; cum tamen in omni memoria rerum arianarum illa pice is infectus appareat, nec idoneum eius resipiscentiae uspiam indicium cernatur. Quamobrem Henricus Valesius183 in opusculo de Martyrologio Romano ad calcem annotationum ad Eusebium edito, non dubitat pronunciare perperam id nomen istud intrusum, et Baronii quod non expunxerit, diligentiam requirit}184. Habeo acta graeca Sanctorum Alphii, Philadelphi et Cyrini Martyrum iussu dudum vestro e Vaticano codice descripta185. Habeo et horum revisionem latinam a Joanne Francisco de Rubeis186 elaboratam. Pertinent, ni fallor, hi Sancti ad Maium vestrum. Quando igitur et quo modo ea destinari ad vos vultis ? Hactenus quasi per saturam hinc inde instantia congessi. Tranquillius deinceps et otiosius constitui agere. Si tamen prius impetravero a vobis veniam ingerendi me vestris consiliis, et ̯̫ԉ½̷̢̡̨̝̬̬̣̮̥̘̥̩̥̦̬̩̯̥, in meis circa ea cogitationibus (obnixia tamen et parata decretis vestris ultimis acquiescendi docilitate) proponendis.

avec de grands érudits de son temps, tel Mabillon. Il fut créé cardinal en 1686 (cf. F. PETRUCCI, in DBI, 27 [1982], p. 82-85). 181

Philippe Neri (1515-1594), canonisé en 1622 par Grégoire XV (1544-1623, élu pape en 1621), fit l’objet d’un long dossier rédigé par Papebroch dans les AASS, Maii t. 6 (1688) [26 mai], p. 460-656. 182

Le passage entre accolades { } a été publié dans les AASS, Iun. t. 7 (1717), p. 647. Même s’il est cité par Adon, Usuard et Baronius à la date du 2 novembre, et s’il fut l’objet d’un culte à Laodicée où il avait opéré des miracles, Théodote est un personnage controversé à cause de ses sympathies pour les positions ariennes. Il a été rangé parmi les Praetermissi du 2 novembre, à la p. 420 du 1er t. (1887) des AASS de Novembre. 183 Henri de Valois (1603-1676), ancien élève des Jésuites à Verdun et à Paris, fut tout d’abord avocat au Parlement de Paris. Il renonça au barreau en 1630 pour se consacrer aux travaux d’érudition relatifs à l’Antiquité et aux premiers siècles chrétiens. À la demande de l’épiscopat français, il publia notamment une édition des historiens ecclésiastiques grecs, dont Eusèbe de Césarée (cf. É. AMMAN, in DTC, 15 [1950], col. 2525-2526). 184 Valois publia en 1672, à Mayence, une édition des Eusebii Pamphili ecclesiasticae historiae libri decem, eiusdem de vita imp. Constantini libri IV, suivie d’annotations avec pagination autonome. Aux p. 315-317, se trouve une Dissertatio de Martyrologio Romano quod edidit Rosweydus à laquelle il est ici fait allusion. 185

Le dossier de ces martyrs sous Valérien fut préparé par Papebroch dans les AASS, Maii t. 2 (1680) [10 mai], p. 502-550 et 772-788. Dans son introduction, Papebroch dit avoir disposé du texte BHG 58 ici évoqué, d’après le ms. Vat. Gr. 1591, conservé aux f. 110-147. On notera que ce texte est aussi présent dans le Vat. Gr. 866, f. 283-302 et dans le Palat. 27, f. 98-103v. 186 Dans le dossier de SS. Alphius et ses compagnons, Papebroch évoque une version latine des Actes, réalisée par Gianfrancesco Albani.

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Scribit ad me Vestra Reverentia 26 septembris inchoasse vos eo die impres187 sionem tomi 2 Maii vestri , et destinasse quid ornandis propylaeis quinque, quot mensem illum explicabitis, tomorum vestro et bono more comparaveritis speciosioris argumenti Praefationum. Addit, primo et secundo tomis praeponere vos decrevisse responsiones vestras et iustissimas Apologias adversus Armamentarii Carmelitici partem secundam contra vos nuper editam188. Mihi (quod pace vestra dicere liceat) id minime probatur. Quia non satis videtur habere dignitatis tota ista vitilitigatio, ut recte in fronte tam augusti operis spectetur. Soletis, ni fallor, dedicare Pontifici regnanti primum tomum vestrum mensium, alterum Cardinali si forte cuipiam. Porro isti summatas nuncupatorum sibi librorum primas saltem paginas legunt, intima ne cognoscant, curis et negotiis fere prohibentur. E primis foliis de re tota plerumque censent. Nollem illis tali obiici loco jurgium privatum, nollem dari, parum perspectam habentibus mentem indolemque vestram occasionem ex hoc specimine autumandi, pugnaci vos animo et rixarum avido in ista compilatione versari. Addo irritandum tanto vehementius utrumque tam amplum et pollentem IJԖȞ ѓ̧̥̝̩Ԗ̩ Ordinem, si tam illustri loco eorum dedecora defigantur. Et quoniam et ipsi multi sunt, et non paucos ubique gentium patronos et fautores habent, facile per se sibique obnoxios, mentes plurimorum a vestro opere abalienabunt, ipsa aditus asperitate offensas, indeque pronas ad secus de caeteris opinandum totamque adeo aspernandam rem. Itaque omnino praestare judicarem penultimo extremoque volumini necessarias istas defensiones reservari; sicque quasi abscondi et in angulum reiici cum etiam omen praeferat sibi fidentis conscientiae non cupide ad excusationes objectorumque depulsiones provolare. Ac mihi credite: non sunt vobis multum necessariae purgationes istae. Extra Professores utriusque istius Ordinis, nemo fere non vestrae causae sponte favet. Quia plerique miserantur Patres istos, quod domesticis rationibus cogantur tam inverisimilia defendere. Quo minor urget necessitas accurrendi suppetias quasi graviter periclitanti famae vestrae. Quam vel efficacius speretur in tuto positura, ipsa illa species securae fiduciae in ultro differenda oppositorum confutatione monstrata si differre dici debeat, eam in ultimum aut penultimum quinque simul prodeuntium tomorum seponere. Nunc quoniam, ut scribere alicubi Tullium memini, qui semel verecundiae fines transierit, eum bene et naviter oportet esse impudentem, irrumpam etiam ulterius audaci curiositate, non dissimulando cuiusmodi cuperem vestris primo et secundo Maii tomis, vice recriminationum carmeliticarum, splendidas plausibilesque Praefationes imponi. {189Video in limine Aprilis vestri marmor idoneum magnifice struendae portae speciosae Maio vestro. Extat ibi delibatio chronologiae Romanorum Pontificum e monumentis serius repertis emendatae190. Delibatio inquam 187

Ce volume parut en 1680.

188

Armamentarium 2.

189

Le passage entre accolades { } a été reproduit à la p. 2* de la première partie du Conatus chronico-historicus ad catalogum Romanorum Pontificum. 190

Le 1er t. des AASS d’Avril (1675) s’ouvre sur une Diatriba praeliminaris in catalogos veteres Romanorum Pontificum, p. I-XXXVII, due à Henschen.

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et specimen quasi merum, nam praecipua scribentis opera consumitur exercitationibus pereruditis tribus, in controversiis disceptandis alterius et generis et temporis, nihil admodum ad veram seriem successionesque Pontificum facientibus, utramlibet tandem in partem definiantur spinosae istae et horribilibus obseptae difficultatibus quaestiones, sexcentis iam a scriptoribus tractatae; ut minus publice desideretur nova de his disputatio. At Pontificum vel ineuntium vel desinentium verae epochae certioribus et nondum visis ad indubitabilia momenta testimoniis aut indiciis defixae, res esset quam perlibenter in prolegomenis (quae fere, ut dixi, sola vident) nuncupatorum sibi voluminum Pontifex Cardinalesque legerent; quam eruditi cupide scrutarentur; omnes avide spectarent. Ergo, quod potestis, ne gravemini promere integram plenamque illustrationem historiae pontificiae universae, a mendis quibus scatet innumeris purgatam}. Plus ea complectitur materiae quam ut congrue una prooemiali dissertatione coarctetur. Duae sylvam exhaurient, eaedemque cohonestandis duorum principum Maii tomorum Principiis palmariam speciem mihi quidem sperarentur habiturae. {191At enim periculum est ne Romae praesertim, multos offendat crebra non evitabilis hoc agentibus a Baronii sententia discessio; cur hoc metuatur, si nec in re, nec in hominum opinione talis formidinis umbra ulla residet. Quis non videt nullam esse culpam Eminentissimi Ecclesiasticae Historiae Patris non vidisse quae nondum extabant dum ipse viveret monumenta ? Quod assensum spectat Romae degentium, scripsi alias Vestrae Reverentiae quid Illustrissimus Michaël Angelus Riccius, quid Dominus Joannes Lucius mihi de hoc dixerint, non ex sua ipsorum solum sed et omnium qui hic degunt eruditorum, quibus sunt familiarissimi, sententia. Patrum Oratorii Romanorum non alia, pro ipsorum sapientia et aequitate, dispositio mentis. Id heri mihi diserte confirmavit superius memoratus Pater Leander, cui novissime sua congregatio partes, imposuit praevehendae ulterius Annalium Baronii continuationis post Odericum ̯Ԗ̩ į̝̲̝̬ҡ̯̣̩u cuius tomus ultimus posthumus sub praelo est. Equidem arbitror adeo non ista re maculandam Baronii memoriam, ut potius expetendum eius causa volentibus sit, si quid ei defuerit, post repertum, non ab haereticis vel aliter infensis insultabunde ostentari (quod si a vobis omittatur, fiet) sed a benevolis impense faventibus cum eius defensione ad Laudum praedicatione produci}. Quod dixi, Prooemiis trium ultimorum Maii tomorum ̯Ԗ̩ ѓ̧̥̝̩Ԗ̩ confutationes posse praeponi, re melius considerata nunc revoco. Non mihi videtur ea materia conveniens vestibulo pii et pacifici operis commendando. Submereatur potius […] ad Acta eius Ordinis Sanctorum, aut alioqui ei argumento affinium. Sic minus isti Patres dolebunt, sic magis apparebit mera vos necessitate invitissimos adigi ad serras litium cum viris bonis reciprocandas. Memini legere in quibusdam vestris literis habere vos unde illustretis series similes praesulum qui primarias ec192 clesias vexerunt, puta Jerosolymitanam, Mediolanensem, Trajectensem . Eae aut 191

Le passage entre accolades { } a été reproduit à la p. 2* de la première partie du Conatus chronico-historicus ad catalogum Romanorum Pontificum. 192 De telles publications paraîtront effectivement dans les AASS: dans le t. 3 (1680) de Mai, un Tractatus praeliminaris de episcopis et patriarchis sanctae Hierosolymitanae Ecclesiae, p I-LVII, signé par Papebroch; dans le t. 7 (1688) du même mois, une Exegesis historica de

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similes, occasione e tractatis in quolibet e tomis ultimis tribus arrepta, commode ornare cuiuslibet illorum aditus possent, ut sic omnium cultus uniformis foret. Sed iam desinere me margo uterque post ц̮̲̝̯ҧ̧̥̫̩ plenus cogit, locum utique scripturienti ulterius pennae negans. Vale Pater Optime, ignosce, et tuis Sanctis Sacrifiis me juva. Romae 30 decembris 1677. Servus in Christo Petrus Possinus. L29

À Papebroch [ms. boll. 1110, n° 25]

Rome, 12 février 1678

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Mirabar diuturnum ab Illustrissimo Casalio silentium post redditas illi a me ante mensem in manus literas Illustrissimi ac Reverendissimi Praesulis vestri et, paulo posterius alias, Venerabilis Capituli Anderlechtensis193, cum ecce heri ad me Nuncius ab ipso, docuit me Sacra Congregatio antequam quidquam decerneret, communicandum putavisse Ordini Carmelitano libellum Reverendissimi Antverpiensis. Eum considerarunt illi Reverendi Patres otiose ac tandem scriptum prolixum cum eo remisere, cuius mihi videndi copia facta est, sic tamen ut continuo redderem, quod feci. Apparet in eo sollicitudinem non parvam Patrum incussam. Agunt valde suppliciter, profitentes: quod est in lectionibus positum non aliam quam humanae fidei autoritatem habere; haud probari sibi imprudentiam eorum e suis qui aliud, ut fertur, jactaverint: Generalem ipsorum circulari de hoc missa tales cohibiturum; deprecavi ne aliae ideo lectiones aut indicantur aut permittantur. Primatum excellentis dignitatis in voto virginitatis Beatissimae Virgini non tolli per Traditionem tale votum in Elia eiusque ante Christum sequacibus agnoscentem, multis conantur adstruere; caeteris etiam incommodis allegatis ab Illustrissimo Antverpiensi scandali eruditorum, irrisionis haereticorum etc. prout possunt occurrunt. Expectabimus quid ad extremum decernatur.

episcopatu Tungrensi ac Traiectensi, p. XVIII-LIV, due à Henschen, et un Tractatus praeliminaris II quo chronologice deducitur series episcoporum et archiepiscoporum Mediolanensium usque ad annum Christi MCCLXI, p. LIV-LXXXIII, préparé par Papebroch. 193

La fête de Notre-Dame du Mont-Carmel fut établie dans l’Ordre des Carmes entre 1376 et 1387 et fixée à la date du 16 juillet en souvenir de l’apparition de la Vierge qui, en 1251, avait remis le scapulaire au Prieur général des Carmes Simon Stock († 1265). Elle devint la fête principale de l’Ordre en 1609. En 1674, à la demande de la reine d’Espagne Marie-Anne (16341696), Clément X étendit cette célébration à toutes les possessions espagnoles, dont les PaysBas. Les deux documents ici évoqués par Poussines concernent l’Office de cette fête intégré dans le bréviaire et furent adressés à la Congrégation des Rites par l’intermédiaire de Casali, son secrétaire. Le premier, daté du 3 décembre 1677, émanait de trois chanoines de la collégiale des Saints-Pierre-et-Guidon, à Anderlecht (commune aujourd’hui dans la Région de Bruxellescapitale) (le ms. boll. 1109, pièce 29, conserve une copie de ce texte établie par Papebroch); le second était une lettre d’Aubert Vanden Eeden du 17 décembre 1677 (publiée dans l’Elucidatio, p. 27). Dans les deux documents, les auteurs se demandaient comment il était possible de lire les lectures du second nocturne qui affirmaient que les Carmes étaient les disciples directs d’Élie ayant vécu sous les trois vœux traditionnels de la vie religieuse, alors que ces mêmes Carmes se présentaient comme «frères de la Vierge Marie», laquelle était considérée comme la première à avoir consacré sa virginité à Dieu. La question était d’ailleurs remise dans le contexte des PaysBas où les catholiques, tenus à célébrer cette fête, vivaient avec nombre de Protestants.

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Deinceps ad postremas duas vestras. Prior 14 januarii data declarat, desiderare vos Acta integra graeca Sancti Alexandri Martyris cuius Natalis in XIII maii incurrit194. Opinamini ea in Vaticana servari. Inde enim credibile putatis Sir195 letum interpretem hausisse. Vos tamen ipsi cum hic essetis, non reperistis, nisi eorum fragmentum in codice, ut vos appellatis, Palatino, qui res illic curant, Urbinatem vocant. Nam in tali, fragmentum istud Graecum pariter ac de vestro indicatis incipiens ac desinens, nunc secundo repertum est. In aliis cunctis indicibus etsi accuratissimis, nihil plane inveniri potuisse, alias Reverentiae Vestrae scripseram. Iterum tamen hac hebdomade quaerendum curavi nihilo feliciori successu, ut heri mihi respondit unus e bibliothecariis ministris scriptor graecus Dominus Josephus de Juliis196. Omen Mediolanensis Martyris Possini reverenter et gratias agens accipio, indignum me reputans qui vel pulverem sepulcri ejus exosculer. Breve Pontificium ad Lovanienses cuius exemplum scriptum mittitis, viderat jam typis editum latine et flandrice R. P. Assistens vester [Noyelle]. Gloriationes istorum ac minae nec impediri queunt, nec curandae multum sunt. In causa hic pergitur. Iam in Congregationibus consultorum discussa sunt omnia. Congregationes coram Cardinalibus multae iam habitae quasi dodrantem negotii totius peregerunt. Restat classis tertia Congregationum coram Pontifice. Harum prima tantum hac hebdomada est habita; indicta secunda in Feriis V. I. Hebdomadis Quadragesimae. Successus ultimus ̡̫̅ԉц̩̟̫ҥ̡̩̝̮̥̦Ӻ̯̝̥causas habemus bene sperandi. Transeo ad vestras ultimas 21 januarii datas. Perlata ultima folia elogii Damasceni gaudeo197. Graeca tenebo quoad aliud mandetis. Iubetis deinde sine dilatione mitti per cursorem interpretationem latinam Actorum Sanctorum Alphei, Cyrini etc. En hujus tria folia his adjungo, totidem deinceps singulis sabbatis missurus, graeca interim, quando et qua praescribetis via istuc destinanda, retinens. Acta Sancti Declani et alia a Patre Haroldo accepta conjiciam in primum fascem grandiorem cum aliis plurimis. Quae ad Sanctum Philippum Nerium spectant, in reditum hinc vestri venturi Procuratoris [Van Schone] differentur. Quae circa scrupulos a me propositos judicastis, amplector, exosculor, venerans laudo. De indicio vestri circa Theodotum Laodicenum iudicii gratias habeo. Illud Illustrissimo Riccio, Reverendo Patri Leandro et aliis, quibus convenit, ostendam. Salutem opto plurimam Reverendis Patribus Henschenio et Cardon, eorum uti et Vestrae Reverentiae precum et Sacrificiorum suffragia implorans. Roma, 12 Februarii 1678. Omnium Servus in Domino, Petrus Possinus. L30 À Papebroch [KBR 8963, f. 47rv]

Rome, 27 août 1678

Notes suprapaginales de Papebroch: Miraculum Sancti Francisci Xaverii. De Sancto Frontone. De Sancta Eupuria.

194

Cf. note 163.

195

Guglielmo Sirlet (1514-1585), théologien et érudit italien, fut nommé custode de la Bibliothèque Vaticane en 1553 et préfet en 1570, et créé cardinal en 1565. 196

Scriptor grec de la Bibliothèque Vaticane.

197

Cf. note 164.

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Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Egi cum Domino Josepho de Juliis, ut quaereret in Vaticana Vitam graecam Sancti Frontoni198, et in ea exploraret quod Vestra Reverentia desiderat. Nihil adhuc respondit; quod indicio est nihil dum ab illo repertum. Gratias ago pro notitiis de Sanctis Pio et Aniceto, valde curiosis et bonis199. Forte mittam de his aliquid quod vos nosse non pigebit. Mitto cum his literas Domini Bonetti ad Vestram Reverentiam; valde Narniensibus placuit ectypum sculptae isthic figurae confessionis ipsorum200. Itaque me orarunt ut vobis eo nomine gratias agerem. Ostendi Reverendo Patri Kircher quod ad ipsum spectabat in ultimis vestris. Salutat impense Reverentiam Vestram. Nihil dudum audio e Caieta, unde expectabam scripta quaedam de Sancta Eupuria, quorum spem fecerant sed adhuc silent201. Lectiones quas a me petunt Sancti Erasmi non prius scribam, quam a Vestra Reverentia aliquid lucis accepero circa dubia quae proposui202. Hac hebdomade prius in Collegio Germanico, deinde in Domo Professa, celebratum est pie, magnifice et opipare Serenissimi Archiducis Leopoldi Augusti Primogeniti Natale203. Praecesserant de eodem laetissimo eventu publicae civitatis et principum gratulationes festis ignibus declaratae, post conventum Sacri Collegii in templum nationale Germanorum ad solemnem decantationem hymni Te, Deum. {204Die quinto mensis hujus contigit hic quiddam satis mirum. Mulier quaedam cui nomen est Aurora Ardita, comunicaverat eo die in nostro templo Collegii Romani ad altare sacelli Sancto Xaverio dicati, ex devotione peculiari erga hunc sanctum. Rediens e templo domum gestabat in ulnis neptem suam parvulam, quando ecce in platea quam vocant Quatuor Fontium ante aedes familiae Maximorum, occurrit ei vacca furens paulo ante meridiem. Haec incurrens in feminam, infesto cornu ejecit eam sursum ad altitudinem trium fere ulnarum; mox humi 198 Il s’agit de Front, abbé légendaire du désert de Nitrie, dont Henschen publia le dossier dans les AASS, April. t. 2 (1675) [14 avril], p. 201-203, et à propos duquel aucun texte grec ne fut découvert dans les manuscrits de la Bibliothèque Vaticane (cf. lettre du 19 octobre 1678 [L 31]). 199

Sans doute s’agit-il des papes Pie Ier et Anicet.

200 Entre les p. 404 et 405 du dossier de S. Juvénal de Narni (AASS, Maii t. 1 [1680], p. 386-406), est imprimée une remarquable gravure de la confession de la cathédrale de Narni (reproduite dans Bollandistes, saints et légendes, p. 63). Papebroch, qui s’était arrêté dans cette ville le 22 décembre 1660, précise qu’un dessin très exact de cette confession avait été envoyé à Anvers par le chapitre de la cathédrale, à la suggestion de Bonetti (p. 387). 201

Le dossier d’Eupuria de Gaète, ayant vécu à une époque inconnue, fut rédigé par Henschen dans les AASS, Maii t. 3 (1680) [16 mai], p. 575-577. 202 Le dossier d’Érasme, martyr à Formia, en Campanie, sous Dioclétien, fut préparé par Henschen dans les AASS, Iun. t. 1er (1695) [2 juin], p. 211-219. Le ms. boll. 124, f. 250-251v, conserve des Hymni officii pecularis Ecclesiae Cajetanae 2 Junii de S. Erasmo singulari patrono cujus sacrum corpus ibi quiescit, écrits de la main de Poussines. Papebroch a noté: Auctore (nisi fallor) P. Petro Possino qui Cajetae fuerat et rogatus fuerat novos hymnos conscribere, eosque sua manu hac in charta sic exaratus mihi Roma misit. D. P. 203 Le 26 juillet précédent, était né l’archiduc Joseph, fils de l’empereur (1658) Léopold Ier (1640-1705), qui succédera à son père en 1705. 204

277-278.

Le passage entre accolades { } a été édité par COENS, Poussines – François Xavier, p.

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afflictam iterato ictu denuo jactans, extulit in spatium minus altum. Sed cum impetum caperet fera bestia ad incursandam mulierem tertio, ab accurrente juvene repressa est. Tum accursum a vicinis ad jacentem feminam. Haec cum parvula in ulnis gestata, reperta est prorsus incolumis, dilaceratis tantum cornu vestibus etiam intimis, invocasse se aiens non frustra Sanctum Xaverium in periculo suo et neptis parvae quam semper appressam gremio tenuit.} Salutem plurimam Patribus Henschenio et Cardon quorum, et Vestrae Reverentiae me Sacrificiis commendo. Romae 27 Augusti 1678. Servus in Christo Petrus Possinus. L31 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 153] 205

Frascati, 19 octobre 1678

Note suprapaginale de Papebroch: De Patre Ignatio Azevedo Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Inscriptam Vestrae Reverentiae epistolam ut modo accepi mitto, nesciens, unde, a quo, aut qua de re scripta sit. Veni Tusculum quindecim diebus solito tardius, sub finem demum septembris. Causa Romae morandi fuit, quod habebam in manibus Reverendissimi Patris Magistri Sacri Palatii [Capizucchi] historiam Vitae ac Mortis Azevedii et sociorum eius, libris quatuor etc.206 Eam accurate inspectam probavit Reverendissimus et prolixe indulsit editionem, quam spero hoc novembri inchoandam. Antequam Roma discederem mandaveram Domino Josepho de Juliis descriptionem Actorum quae sequuntur post Alphiana prout Vestra Reverentia mandarat. Sed huc appulsus epistolium accepi Fratris nostri Eliae cui erat inclusa pars epistolae ad ipsum Vestrae Reverentiae qua revocabat prius mandatum. Statim itaque scripsi ad Dominum Josephum, idipsum admonens. Rescripsit is mihi, nondum se inchoasse descriptionem. Quod Acta illa quae Vestra Reverentia designat, etsi diligenter quaesita necdum reperire potuisset, perseveraturus in quaerendo, ni monuissem. Addit de Sancto Frontone nullam in codicibus Vaticanis extare Vitam eius, sed tantum mentionem ipsius in quadam Sancti alterius Vita. Expecto vestrum Procuratorem [Van Schone], cui praeter copiosissima Sancti Philippi Nerii Acta, 205 Cette lettre, ayant été coupée après la date, ne porte pas de signature. Elle comprenait également un post scriptum rendu illisible. 206 Ignace de Azevedo (1527-1570, jésuite en 1548) occupa différents postes de gouvernement dans sa Province de Portugal, fit un premier séjour au Brésil, revint à Rome puis repartit au Brésil avec plusieurs dizaines de confrères. Les uns embarquèrent sur un bâtiment de guerre, les autres – dont Ignace – sur un navire de commerce. Celui-ci fut arraisonné par un corsaire français huguenot qui fit massacrer tous les religieux. Très vite, ces derniers firent l’objet d’un culte. Grégoire XV approuva la fête par un indult. En 1625, Urbain VIII ordonna l’arrêt du culte public. Plusieurs tentatives de béatification eurent lieu durant les 17e et 18e siècles, mais sans résultat. En 1854, la Congrégation des Rites approuva la reprise du culte. L’ouvrage ici évoqué est le De Vita et morte P. Ignatii Azevedii et sociorum eius e Societate Iesu libri quatuor, Rome, 1679. L’exemplaire du livre offert par Poussines lui-même est toujours présent dans l’actuelle bibliothèque des Bollandistes, avec la dédicace RR. PP. Henchenio et Papebrochio Autor d. d. Sur le verso de la page de garde, Papebroch a noté: Bruxellis in bibliotheca nostra habetur informatio pro Ven. servo Dei Ignatio Azelvedio et sociis auct. p. Iosepho Fitio tamquam procuratore in causa canoniz. Romae 1669 in 4°.

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multa quoque alia vobis apportanda pactus sum committere. Extuli rus petens codicem perantiquum graecum ascetica opuscula; complectens e quibus in hoc otio decem descripsi quae mihi praestantia sunt visa et fortasse si Deus dederit edentur. Faustissima omnia precor Reverendo Patri Henschenio, Patri Cardon et Reverentiae Vestrae, omnium suffragia implorans. Tusculi XIX octobris 1678. L32 À Papebroch [ms. boll. 1110, n° 27]

Rome, 25 février 1679

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Expectanti mihi mutuas ad Vestram Reverentiam literas a Patre Reverendissimo Magistro Sacri [Capizucchi] Palatii, venit heri missus ab ipso qui mandaret vobis scribi: nullam spem restare impetrandi quidquam eorum quae petebatis circa Acta Beati Pii V207; adjungebat, indicarem praeterea (quae videbatur subiici quasi ratio repulsae) quosdam e Suis Patribus valde vobis succensere propter quaedam quas scripsistis tomo I Aprilis in quadam appendice pagina 903208. Legi totam illam appendicem perattente, nec mihi visa est quidquam habere unde possint jure conqueri. Venitque in mentem illud Martialis: Genus, Aucte, lucri divites habent iram: Odisse quam donare vilius constat209. Ac Pater quidem Reverendissimus se perseverantem exhibet in bono erga vos animo, sed significat, haud posse propter istas suorum offensionem, eas edere declarationes quae vellet amoris studiique in vos sui. Forte non esset abs re literas ad illum dare clare ac breviter monstrantes, nihil illic a vobis dictum quod de gloria Sancti Thomae Aquinatis vel minimum quid detrahat, multa quae potius eam augeant et celebrent, prolata. Nec tamen sperabile autumo, cunctis sacri eius Ordinis Patribus posse plene a nobis satisfieri. Fuerunt, sunt, et, prout est verisimile, semper erunt inter illos aliqui, iis oculis nostra quaelibet cernentes, a quibus expectare favorem vanum sit, metuere iram pronum. Exempla succurrunt quae proferrent, si epistolae angustia caperet. Summa sit: amandos, venerandos, sed, quam minimum potest fieri, cum iis negotii habendum, ne ipsa iis obsequendi eosque demerendi sedulitas fastidio sit ipsis, aut in fomitem odii vertatur. Egi cum alumnis graecis de liturgiis eorum quarum exscribi vobis certas partes cuperetis. Responderunt, edita extare omnia vel in Euchologio per Goarem edito, vel in aliis ecclesiasticis libris aliquoties cussis210. Pergam tamen ulterius in207 Pie V avait été béatifié en 1672. Il fera l’objet d’un dossier publié par Henschen dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [4 mai], p. 616-719. 208

Aux p. 903-906 du t. 1er des AASS d’Avril (1675), Papebroch avait publié une dissertation De officio Venerabilis Sacramenti ex directione S. Iulianae composito, dans laquelle il contestait la thèse selon laquelle cet office avait été composé par Thomas d’Aquin. Devant les protestations des Dominicains, Papebroch publiera une rectification intitulée De officio pro festo Corporis Christi, Urbani VI jussu, per Thomam composito, insérée dans le Conatus chronicohistoricus ad catalogum romanorum Pontificum, p. *51-*53. 209 210

Épigrammes, livre XII, 13.

Le dominicain (1619) Jacques Goar (1601-1654), qui consacra une importante part de sa vie aux études grecques, publia notamment un ̂Ѿ̷̧̲̫̟̥̫̩ sive rituale graecorum, Paris, 1647.

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quirere circa id, et capita reliqua ultimarum Reverentiae Vestrae literarum, et quod occurerit perscribam. Salutem opto plurimam Reverendo Patri Henschenio eiusque ac Vestrae Reverentiae Sancta Sacrificia implorans, sum utrique servus in Christo, Petrus Possinus. Romae 25 Februarii 1679. L33 À Papebroch [ms. boll. 1110, n° 28]

Rome, 8 avril 1679

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Accepto fasciculo sex epistolarum quarum quinque totidem Dominicanis inscribebantur, curavi tria exempla bona manu describi Apologeticae ad Reverendissimum Patrem Magistrum Sacri Palatii [Capizucchi]; quo facto detuli ad Eminentissimum Cardinalem Owardum de Norfolk211 fascem rite inscriptum et sigillatum in quo cum vestris ad eum literis, erat exemplum unum memoratae modo Apologiae. Revisi Eminentissimam illam postquam iam potuerat perlegisse omnia. Prolixe significavit se persuasum in vestrum favorem, displicereque sibi ostendit morosas suspiciones vitilitigatorum istorum qui nodum in scripto quaesierunt. Non minus benigne me excepit Magister Generalis Ordinis Praedicatorum212 cui pariter suas a vobis literas cum exemplo Apologiae adiuncto reddidi. Cum multa sincera benevolentia erga Societatem et vos declaratione promisit se vobis rescripturum. Magistrum Sacri Palatii [Capizucchi] in suis aedibus non reperi. Sed ne mora fieret negotio, reliqui in manu Patris Caroli Manderscheid fasciculum inscriptum illi Patri Reverendissimo et sigillo munitum quo continebatur ipsum autographum vestrae ad illum prolixioris epistolae. Quem animum post eam lectam ostenderit, scribet sine dubio ad vos R. P. Manderscheid, cui id experimento nosse contingerit. Mihi ne ipsum quidem Patrem Carolum videre ex eo tempore licuit. Reverendis Patribus Dominicanis Hansen et Wynans213 vestras item reddidi literas, voce admonens memoratam in iis Apologiam esse in manu Reverendissimi Patris Generalis Magistri, quicum diversantur; ex quo rogavi ne gravarentur accipere libenter comunicaturo. Athaeneum Augustum hodie datis literis accersitur huc Perugia pro vobis. Bibliothecam Neapolitanam hic repertam emi vobis heri Juliis 14214. Opus est iusti 211

Philip Howard, en religion Thomas (1616-1694, dominicain en 1645), né dans une famille anglicane mais ayant reçu une éducation catholique, connut une vie mouvementée. Sous le roi (1660) Charles II (1630-1685), il devint aumônier de la reine (1662) Catherine de Bragance (1638-1705). Il joua un rôle prépondérant dans la préparation de l’édit de tolérance de 1672, qui fut cependant rapidement abrogé. Howard dut quitter l’Angleterre, où on avait projeté de le nommer vicaire apostolique – à cet effet il avait été sacré évêque titulaire d’Hélénopolis – et s’établit à Rome, où il fut créé cardinal en 1675 (on le désignait habituellement sous le nom de cardinal de Norfolk ou d’Angleterre) (cf. M. TYLOR, in DHGE, 24 [1993], col. 1309-1311). 212

Antonio de Monroy (1634-1715) fut Maître de l’Ordre de 1677 à 1686, et nommé archevêque de Saint-Jacques-de-Compostelle en 1685. 213 214

Guinandus Wynants, dominicain, mort en 1695.

Agostino Oldoini (1612-1683, jésuite en 1628) enseigna les humanités et la théologie morale, et publia plusieurs ouvrages historiques, dont l’Athaeneum Augustum in quo Perusinorum scripta publice exponuntur, Pérouse, 1678 (ARSI).

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voluminis in folio. Circa ordinem graeci officii iam ceperam agere cum alumnis Collegii graeci, quibus ipsis res spissa et aegre expedibilis videbatur. De caetero supersedebo prout nunc ultimo iubetis. Scribam proximo cursore ad amicos in Galliam super libro Miraculorum Sancti Guillelmi Gellonensis indicato a Catello215 in Opere de Comitibus Tolosanis, ut curetur vobis, si fieri queat, eius exemplum216. Vitam Sancti Gulielmi episcopi Briocensis per Innocentium IV curo, datis iam mandatis, in Vaticana quaerendam217. De Marmore Sanctae Praxedis consulam peritos: utinam viveret Dominus Joannes Lucius ѳ ̨̝̦̝̬ҡ̯̣̭ quem fere octogenarium nupera hiems ut multos similes absumpsit. Ille statim expediret. De Ambrosii quoque Camaldulensis Hodoeporico curabitur uti et de caeteris quae aut cordi aut usui vobis fore potero intelligere218. Dominus Angelus Riccius dedit mihi ante hos non multos dies libellum in 4 editum Perusiae anno 1592 continentem Passionem Sanctorum Martyrum Æmiliani et sociorum necnon Vitam Beatae Venturae Eremitae, editore Mutio Petrono J. C. Trebiate, ut ad vos transmitterem, si forte non haberetis. Non habuisse quidem tum cum est editus Januarius, apparet219. Nam eius mensis die 28, pagina 833 de Sancto Æmiliano pauca tantum memorantur, cuius in nostro libro Acta vix foliis 15 capiuntur. Vita Beatae Venturae brevior est, trium tantum foliorum, sed non ineleganter scripta. Eius tempora sic notantur: Spiritum Deo reddidit V. idus julii anno Redemptionis nostrae 1310. Unde videtis ad quem mensem spectet. Saluto ex animo, cuncta faustissima precans Reverendum Patrem Praepositum vestrum220, eique felicem reditum gratulor. Veneror item Reverendum Patrem Henschenium. Roma 8 Aprilis 1679. Reverentiae Vestrae cuius me Sanctis Sacrificiis comendo. Servus in Christo Petrus Possinus. 215 Guillaume de Catel (1560-1626), conseiller au Parlement de Toulouse, publia entre autres une Histoire des comtes de Tolose, Toulouse, 1623. 216 Guillaume de Gellone († 812), cousin de Charlemagne, duc de Toulouse et marquis de Septimanie en 790, fonda l’abbaye de Gellone vers 804 et y prit l’habit en 806. Henschen prépara son dossier, inclus dans les AASS, Maii t. 6 (1688) [28 août], p. 809-828. 217 Guillaume Pichon ou Pinchon (vers 1175-1234), évêque (1220) de Saint-Brieuc, fut présenté par Jean-Baptiste Du Sollier (1669-1740, bollandiste à partir de 1702) dans les AASS, Iul. t. 7 (1731) [29 juillet], p. 120-127. Le pape (1243) Innocent IV (1180/90-1254) le canonisa en 1247, mais n’écrivit pas sa Vie. 218 Ambroise Traversari, dit le Camaldule (1386-1439), entra chez les Camaldules de Sainte-Marie-des-Anges, à Florence, en 1400. Il étudia les auteurs grecs et les Pères de l’Église. En 1431, il fut nommé général de son Ordre et en visita les monastères afin de les ramener à la stricte observance; il consigna le récit de ses voyages dans l’œuvre ici évoquée par Poussines, ayant pour titre l’Hodoeporicon. Il joua également un rôle de premier plan au concile de Bâle ainsi que dans les tractations lors du concile de Ferrare visant à réconcilier les Églises latine et orientale. Il est considéré comme bienheureux (cf. St. PETZOLT, in LTK, 1 [1993], col. 498). 219

Martyr sous Dioclétien, Émilien de Trevi fut brièvement présenté dans les AASS, Ian. t. 2 (1643) [28 janv.], p. 833. Ventura, croisier et ermite à Spello (Ombrie), fit l’objet d’un dossier inséré dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [3 mai], p. 432-433. L’ouvrage ici évoqué est celui de Muzio Petrone, juriste de Trévi, Passio SS. martyrum Aemiliani episcopi, et sociorum, nec non vita B. Venturae eremitae, Pérouse, 1592. 220

Ignace Diertins (1626-1700, jésuite en 1642) fut Provincial de la Province flandrobelge du 18 décembre 1674 au 9 avril 1679 (cf. PIBA, 1, p. 295).

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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Tertium exemplum vestrae epistolae ad Reverendissimum Patrem Magistri Sacri Palatii [Capizucchi] habeo apud me. Reverendus Pater Assistens vester [Noyelle] iudicavit expedire servari hic aliquamdiu; postea quando iusseritis, remittam istuc221. L34 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 155]

Rome, 19 mai 1679222

Notes suprapaginales de Papebroch: Pater Azevedius 15 Julii. S. Guilielmus episcopus Briocensis 29 Julii. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Meae quoque cimbulae per hos dies contigit iisdem jactari ventis quibus vestra nuper classis agitata est. Edideram hic, cum prolixo favore Reverendissimi Patris Magistri Sacri Palatii [Capizucchi], Historiam Vitae ac mortis Venerabilis Patris Azevedii et sociorum223, etiam praehabito assensu Sacrae Congregationis Rituum. Perfecta editione, misi de more quatuor libri exempla ad Reverendissimum Patrem et ipse statim remisit quod vocant, Publicetur, hoc est ultimam facultatem operis vulgandi. Contigerat id dominica quae fuit dies ultima aprilis. Postridie, kalendis ipsis maii, misit Pater Reverendissimus unum e suis domesticis ad typographum quo minaciter iusso exhibere omnia exempla mei operis excusa; quingenta erant, ex iis singulis minister Patris duo folia avulsit et secum abstulit. Raptim admonitus a typographo tam inopinatae novitatis, accurro ad Patrem Reverendissimum. Iratum reperi audivique ab eo, se ex quo miserat publicetur, legendo animadvertisse me, in uno praesertim capite, vice Historiae Apologiam scripsisse contra Sacram Congregationem Rituum, quae recusasset Azevedium et socios pro martyribus agnoscere. Ideo suspendi a se publicationem libri quoad Sacra Congregatio de eo judicasset. Respondi Suam Reverendissimam Paternitatem diu servasse, otiose vidisse, aut videndum curasse librum illum meum ante quam praelo subiiceretur. Indicasse mihi scripto quae vellet mutari; quae ego statim in ipsius oculis mutavi prout iubebat. Id exemplum sic correctum et eius Patris subscriptione munitum, datum typographo in cuius adhuc manu est. Conferatur cum editis ne iota quidem aut apicem a me adiunctum repertum iri. Nam quod de Apologia diceret, mera ea est narratio factorum alias notissimorum, et multis palam editis perscriptorum libris; quam etiam duplici, in fronte et ad calcem posita, protestatione praemunivi, directe profitens, me quae scribo non nisi fide humana proferre, etc. Nihil haec profuere. Habita est 6 Maii die Congregatione Rituum, Pater Reverendissimus ipse coram Cardinales adiit, missis circum libellis accusantibus me. Adivi ego quoque, et libellos circummisi. Successus fuit, singulari Dei beneficio, felix. Omnes Purpurati Patres censuere nihil esse in libro e prolatis a Patre Reverendissimo cur supprimi deberet. Quidam etiam valde faventer et honorifice de me locuti sunt. Commissa expeditio rei Promotori fidei est, qui quasi manus habetur eius Sacri Coetus; nondum ille absolverat dum haec scribo. Sed citum, et felicem sperare iubet exitum. 221

Je n’ai pas pu retrouver ce document.

222

La date a été indiquée en fin de lettre par Papebroch.

223

Cf. note 206.

