Analecta Bollandiana - Volume 128, Issue 2 - 2010.pdf

May 9, 2017 | Author: Noui Testamenti Lector | Category: N/A
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ANALECTA BOLLAND IANA

ANALECTA BOLLANDIANA The Journal is published twice a year (in June and December) in issues of 240 pages each.

La Revue paraît deux fois par an (en juin et en décembre); chaque livraison compte 240 pages.

Volume 129 (2011) Prix de l’abonnement:

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2010 — ANALECTA BOLLANDIANA. — T. 128-II

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REVUE CRITIQUE D’HAGIOGRAPHIE A JOURNAL OF CRITICAL HAGIOGRAPHY

PUBLIÉE PAR LA EDITED BY THE

SOCIÉTÉ DES BOLLANDISTES

TOME 128 II - Décembre 2010

FAX: +32 2 740 24 24 E-mail: [email protected] Back issues are all available. Please contact the Sales Office.

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SOCIÉTÉ 24,

B

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DES

BOLLANDISTES

BOULEVARD

S AINT -M ICHEL

1040 BRUXELLES

SOMMAIRE / CONTENTS SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 90

Cécile LANÉRY. Le dossier des saints Nazaire, Celse, Gervais et Protais. Édition de la Passion BHL 6043 (= 3516) . . . .

Marco GUIDA

241

Una leggenda in cerca d’autore. La Vita di santa Chiara d’Assisi

Sever J. VOICU. Le fonti dell’omelia pseudocrisostomica In omnes sanctos (BHG 1188b; CPG 4731) . . . . . . . .

Studio delle fonti e sinossi intertestuale

281

Préface de Jacques Dalarun

Vincent DÉROCHE – Bénédicte LESIEUR. Notes d’hagiographie byzantine. Daniel le Stylite – Marcel l’Acémète – Hypatios de Rufinianes – Auxentios de Bithynie. . . . . . . .

283

Enzo LUCCHESI. Quatre inscriptions coptes tirées de la Troisième lettre de Cyrille à Nestorius . . . . . . . . . .

296

Enzo LUCCHESI. Les vestiges coptes de la Passion de Psoté ou Pichoté de Kaïs. . . . . . . . . . . . . .

297

Paolo TOMEA. Beatissimi martyres nazareni. A proposito degli Acta Gallonii e del Libellus precum Harley 7653 . . . .

Odon de Cluny Vita sancti Geraldi Auriliacensis

299

Sebastian BROCK. A Fragment from a Syriac Life of Marutha of Martyropolis . . . . . . . . . . . . . .

Édition critique, traduction française, introduction et commentaires par Anne-Marie BULTOT-VERLEYSEN

306

Adam MCCOLLUM. The Martyrdom of Theonilla in Syriac.

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312

Standing order for the Collection: 10 % discount

Panayotis YANNOPOULOS. La prétendue Vita S. Theophanis inédite transmise par le ms. Dionysiou 145 . . . . . . . .

329

TABULARIUM HAGIOGRAPHICUM 6

Dirk KRAUSMÜLLER. The Unaware Saint: Divine Illusion and Human Sanctity in the Life of Constantine the Ex-Jew (BHG 370)

339

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SUBSIDIA HAGIOGRAPHICA 89

2009, XVIII-327 p.

€ 75*

Correspondance d’un archevêque savant (1902-1926) Présentation, édition et commentaire par Bernard JOASSART

348

2010, 183 p.

€ 45* Standing order for the Collection: 10 % discount

Bernard JOASSART. Correspondances de byzantinistes du 20e siècle. H. Delehaye – J. Pargoire – S. Salaville – M. Jugie – G. Anrich

393

Bulletin des publications hagiographiques

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. 415

Publications reçues

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. 461

Index Sanctorum .

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. 471

Index operum recensitorum .

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477

Table des matières – Table of Contents .

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479

Résumés – Summaries: 267, 295, 305, 311, 328, 338, 347, 392

ISSN 0003-2468 / Ce numéro a paru le 28 décembre 2010 LA

€ 65* Standing order for the Collection: 10 % discount

De Constantinople à Athènes. Louis Petit et les Bollandistes

Peter TÓTH. Die sirmische Legende des heiligen Demetrius von Thessalonike. Eine lateinische Passionsfassung aus dem mittelalterlichen Ungarn (BHL 2127) . . . . . . . . .

REVUE SUBVENTIONNÉE PAR

2010, X-255 p.

FONDATION UNIVERSITAIRE

R. GODDING – B. JOASSART – X. LEQUEUX – Fr. DE VRIENDT – J. VAN DER STRAETEN

Bollandistes, saints et légendes Quatre siècles de recherche Written by the Bollandists themselves, this magnificently illustrated album tells their story. Many documents in the library of the Bollandists are here reproduced for the first time. 2007, 184 p., illustrations in colour, clothbound

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€ 49*

Cécile LANÉRY LE DOSSIER DES SAINTS NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS Édition de la Passion BHL 6043 (= 3516)*

Volontiers associés dans la liturgie et l’hagiographie, Nazaire, Celse, Gervais et Protais, formaient à l’origine deux couples de martyrs milanais, introduits dans le culte en deux Inventions successives. En 386, en pleine tourmente politico-religieuse, l’évêque Ambroise de Milan (ca. 340-397) découvrit les restes de Gervais et Protais, qu’il transféra aussitôt dans la Basilica ambrosiana édifiée par ses soins1. Cet événement, largement commenté par les contemporains2, assura la promotion des deux martyrs, dont le culte dépassa très rapidement les frontières italiennes, pour se répandre en Gaule, en Espagne, en Afrique et en Orient3. Presque dix ans plus tard, vers 395, Ambroise reconnut la qualité de martyrs à deux défunts découverts dans un jardin des faubourgs milanais4. Le corps de l’un d’eux, Nazaire, fut transféré dans une basilique récemment rénovée, près de la Porta romana, tandis que Celse restait sur place5. Certes moins spec*

Liste des abréviations, cf. infra, p. 268.