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B. JOASSART

Commiseram Domino Thomae de Juliis224 ut Vitam quam vultis quaereret Sancti Gulielmi, episcopi Briocensis ab Innocente IV scriptam. Respondet se id frustra fecisse nec enim in Vaticana comparet ea vita. Hujus ex fratre nepos, Dominus Josephus de Juliis, inventam Vitam Sancti Joannis Silentiarii graece de225 scriptam , quo codice Vaticano signabatis, exscripsit strenue usque ad locum in epistula vestra notatum, prout indicavit per Urbem occurrens, pollicitus etiam folia se tempori missurum ut hodie per cursorem mitti queant; ea expecto. Plurimam salutem Reverendo Patri Henschenio et novo adiutori Magistro Conrado Janningo. Commendo me Sanctis Reverentiae Vestrae Sacrificiis. Servus in Christo Petrus Possinus. Urgente claudendi fasciculi hora necdum allatis foliis cogor horum missionem in sequens sabbatum differre. L35 À Papebroch [ms. boll. 1110, n° 29]

Rome, 1er juillet 1679

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Epistolae Vestrae Reverentiae I Junii datae non potui respondere hebdomade praeterita quod nondum tunc potueram parare notitias ad id necessarias. Nunc satis instructus, primum aio: Patrem Asselinum annis 20 exercuisse in hac Urbe officium Procuratoris Generalis Congregationis Gallicae Canonicorum Regularium Sancti Augustini usque ad annum 1673 quo revertens in Galliam Taurini decessit226. Toto autem illo vicennii tempore, quo saepe illum et familiariter vidimus, habitavit in domo privata prope Trinitatem Montis, simul cum Procuratore Generali Cisterciensium227, item Gallo, mihi peculiariter noto et amico, qui nunc quoque in eadem domo degit cum successore Patris Asselini, sicut in eadem fuerat quadriennio antequam Pater Asselinus veniret Romam. Hunc consului, ex eoque didici numquam omnino Patrem Asselinum apud Canonicos Regulares Urbis qui ad ecclesiam Sanctae Mariae de Pace coenobium habent, fuisse diversatum. Nec credo multam cum illis habuisse rationem, cum istae Congregationes satis inter se diversae sint, ac nec vestitus forma conveniant. De adeundo Illustrissimo Domino Secretario Rituum [Casali] diu multumque deliberavi. Retrahebat ab illo consilio periculum ne res emanaret in notitiam Elianorum. Quia nihil committi Ministro illi potest quod non ille communicare toti Congregationi debeat. Itaque vestrum scriptum si illi daretur, deponeretur in Archivo congregationis nec potuisset illi dissimulari autor. Unde contingeret impli224

Tommaso De Juliis († 1712), nommé scriptor latin à la Bibliothèque Vaticane en 1659.

225

Il existe deux Vies de ce saint – BHG 897 et 898 – conservées dans plusieurs mss de la Bibliothèque Vaticane. Le texte BHG 897 fut publié dans les AASS, Maii, t. 3 (1680), p. 16*21*, ex ms. codice Bibliothecae Vaticanae, sans qu’il soit précisé de quel ms. il s’agissait. 226 Louis Asseline (vers 1617-1674, profès génovéfain en 1635) fut procureur général de sa congrégation à Rome de 1656 à 1674. Il mourut à Turin en revenant de son séjour romain (cf. N. PETIT, Prosopographie génovéfaine. Répertoire biographique des chanoines réguliers de Saint-Augustin de la Congrégation de France (1624-1789) [= Matériaux pour l’histoire publiés par l’École nationale des chartes, 6], Paris, 2008, p. 36, n° 105). 227

sujet.

Jean Malgoires. Je n’ai pas pu trouver de plus amples indications biographiques à son

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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cari vos in novas tricas, praesertim cum isto vestro scripto contineatur odiosa toti Congregationi Canonicorum delatio circa additionem officiorum novorum sine debita licentia, et quasi provocatio Sacrae Congregationi Rituum ad illam additionem ut perperam attentatam, improbandam. In his difficultatibus adivi antiquum consultorem Sacrae istius Congregationis, hominem summae probitatis, intime mihi amicum et longo usu peritissimum omnium iurium et usuum illius tribunalis. Cum eo egi consilii causa, accepta secreti fide. Is diu meditatus et lecto accurate scripto vestro, vehementer dissuasit ne illud Secretario offerrem, tum ob indicatas rationes tum ob alias dictu longas. De additione vero officiorum affirmavit frustra de illa suspicionem moveri. Haberi enim a Congregatione legitimam, quod illi Patres talem a Pontifice facultatem habeant, cuius simili gaudent quoque Patres Dominicani et ea pro libito sine ullius querela utuntur. Unde apparet nihil esse necesse quaerere de Bulla erectionis Congregationis Rituum, quae ille consultor dubitat an ulla sit. Si enim esset, in Bullarii corpus fuisset relata. Quod si est aliqua quae arcano servetur, eam Secretarius non communicaret, sine assensu Congregationis, et idipsum aut indicationem temporis illius datae Bullae petere, obnoxium est suspicionibus, quarum expedit occasiones vitare. Ad extremum, circa illas quarum epistola vestra obiter meminit, indolentissimas jactationes et triumphos adversariorum, ob deprehensum nescio quem errorem facti, in re nullius momenti ad summam primariae controversiae, virorum prudentium et vobis impense faventium hic opinio est, illas a vobis debere contemni. Concidunt illa per sese post brevem strepitum nec expedit averti a primario opere ad reciprocandam odiosarum vitilitigationum serram. Efficacissimae vobis Apologiae loco erit Maius vester plenissimus prodiens. Plurimam opto salutem Reverendo Patri Henschenio et Magistro Janingho. Impense Deo pergam comendare ut cepi suum monasteriensem. Confido equidem Christum et Sanctos id negotium fortunaturos. Romae I Julii 1679. Commendo me Sanctis Sacrificiis Reverentiae Vestrae eius servus in Christo Petrus Possinus. L36 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 156]

Rome, 20 juillet 1679

Notes suprapaginales de Papebroch: De Patre Azevedo. De Aprili. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Unice licet vobis securis esse ab omni terrore denunciati hinc mali per illum amicum Coloniensem Brigittinum. Nam hic ne per somnium quidem cogitatum est de illo a quatuor Mendicantibus efflagitato et impetrato contra vos decreto. Ut nunc se res habent, omnem potius hinc favorem debetis expectare. Pergite tantum via regia, et latratus canicularum contemnite. Triumphi horum erunt in Monte Albano, interim dum Majus vester expectatissimus in Capitolio coronabitur. Dici non potest quantum placet hic prudens et generosum propositum vestrum tenendi ungues ab ista scabie et ne mentione quidem dignandi vitilitigatores istos; qui nimis magnum fructum ferant importunitatis suae, si eis contigerit ut ad illos attendatur. Nostrum lentum negotium dudum expeditum est ut cognoveritis ex meis literis suo tempore perlatis. Tanti est mora menstrua editioni meae Azevedianae Historiae injecta. Cum ex ea illi accesserit gravissima omnium approbatio si qui-

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dem post omnes explorationes quae abunde commendare libros alios solent. Hic acerrimo examini subjectus Sacrae Congregationis Rituum, et a capite ad calcem severissime excussus, non modo Purpuratorum omnium Patrum faventibus calculis, sed et nonnullorum ex iis amplis praeconiis ornatus, est dimissus. Pater Antonius Baronius228 scribit ad me Neapoli 15 hujus, post acceptas Reverentiae Vestrae literas de Sancta Dominica, gratias agens, et simul admonens, habere se multa de illius Actis quae vobis desunt, quantum intelligere e vestra epistola potuit229. Ea vero talia esse putat, quibus visis, ubi, quod spondet facturum, comunicaverit, mutaturi quam ostendistis sententiam sitis. Et Reverentiae Vestrae et P. Henschenii Sanctis Sacrificiis me commendo, utriusque servus in Christo, Petrus Possinus. Romae 20 Julii 1679. Accipio a P. Leandro Vitam B. P[etri] almifici de Fulgineo repertam ab ipso et iussu eius ac sumptu descriptam, quam mittam quando et qua via iusseritis230. L37 À Janning [KBR 8955-56, f. 71rv]

Rome, 25 Août 1679

Carissime in Christo Frater et Magister, Pax Christi. Et prima et suprema, quae una mittis, verba, illa tua, haec quinque fortunatorum in Anglia martyrum, accipio fructu animi mei maximo. Haec quidem venerabundus exosculans et dulcibus inspergens lacrymis parique sensu multis hic, gallice scientibus, legenda commodans. Tua vero amplectens privatim, et sinu cordis recondens intimo, ad aeternum suavissimae gustum memoriae. Sed quid pro tam iucundo munere reponam ? Nihil possum, nisi к̩̤̬̝̦̝̭ж̩̯Ҡ̤̣̮̝̰̬̫ԉ. En igitur versiculos quos his retro diebus relaxans animum effudi, argumentum forte nactus amabile, Catharinam Virginem Martyrem, studiorum Praesidem et Palladem Christianam231. Haec ubi legeris, et, si tanti duces, amicis ostenderis, velim coniicias in fascem earum chartarum, quas sine dubio plurimas in apparatum Actorum eius Sanctae Novembri dandorum congestas habetis in vestro tabulario. Ut e tholis votivae tabulae dependent, ita opto loco isto, sacro memoriae Patronae Sanctissimae, hoc qualecumque tenuis meae clientelae obsequium extare. Vale frater longe dulcissime, mei memor quotidianis tuis ad communem Dominum precibus. Scribebam Romae 25 Augusti 1679. Tuus ex animo in Christo Jesu Petrus Possinus. L38 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 158]

Rome, 10 février 1680

Note suprapaginale de Papebroch: 11 Aprilis de notis ad opera Sancti Leonis circa finem. 228

Antonio Barone (1632-1713, jésuite en 1648) fut professeur d’humanités, de philosophie et de théologie, et prédicateur (cf. SOMMERVOGEL, 1, col. 907-908). 229 Le dossier de Dominica – ou Cyriaque – vénérée à Tropea (Calabre), fut rédigé par Conrad Janning dans les AASS, Iul. t. 2 (1721) [6 juillet], p. 268-279. 230

Guillaume Cuypers prépara le dossier de Pierre de Foligno († 1323) dans les AASS, Iul. t. 4 (1725) [19 juillet], p. 663-668. Il est vraisemblable que Poussines fait ici référence à l’ouvrage de Niccolò Barnabo, Vita del Beato Pietro Cresci da Fulgino, Foligno, 1626. 231

Le ms. KBR 8955-56, f. 69-70, conserve un De sancta Catharina virgine martyre idyllium, scriptum Romae mense augusto 1679, de la main de Poussines.

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Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Casu quodam contigit ut mihi serius solito hebdomade praeterita literae Vestrae Reverentiae redderentur, unde iis respondere sabato elapso nequiverim. Se res in bonum cessit; plenior enim et vobis gratior nunc erit vobis responsio, cum effectu coniuncta, cuius solam spem et promissionem epistola tunc data nunciare potuisset. Ad vestra capita singula deinceps pergo. Quas Vestra Reverentia indicat a se datas ad me literas 20 octobris et 3 novembris, quae illae aliquid mandarent circa Acta Beati Paschalis Baylon232, hae consulerent de quadam sententia Panegyrici Sancti Joannis Damasceni, nullas omnino vidi, et iusta vestra suspicio est, in itinere aversas periisse. Priorum sine mora reparare iacturam conatus, postquam quid mandarent intellexi, quaesivi apud Aram Caeli Procuratorem Canonizationis233 Beati Baylonis. Invento, tandem tertio accessu, exposui quid cuperetis, literis etiam vestris redditis, postquam obsignaveram. Respondit perbenigne, cuncta quae posset pollicens. Die inde quarto, qui fuit mensis fluentis octavus, perofficiose ad me huc venit, responsum suum Reverentiae Vestrae inscriptum deferens; cui se adjunxisse dixit quae interim habuit in manu e requisitis a vobis. Caetera curaturum et missurum quam primum fieri poterit. Haec de supplemento prioris epistolae perditae. Altera, ut nunc disco proponebat locum Constantini Acropolitae in Sanctum Joannem Damascenum. Ita scriptum lego in vestris literis. Atqui, si bene memini, encomium illud prolixum S. Damasceni, Georgii seu Gregorii Cyprii erat, Patriarchae Constantinopolitani234 sub Andronico235, ut Pachymeres236 refert libro I, parte II, capitulis XIV et XV. Qui sane, ut Vestra Reverentia observat, schismaticus fuit pertinax. Is cum sub Michaële237 Palaeologo, Andronici Patre et decessore, assensum in extinctionem schismatis, invitus et iram Imperatoris metuens, dedisset, deinde sub Andronico palam in schisma relapsus id encomium scribens, significaverit poenitentiam illius sic extorti assensu, verbis a Vestra Reverentia propositis. Non omnes accuso (de his agit qui tempore cesserunt sub Leone Isaurico238 in cultum Imaginum favente) vidi enim vidi, quod utinam non vidissem, etiam ego talia tempora, atque in huiusmodi tenebris involutam noctem incurrens, etiam ipse multum offendi, immedicabilibus pene vulneribus perstrictus. Haec dicit quia, urgente minis gravibus Michaële Palaeologo Imperatore metu, in tria ad unionem proposita capita, Primatus Papae Romani, Apellationis ad ipsum, et commemorationis in sacro, consenserat. Ne gravetur Vestram Reverentiam videre capitula XVIII, XIX et XX libri V prioris 232

Le dossier du franciscain alcantarin Pascal Baylon (1540-1592), béatifié en 1618 et canonisé en 1680, fut rédigé par Papebroch dans les AASS, Maii t. 4 (1685) [17 mai], p. 48-132. 233

Christophe d’Arta, au sujet duquel je n’ai pas pu trouver de plus amples indications.

234

Georges de Chypre (1241-1290), patriarche de Constantinople de 1283 à 1289 sous le nom de Grégoire II. 235

Andronic II Paléologue († 1332), empereur byzantin de 1282 à 1328.

236

Georges Pachymeres (1242-1307), historien et philosophe byzantin.

237

Michel VIII Paléologue (vers 1224/-1282), empereur byzantin de 1259 à 1282.

238

Léon III l’Isaurien (vers 675-741), empereur de Constantinople en 717.

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tomi Pachymeris praesertim calcem XX, pagina 268, ubi postquam retulit vulgatum Imperatoris minacissimum diploma, bulla aurea munitum, subdit autor. Eo plerique (graeci sacerdotes aut clerici) persuasi subscripsere (tribus capitulis), quibusdam adhuc tunc quoque id facere recusantibus. Qui propterea in exilium missi, post aliquod tempus resipiscentes, assensu dato, revocati sunt et ecclesiae conjuncti, nemine iam ex clero residuo qui non consentiret in pace Ecclesiarum ex voto Imperatoris. Conferantur haec cum iis quae idem Pachymeres scribit tomo II, libro I, capitulis praesertim VI, VII, VIII, in quo ultimo Gregorium Cyprium nominat, satis indicans eum unum ex iis fuisse, qui modo et metu superius relatis sub Michaële Palaeologo Ecclesiarum reconcilitationi consenserant. De causa damnationis notarum Pasqualis [sic] Quesnel239 in Sancto Leone, eam audio fuisse, quod in dissidio Sanctorum Hilarii Arelatensis et Leonis Papae, hunc et Sedem Apostolicam laedat et veram jurisdictionem Romani Pontificis in Patriarchas neget, contendens iudicia Romani Pontificis de causis Patriarcharum in Historia Ecclesiastica relata, non ad legitimas appellationes reddita, sed ab ultro electo a partibus arbitro prolata. Suivent des indications relatives à des termes propres aux récits concernant les miracles de Pascal Baylon.

Salutem plurimam Reverendis Patribus Praeposito240 et Henschenio, nec non Magistro Conrado Janningho. Romae 10 Februarii 1680. Reverentiae Vestrae Sanctis Sacrificiis me commendo, eius servus in Christo, Petrus Possinus. L39 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 159]

Rome, 30 mars 1680

Note suprapaginale de Papebroch: 19 Februarii. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Ingentes habeo gratias pro oblato tam benigne in Macarii editionem subsidio. Absit autem minuatur vel obolo in eam rem peculium vestrum, quod est aerarium Sanctorum, cui equidem potius largissime adjungerem, si facultas esset. Optoque adeo, et Deum precor, ut pro tam liberali voluntate 30 vel 40 scutorum donandorum, vobis reponat talenta totidem, etiam in centurias multiplicata. Macario non deerit, ut spero, fortuna prodeundi, quam expectabimus, nihil enim magnopere urget interim. In loco quem citat fragmentum insertum vestris ultimis, ex libro VI I tomi Pachymeris irrepsit mendum typographi in numerum capitis. Rescribendum enim omnino est caput 26 pro capite 27. De re ipsa utrumque Pachymeris tomum percurrens, nihil admodum reperio quod suggeram. Nam Constantinus iste Acropolitae Magni Logothetae filius, Michaelis Palaeologi Augusti gratia excidens ob vexatum

239

Pasquier Quesnel (1634-1719, oratorien en 1634), figure marquante du jansénisme, publia une édition des œuvres de Léon le Grand (Lyon, 1675); certains commentaires à propos de l’infaillibilité et de la primauté du pape étaient tels que l’ouvrage fut mis à l’Index (cf. H. SCHMITZ DU MOULIN, in Dictionnaire de Port-Royal, p. 846-849). 240 Pierre Du Rieu (1612-1686, jésuite en 1631) fut supérieur de la maison professe d’Anvers, du 22 septembre 1676 au 23 septembre 1680 (ARSI).

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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241

Veccum catholicum Patriarcham, semel duntaxat (quod nunc occurrat) a Pachymere memoratur tomo I, capitibus 25 et 26, libro VI. Sed cavendum ne per homonymiam Acropolitae confundatur cum Gregorio Acropolita, autore Historiae quae extat. Qui nunquam videtur resiliisse a semel bona fide suscepta Ecclesiarum pace, quam ipse sancivit legatus Imperatoris ad Gregorium X missus. Huius filius fuit ille Constantinus. Nam erat Magnus Logotheta idem Georgius Acropolita. [Note marginale de Papebroch: De Sancto Marone] Adiungo his novum folium dissertationis Maroniticae. Quod nuper scripseram: oppidum Castri Novi242 servare caput Sancti Maronis Abbatis, et hunc pro patrono venerari; dubium mihi nunc fit, ex quo audivi Sanctum illum Maronem dici martyrem243. Tristes adveniunt Macerata nuncii. Sacram Annunciationis Solemnitatem ante hos sex dies, festum illic infestum hoc anno fuisse. Convenerant de more sodales Mariani in nostro collegio ad sacellum proprium, ibique solitis pietatis officiis vacabant, quando repente subsedit solum, tectumque ac muri corruerunt. Quinque ac viginti adolescentes e primariis plerique urbis illius familiis, ruinis oppressi perierunt; vulnerati multi alii, et in his Nostrorum quidam aegre servati sunt; adhuc periclitantes e commotione terroris ac plagis. Plurimam salutem opto venerabilissimo mihi Patri Henschenio, eiusque ac Vestrae Reverentiae Sancta Sacrificia implorans et preces Magistri Janningh, omnibus sum servus in Christo Petrus Possinus. Romae 30 Martii 1680. L40 À Janning [ms. boll. 1110, n° 30]

Rome, 1er juin 1680

Carissime in Christo Frater, Pax Christi. Versiculos extemporaneos modo fusos, de argumento tibi caro, et nunc tempestivo, quaeso te, benignus accipe ̡Ѣ̭ ж̩қ̨̩̣̮̥̭ ̯Ӭ̭ ̨̫ԉ ½̬ң̭ ̡̧̮̱̥ҡ̝̭. Vale diu felix mei memor in tuis orationibus. Romae kalendis junii anno 1680. Tuus in Christo Petrus Possinus. ̡̬̍Ҡц̨½̨̬̣̮̫ԉ̯Ӭ̧̭̦ҡ̩̣̭ц̩ҿц̯ҥ̡̡̟̲̝̩̦̝̤ҥ̴̠̩ ѳ̝̦̉қ̬̥̫̭о̴̧Ԇ̢̮̥̫̭̫̩̀қ̟̝ %Ѣ̭о̴̧Ԇ̧̮̫̥̫ҝ̲̫̭½̫̯Ҝ̠Ӟ̧̠̝̞̝ҝ̩̯̫̭ ћ̱̝ҡ̧̡̮̯̫̰̞̝̞̬Қ̩̮̯̬Ԗ̨̨̝Ҝ̩ц̡̪̦қ̣ ̏Ԗ̨̝̠Ҝ̮Ԗ̫̩ъ̨̡̡̥̩ ̡̦̝̤ҥ̡̠̫̩̯̫̭̝̩̊ҡ̮̦̫̰ ̐Ҟ̷̧̩̱̟̝½̡̝̬̤̩̥̦̚,̠Ӭ̡̤̩ ъ̡̞̝̳̲̥ҧ̩244.

241 Jean XI Bekkos ou Veccos, patriarche de Constantinople de 1275 à 1282, ardent partisan de l’union des Églises grecque et latine. 242

Forteresse du sud du Picenum, située sur le bord de la mer Adriatique.

243

Il s’agit de Maron, associé à Eutychius et Victorinus; cf. AASS, April. t. 2 (1675) [15 avril], p. 373-375, évoqué dans les Actes des SS. Nérée et Achille (BHL 6064), et apôtre du Picenum. 244 Plus d’un quart de siècle après, Janning consacrera un très long dossier au jésuite Louis de Gonzague (1568-1591), dans les AASS, Iun. t. 4 (1707) [21 juin], p. 847-1169.

162

B. JOASSART

L41 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 160]

Frascati, 4 octobre 1680

Notes suprapaginales de Janning: Quaedam observanda in opere de Actis Sanctorum ex iudicio Illustrissimi Riccii qui paulo post factus fuit Cardinalis, sed brevi fuit tempore. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Spero has meas in tempore istuc occursuras ad gratulandum Reverentiae Vestrae felicem e Westphalia reditum, cuius in itineris procinctu scriptam ab ea ad me epistolam 6 septembris accipio Tusculi, huc ex more per vacationes autumnales profectus ex Urbe. Exiit eodem rusticaturus et ipse, Illustrissimus Dominus Michaël Angelus Riccius. Quocum in hoc secessu familiarissime vivens, ei donavi unum tribus exemplis programmatis vestri trium Maii tomorum. In eo quae ille annotavit circa memoratum ibi cultum Jobi et Jeremiae mitto eius manu scripta245. Quaedam alia indicavit viva voce, quae vobis non erit, opinor, ingratum cognoscere. 1. Miratur non dici editam inter Acta Beati Pii V Vitam eius scriptam a Catena, qui fuit eius Pontificis Secretarius, et quaedam habet singularia246. 2. Negat Nicolaum Albergatum e Cartusiano Ordine dici posse Archiepiscopum Bononiensem, quoniam, inquit, ea sedes episcopalis tantum fuit eius tempore, longe post a Gregorio XIII ad Archiepiscopale fastigium erecta247. 3. Praeter eos qui nominantur ex Ordine Minorum, Philippum Aquilanum248, Zachariam249, Ladislaum250, Vivaldum251, Geraldum252 et Illuminatum253, putat alios satis conspicuos ad illud spatium sex245 Henschen rédigea les dossiers de Job et de Jérémie, respectivement dans les AASS, Maii t. 2 (1680) [10 mai], p. 494-497, et dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [1er mai], p. 5-7. 246

Girolamo Catena, né dans la première moitié du 16e s. et mort peu avant la fin du même siècle, publia en 1586, à Rome, la Vita del gloriosissimo papa Pio quinto, d’allure assez hagiographique (cf. G. PATRIZI, in DBI, 22 [1979], p. 323-325). Tout au début du dossier, Henschen écrit: Duplicem nacti sumus Vitam huius Sanctissimi Pontificis, alteram italice ab Hieronymo Catena... 247 Le dossier de Nicolas Albergati (1375 [?]-1443), chartreux, évêque de Bologne en 1417 et créé cardinal en 1426, fut rédigé par Henschen dans les AASS, Maii t. 2 (1675) [9 mai], p. 467-490. Le bollandiste y parle effectivement de Nicolas comme «évêque» de Bologne, et ce avec raison puisque l’évêché ne fut promu au rang d’archevêché qu’en 1582. 248

Le franciscain Philippe de l’Aquila (vers 1410-1456), mort au couvent Saint-Nicolas à Sulmona (cf. E. FRASCADORE, in BS, 5 [1964], col. 729), fut présenté par Papebroch dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [4 mai], p. 548-552. 249

Zacharie († vers 1249) fut reçu chez les Franciscains par S. François, envoyé en Espagne pour évangéliser les Maures, et enseveli dans le couvent Sainte-Catherine à Alemquer (Portugal) (cf. M. DA ALTARI, in BS, 12 [1969], col. 1443). Il fit l’objet d’un dossier rédigé par Papebroch, dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [3 mai], p. 775-777. 250 Ladislas de Gielniów (vers 1440/4 [?]-1505), franciscain prédicateur, poète et auteur de chants religieux (cf. W. GOELMAN, in DHGE, 29 [2007], col. 1297-1299), fut présenté par Henschen dans les AASS, de Maii t. 1 (1680) [4 mai], p. 560-616. 251 Vivaldus de San Gimignano († 1320), ermite du tiers ordre franciscain à Camporena, près de Montaione (cf. G. PICASSO, in BS, 12 [1969], col. 1316-1317), eut son dossier rédigé par Papebroch, dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [1er mai], p. 160-164. 252 Papebroch présenta le dossier de ce chanoine régulier d’Anseda (Portugal), dans les AASS, Maii t. 1 (1680) [1er mai], p. 756.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

163

decim Maii dierum pertinere. 4. Nollet inseri operi disputationes contra Carmelitas, sed quae de his dicenda sunt, vulgari tractatibus a magno illo corpore, quod totum pacificum esse convenit, disjunctis. 5. Vellet Synaxarium quod per partes dandum dicitur, simul potius totum a vobis poni. Denique judicaret, expedire ut talia specimina edendorum a vobis, non tunc tantum emitterentur quando prodit editio, sed idoneo prius spatio ad proficiendum e studiis amicorum, hoc visu excitandorum ad iuvandos vos transmissione monumentorum, quibus vos egere perspiciunt, aut alia quapiam admonitione opportuna. Haec ille mihi dixit, quae pro viri autoritate gratiaque summa apud hodiernum Pontificem affectuque in vos et favore in opus vestrum ingenti, putavi omnino me debere Vestrae Reverentiae significare. Addo me pridie quam Roma huc venirem, accepisse a Reverendo Patre Assistente Germaniae [Noyelle] scriptum a Vestra Reverentia ad ipsum missum, de quo mandavit mihi ut significarem vobis eius nomine, praeter ea quae in eo Vestra Reverentia sua ipsa manu delevit, videri mutanda verba quae revocare videntur in dubium devotionem scapularis, tam late sparsam; et cuius qualiscumque sugillatio longe invidiosissima sit futura. Loqui de talibus, secus forte sentienti, cum licere impune liceat, haud videtur prudens. Haec jussus ut dixi suggero. Salutans ex animo Reverendum Patrem Henschenium et Magistrum Janningh, Tusculi 4 octobris 1680. Comendo me Sanctis Sacrificiis Vestrae Reverentiae, eius servus in Christo Petrus Possinus. L42 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 162]

Rome, 12 avril 1681

Notes suprapaginales de Papebroch: De Sancta Thecla 23 septembris. 254 Respondi me quesiturum ex Mondejar interim [un mot illisible]. Quod sicut Basilius Seleuciae in Isauria episcopus scripsit de hac sancta, sic forte etiam prosa aliquis Athanasius Alexandriae in vicina Syria: invenitur etiam Athanasius Philadelphiae in Isauria episcopus anno 451 sed hic antiquior est quam ut auctor possit esse prosae currentis sub nomine Basilii. – Carmine (nam prosa ei adiudicatur a Vossio). Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Conjectus, nescio quo casu, sum in angustias tantas, ut vi semiquadrans supersit ad hos deproperandos versus. Lectam et sigillatam ad Patrem Leandrum epistolam misi ad ipsum heri, non dubitans quin sit efficacissima futura.

253 Hormis sa mention dans le Martyrologe romain, Illuminat, vénéré à San Severino (Marche d’Ancône), est pratiquement inconnu. D’aucuns ont vu en lui un bénédictin, d’autres un franciscain, cette seconde hypothèse reposant sur la confusion avec un compagnon de S. François portant le même nom (cf. R. AUBERT, in DHGE, 25 [1995], col. 853-854). Henschen lui consacra un bref dossier dans les AASS, Maii t. 2 (1680) [11 mai], p. 706. 254 Gaspar de Mendoza Ibañez de Segovia, marquis de Mondéjar, de Valhermosa et d’Agrópoli (1628-1708) remplit d’importantes charges à la cour de Madrid tout en se livrant à des travaux d’érudition de qualité (cf. A. ANDRÉS, in DHGE, 1 [1912], col. 1044-1046). Il entretint une correspondance assez suivie avec Papebroch (cf. M. A. VILAPLANA, Correspondencia de Papebroch con el marqués de Mondéjar (1669-1697), in Hispania Sacra 25 [1972], p. 293349). Au sujet de la réponse ici évoquée, cf. note 256.

164

B. JOASSART

Dixit mihi vir eruditus, et in primis religiosus, Reverendus Pater Joseph de Tomasi255, Ordinis Clericorum Regularium, habere se literas ab Illustrissimo et Reverendissimo Domino Mellino, Nuncio Pontificio in aula Regis Catholici, quae indicent repertum in bibliotheca Scorialensi volumen graecum complectens graece Vitam Sanctae Theclae a Sancto Athanasio conscriptam et quaedam alia. Miror equidem, et vix credo256. Tamen si habetis Madriti quocum agatis, invitari non imprudenter hinc possetis ad percontandum quid rei sit. De Celsissimo Monasterio magnam mihi solicitudinem incutiunt vestrae literae. Spero tamen meliora. De Magistri Janninghi huc transmissu certissimam spem capio si aut ab ipso Provinciali257, aut eius assensu et nomine id petatur a Patre Nostro [Oliva], admonito parallelis literis Patre Assistente [Noyelle] et rogato, ne obstet258, cum id futurum sit sine sumptu, imo cum compendio Provinciae, cui sine impensa propria vel minima, filius alibi in quadriennium aletur; expeditus illinc ad matri serviendum rediturus. Sanctis Sacrificiis Reverentiae Vestrae me plurimum in Domino comendo. Romae 12 Aprilis 1681. Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. L43 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 188]

Toulouse, 29 octobre 1682

Note suprapaginale de Papebroch: Sanctus Zosimas 2 Aprilis. Note suprapaginale d’une autre main: Accepi hodie dictum hic fasciculum. Theses sunt …259 dignae sed sine contumelia cuiusquam. Asseritur Pythagoras fuisse carmelita. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Mitto cum his Vestrae Reverentiae primum Bitterrenses ̯Ԗ̩ џ̧̥̝̩Ԗ̩ theses260, deinde narrationem inventionis reliquiarum Sancti Guillelmi Abbatis. 255 Giuseppe Maria Tomasi (1649-1713), fils aîné du duc de Palma et prince de Lampedusa, entra chez les Théatins en 1665 et se consacra aux travaux d’érudition, en particulier dans le domaine de la liturgie. Il fut créé cardinal en 1712, béatifié en 1803 et canonisé en 1986 (cf. G. L. MASETTI ZANNINI, in BS, 12 [1969], col. 530-533). 256

En réalité, Mellini découvrit la Vie BHG 1694 de Syncletica composée par Athanase d’Alexandrie, et conservée dans le Codex Ȍ. I. 3 (M. 421), f. 351-383, de la bibliothèque de l’Escurial; l’intitulé de la pièce porte par erreur le nom de Thècle. Aux p. 53-55 de l’article de Vilaplana (cf. note 254), se trouve éditée la lettre que Papebroch adressa à Mondéjar à propos de ce texte; Vilaplana a daté cette lettre du 19 mai 1680; au vu de la lettre de Poussines, il est plus raisonnable d’affirmer que cette missive fut écrite le 19 mai 1681. 257

Ludovic De Camargo (1622-1690, jésuite en 1638) fut Provincial de la Province flandro-belge du 10 avril 1679 au 26 avril 1684 (cf. PIBA, 1, p. 185). 258 Janning avait été auxiliaire des Bollandistes durant les années 1679-1681; au terme de ce premier stage d’apprentissage, Henschen et Papebroch estimaient qu’il serait bon que le jeune religieux accomplisse ses études de théologie à Rome avant de reprendre rang parmi les hagiographes d’Anvers. Noyelle n’était pas favorable à cette option (cf. sa lettre adressée à Henschen le 22 mars 1681, in JOASSART, Oliva – Noyelle – Bollandistes, p. 191), qui finit toutefois par être acceptée par les supérieurs. Janning rentrera définitivement à Anvers en 1686. 259 260

Mot illisible.

En avril 1682, le carme Philippe Teisseire ou Teissier défendit à Béziers une série de thèses, qui furent mises à l’Index en 1684 (cf. C. DE VILLIERS, Bibliotheca carmelitana, t. 2,

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

165

Praeterea tres chartas continentes quidquid erui potuit ex archivio cathedralis ecclesiae Sancti Papuli261. Harum duae priores fundationem Abbatiae Sancti Papuli et eius erectionem in episcopatum, cum catalogo omnium ad hanc diem episcoporum continent. Tertia Sanctorum aliquot in ea dioecesi cultorum memorias exhibet, corruptissimas illas quidem et stribiliginibus scatentes, sed ex quibus erui forte aliquid in rem vestram queat. Libenter imputarem in incommodum culpae et imperitiae novissimi amanuensis, nisi canonici et proepiscopus testarentur omnia ex archetypis summa fide expressa. Postremo adjungo libellum a me ante aliquot menses hic editum, de quo et Vestrae Reverentiae Patrisque Barthii262 ac vestratium eruditorum judicia cuperem audire, venerari dudum solitus, et paratus monentibus obsequi. Misi Parisios, spe impetrandi regii privilegii, Enarrationem Apocalypsis, quam cur audeam post tot alias ostendere, causam esse idoneam multi qui viderunt, putant263. Habeo sub praelo Thesaurum Asceticum264. Id syntagma est octodecim opusculorum de re ascetica, a magnis olim et fama celebribus graecis patribus scriptorum, quorum nullum hactenus graece aut latine, quod sciam, est editum. Volumen est in 4, graecolatinum, sexaginta circiter foliorum, iam ad paginam 440 promotum. Undecimi opusculi titulus est Alloquia B. Abbatis Zozimae, cuius autorem satis verisimiliter evincere in prolegomenis videor, fuisse illustrem illum Sanctae Mariae Ægyptiae funeris curatorem. Opus simul prodierit faciam ut habeatis. Nunc gratias iterum iterumque ingentes refero pro tribus vestri Maii tomis265, cupide legam quamprimum a Bibliopego redierint. Parum abfuit quin nobis Lugduni perirent, qui eos acceperat tacitus habuit per menses plurimos, quoad quidam e nostris Lugdunensibus, quem ut inquireret rogaveram, in fundo apothecae librariae casu sarcinam vidit mihi inscriptam; percontans, eampse reperit esse quam quaerebam. Addidit apothecae Dominus se, quod dudum nesciret, cuius, et quo mittendi hi libri essent, de iis vendendis cogitasse. Plurimam opto salutem Reverendo Patri Bartio, eiusque ac Reverentiae Vestrae preces et Sancta Sacrificia implorans, utriusque sum servus in Christo Petrus Possinus. P. Carolus Faber266 postremis ad me datis Avenione literis obiter innuit mandatum ipsi a Vestra Reverentia ut notitiam aliquam vobis curaret Vitae Sancti Orléans, 1752, col. 641-642). Parmi ces thèses, ainsi que nous l’apprend Louis Moréri, dans le t. 5, Bâle, 1732, de son Grand dictionnaire historique, ce religieux prétendait que Pythagore avait été disciple du prophète Élie. 261

Le dossier de S. Papoul, prétendu évêque de Toulouse et martyr, mais dont on ne connaît rien quant à la biographie, a été rédigé par Guillaume Van Hooff (1840-1906, bollandiste de 1873 à 1888), bien longtemps après, dans les AASS, Nov. t. 1 (1887), p. 587-603. Papoul aurait été décapité au Lauraguais, sur le territoire de Toulouse, où fut élevée une abbaye en 817. 262

François Baert (1651-1719, jésuite en 1667) fut bollandiste à partir de 1681 (cf. PIBA,

1, p. 67). 263

L’Apocalypsis enarratio ne paraîtra qu’en 1685.

264

Sorti de presse en 1683.

265

Les trois premiers tomes des AASS de Mai parurent en 1680.

266

Charles Faber (1617-1698, jésuite en 1634) était confesseur dans l’église du collège d’Avignon (ARSI).

166

B. JOASSART

monasterii Gauberti Praepositi olim cuiusdam in Arvernis coenobii quod hodie Monsalvium dicitur267. Iis lectis cognovi parum distare Monsalvium ab Aureliacensi Urbe in qua collegium est hujus Tolosanae Provinciae. Scripsi statim ad Patrem Bartholomaeum268 Gorsium eius nostri collegii rectorem. Rescribit is mihi comperisse se vitam olim scriptam Sancti Gauberti, alias in eo coenobio fuisse, nunc alio delatam. Sed sciri ubi sit et promissum sibi ab uno ex iis Patribus fuisse studium et operam in uno ad vos mittendo eius exemplo […] L44 À Papebroch [ms. boll. 1110, n° 103]

Toulouse, 7 décembre 1682

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Confido pervenisse iam ad manus vestras Theses Bitterrenses Elianorum269, quas cum aliis chartulis misi, fasciculo quem se accepisse Reverendus Pater Ludovicus Jobert270 testatur literis ad me Lutetia datis 19 novembris. Laudo ut generosum et prudentissimum consilium silendi ad libellos Ismaëlis novi, Prodromi carmelitici, Harpocratis Jesuitici [sic] similesque latratus imbellium canicularum, quorum graviores quosque sacri ejus Ordinis pudet271. Significavi postremis meis accepisse me tres vestri Maii tomos Lugduno perlatos; quo nomine iterum gratias ago272. Horum tertii pagina 293 animadvertens Vestram Reverentiam quaerere quis scriptor sit dissertatiunculae prooemialis Codici Regularum editionis I romanae praemissae273, hanc ei dubitationem nunc eximere tanti duxi. Folia quaedam iam excusa ejus libri, cum schedis super his omnibus, nuper defuncti Holstenii, dedit in manus mihi optimus patronus meus Eminentissimus Cardinalis Franciscus Barberinus, orans (qui jubere poterat) ut ex 267 Un très bref dossier fut consacré par Henschen à Gausbert de Montsalvy († 1087), fondateur d’une petite congrégation de chanoines réguliers de Saint-Augustin, dans les AASS, Maii t. 6 (1688) [27 mai], p. 723-724. Henschen y évoque Poussines et Gorse (cf. la note suivante) qui lui donnèrent des informations au sujet de ce religieux, sans que celles-ci aient été conservées dans les papiers des anciens Bollandistes. 268

Barthélemy Gorse (1628-1707, jésuite en 1644) fut recteur du collège d’Aurillac de 1681 à 1685 (ARSI). 269

Cf. note 260.

270

Louis Jobert (1637-1719, jésuite en 1652) fut engagé principalement dans le ministère de la prédication et s’intéressa de près à la numismatique. Il compta parmi les correspondants des premiers Bollandistes (cf. P. DUCLOS, in DBF, 18 [1994], col. 681-682). 271 Poussines fait ici mention d’écrits de trois carmes, publiés contre Papebroch dans la question des origines carmélitaines: Juste Camus, pseudonyme de Henri de Saint-Ignace († 1720), Novus Ismaël, Augsbourg, 1682; Maximilien de Sainte-Marie († 1741), Harpocrates Carmelitanus, Cologne, 1681; Valentin de Saint-Amand († 1687), Prodromus Carmelitanus, Cologne, 1681. Rappelons que, déjà dans une missive du 6 mai 1680 adressée à Papebroch, Jobert, après avoir consulté quelques savants, avait déconseillé à Papebroch de répondre aux attaques des Carmes (cf. B. JOASSART, François Combefis, Jacques Quétif et les Bollandistes. Huit lettres inédites des deux Dominicains, in AB, 118 [2000], p. 177). 272 273

Les trois premiers tomes des AASS de Mai parurent en 1680.

Poussines évoque ici l’ouvrage de Holstein, paru à Rome en 1661, sous le titre Codex regularum quas sancti patres monachis et virginibus sanctimonialibus servandas praescripsere.

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES

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iis qualemcumque quam primum editionem emitterem. Expressi e chartulis variis, addens quae opus erant, quidquid ibi legitur. Detuli scriptum, ex more, antequam typographo daretur, ad Magistrum Sacri Palatii [Capizucchi]. Qui, caeteris probatis, uno offensus verbo, in iis quae capitulo III posueram: Cassianum cum suo unanimo Achate Germano; pro Achate, rescripsit quod nunc ibi comparet: Abbate. Additas novas operas typothetarum editioni reliquiarum Mai vestri gaudeo274. Spe publica per hoc excitanda ad Junium velocius expectandum, de Sancto Mesolino Tarbiensi275, vereor ut plus sperari quam hactenus expressum est valeat. Iusto tamen subinde ut quaecumque ibi feruntur per populum notentur et mittantur. In aliis etiam, de quibus nuper scripsi, diligentiam non remittam. Salutem plurimam Reverendo Patri Bartio, et vestris et ejus Sacrificiis me commendans, ex animo utriusque, servus in Christo Petrus Possinus. L45 À Papebroch [KBR 8963, f. 47rv]

Toulouse, novembre 1683

Note suprapaginale de Papebroch: De Sancto Xaverio, 3 decembris. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Ponam hic quod non decuit inserere dissertationi epistolari. Accipio literas a Patre Gorsio nostro Rectore Collegii Auriliacensis. Illum ego multum oraveram ut Acta vetera Sancti Gauberti ex coenobio urbi Auriliacensi vicino, ubi asservari olim scripta putabantur, exscribi curaret ad vos transmittenda iis egentes ad absolutionem Maii vestri. Et ille negotium magno studio capessiverat, non sine quadam spe successus. Etsi enim coenobitae illi responderant, chartas illas veteres e suo coenobio alio portatas, ibi iam non comparere. Tamen unus ex iis, ubi asservarentur se nosse aiens, promiserat, spatio sumpto aliquot mensium, se vitam Sancti Gauberti ex his decerptam repraesentaturum. Verum dum id expectatur (quod initio memoratae Patris Gorsii literae docent), ille coenobita inopinato et nullo relicto indicio, mortuus, nihil sperandum amplius in isto negotio relinquit. Quod superest chartae purae, sinat Vestra Reverentia impendi a me versiculis quos nuper scripsi in gratiarum actionem Christo, Deiparae, et Sancto Francisco Xaverio, pro liberatione a molestissima ж̟̬̰½̩ҡ̝: Suit le texte de l’Eucharisticon pro somno recuperato mense novembri 1683, publié par COENS dans Poussines – François-Xavier, p. 279-280.

Haec in remissionis parte, a me ut sunt scripta, sic a Te legantur, Pater. Aut si otium descendendi ad haec graviores curae negent, dulcissimis saltem cognoscenda delegentur sociis Patribus Bartio et Moreto276. Quos ego, ut te quoque, ex animo venerans et suffragia omnium apud Deum ambiens, sum cunctis, vere servus in Christo Petrus Possinus.

274

Les tomes 4 et 5 des AASS de Mai paraîtront en 1685 ; les tomes 6 et 7, en 1688.

275

Le bref dossier de S. Misselin, prêtre qui aurait été enseveli à Tarbes, fut rédigé par Papebroch dans les AASS, Mai t. 5 (1685) [24 mai], p. 297. 276 Jean Moretus (1647-1718, jésuite en 1668) accomplissait alors son Troisième An; il sera notamment pénitencier à Lorette (cf. PIBA, 2, p. 147).

168

B. JOASSART

L46 À Papebroch [ms. boll. 64, f. 193]

Toulouse, 19 décembre 1684

Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Confido pervenisse istuc dudum, et vobis redditam, dissertationem meam tertiam277, qua ut Vestra Reverentia iniunxerat, respondi tribus argumentis quae quibusdam videntur suadere natum fuisse Christum anno retro quinto maturius quam caput Ærae Christi vulgaris inivisset, adiecta solutione dubii scheda per Reverendum Patrem Jobert ad me posterius missa propositi. Conieci ante hos menses duos omnia haec, una cum libello edito dissertationum duarum, in fasciculum Lutetiam via veredarii, quae putatur tutissima transmissurum, ibique commendatum Patri Jobert, aut, si forte abesset, cuidam alteri e nostris. Mitto iam eadem via Enarrationem meam Apocalypsis278 e praelo exeuntem, quam cuperem ostendi vestris amicis Sacrarum Literarum studiosis. Scio libros eius generis a multis in vestro Belgio, inque Hollandia et Anglia libenter legi. Si qui bibliopolae illarum partium accersere hinc vellent exempla eius mei operis, nos moneant; facile res curabitur per Garumnam Burdigalam et Oceanum, idque pretio infimo. Inserui libro isti meo Vitam antiquam e membranis veteribus exscriptam, Sancti Pardulfi, quam unus e nostris iuvenibus docens humanitatem in nostro Auriliacensi collegio ad me transmisit orans ut vobis communicarem, quod libenter facio. Unde is habuerit, docebit illius ad me epistola quam adiungo279. Vale mi optime ac honoratissime Pater meique in orationibus praesertim ad aram memento. Multam opto salutem Reverendo Patri Bartio. Reverentiae Vestrae servus in Christo, Petrus Possinus. L47 À Papebroch [KBR 8911-12, f. 241]

Toulouse, 22 septembre 1685

Notes suprapaginales de Papebroch: Ultimae litterae patris Possini. De officio … Sanctarum Puellarum 17 octobris. Reverende in Christo Pater, Pax Christi. Nactus occasionem gratuito mittendi Burdigalam fasciculum Vestrae Reverentiae inscriptum, et Reverendo Patri Frizon280 commendatum, qui eum, ut confido, diriget ad vos via item gratuita navis cuiuspiam inde ad vos appulsurae. In eum conjeci quaedam quae, spero, non illibenter videbitis, selecta e multis quae passim hic vulgantur. 1. est Epitaphium Domini Francisci Oliverii qui nuper decessit, Decanus, hoc est omnium natu maximus, et Praefecturae initae ordine antiquissimus in hoc nostro Parlamento Tolosano281. Vir qui in saeculari statu a prima juventute usque ad ae277

Il s’agit de la troisième des dissertations mentionnées à la note 6.

278

Cf. note 263.

279

Pardoux († 737), fondateur de l’abbaye de Guéret (Creuse), fut présenté par Jacques De Bue dans les AASS d’Oct. t. 2 (1768), p. 422-443. Cf. p. 443 du dossier. 280 Léonard Frizon (1628-1700, jésuite en 1644) fut principalement professeur de lettres, de grec et d’Écriture sainte (cf. H. BEYLARD, in DBF, 14 [1979], col. 1314-1315). 281 Ce personnage n’a pas pu être identifié. Sans doute appartenait-il à la famille toulousaine des Olive qui compta plusieurs juristes.

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tatem octogenariam tam constanti probitate, pietate, liberalitate in pauperes, omnis generis religione vixit, ut vulgo, et ex merito, cognominaretur Sanctus. Scripsit eius quod mitto elogium funebre ac in marmor incidi curavit, gener eius et heres unicus Dominus Samuel Fermatus282, senator item Tolosanus, per soceri vestigia omnibus virtutum officiis incedens, doctissimis idem et graece latineque disertus in paucis; praetereaque Italice et Hispanice, quibus omnibus linguis et prosa et carmine quaedam edidit. Hujus est libellus inscriptus Pensées sur divers sujets de piété; quem adiungo sciens linguae quoque Francicae vos peritos esse. Duo reliqua ̡̮̲̠̥қ̨̮̝̯̝ quorum ultimum meum est; ipsa de se loquentur. Habetis hic insuper tres lectiones officii ecclesiastici quae per totam episcopatus Sancti Papuli diocesim recitantur, memoriam antiquissimam continentes duarum sororum virginum martyrum, quae in oppido vicino Santes Puelles, vulgo dicto, ubi earum reliquiae servantur, praecipue coluntur283. Est id oppidum in diocesi Sancti Papuli. Forte vobis ea notitia proderit cum ad Octobrem perveneritis. Cuperemus hic esse aliquod commercium librorum vobiscum et cum Hollandia et Flandria minus sumptuosum et magis utrimque quaestuosum quam quod hactenus per Lugdunum aut Lutetiam fuit. Quippe hinc Burdigalam facillima transmissio per Garumnam est; inde autem ad vos per mare, et a vobis ad nos. Quidni reperiretur e vestris isthic negotiatoribus librariis quispiam qui ei rei vellet attendere ? Expecto cum desiderio duos aut tres vestros Maii tomos tribus dudum editis superadditos284, et plurimam salutem optans Reverendis Patribus et Janningo ipsorum et Sanctis Reverentiae Vestrae Sacrificiis me plurimum in Domino commendo. Reverentiae Vestrae servus in Christo Petrus Possinus. In hisce partibus, summo et singulari Dei beneficio, plus quam centum haereticorum millia a Calviniana secta ad Catholicam Ecclesiam redierunt a quatuor mensibus. Scribunt undique magno numero quoquo versum sparsi, nostrae Societatis Missionarii esse, se impares messi. Unus ait se octo diebus mille quingentorum Calvinistarum abiurationes accepisse. Videtur advenisse […]

Bernard JOASSART

282 Samuel de Fermat († vers 1690) fut avocat puis conseiller au Parlement de Toulouse. Il édita les œuvres de son père, Pierre de Fermat (1601-1665), lui aussi membre du Parlement de Toulouse et auteur de travaux de mathématiques. Pour sa part, Samuel publia entre autres les Dissertationes tres, quarum prima est, de re militari, seu de quibusdam legibus romanis ad utramque militiam, sacram scilicet ac profanam, pertinentibus. Secunda, de authoritate Homeri apud jurisconsultos. Tertia, de historia naturali, Toulouse, 1680 (cf. J. DOMERGUE, in DBF, 13 [1975], col. 1042). 283 Cf. le dossier publié par Joseph Van Hecke dans les AASS, Oct. t. 8 (1853) [17 oct.], p. 13-15. À la p. 13, le bollandiste évoque le fait que Poussines écrivit à ses prédécesseurs au sujet de ces martyres. 284

C’est-à-dire les tomes 4 et 5 des AASS de Mai parus en 1685.

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B. JOASSART

Abréviations ARSI = Archives romaines de la Compagnie de Jésus. Bollandistes, saints et légendes = R. GODDING et al., Bollandistes, saints et légendes. Quatre siècles de recherche, Bruxelles, 2007. BS = Bibliotheca Sanctorum. Catholicisme = Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain. COENS, Poussines – François Xavier = M. COENS, Deux écrits de Pierre Poussines (Possinus) en l’honneur de S. François Xavier, tirés des archives bollandiennes, in AB, 71 (1953), p. 273-281. DBF = Dictionnaire de biographie française. DBI = Dizionario biografico degli Italiani. DHCJ = Diccionario histórico de la Compañía de Jesús biográfico-temático, dir. Ch. E. O’NEILL – J. Ma DOMÍNGUEZ, 4 vol., Rome – Madrid, 2001. DHGE = Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques. Dictionnaire de Port-Royal = J. LESAULNIER – A. MCKENNA, Dictionnaire de PortRoyal, Paris, 2004. DTC = Dictionnaire de théologie catholique. Elucidatio = D. PAPEBROCH, Elucidatio historica actorum in controversia super origine, antiquitate, et historiis Sacri Ordinis Beatae Mariae de Monte Carmeli…, Anvers, 1698. Ouvrage repris dans F. A. ZACCARIA, Acta Sanctorum bollandiana apologeticis libris in unum volumen nunc primum contractis vindicata…, Anvers, 1755 (éd. ici utilisée). JOASSART, Oliva – Noyelle – Bollandistes = B. JOASSART, Jean-Paul Oliva, Charles De Noyelle et les Bollandistes d’après les archives bollandiennes, in AB, 125 (2007), p. 139-197. KBR = Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles. LTK = Lexikon für Theologie und Kirche. Ms. boll. = manuscrit bollandien. PAPEBROCH, Albertus Hier. = D. PAPEBROCH, Dossier de S. Albert de Jérusalem, in AASS, Aprilis t. 1 (1675), p. 769-802, et compléments p. 909-910. PIBA = W. AUDENAERDT, Prosopographia jesuitica Belgica antiqua (PIBA). A bibliographical dictionary of the Jesuits in the Low Countries, 1542-1773, 4 vol., Leuven – Heverlee, 2000. SOMMERVOGEL = C. SOMMERVOGEL, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 11 vol., Bruxelles, 1890-1932.

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INDEX SANCTORUM in pagellas 105-169 Aemilianus ep. m. Trebiae in Umbria: 154 Agape, Irene et Chione mm. Thessalon.: 129 Albertus patriarcha Hierosolym. Ord. Carm.: 108, 135, 136 Alexander et Antonina mm.: 139-140 Alexander Romanus m. Driziparae: 140, 149 Aloysius Gonzaga: 161 Alphius, Philadelphus, Cyrinus et soc. mm. Leontinis in Sicilia: 145, 149 Ambrosius Traversari: 139, 154 Anicetus (p. ?): 150 Antoninus ab. Surrentinus: 129-131 Athanasius ep. Alexandrinus: 120, 164 Balduinus ab. O. Cist. Reate in Italia: 134 Barlaam m. Antiochiae: 121 Bartholomaeus ab. Cryptae Ferratae: 129, 131-132 Benedictus a Fratello Ord. Min. Panormi: 141 Bertrandus ep. Convenarum: 116, 118-119 Bonifatius m. Tarsi sub Diocletiano: 121 Catharina v. m. Alexandriae: 158 Cechardus ep. Lunensis m.: 136-137 Chelidonia / Cleridona v. apud Sublacum in Latio: 127 Columba Reatina: 129-130, 132 Declanus ep. Ardmor. in Hibernia: 144, 149 Dicentius seu Dizantius ep. Santon.: 112 Dominica m. culta Tropeae: 158 Edmundus rex Angliae Oriental. m.: 116117 Elias propheta: 108, 148 Enimia v. dicta filia Chlodovei regis, abb. in dioec. Mimatensi: 118-119 Erasmus ep. m. in Campania: 150 Eudocia m. Heliopoli in Phoenicia: 120, 123 Eupuria v. Caietae: 149-150 Eusanius et soc. mm. apud Furcontium: 134 Eutychius patr. CP.: 133 Florentia: cf. Tiberius, Modestus et Florentia Franciscus Xaverius: 139, 149-151, 167 Franciscus Assisiensis: 162-163 Frontonius ab. Aegypto: 149-151 Gabriel archangelus: 105 Gausbertus erem. in Arvernia: 167 Georgius Cappadox m.: 130 Geraldus Ord. canonicorum regul. Ansedae in Lusitania: 162

Hilarius ep. Arelatensis: 160 Hippolytus Romanus presb.: 126 Iacobus Picenus seu de Marchia: 132 Ieremias propheta: 162 Ignatius de Azevedo: 151, 155, 157 Illuminatus Septempedae in Piceno: 162 Iob patriarcha: 162 Iohanna a Cruce: 144 Iohannes Bonus de Mantua erem.: 135 Iohannes Chrysostomus: 111 Iohannes Damascenus: 111, 141, 143-144, 149, 159 Iohannes Eleemosynarius ep. Alexandrinus: 137-138 Iohannes Sabaita hesychastes: 156 Iohannes Simplex seu Reatinus: 134 Ladislaus Gielnovus Ord. Fratrum Min. Warsaviae: 162 Laurentius erem. Sublacensis: 127 Leo I p.: 160 Lucas iunior eremita in Hellade: 123 Ludovica Albertoni: 125, 128 Marcus evangelista: 130 Maria Deipara: 148 Maria Ægyptiaca paenitens: 165 Maron m. in Piceno: 161 Matrona Chiensis: 121 Maxentius ab. in agro Pictavensi: 118 Menas m. in Aegypto: 138 Michael archangelus: 105, 111 Missolinus cultus Tarbiae: 167 Modestus: cf. Tiberius, Modestus et Florentia Nicolaus Albergatus ep. Bononiensis: 162 Panteleemon m. Nicomediae: 115 Papulus m. in agro Tolosano: 165, 169 Pardulfus ab. Waractensis: 168 Paschalis Baylon O. Minor.: 159-160 Perpetua et Felicitas et soc. mm.: 121 Petrus de Fulgineo: 158 Petrus de Murrone: 141 Petrus conf. Trebanus: 126 Philippus Aquilanus, ex Ordine observantiae regularis S. Francisci: 162 Philippus Neri: 144, 149, 151 Pius (p. ?): 150 Pius V p.: 127, 130, 152, 162 Puellae (sanctae) vv. mm., cultae in oppido S. Papuli: 168-169 Rosa v. Viterb. tertii Ord. S. Francisci: 128 Severus ab. Agathensis: 118

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B. JOASSART Tiberius, Modestus et Florentia mm. in agro Agathensi: 110, 118 Timotheus et Maura mm.: 139-140 Ventura Ord. Cruciferorum Hispelli in Umbria: 154 Vivaldus erem. Montaione in Hetruria: 162 Willelmus dux, mon. Gellon.: 154, 164 (?) Willelmus ep. Briocensis: 154-156 Xenophon et Maria coniuges: 123 Zacharias, Ord. Minorum S. Francisci Alanquerii in Lusitania: 162 Zosimas / Zosimus mon.: 164

Simon Stock, O. Carm.: 148 Simplicius (quis ?): 122 Sindulfus erem. Alsontiae: 119 Sipontinus: cf. Eusanius et soc. Symeon Metaphrastes: 123 Syncletica v. Alexandriae: 120, 164 Thecla v. m. Seleuciae in Isauria: 163-164 Theodorus: cf. Eusanius et soc. Theodosius coenobiarcha prope Hierosol.: 137-138 Theodotus ep. Laodicenus: 144, 145, 149 Thomas Aquinas: 152

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INDEX NOMINUM in pagellas 105-169 Adon: 145 Albani, Gianfrancesco: 130, 145 Alberini, Paolo: 125 Alexandre VI, pape: 130 Alexandre VII, pape: 132 Allacci [Allatius], Leone: 124, 140 Altieri Paluzzi degli Albertoni, Paluzzo: 124-125, 137 Andronic II Paléologue: 159 Annat, François, SJ: 114, 117 Arnauld, Antoine: 114 Asseline, Louis, CSA: 156 Baert, François, SJ: 165-168 Baiole, Jean SJ: 113 Barberini, Francesco: 123-124, 140, 166 Barnabo, Niccolò: 158 Barone, Antonio, SJ: 158 Baronio, Cesare: 120-121, 131, 142, 145, 147 Bartolini, Niccolò: 139 Basile de Séleucie: 163 Basile II, empereur: 129 Beatillo, Antonio, SJ: 134 Bertet, Jean, SJ: 140 Blanchi, Cesare: 130 Bolland, Jean: 106-107, 111, 115, 118, 120121, 123-124, 126, 131, 137 Bonetti, Ludovico: 141, 150 Boucher, Claude, SJ: 121 Bouillon, Emmanuel-Théodose de la Tour d’Auvergne, cardinal de: 140 Brancaccio, Francesco Maria: 124 Brancati di Lauria, Lorenzo, OFM: 128 Cantuer, Jean, SJ: 118

Capizucchi, Raimondo, OP: 110, 151-153, 155, 167 Carafa, Pier Luigi: 124 Cardon, Daniel, SJ: 140, 142, 144, 149, 151-152 Carpentier, Édouard, SJ: 135 Casali, Bernardino: 144, 148, 156-157 Catel, Guillaume de: 154 Catena, Girolamo: 162 Catherine de Bragance, reine d’Angleterre: 153 Catherine Jagellon: 127 Charlemagne: 139, 154 Charles II, roi d’Angleterre: 153 Chigi, Flavio: 132 Christine de Suède: 122 Clément V, pape: 141 Clément X, pape: 125-126, 128, 137, 148 Clenard, Nicolas: 115 Clovis, roi des Francs: 119 Coens, Maurice, SJ: 105, 107 Colloredo, Leandro: 144, 147, 149, 158, 163 Constantin l’Acropolite: 159 Cordier, Balthasar, SJ: 115-116 Cossart, Gabriel, SJ: 140 Cuypers, Guillaume, SJ: 134, 158 Dagobert, roi des Francs: 119, 139 De Auria, Marcello: 134 De Camargo, Ludovic, SJ: 164 De Juliis, Giuseppe: 149-151, 156 De Juliis, Tommaso: 156 Delehaye, Hippolyte, SJ: 110 Despautère, Jean: 115

LETTRES DE POUSSINES AUX BOLLANDISTES Diertins, Jean-Ignace, SJ: 154 Diotiguardi, Cesare, SJ: 124-125, 128 Du Cange, Charles: 109 Du Ponceau, Élie, SJ: 131, 135, 137, 139, 143, 151 Du Rieu, Pierre, SJ: 160 Du Sollier, Jean-Baptiste, SJ: 154 Duquesne, Antoine: 138 Éléonore, impératrice germanique: 122 Eugène IV, pape: 141 Eusèbe de Césarée: 145 Faber, Charles, SJ: 165 Falconieri, Ottavio: 124, 137-138 Ferdinand III, empereur germanique: 122 Fermat, Pierre de: 169 Fermat, Samuel de: 169 François de Bonne-Espérance O. Carm.: 108 Frizon, Léonard, SJ: 168 Froidmont, Libert: 119 Gégoire XIII, pape: 162 Gibieuf, Guillaume, orat.: 112 Gissey, Odon de, SJ: 112, 118 Goar, Jacques, OP: 152 Gorse, Barthélemy, SJ: 167 Gradi, Stefano: 124 Grégoire II, patriarche de Constantinople: 159-160 Grégoire XIII, pape: 127 Grégoire XV, pape: 145, 151 Hansen, Léonard, OP: 139, 153 Harold, Francis, OFM: 144, 149 Henri de Saint-Ignace, OCarm: 166 Henschen, Godefroid, SJ: 107, 109-110, 112, 118-122, 126-127, 129-130, 132-133, 135, 137, 139-144, 146, 148-154, 156158, 160-164, 166 Holstein, Luc: 121, 140, 166 Howard, Philippe, OP: 153 Hozjusz / Hosius, Stanisáaw: 127 Innocent IV, pape: 154, 156 Innocent XI, pape: 140, 143 Jacobilli, Francesco: 125 Jacobilli, Ludovico: 124 Janning, Conrad, SJ: 122, 142-144, 156158, 160-164, 169 Jansen(ius), Corneille: 119 Jean III de Suède: 127 Jean XI Bekkos: 161 Jobert, Louis, SJ: 166, 168 Joseph Ier, empereur germanique: 150 Jourdain de Saxe: 134 Kircher, Athanase, SJ: 137, 139, 150 Köler, Laurent, SJ: 129, 131 La Falluère, François de, SJ: 126

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La Loubère, Antoine de, SJ: 117 Labbe, Philippe, SJ: 140 Lachenal, Étienne, SJ: 120 Léon III l’Isaurien: 159 Léonce de Néapolis: 138 Léopold Ier, empereur germanique: 150 Leslaeus, William A., SJ: 140 Lippomano, Luigi: 133 Lothaire, roi des Francs: 139 Louis XIV, roi de France: 112, 138, 140 Lucio, Giovanni: 143, 147, 154 Mabillon, Jean, OSB: 109, 145 Malgoires, Jean, O. Cist.: 156 Malvenda, Tomás, OP: 120 Manderscheidt, Charles-Alexandre von, SJ: 122, 126, 132, 153 Mari (?): 120-121 Marie-Anne, reine d’Espagne: 148 Martial: 152 Maussac, Philippe Jacques de: 118 Maximilien de Sainte-Marie, OCarm: 166 Mellini / Millini, Savo: 138, 164 Ménestrier, Claude-François, SJ: 126 Métaphraste, Syméon: 111-112 Michel VIII Paléologue: 159-160 Molina, Luís, SJ: 117 Mondéjar, Gaspar de Mendoza Ibañes de Segovia, marquis de: 163-164 Monroy, Antonio de, OP: 153 Montchal, Charles de: 111, 114 Moretus, Jean, SJ: 167 Morone / Moroni, Carlo: 140 Nadasi, Johann, SJ: 122 Nickel, Goswin, SJ: 105 Nil, métropolite de Rhodes: 121 Noyelle, Charles de, SJ: 109, 121, 136-138, 143, 149, 155, 163-164 Odéric: 147 Oliva, Jean-Paul, SJ: 108, 122, 136-138, 164 Olive / Olivier, François: 168 Orlandini, Niccolò: 105 Ottolini, Paolo, SJ: 129, 137 Pachymeres, Georges: 159-161 Papebroch, Daniel, SJ: 106-110, 116, 121, 123-126, 129-141, 144-145, 147-152, 155, 157-164, 166-167 Petrone, Muzio: 154 Petruccio, Giovanni Battista: 132 Philippe V, roi d’Espagne: 119 Pie IX, pape: 124 Pien, Jean, SJ: 118, 126, 134 Pietrasanta, Silvestro, SJ: 124-125 Piquer, Hyacinthe, SJ: 122 Porzio, Lorenzo: 122, 126, 129, 133, 137-138

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B. JOASSART

Proclus: 111 Procope: 130 Pythagore: 164 Quesnel, Pasquier: 160 Ravaillé, Antoine, OP: 114, 117 Ravenstein, Jean-Baptiste, SJ: 127, 129 Raynaud, Théophile, SJ: 140 Réginald, Antonin, OP: 117 Regio, Paolo, évêque de Vicence: 131 Ricci, Michelangelo: 141-142, 145, 147, 149, 154, 162 Rosweyde, Héribert, SJ: 106 Sacchini, Francesco: 105 Samblancat, Jean: 113 Scan(n)apieco, Francesco Ord. Carm.: 136 Sigismond II Auguste, roi de Pologne: 127 Sigismond III, roi de Pologne: 127 Sirleto, Guglielmo: 149 Sisinnius II, patriarche de Constantinople: 111-112 Sommièvre, Guillaume de, SJ: 110, 118 Southwell, Nathanaël, SJ: 109, 136 Stilting, Jean SJ: 111 Suarez, Joseph-Marie: 124

Surius, Laurent: 111-112, 133 Suyskens, Constantin, SJ: 119 Teisseire / Teissier, Philippe, O. Carm.: 164 Tomasi, Giuseppe Maria: 164 Twisse, William: 114 Urbain VIII, pape: 119, 130-151 Usuard: 124, 145 Valentin de Saint-Amand, OCarm: 166 Valois, Henri de: 145 Van Albada, Hector, SJ: 129 Van de Walle, Jacques, SJ: 136 Van den Bossche, Pierre, SJ: 116, 127, 144 Van Hecke, Joseph, SJ: 119, 168 Van Hees (Hesius), Guillaume, SJ: 133 Van Hooff, Guillaume, SJ: 165 Van Schone, Laurent, SJ: 137, 149, 151 Vanden Eeden, Aubert: 109, 143-144, 148 Vanni, Giovanni Francesco, SJ: 121, 127 Vaussin, Claude, O. Cist.: 121 Vegio, Maffeo: 141 Vivonne, Louis-Victor de Rochechouart, duc de: 138 Wadding, Luc, OFM: 132, 144 Wynants, Guinandus, OP: 153

Robert GODDING ITALIA HAGIOGRAPHICA (VIII) Chronique d’hagiographie italienne Alors que notre dernière chronique adoptait un ordre régional (cf. AB, 127 [2009], p. 166-201), le contenu des volumes dont nous rendons compte ci-dessous, et dont plusieurs revêtent un intérêt majeur, dépasse souvent le cadre d’une région déterminée et nous invite à suivre cette fois un fil conducteur systématique.

• SEGMENTS D’HISTOIRE DE L’HAGIOGRAPHIE ITALIENNE ENTRE 300 ET 1300 Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550. Vol. V. Ed. Guy PHILIPPART (= Corpus Christianorum). Turnhout, Brepols, 2010, 808 p. + 1 pl. [ISBN 9782-503-52583-9] Les contributions qui constituent ce cinquième volume (cf. en dernier lieu AB, 125 [2007], p. 200-202) concernent toutes l’Italie, même si la première intéresse plus largement l’Occident dans son ensemble: elle présente en effet Les Passions latines composées en Italie entre 300 et 550, dont on sait qu’elles occupent une portion considérable des légendiers recopiés en Europe tout au long du Moyen Âge. C’est à Cécile LANÉRY, dont on a pu apprécier l’enquête sur Ambroise de Milan hagiographe (cf. AB, 127 [2009], p. 207-218), que l’on doit ce nouveau tour de force, qui remplit à lui seul les pages 15-369 du volume. On sait en effet les problèmes épineux que posent la datation et la localisation des Passiones, dont beaucoup, étant donné leur diffusion et la complexité du dossier dont elles font partie, n’ont pas encore d’édition critique. C. L. en a retenu 31: 21 composées entre la fin du IVe s. et la fin du Ve; 10 remontant à la première moitié du VIe s. Chacun de ces textes fait l’objet d’une notice comportant un résumé de la Passio dans sa forme la plus ancienne, un examen critique (étude du dossier hagiographique, localisation et datation des textes) et une bibliographie essentielle. L’ordre adopté est géo-chronologique: d’abord l’hagiographie romaine, qui comprend à elle seule 21 Passions; elle est suivie par les productions des diocèses suburbicaires auxquels l’A. ajoute Terracina (4), de l’Italie du Nord (Aquilée, Turin et surtout Milan) (5) et de la Sicile (1 texte latin, mais la Sicile a vu se développer toute une hagiographie en grec). Un second ensemble de notices, plus brèves, se rapportent à 45 Passions généralement attribuées aux Ve-VIe s., mais dont la datation et la localisation sont trop incertaines pour figurer dans le répertoire principal. L’A. souligne l’essor plutôt tardif de la littérature des Passions en Italie. Ce sont les écrits de Damase, Ambroise et Prudence qui ouvrent la voie. Les premières Passions restent centrées sur le martyre proprement dit: procès et exécution. Bientôt cependant, dès les premières décennies du Ve s., apparaissent les cycles épiques, pour lesquels la Bible et les romans hellénistiques constituent des sources d’inspi-

Analecta Bollandiana, 129 (2011), p. 175-210.

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ration. Le plein essor de la littérature martyriale date des années 430-450, avec notamment l’œuvre d’Arnobe le Jeune (Passions de Sébastien et de Cécile). Les Passions deviennent alors un genre pleinement établi: les auteurs du VIe s. s’inspireront de leurs prédécesseurs, sans devoir plus solliciter d’autres formes littéraires. Cet essor, alimenté principalement par le culte des martyrs, trahit aussi occasionnellement d’autres motivations: propagande pour une église déterminée (on sait comment les fondateurs des tituli se voient assimilés aux martyrs homonymes), outil catéchétique, prise de position dogmatique. La même période a vu également composer quelques Vitae, lesquelles font l’objet de la contribution de St. GIOANNI: Les Vies de saints latines composées en Italie de la Paix constantinienne au milieu du VIe siècle (p. 371-445). Ces textes sont à la fois trop peu nombreux et trop divers pour que l’on puisse dégager des tendances communes. Tout au plus peut-on regrouper la plupart de ceux-ci sous le vocable d’hagiographie épiscopale. Il y a d’abord les évêques de Rome, dont le Liber Pontificalis conserve la mémoire: le premier noyau en fut constitué sous le règne du pape Hormisdas (514-523); mais l’ouvrage relève moins de l’hagiographie que du genre des gesta episcoporum. La Vita Silvestri (BHL 7725-30) aurait été composée à Rome dans la seconde moitié du Ve s. et, malgré son caractère légendaire, elle est l’un des rares textes hagiographiques recommandés par le Décret du Ps.-Gélase. Malgré une chronologie peu précise et une place importante concédée au merveilleux, la Vita Ambrosii de Paulin constitue, elle, un témoignage historique essentiel sur l’Église de Milan, sur l’exercice de la fonction épiscopale en Italie du Nord et sur l’importance du culte des martyrs. Une dernière Vie d’évêque est celle d’Épiphane de Pavie (BHL 2570), rédigée par Ennode entre 501 et 504, au plus fort du schisme laurentien; l’auteur, alors diacre de Milan, soutient la cause du pape Symmaque. La Vie est dépourvue d’épître dédicatoire mais St. G. croit pouvoir identifier celle-ci dans la Lettre III, 12 à l’abbé Stephanus. Les deux dernières Vitae ne concernent pas des évêques. Ennode est également l’auteur de la Vita Antoni (BHL 584), ermite originaire du Norique, établi ensuite en Valteline puis sur les hauteurs du lac de Côme, avant de gagner un désert montagneux plus reculé, et finalement de rallier la vie cénobitique à Lérins. Mais plusieurs éléments, parmi lesquels l’absence de toute trace de ce personnage dans la littérature lérinienne, soulèvent le doute sur son historicité: Ennode n’a-t-il pas voulu proposer, à travers une fiction hagiographique, l’exemple spirituel d’un nouvel Antoine ? – La Vie de S. Séverin (BHL 7655-57) fut rédigée en 511 par Eugippe, abbé de Castellum Lucullanum, près de Naples, où venait de se transplanter la communauté monastique fondée dans le Norique par celui qui avait su «quitter la solitude pour se mettre au service de la communauté chrétienne» et qui se révéla un thaumaturge exceptionnel. «La Vita Severini ressemble moins à une biographie complète du saint qu’à une œuvre hétéroclite de ‘genre arétalogique’, comprenant un recueil de miracles, des homélies et des sentences d’édification morale, qui entretient la mémoire d’un saint protecteur, encourage le culte de Séverin et favorise l’essor du monastère qui renferme ses reliques». Ce second chapitre se conclut par un répertoire des Vitae mentionnées (à l’exclusion de la Vita Silvestri), donnant notamment pour chacune un utile résumé du contenu.

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Pierluigi LICCIARDELLO s’est attaqué à une pièce de résistance: Agiografia latina dell’Italia centrale, 950-1130 (p. 447-729). Cette période de 180 ans est profondément marquée par la réforme grégorienne. C’est une époque d’écriture hagiographique intense: pas une institution ecclésiastique de quelque importance qui ne mette par écrit son histoire sainte, laquelle aura valeur non seulement historiographique mais aussi juridique. Une place particulière revient à l’hagiographie érémitique, dominée par la production de Fonte Avellana et la figure de Pierre Damien. Parmi les compositions de ce dernier, la Vie de S. Romuald (BHL 7324), «chef-d’œuvre de l’hagiographie érémitique», trois autres Vitae, mais aussi des compositions à usage liturgique – sermons, hymnes, prières – dont nous est fournie la liste exhaustive par noms de saints dans l’ordre du calendrier. Pierre Damien opère clairement une relecture de ces vies, dont il accentue l’élément ascétique et qu’il fait résonner dans le langage du combat spirituel. Jean de Lodi, son disciple préféré, poursuit cette tradition littéraire avec l’Iter Gallicum (BHL 6708), récit d’une mission accomplie par Pierre Damien en France en 1063-64, œuvre exceptionnelle, «à mi-chemin entre hagiographie, chronique et diaire personnel». Sa Vita Petri Damiani (BHL 6706) constitue un véritable «manifeste des idées réformatrices»; l’intention normative de la Vita apparaît clairement: il s’agit de rapporter à la vie du saint fondateur l’origine des coutumes avellanites. Jean de Lodi fera luimême l’objet d’une Vita (BHL 4409), écrite par un compagnon de cellule de Fonte Avellana; le ton en est ascétique, le miraculeux absent. En dehors de Fonte Avellana, il faut mentionner le dossier de Dominique de Sora, pour lequel divers chercheurs ont proposé récemment des classements différents. La Vita due à Jean de Trisulti (BHL 2241), contemporaine de celle écrite par Albéric du Mont-Cassin, fait alterner, selon un ordre peut-être chronologique, épisodes de la vie du saint moineermite et miracles. Au monastère de San Pietro di Avellana (prov. Chieti), fondé par Dominique, est liée la figure de l’ermite S. Amico, dont la Vita longior (BHL 388) fut écrite sur place par le moine Bernard, peut-être après qu’Avellana ait rejoint le giron cassinien (1069). – L’hagiographie érémitique féminine prend son départ après l’an mille, mais elle ne se développera pleinement qu’au siècle suivant. Après cette approche sectorielle, entièrement justifiée, le reste de la production hagiographique est traité par zones géographiques. Nous ne ferons ici qu’évoquer certaines d’entre elles. En Toscane, le réveil précoce des villes s’accompagne de la construction de nouveaux complexes épiscopaux et du développement d’écoles florissantes: Lucques, Arezzo, Florence, Fiesole se caractérisent par une production hagiographique assez abondante, dominée par la figure des saints évêques et de l’un ou l’autre martyr. À Lucques, où sont honorés plusieurs saints pèlerins, est écrite la Vie de Davinus l’Arménien (BHL 2114); l’extraordinaire dévotion au Volto santo, qui apparaît vers la fin du XIe s., est à l’origine de la composition, par le diacre Léboin, de la Legenda (BHL 4236) du transfert, depuis la Terre Sainte, de ce que l’on considère alors comme une authentique image du Christ sculptée par Nicodème. Une autre relique fameuse, le saint anneau de Chiusi, une alliance en onyx prétendument offerte par S. Joseph à la Vierge Marie, voit sa légende mise par écrit au début du XIe s. (BHL vac.). Le monastère de Vallombreuse, fondé vers 1030 par S. Jean Gualbert, est marqué par l’œuvre d’André de Parme, ancien fidèle de la Pa-

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taria milanaise et de son inspirateur le martyr Ariald. Devenu moine, il écrit la Passio de ce dernier (BHL 673), animé d’un grand souci de vérité historique, non dépourvu toutefois d’une intention polémique vis-à-vis de Landolf Senior, l’auteur de l’Historia Mediolanensis hostile à la Pataria. Devenu abbé de Strumi (prov. Arezzo), André rédige en 1092 la Vie du fondateur Jean Gualbert (BHL 4397), dont la seconde partie, stigmatisant les maux dont souffre l’Église, développe l’idée d’une «guerre sainte» menée par les moines: ceux-ci n’hésitent pas à sortir de leur monastère et subissent les violences d’une expédition punitive organisée par l’évêque de Florence. Rome se caractérise d’abord par l’extraordinaire continuité du culte des martyrs et de la rédaction de leurs Passiones, rendant difficile la datation de ces dernières. Une exception à cet égard est constituée par l’œuvre de Thierry de Fleury, présent à Rome dans la première décennie du XIe s., et auteur des Passiones de S. Martin Ier pape (BHL 5596-97a) et des martyrs Tryphon et Respicius (BHL 8340), réécritures de textes antérieurs. Le monastère des SS. Boniface et Alexis sur l’Aventin connaît une importante activité littéraire. C’est à elle que l’on doit la plus ancienne Vie, composée en Italie, du saint pèlerin Alexis (BHL 286): transmise par plus de cent manuscrits, elle est à l’origine de nombreux textes latins et vernaculaires. Une autre pièce promise à une large diffusion, la Vie de S. Adalbert de Prague (BHL 37), qui avait été un temps moine sur l’Aventin, est écrite, autour de l’an mille, à la demande de l’empereur Otton III; cette biographie soigneusement informée et au style élevé est traditionnellement attribuée à Jean Capanario, abbé du monastère. La Curie romaine est elle aussi un centre important de production hagiographique: elle promeut, à partir du milieu du XIe s., un modèle de sainteté ecclésiastique, caractéristique d’une Église hiérarchique forte. Le dossier complexe du pape Léon IX (1049-54) comprend plusieurs textes composés à Rome. L’un de ceux-ci est dû à l’évêque Bruno de Segni (vers 1050-1123), longtemps conseiller des papes, fondé notamment sur le témoignage oral de Grégoire VII. C’est également la Curie qui est à l’origine d’un nouveau type de document hagiographique: la lettre de canonisation; la plus ancienne est, comme on sait, celle de Jean XV relative à Ulrich d’Augsbourg. En dehors de la Curie, l’intense activité de translation de reliques menée par les églises de la Ville trouve des échos dans quelques récits de Translationes. C’est à la demande du cardinal Anastase, titulaire de la basilique S. Clément dont il vient de promouvoir la restauration, que Léon Marsicano, cardinal évêque d’Ostie et de Velletri, compose sa trilogie sur le saint pape (Legenda italica: BHL 1851ab, 1851ad, 2073). Au sud de Rome, le puissant monastère de Farfa déploie, dès l’époque lombarde, une «stratégie hagiographique» consistant à promouvoir le culte des saints liés aux territoires sur lesquels l’abbaye a des intérêts: ainsi en va-t-il des martyres Victoria et Anatolia (BHL 8591) disputées à l’évêque de Rieti, et de l’archange S. Michel dans le récit de l’Apparitio in monte Tancia (BHL 5947b-c). Farfa écrit aussi l’hagiographie des siens comme en témoignent les récits consacrés à Laurent Siro, le fondateur, et Thomas de Morienna, le refondateur. Passant en revue la production hagiographique dans les Abruzzes, puis dans les Marches, P. L. en vient à la Romagne, où Rimini se signale notamment par la composition d’un roman hagiographique sur l’évêque martyr Gaudence (BHL 3275-77); si le niveau littéraire

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de celui-ci s’avère peu élevé, il n’en va pas de même de la Vie d’Arduino (BHL 663), un prêtre qui fit le choix de mener une vie ascétique aux portes de Rimini; d’un grand intérêt se révèlent aussi les Miracula de S. Julien d’Anazarbe (BHL 4539), dont les reliques avaient échoué sur la plage suite à une tempête (peut-être en 973). En Ombrie, ce sont surtout Pérouse et Spolète qui se distinguent par les Vies de leurs anciens évêques (et souvent martyrs). Concluant cet impressionnant panorama, P. L. dégage trois typologies principales: les Vitae de saints contemporains, les plus originales; les Passiones épiques; les recueils de Miracula ajoutés aux textes narratifs. Au-delà de leurs caractères spécifiques, ces récits présentent une série de lieux communs, tels la naissance noble, l’éducation littéraire, l’idéal de la militia Christi; avec la Réforme grégorienne, on voit le sens de ce dernier passer du combat spirituel à la lutte concrète pour défendre l’Église. S’il y a des constantes, il y a aussi des nouveautés: alors que les textes du Xe s. se caractérisent plutôt par leur simplicité et leur sobriété, la culture littéraire qui se répand à partir du XIe s. dans les écoles cathédrales et monastiques produit une hagiographie cultivée, aux goûts classicisants; la versification se fait plus fréquente. Le XIIe s. est marqué par la redécouverte de l’intériorité et de l’individu. De façon générale, on peut dire que l’hagiographie de l’époque considérée se rapproche de l’historiographie. Les prologues comprennent souvent des traits originaux. Les réécritures voient souvent coexister hypotexte et hypertexte, qui continuent à être recopiés l’un et l’autre faute d’un centre fort, capable d’imposer sa version. Le siècle suivant est traité par Antonella DEGL’INNOCENTI: Agiografia latina dell’Italia centrale, 1130-1220 (p. 731-798). Les textes pris en considération concernent neuf évêques, huit martyrs, six moines, cinq ermites, quatre laïcs, quatre papes, deux apôtres, un prêtre et seulement trois femmes. Les saints modernes (24) dominent par rapport aux anciens (17). La grande nouveauté du XIIe s. est toutefois l’affirmation du modèle du saint laïc. C’est aussi l’époque où le patronage des saints devient indissociable du pouvoir urbain et se profile comme un élément essentiel de la conscience communautaire. L’hagiographie épiscopale met en valeur les traits typiques de l’évêque grégorien, où se conjuguent «idéaux monastiques et exigences réformatrices, engagement pastoral et revendication de la libertas Ecclesiae, service de la papauté et puissance thaumaturgique». C’est le cas de Bérard des Marses (BHL 1176, 1176b), Pierre d’Anagni (BHL 6699) et Bruno de Segni (BHL 1474) dans le Latium; de Jean de Lodi, évêque de Gubbio (BHL 4409-10), présenté davantage comme ascète, d’Ubald de Gubbio (BHL 8354t, 8355-56, 8357) et, dans une moindre mesure, de Bérard de Teramo (BHL 1174-75) en Ombrie; en Toscane, de Bernard degli Uberti, évêque de Parme, dont la Vie (BHL 1249-50), écrite dans un milieu vallombrosain, a été attribuée à Atton, abbé de Vallombreuse puis évêque de Pistoie. Ce dernier est surtout l’auteur d’une nouvelle Vie de S. Jean Gualbert (BHL 4398), réécriture de l’œuvre d’André de Strumi, et qui finira par la supplanter pour devenir la biographie officielle du fondateur de Vallombreuse. Deux autres Vies seront toutefois composées: l’une, œuvre d’un disciple anonyme (BHL 4399), qui met en valeur les vertus monastiques exercées par le saint; l’autre due à Grégoire de Passignano (BHL 4400), présentée à Célestin III en

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vue de la canonisation, et dont on ne conserve que vingt et un fragments publiés par l’érudit Fedele Soldani au XVIIIe s. Vallombreuse occupe donc une place centrale dans l’hagiographie monastique de l’époque. Le monachisme traditionnel inspire aussi quelques Vies, ainsi celle de l’ermite Chelidonia, rédigée à Subiaco, qui nous est connue dans une rédaction tardive contenue dans un lectionnaire du XIIIe s. (BHL vac.); celle de S. Lidano, fondateur du monastère de Sainte-Cécile dans les marais pontins et vénéré à Sezze (BHL 4919-21); celle de Ste Olive, moniale honorée à Anagni (BHL 6327-28). L’hagiographie érémitique est illustrée principalement par la Vita prima de Guillaume de Maleval, fondateur de l’Ordre des Guillelmites, écrite par son disciple Albert (BHL 8922); la figure de l’ermite pèlerin et thaumaturge évoquée de façon vive et simple s’enrichira par la suite de traits légendaires empruntés à des saints homonymes. En ce qui concerne les saints laïcs, on recense trois Vitae: celles de Ranieri de Pise (BHL 7084), pénitent, pèlerin et thaumaturge, et d’Allucio de Pescia (BHL 303), constructeur d’églises et d’hôpitaux, bienfaiteur des pauvres et pacificateur sans oublier la Passio et les Miracula de Pierre Parenzo (BHL 6763-64), recteur d’Orvieto où Innocent III l’avait envoyé pour mater l’hérésie cathare. Deux apôtres suscitent la rédaction de textes: S. Philippe, à l’occasion de la translation de son bras de Jérusalem à Florence (BHL 6818), et S. Jacques le Majeur, dont Pistoie avait accueilli une relique en 1144/45 (BHL 4079). Plusieurs saints irlandais ou anglo-saxons, vénérés à Lucques (à cause de la position de la ville sur la via Francigena, mais également suite aux rapports entretenus entre l’Église de Lucques et l’abbaye de Bobbio fondée par S. Colomban), se voient consacrer une Vie à l’époque: Vita et miracula S. Frigdiani episcopi Lucensis (BHL 3177e), S. Silai episcopi Hiberni (BHL 7721, 7721b), S. Richardi regis Anglorum (BHL 7206t, v, w). Signalons encore les deux Vies de S. Albert, archiprêtre et patron de Colle Val d’Elsa (BHL vac.), rare exemple d’hagiographie «presbytérale». Parallèlement, on continue à écrire ou à réécrire des Passions de martyrs et des Vies de saints «anciens» vénérés localement. Le chapitre se conclut par un utile répertoire des textes présentés, dans l’ordre alphabétique des saints. Le terrain défriché dans ce volume, on le constate, est considérable. En tenant compte des contributions publiées dans les quatre volumes précédents, il ne reste plus à couvrir que les périodes 550-750 et 1220-1450 pour l’ensemble de la péninsule, ainsi que les années 750-950/1000 pour l’Italie centrale.