1

Sur cette Invention, opportunément survenue alors qu’Ambroise était en lutte contre la cour homéenne de l’empereur Valentinien II, cf. E. DASSMANN, Ambrosius und die Märtyrer, in Jahrbuch für Antike und Christentum, 18 (1975), p. 49-68; LANÉRY, Ambroise, p. 27 sq. et 305 sq. Sur le culte et le dossier de Gervais et Protais, cf. aussi A. RIMOLDI, Gervasio e Protasio, in Bibliotheca Sanctorum, t. 6, Roma, 1966, col. 298-302; F. SAVIO, Due lettere falsamente attribuite a S. Ambrogio, in Nuovo Bullettino di Archeologia Cristiana, 3 (1897), p. 153-178, rééd. sous le titre La leggenda di SS. Gervasio e Protasio, in ID., Gli antichi vescovi d’Italia dalle origini al 1300, descritti per regioni. La Lombardia. I: Milano (= Biblioteca istorica della antica e nuova Italia, 111), Firenze, 1913, p. 788-810; DUFOURCQ, Étude, t. 2, p. 37 sq. et 277 sq.; LANÉRY, Hagiographie, p. 61 sq. 2 Cf. Paulin de Milan, Vita Ambrosii, 14, éd. A. A. R. BASTIAENSEN et al., in Vita di Cipriano, Vita di Ambrogio, Vita di Agostino (= Scrittori greci e latini. Vite dei santi, 3), Milano, 1975, p. 70; Augustin, Confessiones, IX.7.16, éd. L. VERHEIJEN (= Corpus Christianorum. Series Latina, 27), Turnhout, 1981, p. 142. 3

Cf. DELEHAYE, Les origines du culte, passim.

4

Cf. Paulin de Milan, Vita Ambrosii, 32-33. Sur le culte et le dossier hagiographique de Nazaire et Celse, on pourra consulter A. AMORE, Nazario e Celso, in Bibliotheca Sanctorum, t. 9, Roma, 1967, col. 780-784; F. SAVIO, La leggenda dei SS. Nazario e Celso, in Ambrosiana. Scritti varii pubblicati nel XV centenario dalla morte di s. Ambrogio, éd. A. C. FERRARI, Milano, 1897, n. p.; DUFOURCQ, Étude, t. 2, p. 61 sq.; ZANETTI, Les Passions des saints; ID., Les Passions grecques; LANÉRY, Ambroise, p. 337 sq. et 426 sq.; EAD., Hagiographie, p. 264 sq. 5

Cette basilique au plan cruciforme, fondée en 386 en l’honneur des apôtres, prit par la suite le nom de San Nazaro, devenu officiel au XIe s.: cf. La Basilica degli apostoli e Nazaro

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 241-280.

242

C. LANÉRY

taculaire que l’invention de Gervais et Protais, celle de Nazaire et Celse n’en fut pas moins aussi à l’origine d’un culte précoce, largement diffusé dans tout l’Empire6. Lorsque le biographe d’Ambroise, Paulin de Milan, rédigea en 4227, dans la Vita Ambrosii (BHL 377), le compte rendu de ces inventions, il affirmait encore tout ignorer de l’histoire de ces martyrs. Mais la diffusion rapide de leur culte et de leurs reliques favorisa l’émergence d’un dossier précoce et passablement complexe. En Orient, les quatre martyrs bénéficiaient, dès la fin de l’Antiquité, d’une Passion commune, dont les différentes recensions — deux Passions parallèles (BHG 1323-1323d) et un épitomé (BHG 1323e) — ont été éditées il y a quelques années par Ugo Zanetti8. Quant au versant latin, il est constitué de plusieurs textes anciens imbriqués les uns dans les autres, en partie inédits, et de surcroît répartis sur les dossiers distincts de Nazaire et Celse (BHL 6039-6050ab), et de Gervais et Protais (BHL 3514-3522f). L’étude des rapports entre les Passions latines et leurs homologues grecques devrait cependant permettre de reconstituer l’organisation de cet ample dossier hagiographique. I. Le dossier latin de Nazaire, Celse, Gervais et Protais 1. Les Passions tardo-antiques BHL 6039 et BHL 3514 Bien que certains hagiographes se soient plu à associer les quatre martyrs milanais qui avaient bénéficié d’une invention ambrosienne, les saints Nazaire, Celse, Gervais et Protais n’en formaient pas moins à l’origine deux couples bien distincts. À Milan, ils étaient en tout cas honorés à des dates différentes (le 19 juin pour Gervais et Protais, le 28 juillet pour Nazaire et Celse), et en des lieux distincts (la Basilica ambrosiana pour Gervais et Protais, la Basilica apostolorum pour Nazaire, un jardin des martire nel culto e nell’arte, Milano, 1969, passim; C. BONETTI, San Nazaro. La basilica apostolorum: l’edificio, in La Città e la sua memoria. Milano e la tradizione di sant’Ambrogio, éd. S. LUSUARDI SIENA et al., Milano, 1997, p. 70-73. 6

Cf. DELEHAYE, Les origines du culte, passim.