• UNE ERMITE DU XIIe SIÈCLE ET SA LONGUE HISTOIRE Sofia BOESCH GAJANO. Chelidonia. Storia di un’eremita medievale (= Sacro / santo, n. s. 16). Roma, Viella, 2010, 271 p. + 16 pl. [ISBN 978-88-8334-467-1] Sous la forme de Chelidonia, son nom apparaît pour la première fois dans le Martyrologe Romain (1584), peut-être sous l’influence du Martyrologe hiéronymien, qui connaît une Celedonia. En botanique, le chelidonium maius est une herbe vivace à fleurs jaunes, déjà connue d’Isidore de Séville, et que l’on retrouve dans la première représentation de la sainte. Sans doute ce nom, à l’époque de Baronius, sonnait-il mieux aux oreilles que l’originel Cleridona, attesté par les sources plus

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anciennes. Depuis plusieurs décennies1, S. B. s’est intéressée à cette figure oubliée, dont elle nous livre ici une «histoire» au sens fort du terme: enracinée dans la géographie et attentive au contexte institutionnel et religieux, suivi dans la «longue durée». D’après la Vita conservée dans un manuscrit du XIIIe s., Cleridona aurait passé cinquante-neuf ans de vie solitaire dans une grotte des Monts Simbruini audessus de Subiaco. À sa mort au milieu du XIIe s., une petite communauté féminine s’établit sur les lieux, pour disparaître au début du XVe s. S. B. commence donc par s’intéresser au cadre géographique, et en particulier à ce lieu connu sous le nom de Morra Feronia, porteur d’une sacralité fort ancienne, liée au culte de la déesse italique d’origine sabine Feronia, laquelle devait assurer la fécondité des récoltes dans une zone montagneuse connue pour être souvent sujette au mauvais temps. Néron mena des travaux importants dans la vallée de l’Aniene, qui court au pied des Monts Simbruini. S. Benoît s’établit dans la zone, même si l’incertitude règne quant à la localisation exacte des monastères qu’il y a fondés, une incertitude principalement liée à l’absence du corps du fondateur de Subiaco. C’est évidemment le monastère bénédictin qui constitue le contexte principal dans lequel va se développer le culte de Cleridona. Le départ de Benoît pour le Mont-Cassin avait privé pour toujours Subiaco des sacra pignora de son fondateur. On tâcha d’y suppléer par l’acquisition, dans la seconde moitié du Xe s., des reliques des martyrs Anatolie et Audax. Mais il faut attendre l’abbatiat de Jean (1069-1120/ 21) pour voir le monastère se doter d’une forte identité institutionnelle ancrée dans la mémoire de Benoît et surtout de sa sœur Scolastique, à qui sera dédiée l’abbaye. Quelques essais, infructueux, sont tentés afin de l’enrichir de nouveaux cultes: le Chronicon Sublacense présente sous les traits d’un martyr l’abbé Pierre III (9921003), mort en prison dans le cadre d’une dure lutte politique avec la famille des Crescenzi; le moine Palombo qui, dans les années 1090, s’était retiré au Speco (la grotte de S. Benoît) pour y mener une vie marquée par d’extraordinaires privations, avait été enterré dans la chapelle du palais abbatial. Ni l’un ni l’autre ne connut un début de culte. Quant au prédicateur itinérant Pierre (à situer probablement à la fin du XIe ou au début du XIIe s.), malgré son séjour de cinq mois à Subiaco et les miracles qu’il y accomplit, la communauté monastique fut incapable de l’accueillir de façon durable et perdit donc, au profit de la ville de Trevi, le bénéfice de sa sainteté. Tel est donc le contexte dans lequel apparaît Cleridona. Originaire de la région montagneuse du Cicolano (prov. Rieti), elle s’établit dans la grotte mentionnée ci-dessus, qu’elle ne quittera qu’à deux occasions: un pèlerinage à Rome et une visite au monastère de Subiaco où elle prendra le voile qui consacrera son choix de la virginité. L’abbaye légitime ainsi le choix d’une vie religieuse qui échappe aux normes monastiques: l’épisode peut être lu aujourd’hui comme significatif d’une volonté de «récupérer» la sainte alors qu’elle est encore en vie, et d’acquérir ainsi le droit de gérer sa mémoire et son culte. Aussi, à sa mort survenue le dimanche 7 octobre 1151, l’abbé de Subiaco ne tarde-t-il pas à transférer le corps dans l’enceinte 1

Cf. son article Monastero, città, campagna: il culto di S. Chelidonia a Subiaco tra XII e XVI secolo, in Culto dei santi, istituzioni e classi sociali in età preindustriale. Ed. S. BOESCH GAJANO – L. SEBASTIANI, L’Aquila – Roma, 1984, p. 227-260.

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du monastère, à l’encontre de la volonté exprimée par la sainte d’être ensevelie sur le lieu même où elle avait vécu. Les années qui suivent voient de terribles grêles s’abattre sur la région, détruisant à chaque fois l’ensemble des récoltes. Un songe par lequel la sainte révèle sa volonté à un prêtre et agite la menace de nouvelles grêles, achève de convaincre les autorités de l’abbaye de ramener le corps dans la montagne, avec une solennité égale à celle qui avait présidé à la première translation. Le même abbé décide alors de construire un monastère féminin sur les lieux, ce qui permettra à Subiaco de garder le contrôle du corps saint. Le nouvel établissement sera en effet étroitement dépendant de Sainte-Scolastique; au XIIIe s., l’abbé Henri (1245-75) limite le nombre de moniales à quinze; il leur enlève non seulement toute autonomie de gestion mais aussi les propriétés elles-mêmes, désormais rattachées au patrimoine de Subiaco. L’église du nouveau monastère avait été dédiée à Ste Marie-Madeleine; ce n’est que progressivement, et toujours de façon précaire, que Cleridona en assumera le co-patronage. Au début du XVe s., le monastère se trouve dans un état de complet abandon; un moine de Subiaco assure tout au plus la continuité de la liturgie dans l’église. Dès le XIIIe s., le monastère de la Morra Feronia n’est plus l’unique dépositaire du culte de Cleridona: on trouve en effet une fresque la représentant dans le complexe du Sacro Speco, le «pôle sacré» de Subiaco, dont Innocent III avait promu le développement. On peut donc parler d’une véritable appropriation cultuelle d’une figure demeurée jusque-là marginale. À la même époque, Laurent l’Encuirassé s’établit dans une grotte voisine du Speco pour y mener une vie caractérisée par d’effroyables pénitences corporelles. À sa mort, le 16 août 1243, un procès de canonisation est aussitôt lancé; il n’aboutira pas. C’est en 1578 que s’achève le processus d’appropriation de Cleridona, dont les reliques sont transférées solennellement à l’église de Sainte-Scolastique. Les événements nous sont connus par une Translatio rédigée par l’abbé Cyrille mais surtout par l’œuvre du moine Guglielmo Capisacchi, auteur d’une réécriture de la Vita (le texte publié par les AASS), ainsi que d’un vaste Chronicon sacri monasterii Sublaci, riche en notations hagiographiques2. Un manuscrit d’apparat, dû au talent du chanoine polonais Thomasz Treterus, regroupe la seconde Vita et la Translatio, un bref récit de la translation d’un bras de Cleridona au Sacro Speco, ainsi qu’une Vie de Laurent l’Encuirassé. Il vient ainsi compléter le codex composé au XIIIe s. à l’usage des moniales de la Morra Feronia, contenant la Vita la plus ancienne3. La «Storia di un’eremita medievale» s’avère inséparable de l’histoire et de la géographie de Subiaco, qu’elle contribue à son tour à éclairer. C’est le mérite de S. B. de ne pas avoir craint certains détours par l’histoire politique et institutionnelle, pour nous livrer ainsi une véritable leçon de méthode hagiographique. 2 L’ouvrage a été récemment édité: Guglielmo Capisacchi da Narni, Chronicon Sacri Monasterii Sublaci (Anno 1573). Ed. L. BRANCIANI, Subiaco, Tipografia editrice Santa Scolastica, 2005, 1583 p. 3 On regrette à cet égard que la seule édition disponible de ce texte capital reste l’opuscule confidentiel du P. Stanislao ANDREOTTI, S. Chelidonia, Subiaco, 1974, 87 p. Le regain d’intérêt que l’ouvrage de S. B. ne manquera pas de susciter pour la figure de la sainte fera naître – souhaitons-le – une édition critique de l’ensemble des sources.

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• FRANÇOIS: L’HISTOIRE ET SES SOURCES André VAUCHEZ. François d’Assise. Entre histoire et mémoire. Paris, Fayard, 2009, 548 p. + 16 pl. [ISBN 978-2-213-61886-9] Au cours des trois dernières décennies, les études relatives à S. François et aux sources franciscaines ont pris un tel développement, et surtout ont été poussées à un tel degré de spécialisation, que l’hagiographe «généraliste» en était venu à perdre pied dans ce qui pouvait apparaître de plus en plus comme une nouvelle discipline autonome. La magnifique synthèse d’A. V. vient donc parfaitement à son heure: quiconque souhaite sauter dans le train en marche des études franciscaines tirera un immense bénéfice de la lecture de ce livre parfaitement informé. Mais, bien davantage, l’ouvrage constitue en quelque sorte le couronnement de la carrière d’un des meilleurs spécialistes de l’hagiographie italienne du Moyen Âge. Après s’être longuement intéressé aux phénomènes de l’érémitisme et de la sainteté laïque dans la péninsule, l’A. en vient finalement à la figure centrale, celle de François. Comment faire œuvre originale alors qu’on aborde un sujet si souvent rebattu ? La structure de l’ouvrage, en quatre parties, annonce déjà qu’on a affaire ici à bien plus qu’une biographie. En fait, seule la première partie, «Esquisse d’une biographie», répond à cette catégorie. D’emblée apparaît la marque de l’historien, en particulier à travers deux traits: d’abord une vive attention au contexte politique, économique et social, et surtout religieux; ensuite une connaissance approfondie et une utilisation à la fois critique et nuancée des sources. Le premier trait se manifeste notamment dans une remarquable présentation de l’Église à la fin du XIIe et au début du XIIIe s.: outre les questions liées à l’argent et à la pauvreté volontaire, au cléricalisme et à la prédication, l’A. évoque des problèmes spirituels souvent méconnus et pourtant essentiels, tel le rapport au «monde», rejeté par Jésus dans l’évangile selon S. Jean (ce terme désigne-t-il la totalité de la Création, comme le voulaient les Cathares, ou l’ensemble des réalités profanes, comme l’entendaient les Cisterciens et la majorité des clercs, ou bien seulement «un usage mauvais de ces dernières, contredisant les exigences évangéliques», comme le comprendra François ?) et à la Bible («forêt de symboles» accessible aux seuls clercs savants ou bien «parole vivante et accessible, capable d’inspirer le comportement de tous les chrétiens» ?). En ce qui concerne les sources, A. V. accorde résolument une place décisive au Testament (au point d’en fournir le texte en annexe), lui conférant par exemple une priorité absolue dans l’interprétation de la conversion de François: contrairement à ce que laisseront entendre les textes hagiographiques, c’est la rencontre des lépreux qui est à l’origine de la métamorphose de François; c’est parce qu’il a été touché par la misère humaine qu’il est ému devant le crucifix de SaintDamien: c’est par la médiation du prochain qu’il a rencontré Dieu. Ce schéma peu conforme aux canons de l’hagiographie se verra ensuite transformé de diverses façons dans les sources postérieures. Faut-il conjecturer une inversion semblable à propos des premiers compagnons et de la découverte de la vie évangélique ? Selon le Testament, celle-ci est postérieure à l’arrivée des premiers frères, alors que Thomas de Celano affirme que François eut la révélation de son genre de vie futur

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alors qu’il était encore seul. Ici, A. V. suppose une prise de conscience en deux temps: vocation individuelle à la vie évangélique, suivie, à quelques mois de distance, par la découverte, avec les premiers compagnons, de ses exigences concrètes, notamment en matière de pauvreté. À la suite d’une triple ouverture du livre des évangiles, François aurait découvert que l’Évangile n’est pas «un ensemble de récits ou de conseils, mais une forme de vie praticable et la seule à conduire sûrement au salut» («Le Très-Haut lui-même me révéla que je devais vivre selon la forme du saint Évangile»). Proche des communautés de pénitents qui avaient vu le jour dans les villes d’Italie du Nord dans les années 1170-80, et qui alliaient le travail manuel à la prière tout en restant dans le monde, le petit groupe s’en distingue par un trait: la prédication itinérante, qu’il faut comprendre comme une exhortation très simple à la pénitence. Celle-ci sera rendue plus aisée par la confirmation romaine: la rencontre avec Innocent III en 1209/10, présentée par l’hagiographie franciscaine comme l’approbation de la Règle des Frères mineurs, ne fut sans doute qu’une simple approbation orale, rendue possible par l’attitude de soumission de François, son absence de toute animosité vis-à-vis du clergé. De cette première prédication, les contemporains retiendront surtout le souhait de paix, qui répondait à une aspiration très vive dans une société urbaine déchirée par les conflits. A. V. s’accorde ici une pause pour s’interroger sur ce qui faisait le charisme de François, en qui ses contemporains discernaient déjà un saint vivant. On passe ensuite à la fameuse rencontre avec le sultan (François est le premier saint chrétien à avoir cherché le contact avec l’Islam), suivie des douloureuses années 1220-1223, qui voient la normalisation du mouvement franciscain sous l’action du cardinal Hugolin, culminant dans l’approbation de la Regula bullata en 1223. Rédigé au terme de plusieurs années marquées par les épreuves et le doute (depuis 1220, François n’a plus de responsabilité institutionnelle), le Testament, écrit en mai-juin 1226, constitue «une dernière tentative pour imposer sa marque à l’Ordre des Frères mineurs en lui léguant, à la veille de sa disparition, un témoignage sur le sens de sa vocation et un ‘mode d’emploi’ de la règle». Une fois terminée cette «Esquisse d’une biographie», on n’est encore qu’à la page 213 d’un volume qui en compte 483 (en excluant les notes et la bibliographie). C’est ici qu’on saisit toute l’originalité du projet de l’A., exprimée discrètement dans le sous-titre de l’ouvrage. La seconde partie, intitulée «Mort et transfiguration de François», porte sur le quart de siècle qui suit la mort du saint et voit la rapide métamorphose de son identité. Si la canonisation, voulue par Grégoire IX, lui assure une notoriété universelle, elle transforme également son message: rien n’est dit de son amour de la pauvreté; dans une bulle où abondent les métaphores militaires, le pape le présente avant tout comme un fondateur d’Ordre, apparu en un moment providentiel pour soutenir l’Église dans sa mission. Dans sa Vita prima, Thomas de Celano célèbre la nouveauté radicale de François mais prend soin de l’insérer dans la tradition de l’Église, notamment en montrant ce que sa sainteté doit au pape et à l’Église romaine. L’érection de la basilique Saint-François et la construction adjacente d’un immense couvent et d’un palais apostolique accompagnent ce que l’A. appelle «la seconde mort» de François: le Testament, qui exprime si fortement la volonté du Pauvre d’Assise, est déclaré sans valeur normative

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par le pape, qui accorde à l’Ordre de nombreux privilèges, dont le but est de conférer une large autonomie aux Frères mineurs et d’en faire un clergé d’élite. Point particulièrement dommageable, le chapitre, désormais réduit à un petit nombre de membres, décide que désormais les frères laïcs seront exclus des postes de gouvernement et fixe des conditions très strictes à leur recrutement, alors que François avait toujours veillé à ce qu’aucune discrimination ne distingue clercs et laïcs, frères instruits et illettrés. Parallèlement, la figure historique de François cède la place à des interprétations allégoriques et eschatologiques, où les stigmates, mais aussi des récits d’apparitions et de miracles, tiennent une place croissante. Par contre, est gommée toute référence à ce qu’avait été son genre de vie concret, à la pauvreté telle qu’il l’avait pratiquée, mais aussi à sa relation avec les femmes, à son action en faveur de la paix,. Rédigé dans les dernières années du généralat d’Élie, le Sacrum Commercium Beati Francisci cum Domina Paupertate exprime, sous une forme poétique et théâtrale, l’opposition des premiers compagnons, repliés dans les ermitages, à l’évolution présidée par Élie. La troisième partie, «Images et mythes de François d’Assise du Moyen Âge à nos jours», examine la suite de ce travail de mémoire. Ce sont d’abord les «lectures médiévales de François»: entre 1230 et 1263, pas moins d’une dizaine de légendes latines lui sont consacrées. Parmi celles-ci, la Legenda maior de Bonaventure tente de fixer une fois pour toutes l’image de François. Ce qui est divin, selon lui, ce n’est pas tant sa vie que la Règle de son Ordre, telle qu’elle a été approuvée par la papauté. L’expérience des premiers temps est donc moins une référence absolue que le début d’un processus évolutif dont François n’avait pas nécessairement prévu le sens. Poursuivant l’œuvre de déshumanisation du Pauvre d’Assise, Bonaventure entend dissocier l’Ordre des Frères Mineurs de l’histoire de son fondateur. Le relâchement qui suit le généralat de Bonaventure († 1274) voit naître le courant contestataire des «Spirituels» dans les pays méditerranéens. Aspirant à vivre la pauvreté dans sa radicalité, les Spirituels rédigent des écrits qui prétendent retrouver la vraie figure de François: Compilatio Assisiensis et Speculum Perfectionis. Leur mouvement condamné et durement persécuté, leur voix ne se fait plus entendre après 1330 mais leur sensibilité continue d’inspirer certains écrits: les Actus B. Francisci et sociorum eius qui, traduits en toscan, donneront les Fioretti où s’exprime la nostalgie d’un paradis perdu; et le De conformitate vitae B. Francisci ad vitam Domini Iesu de Barthélemy de Pise, dernier de la lignée des textes cherchant à rendre la véritable image de François à travers l’hagiographie. De cette recherche participe aussi l’iconographie, objet d’études systématiques seulement depuis les années 1980: A. V. nous en livre un panorama succinct, depuis la représentation idéalisée de François à Subiaco au portrait réaliste que peint Cimabue dans la basilique inférieure d’Assise; depuis la Tavola Bardi, où apparaissent des scènes qui ne seront plus jamais représentées par la suite, jusqu’au grandiose cycle de Giotto dans la basilique supérieure d’Assise, où l’on ne trouve pratiquement ni pauvres ni lépreux ni femmes, et dont deux tiers des scènes illustrent des phénomènes surnaturels. Parmi ceux-ci, les stigmates retiennent évidemment l’attention de l’A., qui en présente d’abord les différentes versions écrites: celles d’Élie, de Thomas de Celano, de Léon, de Bonaventure. Alors que Thomas de Celano insistait pour res-

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pecter la discrétion dont François avait toujours voulu entourer le phénomène, ainsi que le mystère attaché à cette expérience, Bonaventure confère à la stigmatisation une place centrale dans sa biographie: «les stigmates sont le sceau princier par lequel Dieu a authentifié la doctrine et la règle des Frères Mineurs qui s’identifient à l’Évangile lui-même». Tout en prenant ses distances par rapport aux thèses niant la réalité des stigmates, A. V. souligne combien l’interprétation de ceux-ci, telle qu’elle apparaît dans la fresque de Giotto qui fait de François un Christus redivivus, en a altéré le sens: «les stigmates sont la manifestation physique d’un bouleversement intérieur, enraciné dans la dévotion passionnée de François à la Croix et dans son désir pathétique de participer personnellement aux souffrances du Christ». L’A. retrace ensuite l’évolution de la perception du Pauvre d’Assise depuis le e XVI s. Si Luther témoigne une certaine admiration pour François, il ne manque pas de s’en prendre, comme tant d’autres de ses contemporains, aux Franciscains coupables d’avoir quasi divinisé leur fondateur. Les Centuries de Magdebourg vont plus loin, considérant François et Dominique comme les précurseurs de l’Antéchrist. Les philosophes des Lumières, parmi lesquels Voltaire, tournent François en ridicule. Dans le camp catholique se développent les travaux d’érudition: Wadding publie la première édition des écrits de François (1623), tandis que le dossier des Acta Sanctorum, publié en 1768, comprend l’editio princeps de la Vita prima de Thomas de Celano et de la Legenda trium sociorum. La remise à l’honneur de François au XIXe s. est un processus progressif, inauguré par la redécouverte de sa tombe et de ses reliques en 1818 et par la relance qui s’ensuivit du pèlerinage, devenu purement local depuis la fin du Moyen Âge. À l’interprétation esthétique et spiritualiste des Nazaréens et Préraphaélites, d’Ozanam et de Joergensen, fait suite une approche plus délibérément historique, fondée sur un examen critique des sources: on sait le rôle fondateur de la Vie de S. François de Paul Sabatier (189394), qui ouvre la «Question franciscaine». Faisant sienne l’analyse de R. Michetti, l’A. considère qu’aujourd’hui, le Pauvre d’Assise est devenu «un mythe pluriel pour notre temps»: «une figure à la fois omniprésente et floue qui oscille entre plusieurs images en fonction des aspirations et des inquiétudes qui traversent notre siècle». Si l’on recourt à lui pour légitimer tant d’aspirations, c’est parce qu’il incarne aux yeux de beaucoup l’essence du christianisme à l’état pur. Renan ne l’avait-il pas désigné comme «le seul parfait chrétien» ? Mais une telle vision «fait problème pour l’historien. Certes, le Pauvre d’Assise a poussé très loin, et sans doute plus loin que tous ses prédécesseurs, l’incarnation dans une vie humaine des valeurs évangéliques; mais on ne voit pas pourquoi cette expérience aurait un caractère unique et ne pourrait pas prendre ou avoir pris d’autres formes dans des contextes historiques et culturels différents». L’A. cherche donc à «déconstruire les schémas antérieurs, tant apologétiques que mythologiques, qui tendent à lui assigner un rôle quasiment messianique ou à faire de lui un modèle ayant une validité universelle et permanente … pour le restituer à l’histoire qui connaît des grands hommes mais pas des surhommes». Une quatrième partie entend donc retrouver le visage authentique du Poverello. Pour ce faire, l’A. s’attache prioritairement aux écrits de François. Si ceux-ci, à part le Testament, ne nous livrent guère de détails autobiographiques, ils désirent

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avant tout transmettre un message. En six chapitres, A. V. tente de caractériser «La nouveauté franciscaine». C’est d’abord une expérience de Dieu très personnelle. Sa relation à Dieu s’apparente à «une irruption de bruits, d’odeurs et de visions qui le conduisaient à un état d’ivresse spirituelle». Jubilant de la certitude d’être aimé par Dieu, et tout à la fois bouleversé par son humilité, François entend réconcilier les hommes avec ce Dieu qui est Père. Face à l’amour du Christ, sa réponse prend la forme d’une identification aux pauvres et aux rejetés de ce monde. François inaugure aussi un nouveau rapport à l’Écriture: elle est pour lui un appel personnel. Le sens spirituel réside dans la lettre même du texte sacré. Son expérience religieuse consiste à se conformer en toute chose à l’Évangile, à en faire la norme absolue de son comportement. Un des traits les plus connus de la personnalité de François est son rapport à la nature et en particulier aux animaux; mais celui-ci ne s’explique que dans le cadre plus large de sa vision du cosmos, telle qu’elle se révèle dans le Cantique de frère Soleil: François ne prône pas le rejet ni la fuite du monde, mais plutôt la désappropriation. Sans chercher à posséder les créatures et les biens, «il est légitime d’en jouir, à condition d’en rapporter la jouissance à Celui qui nous les a donnés pour notre bien». Vis-à-vis de l’Église, l’attitude de François est faite à la fois de fidélité profonde et de liberté. Obéissant au clergé (qu’il renvoie toutefois à sa raison d’être: les sacrements et la Parole), considérant le pape comme «l’évêque de tout l’univers», il ne renonce pas pour autant à sa vocation spécifique. A. V. se veut nuancé dans l’appréciation du rôle du cardinal Hugolin (Grégoire IX): «s’il a bien évacué une partie des aspects les plus originaux du message du Pauvre d’Assise, le cardinal a également sauvé son mouvement du naufrage et de l’éclatement qui le menaçaient dans les années 1220-1223 en l’obligeant à se restructurer. Car si rien ne se fait sans les hommes, rien ne dure sans les institutions… En dernier ressort, malgré toutes les amputations et les limitations qu’elle a pu subir de la part de la papauté, l’intuition du Pauvre d’Assise n’a pas été totalement étouffée; même appauvrie ou déformée, elle a été pour beaucoup d’hommes et de femmes, au cours du XIIIe siècle et bien au-delà, une source d’inspiration». Vis-à-vis du monde, le mouvement enclenché par François marque une nouveauté radicale par rapport à la tradition monastique quasi millénaire qui le précède: «pour lui, en effet, le monde n’était pas le lieu de l’extériorité ou de la vanité qu’il faut fuir pour retrouver Dieu, mais l’horizon où se déploie la charité, un lieu à traverser – sans s’y installer – dans une peregrinatio active en y livrant un combat spirituel contre le mal et contre soi-même». Enfin, par son choix de recourir au volgare pour s’adresser à Dieu (c’est l’absolue nouveauté du Cantique de frère Soleil), par sa prédication simple proche de la harangue, par son recours aux images, François s’affirme comme «un médiateur culturel aux origines d’une nouvelle sensibilité». «François prophète pour son temps … ou pour le nôtre ?» se demande A. V. en conclusion. Le prophète est en effet celui qui «ouvre, par sa parole, un chemin nouveau ou ignoré vers le Royaume de Dieu». En affirmant la valeur fondamentale de la pauvreté et de l’humilité, François a mis l’accent sur l’impossible installation du Royaume de Dieu sur terre et a par le fait même frappé de relativité l’idéal de la Chrétienté promu par la papauté.

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Ce livre à la fois limpide et profond, riche de l’expérience et des lectures accumulées par l’A. pendant plusieurs décennies, nous propose une vision solidement documentée et en même temps très nuancée de François dans l’Église et dans le monde de son temps, de l’évolution de son image dans la mémoire collective, le tout à la lumière d’une réflexion où le passé se laisse toujours interroger par le présent. François d’Assise. Écrits, Vies, Témoignages. Sous la dir. de Jacques DALARUN (= Sources franciscaines). 2 vol. Paris, Cerf – Éditions franciscaines, 2010, 3418 p. + cartes [ISBN 978-2-204-08699-8 et -09051-3] C’est à 1968 que remonte l’édition du «petit livre bleu» par Th. Desbonnets et D. Vorreux (cf. AB, 90 [1972], p. 162). C’était à l’époque un ouvrage pionnier, la première traduction en langue vernaculaire animée d’un souci critique de l’ensemble des sources relatives à S. François. L’ouvrage connut deux rééditions et son exemple fut suivi dans les différentes aires linguistiques. Nul doute que ces initiatives aient largement contribué à l’efflorescence des études franciscaines au cours des trois dernières décennies. Aussi comprend-on que, plutôt que de rééditer une fois encore le volume de 1968, la décision ait été prise de faire du neuf. On ne pouvait trouver meilleur maître d’œuvre que Jacques Dalarun, à la fois éminent connaisseur de l’hagiographie italienne en général et des sources franciscaines en particulier, et animateur expérimenté de grands projets de recherche impliquant un travail d’équipe. En effet, pas moins de vingt-quatre collaborateurs sont mentionnés sur la page de titre. Quatorze d’entre eux se sont partagé le travail de traduction, les autres ont rédigé les introductions aux différentes œuvres – parmi ces derniers, un tiers sont originaires du Canada, des États-Unis et de l’Italie: un choix voulu afin de refléter le caractère international des études franciscaines. Le travail, qui a duré quatre ans, s’est accompagné de séminaires réguliers, permettant aux collaborateurs d’échanger leurs points de vue et de faire progresser la recherche. Alors que la traduction est souvent considérée comme un genre mineur – les érudits ne sontils pas censés lire les textes dans leur langue originale ? – J. D. affirme au contraire, au nom du groupe, «notre profonde conviction que traduire les sources antiques ou médiévales fait pleinement partie du travail de représentation de l’historien, qui est son unique raison sociale: représenter, soit tenter de rendre à nouveau présent à la conscience de nos contemporains – à commencer par la nôtre – un passé irrémédiablement enfui». Aussi l’équipe s’est-elle fixée des principes rigoureux, notamment celui de rendre un même mot latin par un même équivalent français, en privilégiant celui qui trouve dans le mot latin son étymologie; de distinguer avec précision d’apparents synonymes; de respecter l’usage des temps, la syntaxe, le style et le niveau de langage, sachant que «le latin des sources franciscaines est presque exclusivement latin d’Italie» et que «c’est souvent le médium de l’italien qui permet d’en saisir le sens et les nuances». Dans la mesure du possible, les citations d’un texte par un autre à l’intérieur du corpus ont été rendues par des traductions identiques. Pour parvenir à un résultat homogène, chaque traduction a été revue par un autre membre de l’équipe, et l’ensemble a ensuite été revu par J. D.

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Un tel raffinement contribue à assurer au nouveau «Totum» français une place d’exception dans le concert des traductions publiées au cours de la dernière décennie4: sa haute tenue scientifique, renforcée par la riche annotation des textes, en fait un instrument de travail indispensable à côté des éditions critiques. Les écrits de François constituent la première partie du recueil. Par rapport à la réédition augmentée de 1981 du «petit livre bleu», on remarquera plusieurs ajouts: les Fragments de la Règle et vie des frères tels qu’ils sont transmis par trois témoins, attestant un «texte intermédiaire» de la Règle, postérieur à la Regula non bullata de l’été 1221 et antérieur à l’approbation de la Règle définitive (novembre 1223); la première version de la Lettre aux clercs (les passages variants sont présentés en deux colonnes); la merveilleuse histoire de La Vraie Joie, que l’on s’accorde à considérer comme une «œuvre dictée», transmise indépendamment des Actus B. Francisci et sociorum eius; le Testament de Sienne est en outre traduit sur une version supposée plus ancienne, celle du Miroir de perfection mineur. La deuxième partie comprend les Vies de François. On relèvera ici aussi des ajouts substantiels, d’abord en ce qui concerne les textes liturgiques, dont J. D. souligne avec raison que «pour des générations de frères qui célébraient solennellement la fête de leur saint fondateur à partir de sa vigile, le 3 octobre au soir, ils ont sculpté son image et en ont imprimé le souvenir, avec toute la force que le chant et la récitation collective conféraient à ces reliques sonores». Ainsi la Légende de chœur attribuée à Thomas de Celano et l’Office de saint François composé par Julien de Spire figurent dans le volume. Il en va de même des recueils de miracles, négligés par les éditeurs de 1968. On trouvera ici aussi bien le Traité des miracles de Thomas de Celano, que le recueil qui conclut la Légende majeure de Bonaventure. Des Vies absentes du volume de 1968 sont traduites ici pour la première fois: la Vie écrite par Julien de Spire; la Légende ombrienne, que les travaux de J. D. ont permis d’attribuer avec une quasi-certitude à Thomas de Celano et dont le contenu – les deux dernières années de François – l’assimile aux Passions des martyrs; le Discours en seize parties (Sexdequiloquium) du mineur spirituel Jean de Roquetaillade tout récemment retrouvé par S. Piron et encore inédit, dont nous sont livrés quelques extraits, à savoir quelques-unes des «cent trente conditions de l’excellence de François». On sait l’importance qu’ont revêtue les fiches et rouleaux du Frère Léon pour les sources franciscaines: «il y a désormais un dossier léonin dans le dossier franciscain». Les éditeurs se sont efforcés à cet égard de rassembler tout ce qui pouvait l’être, non seulement par la Compilation d’Assise, traduite ici dans un ordre qui reflète celui de son unique témoin manuscrit, mais également 4

Signalons à cet égard les traductions suivantes. En italien: Fonti francescane. Nuova edizione. Ed. E. CAROLI. Padova, Editrici Francescane, 2004, 2365 p. (ce volume, à la typographie beaucoup plus serrée, a l’avantage de comprendre aussi les sources relatives à Ste Claire et d’inclure un index thématique). – En anglais: Francis of Assisi: Early Documents. Ed. R. J. ARMSTRONG – J. A. WAYNE HELLMANN – W. J. SHORT. 3 vol. + index. New York, New City, 1999-2002, 2600 p. (comprend un copieux index thématique et un index des passages bibliques, ainsi qu’un bel ensemble de cartes). – En allemand: Franziskus-Quellen. Die Schriften des heiligen Franziskus, Lebensbeschreibungen, Chroniken und Zeugnisse über ihn und seinen Orden. Ed. D. BERG – L. LEHMANN. Kevelaer, Butzon & Bercker, 2009, 1797 p. (comprend un index scripturaire et une généalogie des sources franciscaines en couleur).

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dans les épisodes transmis par le «manuscrit Little», ainsi que par les œuvres de Pierre de Jean Olivi et d’Ange Clareno, dont sont fournis les extraits pertinents. D’autre part, avec raison, les éditeurs ont choisi de traduire les Actes du B. François et de ses compagnons, plutôt que les plus célèbres Fioretti, qui n’en sont que la vulgarisation toscane incomplète. Moins connus, le Livre des louanges de Bernard de Besse et la Parenté de S. François d’Arnaud de Sarrant sont présents ici par des extraits significatifs. Place a également été faite aux trois plus importantes chroniques des Frères Mineurs composées au XIIIe s., dues respectivement à Thomas d’Eccleston, Jourdain de Giano et Salimbene (ce dernier par extraits), ainsi qu’à un choix des bulles pontificales les plus importantes. La troisième partie, qui regroupe les témoignages issus de sources extérieures à l’Ordre et non dédiées principalement à François, a été singulièrement augmentée par rapport à l’édition de 1968: de quinze, ils sont passés à quarante-huit et incluent notamment tous les textes relatifs à la rencontre de François avec le sultan. Cela dit, malgré l’ampleur de la collection, certaines sources n’y figurent pas: ainsi la longue Vie versifiée de S. François par Henri d’Avranches (présente par contre dans la traduction anglaise) et, plus étonnamment, le chapitre de la Légende dorée consacré à S. François. Mais toutes ces pièces sont reprises dans le «Petit dictionnaire des sources franciscaines» qui clôt très utilement le second volume. Signalons aussi, parmi les annexes, la «Chronologie de la vie et du culte de François d’Assise», une «Généalogie simplifiée des principales légendes franciscaines», ainsi que les indispensables «Concordances des Vies de S. François», élargies à plusieurs textes qui n’avaient pas été pris en considération dans l’édition de 1968. Un index des noms de personne et de lieu et deux cartes complètent l’ensemble. La présentation matérielle des volumes est à la hauteur de leur contenu: reliure souple mais solide, papier bible, typographie élégante et aérée en rendent la consultation particulièrement agréable.

• ICONOGRAPHIE D’UNE SAINTE AU CŒUR STIGMATISÉ Santa Chiara da Montefalco. Culto, storia e arte. Corpus iconografico. Cur. Roberto TOLLO. Tolentino, Biblioteca Egidiana – Convento San Nicola, 2009, 396 p., ill. Après nous avoir offert le corpus iconographique de S. Nicolas de Tolentino (cf. AB, 127 [2009], p. 186-189), la Biblioteca Egidiana (Ordre de Saint Augustin) publie, à l’occasion du septième centenaire de sa mort, celui de Claire de Montefalco (1268-1308). Dans une excellente esquisse historique, Fr. SANTI (Chiara da Montefalco, profetessa della clausura nella crisi del XIII secolo, p. 19-32), après avoir dressé l’inventaire des sources (procès diocésain, perdu mais dont la substance est connue par la Vita écrite par Bérenger de Saint-Affrique [BHL 1818], et procès apostolique tenu en 1318-19 en vue de sa canonisation [BHL 1819-20]), retrace sommairement le parcours historique de Claire, insistant particulièrement sur les conflits dans lesquels elle fut elle-même impliquée dans l’Église de son temps, en raison de ses liens avec les cardinaux Pietro et Giacomo Colonna, excommuniés

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par Boniface VIII, ou encore à cause de l’évolution de l’Ordre des Frères Mineurs, qui allait à l’encontre de ses attentes. Sa condition cloîtrée lui offre un espace de liberté propice au développement de son charisme prophétique et à ses visions. – R. TOLLO (Mulieres religiosae, moniales e sorores degli Ordini di vita consacrata: parallelismi iconografici e prerogative di Chiara della Croce, p. 33-50) offre plusieurs sommaires utiles au déchiffrement de l’iconographie de Claire: chronologie de sa vie et de son culte, épisodes de la Vita par Bérenger, apparitions et miracles post mortem. Un tableau synoptique de vingt-huit saintes italiennes, la plupart appartenant aux XIIIe-XVe siècles, permet de comparer leurs attributs iconographiques respectifs. Si les images les plus anciennes semblent assez désinvoltes quant à la représentation de son habit religieux, cela n’empêcha pas Augustins et Franciscains de s’affronter, chaque Ordre revendiquant de vêtir Claire de son habit, jusqu’à ce qu’un décret de Grégoire XIII (1577) règle définitivement la question en faveur des Augustins. – G. SIRCHI dresse un inventaire de l’Iconografia clariana a Montefalco fra Medioevo e primo Rinascimento (51-70): outre les scènes de sa vie (en particulier l’apparition de la Vierge à Ste Claire, objet d’une étude de S. ISIDORI, p. 65-70), qui ornent les murs de la chapelle de la Santa Croce (première moitié du e XIV s.), l’effigie de la sainte, en médaillon ou en pied, seule ou dans une sacra conversazione, apparaît sur le cercueil de bois peint où fut transféré son corps en 1430, dans les fresques des églises de San Francesco (milieu du XVe s.) et de Sant’ Illuminata (début du XVIe s.), ou encore dans un polyptique conservé au musée de Montefalco. Si la petite ville ombrienne constitue évidemment le centre par excellence de l’iconographie de Claire, celle-ci s’est également répandue dans la péninsule, essentiellement dans les églises des Augustins: à Sant’Agostino au Champ de Mars à Rome (F. NICOLAI, p. 71-75: scènes de sa vie, fresques des XVIIe et XVIIIe s.); à San Giacomo à Bologne (F. GIANNINI – R. TOLLO, p. 77-82: scènes de sa vie, fresques des XVe et XVIe s.); dans l’Observance lombarde (M. MARUBBI, p. 83-89: lettrines et médaillons figurant Claire dans des manuscrits enluminés du XVe s.; image de la sainte, seule ou avec d’autres saints, dans des fresques des XVe et XVIe s. et dans le polyptique Galliani, œuvre d’Alberto Piazza [1520] dans l’église Sant’ Agnese de Lodi). Des représentations de Claire se rencontrent également hors d’Italie. A. ITURBE SAÍZ consacre une étude à L’iconografia di santa Chiara da Montefalco nel mondo ispanico (91-98): c’est ici que l’on trouvera la meilleure présentation des attributs iconographiques de la sainte. Le principal d’entre eux est évidemment son cœur, soit ouvert comme un livre dans sa poitrine, soit entier et tenu dans sa main, mais toujours portant l’image de la croix et des symboles de la Passion, tels que ses consœurs les retrouvèrent gravés dans son cœur après sa mort (la sainte leur avait répété à plusieurs reprises: Io ho nel cuore la croce di Cristo); la balance dont les plateaux en équilibre portent respectivement une et deux pierres rondes de même format fait allusion aux trois sphères parfaitement égales retrouvées dans sa vésicule biliaire, et dont le poids total était égal au poids de chacune – un évident symbole de la Trinité; l’agneau pascal, allusion à une vision au cours de laquelle Claire serra sur sa poitrine un agneau au visage d’enfant qui la regarda avec une douceur indicible. D’autres attributs, habituellement tenus dans une main, sont plus communs: crucifix, fleur de lis, palme signifiant sa force face aux souf-

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frances du Christ, livre indiquant sa sagesse, crosse d’abbesse, crâne et discipline (instruments de pénitence). Une image la représente avec une fiole de sang en ébullition, en référence à un miracle de liquéfaction de la relique de son sang, advenu en 1501. – L. VAN EECKHOUDT dresse un Repertorio dell’iconografia di Chiara da Montefalco nelle Fiandre (99-103). Les Augustins avaient de nombreux établissements dans les anciens Pays-Bas méridionaux. Plusieurs tableaux du XVIIe s. ménagent une place à Claire; parmi ceux-ci, l’immense toile peinte par PierrePaul Rubens pour le maître-autel de l’église Saint-Augustin à Anvers, représentant la Vierge et l’Enfant adorés par plusieurs saints. L’A. se montre également attentif à l’iconographie du XXe s. – G. CIARROCCHI s’attache à l’Iconografia di santa Chiara nelle incisioni (105-122). Celles-ci se trouvent principalement dans des livres imprimés; certaines ont toutefois circulé de façon indépendante. Parmi les premières, la plus ancienne figure dans les fameuses «Chroniques de Nuremberg» de H. Schedel imprimées chez Koberger en 1493. Une place spéciale revient à la Vita e miracoli della b. Chiara detta della Croce da Montefalco … raccolta dal Rever. P. Jacopo Alberici Bergamasco publiée à Rome en 1610, qui comprend dixhuit tables xylographiques représentant des scènes de la vie de la sainte. Le dossier des Acta Sanctorum consacré à Claire (Aug. t. III, p. 664-688) contient une vera effigies S. Clarae de Monte-Falco inspirée de Saedeleer, ainsi qu’une représentation de son cœur ouvert, empruntée à la Vita de Battista Piergili (Foligno, 1640). Parmi les secondes, on relèvera une xylographie de la seconde moitié du XVIe s. montrant le cœur de Claire avec les symboles de la Passion, et une gravure au burin de 1682 (apothéose du cœur de Claire) d’Arnold Westerhout. – M. RONDINA dédie quelques pages à Santa Chiara da Montefalco nei “santini” (123-129), dont la Biblioteca Egidiana possède une importante collection. – L’article de V. SANTOCCHINI et E. PALLOTTINI sur La croce-reliquiario di santa Chiara da Montefalco se réfère à une croix-reliquaire du XIIIe s. offerte à la sainte par le cardinal Iacopo Colonna et insérée dans une staurothèque au XVIIe s. 67 planches en couleur précèdent les 298 fiches descriptives du corpus iconographique, toutes accompagnées d’une photographie en noir et blanc. Une copieuse bibliographie et deux index (artistes, noms de personne et de lieu) complètent ce superbe inventaire.