7

La date de 422, proposée en son temps par J.-R. PALANQUE, La Vita Ambrosii de Paulin: étude critique, in Revue des Sciences Religieuses, 4 (1924), p. 26-42 et 401-420, est aujourd’hui retenue par la majorité des spécialistes: cf. E. ZOCCA, La Vita Ambrosii alla luce dei rapporti fra Paolino, Agostino e Ambrogio, in Nec timeo mori. Atti del congresso internazionale di studi ambrosiani nel XVI centenario della morte di sant’Ambrogio (Milano, 4-11 apr. 1997), éd. L. F. PIZZOLATO – M. RIZZI (= Studia Patristica Mediolanensia, 21), Milano, 1998, p. 803-826. 8 Cf. ZANETTI, Les Passions grecques. À l’époque, Ugo Zanetti avait également l’intention de s’atteler un jour au dossier latin, mais il a bien voulu me remettre cette tâche, ce dont je le remercie.

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

243

faubourgs milanais pour Celse). Les textes les plus anciens séparent d’ailleurs clairement les deux couples. Dans la Passion BHL 3514, composée entre 415 et 450 par un hagiographe romain qui se dissimulait sous le nom d’Ambroise9, Gervais et Protais sont associés à un autre martyr «ambrosien», Vital10, mais l’hagiographe ne fait aucune mention de Nazaire et Celse. Gervais et Protais sont des jumeaux, fils de parents martyrs, et eux-mêmes martyrisés à Milan par le comte Astasius. Ensevelis dans la maison d’un particulier, ils révèlent leur existence à l’évêque Ambroise de Milan lors d’une vision nocturne, où ils lui apparaissent en compagnie de l’apôtre Paul. De toute évidence, cette Passion BHL 3514 n’a aucun rapport avec la forme la plus ancienne de la Passion de Nazaire et Celse, BHL 6039, où l’on trouve cependant une brève allusion à Gervais et Protais11. Dans ce récit, sans doute composé à Milan entre 422 et 45012, Nazaire, un Romain d’origine africaine13, issu du judaïsme, reçoit le baptême des mains du successeur de Pierre, le pape Linus. Devenu prédicateur itinérant, il rencontre à Milan les confesseurs Gervais et Protais tenus en prison par Ano9 BHL 3514, in AASS, Iun. t. 3, Anvers, 1701, p. 821-822; PL 17, col. 742-747 (d’après l’édition mauriste de 1690); cf. LANÉRY, Ambroise, p. 322 sq. 10 Le père de Gervais et Protais, dénommé Vital par l’hagiographe qui en fait un martyr ravennate, résulte en effet d’un dédoublement du martyr bolonais Vital, dont les restes furent découverts avec ceux d’Agricola en 393-394: cf. G. ROPA, Momenti e questioni del culto tardoantico e medievale dei martiri Vitale e Agricola, in Vitale e Agricola. Il culto dei protomartiri di Bologna attraverso i secoli nel XVI centenario della traslazione, éd. G. FASOLI, Bologna, 1993, p. 27-46; A. M. ORSELLI, Da Vitale e Agricola «protomartiri» bolognesi a Vitale «patrono» ravennate, in Vitale e Agricola, un cammino di fede. Atti del convegno nel XVI centenario della traslazione delle reliquie, éd. A. DONATI (= Istituto per la storia della Chiesa di Bologna. Saggi e ricerche, 8), Bologna, 1997, p. 49-63. 11 BHL 6039, in B. MOMBRITIUS, Sanctuarium seu Vitae sanctorum, éd. monachi Solesmenses, t. 2, Paris, 1910 (réimpr. Hildesheim, 1978), p. 326-334. 12 Cf. le prologue de BHL 6039 (MOMBRITIUS, Sanctuarium…, t. 2, p. 326): Nostri itaque praerogatiua patroni quem peculiaritatis gratia et continui beneficii munere propagatorem amplectimur, si uerbis cuncta debuissent componi, lingua ut arbitror sufficere non posset. La Passion BHL 6039 est postérieure à 422, car elle utilise en partie, pour le récit d’Invention, le compte rendu de Paulin de Milan dans la Vita Ambrosii; mais elle est antérieure aux années 450, date à laquelle elle fut utilisée par le rédacteur d’une ancienne préface de la liturgie milanaise: cf. A. PAREDI, I prefazi ambrosiani. Contributo alla storia della liturgia latina (= Pubblicazioni dell’Università Cattolica del Sacro Cuore. Ser. 4: Scienze filologiche, 25), Milano, 1937, p. 174. Savio (La leggenda… [cf. supra, n. 4], p. 20 sq.) y voyait la main d’un Africain réfugié à Milan. Dufourcq (Étude, t. 2, p. 61 sq.) proposait pour sa part de l’attribuer à l’évêque milanais Eusèbe († 462), mais sans apporter d’arguments convaincants en faveur de cette hypothèse. 13 Sur les influences africaines dans l’hagiographie milanaise du Ve s., et dans la Passion de Nazaire et Celse en particulier (parents africains de Nazaire, nom du persécuteur Anolinus emprunté à l’hagiographie africaine), cf. LANÉRY, Hagiographie, p. 267, n. 568.