• UN PROCÈS DE CANONISATION EXEMPLAIRE Il processo di canonizzazione di Bernardino da Siena (1445-1450). Introduzione ed edizione a cura di Letizia PELLEGRINI (= Analecta Franciscana, 16; Nova series, Documenta et studia, 4). Grottaferrata, Frati editori di Quaracchi, 2009, 134*-625 p. [ISBN 978-88-7013-287-8] Peu étudié jusqu’à présent, le procès de canonisation de Bernardin de Sienne († 20 mai 1444) est important à plus d’un titre. Il marque d’abord une reprise de l’activité papale dans le domaine des canonisations, alors qu’aucune enquête nouvelle n’avait été menée, aucune canonisation proclamée entre 1418 et 1445. L’ouvrage pionnier d’André Vauchez sur La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge s’arrête précisément en 1418. La canonisation de Bernardin inaugure

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un nouveau climat, qui verra, dans la foulée, reconnaître la sainteté de Vincent Ferrer (1455-58), Catherine de Sienne (1461), Albert de Trapani (1476), les martyrs franciscains du Maroc (1481), Bonaventure (1482), Léopold d’Autriche (1485), François de Paule (1519), Antonino Pierozzi et Benno de Meissen (1523). Le succès de la cause de Bernardin, introduite en 1445 et conclue cinq ans plus tard, est dû à la conjonction de plusieurs facteurs: volonté de la papauté de réaffirmer son autorité, dans le domaine ecclésiastique aussi bien que temporel; ténacité de la République de Sienne à soutenir la cause; volonté de l’Ordre des Frères Mineurs, et en particulier de l’Observance, qui y voit une occasion unique de légitimation. Certes, le titre du volume pourrait induire en erreur. La documentation éditée ici ne concerne que les trois enquêtes in partibus menées dans le cadre du procès canonique. Les trois volumes originaux des actes sont conservés à l’Archivio di Stato de L’Aquila, en même temps que deux codices contenant copie de la première et de la troisième enquête. Ces documents sont d’autant plus précieux que les archives de la Curie romaine relatives à ce procès n’ont pas été conservées. Toutefois la correspondance entretenue par les ambassadeurs de la République de Sienne à L’Aquila et à Rome permet d’en suivre l’évolution, retracée en détail par L. P. dans une substantielle introduction – ce qui, en fin de compte, justifie amplement le titre de l’ouvrage. Une des particularités de ce procès est en effet la présence de deux villes parmi les acteurs: L’Aquila, où Bernardin a trouvé inopinément la mort; et Sienne, sa patrie. Cette dernière tente d’abord de récupérer le corps de «son» saint. Lorsqu’il apparaît que cette tentative est vouée à l’échec, plutôt que d’adopter une attitude hostile, la République siennoise s’engage résolument sur la voie de la collaboration. À défaut du corps lui-même, elle obtient des reliques. Même si l’enquête se déroule principalement à L’Aquila, Sienne s’en fait le principal promoteur, dépêchant ses ambassadeurs, prenant en charge la moitié des dépenses, et assumant le rôle de propagateur de la sainteté de Bernardin. La procédure suivie est celle qui avait été définie dans le courant du XIIIe siècle. Des cardinaux commissaires, nommés par le pape, sont chargés de mener le procès. Ils délèguent des sous-commissaires, généralement des évêques locaux, pour conduire les enquêtes in partibus. Les témoins convoqués fournissent sous serment leur déposition sur la vie, la mort et les miracles du candidat. Ils le font en confirmant ou en rejetant une liste prédéfinie d’articuli, auxquels ils peuvent ajouter des précisions. Conscient de la difficulté de l’entreprise, pour laquelle il n’existe pas de précédent récent, l’ambassadeur de Sienne à L’Aquila s’emploie à recueillir la documentation relative aux procès de Nicolas de Tolentino et de Brigitte de Suède, afin de disposer de modèles fiables. Afin d’éclaircir la question, le juriste Martino Garati de Lodi, résidant à Sienne, rédige en 1445 un traité De canonizatione sanctorum, dans lequel il énumère les douze étapes de la procédure. Il s’agit du premier ouvrage sur la question. Demeuré inédit, il sera supplanté par l’œuvre de Troilo Malvezzi, imprimée en 1487. Les actes des trois enquêtes in partibus sont précédés, dans les volumes qui les contiennent, de toute la documentation préparatoire: lettre papale de commissio aux cardinaux, nomination par ceux-ci des sous-commissaires, serment prêté par

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ces derniers, désignation d’un procurateur et d’un nonce, choix d’un lieu pour l’audition des témoins, liste des articuli qui leur seront soumis, forma interrogatorii (éléments à considérer dans la déposition). Tous ces documents sont intégralement édités ici et nous donnent donc une bonne idée de la procédure suivie. La première enquête est menée à L’Aquila de juin à septembre 1445. Les témoignages sur la vie de Bernardin sont centrés sur sa prédication; cinquante miracles sont considérés (la plupart des miraculés résident à L’Aquila ou dans les environs). Cette enquête est envoyée à Rome avec treize lettres de personnalités sollicitant du pape la canonisation, parmi lesquelles le roi Alphonse d’Aragon, qui enverra encore plusieurs missives par la suite. Les objections soulevées à Rome à la réception de cette première enquête apparaissent futiles; elles masquent en fait une difficulté plus fondamentale: l’accusation d’hérésie formulée, à tort, par les Frères Mineurs, à l’encontre du maître d’abaque milanais Amedeo De Landis, dans laquelle Bernardin aurait eu un rôle. L’obstacle est éliminé par Nicolas V en 1447. La deuxième enquête se déroule la même année à L’Aquila, de juillet à septembre. L’interrogatoire s’enrichit de questions sur la vie religieuse de Bernardin, son observance des vœux. Les miracles accomplis depuis août 1445 y sont inclus, de même qu’un ensemble de dix-sept documents provenant de douze localités ayant été le cadre de miracles in vita. Cette enquête ayant été jugée insuffisante par Rome, une troisième enquête est ordonnée, qui devra s’étendre, au-delà de L’Aquila, à Sienne, Rome, Pérouse et à la Marche d’Ancône. Chaque lieu où sont entendus des témoins fait l’objet d’une enquête in partibus en partie autonome, avec son lot de documents préparatoires. Cette fois la documentation est jugée satisfaisante. Au terme des trois consistoires réglementaires, le pape décide la canonisation, qui a lieu le 24 mai 1450, jour de la Pentecôte, alors que se trouve réuni à Rome le chapitre général de l’Ordre des Frères Mineurs. Bernardin est dès lors aussi le saint du jubilé. Il est caractéristique que la majeure partie de la bulle de canonisation s’attache à décrire les étapes de la procédure suivie, plus qu’à proclamer le panégyrique du nouveau saint. L’édition des trois enquêtes, irréprochable, est précédée de prolégomènes où sont décrits les manuscrits et discutées avec finesse les questions de critique historique relatives à la notion d’original dans le cas précis des procès canoniques. Des index des noms de personne et de lieu complètent utilement l’ensemble. On ne peut que savoir gré à l’éditrice d’avoir mené à bien la publication de cet ample corpus constitué de textes souvent arides et répétitifs, et toutefois précieux témoins tant pour le canoniste que pour l’hagiographe et l’historien.

• SAINTES PROCHES DES GONZAGA Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. La santità nel quotidiano. Cur. Rodolfo SIGNORINI – Rosanna GOLINELLI BERTO (= Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. Quinto centenario, 1). Mantova, Casandreasi, 2005, 197 p., ill. Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. L’immagine di una mistica del Rinascimento. Cur. Renata CASARIN (= Osanna Andreasi da Mantova 14491505. Quinto centenario, 2). Mantova, Casandreasi, 2005, 300 p., ill.

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Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. Tertii Praedicatorum Ordinis diva. Cur. Gabriella ZARRI – Rosanna GOLINELLI BERTO (= Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. Quinto centenario, 3). Mantova, Casandreasi, 2006, 237 p., ill. Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. La santa dei Gonzaga. Lettere e colloqui spirituali. Cur. Gianni FESTA – Angelita RONCELLI (= Osanna Andreasi da Mantova 1449-1505. Quinto centenario, 4). Mantova, Casandreasi – Bologna, Edizioni Studio Domenicano, 2007, 292 p., ill. [ISBN 978-887094-375-5] La Casa Andreasi, maison natale de la bienheureuse Osanna, existe toujours à Mantoue. Ce joyau de la Renaissance, entièrement dédié aujourd’hui à la mémoire de la bienheureuse, qui y passa pratiquement toute sa vie, est au cœur des initiatives qui ont célébré le cinquième centenaire de sa mort: deux expositions, un colloque, et une édition partielle de sa correspondance et de ses colloques spirituels. Issue d’une famille de moyenne noblesse, Osanna revêtit à l’âge de quinze ans l’habit de tertiaire dominicaine; elle ne ferait toutefois sa profession qu’une quarantaine d’années plus tard. Privée assez tôt de ses parents, elle se dévoua au service de ses frères et sœurs et d’autres membres de sa famille qui partageaient le même toit. Bénéficiaire de grâces mystiques et du don de prophétie, elle n’en était pas moins fort attentive aux nécessités de ses concitoyens, qui ne tardèrent pas à la considérer comme une santa viva. Dès 1515, Léon X concéda à Mantoue de pouvoir célébrer la messe et l’office en son honneur avec le titre de beata. Si son culte fut confirmé en 1694, le procès de canonisation n’alla pas plus loin. La santità nel quotidiano est le titre de l’exposition organisée à la Casa Andreasi et à la Rotonda di San Lorenzo. Elle présentait à la fois des vêtements et objets ayant fait partie de la vie quotidienne de la bienheureuse, et des témoignages de la dévotion qu’elle suscita (images, médailles…). Les schede descriptives sont précédées d’une série de contributions: I. CERESA introduit La beata Osanna Andreasi: una santità urbana esemplare (p. 25-38). R. SIGNORINI illustre le rôle que joua Il conte Alessandro Magnaguti per la beata Osanna Andreasi (39-58): ayant acquis la Casa Andreasi en 1924, il y accueillit trois tertiaires dominicaines en 1935, avant d’en faire don à la paroisse en 1955, tout en réservant à la province dominicaine de Lombardie l’usage et l’occupation de pièces habitées par la bienheureuse. I. PAGLIARI présente les Antiche biografie e libri di preghiera della beata Osanna (59-69): ce modeste fonds de vingt-huit éditions (trente et un exemplaires), dont l’histoire est mal connue, entend conserver à la Casa Andreasi les ouvrages publiés sur la bienheureuse depuis sa mort. On y trouve aussi deux incunables qui ont dû lui appartenir: un missel dominicain et un bréviaire romain, tous deux imprimés à Venise en 1497. Les différents types d’objets exposés font l’objet de contributions spécifiques: vêtements (P. GORETTI), agnus Dei (M. LUZZARA), reliquaires (R. MASSA), monnaies portant une iconographie religieuse, notamment en lien avec la relique du Précieux Sang, conservée à Mantoue et vénérée par la bienheureuse (S. LEALI – St. SILIBERTI). L’immagine di una mistica del Rinascimento présente l’iconographie de la bienheureuse, objet d’une exposition au Palais ducal, cadre parfaitement adapté

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lorsqu’on sait les relations très étroites qui unirent Osanna avec la famille régnante des Gonzaga. Dans Da Caterina ad Osanna: immagini della santità femminile nell’arte dal XV al XIX secolo (31-51), R. CASARIN met en lumière l’étroite relation qui existe entre l’iconographie d’Osanna et celle de Catherine de Sienne. Les images de l’une et de l’autre font figurer le crucifix, le cœur enflammé, la couronne d’épines, le lis blanc, l’habit dominicain, si bien que leur identification respective n’est pas toujours assurée. D’autres sante vive du XVIe s. partagent d’ailleurs certains de ces attributs, comme le montre V. GUAZZONI à propos de l’une d’entre elles: La beata Stefana da Soncino nel solco di Osanna. L’immagine e il legato artistico (79-97). A. GHIRARDI, Osanna Andreasi e Isabella d’Este. Tracce artistiche di un’amicizia (65-77) s’attache surtout à l’étude du monument funéraire (détruit) commandité par Isabelle aussitôt après la mort de la bienheureuse. L’aspect de ce monument nous est connu uniquement par une gravure publiée dans les Acta Sanctorum (Iunii t. III [1701], p. 673), reproduisant un dessin exécuté à la demande des Bollandistes. Tertii Praedicatorum Ordinis diva est le titre du colloque qui se tint à la Casa Andreasi les 23 et 24 septembre 2005. Le contexte local est dépeint par Fl. RURALE, Chiesa di principi e principesse. Figure e momenti di storia ecclesiastica mantovana tra Quattro e Cinquecento (19-29), qui souligne l’importante présence féminine dans la vie sociale et religieuse de l’époque. – M. BOURNE présente Osanna Andreasi tra casa, chiesa e corte: rapporti con i principi Gonzaga (31-37). Si elle fut sollicitée par d’autres princes, Osanna entretint des rapports particulièrement étroits avec les marquis Gonzaga. Frédéric Ier lui confia la mission de sauver Mantoue de la peste (ce qu’elle obtint). Mais c’est surtout de François II et d’Isabelle d’Este qu’elle fut proche, comme l’atteste sa correspondance: trente-neuf lettres adressées au premier, six à la seconde. Si certaines d’entre elles ont pour objet la santé du marquis ou la protection d’Isabelle et de ses enfants (la bienheureuse prophétisa la naissance de leur fils Frédéric II), la plupart sont des requêtes d’intervention en faveur de personnes dans le besoin, mais aussi, en bonne partie, de membres de la propre famille d’Osanna. – Dans La stella e il cigno. Cenni per la storia dei nobili Andreasi, R. GHIRARDINI souligne les origines hongroises de la famille, arrivée en Italie vers 1150. – S. MOSTACCIO s’intéresse aux Movimenti femminili domenicani del Quattrocento: quali interrelazioni ? (49-55). La deuxième moitié du XVe s. et les premières décennies du XVIe sont un moment d’efflorescence, à la fois pour le mouvement de l’Observance et pour le tiers ordre. Les sante vive, qui illustrent ce dernier par leur charisme prophétique et mystique, se signalent par une vie ouverte sur le monde, au service de leurs concitoyens. À partir du milieu du e XVI s. s’impose l’unique modèle de la vie cloîtrée. – F. ARICI montre comment Un teologo narra la santità. Il Silvestri e la vita dell’Andreasi (57-68). Francesco Silvestri († 1528), philosophe et théologien dominicain, est notamment l’auteur d’un commentaire à la Summa contra Gentes de S. Thomas; il devint général de son Ordre en 1525. L’année même de la mort d’Osanna (1505), il publie sa Vie en latin (traduite en volgare en 1507). Après avoir décrit ses vertus, il s’attache surtout à mettre en valeur ses dons de prophétie. Il entend clairement proposer un exemple, qui devrait être ratifié par la canonisation. Son ouvrage allait toutefois être éclipsé

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deux ans plus tard par celui de Girolamo Scolari, bénédictin de Monteoliveto et disciple préféré d’Osanna. – G. FESTA présente Le «lettere spirituali» a Girolamo Scolari: lo stilema della maternità (69-87). Ces quarante-trois lettres furent publiées par Scolari comme troisième partie de sa Vie de la bienheureuse. Elles ont été rééditées dans le quatrième volume de la collection, recensé ci-dessous. – G. ZARRI étudie Osanna da Mantova «rivestita alla moderna». Riscritture agiografiche tra la fine del Cinquecento e il Settecento (89-101). Si les deux biographies de Silvestri et de Scolari sont toujours restées fondamentales (elles ont été notamment reproduites l’une et l’autre dans les Acta Sanctorum), cela n’a pas empêché la rédaction de nouvelles Vies, rédigées surtout par des membres de l’Ordre des Prêcheurs, mais parfois également par des auteurs liés à la famille Andreasi. Elles ne sont pas sans porter la marque de leur époque, telle Vie publiée en 1695 atténuant par exemple la signification politique de l’action d’Osanna et soulignant ses vertus et le rôle de son confesseur, transformé en directeur spirituel. – L. CINELLI s’intéresse à l’Oratoria sacra alla corte dei Gonzaga: il panegirico dell’umanista Mario Equicola in onore della beata Osanna da Mantova (105-139). Ce long panégyrique prononcé à l’occasion de la reconnaissance d’Osanna comme bienheureuse par Léon X (1515) est réédité ici. – S. DITCHFIELD présente La beatificazione di Osanna nel suo contesto (141-148). Ce contexte est notamment celui de la distinction post-tridentine entre le procès ordinaire et le procès apostolique. Le demi-siècle qui précède la création de la Congrégation des Rites (1588) ne connaît aucune canonisation. Après le bref de Léon X concédant à la ville de Mantoue le droit de célébrer la fête d’Osanna (1515), s’ouvre la même année le procès ordinaire sur la fama sanctitatis. Douze témoins sont interrogés, parmi lesquels les deux hagiographes, Silvestri et Scolari. Le 22 novembre 1689, Mantoue est sauvée des eaux après vingt jours de pluies ininterrompues. Le miracle est attribué à la bienheureuse Osanna. En 1693, un nouveau procès établit la validité de son culte ab immemorabili. – St. SILIBERTI étudie le Culto prestato dai mantovani alla beata Osanna Andreasi (149-167). Ce culte a connu deux centres principaux: la chambre de la bienheureuse, transformée en oratoire, et sa tombe dans l’église San Domenico. L’analyse des calendriers liturgiques permet d’appréhender, à travers de petites modifications de la terminologie, l’exaltation progressive de la bienheureuse Osanna jusqu’en 1767, année à partir de laquelle sa commémoraison diminue graduellement d’importance. La suppression des Dominicains par l’occupant français entraîne la translation de son corps, qui aboutit en 1814 à la cathédrale. Des reliques de la bienheureuse sont conservées dans de nombreuses paroisses du diocèse, comme l’attestent les visites pastorales. – A. GHIRARDI mène une enquête Nel segreto dell’urna: gli argenti con le «insigniora gesta sive miracula» della beata Osanna (171-194). Trois lames d’argent, disposées à l’intérieur du cercueil sur les deux petits côtés et sur la paroi longue du fond, comprennent, outre une décoration florale et végétale, cinq médaillons ovales représentant des scènes de la vie d’Osanna. L’ensemble n’est visible que le 18 juin, jour de la fête de la bienheureuse, lorsque le cercueil ouvert est exposé au public. Aucun document ne fournit de précisions sur le commanditaire, l’artiste, l’époque à laquelle ces lames furent exécutées. La seule mention existante est celle du jésuite Ludovico Pagello, dans la

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description de la tombe qu’il envoya aux Bollandistes le 22 mai 1699, publiée dans les Acta Sanctorum (Iunii t. III [1701], p. 672); par contre, elles n’apparaissent pas sur la gravure réalisée à partir du dessin qu’il avait joint à sa lettre. Une description de l’intérieur du cercueil, remontant à 1599, fait état seulement d’une étoffe de soie rouge. L’étude des costumes portés par les personnages représentés permet de situer l’œuvre entre 1620 et 1660; la commande pourrait provenir du marquis Paolo Guglielmo Andreasi Pico, grand dévot d’Osanna, et de la duchesse Maria Gonzaga, soit dans les années 1640-1650. – U. BAZZOTTI s’attache à La decorazione pittorica di casa Andreasi (195-212), peintures du Cinquecento de caractère purement ornemental, sans sujets religieux. – St. L’OCCASO édite L’inventario del 1582 di casa Andreasi (213-222). La chambre de la bienheureuse, originellement située au rez-de-chaussée, y est indiquée comme se trouvant au premier étage – un changement advenu probablement entre 1569 et 1582. La biographie rédigée par Girolamo Scolari et publiée en 1507 comprenait trois parties de longueur fort inégale. À une courte Vie en 14 chapitres faisaient suite 86 chapitres de colloques spirituels et 43 lettres d’Osanna à son disciple préféré. L’ensemble connut une seconde édition à Bologne en 1524, augmentée d’un supplément où l’auteur répond aux attaques de ceux qui contestaient l’authenticité des lettres. Colloques et lettres, qui transmettent l’essentiel de la doctrine spirituelle de la bienheureuse Osanna, sont réédités ici, précédés de quelques études dues à divers spécialistes. La préface de G. ZARRI situe Osanna dans le contexte des sante vive: entre la fin du XVe s. et les trois premières décennies du XVIe, ces femmes charismatiques, pourvues de dons mystiques et prophétiques, et considérées comme saintes par leurs contemporains, s’imposent à l’attention des princes et des villes de plusieurs principautés italiennes, par leurs exhortations à la paix et à la réforme des mœurs et de l’Église. Les princes les protègent et les utilisent pour consolider leur pouvoir. – A. RONCELLI présente Lo stato e la città di Mantova nella seconda metà del Quattrocento (15-34). – G. FESTA étudie Le compagne di Osanna. L’agiografia domenicana femminile in Italia. Secoli XIII-XVI (35-73). Le sanctoral dominicain comprend, jusqu’à Rose de Lima († 1617), trente femmes dont la sainteté a été reconnue par l’Église; vingt-deux d’entre elles sont italiennes; sur les trente, douze vécurent une vie cloîtrée, les autres furent tertiaires de différents types. La première à être canonisée fut Catherine de Sienne, qui ne tarda pas à devenir le modèle de la sainteté féminine dominicaine. L’Ordre des Prêcheurs mena, de façon bien plus accentuée que d’autres Ordres, une politique de promotion du culte des saintes femmes ayant gravité dans son orbite. L’A. passe en revue ces figures, dont un bon nombre appartient à la catégorie des sante vive. Le concile de Trente marque toutefois le déclin du modèle prophético-cathérinien au profit d’une sainteté plus disciplinée, à l’abri de la clôture et sous le contrôle direct des supérieurs et confesseurs. – A. RONCELLI fait le point sur les Fonti e leggende della beata Osanna Andreasi da Mantova (75-87). Il s’agit tout d’abord de sa correspondance: quarante-sept lettres aux Gonzaga, quarante-trois à Girolamo Scolari, deux lettres adressées à Osanna par le marquis Francesco et trente-deux lettres écrites par diverses personnes à propos d’Osanna entre 1505 et 1510. La plupart des originaux sont conservés, à l’exception des lettres à Scolari. S’y ajoutent les deux Vies dues à Silvestri et à Scolari; une

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Vie écrite, dans un style recherché, par le philosophe et médecin Anselmo Meia, demeurée à l’état manuscrit et aujourd’hui perdue; le panégyrique de Mario Equicola sans doute prononcé en 1515; le procès ordinaire de 1515, dont six dépositions (sur douze) ont été conservées. – Les quarante-trois lettres à Scolari sont introduites par G. FESTA, Scrivere in assenza: le lettere a Girolamo Scolari (89-110). Dès l’âge de quinze ans, Scolari avait choisi Osanna comme «mère spirituelle». Ils se fréquenteront pendant trente ans, soit directement – et ce sera l’occasion des colloques spirituels – soit par correspondance interposée, lorsque le bénédictin sera envoyé loin de Mantoue. Lui-même est vénéré comme bienheureux par son Ordre. Les lettres – une sélection parmi toutes celles qu’il a dû recevoir – semblent toutes appartenir aux années 1495-1505. Contrairement à la correspondance d’une Catherine de Sienne (qu’Osanna connaît), elles ne contiennent aucune allusion aux problèmes de l’Église et de la société du temps. Elles portent exclusivement sur les thèmes de la vie spirituelle, y compris ses manifestations extraordinaires telles que visions et révélations. Le thème de l’amour y est central, qui se consume dans le mystère de l’union de l’âme à Dieu. La spiritualité d’Osanna y apparaît essentiellement christocentrique, le Christ étant perçu sous de multiples images: époux, agneau, etc. Osanna manifeste une dévotion particulière pour le Sang du Christ (dont une relique était vénérée à Mantoue). Une écriture mystique, au moins par endroits, même si de niveau littéraire médiocre. – A. RONCELLI introduit I colloqui spirituali tra Osanna Andreasi e Girolamo Scolari. Struttura e contenuti principali (111-120). Ces colloques sont au nombre de quatre-vingt-seize, de longueur diverse; ils veulent être la transcription de conversations qui se tinrent au long de dix-neuf années, de 1486 à 1505, mais la majorité eut lieu entre 1501 et 1503. Ils offrent généralement la structure suivante: des circonstances du moment (santé d’Osanna…), on passe au thème de la rencontre, suggéré par ces circonstances ou par Scolari luimême; Osanna exprime son opinion sur ce thème (Scolari la fait parler à la première personne); en conclusion, l’auteur fait appel au lecteur pour qu’il reconnaisse telle vertu de la bienheureuse manifestée dans le colloque. Les thèmes abordés concernent son expérience personnelle de Dieu, ses visions et extases, sa vie de pénitence et sa participation aux souffrances du Christ (elle reçut des stigmates invisibles mais douloureux), ses expériences mystiques (noces mystiques avec Jésus à dix-huit ans, baiser de la plaie du côté du Christ, renouvellement de son cœur, tenu en main par le Christ), ses prophéties… On se réjouit de disposer de cette édition, plus accessible que le rare volume de Scolari. B. Battista da Varano. Il felice transito del beato Pietro da Mogliano. Cur. Adriano GATTUCCI (= La mistica cristiana tra Oriente e Occidente, 11; Sentimento religioso e identità italiana, 4). Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2007, CLII-170 p. + 16 pl. [ISBN 978-88-8450-240-7] Née en 1458, Camilla, princesse de Camerino (Marches), entra en 1481 au monastère des clarisses d’Urbino (où elle prit le nom de Battista), pour passer, trois ans plus tard, à celui de Camerino. C’est là qu’elle rencontra le Fr. Pierre de Mogliano, vicaire provincial de l’Observance franciscaine dans les Marches, qui devint

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son directeur spirituel. «D’allora in qua, sempre me amò de santo e spirituale amore più che figliola spirituale che mai avesse in questo mondo; e questo so de certo» devait-elle écrire dans son autobiographie, terminée en mars 1491. À ce moment, Pierre était mort depuis huit mois: «Questa morte me cavò quasi da me stessa». Aussi, à une année de distance de sa disparition, Battista ressent-elle le besoin de consigner par écrit les derniers jours de celui qui fut son confident spirituel. Ayant obtenu par son intercession la cessation d’une terrible épreuve de nuit spirituelle, elle veut aussi, par cet écrit, recommander cet intercesseur à Elisabeth Gonzaga, duchesse d’Urbino (à qui l’opuscule est dédié), et à son époux Guidubaldo de Montefeltro, afin qu’ils obtiennent un descendant mâle qui puisse leur succéder, alors que le duché est l’objet des convoitises du pape Alexandre VI. Le Transito a pour objet les vingt-trois derniers jours de la vie de Pierre de Mogliano, arrivé à Camerino le 2 juillet 1490, et décédé le 25. Représentant éminent de l’Observance franciscaine dans les Marches, il avait été vicaire provincial à cinq reprises: une fois en Crète, une fois à Rome et trois fois dans sa région, la provincia picena. Grand prédicateur, il avait également pacifié des discordes citadines. D’une radicale austérité pour lui-même, il se nourrissait extrêmement peu mais rayonnait d’une joie toute franciscaine. Le Felice transito nous rapporte ses souffrances physiques, la bataille qu’il dut soutenir contre l’ultime tentation, celle du désespoir, le «testament» qu’il livre à ses frères – une exhortation enflammée sur la pauvreté. La Bse Battista jette aussi un regard rétrospectif sur l’histoire de la vocation de Pierre, sur ses charismes, sur les modes et contenus de sa prédication, sur ses vertus; elle décrit les témoignages de son culte in vita et après sa mort. Elle n’hésite pas à lui attribuer un pouvoir d’intercession illimité: «Ciò che esso vole octenere, octene nella celestial corte…; anzi più, ché ha podestà da Dio fare alli soi devoti et devote ciò che li piace». C’est là le seul point où le Fr. Francesco da Monteprandone, à qui elle avait confié l’opuscule afin qu’il le relise, exprime quelques réserves. Pour le reste, il semble que le style passionné de l’auteur ne soit pas incompatible avec son souci de vérité. L’opuscule avait déjà été édité à plus d’une reprise (la première édition figure dans la Positio de 1760, qui allait aboutir à la confirmatio cultus, la même année) mais de façon déficiente. A. G. nous en livre la première édition critique, fondée sur le manuscrit autographe (mutilé) et la copie contemporaine. Ces témoins font l’objet d’une description détaillée, à la suite de l’introduction, dont on appréciera non seulement la richesse du contenu mais également l’élégance du style. Un commentaire abondant (86 pages alors que le Transito n’en remplit que 31) explique les termes et expressions dont la compréhension n’est pas immédiate, en même temps qu’il éclaire de nombreux aspects historiques et spirituels du texte. Un léger regret concerne l’édition des notes marginales du Fr. Francesco da Monteprandone, que l’on eût aimé voir distinguer plus clairement du texte de la Bse Battista, par exemple par l’adoption d’une police de caractères différente. Une copieuse bibliographie, un index des noms de personne et de lieu, ainsi que quelques planches (iconographie des deux bienheureux, monastères d’Urbino et de Camerino, manuscrits) complètent ce volume fort soigné.

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• LA LÉGENDE DORÉE EN ITALIE Linda PAGNOTTA. Le edizioni italiane della «Legenda aurea» (1475-1630) (= Biblioteca di Apax, 1). Firenze, Apax libri, 2005, 433 p., ill. [ISBN 88901513-0-7] On sait le succès que connut la Légende dorée, tant dans sa tradition manuscrite (un millier de témoins pour le seul texte latin) que dans ses éditions imprimées (une centaine d’éditions incunables). Mais l’histoire de ces dernières est loin d’avoir été explorée de façon exhaustive. On se réjouit donc de voir le cas italien faire l’objet d’une enquête exemplaire. Ce ne sont pas moins de quatre-vingt éditions qui sortiront des presses de la péninsule entre 1475 et 1630. Une première caractéristique propre à l’Italie est la prépondérance des éditions en volgare, et ce dès les débuts: la première Legenda aurea imprimée à Venise est en italien; trois ans plus tard est publiée la princeps latine. Entre 1475 et 1490, on compte six éditions en volgare pour cinq éditions latines; entre 1492 et 1500, la proportion est de cinq contre deux; après 1500, on ne comptera plus que deux éditions latines (la dernière en 1516), tandis que le succès du texte en volgare ne se dément pas: entre 1500 et 1550, quinze éditions; entre 1551 et 1570, sept éditions; entre 1571 et 1600, vingtdeux éditions; entre 1601 et 1630, sept éditions. Celles-ci, loin de présenter un texte figé, témoignent d’une évolution tant du contenu que de la forme. Le texte volgare imprimé par Nicolas Jenson à Venise en 1475 est dû à Nicolò Malerbi, moine camaldule de Murano. Celui-ci, désirant que sa traduction puisse être comprise in diverse parte de l’Italia, s’est assuré la collaboration d’un florentin, garant d’une langue materna et vulgare. Aux 177/178 notices que comptait l’ultime version revue par Jacques de Varazze, il en ajoute 66 autres, qu’il insère pour moitié à leur place dans le calendrier, et pour moitié à la suite du chapitre conclusif. Elles concernent des saints «nouveaux», morts ou canonisés après la rédaction de la Legenda aurea, des fêtes d’institution récente (Conception de Marie, Transfiguration, S. Magne, fondateur légendaire de Venise), des saints camaldules, des cultes liés à Venise et à ses environs. Aucun témoin latin ne correspond à cet ensemble, ce qui laisse supposer que Malerbi a travaillé à partir de plusieurs manuscrits. Par son grand format, la qualité de son papier, l’élégance de ses caractères, cette première édition se présente comme un produit de luxe. Au moins cinq exemplaires en ont été tirés sur parchemin; plusieurs sont enluminés. Entre 1475 et 1492, date de la première édition illustrée, cinq éditions vont se succéder, toutes imprimées à Venise et caractérisées par une réduction du format et du nombre de pages. La première édition latine, imprimée à Venise par Cristoforo Arnoldo en 1478, compte seulement vingt-sept Vies supplémentaires, ajoutées après le chapitre conclusif, et concernant des saints liés à l’Europe centrale, surtout à l’aire germanique: cet appendice, déjà présent dans la tradition manuscrite, figure aussi dans les premières éditions imprimées en Allemagne. Venise produira six autres éditions incunables de ce texte latin. En 1512 est ajouté un second appendice consistant en seize Vies de saints hongrois. Tout laisse penser que cette édition était destinée à l’exportation.

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La grande originalité des éditions italiennes réside toutefois dans l’illustration. La première édition illustrée est le Legendario deli sancti historiado de Matteo Codecà en 1492. Outre une superbe illustration en pleine page faisant face à la page de titre, pas moins de 239 vignettes xylographiques, de la largeur d’une colonne de texte, introduisent les notices, résumant en quelque sorte le contenu de celles-ci. Le même procédé se retrouve dans une Bible (1490), deux éditions de Dante (1491), les Vite de’ santi padri (1491), Boccaccio (1492): il s’agit d’une caractéristique des incunables vénitiens, et elle ne s’applique qu’aux ouvrages en volgare, qu’ils soient religieux ou profanes. Le succès est tel que la même année, à sept mois de distance, un rifacimento (à moins qu’il ne s’agisse d’une contrefaçon) sort des presses de Manfredo Bonelli. Les vignettes sont au nombre de 190, ce qui laisse 46 Vies sans illustration. Leur provenance est disparate: bon nombre d’entre elles, empruntées ou louées à d’autres typographes, ont déjà été utilisées ailleurs (ainsi une quarantaine tant dans la Bible de 1490 que dans les Vite de’ santi padri de 1491); elles sont donc d’apparence hétérogène et n’apparaissent pas toujours pleinement adaptées au texte qu’elles sont censées illustrer. Ces deux éditions de 1492 inaugurent une série de onze autres impressions illustrées, jusqu’en 1551. Les vignettes de ces treize impressions sont intégralement reproduites, classées par saints (p. 157-339), ce qui permet leur comparaison. Certes, la majorité des vignettes de la première édition de 1492 se voient réutilisées, de même qu’une trentaine de celles de la seconde édition. Mais chaque nouvelle impression apporte quelques illustrations inédites. L’A. détaille les apports et caractéristiques de chacune de ces éditions. Celle de 1551 est la dernière à suivre ce modèle. Même si le Legendario ne figurera jamais à l’Index (dont la première édition sort à Venise en 1549), il s’agit d’un moment de crise. En 1575, l’édition vénitienne d’Andrea Muschio introduit une série de changements significatifs: suppression des prologues de tempore, intégration de toutes les Vies à leur place dans le calendrier. Quant aux vignettes, elles se font plus petites et simplement décoratives, perdant leur fonction d’illustration du contenu; les mêmes images se voient employées à plusieurs reprises pour des saints différents. Une nouvelle évolution se produit dans la seconde édition due à Fioravante Prati (Venise) en 1588: le contenu augmente considérablement, passant à 428 Vies (en plus de 800 pages), qui ne laissent aucun jour libre. Les sources en sont le nouveau Martyrologe Romain et les premiers recueils savants (Lippomano, Surius). Le résultat apparaît déséquilibré, entre légendes longues et notices brèves. Cette version connaîtra de nombreuses réimpressions par divers ateliers, même non vénitiens. L’ouvrage est désormais fort standardisé (format, caractères typographiques, mise en page, illustration). La dernière édition remonte à 1630. Outre une substantielle introduction et la reproduction des vignettes mentionnée plus haut, ce volume fort soigné comprend une description approfondie de toutes les éditions, un tableau de leur contenu respectif (liste des saints faisant l’objet d’une notice, et selon quel ordre), une abondante bibliographie, ainsi que divers index: éditions, éditeurs et imprimeurs, thèmes iconographiques, noms de personnes.