244

C. LANÉRY

linus. Plus tard, en Provence, à Cimiez, une femme lui confie son jeune fils, Celse. Le martyr et son petit compagnon sont ensuite arrêtés sur l’ordre de Néron, qui, après différentes péripéties, ordonne de les jeter en pleine mer. Secourus par un ange, les deux martyrs sont conduits à Gênes par les marins effrayés. Ils regagnent alors Milan, où Nazaire, de nouveau arrêté, comparaît devant Anolinus. Décapités près de la Porta romana, au lieu dit Ad tres muros, Nazaire et Celse sont ensevelis par un certain Cératius, et un philosophe s’occupe de rédiger leur Passion. Ce récit, placé dans leur sépulture, est découvert par Ambroise lors de l’invention des deux martyrs sous le règne de Théodose. Dans l’ensemble, le récit de BHL 6039 est assez semblable à celui des deux recensions grecques BHG 1323-1323d, elles-mêmes étroitement apparentées, puisqu’elles semblent bien dériver d’un modèle grec commun. Leur texte, toutefois, ne reproduit pas fidèlement la syntaxe de la Passion latine, et on relève même plusieurs divergences entre le récit grec et BHL 6039. Le prologue latin est ignoré par les recensions grecques, qui résument aussi à grands traits le cheminement de Nazaire avant sa conversion14; la Passion grecque contient en revanche plusieurs épisodes absents de son homologue latine, comme la résurrection du petit Celse à Gênes15, ainsi qu’une brève étape de Nazaire en Afrique, peu avant son martyre à Milan16; le nom d’Embrun, ville où Nazaire construit un oratoire avant d’être arrêté sur l’ordre de Néron, figure dans BHG 1323-1323d (§ 8), mais pas dans BHL 6039, qui ne donne aucune localisation précise17. La différence la plus significative entre BHL 6039 et les recensions grecques concerne toutefois l’implication de Gervais et Protais dans le cours du récit. 14

Dans BHL 6039, la Passion est précédée d’un prologue (Virtutum laudes et belli gloriosa certamina … quod fuerit studium inseramus) sur les vertus de l’écriture hagiographique. L’auteur expose ensuite les origines de Nazaire, fils d’un Africain juif et d’une Romaine chrétienne. La conversion de Nazaire est précédée d’un long débat entre Nazaire et ses parents, auquel les Passions grecques se contentent de faire de rapides allusions. 15 Rescapés des eaux, Nazaire et Celse sont conduits à Gênes par les marins de Néron. Mais, dans les recensions grecques (§ 13), le petit Celse expire à la suite de cette épreuve, avant de ressusciter quelques heures plus tard à la prière de Nazaire. 16 Dans les Passions grecques, Nazaire, arrêté à Milan, en est aussitôt expulsé sur un char lancé à vive allure. Le martyr fait halte à Rome, puis part brièvement pour l’Afrique où il convertit son grand-père, avant de revenir à Rome convertir son père et ses sœurs (§ 14). L’étape africaine, évoquée en une seule phrase par les recensions grecques, est absente dans la Passion BHL 6039, qui développe en revanche un peu plus le séjour à Rome et la conversion du père. 17

En l’absence d’édition critique pour BHL 6039 (attestée dans les manuscrits depuis le

IXe s.: cf. LANÉRY, Hagiographie, p. 267), on ne peut exclure, il est vrai, que le nom d’Embrun

ait figuré à l’origine dans le texte latin. Il est cependant absent dans tous les manuscrits que j’ai pu consulter, et qui sont, dans l’ensemble, assez proches du texte donné par Mombritius.

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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Ceux-ci, comme on l’a dit, ne jouaient qu’un rôle tout à fait marginal dans BHL 6039. Dans les Passions grecques, en revanche, Gervais et Protais sont exécutés, ensevelis et découverts en même temps que Nazaire et Celse (§ 15-18); leur Invention commune ne comporte aucune trace du récit de Paulin (Vita Ambrosii, § 32-33) utilisé par la Passion latine BHL 6039. Plusieurs de ces divergences, il est vrai, pourraient être des innovations introduites par le traducteur grec de la Passion latine: l’association plus étroite des quatre martyrs ambrosiens — Nazaire, Celse, Gervais et Protais — correspondait en effet davantage aux réalités de leur culte oriental; le prologue milanais pouvait être facilement omis, et la jeunesse de Nazaire, résumée. Quant à l’étape africaine et à la résurrection de Celse, elles sont insérées assez maladroitement dans les recensions grecques, comme s’il s’agissait précisément d’additions au récit originel. L’ajout du nom d’Embrun, en revanche, pourrait difficilement être imputé à un remaniement oriental: en quoi cette cité provençale pouvait-elle intéresser des lecteurs grecs ? Sans doute ce nom figurait-il déjà dans le modèle occidental suivi par la Passion grecque, et ce modèle n’était donc pas BHL 6039. Deux hypothèses peuvent dès lors être envisagées. La première consisterait à évoquer une Passion perdue, en amont de BHL 6039 et de ses homologues grecques18. Le nom d’Embrun aurait été simplement omis par la Passion milanaise, que ce détail n’intéressait pas: Passion originelle (IVe-Ve s.) BHL 6039 (entre 422 et 450)

traduction grecque perdue BHG 1323

BHG 1323d

BHG 1323e

Mais il n’est peut-être pas nécessaire de faire remonter aussi haut les origines du dossier de Nazaire et Celse, d’autant qu’en 422, Paulin semblait encore tout ignorer d’une Passion de Nazaire et Celse. Une autre hypothèse consisterait donc à intercaler un remaniement, sans doute provençal, entre BHL 6039 et la traduction grecque:

18 C’est l’hypothèse que j’avais privilégiée dans ma première approche de ce dossier hagiographique: cf. LANÉRY, Hagiographie, p. 267 sq.

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C. LANÉRY BHL 6039 (avant 450) remaniement latin perdu (d’origine provençale ?) traduction grecque perdue BHG 1323

BHG 1323d

BHG 1323e

En Gaule, comme en Orient et dans certaines cités d’Italie du Nord, on avait en effet rapidement pris l’habitude d’associer Gervais, Protais, Nazaire et Celse19. À Embrun, le culte de Nazaire et Celse avait même pris tant d’importance à la fin de l’Antiquité, que Grégoire de Tours pensait qu’ils y avaient été exécutés20. Il est donc plausible qu’au Ve-VIe siècle, on ait éprouvé en Provence le souci d’adapter la Passion milanaise BHL 6039 à la configuration du culte qu’on rendait alors en Gaule aux quatre martyrs ambrosiens; Gervais et Protais furent ainsi associés à Nazaire et Celse, tandis qu’on supprimait le prologue milanais, devenu superflu; en revanche, on prit soin de situer à Embrun l’oratoire de Nazaire et son arrestation, ce qui permettait d’offrir une illustre origine à la basilique qu’on lui avait dédiée dans cette cité. Or, les ports provençaux demeurèrent longtemps ouverts sur l’Orient; la région restait par ailleurs en contact étroit avec l’Italie, qui entretenait elle-même d’anciens rapports avec le monde byzantin21. Il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce qu’un 19 Le martyrologe hiéronymien (recension auxerroise du VIe s.) fut ainsi interpolé, à la date du 19 juin, pour accueillir les noms de Nazaire et Celse, en plus de ceux de Gervais et Protais; les quatre martyrs sont également mentionnés ensemble le 30 octobre; enfin, dans la famille des manuscrits de Berne et de Wissembourg, les noms de Gervais et Protais ont été ajoutés à ceux de Nazaire et Celse au 28 juillet: cf. Comm. martyr. hieron., p. 325 sq., 399 sq., 577 sq. 20 Cf. Grégoire de Tours, Liber in gloria martyrum, 46, éd. B. KRUSCH, in Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Merovingicarum, t. 1/2, Hannover, 1885, p. 519: De sancti vero Nazarii ac Celsi pueri artubus, quos apud Ebredunensim Galliarum urbem passos lectio certaminis narrat… 21

Au VIe s., la Provence, disputée entre Goths et Burgondes, passa même en partie, et pour plusieurs années, sous le contrôle des rois ostrogoths de Ravenne, avant d’être concédée par eux aux souverains francs, en 536. À cette date, en effet, Vitigès, aux prises avec le Byzantin Bélisaire, préféra se débarrasser de la Provence et de l’Alamannie pour mieux se concentrer sur la défense de l’Italie: cf. J. GUYON – M. FIXOT, La fin de la Provence antique: vers des temps nouveaux, in La Provence des origines à l’an mil. Histoire et archéologie, éd. P.-A. FÉVRIER et al., Rennes, 1989, p. 445 sq.

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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éventuel remaniement provençal ait été traduit en grec, dès la fin de l’Antiquité, sous la forme d’une Passion qui s’imposa définitivement en Orient pour le dossier combiné des saints Nazaire, Celse, Gervais et Protais22. 2. La traduction BHL 6043 (= 3516) En Occident, en revanche, les choses furent beaucoup plus complexes, et le dossier de Nazaire, Celse, Gervais et Protais, évolua très tôt dans de nombreuses directions. La Passion milanaise ne parvint en effet à s’imposer qu’en Italie, pour la fête des saints Nazaire et Celse; pour Gervais et Protais, on utilisait d’ordinaire la Passion romaine BHL 3514. Mais, en pays franc, BHL 6039 fut concurrencée par une autre version du martyre de Nazaire et Celse, BHL 6043 (= 3516). Encore inédite à ce jour, et conservée dans un petit nombre de témoins, cette Passion n’en joua pas moins un rôle déterminant dans l’évolution du dossier hagiographique des martyrs milanais, car ce furent ses différents dérivés (BHL 6042, 6040, 6041, etc.), et non BHL 6039, qui colonisèrent les premiers légendiers médiévaux. Déjà, U. Zanetti avait remarqué la proximité de cette recension latine, BHL 6043, avec le récit des Passions grecques, qu’elle reproduit partiellement23: la Passion BHL 6043 s’ouvre en effet sur l’arrestation d’Embrun (§ 8 des recensions grecques) et s’aligne par la suite sur le récit grec, qu’elle reproduit fidèlement, à quelques omissions près. Or BHL 6043 n’est pas le rejeton de notre hypothétique remaniement provençal: c’est plutôt, comme le révèle l’étude des manuscrits et l’édition du texte (voir ci-dessous), une traduction d’un texte grec apparenté aux recensions BHG 1323-1323d. Plusieurs éléments rendent ce fait manifeste: BHL 6043 adopte des graphies hellénisantes, contre l’usage occidental: Celsius (Kέλσιος) pour Celsus; Anulianus (VIII.1: cf. Ἀνουλιανός dans BHG 1323d) pour Anulinus; Cyrasius (Κερατίων dans BHG 1323d) pour Ceratius. Le martyre des quatre saints n’est pas fixé au 28 juillet (fête occidentale de Nazaire et Celse) ou au 19 juin (fête occidentale de Gervais et Protais) mais au 13 décembre (X.6: die idus decembris), une date qui se rapproche davantage des

22 En Orient, les recensions BHG 1323, 1323d et 1323e s’imposèrent en effet au détriment de la Passion romaine des saints Gervais et Protais, BHL 3514. Celle-ci ne fut guère connue que sous la forme d’une traduction partielle, BHG 67a (Invention de Gervais et Protais), au demeurant rattachée au dossier d’Ambroise de Milan. Pour Gervais et Protais, comme pour Nazaire et Celse, on utilisait les recensions BHG 1323, 1323d, 1323e ou leurs dérivés ultérieurs: cf. ZANETTI, Les Passions des saints, p. 79 sq. 23

Cf. ibid., p. 78 sq.

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fêtes orientales de Nazaire et Celse, célébrés le 14 octobre (cf. BHG 1323: μηνὶ ὀκτωβρίῳ ιδ´), ou le 13 novembre (cf. BHG 1323d: τῇ τρισκαιδεκάτῃ τοῦ τρίτου μηνός)24. BHL 6043 reproduit la syntaxe et le rythme de la phrase grecque, au détriment des usages latins: abus du participe (y compris substantivé); recours aux conjonctions quoniam et quia pour introduire les complétives (de préférence à la proposition infinitive); interrogation indirecte à l’indicatif (III.2: unde ueniet auxilium tuum); omniprésence des mots et particules de liaison et, quoque, autem, uero (pour traduire le δέ et le καί en tête de phrase); calque de l’ordre des mots, des cas, du temps des verbes et de leurs constructions (IV.1: missi ducere pour ἀποσταλέντες / πεμφθέντες ἀγαγεῖν); mimétisme prépositionnel (IV.4: circa faciem pour κύκλῳ τοῦ προσώπου dans BHG 1323). Certaines leçons de BHL 6043 s’expliquent par des fautes de lecture, des confusions, des faux-sens et des contresens du traducteur: quaeso (II.4) traduit ζήτω, par confusion entre les verbes ζῶ («vivre») et ζητῶ («demander»); rursus aspice (III.2) traduit ἄνω βλέπε (BHG 1323), par faux-sens sur ἄνω («vers le haut» ou «de nouveau»); confiteri (IV.3) résulte sans doute d’une confusion entre les verbes ἀπολογοῦμαι (BHG 1323: «plaider sa cause», «se défendre») et ὁμολογοῦμαι («avouer»); tempestates (IV.5) est un faux-sens sur ζαλήν (BHG 1323), qui, selon le contexte, peut signifier «tempête» ou «infortune»; περικλάσαντες (BHG 1323: «faire fléchir», «courber») a donné confringebant (IV.8: «briser»), par mimétisme lexical (περι- → cum- / con-; κλῶ → frango); la phrase Respexitque Dominus super animam Nazarii et in praecordiis eius commemorans, etc. (VI.1, pour καὶ ἐφεῖδεν ὁ θεὸς ἐπὶ τὴν ψυχὴν Ναζαρίου καὶ σπλαγχνισθεὶς ἐμνήσθη, etc.) résulte d’un contresens sur σπλαγχνίζομαι, «avoir les entrailles remuées», «être ému», et non pas «sonder les entrailles, le cœur de quelqu’un»; sic (VI.5) traduit sans doute ὄντως (BHG 1323: «réellement»), confondu avec οὕτως («ainsi»); en VII.1, et cupienti ei uenit uox traduit καὶ ἀθυμοῦντος ἦλθεν φωνή (BHG 1323), par faux-sens sur ἀθυμῶ («être découragé»), abusivement rapproché de θυμός («désir»); quandoque (IX.1), «à chaque fois que», traduit ὅταν + subjonctif, qui avait ici valeur d’éventuel et non de répétition; en X.4, la phrase eo et uolente offerre filiam suam sanctis martyribus gloria dei abscondit eos, résulte d’un contresens sur τῆς δόξης τοῦ θεοῦ (BHG 1323), interprété comme un complément d’agent: αὐτοῦ καὶ θέλοντος προσαγαγεῖν τὴν θυγατέρα τοῖς μάρτυσιν τῆς δόξης τοῦ θεοῦ κεκρυμμένοι αὐτοὶ ἐγένοντο; en XII.1, le traducteur a confondu ἐπί + génitif («au temps de») avec ἐπί + accusatif («jusqu’à»): il a donc traduit ἐπὶ τῆς ἡμετέρας γενεᾶς (BHG 1323) par in nostram aetatem.