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• SANCTUAIRES Elena NECCHI. I «sanctissimi custodes» della basilica di Santa Giustina a Padova (= Quaderni di «Hagiographica», 7). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2008, XVI-222 p. [ISBN 978-88-8450-203-2] La basilique de Sainte-Justine fut à juste titre considérée comme le sancta sanctorum de Padoue. Outre les reliques de la sainte martyre, on y vénérait celles du protévêque Prosdocimus, de Maxime, son successeur, du pèlerin Julien, qui avait ramené de Terre Sainte les reliques de trois des saints Innocents, de Félicité, une vierge consacrée, de Daniel, lévite et martyr, et, last but not least, de l’évangéliste Luc et de l’apôtre Mathias, auxquels s’ajoutaient d’innombrables martyrs anonymes. Dans un ouvrage important paru en 1997, A. Tilatti s’était efforcé de situer ces cultes et les textes hagiographiques les concernant en relation avec l’évolution politico-institutionnelle de Padoue (cf. AB, 119 [2001], p. 151-153). L’objet du volume d’E. N. est plus modeste. Elle propose une édition sur nouveaux frais d’une série des textes en question: Inventio SS. Maximi, Iuliani, Felicitatis et Innocentum (BHL 5851); Qualiter beatorum Luce euvangeliste ac Mathie apostoli corpora fuerunt de Constantinopoli translata Patavium (BHL 4973b), ainsi qu’une très brève Translatio Luce ac Mathie qui en serait la version la plus ancienne; Secunda beatorum Innocentum inventio nec non Iustine virginis martyrisque ac beatorum Luce euvangeliste ac Mathie apostoli (BHL 4575); quatre carmina de l’abbé Bernardo Terzi, écrits dans la foulée de la récognition des reliques de S. Luc en 1463, organisée afin de faire pièce aux revendications de Venise, qui prétendait également détenir le corps de l’évangéliste; De inventione S. Luce evangeliste (1463); Revelatio sanctorum martirum quorum festum in ecclesia S. Iustine de Padua feria secunda ante Ascensionem Domini celebratur; Quedam revelatio indulgentiarum sanctorum corporum in basilica Sancte Iustine de Padua quiescentium; Indulgentie que sunt in presenti ecclesia Sancte Iustine. La première partie du volume décrit le contenu de ces textes, sans hésiter à en citer de larges extraits. On regrette à ce propos que l’A. ne nous livre que quelques passages des miracles inédits contenus dans le ms. 491 du fonds «S. Giustina» de l’Archivio de Padoue. Il tesoro di sant’Agata. Gemme, ori e smalti per la martire di Catania. Fotografie di Francesco Marchica. Catania, Edizioni Arcidiocesi di Catania, 2006, 186 p., ill. [ISBN 88-88654-02-X] Pour conserver dignement les reliques de Ste Agathe, les fidèles de Catane n’ont pas regardé à la dépense. Peu de saints ont suscité la création d’autant de précieux reliquaires. Le plus connu est le buste achevé en 1376, chef-d’œuvre de l’orfèvre Giovanni di Bartolo de Sienne. Celui-ci travaillait à la cour pontificale d’Avignon et c’est là que l’évêque de Catane Martial, originaire de Limoges, alors en ambassade auprès de Grégoire XI, lui commanda l’ouvrage. Il reviendra à son successeur Élie de Vaudron, également limousin, d’apporter l’œuvre à Catane. Celle-ci ne devait pas tarder à attirer les dons votifs précieux en tout genre – bijoux,

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camées, pierres précieuses – qui étaient au fur et à mesure fixés au buste. En 1915, le cardinal Francica Nava les fit tous retirer pour ensuite les réarranger sur le buste de façon ordonnée. L’ensemble est d’une richesse inouïe. D’autres reliques de la martyre sont conservées dans une châsse en argent filigrané, évoquant une cathédrale gothique, entourée de statuettes de saints. L’œuvre, commencée entre 1473 et 1486, ne fut achevée que dans la seconde moitié du siècle suivant. D’autres reliquaires, anthropomorphes, dont les plus anciens sont de peu postérieurs au buste, conservent les bras et les jambes de la sainte; un reliquaire-ostensoir contient l’un de ses seins; la pièce la plus récente abrite son voile. Les deux écrins principaux sont conservés dans le sacello di S. Agata, petite salle aménagée dans le mur du chœur de la cathédrale, probablement à l’occasion de l’arrivée du buste-reliquaire. Les fresques qui en ornent les parois, bien qu’endommagées, comptent parmi les rares témoins ayant survécu au tremblement de terre de 1693. Spectaculaire est également le fercolo du XVIe s., sorte de litière surmontée d’un baldaquin à six colonnes, en argent, ornée de statues et de scènes du martyre, sur lequel sont transportées les reliques lors de la procession annuelle. Les superbes photographies de ce volume reflètent bien la somptuosité de ce trésor. Lo spazio del santuario. Un osservatorio per la storia di Roma e del Lazio. Cur. Sofia BOESCH GAJANO – Francesco SCORZA BARCELLONA (= Chiese d’Italia, 3). Roma, Viella, 2008, XXVI-542 p., ill. + 1 CD-ROM [ISBN 978-88-8334149-6] Lazio (= Santuari d’Italia). Roma, De Luca Editori d’Arte, 2010, 301 p., ill. [ISBN 978-88-8016-984-0] Après avoir donné lieu à des considérations générales, à des réflexions de méthode et à des études de cas dispersés, le grand projet de recensement des sanctuaires italiens a suscité une série de colloques dédiés à une région déterminée5. Avec l’exemple du Latium, nous avons à la fois un volume préparatoire, riche d’une vingtaine de contributions de haut niveau présentées lors d’un colloque tenu à Rome en 2002, et l’ouvrage «définitif» qui nous offre le recensement exhaustif des sanctuaires. Le cas du Latium est particulièrement compliqué à cause de l’«encombrante» présence de Rome. Alors que, sur le plan du recensement proprement dit, Rome se verra consacrer un volume à elle seule, le colloque de 2002 s’est efforcé de ne pas séparer la Ville de sa région. Une première section s’attache au problème des fron5

Mentionnons ici les titres des principales publications – toutes des actes de colloques – qui jalonnent ce grand projet lancé par André Vauchez, alors directeur de l’École française de Rome: Lieux sacrés, lieux de culte, sanctuaires. Approches terminologiques, méthodologiques, historiques et monographiques. Dir. A. VAUCHEZ (= Collection de l’École française de Rome, 273), Rome, 2000; Per una storia dei santuari cristiani d’Italia: approcci regionali. Cur. G. CRACCO (= Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento. Quaderni, 58), Bologna, 2002; Santuari cristiani d’Italia. Committenze e fruizione tra Medioevo e Età moderna. Cur. M. TOSTI (= Collection de l’École française de Rome, 317), Rome, 2003; I santuari cristiani d’Italia. Bilancio del censimento e proposte interpretative. Cur. A. VAUCHEZ (= Collection de l’École française de Rome, 387), Rome, 2007.

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tières: «Un confine mobile». M. T. CACIORGNA étudie les Confini geografici e confini politici attraverso l’osservatorio del santuario (p. 3-21). Les 409 schede établies pour Rome et le Latium comportent notamment deux champs intitulés respectivement «ubicazione geografica» et «ciclo di vita», qui permettent de penser le sanctuaire en fonction du territoire et de son histoire. Loin de constituer une réalité isolée, le sanctuaire est en constante évolution: il se réorganise en fonction des réalités qui l’entourent; son étude ne peut faire l’économie de la géographie historique. Dans un Latium dont les frontières actuelles ne remontent qu’à 1927, la dimension sous-régionale est particulièrement significative, en ce qu’elle présente une plus grande homogénéité dans le processus de formation des sanctuaires (cf. la vallée de Rieti): en prendre conscience aide à comprendre la diversité qui ressort de la carte des sanctuaires du Latium. L’évolution de l’organisation des diocèses, marquée par une constante réduction de leur nombre depuis le XIe s., a eu également une influence non négligeable sur la géographie des sanctuaires. L’A. dégage quelques grandes tendances dans la longue durée: les sanctuaires des martyrs, plus nombreux dans le Latium que dans toute autre région, déclinent à partir du IXe s., le transfert des reliques à Rome accentuant la séparation entre la Ville et le suburbium. Mais, dans une campagne de plus en plus agraire, certains sanctuaires subsistent au prix d’une transformation de leur fonction: soit qu’ils acquièrent le statut de cathédrale, soit que le martyr soit promu patron de la cité ou du castello. Il est remarquable que deux diocèses comme Porto et Santa Rufina, riches de sept cultes martyriaux au cours des premiers siècles, se trouvent ensuite dépourvus de tout sanctuaire – ils constituent une zone d’agriculture extensive, peu peuplée – et qu’il faudra attendre le XXe s. pour qu’y soient créés trois nouveaux sanctuaires. Au XIe et au XIIe s., époque où les espaces du pouvoir se réorganisent dans tout l’Occident, de nouveaux sanctuaires sont érigés, qui marquent l’emprise sur le territoire de l’Église romaine, de la société laïque, des monastères, des institutions ecclésiastiques. Le phénomène le plus extraordinaire est sans doute l’explosion des sanctuaires mariaux dans toute l’Italie, depuis la fin du XVe s. jusqu’à la fin du XVIIIe : guerres et épidémies suscitent un renouveau de la sensibilité religieuse; les Ordres mendiants et les nouveaux Ordres engagés dans la cura animarum dans les campagnes ont une influence considérable. Certains sanctuaires connaissent un tel succès qu’ils suscitent des «succursales» (sanctuaires ad instar). La ville de Rome présente un cas plus complexe. Certaines églises y abritent plusieurs sanctuaires, ainsi le Gesù (Madonna della Strada, S. Ignace, le Sacré-Cœur). – S. PASSIGLI émet des Proposte per una cartografia storica dei santuari: l’esempio del Lazio (41-66). Une cartographie historique doit s’attacher notamment à la chronologie des sanctuaires, afin de pouvoir distinguer les différentes vagues de fondations nouvelles; il faut considérer les sanctuaires dans le contexte des diocèses où ils se situent, en tenant compte de l’évolution historique de ceux-ci; vu la dimension non seulement religieuse mais également politique, sociale et économique des sanctuaires, il importe de les replacer aussi dans le contexte du réseau routier, de l’habitat, de l’occupation rurale, des éventuelles ressources naturelles telles que les mines; le paysage avec ses éléments suggestifs (rochers, cascade, rivière) revêt également une grande importance, notamment pour les éléments que les cultes antiques ont pu sacraliser

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(bois, arbres, sources). Dix-sept cartes ont été réalisées selon ces principes et figurent sur le CD-Rom qui accompagne l’ouvrage. Certaines sont encore en cours d’élaboration, notamment les cartes indiquant les reliefs. Quelques cartes s’attachent à une portion de territoire dotée d’une plus forte identité historique (propriétés de l’Église romaine aux IVe-VIIIe s., Duché romain aux VIe-VIIIe s., Patrimoine de S. Pierre aux IXe-XIIIe s., etc.). En annexe, un tableau fournit la liste des sanctuaires avec la chronologie de leur fondation et la caractérisation de leur paysage. – Sous le titre Santuario e territorio nell’alto Medioevo: riflessioni su un’area della Sabina tiberina (67-84), M. L. MANCINELLI concentre son attention sur trois sanctuaires de martyrs: S. Antimo, S. Giacinto (attestés tous les deux par le Martyrologe hiéronymien) et S. Getulio (connu par la documentation de Farfa à partir du début du VIIIe s.). – L. NARCISI étudie Le rotte della transumanza e lo spazio sacro nel Patrimonio di san Pietro in Tuscia tra la fine del Medioevo e l’Età moderna (85-104): l’église Santa Maria del Riposo à Toscanella, édifiée vers 1495, en constitue un observatoire privilégié. – L. OSBAT considère les Assetti territoriali e nuovi insediamenti santuariali nel Lazio settentrionale di Età moderna (105-125). Prenant pour exemple la province de Viterbe (19 sanctuaires, tous mariaux, fondés entre le XVe et le XVIIIe s.), l’A. souligne le rôle des Ordres religieux dans les nouvelles fondations, ou du moins dans la gestion de celles-ci. Il est remarquable que les sanctuaires n’apparaissent jamais dans les statuts synodaux: ils constituent la dernière et la plus consistante manifestation d’une religiosité qui échappe en grande partie au contrôle de l’évêque. La seconde section, intitulée «Istituzioni e devozioni», s’ouvre par une contribution majeure de S. BOESCH GAJANO: Gli oggetti di culto: produzione, gestione, fruizione (129-160). Un sanctuaire est normalement construit pour abriter un objet de culte: relique, image (qui peut acquérir le statut de relique, comme dans le cas des achéropites), croix, donnée immatérielle (le séjour de S. Benoît à Subiaco), à moins qu’il ne soit né de la perception du caractère exceptionnel d’un lieu naturel (lequel était peut-être déjà l’objet d’un culte pré-chrétien). La relique est toutefois quelconque sans le reliquaire qui lui donne visibilité et rehausse son caractère précieux. Considérant plus particulièrement le cas du Latium, l’A. rappelle le processus de monumentalisation des tombes des martyrs, jusqu’à ce que, dans le courant du IXe s., leurs reliques soient transférées à l’intérieur de la cité, entraînant par là une perte de popularité et d’efficacité. Outre le rôle des évêques de Rome dans la valorisation des sanctuaires anciens et dans la promotion de lieux de culte liés à des dévotions plus récentes, le plus souvent mariales, S. B. souligne l’action des grandes familles romaines, des institutions monastiques, du clergé séculier et des confréries. – E. SUSI étudie I santuari martiriali nell’agiografia altomedievale dell’Etruria meridionale: il caso di S. Ferma a Civitavecchia (161-197). La Passio de Ste Firmina, mise en rapport avec les témoignages monumentaux et l’hagiographie moderne (Vita par le dominicain Bianchieri en 1707), permet d’identifier les origines du patronage de la sainte sur la cité portuaire et de reconstruire l’histoire d’un culte particulièrement complexe. – U. LONGO présente Il santuario conteso. Il caso di S. Michele al Monte Tancia tra dinamiche territoriali e riforma della Chiesa in Sabina (secoli XI-XII) (199-208). Ce sanctuaire implanté dans une

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grotte sur les pentes du Mont Tancia et attesté dès le VIIIe s., occupait une position stratégique entre Rieti et l’abbaye de Farfa. L’importance qu’il avait acquise au XIe s. en fit l’enjeu d’une guerre entre l’évêque et l’abbaye. – R. MICHETTI étudie le rôle et l’importance des Ordres religieux pour l’histoire des sanctuaires et des cultes à Rome: Ordini religiosi, culti e spazi sacri a Roma fra Medioevo e prima Età moderna: l’archetipo e l’architetto (209-228). Si les Ordres mendiants prennent pied à Rome, ils y administrent généralement les cultes traditionnels liés aux églises qu’ils occupent, mais ne parviennent pas à y imposer leurs propres saints, prudemment relégués dans les chapelles latérales: la Rome des Apôtres, de la Vierge et des martyrs semble alors opposer une forte résistance aux innovations. La situation change avec le concile de Trente: les nouveaux Ordres occupent l’espace urbain de façon bien plus résolue, construisent leurs églises et leur donnent le nom de leur fondateur (Ignace, Philippe Neri), lesquels seront même accueillis sur la colonnade du Bernin. – Ch. MERCURI analyse Le reliquie della Passione nei santuari romani (229-239). Celles-ci ne se trouvent que dans les lieux les plus symboliques du pouvoir pontifical: le Latran, Saint-Pierre et Sainte-Croix-de-Jérusalem. Elles comprennent des fragments de la vraie Croix au moins à partir du VIe s. dans les trois basiliques, la Veronica à Saint-Pierre depuis la fin du Xe s., le titulus crucis retrouvé à Sainte-Croix-de-Jérusalem en 1492, au moment où la lance de Longin, offerte par Bajazet II, aboutit à Saint-Pierre. La Veronica, indéniablement la relique de la Passion la plus vénérée au Moyen Âge, voit son culte décliner à partir de la construction du nouveau Saint-Pierre: elle est exposée de plus en plus rarement (pour la dernière fois en 1854). En revanche, les papes promeuvent la dévotion à la Scala santa, dévotion dominante à l’époque moderne. – M. LUPI examine le rapport entre Luoghi di devozione e istituzioni ecclesiastiche a Roma tra Età moderna e Età contemporanea (241-272). Le culte marial qui s’affirme depuis la fin du XVe s. est activement soutenu par la papauté (chapelle pauline de Sainte-Marie-Majeure, changement de dédicace d’églises existantes en faveur de Sainte-Marie-de-la-Victoire et du Très-Saint-Nom de Marie). En 1631 a lieu le premier couronnement d’une image miraculeuse. On voit se développer des cérémonies au fort impact émotif et visuel (procession du Saint-Sacrement, cérémonies du jubilé). Dès le milieu du XVIe s., une profonde réforme des structures ecclésiastiques diminue le nombre des paroisses et accorde un rôle essentiel au vicaire du pape pour le gouvernement diocésain de Rome, assurant ainsi un meilleur contrôle sur les pratiques religieuses. Le XIXe s. connaît la promotion de nouvelles dévotions (Sacré-Cœur, médaille miraculeuse). La seconde guerre mondiale consacre le rôle du sanctuaire de la Madonna del Divino Amore, inséré étroitement dans le réseau institutionnel romain. – T. CALIÒ se penche sur I santuari di Gregorio XVI (279-310). Son idéal de reconstruction de la «ville sainte» s’appuie avant tout sur Sainte-Marie-Majeure et l’icône de la Salus populi romani, invoquée contre l’épidémie de choléra. La vision d’Alphonse Ratisbonne en 1842 et l’aménagement d’une chapelle dédiée à l’Immaculée Conception à San Andrea delle Fratte stimulent la dévotion à la médaille miraculeuse. Fondateur du musée égyptien, le pape envoie trois navires prendre possession des treize pièces d’albâtre offertes par Mehemet Ali pour la reconstruction de la basilique Saint-Paul ravagée par l’incendie de 1823.

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La troisième section est dédiée aux «Tipologie e dinamiche cultuali». V. FIOCCHI NICOLAI s’intéresse aux Sviluppi funzionali e trasformazioni monumentali dei santuari martiriali di Roma e del Lazio nella tarda Antichità e nell’alto Medioevo (313-334). Les sanctuaires dédiés aux martyrs – 187 dont 136 pour la seule ville de Rome – constituent la majorité écrasante des sanctuaires du Latium entre le e e III et le VII s. À leurs fonctions propres de lieux de dévotion, de commémoration et de pèlerinage, les centres martyriaux suburbains voient assez tôt s’ajouter d’autres fonctions qui les inscrivent dans la pastorale ordinaire. Certaines basiliques feront office de cathédrale dans les cités épiscopales du Latium (parfois seulement au Moyen Âge) ou deviendront le siège d’évêchés ruraux. Assez tôt, bon nombre d’entre elles seront gérées par des communautés monastiques. – L. SPERA étudie Gli spazi del sacro nel suburbio di Roma tra tarda Antichità e alto Medioevo: luoghi della storia e luoghi dell’immaginazione nelle passiones dei martiri romani (335-349). Le lieu principal, celui de la sépulture, fait parfois l’objet d’une description détaillée, laissant transparaître chez l’hagiographe une connaissance directe du contexte monumental. Même là où une vérification archéologique n’est pas possible, on peut considérer ces données comme généralement fiables, puisqu’elles pouvaient être vérifiées par les pèlerins, premiers lecteurs des Passions. D’autres lieux traditionnels apparaissent fréquemment dans les récits, tels le Capitole, la prison mamertine, l’amphithéâtre… tous lieux païens qui acquièrent par le fait même, dans l’imaginaire collectif, un certain degré de sacralité. – A. M. NIEDDU nous livre des Note sul culto dei martiri stranieri nei santuari paleocristiani del suburbio romano (351-376). Il s’agit de personnages ayant subi le martyre dans d’autres régions et y ayant reçu leur sépulture, qui reçurent un culte, lié à la présence de reliques, dans les cimetières romains: Pamphile (peut-être africain) au cimetière qui porte son nom sur la Salaria vetus; les Quarante martyrs de Sébaste et les Quatre Couronnés (de Pannonie) à la catacombe des SS. Marcellin et Pierre sur la Labicana; le Pannonien S. Quirin dans un mausolée contigu à S. Sebastiano ad catacumbas sur l’Appia; le Perse Milix et le Pannonien Pollion au cimetière de Pontien sur la Labicana. La présence de leurs reliques à Rome est probablement due à des groupes d’immigrés. – St. ANDRETTA met en lumière les liens entre la victoire de Lepanto e la Madonna della Quercia (377-391), sanctuaire favorisé par Pie V, dans une stratégie générale de «marianisation» de Lépante. – R. P. VIOLI se penche sur la relation entre Religione e identità civili nei santuari di Roma e del Lazio dall’Unità al secondo dopoguerra (393-402), mettant en valeur notamment le rôle du sanctuaire de la Madonna del Divino Amore, opposé à la sacralité de la Rome fasciste (l’idéologie fasciste ne s’était pas privée d’instrumentaliser certains sanctuaires), et celui du culte de Ste Maria Goretti. – P. APPOLITO se livre à un parcours Dal luogo al ‘sito’. Internet e la devozione (417-428). Le processus de «territorialisation», arrivé à maturité aux XIe-XIIIe s., s’est achevé à l’époque contemporaine pour faire place à un mouvement inverse de «déterritorialisation». Ce phénomène, rendu particulièrement sensible avec l’avènement d’Internet, a des conséquences particulières en ce qui concerne la dimension du sacré, marquée par la disparition de toute transcendance ainsi que de tout contrôle ecclésiastique.

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Une brève quatrième section, «Prospettive», rassemble les conclusions, dues à A. Vauchez, G. Barone, M. Tosti, Fr. Marchisano, D. Julia. I. BONACCORSI présente Il censimento dei santuari cristiani d’Italia e il sito web (431-435), dont voici l’adresse: http://www.santuaricristiani.iccd.beniculturali.it Le second volume marque à la fois un point d’aboutissement et un début. Il constitue en effet l’aboutissement du grand projet de recherche sur les sanctuaires d’Italie, entamé en 1997; il n’est toutefois que le premier volume de la grande collection destinée à recueillir le recensement de tous les sanctuaires de la péninsule. Étant le premier, il propose donc un modèle à suivre. Modèle convaincant, disonsle d’emblée: dans un format grand in-quarto (33 x 25 cm), sous une reliure solide protégée par une ample jaquette, l’ouvrage offre deux sections principales, introduites par une grande carte de la région concernée, où sont clairement situés tous les sanctuaires recensés (un regret cependant: il ne s’agit que d’une carte «semiphysique», où figure le réseau hydrographique mais non le relief, si utile pourtant pour comprendre certaines localisations). La première section comprend une série de contributions scientifiques présentant les caractères propres des sanctuaires du Latium (un volume distinct sera consacré à la ville de Rome): S. BOESCH GAJANO, Storia dei santuari e oggetti della devozione (41-57), reprend substantiellement le contenu de la contribution recensée ci-dessus. – V. FIOCCHI NICOLAI nous offre une remarquable synthèse sur I santuari martiriali (59-75). Notre source principale, le Martyrologe hiéronymien, révèle pas moins de trente-six centres de cultes martyriaux dans le Latium. Les écrits de Grégoire le Grand et les témoignages de l’archéologie permettent d’en ajouter sept autres. Proportionnellement à la superficie du territoire, il s’agit du nombre le plus élevé dans la péninsule, signe d’une christianisation précoce et «capillaire»; on verra d’ailleurs la topographie diocésaine confirmer cette topographie martyriale, avec quarante-deux diocèses attestés au VIe s. Presque partout, en lien avec la tombe vénérée, furent érigées des basiliques martyriales. Vingt-trois d’entre elles sont connues par les sources de l’Antiquité tardive; s’y ajoutent sept autres dans les sources de l’alto Medioevo, et dix dans celles du Moyen Âge proprement dit. On dispose de données archéologiques significatives dans le cas de S. Alessandro sur la Via Nomentana, de S. Sinforosa e S. Vincenzo sur la Tiburtina, de S. Agapito près de Palestrina, de S. Ciriaco sur l’Ostiense, de S. Aurea à Ostie et de S. Ippolito à Porto. Mais, hormis ce dernier cas, les fouilles remontent généralement au XIXe s. et sont mal documentées. Les basiliques martyriales du Latium présentent une typologie variée. Avec le temps elles ont assumé des fonctions de cura animarum. Un certain nombre d’entre elles ont été promues au rang de cathédrales d’évêchés ruraux. – M. T. CACIORGNA, Luoghi di culto e assetti territoriali (77-87) reprend l’essentiel de sa contribution au congrès romain de 2002 (voir ci-dessus). La seconde partie du volume offre le répertoire proprement dit: chaque sanctuaire y fait l’objet d’une notice de longueur variable (de huit colonnes pour l’abbaye du Mont-Cassin à une demi-colonne pour le sanctuaire de Maria Santissima della Rocca à Tolfa). Un paragraphe en italique précise d’abord la situation topographique et les éventuelles autres appellations sous lesquelles le sanctuaire aurait été connu. Dans la notice elle-même, l’accent est mis sur l’origine du sanctuaire

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(image, relique…) et son évolution historique, ainsi que sur les manifestations du culte et témoignages de dévotion (ex-voto…) qui lui sont propres; les aspects liés à l’architecture et à l’histoire de l’art, considérés ici comme secondaires, sont traités de façon très succincte. Une bibliographie, toujours attentive à mentionner les sources, conclut chaque notice. Un riche apparat photographique en noir et blanc, de nature documentaire (façades, intérieurs, images, reliquaires…), enrichit chaque page. Il est complété par une trentaine de planches en couleur, dont la moitié illustrent des scènes actuelles de la dévotion populaire. L’ordre adopté est celui des provinces (Frosinone [30 sanctuaires], Latina [17], Rieti [21], Rome [66], Viterbe [29]), à l’intérieur desquelles les sanctuaires sont classés dans l’ordre alphabétique des communes. Le sommaire en début d’ouvrage permet sans trop de difficultés de trouver un sanctuaire déterminé mais un index n’eût pas été superflu: qui cherche, par exemple, la notice relative à la Madonna di Galloro doit savoir que ce sanctuaire est situé sur le territoire de la commune d’Ariccia, dans la province de Rome. Il ne reste qu’à souhaiter à cette entreprise de longue haleine qu’elle puisse se poursuivre et s’achever dans un délai raisonnable.

BULLETIN DES PUBLICATIONS HAGIOGRAPHIQUES The Greek Life of St. Leo bishop of Catania (BHG 981b). Text and Notes by Alexander G. ALEXAKIS. Translation by Susan WESSEL (= Subs. hag., 91). Bruxelles, Société des Bollandistes, 2011, XXXVII355 p. [ISBN 978-2-87365-026-1] À Saint-Pétersbourg, en 1914, Latyšev publia, parmi ses Hagiographica graeca inedita, une Vie anonyme de Léon de Catane, d’après deux manuscrits: les Mosquensis Gr. 161 (Vlad. 379) et Parisinus Coisl. 307. Le texte qui allait recevoir le n° 981b dans la BHG relate les démêlés, d’abord à Catane puis à Constantinople, d’un saint évêque Léon avec le magicien Héliodore, un prototype du futur Dr Faust. Le dossier hagiographique de ce saint ne suscita guère d’intérêt jusqu’au moment où, quelques décennies plus tard, A. Acconcia Longo en exhuma une pièce, la Vie BHG 981, connue par la version latine imprimée dans les AASS, Febr. t. III (1658), p. 223-225. Le texte, publié dans la Rivista di studi bizantini e neollenici (n. s. 26 [1989], p. 3-79) et présenté comme un produit censuré de la littérature iconoclaste, devait immanquablement attirer l’attention des érudits sur la personnalité hors du commun du magicien Héliodore. Le débat qui s’ensuivit poussa A. G. A. à reprendre la question ab ovo. Soucieux de disposer d’une édition enfin fiable de la Vie BHG 981b, A. G. A. réédite l’œuvre d’après les dix témoins connus; en plus des deux codex précédemment mentionnés, il convenait en effet de prendre en compte les mss Vatopédi 636, Docheiariou 78 (2752) et 95 (2769), Xéropotamou 135 (2468), Escorial y.II.6 (gr. 314), Météores Varlaam 150 et Transfiguration 98, ainsi que le fragment palimpseste (gr. 82) conservé à la Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg. La tradition manuscrite atteste le succès rencontré par l’histoire de Léon et d’Héliodore dans les milieux monastiques. Comme cette Vita est un magnifique exemple de ce que Ševþenko a appelé la littérature hagiographique rédigée en «High Style», on saura gré à S. W. d’avoir assorti d’une traduction accessible un texte grec dont l’auteur, doté d’une excellente culture classique, est rompu aux techniques de la Seconde Sophistique. Les prolégomènes à l’édition retiendront tout particulièrement l’attention. Une analyse minutieuse de l’œuvre et de ses sources permet à l’éditeur d’établir que le personnage d’Héliodore, considéré par d’aucuns comme une réincarnation littéraire de l’auteur des Ethiopica, Héliodore d’Émèse, ferait plutôt référence au patriarche Jean VII le Grammairien († 847), dont le portrait brossé par ses détracteurs ressemble à s’y méprendre à celui du magicien. La Vie BHG 981b, déjà mise à profit par Joseph l’Hymnographe (décédé au plus tard en 886) pour le Canon en l’honneur de Léon de Catane repris dans les Ménées, serait en réalité la plus ancienne pièce du dossier hagiographique relatif à ce dernier et émanerait des milieux iconodules, désireux de ridiculiser l’une des figures de proue du parti adverse. Le fait que dans les rangs iconodules à Constantinople figuraient de nombreux Siciliens, pourrait expliquer comment Léon de Catane, un prélat évoqué dans la corresAnalecta Bollandiana, 129 (2011).

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pondance de Grégoire le Grand pour avoir lutté contre les pratiques magiques (Ep. XIV, 1), finit par constituer, au prix de quelques anachronismes et sans la moindre attache avec la Capitale, le candidat idéal pour venir à bout du pseudo-Héliodore. La monographie est complétée par d’abondants index (Index biblicus, «Cited Works», «Proper Names and Realia», «Greek Manuscripts», «Figures of Speech», Index Graecitatis, «Modern Authors») et propose également une édition, à nouveaux frais, d’un texte secondaire, la Laudatio BHG 981d.

Hagiographie et prédication = Mélanges de Science Religieuse, 67/3 (2010), 112 p. [ISSN 0025-8911] Composé de cinq contributions, issues de trois rencontres scientifiques distinctes et à l’intérêt inégal, ce petit recueil présente un caractère bien plus hétéroclite que ne le suggère son titre trop général. À vrai dire, seuls les deux premiers articles explorent véritablement les rapports complexes qui existent entre les récits hagiographiques et la prédication. À partir d’une trentaine de textes composés à Trèves entre le VIIIe et le XIe s., portant principalement sur les évêques des premiers siècles (Maximin, Euchaire, etc.), K. KRÖNERT entend montrer la position médiane, entre écrit historiographique et œuvre de prédication, occupée par l’hagiographie dans la création littéraire du haut Moyen Âge (L’hagiographie entre historiographie et prédication. Étude sur une forme littéraire à partir des textes rédigés à Trèves (VIIIe-XIe s.) [p. 5-26]). La fluctuation caractérisant les titres des Vies de saints, pour ainsi dire interchangeables (vita, historia, sermo, narratio, gesta…), refléterait d’ailleurs cette polyvalence. Plus accessible que la théologie et moins fastidieuse que l’historiographie, l’hagiographie permit, selon K. K., de parler du passé à un large public de manière beaucoup plus vivante et concrète, tout en incluant exhortations et explications théologiques. Le cas de Trèves l’illustrerait à merveille. Pour célébrer le riche passé de leur ville, les clercs trévires choisirent non les textes historiographiques mais bien le genre hagiographique. L’âge d’or que connut la cité durant l’Antiquité tardive n’est-il pas presque exclusivement retracé par le biais de Vies de saints, au caractère historiographique marqué ? Par ailleurs, dans les mentalités médiévales, l’histoire n’est pas si éloignée de la prédication: «toutes deux [servent] à l’instruction et à l’exhortation car elles montrent comment il faut vivre selon les commandements de Dieu». L’histoire s’apparente avant tout à une histoire du Salut et consiste à exposer les événements qui se sont réellement passés, avec le consentement de Dieu, en les distinguant des fables et des mythes inventés par les hommes. Dans une étude stimulante (Hagiographie et pastorale. La collection canonique d’Hervé, archevêque de Reims († 922) [p. 27-48]), M.-C. ISAIA s’interroge sur l’usage pastoral de l’hagiographie et sur la capacité normative de cette dernière. Si l’hagiographie répond à des fins principalement liturgique, commémorative et patrimoniale, davantage qu’à l’encadrement des populations chrétiennes, elle comporte indéniablement une dimension pastorale. Avant le XIIe s., époque où le genre se transforme et devient «le versant plaisant, anecdotique, adressé au cœur plus

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qu’à la raison, de l’enseignement chrétien» (une mutation qui, à nos yeux, est bien plus évidente au XIIIe s.), M.-C. I. dégage deux grandes périodes dans l’utilisation pastorale des Vitae: 1) les temps mérovingiens durant lesquels l’hagiographie a une franche visée de formation et de christianisation, au point que celle-ci aurait adopté «un niveau de langue consciemment dégradé» pour toucher son auditoire; 2) la renaissance carolingienne, au cours de laquelle «l’hagiographie perd ce souci initial de communication et d’intelligibilité pour atteindre une perfection grammaticale qui la rend hermétique», marquant du même coup un certain divorce avec la pastorale. Voilà des idées qui devraient faire débat. La collection dite canonique, élaborée par Hervé, archevêque de Reims entre 914 et 922, témoigne d’une réelle originalité dans la mesure où elle assigne aux textes hagiographiques une autorité et une fonction normative inédites. Rédigée suite à une demande de l’évêque Guy de Rouen, elle apparaît comme un manuel destiné aux clercs confrontés aux Normands récemment convertis, et prône l’indulgence à l’égard des nouveaux baptisés. Plusieurs de ses 23 chapitres – l’A. parle de la «moitié» mais, sur base de leur énumération, je n’en dénombre que six… – sont formés d’extraits de récits hagiographiques, centrés sur la conversion et le baptême. Intéressant respectivement les SS. Jean, Sylvestre, Remi, Vaast, Basile, Laurent et Sébastien, ces épisodes, empruntés à des récits très populaires et faciles d’accès, sont placés sur le même pied que les canons conciliaires, décrétales ou textes exégétiques qui constituent la substance des autres chapitres. Cela amène M.-C. I. à suggérer que les récits hagiographiques, pourvu qu’ils soient largement connus et qu’ils aient une teneur consensuelle, pouvaient prétendre à une autorité normative réelle. J. HEUCLIN choisit d’étudier un thème hautement pastoral – le refus du mariage par Ste Aldegonde de Maubeuge – à travers ses six Vitae successives, écrites entre le début du VIIIe s. et la fin du XIe s. (La pastorale du mariage à travers les Vies d’Aldegonde de Maubeuge [p. 87-106]). Dans un style parfois elliptique, l’A. montre l’évolution de cette thématique – du traitement sommaire dont elle fait l’objet dans la Vie initiale jusqu’à sa dramatisation dans les textes plus tardifs – et propose quelques réflexions utiles sur les implications doctrinales qu’elle traduit et les publics différents auxquels elle s’adresse. Alors que la Vita prima (BHL 244), destinée aux moniales, met en exergue l’importance des noces célestes, les récits des Xe et XIe s., à l’audience plus large, relaient une dénonciation par l’Église des méthodes éducatives brutales mises en pratique dans certaines familles. Résumant la teneur d’une table ronde organisée en janvier 2009, C. MÉRIAUX dresse, avec limpidité, un état des lieux des recherches sur la Vie de S. Éloi († 660), «ce texte considérable pour l’histoire mérovingienne» (Du nouveau sur la Vie de saint Éloi [p. 71-85]). Depuis une dizaine d’années, les arguments avancés par Br. Krusch pour considérer le texte conservé comme un remaniement de la première moitié du VIIIe s. ont été battus en brèche par les travaux d’I. Westeel (cf. AB, 121 [2003], p. 444), Fr. Dolbeau (cf. AB, 125 [2007], p. 21), C. Jauffret (thèse inédite) et, surtout, Cl. Bayer. Tout concorde désormais pour faire de la longue Vita Eligii BHL 2475-2476 une œuvre authentique de S. Ouen, écrite vers 673-675. Que le chef de la chancellerie mérovingienne ait pu composer une telle œuvre doit nous interpeller sur l’idée de décadence culturelle souvent associée à cette cour ! Ch. M.

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évoque également les énigmes qui subsistent, notamment la possible existence d’une Vie antérieure à BHL 2475-2476, produite selon les termes mêmes d’Ouen par «des laïcs très érudits … engagés dans les affaires du siècle». Les éditeurs ont enfin décidé d’intégrer au volume une conférence isolée d’E. SANTINELLI-FOLTZ sur un sujet radicalement différent des autres: L’eau dans tous ses états. La perception de l’élément aqueux dans quelques Vies de saints mérovingiens [p. 49-69], à savoir celles de Colomban, Éloi, Amand, Salaberge, Bathilde et Ouen, textes ayant tous fait l’objet d’une traduction en langue moderne. Fleuves, mers, marais, sources, pluies: sans grande surprise, les textes hagiographiques recèlent un certain nombre d’allusions à l’eau, le plus souvent mentionnées dans un souci de localisation géographique, parfois porteuses d’une connotation symbolique. L’A. se limite à une description des occurrences, dégageant les fonctions liées à l’eau et la perception ambivalente de cette dernière (source de vie / source de danger). Fr. DE VRIENDT

Piotr à. GROTOWSKI. Arms and Armour of the Warrior Saints. Tradition and Innovation in Byzantine Iconography (843-1261). Transl. Richard BRZEZINSKI (= The Medieval Mediterranean, 87). Leiden – Boston, Brill, 2010, XXV-483 p. + 113 pl. [ISBN 978-90-04-18548-7] Dans cet ouvrage tiré d’une dissertation doctorale défendue en juin 2003 à l’Université Jagellonne de Cracovie, P. à. G. aborde la question de la représentation graphique des saints militaires, durant la période méso-byzantine: leurs images dupliquent-elles des modèles hérités de l’Antiquité ou bien les artistes médiévaux s’inspirent-ils de l’armement en usage à leur propre époque ? La question est opportunément posée après les récents progrès enregistrés dans la connaissance de l’armée byzantine, grâce aux travaux de T. Kolias, J. Haldon et E. McGeer. Comme les textes hagiographiques usent d’un vocabulaire très vague lorsqu’ils décrivent accessoirement l’attirail militaire du futur martyr, P. à. G. a eu la bonne idée de confronter leurs diverses figurations aux autres sources littéraires contemporaines qui traitent directement ou indirectement de l’équipement du soldat (traités militaires, ouvrages relatifs au protocole, Chroniques, Histoires et récits d’expédition), sans oublier les miniatures ornant les manuscrits, tels que le psautier Khludov, le Skylitzès de Madrid et les Notitia dignitatum de Paris et d’Oxford. Les plus anciennes images conservées remontent aux VIe/VIIe s. et sont les héritières picturales des représentations des dieux antiques de la guerre. Durant la période qui précède la crise iconoclaste, les saints martyrs sont gratifiés d’un équipement complet (armure, bouclier et lance, dont la crux hastata constitue une variante). Le Xe siècle voit émerger une nouvelle aristocratie militaire qui se place sous le patronage des grands martyrs (Démétrius, Georges et les deux Théodore), qui deviennent également les protecteurs attitrés de l’armée byzantine. P. à. G. examine ensuite minutieusement tout le paquetage du saint militaire. Ce qui participe à la protection du corps, à savoir les divers types d’habit, la cuirasse et le bouclier – on remarquera la quasi-absence du casque – monopolisent 187 Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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pages (chap. III); la panoplie des armes (lances, armes blanches et armes de frappe) fait l’objet de 66 pages (chap. IV), tandis que la description de l’équipement équestre (étriers [introduits seulement au VIe s.], selle, éperons et harnachement) couvre 21 pages (chap. V). Comme on pouvait s’y attendre, les artistes modernisent régulièrement la représentation antique du guerrier (soldat en armure, lui-même muni d’une lance, d’une épée et d’un bouclier) en dotant le martyr d’un armement dernier cri. Toutefois on constate un retour au modèle antique à Constantinople, à l’époque de la dynastie macédonienne, ce qui n’empêche pas non plus l’émergence d’un nouveau type de saint militaire, revêtu de l’uniforme du protospatharios ou du kandidatos. Dans les zones périphériques de l’Empire, en Égypte et en Nubie, le saint adopte l’accoutrement des militaires locaux. Au XIIIe s., les vainqueurs des Croisades introduiront le paradigme du chevalier triomphant, habillé d’un surcot et équipé d’un bouclier avec blason. Notes de lecture: – P. 61-62, n. 16: il existe d’autres attestations de la légende de Procope de Césarée, alias Néanias: F. HALKIN, Passion de saint Procope, martyr à Césarée de Palestine (BHG 1577d), in ID., Inédits byzantins d’Ochrida, Candie et Moscou (= Subs. hag., 38), Bruxelles, 1963, p. 95-130; ID., L’Éloge du mégalomartyr Procope par le diacre Procope (BHG 1582b), in ID., Hagiographica inedita decem (= Corpus Christianorum. Series Graeca, 21), Turnhout, 1989, p. 63-76. Dater cette légende du VIIIe s. est présomptueux; tout au plus peut-on écrire qu’elle était déjà attestée alors, puisqu’un extrait en fut effectivement lu devant les Pères du second concile de Nicée (787): cf. P. VAN DEN VEN, La patristique et l’hagiographie au concile de Nicée de 787, in Mélanges E. Dyggve = Byzantion, 25-27 (1955-1957), p. 358, n° 71. – P. 62, note 17 et p. 112-117: à propos du développement du culte de Démétrius à Thessalonique, on ne peut ignorer la thèse de J. Skedros: cf. AB, 119 (2001), p. 168-170. Sur l’iconographie du saint, ajouter ǿ. KOLTSIDA-MAKRI, ̧̫̰̞̠̉ң̧̧̨̞̫̰̝ҝж½̡̥̦ң̩̥̮̣ж½ң̯ң̞ҡ̫̯̫ԉ ж̟ҡ̨̫̰̣̣̯̬́ҡ̫̰ in ́ҝ̧̯̥̫̩̯Ӭ̭̬̥̮̯̥̝̩̥̦̓Ӭ̭о̧̬̲̝̥̫̫̟̥̦Ӭ̭э̡̯̝̥̬ҡ̝̭ 23 (2002), p. 149-154; N. D. SIOMKOS, ̡̲̯̥̦̏қ̨̡̯̣̩½̬̫ҝ̧̡̡̰̮̣̩ң̭̥̠̥ң̨̡̫̬̱̫̰̥̦̫̩̥̮̯̥̦̫ҥ̯ҥ½̫̰̯̫̰̝̟ҡ̨̫̰̣̣́ ̯̬ҡ̫̰ in ˿̢̰̝̩̯̥̩қ 26 (2006), p. 293-318; N. PAZARAS, ̡̥̦̫̩̫̟̬̝̱̥̦̄ҟ̡̪ҝ̧̥̪̣ ̯̣̭ ̝½̡̥ ̦ң̩̥̮̣̭̯̫̰̝̟ҡ̨̫̰̣̣̯̬́ҡ̫̰É ibid., p. 369-394; A. MENTZOS, ̣̯̃ҟ̨̡̝̯̝̯̣̭̥̦̫̩̫̟̬̝̱ҡ̝̭ ̯̫̰̝̟ҡ̨̫̰̣̣̯̬́ҡ̫̰ ibid., 28 (2008), p. 363-392. – P. 104, sur la légende de l’implication de Démétrius dans le meurtre du souverain bulgare Kalojan, décédé durant le siège de Thessalonique en octobre 1207: cf. V. TĂPKOVAZAIMOVA, Religion et légende dans la littérature hagiographique (Saint Démétrius et le tzar bulgare Kalojean), in Bollettino della Badia Greca di Grottaferrata, s. III, t. 2 (2005), p. 221-237. – P. 116, n. 195: la première attestation historique du myron n’est pas antérieure à 1040: cf. ȋ. BAKIRTZIS, Pilgrimage to Thessalonike: The Tomb of St. Demetrios, in Dumbarton Oaks Papers, 56 (2002), p. 175-192, en part. p. 176. – P. 117: l’hagiographe Nicétas Paphlagon appartient davantage au Xe s. qu’au IXe: voir S. A. PASCHALIDIS, ̥̦̊ҟ̯̝̭ ̝̞́ҡ̠ ̧̝̱̝̟̍ҧ̩É (= ˿̢̰̝̩̯̥̩қ ̡̦ҡ̨̡̩̝ ̦̝̥ ̨̡̧ҝ̯̝̥ 28), Thessalonique, 1999. – P. 290: Constantin le Grand a autorisé l’exercice du culte chrétien à côté des cultes païens dans l’Empire romain, mais n’a pas érigé le Christianisme en religion d’État ! – P. 477-483: l’«Index of Realia», qui reprend les termes techniques (soit en translittération, soit en traduction anglaise), n’est pas exhaustif: voir, par ex., к̧̧̥̦̝allika (p. 264), ̡̮̯̫̥̲Ӻ̝ (p. 340). – Le matériel iconographique traité par P. à. G. est abondant. Semblent cependant avoir échappé à la perspicacité de l’A.:

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1) la scène de Nestor rencontrant Démétrius, sur un coffret (XIIe s.) conservé au monastère de Vatopédi: ǹ. XUGGOPOULOS, ˿̢̰̝̩̯̥̩Ң̩ ̴̦̥̞̯ҡ̠̥̫̩ ̨̡̯Қ ½̝̬̝̮̯қ̴̡̮̩ ц̦ ̯̫ԉ ̞ҡ̫̰ ̯̫ԉ з̟ҡ̫̰ ̨̣̣̯̬́ҡ̫̰, in о̡̧̬̲̫̫̟̥̦Ҟь̨̡̱̣̬ҡ̭ (1936), p. 101-136; 2) une icône en or de Démétrius (fin du XIIe-milieu du XIIIe s.), conservée au Kunstgewerbemuseum de Berlin: D. BUCKTON, The Gold Icon of St. Demetrios, in Der Welfenschatz und sein Umkreis, hg. J. EHLERS – D. KÖTZSCHE, Mainz, 1998, p. 277-286; 3) un camée (XIIe s.) représentant le mégalomartyr Démétrius, dans la collection d’art byzantin du monastère de Kykkos à Chypre: Byzantinoslavica, 65 (2007), p. 161-165.