Traduite du grec, BHL 6043 ne saurait pour autant se rattacher directement à aucune des recensions grecques qui nous sont parvenues. Elle n’a manifestement pas été élaborée sur l’épitomé BHG 1323e. Elle entretient souvent, notamment dans le détail du texte, des rapports très étroits avec BHG 1323, contre la recension parallèle BHG 1323d. Mais, sur cer24

Cf. ZANETTI, Les Passions des saints, p. 87.

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tains points, résumés par BHG 1323, elle adopte le récit plus circonstancié de BHG 1323d (les propos des marins au § 12, les effusions de Nazaire et Celse au § 13, la liesse dans la maison de Cyrasius au § 16). On peut donc estimer que le traducteur latin avait entre les mains un texte proche de la Passion grecque source des recensions BHG 1323 et 1323d. Mais le modèle grec utilisé par BHL 6043 n’était pas exempt de corruptions. En plusieurs endroits, le texte latin présente en effet un texte altéré par rapport aux recensions grecques, sans doute à cause des lacunes et des corruptions de son modèle oriental (à moins que ces lacunes ne soient le fait du traducteur lui-même): BHL 6043

BHG 1323

BHG 1323d

IV.3: Tu et cum ducereris in carcerem dicebas non esse homines sed sine humanitate

10: Σὺ καὶ καὶ ἀπαγό παγόμενος εἰς τὴν εἱρκτὴ ρκτὴν κατακλεισθῆ κατακλεισθῆναι ἔλεγες «ὁ βασιλεὺς ὑμῶν» καὶ οὐκ ὠνόμασας «ὁ βασιλεὺς ἡμῶν Νέρων» καὶ νῦν λέγεις οὐκ «ἄνΘρωποι» ἀλλ᾿ λλ᾿ «ἀπάνΘρω πάνΘρωποι Θρωποι» ποι»

10: Κα αὶ σὺ ἀπαγ ἀπαγό παγόμενος ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ δεσμωτηρίῳ ἀποκλεισθῆ ποκλεισθῆναι εἴρηκας «ὁ βασιλεὺς ὑμῶν» καὶ οὐκ ὠνόμασας «ὁ βασιλεὺς ἡμῶν Νέρων» καὶ νῦν λέγεις οὐχὶ «ἄ ἄνΘρωπε» ἀλλ᾿ λλ᾿ «ἀπάν «ἀπάνπάνΘρωπε»

IV.7: Qui dedit timeri se, ipse mihi adnuntiauit

10: Ὁ δεδωκὼ τοῖῖς φοβουδεδωκὼς το φοβουμένοις αὐτὸν τὸ βλέπειν τὰ ἀλλαχοῦ γινόμενα, αὐτός μοι ἀπήγγειλεν

10: Ὁ δεδωκὼ δεδωκὼς τοῖ τοῖς φοβου φοβουμέ βουμέμένοις αὐτὸν ὀπτασίαν, αὐτός μοι ἀπήγγειλεν

VII.3: dicens quoniam oportet credere et non colere deos neque daemones…

13. διδάσκων ὅτι οὐ δεῖ δεῖ μαγεύειν, οὔτε φαρμακεύειν, οὔτε φαρμάκων ἀνέχεσθαι οὔτε ὑποκριτῶν, οὔτε ἐκ τῆς γῆς φωνεῖν, οὔτε ἐγγαστριμύθων ἀκούειν, οὔτε ἐπαοιδοῖς πιστεύειν, οὔτε λατρεύειν τοῖ τοῖς θεοῖ θεοῖς οἵτινές εἰσιν δαίμονες δαίμονες… μονες

13. καὶ ἐδίδασκεν Ναζάριος μετὰ παρρησίας μεγάλης, καὶ οὐ συνεχώρει τοῖς Ἰουδαίοις μαγείας ποιεῖν, οὔτε τοῖς φαρμάκοις φαρμακείας, οὔτε τοῖς ὑποκριταῖς, οὔτε τοῖς ἀπὸ τῆς γῆς φωνοῦσιν, οὔτε ἑτέρων μύθους ἀκούειν, οὔτε τοῖς ἐπαοιδοῖς πιστεύειν, οὔτε λατρεύ λατρεύειν τρεύειν θεοῖ θεοῖς οὔ οὔτε δαι δαιμονίοις… μονίοις…

Peut-être le modèle grec de BHL 6043 était-il aussi déjà écourté par rapport à celui que connaissaient BHG 1323 et 1323d. La traduction latine omet en effet tous les épisodes antérieurs à l’arrestation d’Embrun (au § 8 des recensions grecques) et les remplace par un petit chapeau d’introduction (I.1). À la fin du récit, elle n’en évoque pas moins, comme ses homologues grecques, le châtiment divin qui s’abat sur Dénobaus. Cet épisode n’est d’ailleurs guère compréhensible dans BHL 6043, car Dénobaus n’y est mentionné nulle part auparavant; dans les recensions grecques,