Dans le panthéon des saints faisant l’objet de fréquentes représentations, figurent en plus de ceux déjà mentionnés, Mercure, Procope, Sisinnius d’Antioche, Serge et Bacchus, les Quarante Martyrs de Sébaste, Jacques le Perse et Eustathe Placidas. La présente étude, qui ne s’intéresse qu’à l’iconographie du saint en armes, constitue un utile complément au répertoire des saints militaires, publié il y a peu par Chr. Walter (The Warrior Saints in Byzantine Art and Tradition, Aldershot, 2003), davantage centré sur la présentation des dossiers hagiographiques. Comme les saints que la tradition qualifie de militaires ne sont pas toujours figurés en soldats, on ne n’étonnera donc pas de l’absence d’un certain nombre d’entre eux dans le contingent inspecté par P. à. G. X. LEQUEUX

Tino LICHT. Untersuchungen zum biographischen Werk Sigeberts von Gembloux. Heidelberg, Mattes Verlag, 2005, XII-201 p., ill. [ISBN 3-930978-76-8] Sigebert von Gembloux († 1112): Acta Sanctae Luciae. Hg. und übersetzt von Tino LICHT (= Editiones Heidelbergenses, 34). Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2008, LXII-143 p., ill. [ISBN 978-3-82535368-1] Prolongement d’une «Dissertation» présentée en 2004 à l’Université d’Heidelberg sous la houlette de W. Berschin, la contribution – sobre, solide, analytique – de T. L. fera date dans l’étude des œuvres de Sigebert (ca 1028-1112). Maîtrisant parfaitement l’historiographie et la bibliographie existantes, ayant eu accès à l’importante thèse, en grande partie inédite, de J. Schumacher (L’œuvre de Sigebert de Gembloux, Louvain, 1975), l’A. rassemble et discute toutes les informations disponibles, émettant plusieurs hypothèses stimulantes sur des aspects de l’œuvre comme sur l’écrivain lui-même. Seize écrits de Sigebert à caractère biographique sont considérés en détail. Pour chacun d’eux, la tradition manuscrite, la succession et la valeur des éditions, la date et le contexte de rédaction, le contenu, leurs sources et modèles, ainsi que leur style font l’objet d’une présentation systématique et minutieuse. À l’image de la typographie serrée de cet ouvrage, alternant deux corps de police distincts, la lecture s’avère dense mais hautement instructive. Il faut tout particulièrement saluer l’attention portée à la tradition manuscrite: cet intérêt se rencontre dès l’introduction où T. L. aborde la question des autographes conservés de Sigebert, qui se limitent, selon lui, à quatre manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique. Les éditions fiables des œuvres biographiques de Sigebert restent

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l’exception. On saura donc gré à T. L. d’avoir aussi proposé pour plusieurs textes des leçons meilleures que celles des éditions disponibles, fondées sur son examen des manuscrits ou reprises de la thèse de Schumacher. Le fait d’embrasser, avec une même application, l’ensemble de l’œuvre biographique de Sigebert permet de dégager les constantes de son écriture mais aussi d’y repérer des ruptures, entre autres dans l’usage rythmique. L’enquête fait bien ressortir que le style de l’écrivain évolua résolument au fil des décennies. Une autre thèse, très probante à nos yeux, est de montrer comment la fibre historique de Sigebert, évidente dans sa célèbre Chronica, «innerva» également ses écrits biographiques. Quelle que fût la difficulté de sa tâche, quel que fût son manque de données à propos d’un personnage dont il devait célébrer la mémoire, Sigebert œuvra en historien, fouillant et recoupant les sources, avec une probitas qui force l’admiration. Les œuvres sont analysées grosso modo dans leur ordre chronologique. Plusieurs indices inhérents à celles-ci, le témoignage d’élèves, à commencer par celui de Godescalc, et, surtout, le compedium bio-bibliographique que Sigebert inséra à son propos à la fin de son De viris illustribus aident à identifier et à dater ses écrits. Une «Zeittafel» donnée en annexe (p. 175) résume clairement leur succession. Ceux-ci apparaissent intimement liés aux deux institutions dans lesquelles le savant vécut: l’abbaye Saint-Vincent de Metz (ca 1048-1071/72) et celle de Gembloux où, après y avoir reçu sa formation, il revint et termina ses jours (ca 1071/72-1112). Sur ces deux établissements, T. L. fournit une très bonne synthèse des connaissances historiques mais aussi des controverses (par ex. au sujet de la date de fondation de Gembloux). L’introduction s’intéresse également à la formation scolaire que reçut Sigebert, aux modes littéraires du temps, à son séjour à Metz – il y fut peutêtre envoyé à l’initiative de Mysach, successeur d’Olbert à la tête de Gembloux, dont le frère gouvernait le monastère messin. Pour T. L., c’est véritablement à Metz, ville au riche passé, éminent lieu de culture marqué par l’existence d’une tradition biographique féconde, que Sigebert fut sensibilisé à l’histoire et à son écriture. Passons en revue les œuvres étudiées. Ɣ Conservée par un unique témoin, la Vita domni Deoderici (BHL 8055) fut composée entre 1048 et 1056 pour célébrer l’évêque Thierry Ier († 984), et plus spécialement son rôle de fondateur de l’abbaye Saint-Vincent de Metz. Nous avons la chance de posséder encore la compilation de sources («der Metzer Bischofscodex», BnF 5294, copié par le moine Betto à Saint-Symphorien de Metz entre 1004 et 1046) sur laquelle Sigebert se fonda pour rédiger la biographie de ce prélat à la réputation équivoque. Ponctuée de nombreuses parties métriques, la Vita est à l’évidence calquée sur le modèle de la Vie du cousin de Thierry, Brunon de Cologne, consignée par Ruotger (BHL 1468). Contrairement à d’autres œuvres de Sigebert, elle ne semble pas avoir été écrite à des fins scolaires, mais témoigne déjà de sympathies pour l’Église impériale dans le chef de celui qui deviendra l’un de ses ardents défenseurs lors de la Querelle des investitures. En revanche, à l’instar de plusieurs autres de ses écrits, on peut affirmer que c’est l’intérêt passionné de Sigebert pour l’histoire de son abbaye qui conditionna assurément son approche biographique du personnage.

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L’abbaye Saint-Vincent possédait d’importantes reliques de Ste Lucie, ramenées précisément par l’évêque Thierry d’un long séjour en Italie (968-972). Trois textes distincts furent composés entre 1048 et 1056 par Sigebert en vue d’exalter la figure de la martyre sicilienne. Transmise par trois manuscrits, la Passio S. Luciae metrica (BHL 4995) est unique en son genre. Aucun autre exemple de poème en strophes alcaïques (370) d’une telle ampleur ne nous est parvenu. Traînant une longue réputation de texte ennuyeux, ce poème complexe présente une filiation évidente avec le Peristephanon de Prudence. Dans la longueur comme dans la forme, Sigebert s’est voulu l’émule du grand poète antique. À la complexité des strophes, il a même ajouté une difficulté technique supplémentaire, celle de grouper les vers en paires rimées. Le jeune moine – il n’a pas encore 30 ans – s’inspire aussi directement de la métrique d’Horace, illustrant l’engouement de son époque pour l’auteur des Odes. Modelé sur une Passio en prose apparentée au groupe de BHL 4992, le récit, au sein duquel T. L. décèle des emprunts à une vingtaine d’auteurs, connut un usage scolaire à Metz. De même que Prudence avait consacré un chant à Vincent, patron tutélaire de son abbaye, Sigebert entendait pourvoir Lucie, «numéro deux des saints de son monastère», d’une Vie métrique propre. Dans le récit connu sous le nom d’Excerptum de passione S. Luciae (BHL vac.), Sigebert manifeste sa fascination pour les questions de chronologie. Sous la forme d’une lettre à ses confrères de Saint-Vincent, il s’emploie à résoudre une contradiction inhérente à la prophétie de Lucie, relatée dans sa Passio en prose, qui incitait à placer indûment son martyre sous le règne de Constantin. Écrits à la demande des moines de Limburg an der Hardt (près de Spire), tout juste gratifiés d’une relique du bras de Lucie provenant de Metz, les Sermo et relatio passionis et translationis S. martyris Luciae (BHL 4999) ont vraisemblablement pris pour modèle la Translatio S. Metronis (BHL 5942) de Rathier de Vérone. Plusieurs indices corroborent le rapport existant entre ce texte et la «predigartige Translatio» rédigée par Sigebert, notamment l’avertissement lancé aux Messins: ceux-ci doivent honorer avec ferveur leur sainte, y compris en prenant la plume, sous peine de la voir partir vers d’autres cieux, comme les habitants de Vérone l’apprirent à leurs dépens. Jusqu’à présent, ces deux derniers textes n’étaient exclusivement disponibles que par le biais des Vitae SS. Siculorum d’Ottavio Gaetani (1657). C’est dire si les nouvelles éditions des œuvres consacrées à Lucie, doublées d’une traduction allemande et précédées d’une solide introduction, que T. L. regroupe sous l’appellation d’Acta sanctae Luciae, réjouiront historiens et philologues. Fondées sur une excellente connaissance de la tradition manuscrite, elles offrent toutes les garanties de qualité. On trouvera aussi en annexe l’édition de la Passio BHL 4992, best-seller à la diffusion considérable, reproduite d’après Mombritius et collationnée à l’aide du ms. La Haye, Museum Meermanno-Westreenianum, 10 B 12 (Metz, entre 1030 et 1056), que Sigebert eut peut-être sous les yeux. Ɣ Obtempérant à la requête des moines de Saint-Martin de Metz, qui prétendait abriter la tombe du roi Sigebert III († 656), Sigebert rédigea entre 1063 et 1070 une Vita (BHL 7711 et 7712 – les deux numéros correspondent en fait à deux versions manuscrites d’un même texte) et des Miracula (BHL 7713) en son honneur, nous léguant à cette occasion le premier exemple de biographie de souverain Ɣ

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connue sous cette forme. L’hagiographe entreprit de compenser la rareté des données biographiques dont il disposait en élaborant une sorte d’histoire générale des Francs depuis leur origine jusqu’au coup d’État de Grimoald. En dépit de la «bravoure littéraire» de Sigebert face à l’obscurité qui entourait son héros, la canonisation du roi – qui semble avoir motivé la demande des commanditaires – échoua alors. Ɣ La Laus urbis est un éloge essentiellement métrique de la ville de Metz, présenté par Sigebert comme une digressio à la Vita domni Deoderici – en réalité un ajout ultérieur à celle-ci –, dans laquelle l’auteur exprime, à la veille de son départ (vers 1071/72), son attachement et sa gratitude à la cité mosellane. Murs imprenables, climat sain, fertilité des sols, grandeur des églises: tous les aspects de la ville sont sublimés. Metz ne comptait certes pas de martyrs indigènes, mais attira S. Clément et fut richement dotée en reliques par Thierry Ier. Si la littérature hagiographique offre d’autres cas d’éloges urbains (Besançon, Saint-Maurice, Ratisbonne, Tournai, Auxerre, Gand...), aucun n’atteint l’ampleur de celui de Sigebert. Aux yeux de T. L., il n’est pas exclu que l’écrivain ait originellement conçu que l’éloge métrique – où se ressent à nouveau l’influence de Rathier de Vérone – puisse être indépendant de la Vita Deoderici. Ɣ Avec les 2895 vers de la Passio SS. Thebeorum metrica (BHL 5754), Sigebert réalise à Gembloux, où il vient de revenir («um die Jahreswende 1071/72»), ce qu’il a fait en l’honneur de Ste Lucie à Metz: une œuvre célébrant un saint dont son abbaye détient les reliques, en l’occurrence Exupère, le porte-drapeau de la légion thébaine. Dans aucune autre de ses compositions, Sigebert n’use d’un vocabulaire aussi recherché. Ce remaniement didactique, à l’allure encyclopédique, fut conçu comme une «Schullektüre» que Sigebert aurait composée dans le cadre de sa candidature au poste de maître à Gembloux. Selon Godescalc, l’idée de l’œuvre lui fut suggérée par l’abbé Thietmar, récemment élu à la tête du monastère, qui avait déjà témoigné auparavant de sa dévotion à l’égard d’Exupère. Ɣ Transmis par un unique ms. médiéval, les Gesta abbatum Gemblacensium furent commencés, entre 1072 et 1092, par Sigebert, qui traite des cinq premiers abbés, avant d’être poursuivis par Godescalc. Inspirés par les Gesta abbatum Lobiensium de Folcuin, ils retracent les débuts difficiles du monastère jusqu’à l’abbé Olbert († 1048), dont l’action rénovatrice est véritablement magnifiée sous la plume de celui qui est souvent présenté comme son «élève». Quelle fut l’influence réelle de ce lettré au destin fascinant sur le jeune Sigebert ? T. L. adopte ici une position nuancée: Sigebert a certainement subi l’ascendant intellectuel d’Olbert mais la double fonction de ce dernier – depuis 1021 il était également à la tête de Saint-Laurent de Liège – suggère plutôt des contacts irréguliers qu’un enseignement continu. Il révèle en outre que Sigebert, tout en montrant une réelle liberté de ton à l’égard de son ancien abbé, lui conféra les traits de Cassiodore. Le commentaire, on le voit, débouche ici sur des observations touchant aussi bien à la littérature qu’à l’histoire. Notons également que dans son chapitre relatif à l’abbé Erluin, Sigebert reproduit un extrait – 36 vers – d’une Vita Erluini (BHL 2603) due au moine Richard, sauvegardant ainsi la plus ancienne œuvre littéraire composée à Gembloux.

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Ɣ La Vita S. Wicberti (BHL 8882; 4 mss conservés) dépeint la vie de l’aristocrate († 962) qui, optant pour la militia Christi, fonda Gembloux avant de se retirer à Gorze. Sans doute conçu pour être complémentaire aux Gesta abbatum comme le montre encore matériellement un ms. de Leipzig, le récit recèle des contradictions chronologiques et trahit la rareté des informations historiques dont disposait Sigebert (ce dernier ne donne pas même une date précise de fondation). Avec perspicacité, T. L. reconstitue les sources écrites que l’hagiographe put exploiter (du Liber memorialis de l’abbaye aux Gesta abbatum Lobiensium, sans oublier deux Vitae en rapport avec Gorze), mais estime qu’il se basa principalement sur les traditions orales en usage à Gembloux. Les Lectiones S. Wicberti, analysées juste après la Vita, furent composées bien plus tardivement, sans doute à l’occasion de la cérémonie de canonisation du saint célébrée en 1110 à Gembloux, et représenteraient dès lors l’une des dernières productions du prolifique écrivain. Quant aux Miracula Wicberti (BHL 8886), eux aussi nés dans ce même contexte, Sigebert se chargea du prologue, comme l’atteste l’intitulé de ce dernier, mais laissa à ses élèves le soin de consigner le récit des miracles (à l’exception peut-être du chap. 3). Ɣ Malo était aussi un saint dont Gembloux possédait des reliques. À nouveau à la demande de l’abbé Thietmar, Sigebert entreprit de remanier les textes existants – s’inspirant vraisemblablement des récits BHL 5116 et 5117 – pour forger une Vita (BHL 5119) au style plus raffiné. Vitas SS. Maclovi et Theodardi urbaniori stilo melioraui: la motivation est ici clairement stylistique. Pour l’hagiographe, qui se compare à l’orfèvre éliminant les scories, un style dépareillé conduit inexorablement le récit, et le saint, à l’oubli. Paradoxalement, c’est dans ce texte à la base historique plus que fragile – la Vie de Malo est un tissu de motifs légendaires irlandais faisant la part belle au merveilleux – que Sigebert se fait le plus prolixe sur sa méthode de travail. Il compose un texte simple, sur le plan littéraire comme sur celui des idées, pauvre en citations mais riche en effets auditifs faciles à mémoriser. Face aux prodiges de ce saint mort à 130 ans, qui tient avant tout du guérisseur voire du magicien, il semble avoir éprouvé une certaine perplexité, l’amenant à relativiser la portée des miracles. Avec cette Vita, connue par six mss et seulement éditée par Surius, Sigebert clôt ses travaux dédiés aux saints et à l’histoire de son abbaye et inaugure une série de quatre remaniements de Vies d’évêques. Ɣ Les trois autres remaniements furent élaborés à la suite de requêtes émanant de Liège, notamment de l’archidiacre Henri de Montaigu, et concernent des évêques martyrs de cette ville. Deux Vitae, au contenu pour ainsi dire identique, furent successivement consacrées à S. Lambert (BHL 4686 et BHL 4687) et recèlent des considérations politiques symptomatiques du climat de la Querelle des Investitures. La troisième réécriture, dédiée à S. Théodard (BHL 8049), l’un des rares textes dont l’édition est fiable, présente un changement stylistique essentiel, invitant à fixer après 1090 son époque de rédaction: Sigebert abandonne en effet la prose rimée, constante de ses premières œuvres. Attachant un grand soin à planter le contexte historique dans lequel vécut son personnage, le rédacteur livre des informations inédites – la proximité de Théodard avec Arnould et Éloi ou sa charge d’abbé à Stavelot-Malmedy –, absentes de la Passio BHL 8046, son modèle probable, et de tout autre texte relatif à l’évêque.

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Ɣ Désigné par Sigebert comme son ultimus libellus – ce qui suggère que l’œuvre fut encore retouchée après 1110 –, le De viriis illustribus présente 172 écrivains ecclésiastiques et se termine par la précieuse notice autobiographique déjà évoquée. Conçu sur les modèles de Jérôme et de Gennade, le travail opère surtout des emprunts au second. Le caractère biographique de cette «Biobibliographie» s’avère somme toute réduit. Dans la plupart des cas, les informations sur l’auteur n’excèdent pas la mention du nom, du lieu de résidence et de sa charge. Sigebert rédige avant tout un répertoire des écrits, qu’il émaille de jugements d’ordre littéraire. Il s’écarte parfois d’un classement chronologique strict pour adopter une présentation thématique ou régionale des auteurs. Si nombre d’informations exposées ne sont pas neuves en soi, la clarté et la rigueur avec lesquelles T. L. les a agencées et approfondies font de cet ouvrage un répertoire désormais indispensable. L’ampleur du BHL-Register – plus de 100 entrées ! –, qui suit les index des noms propres et des manuscrits en fin de volume, reflète par ailleurs l’intérêt indéniable de ce livre pour les études hagiographiques. Très peu d’erreurs et de coquilles sont à déplorer: signalons cependant un renvoi inexact dans le BHL-Register à propos de BHL 8550 («p. 147») et, au sein du volume d’éditions, deux malencontreuses coquilles … dans le nom du signataire de la présente recension, rebaptisé «Vreindt» (p. XLIV et LXI). Dans une «Zusammenfassung» forcément très réductrice, T. L. trace quelques lignes de force de son enquête. L’examen d’un pan entier de l’activité littéraire de Sigebert sur six décennies permet à l’A. de repérer des césures d’ordre personnel, historique et stylistique. Selon lui, trois périodes de création sont à distinguer: les années à Metz (ca. 1048-1072), la période durant laquelle, à Gembloux, il met son talent au service de l’histoire et de la renommée de son abbaye (ca 1072-années 1080) et le temps de la vieillesse, toujours à Gembloux, durant laquelle il parachève plusieurs grands projets littéraires et peut savourer certains succès d’édition. En tous les cas, «die Biographie ist die Konstante in seiner schriftstellerischen Tätigkeit, auch wenn sie in den letzten Jahrzehnten ein wenig zurücktritt» (p. 168). Le style de Sigebert évolua assurément au fil des décennies. Alors que ses premières productions, en particulier la Vita domni Deoderici et la Passio S. Luciae metrica, perpétuent les caractéristiques du style ottonien – maniérisme, goût de la théâtralité, insertion de mots ou de vers grecs, prose rimée –, Sigebert se mue progressivement en représentant précoce du style classique, délaissant la prose rimée, préférant désormais Ovide à Horace. Durant toute sa carrière, Sigebert montre un souci permanent de confronter et de concilier les repères chronologiques associés aux saints avec les événements historiques. Au début de la Vita Maclovi, il dénomme sans détour l’objectif auquel il tend: la veritas hystoriae. Aucun de ses travaux biographiques ne manque d’établir le cadre historique dans lequel se déroule la destinée des protagonistes. Pour lui, la prospection des sources est une obligation pour ainsi dire morale. En cela, il a des siècles d’avance sur son temps et incarne, aux yeux de T. L., un «kirchliche Humanismus». En quête de modèles de vie et d’action, le savant moine exploite aussi bien les ressources de la Bible, de la littérature patristique que la sagesse des auteurs païens. Il y a chez Sigebert une recherche de «constantes anthropologiques» inhérentes à l’expérience humaine (p. 172). En filigrane de son étude, T. L. nous

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introduit aux conceptions que l’écrivain médiéval put avoir de sa tâche biographique et de sa fidélité à la réalité historique. L’hagiographe explique dans la Vita domni Deoderici que la destinée de chaque homme se compose de deux ingrédients: un mince proprium (partie spécifique à l’individu) et un comune prédominant (vécu commun à tous). Quand la mémoire a conservé le proprium, c’est la charge du biographe de le mettre en lumière; si ce n’est pas le cas, ce dernier peut légitimement puiser dans le potentiel fourni par le comune. Dans l’optique de Sigebert, il n’y a donc pas de malhonnêteté à énoncer des probabilités, déduites des faits historiques, en lieu et place de données factuelles insaisissables. L’étonnante personnalité de Sigebert n’a certainement pas livré tous ses secrets – T. L. insiste sur l’intérêt que présenterait à cet égard une étude détaillée de la bibliothèque de Gembloux –, mais les deux volumes du chercheur allemand contribuent sans aucun doute à mieux la connaître et à l’apprécier à sa juste valeur. Fr. DE VRIENDT

Saint Guillaume de Neuchâtel: nouveaux documents, nouvelles perspectives. Actes du colloque du 11 oct. 2008. Ed. Yann DAHHAOUI – Jean-Daniel MOREROD = Revue Historique Neuchâteloise, 146 (2009), p. 247-412, ill. Radié en 1853 du Propre des saints du diocèse de Lausanne, absent de la BHL et des Acta Sanctorum, très rarement représenté dans l’iconographie, Guillaume de Neuchâtel semblait promis à demeurer parmi ces innombrables saints dont le souvenir se réduit à un nom et à quelques mentions inexploitables sur le plan historique. La découverte en 1992 d’une courte Vita au sein d’une reliure de manuscrit et les récents travaux de restauration menés dans la collégiale Notre-Dame de la cité suisse ont apporté des témoignages novateurs sur ce chanoine († 29 mars 1232), à la formation manifestement universitaire, et sur son culte. C’est donc à la véritable divulgation d’un dossier hagiographique méconnu que nous convient les huit contributeurs des actes de ce colloque. De surcroît, le présent recueil publie et traduit, en annexe, l’ensemble des Sources pour l’histoire de S. Guillaume [p. 403412], au premier rang desquelles on trouve la Vita susdite et un fragment de Miracula, tous deux inédits. À la suite de cette belle étude collective, il ne fait aucun doute que ce saint prendra rang dans une prochaine actualisation de la BHL. À partir des sources narratives et liturgiques conservées, Y. DAHHAOUI brosse un aperçu très complet sur Le culte de Guillaume de Neuchâtel [p. 253-281]. Outre les mentions du saint dans quatre écrits historiographiques du XIIIe s. et dans le recueil d’exempla d’Étienne de Bourbon, nous disposons à son sujet de deux textes hagiographiques sommaires. Consignée à la fin du XIIIe ou au XIVe s. sur «un méchant fragment de parchemin» (p. 401) découvert dans la reliure d’un codex de la Bibl. cantonale et universitaire de Fribourg, auparavant propriété de l’abbaye cistercienne d’Hauterive, la Vita consiste en un abrégé (29 lignes) clairement destiné à une lecture liturgique. Son aspect négligé fait songer à un «brouillon», voire un «signet prévu pour être glissé dans un manuscrit» (p. 273). Quant à son contenu, Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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élémentaire, il esquisse les grands traits de la destinée du saint: son origine anglaise, sa rencontre à Paris – au demeurant improbable – avec deux fils d’un comte de Neuchâtel, sa venue dans le Jura, son obtention du titre de chanoine et ses pratiques pénitentielles. Par ailleurs, sept miracles accomplis par le saint furent transcrits au XVe s. sur un bifeuillet de papier conservé dans les archives du chapitre de Sion. Ces deux textes, appelés indistinctement «légendes» par Y. D. – ce qui n’est pas sans ambiguïté –, s’apparentent à des extraits, remaniés dans le cas de la Vita, d’écrits antérieurs remontant sans doute au XIIIe s. et formant alors «deux pièces complémentaires d’un même dossier hagiographique». Les mentions de Guillaume dans les livres liturgiques restent très épisodiques mais transmettent cependant la mémoire d’une elevatio de reliques intervenue un 5 septembre. Quelques éléments permettent de retracer les grandes tendances du culte du saint, assurément modeste, avant qu’il ne soit balayé par la Réforme. D’abord centré sur la collégiale de Neuchâtel, où un autel lui est consacré avant 1281, son culte connaît une «phase d’expansion», toute relative à mon sens, à partir des années 1440, sous l’impulsion des comtes de Neuchâtel et de l’évêque de Sion, Guillaume III de Rarogne. Des indices de sa vénération ont été détectés dans trois lieux: à Sion, à Cluny, où la présence de reliques est signalée en 1457, et au sanctuaire à répit d’Oberbüren (dioc. de Constance), peut-être en raison de la réputation de Guillaume, attestée au XVe s., de ramener à la vie les enfants mort-nés le temps du baptême. Si l’enquête est exemplaire, les conclusions d’Y. D. – «un culte rapidement institué après la mort du chanoine, dont les échos sont perçus loin à la ronde» – nous paraissent un rien trop optimistes. Tirant parti d’un registre des archives du chapitre dressé à la fin du XVe s., A. GLAENZER (Les actes du chapitre de Neuchâtel et la fondation de l’autel de S. Guillaume [p. 283-297]) s’attache au plus ancien indice cultuel concernant le saint, fourni en 1281 par le testament d’un chanoine. À ses yeux, il n’est pas exclu que l’autel mentionné désigne en réalité une chapelle, partiellement distincte de la collégiale sur le plan architectural. La complexité de la figure historique de Guillaume est remarquablement mise en lumière par J.-D. MOREROD dans La vie terrestre du saint ? Me Guillaume, chanoine de Neuchâtel et de Lausanne [p. 299-314]. Fixant la rédaction originelle de la Vita entre les années 1230 et 1270, l’A. affirme, sur la base de l’incompatibilité de ses données avec la chronologie des comtes de Neuchâtel, que «le cœur de la légende de Guillaume est fictif» mais que celle-ci fut néanmoins acceptée par des gens qui avaient connu personnellement le saint. Une enquête méticuleuse dans les archives administratives neuchâteloises et lausannoises permet en outre à J.-D. M. de dégager quatre individus répondant au nom de Guillaume: 1) un chanoine de Neuchâtel appelé «maître Guillaume» (entre 1196 et 1229); 2) un «maître Guillaume de Neuchâtel», sans précision de fonction (entre 1214 et 1220); 3) un chapelain Guillaume (1229); 4) un «maître Guillaume de Neuchâtel», chanoine de Lausanne (entre 1224 et 1229). Doit-on associer à un seul et même personnage toutes ces attestations antérieures à 1232, comme l’ont fait jusqu’à présent les historiens ? La prudence s’impose. «L’unité du personnage n’est ni certaine, ni impossible» (p. 305). Trois autres conclusions, convaincantes, de J.-D. M. nous paraissent à souligner: d’une part, la disparition de Guillaume des sources d’archives à partir de 1229 pourrait confirmer sa retraite délibérée des affaires mondaines et sa Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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conversion à une vie de pénitence, avancées par Étienne de Bourbon; d’autre part, si aucune mention ne permet de rattacher Guillaume au contexte universitaire parisien, sa culture universitaire semble être plausible; enfin, 1232 paraît bien être la date la plus probable du décès du saint. À la suite de la contribution de M. DE TRIBOLET sur La gestion du comté de Neuchâtel à ses débuts (1214-1240) [p. 315-323], suggérant que Guillaume participa, par sa haute instruction, à l’affermissement de l’autorité des comtes de Neuchâtel, Ch. DE REYNIER étudie le rôle qu’il joua dans l’édification de la nouvelle collégiale, commencée vers 1190. Les actuels travaux de restauration ont permis d’affiner la chronologie de la construction de l’église et indiquent qu’un changement radical du projet architectural intervint vers 1195 avec l’adoption du style gothique. Pour C. de R., il n’est pas incongru de penser que Guillaume ait pu être «un artisan majeur du projet gothique» (p. 351), voire le maître d’œuvre de l’édifice à partir de 1195/96. L’A. localise également «la maison de S. Guillaume» attestée dans les écrits aux XIVe et XVe s., dans l’enceinte du cloître, au-dessus de la salle capitulaire, ce qui en faisait une demeure atypique dans la mesure où aucun chanoine ne logeait dans cette enceinte. Quant à la chapelle dédiée au saint, «la plus importante de l’église», située sous le porche occidental terminé vers 1276, elle fut peut-être bâtie à proximité immédiate de la sépulture du saint, et semble avoir constitué un pôle d’inhumation prisé. L’iconographie du saint, très réduite, retient l’attention des deux dernières contributions. G. CASSINA, S. Guillaume à Sion: en marge ou au cœur de programmes iconographiques à Valère (1434/37) et à Tourbillon (vers 1447) ? [p. 353-375], analyse les deux représentations du saint – la première probable mais invérifiable, la seconde certifiée par un cartouche – peintes dans les églises situées sur les deux éminences rocheuses de Sion. L’A. a tiré profit de deux lettres conservées chez les Bollandistes sur la fresque de Tourbillon, dégradée depuis les années 1860 et connue désormais exclusivement par un dessin du milieu du XIXe s. Sur celle-ci le titre de prévôt est attribué au saint. À l’évidence, l’évêque Guillaume III de Rarogne porta une dévotion spéciale à son patron homonyme, dont il obtint des reliques, et auquel il dédia en 1447 une chapelle de Tourbillon. Selon l’étude de G. OGUEY, S. Guillaume à Neuchâtel: images perdues, images possibles [p. 377-392], trois autres vitraux pourraient étoffer le maigre corpus iconographique du saint. Les deux premiers – dans les collégiales de Neuchâtel (vitrail daté de 1520) et de Saint-Imier (1519) – n’existent plus à la différence du troisième, dans l’église de Fenin (1502), où un saint, jusqu’ici identifié à Léonard, représenterait en réalité Guillaume. Dans sa Postface [p. 397-402], M. GOULLET déduit deux points importants de la lecture des Miracula. D’une part, la réputation de sainteté de Guillaume paraît être née de son vivant et se développa après sa mort, allant jusqu’à provoquer les railleries de la part de sceptiques. D’autre part, un épisode mettant en scène un interrogatoire mené par un prieur dominicain semble témoigner qu’une enquête fut diligentée sur les vertus du chanoine. Si les articles présentent parfois quelques contradictions entre eux (par ex. sur le séjour parisien de Guillaume [cf. p. 300 et 316] ou sur la date de sa mort), l’ensemble – par ailleurs abondamment illustré – apparaît sans conteste comme une contribution fondamentale sur le saint. D’importantes zones d’ombre subsistent Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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mais, pour la première fois, les contours de la vie de Guillaume émergent de l’oubli. L’étude illustre enfin clairement l’intérêt qu’il y a à croiser les sources narratives avec les documents administratifs pour des personnages qui, comme le chanoine de Neuchâtel, furent actifs dans le siècle. Fr. DE VRIENDT

Žitie i soþinenija Grigorija Sinaita. N° 1 Kallist I, patriarch Konstantinopolja. Žitie i dejatel’nost’ iže vo svjatych otca našego Grigorija Sinaita. I: Vvedenie, kritiþeskoe izdanie greþeskogo teksta i russkij perevod (= Teksty i issledovanija po duchovnoj istorii. Vyp. 2, N° 1). Ed. Chans-Fajt BAJER (Hans-Veit BEYER). Ekaterinburg, Izd. Ural’skogo Universiteta, 2006, X-374 p. [ISBN 5-7525-1484-3] A critical edition of the Greek Vita Gregorii Sinaitae by Callistus I of Constantinople [BHG I 235] – one of the primary sources for 14th-century hesychasm and a classic example of hesychast hagiographical biography – has long remained a desideratum. With the publication under review the German scholar H.-V. B. has filled this gap. His solid scholarly edition of the Life supersedes the editio princeps of 1896 by Ivan V. Pomjalovskij (1845-1906) on the basis of one manuscript [Zapiski istoriko-filologiþeskogo Fakul’teta Imperatorskogo S.-Peterburgskogo Universiteta 35: 1-46] as well as the text established on the basis of two witnesses by Angeliki Delikari and included as an appendix in her book ˵̟̥̫̭ ̷̬̣̟̬̥̫̭̀ ̫ ̥̏ ̩̝ӹ̯̣̭  ( ̠̬̘̮̣ ̦̝̥ ̣ ̨̧̮̰̞̫̚ ̯̫̰ ̮̯̣ ̠̥̘̠̫̮̣ ̯̫̰ ̸̨̣̮̰̲̝̮̫ ̮̯̝ "̧̝̦̘̩̥̝ (pp. 311-348) [Thessaloniki, 2004; cf. the review in Byzantinische Zeitschrift, 98/1, pp. 124-125]. Delikari’s main concern, however, is with the Slavonic translation made shortly after the composition of the Greek Life. Her edition of the Slavonic Vita on the basis of a 14th-century codex Zographensis (pp. 226-259) has supplemented the posthumously published edition by Polichronij A. Syrku (1852-1905) of 1909, based on a younger codex [Pamjatniki drevnej pis’mennosti i iskusstva 172: 1-48]. For his critical edition Beyer takes all known Greek text witnesses into account as well as all previous editions of both the Greek text and the Slavonic translation. After a lengthy Introductory Remark devoted mainly to the Sinaite’s spirituality (I, pp. 1-26) the editor offers a meticulous examination of the manuscript tradition, a critical evaluation of the textual variation and finally a convincing stemma codicum, with the extant texts and the reconstructed intermediary stages of the tradition arranged chronologically (II, pp. 27-74). Nine Greek text witnesses are listed, three of which are found to be of primary importance for the establishment of the text, firstly, the 15th-century codex Athous Laurae I 119 (L) and, secondly, the codices Mosquensis Synodalis 293 (M) and Athous Panteleimonos gr. 173 (Ȇ) which are both traced back to a common ancestor (m). Four copies are shown to be apographs of Ȇ, while another contains merely excerpts of the Vita. The extraordinary importance of the Slavonic tradition (s) – represented in a separate branch of the stemma by the editions of Syrku (S2) and Delikari (S1) – is established beyond all reasonable doubt. A further section (III, pp. 75-105) provides a critical survey of existing editions and translations of the Life. Pomjalovskij’s edition and Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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its reviews by E. Kurtz and I. I. Sokolov, both of 1896, are subjected to scrutiny, as is Sokolov’s Russian translation of 1904, after which the editions of the Slavonic text by Syrku and Delikari are dealt with. Of interest in this section are the biographical excursuses on the editor’s predecessors Pomjalovskij (pp. 81-85), Sokolov (p. 86), and Syrku (pp. 93-94). The critical text of the Vita, with a Russian translation and commentary in parallel, is accompanied by an elaborate apparatus criticus and an apparatus fontium, both in Latin (IV, pp. 103-227). The indication of the page numbers and chapter division of Pomjalovskij’s edition enables easy comparison. Though the folia of codex optimus L have been indicated in the margins, the editor’s aim is an approximation of the original, with better readings attested elsewhere and wellgrounded conjectures cautiously inserted into the text. The editorial choices, though occasionally disputable, testify to Beyer’s sound judgement and philological craftsmanship. In some twenty cases where the Slavonic reading is found to be more reliable than any of the Greek variants, the text has been corrected in angle brackets. Two early interpolations found exclusively in the Slavonic tradition (viz. one on St Gregory’s pupil Luke and a longer one on his death have been inserted into the critical text (pp. 196, 218-224) with – all too often purely orthographical – variants of S1 and S2 included in the apparatus. Unfortunately, the way in which the editor has established the Slavonic text – which mostly follows S1 – remains unclear. An explicit account of editorial principles would have been welcome. Some apparent mistakes are p. 218 ÓÜÔÄÂÒßΠfor ÓÜÔÄÂÒßÇΠ(so Delikari p. 257); p.220 ÇÈÈÇ for NjÈÇ(so Delikari p. 258); ÒÂÔÐÄÂϙÇÎÊÏÂÑÂÆÂϙÇÎÞforÒÂÔÐÄÂϙÇÎÈÇÊÏÂÑ ÆÂϙÇÎÞ(so Delikari p. 258; in Beyer’s apparatus criticus: ÈÇ om S2). Though Beyer does not dedicate a separate chapter to an historical overview with regard to Gregory of Sinai’s Life and the hesychast movement, he offers plenty of interesting data and well-founded hypotheses in this respect, scattered throughout the volume – e.g. his arguments for dating Gregory’s death circa 1338 (p. 1 fn. 1 and p. 225 fn. 255) and for 1351/2 as the period in which Callistus composed the Vita (p. 2 fn. 11). As far as the dating of manuscripts is concerned – viz. of Ȇ (Panteleimon, end 15th – mid. 16th c.) and its apograph I (Iviron mid. 18th c.) – Beyer does not refrain from hinting at possible links with the Athonite sojourns of Nil Sorskij (c. 1433-1508) (p. 48) and Paisij Veliþkovskij (1722-1794) (p. 50). Hypotheses are sometimes pushed too far in an attempt to reconstruct historical events (e.g. p. 30 on the origin of the above-mentioned interpolations, or p. 46 on the early distribution of the Life). A particular case of this “hypothetical realism” is found in one of the indices, where Beyer lists the (hyp)archetypi under the heading “codices that have not been preserved”, whereas they should obviously be considered hypothetically reconstructed phases of textual transmission (pp. 352-353). The volume concludes with a useful system of six interlinked indices, viz. an elaborate historical, theological and linguistic index (pp. 273-329), a Greek index verborum (pp. 329-350) followed by a short index grammaticus (pp. 350-352), an enumeration of notable Slavonic readings (pp. 351-352), an index of sources and parallels (pp. 353-363) and finally a bibliographical index (pp. 363-374). A list of abbreviations is found on pp. vii-x. Pages with colour photographs of monasteries and manuscripts have been inserted between pp. 26-27, 102-103 and 228-229. Two Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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misprints caught the reviewer’s eye: Syrku’s edition is published in n° 172 of Pamjatniki drevnej pis’mennosti i iskusstva, not in n° 272 (cf. p. 28 fn. 6, p. 87 fn. 47, index p. 367); clearly St. Athanasius the Athonite’s date of death is not c. 2000 but c. 1000 (cf. p. 83 fn. 31). The recurrent references to an as yet unpublished commentary volume (cf. p. 3) are less than clear and frustrate the reader’s curiosity. In spite of the Beyer’s erudition and the obvious merits of this publication it is to be feared that it will not be appropriately appreciated. Beyer – well-known as the editor of Nicephorus Gregoras’ Antirrhetika I [Wien, 1976] and a contributor to the Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit [Wien, ÖAW, 1976-1996] – left Vienna in 1995 for the Ural State University at Ekaterinburg, which is where the book has been published in Russian and included as the second volume in a virtually unknown series. This places obvious limits on its accessibility to western scholars. Furthermore, Beyer’s inclination to share his inmost thoughts on philosophy, life and religion – not only in the unconventional biographical-philosophical essay written in German (Anstelle eines Gebets, pp. 229-269) but also in the Introductory Remark (pp. 1-26) – is open to criticism as unscholarly. If the author’s sympathy for Gregory of Sinai and the latter’s quest for an unmediated experience of God is eminently clear, so is his outright contempt for Gregory Palamas (cf. e.g. p. 15, p. 269), whom he elsewhere characterizes as “[e]in geltungsbedürftiger, Hofkreisen entstammender Scheinheiliger” [introduction to the edition of Gregory of Sinai’s “Discourse on the Transfiguration” in Byzantinoslavica, 66 (2008), p. 262]. Beyer’s fierce anti-Palamite stance and his outspoken repudiation of Christian dogma – Beyer fuminates against “die Vergottung Jesu” (e.g. p. 13, 266) [see also Byzantinoslavica, 66 (2008), pp. 284-285] – may well strike some scholars as misplaced and some Christian believers as offensive. However, Beyer’s edition is fundamental for further study, though it should, perhaps, be read with some caution. Lara SELS

Bernard JOASSART. Aspects de l’érudition hagiographique aux XVIIe et e XVIII siècles (= École Pratique des Hautes Études. Sciences historiques et philologiques. V: Hautes études médiévales et modernes, 99). Genève, Librairie Droz, 2011, X-172 p., ill., ISBN 978-2-60001360-4. «L’érudition hagiographique» – dont les Bollandistes et les Mauristes comme aussi d’autres clercs savants se sont fait une spécialité – devient elle-même objet d’histoire, dont le Père Bernard Joassart est l’un des spécialistes reconnus. Cette réputation lui a valu d’être invité à donner quatre leçons sur ce sujet à l’École pratique des hautes études, Ve section, et d’être publié dans la prestigieuse collection de l’École. L’originalité de son propos tient au fait que ses leçons sont consacrées aux déclarations programmatiques que les anciens hagiographes n’ont pas manqué de développer en préambule de leurs savants ouvrages. Quel utilisateur des Acta Sanctorum ou des Acta Sanctorum Ordinis S. Benedicti a-t-il la patience d’examiner le discours de la méthode dont se réclament les anciens hagiographes ? C’est en Analecta Bollandiana, 129 (2011).

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tout cas ce qui fait le prix de l’ouvrage que l’A. consacre à ces observations épistémologiques. En ce domaine, l’A. peut se réclamer de «l’atout que représente une connaissance intérieure d’une matière du fait des affinités que l’on a avec cette matière» (p. 78). Un chapitre peut sembler faire exception, celui consacré aux origines légendaires de l’Ordre du Carmel, mais il s’agit là d’un cas d’école portant sur l’affrontement entre hagiographie critique et pieuses légendes, qui valut aux Bollandistes les foudres de l’Index, préfigurant par là bien d’autres combats mémorables lors de la crise moderniste. B. MONTAGNES, O.P. P. Ȃ. KITROMILIDIS – Ch. MESSIS. ˿ҡ̫̭є ̫̭ є̝̬̯̉ є ̝̬̯̉ҥ ̝̬̯̉ҥ̬̥̫̩̯̫ԉц ̬̥̫̩̯̫ԉц̩ ԉц̩з ̩ з̟ҡ̫̥̭̝̯̬̍Ң ̫̥̭̝̯̬̍Ң̭ ѓ̨Ԗ̩Ѫ ̩ Ѫ̟̩̝̩̯ҡ ̟̩̝̩̯ҡ̫̰ж ̫̰ ж̡̬̲̥½̥̮̦ң ̡̬̲̥½̥̮̦ң½̴̫̰̩̮̯̝̩̯̥̩̫̰̇ ½̴̫̰̩̮̯̝̩̯̥̩̫̰̇½ ̩̫̰½ң̴̧̡̭ ̨̨̬̝̀ҝ̩̫̭ч̧̧̣̩̥̦Қж½Ң ̥̦̊ҟ̯̝ ̝̞́Ҡ̠ ̯Ң̩ ̧̝̱̝̟̍ң̩̝ ̦̝Ҡ ̨̟̰̬̥̮ҝ̩̫̭ ̡Ѣ̭ ̯Ҟ̩ з½̧Ӭ̩ ̧̟Ԗ̮̮̝̩ ѿ½Ң ̡̫̊ ̱ҥ̯̫̰ ԏ̫̠̥̩̫ԉ ̯̫ԉ ̰̇½̬ҡ̫̰ (= ̣̟̍Ҝ̭ ̯Ӭ̭ ̰̇½̬̥̝̦Ӭ̭ ̨̨̡̟̬̝̝̯ҡ̝̭ ̦̝Ҡ ѣ̮̯̫̬ҡ̝̭ 1). Athènes, ь̤̩̥̦Ң ѯ̨̠̬̰̝ь̡̬̰̩Ԗ̩ 2008, 157 p. [ISǺȃ 978-960-7916-78-5]. — Ce livre inaugure une nouvelle collection lancée par l’Institut de recherches néohelléniques d’Athènes avec l’appui de la fondation Leventis, et dédiée à la publication des sources littéraires et historiques de Chypre, postérieures à l’an 900. Le premier volume présente l’édition diplomatique, d’après le ms. Vaticanus Borgianus gr. 17, f. 6-46v, de la traduction d’une œuvre de Nicétas Paphlagon, la Vita S. Ignatii (BHG 817), réalisée par l’érudit d’origine chypriote, Néophyte Rhodinos (1576/1577-1659). Comme les Auteurs le soulignent à la p. 37, l’intérêt du texte est avant tout d’ordre linguistique. Il renferme en effet de nombreux traits du dialecte chypriote, avant que celui-ci ne subisse l’influence de la langue de l’occupant turc: les p. 38-42 (morphologie et syntaxe) et 42-45 (modus operandi du traducteur) décrivant la langue usitée par Néophyte retiendront donc l’attention. La Vie proprement dite est précédée dans le ms. (f. 2-5), d’un prologue empruntant la forme d’une lettre (̫̐Ӻ̭ ̡Ѿ̧̡̝̞̮̯қ̯̫̥̭ ̦̝Ҡ ½̡̫̤̥̩̫̯қ̯̫̥̭ ж̡̧̠̱̫Ӻ̭ ̦̝Ҡ ̯̫Ӻ̭ ̧̫̥½̫Ӻ̭  ѷ̮̫̥ ж½̬̫̮½̝̤Ԗ̭ж̩̝̟̥̩ҧ̮̦̫̰̮̥̩ц̯̫ԉ̯̫̯Ң̧̞̥̞ҡ̫̩), lui aussi édité dans le présent livre. Les principaux realia font l’objet d’une succincte annotation, qui laisse toutefois de côté les allusions et les citations bibliques. ȋ. L. Giuseppe Wilpert archeologo cristiano. Atti del Convegno (Roma, 16-19 magg. 2007). Cur. S. HEID (= Sussidi allo studio delle Antichità Cristiane, 22). Città del Vaticano, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 2009, 731 p., ill. [ISBN 978-88-85991-50-7]. — Après son ordination sacerdotale en 1883, Wilpert (1857-1944) vint à Rome, en 1884, pour étudier le droit canonique. La visite des catacombes de la Ville fut à l’origine de sa vocation d’archéologue, qu’il suivit à ses débuts sous la direction de G. B. de Rossi. C’est avec plaisir que l’on découvre les Actes d’un colloque tenu en 2007 sous l’égide du Pontificio Istituto di archeologia cristiana, où Wilpert enseigna à partir de 1926. Ces Actes, qui offrent en quelque sorte une biographie intellectuelle du savant sont classés selon cinq grands thèmes: • Biografia: St. HEID, Giuseppe Wilpert: uomo, sacerdote et studioso (p. 1532); M. RAMMSTEDT, Erinnerungen an Joseph Wilpert und seine Familie (33-54); J. ROSTROPOWICZ, Joseph Wilpert und seine schlesische Heimat (55-73); C. GRAF VON PLETTENBERG, Die Freundschaft Joseph Wilperts mit dem rheinischen InduAnalecta Bollandiana, 129 (2011).

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striellenehepaar Kirsch-Puricelli (75-104); J. ICKX, Vitam impendere vero. Prälat J. Wilpert und das Päpstliche Institut Santa Maria dell’Anima in Rom (105-128); A. M. DIEGUEZ, Dettagli biografici nello specchio degli Archivi Vaticani (129-136). • Scuola romana: St. HEID, Joseph Wilpert in der Schule de Rossi’s (139-207); A. M. RAMIERI, Giuseppe Wilpert e l’archeologia romana (209-224); R. SÖRRIES, Joseph Wilpert als Kritiker der «Römischen Schule» (225-230); G. JÄGGI, Die Frage nach dem Ursprung der christlichen Kunst: Die «Orient oder Rom»-Debatte im frühen 20. Jahrhundert (231-246). • Iconografia: F. BISCONTI, Giuseppe Wilpert: iconografo – iconologo – storico dell’arte (249-260); E. DASSMANN, Katechese als Thema frühchristlicher Kunst (261-294); U. UTRO, Giuseppe Wilpert e i sarcofagi paleocristiani (295-322); G. BORDI, G. Wilpert e la scoperta della pittura altomedievale a Roma (323-358). • Catacombe: L. SPERA, Il santuario degli LXXX / DCCC martyres nell’Area I callistiana. L’apporto di Joseph Wilpert al repertorio dei «culti cumulativi» nella Roma sotterranea (361-388); Ph. PERGOLA, Des pistores aux mensores de la catacombe de Domitilla: itinéraire d’une interprétation (389-407); N. ZIMMERMANN – V. TSAMAKDA, Wilperts Forschungen in der Domitilla-Katakombe auf dem Prüfstand (409-434); D. MAZZOLENI, Giuseppe Wilpert e l’epigrafia (435-464). • Museologia: L. V. RUTGERS, Die Katakomben von Valkenburg (467-483); B. MAZZEI, Giuseppe Wilpert e il Museo delle sculture di San Callisto (485-502). Signalons la présence de cinq appendices qui intéresseront particulièrement les spécialistes de l’histoire de l’érudition, discipline de plus en plus prisée de nos jours: – I. Documenti Wilpert nell’Archivio Segreto Vaticano. Il s’agit avant tout de 55 «documenti o pratiche di archivio che si riferiscono a diversi momenti della sua vita sacerdotale». – II. Joseph Wilperts Vorträge in Rom. St. Heid a recensé les conférences, publiées ou non, prononcées au cours des «Sabbatinen» au Campo Teutonico (23 exposés), à la Società dei cultori di archeologia cristiana (69), à la Pontificia Accademia Romana di Archeologia (146), au Deutsches Archäologisches Institut (10), et devant d’autres publics, principalement durant des congrès (8). – III. Materiali archivistici di Giuseppe Wilpert a Roma. Sont ici présentés toute espèce de documents (photos, tirés à part, notes, etc.), légués au Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, au Collegio «Santa Maria dell’Anima» et au Collegio Santo Teutonico. On découvre dans ces fonds une importante quantité de lettres, auxquelles il convient d’ajouter celles répertoriées dans l’Indice dei correspondenti del Wilpert et conservées dans les archives des trois mêmes institutions; un Indice iconografico delle pubblicazioni del Wilpert est également donné dans cette partie. – IV. Die Veröffentlichungen Joseph Wilperts. Près de 200 entrées y sont recensées, St. H. les ayant fait précéder des publications relatives à l’archéologue. – V. Die Privatbibliothek Joseph Wilperts. On compte plus de 1000 publications. Voilà donc un ouvrage qui ne peut que donner une meilleure connaissance de ce savant. Le seul regret que je me permettrai de formuler, est l’absence d’un index onomastique (qui ne tiendrait évidemment pas compte des innombrables personnages cités dans les annexes). B. J. Analecta Bollandiana, 129 (2011).

PUBLICATIONS REÇUES Un grand nombre de chercheurs nous font l’honneur et l’amitié de nous envoyer un exemplaire (volume, tiré à part ou photocopie) de leurs travaux. Qu’ils en soient remerciés. Plusieurs des titres mentionnés feront l’objet d’un compte rendu dans un prochain numéro de la Revue. I. HAGIOGRAPHICA ALBRECHT, S. Vom Unglück der Sieger – Kreuzfahrer in Konstantinopel nach 1204, in Byzanz – das Römerreich im Mittelalter. Teil 2/1: Schauplätze. Hg. F. DAIM – J. DRAUSCHKE. Mainz, Verlag des Römisch-Germanischen Zentralmuseums, 2010, p. 135-144. [Mamas seu Mammes m. Caesareae; Iohannes Baptista; Clemens I p.] ANTONSSON, H. False Claims to Papal Canonisations of Saints: Scandinavia and Elsewhere, in Mediaeval Scandinavia, 19 (2009), p. 171-203. [Kenelmus puer m. in Anglia; Helena vid. m. Schedviae in Suecia; Erkenwaldus ep. Londin.; Theodgarus conf. in Iutia; Magnus comes insularum Orcadum m.; Guðmundr Arason ep.] —, Saints and Relics in Early Christian Scandinavia, in Mediaeval Scandinavia, 15 (2005), p. 51-80. —, Some Observations on Martyrdom in Post-Conversion Scandinavia, in Saga-Book, 28 (2004), p. 70-94. BARRON, C. M. ‘The Whole Company of Heaven’: The Saints of Medieval London, in European Religious Cultures. Essays Offered to Christopher Brooke on the Occasion of his Eightieth Birthday. Ed. M. RUBIN. London, Institute of Historical Research, 2008, p. 131-147. BAUMEISTER, T. Ägyptische Märtyrerhagiographie im frühen Mönchtum Palästinas, in Martyrdom and Persecution in Late Antique Christianity. Festschrift Boudewijn Dehandschutter. Ed. J. LEEMANS (= Bibliotheca ephemeridum theologicarum Lovaniensium, 241). Leuven, Peeters, 2010, p. 33-45. BECKER, H.-J. Defensor et patronus. Stadtheilige als Repräsentanten einer mittelalterlichen Stadt, in Repräsentation der mittelalterlichen Stadt. Hg. J. OBERSTE (= Forum Mittelalter. Studien, 4). Regensburg, Schnell & Steiner, 2008, p. 45-63. —, Heilige Landespatrone. Entstehung und Funktion einer kirchenrechtlichen Institution in der Neuzeit, in Die Renaissance der Nationalpatrone. Erinnerungskulturen in Ostmitteleuropa im 20./21. Jahrhundert. Hg. S. SAMERSKI. In Zusammenarbeit mit K. ZACH. Köln, Böhlau, 2007, p. 27-40. BEYLOT, R. Une vision allégorique du Livre éthiopien des Mystères du Ciel et de la Terre, in À l’ouest d’Aden: villes et espaces = Pount. Cahiers d’études sur la Corne de l’Afrique et l’Arabie du Sud, 4 (2010), p. 149-167. BRODBECK, S. Les saints de la cathédrale de Monreale en Sicile. Iconographie, hagiographie et pouvoir royal à la fin du XIIe siècle (= Collection de l’École française de Rome, 432). Rome, École française, 2010, XII-772 p., ill., ISBN 978-2-7283-0864-4. CAIAZZA, D. Storie di santi, draghi e guerrieri. I santi vincitori del drago, Paride di Teano e Barbato di Benevento. Vita di S. Amasio – Vita di S. Urbano. S. Casto e la sua reliquia salvata dal conte Cola Monforte (= Quaderni Campano-Sannitici, 5). Piedimonte Matese, Edizioni Ikona – Città di Teano, 2004, 168 p., ill. [Paris ep. Teanensis; Barbatus ep. Benevent.; Amasius ep. Teanensis; Urbanus ep. Teanensis; Castus et Secundinus ep. mm. in Campania]

PUBLICATIONS REÇUES

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HAGIOGRAPHICA

CADDERI, A. Beata Margherita Colonna (1255-1280). Le due Vite scritte dal fratello Giovanni, senatore di Roma e da Stefania, monaca di San Silvestro in Capite. Testo critico, introd., trad. italiana a fronte, da un manoscritto latino del XIV secolo. Cur. C. FORNARI – L. BORZI. Palestrina, 2010, 192 p., ill. [Margarita Columna] CRADDOCK, J. R. – DE MARCO, B. The Legend of Saint Mary of Egypt in Pietro Calò’s Legendæ de sanctis, in Philologies Old and New. Essays in Honor of Peter Florian Dembowski. Ed. J. TASKER GRIMBERT – C. J. CHASE (= The Edward C. Armstrong Monographs on Medieval Literature, 12). Princeton, The Edward C. Armstrong Monographs, 2001, p. 71-84. [Maria Aegyptiaca] BARONAS, D. Vilniaus Pranciškonǐ kankiniai ir jǐ kultas XIV-XX a. Istorinơ studija ir šaltiniai (= Studia Franciscana Lithuanica, 4). Vilnius, Leidykla „Aidai“, 2010, 724 p., ill., résumé anglais, ISBN 978-9955-656-94-4. [Martyres Vilnenses] NÄF, B. Städte und ihre Märtyrer. Der Kult der Thebäischen Legion (= Paradosis, 51). Fribourg, Academic Press, 2011, X-190 p., ill., ISBN 978-3-7278-1694-9. [Mauritius et soc. mm. Agaunenses seu Thebaei] ZÜHLKE, R. Bischof Meinhard von Üxküll: ein friedlicher Missionar ? Ansätze zu einer Neubewertung. Ein quellenkundlicher Werkstattbericht, in Hansische Geschichtsblätter, 127 (2009), p. 101-121. [Meinardus ep. Livoniae] CARBONE, C. – GARGANO, G. – GEMMA, A., et al. Nicandro, Marciano e Daria. Conoscere, ricordare e venerare i Santi Patroni di Venafro a diciassette secoli dal loro martirio. Coord. editoriale di M. DISCENZA. Risorse iconografiche di Fr. CAPPELLARI. Venafro, Edizioni Vitmar, 2003, 200 p., ill., ISBN 88-87002-21-5. [Nicander, Marcianus et soc. mm. Atinae et Venafri] Ⱦɨɛɪɵɣ ɤɨɪɦɱɢɣ. ɉɨɱɢɬɚɧɢɟ ɫɜɹɬɢɬɟɥɹ ɇɢɤɨɥɚɹ ɜ ɯɪɢɫɬɢɚɫɤɨɦ ɦɢɪɟ. Red. A. B. BUGAEVSKY. Moscou, ɋɤɢɧɢɹ, 2011, 600 p., ill., ISBN 978-5-86544-027-7. [Nicolaus ep. Myrensis] ANTONSSON, H. The Cult of St. Ólafr in the Eleventh Century and Kievan Rus’, in Middelalderforum, 1-2 (2003), p. 143-160. [Olavus rex Norvegiae m.] Leggere i Padri. Tra passato e presente. Atti del Convegno internazionale di studi (Cremona, 21-22 nov. 2008). Cur. M. CORTESI (= Millennio Medievale, 88; Atti di Convegni, 26). Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2010, VIII-227 p. + 14 pl., ISBN 978-88-8450386-2. [Patrum Vitae] CERIOTTI, L. Parola di storico: Pietro Maria Campi al processo di canonizzazione di Paolo Burali d’Arezzo, in Bollettino Storico Piacentino, 103 (2008), p. 57-79. [Paulus Burali] DEGÓRSKI, B. Stan badaĔ nad Vita S. Pauli Primi Eremitae Ğw. Hieronima (= Archivum Ordinis sancti Pauli primi eremitae. I: Dissertationes, V/10). Coesfeld, Verlag Barmherziger Bund – Rzym, 2010, p. 161-222, ill., ISBN 978-83-7631-180-7. [Paulus Thebaeus erem.] GIANSANTE, M. Petronio e gli altri. Culti civici e culti corporativi a Bologna in età comunale, in L’eredità culturale di Gina Fasoli. Atti del convegno di studi per il centenario della nascita (1905-2005) (Bologna – Bassano del Grappa, 24-26 nov. 2005). Cur. Fr. BOCCHI – G. M. VARANINI (= Nuovi studi storici, 75). Roma, Istituto storico italiano per il Medio Evo, 2008, p. 357-377. [Petronius ep. Bononiensis] LOHMER, C. Pseudoepigraphica of Peter Damian: Truly and Falsely Attributed Works of a Church Reformer, in Proceedings of the Twelfth International Congress of Medieval Canon Law (Washington D.C., 1-7 Aug. 2004). Ed. U.-R. BLUMENTHAL – K. PENNINGTON – A. A. LARSON (= Monumenta Iuris Canonici. Subsidia, 13). Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2008, p. 109-126. [Petrus Damianus] Pietro Crisci, beato confessore, compatrono di Foligno. Cur. M. SENSI – F. FREZZA (= Bollettino storico della città di Foligno. Supplemento, 8). Diocesi di Foligno, 2010, 204 p., ill. [Petrus de Fulgineo]

PUBLICATIONS REÇUES

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DE MARCO, B. – CRADDOCK, J. R. Miracles at Montpellier: Petrus Calò and the Early Legends of St. Peter Martyr, in L’art de la philologie. Mélanges en l’honneur de Leena Löfstedt. Ed. J. HÄRMÄ – E. SUOMELA-HÄRMÄ – O. VÄLIKANGAS (= Mémoires de la Société Néophilologique de Helsinki, 70). Helsinki, 2007, p. 43-56. [Petrus Martyr O. P.] —, St. Peter Martyr and the Development of Early Dominican Hagiography, in Études de langue et littérature médiévales offertes à Peter T. Ricketts. Ed. D. BILLY – A. BUCKLEY. Turnhout, Brepols, 2005, p. 141-152. [Id.] MERLO, G. G. L’affaire frate Pietro da Verona / san Pietro martire, in I Signori di Giussano, gli eretici e gli inquisitori. Cur. G. G. MERLO. Città di Giussano, 2004, p. 15-49. [Id.] CAIAZZA, D. Il segreto di san Petro Celestino. Delle origini e formazione di Pietro degli Angeleri Papa Celestino V (= Quaderni Campano-Sannitici, 6). Piedimonte Matese, Edizioni Ikona, 2005, 192 p., ill. [Petrus de Murrone] FORREST KELLY, T. The Cassinese Metrical Office of Saint Placidus, in Sine musica nulla disciplina. Studi in onore di Giulio Cattin. Cur. Fr. BERNABEI – A. LOVATO. Padova, Il Poligrafo, 2006, p. 111-122. [Placidus discipulus S. Benedicti] CROCE, V. Le ossa di San Secondo sono davvero di epoca romana, in Rivista Diocesana Astese, 81 (2009), p. 89-92, ill. —, Le ossa di San Secondo sono di epoca romana. Un contributo di studio a partire dall’esame del carbonio 14, in Il Platano, 34 (2009), p. 386393, ill. [Secundus m. Astae et Ventimillii patronus] ÁLVAREZ, T. Introduction aux œuvres de Thérèse d’Avila. Le Livre de la vie. Trad. de l’espagnol par N. DINNAT. Préface et notes de D.-M. GOLAY (= Initiations). Paris, Éditions du Cerf, 2010, 192 p., ISBN 978-2-204-09287-6. [Teresia a Iesu] LANGLOIS, C. Thérèse de Lisieux. La conversion de Noël. Du récit à l’histoire. Grenoble, Éditions Jérôme Millon, 2011, 214 p., ISBN 978-2-84137-259-1. [Teresia a Iesu Infante] YANNOPOULOS, P. Le lieu et la date de naissance de Théophane le Confesseur, in Revue des Études Byzantines, 68 (2010), p. 225-230. [Theophanes conf. chronographus] MONTAGNES, B. L’exaltation de saint Thomas d’Aquin à Toulouse en 1628, in Revue Thomiste, 110 (2010), p. 445-462, ill. [Thomas Aquinas] LANGENBAHN, S. K. „de cerebro Thomae Cantuariensis“. Zur Geschichte und Hagiologie der Himmeroder Thomas Becket-Reliquie von 1178, in Hic vere claustrum est beatae Mariae virginis. 875 Jahre Findung des Klosterortes Himmerod. Festschrift. Hg. B. FROMME. Red. Fr. IRSIGLER. Mainz, Gesellschaft für mittelrheinische Kirchengeschichte, 2010, p. 55-91. [Thomas ep. Cantuariensis] SCHMID, A. St. Ulrich im Bistum Regensburg, in Grenzüberschreitungen. Die Außenbeziehungen Schwabens in Mittelalter und Neuzeit. Hg. W. WÜST – G. KREUZER – D. PETRY = Zeitschrift des historischen Vereins für Schwaben, 100 (2008), p. 129-140. [Udalricus ep. Augustanus] ISETTA, S. Chi era san Vittore ?, in Sassoferrato. Alla memoria del Prof. Alberto Grilli. Cur. F. BERTINI. Con la collab. di S. TROIANI = Studi Umanistici Piceni, 28 (2008), p. 17-30. [Victor Maurus m. Mediolan.] *

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II. VARIA A. Opera 1008-2008. I Mille Anni dell’Abbazia di San Silano: ricerche e prospettive. Atti del Convegno (Romagnano Sesia, 22 nov. 2008). Cur. Fr. TONELLA REGIS. Comune di Romagnano Sesia, 2009, 214 p., ill., ISBN 978-88-904247-0-0.

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VARIA

Abbaye de Saint-Sever. Nouvelles approches documentaires (988-1359). Journées d’études (Saint-Sever, 13-14 sept. 2008). Textes réunis et édités par B. CURSENTE – J. CABANOT. Dax, Société de Borda – Comité d’études sur l’histoire et l’art de la Gascogne, 2009, 348 p., ill. + cartes, ISBN 978-2-9501584-4-7. BENERICETTI, R. Le carte ravennati del secolo decimo. IV: Archivi minori (monasteri di Sant’Andrea Maggiore, San Vitale e Sant’Apollinare in Classe) (= Studi della biblioteca Card. Gaetano Cicognani, 10). Faenza, University Press Bologna, 2010, XXXVIII-255 p., ISBN 88-86946-90-2. Bloch, Marc. Mélanges historiques. Ed. sous la dir. de G. STAVRIDÈS. Paris, CNRS Éditions, 2011, XIV-1114 p., ISBN 978-2-271-07148-4. Brioude aux temps carolingiens. Actes du colloque international organisé par la ville de Brioude (13-15 sept. 2007). Publiés par A. DUBREUCQ – Ch. LAURANSON-ROSAZ – B. SANIAL. Le Puy-en-Velay, Éditions de la Société académique du Puy et de la Haute-Loire, 2010, 448 p., ill., ISBN 978-2-9516581-2-7. Catalogo dei manoscritti liturgici della Biblioteca centrale della Regione siciliana “Alberto Bombace”. I: I codici. Cur. M. M. MILAZZO – G. SINAGRA. Palermo, Regione siciliana, 2006, 180 p., ill., ISBN 88-88559-55-8. CHAVE-MAHIR, F. L’exorcisme des possédés dans l’Église d’Occident (Xe-XIVe siècle) (= Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge, 10). Turnhout, Brepols, 2011, 446 p. + 16 pl., ISBN 978-2-503-53355-1. Clavis des auteurs latins du Moyen Âge. Territoire français, 735-987. III: Faof – Hilduin. Ed. M.-H. JULLIEN (= Corpus Christianorum. Continuatio Mediaeualis). 2 vol. Turnhout, Brepols, 2010, XVIII-548 et 185 p. (Indices), ISBN 978-2-503-53593-7. The Chronicle of Pseudo-Zachariah Rhetor. Church and War in Late Antiquity. Ed. G. GREATREX. Transl. from Syriac and Arabic Sources by R. R. PHENIX – C. B. HORN, with introductory material by S. BROCK – W. WITAKOWSKI (= Translated Texts for Historians, 55). Liverpool, University Press, 2011, XIV-562 p., ISBN 978-1-84631-494-0. DE GRIECK, P.-J. De benedictijnse geschiedschrijving in de zuidelijke Nederlanden (ca. 11501550): historisch bewustzijn en monastieke identiteit. Leuven, Encyclopédie bénédictine – Turnhout, Brepols, 2010, XII-640 p., ill., résumé français, ISBN 978-2-503-54031-3. Des coteaux de la citadelle de Liège au plateau de Mehagne (Liège, Saint-Léonard 1457 – Liège, Potay 1627 – Mehagne 1933). Les carmélites et la naissance d’un quartier = Feuillets de la Cathédrale de Liège, 86-92 (2008), 56 p., ill. Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastiques. Sous la dir. de R. AUBERT – L. COURTOIS. Tome XXX. Fasc. 178b-179: Laval – Lecot. Tome XXXI. Fasc. 180: Le Couëdic – Le Hunsec. Paris, Letouzey et Ané, 2010, 352 et 256 col., ISBN 978-2-70630248-0 et -0274-9. DIMITRAKOPOULOS, F. A. The Baptism Site at the Jordan River / ѹ̯ң½̫̭̯Ӭ̭˿̝½̴̡̛̯̮̭̮̯Ң̩ Ѫ̫̬̠̘̩̣ ½̷̨̫̯̝  Athens – Jerusalem, Greek Orthodox Patriarchate of Jerusalem, 2010, 462 p., ill., ISBN 978-960-8376-51-9. Explanatio regulae D. Augustini... nunc autem per A. R. P. Andream Goldonowski... Reprint der Originalausgabe von 1642. Mit einer Einführung von S. ĝWIDZIēSKI (= Archivum Ordinis sancti Pauli primi eremitae. II: Fontes, 12). Coesfeld, Verlag Barmherziger Bund, 2010, XXII-232 p., ill., ISBN 978-83-7631-204-0. FATTI, F. Giuliano a Cesarea. La politica ecclesiastica del principe apostata (= Studi e Testi. TardoAntichi, 10). Roma, Herder, 2009, 290 p., ISBN 978-88-89670-52-1. Festivités du Millénaire de Solesmes. Chroniques et allocutions = Lettre aux amis de Solesmes, 143-144 (2010), 112 p., ill. La Hispania visigótica y mozárabe. Dos épocas en su literatura, ed. C. CODOÑER (= Obras de referencia, 28). Salamanca, Ediciones Universidad de Salamanca – Universidad de Extremadura. Servicio de Publicaciones, 2010, 430 p., ISBN 978-84-7800-172-9.

PUBLICATIONS REÇUES

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Iacopone da Todi. Laude. Cur. M. LEONARDI (= Biblioteca della Rivista di storia e letteratura religiosa. Testi e documenti, 23). Firenze, Leo S. Olschki Editore, 2010, LXXVI-437 p., ISBN 978-88-222-6035-2. Josemaría Escrivá de Balaguer. Santo Rosario. Edición crítico-histórica preparada por P. RODRÍGUEZ – C. ÁNCHEL – J. SESÉ (= Obras completas de san Josemaría. Ser. I: Obras publicadas, 2). Madrid, Ediciones Rialp – Roma, Instituto histórico Josemaría Escrivá de Balaguer, 2010, LII-370 p., ill., ISBN 978-84-321-3818-8. I manoscritti medievali delle province di Belluno e Rovigo. Cur. N. GIOVÈ MARCHIOLI – L. GRANATA (= Biblioteche e archivi, 21; Manoscritti medievali del Veneto, 4). Tavarnuzze, Regione del Veneto – SISMEL – Edizioni del Galluzzo, 2010, X-132 p. + 121 pl. + 1 CDROM, ISBN 978-88-8450-388-6. Musik im Kloster St. Gallen. Katalog zur Jahresausstellung in der Stiftsbibliothek St. Gallen (29. Nov. 2010 – 6. Nov. 2011). Hg. Fr. SCHNOOR – K. SCHMUKI – E. TREMP. St. Gallen, Verlag am Klosterhof, 2010, 123 p., ill., ISBN 978-3-906616-98-8. L’obituaire de l’hôpital des Quinze-Vingts de Paris. Publié sous la dir. de J. FAVIER, par J.-L. LEMAITRE (= Recueil des historiens de la France publié par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Obituaires, sér. in-8°, 10). Paris, de Boccard, 2011, XII-162 p., ill., ISBN 978-2-87754-262-3. La predicazione nel Seicento. Cur. M. L. DOGLIO – C. DELCORNO (= Studi, fonti, documenti di storia e letteratura religiosa). Bologna, Il Mulino – Fondazione Michele Pellegrino, 2009, 250 p., ISBN 978-88-15-13287-1. ROSADA, B. Il Settecento veneziano. La letteratura (= Idiomi. Collana di testi e studi, 9). Venezia, Corbo e Fiore Editori, 2007, 318 p., ill., ISBN 88-7086-122-8. —, Venezia prima di Venezia. Letteratura e società dal sec. I d. C. al sec. VIII. Brescia, Starrylink Editrice, 2004, 204 p., ISBN 88-88847-73-1. Sainte Thérèse d’Avila. Amour et prière. Textes choisis et présentés par P. SEROUET (= Trésors du christianisme). Paris, Éditions du Cerf, 2010 [réimpr. anastatique de l’édition de 1965], 224 p., ISBN 978-2-204-09391-0. Sancti Gregorii Nazianzeni opera. Versio syriaca. V: Orationes I, II, III. Ed. J.-Cl. HAELEWYCK (= Corpus Christianorum. Series Graeca, 77; Corpus Nazianzenum, 25). Turnhout, Brepols, 2011, XVI-218 p., ISBN 978-2-503-53599-9. VAQUERO DÍAZ, M. B. – PÉREZ RODRÍGUEZ, F. J. Colección documental del archivo de la catedral de Ourense. II: 1231-1300 (= Fuentes y Estudios de Historia Leonesa, 132). León, Centro de estudios e investigación «San Isidoro» – Caja España de inversiones – Archivo histórico diocesano, 2010, 787 p., ISBN 978-84-92708-07-9. WOOD, Ph. ‘We have no king but Christ’. Christian Political Thought in Greater Syria on the Eve of the Arab Conquest (c. 400-585) (= Oxford Studies in Byzantium). Oxford, University Press, 2010, XII-295 p., ill., ISBN 978-0-19-958849-7. B. Opuscula ANTONSSON, H. Traditions of Conversion in Medieval Scandinavia: A Synthesis, in SagaBook, 34 (2010), p. 25-74. BRATOŽ, R. Die kirchliche Organisation in Westillyricum (vom späten 4. Jh. bis um 600). – Ausgewählte Fragen, in Keszthely-Fenékpuszta im Kontext spätantiker Kontinuitätsforschung zwischen Noricum und Moesia. Hg. O. HEINRICH-TAMÁSKA (= Castellum Pannonicum Pelsonense, 2). Budapest – Leipzig – Keszthely – Rahden, Verlag Marie Leidorf, 2011, p. 211-248, carte. COTTIER, J.-Fr. Du bon usage des recueils apocryphes. Les manuscrits Lyon, B.M. 622 et 456, et les éditions modernes des Prières ou Méditations de saint Anselme, in Ad libros. Mélanges d’études médiévales offerts à Denise Angers et Joseph-Claude Poulin. Sous la dir.

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VARIA

de J.-Fr. COTTIER – M. GRAVEL – S. ROSSIGNOL. Montréal, Presses de l’Université, 2010, p. 197-220. GAGETTI, E. Sei Alsengemmen a Brescia, in Glyptique romaine = Pallas, 83 (2010), p. 55-97 + 4 pl. HENRIET, P. En quoi peut-on parler d’une spiritualité de la réforme grégorienne ?, in Revue d’histoire de l’Église de France, 96 (2010), p. 71-91. KANGAS, S. Inimicus Dei et sanctae christianitatis ? Saracens and Their Prophet in TwelfthCentury Crusade Propaganda and Western Travesties of Muhammad’s Life, in The Crusades and the Near East. Cultural Histories. Ed. C. KOSTICK. London, Routledge, p. 131160. LEMAITRE, J.-L. Les mots occitans dans les statuts de Jean de Vissec pour le chapitre de Maguelone (1331-1333), in L’occitan, une langue du travail et de la vie quotidienne du XIIe au XXIe siècle. Les traductions et les termes techniques en langue d’oc. Actes du colloque organisé à Limoges les 23 et 24 mai 2008 par le Centre Trobar et l’EA 4116. Publiés par J.-L. LEMAITRE – Fr. VIELLIARD (= Mémoires et documents sur le Bas-Limousin, 28). Ussel, Musée du Pays d’Ussel – Centre Trobar, 2009, p. 43-58. —, Le nécrologe de Lacroma (Lokrum), in Päpste, Privilegien, Provinzen. Beiträge zur Kirchen-, Rechts- und Landesgeschichte. Festschrift für Werner Maleczek zum 65. Geburtstag. Hg. J. GIEßAUF – R. MURAUER – M. P. SCHENNACH (= Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 55). Wien, Böhlau Verlag – München, Oldenbourg Verlag, 2010, p. 245-258, ill. MARTÍNEZ ORTEGA, R. Las Crónicas Asturianas y el Chronicon Mundi de Lucas de Tuy: crítica textual y toponimia, in Iacobus, 27-28 (2010), p. 35-44. —, Sobre traducción y toponimia en textos históricos, in Humanismo y pervivencia del mundo clásico. IV: Homenaje al prof. Antonio Prieto. Vol. 3. Alcañiz – Madrid, Instituto de Estudios Humanisticos, 2009, p. 1303-1315, ill. MOREAU, D. Non impar conciliorum extat auctoritas. L’origine de l’introduction des lettres pontificales dans le droit canonique, in L’étude des correspondances dans le monde romain de l’Antiquité classique à l’Antiquité tardive: permanences et mutations. Actes du XXXe Colloque international de Lille (20-22 nov. 2008). Ed. J. DESMULLIEZ – Ch. HOËT-VAN CAUWENBERGHE – J.-Ch. JOLIVET. Lille, Université Charles de Gaulle, 2011, p. 487-506. RAFFAGHELLO, C. I calendari anglosassoni, in Intorno alla Bibbia gotica. Cur. V. DOLCETTI CORAZZA – R. GENDRE (= Bibliotheca Germanica. Studi e Testi, 21). Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2008, p. 341-350. SAHLER, H. La chiesa abbaziale di San Vittore delle Chiuse nel contesto dell’architettura romanica marchigiana, in Sassoferrato. Alla memoria del Prof. Alberto Grilli. Cur. F. BERTINI. Con la collab. di S. TROIANI = Studi Umanistici Piceni, 28 (2008), p. 31-59, ill. SCOPELLO, M. Allogène au Thabor dans le quatrième traité du Codex Tchacos, in Gnosis and Revelation. Ten Studies on Codex Tchacos = Rivista di Storia e Letteratura Religiosa, 46 (2008), p. 685-699. —, L’âme en fuite: le traité gnostique de l’Allogène (NH XI, 3) et la mystique juive, in Gnose et philosophie. Études en hommage à Pierre Hadot. Sous la dir. de J.-M. NARBONNE – P.-H. POIRIER (= Zêtêsis. Textes et essais). Paris, Librairie philosophique J. Vrin – Québec, Presses de l’Université de Laval, 2009, p. 123-145. —, Les milieux gnostiques: du mythe à la réalité sociale, in Académie des Inscriptions et BellesLettres. Comptes rendus des séances de l’année 2008. Paris, De Boccard, 2008, p. 17711789. STICHEL, R. La Divina Sapienza. Ein Beitrag zum Verständnis des Deckengemäldes von Andrea Sacchi im römischen Palazzo Barberini, in Wege der Erinnerung im und an das Mittelalter. Festschrift für Joachim Wollasch zum 80. Geburtstag. Hg. A. SOHN. Bochum, Verlag Dr. Dieter Winkler, 2011, p. 157-174, ill.

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SOMMAIRE / CONTENTS

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 91

Enzo LUCCHESI. Un fragment bohaïrique du Martyre d’Isidore et Sané . . . . . . . . . . . . . . . .

5

Xavier LEQUEUX. Le martyr Pamoun: une nouvelle victime d’Apellianos ? À propos de POxy 4759 . . . . . . . . .

11

Paulette L’HERMITE-LECLERCQ. Un hagiographe face aux critiques. Le recueil des miracles de S. Liesne de Melun (1136) . . .

13

Jean-Marie SANSTERRE. Avant que le Crucifié ne «parle» à S. François: les mentions de crucifix parlants antérieurs à celui de San Damiano à Assise . . . . . . . . . . . . .

71

Bernard OUTTIER. Les pérégrinations d’une exhortation dans l’Orient chrétien . . . . . . . . . . . . .

1(:

The Greek Life of St. Leo bishop of Catania (BHG 981b) Text and Notes by Alexander G. ALEXAKIS Translation by Susan WESSEL 2011, XXXVII-355 p.

€ 85*

Standing order for the Collection: 10 % discount

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 90 Marco GUIDA

80

Una leggenda in cerca d’autore. La Vita di santa Chiara d’Assisi Studio delle fonti e sinossi intertestuale

Anders FRÖJMARK. Ad portum non precogitatum. The Homecoming of the Birgitta Relics to Sweden (1374) . . . . . . .

81

Bernard JOASSART. Lettres du jésuite Pierre Poussines à Bolland, Henschen, Papebroch et Janning . . . . . . . . .

105

Robert GODDING. Italia hagiographica (VIII). Chronique d’hagiographie italienne . . . . . . . . . . . . .

175

Préface de Jacques Dalarun

2010, X-255 p.

€ 65* Standing order for the Collection: 10 % discount

SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 89

Bulletin des publications hagiographiques

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Publications reçues

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Odon de Cluny Vita sancti Geraldi Auriliacensis Édition critique, traduction française, introduction et commentaires par Anne-Marie BULTOT-VERLEYSEN 2009, XVIII-327 p.

€ 75*

Standing order for the Collection: 10 % discount

Résumés – Summaries: 55, 79, 102 TABULARIUM HAGIOGRAPHICUM 6

Ce numéro a paru le 28 juin 2011 ISSN 0003-2468

De Constantinople à Athènes. Louis Petit et les Bollandistes Correspondance d’un archevêque savant (1902-1926)

Présentation, édition et commentaire par Bernard JOASSART 2010, 183 p.

REVUE SUBVENTIONNÉE PAR LA FONDATION UNIVERSITAIRE

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* Excluding postage and VAT

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ANALECTA BOLLAND IANA

ANALECTA BOLLANDIANA The Journal is published twice a year (in June and December) in issues of 240 pages each.

La Revue paraît deux fois par an (en juin et en décembre); chaque livraison compte 240 pages.

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2011 — ANALECTA BOLLANDIANA. — T. 129-I

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REVUE CRITIQUE D’HAGIOGRAPHIE A JOURNAL OF CRITICAL HAGIOGRAPHY

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TOME 129 I - Juin 2011

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