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en revanche, il apparaît au début du récit, avec la fonction de préfet des Gaules: il fait arrêter Nazaire avant de le relâcher sur l’injonction de sa femme (§ 6). Il est donc possible que le modèle grec suivi par BHL 6043 ait amputé, de sa propre initiative, le récit dont il disposait, pour centrer le texte sur la Passion proprement dite (arrestation, procès, épreuves et exécution finale), au détriment des premiers paragraphes (enfance de Nazaire à Rome, missions évangélisatrices en Italie et en Gaule). Dans le même temps, il resserrait l’aire géographique de son récit sur trois villes, Embrun (arrestation de Nazaire et Celse), Gênes (résurrection de Celse) et Milan (martyre de Nazaire, Celse, Gervais et Protais), supprimant les allées et venues intermédiaires entre Rome et l’Afrique25. traduction grecque perdue

BHG 1323 BHG 1323e

BHG 1323d

remaniement grec perdu BHL 6043

La date de la traduction BHL 6043 n’est pas aisée à déterminer de manière précise. Elle est postérieure aux Passions tardo-antiques des Ve et e VI siècles (BHL 6039 et la traduction grecque), mais antérieure à ses propres dérivés du VIIIe siècle (cf. ci-dessous § 3). Au IXe-Xe siècle, on la rencontre dans un manuscrit franc (Vaticano, BAV, Reg. lat. 612), puis en Autriche (Kremsmünster, SB, CC 34) et en Aquitaine (Paris, BnF, lat. 5306). Elle a par ailleurs laissé des descendants précoces en pays franc, dès l’époque mérovingienne (BHL 6042, cf. ci-dessous § 3). Peut-être figurait-elle aussi dans cette collection de Passions (dont un grand nombre de traductions), qui passa de Gaule méridionale en Bavière au cours du e VIII siècle: une Passio sanctorum martyrum nazarii celsi geruasii et protasii figurait en effet dans un passionnaire franc, dont le sommaire fut recopié à la fin du VIIIe siècle par un copiste de Benediktbeuern26. Comme 25

Dans les recensions grecques (§ 13bis-14), Anolinus fait expulser Nazaire de Milan sur un char conduit à vive allure, accompagné d’une escorte censée ne pas lui laisser un moment de répit. Nazaire, mené à Rome et en Afrique, convertit le reste de sa famille, avant de revenir à Milan pour y recevoir le jugement de Néron. La Passion BHL 6043, elle, supprime les étapes africaines et romaines: aussitôt expulsé, Nazaire est de nouveau reconduit à Milan par les soldats d’Anolinus pour y subir la sentence capitale (§ VIII). 26

München, BSB, Clm. 4554, f. 1r-v (G. GLAUCHE, Katalog der lateinischen Handschriften der Bayerischen Staatsbibliothek München. Die Pergamenthandschriften aus Benediktbeuern Clm 4501-4663 [= Catalogus codicum manu scriptorum bibliothecae Monacensis, III. Ser. noua, 1], Wiesbaden, 1994, p. 80-82). Le légendier Clm. 4554 fut copié à la fin du VIIIe s., à Be-

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ce passionnaire franc est aujourd’hui perdu, on ignore si cette Passion des quatre saints milanais correspondait à BHL 6043 ou à son remaniement BHL 6042. Ce qui est sûr, c’est que les deux textes étaient connus en Bavière à la fin du VIIIe siècle, date à laquelle ils furent utilisés par l’éditeur du légendier abrégé bavarois (v. ci-dessous, § 4). La présence de BHL 6043 en France et en Allemagne, au cours du e VIII siècle, n’implique toutefois pas nécessairement que la traduction y ait été réalisée. À cette époque, en effet, les pèlerins francs ramenaient d’Italie des libelli hagiographiques, qu’ils inséraient ensuite dans leurs propres manuscrits. Ce fut le cas pour bien des textes transmis par le passionnaire franc évoqué ci-dessus. Il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce que la traduction BHL 6043 ait été réalisée dans l’Italie des VIe-VIIe siècles, encore partiellement sous domination byzantine. BHL 6043 aurait ensuite franchi les Alpes pour gagner la France et l’Allemagne, comme tant d’autres textes hagiographiques: l’un de ses dérivés carolingiens semble d’ailleurs originaire d’Italie du Nord (BHL 6040, v. ci-dessous, § 4), tandis qu’un autre vit le jour en Alamannie, sur la route des pèlerinages vers Rome (BHL 6042c, v. ci-dessous, § 4). 3. Le remaniement franc BHL 6042 (= 3515) Bien que peu répandue dans les manuscrits, la traduction BHL 6043 n’en détermina pas moins de manière décisive l’avenir du dossier de Nazaire et Celse. Avant 750, elle avait en effet engendré une nouvelle Passion latine, BHL 6042 (= 3515), qui fut sans doute, en Occident, le récit le plus connu du martyre de Nazaire, Celse, Gervais et Protais. Cette Passion BHL 6042, souvent littéralement fidèle à son modèle, s’ouvre également sur l’arrestation d’Embrun et suit quasiment la même progression narrative, avec les mêmes éléments qu’avait introduits la tradition grecque (résurrection de Celse à Gênes, martyre et invention commune de Gervais, Protais, Nazaire et Celse). Bien qu’étroitement apparentées, les deux Passions latines BHL 6043 et 6042 n’en diffèrent pas moins sur un point important: l’auteur de BHL 6042 a remanié BHL 6043 pour fusionner plus étroitement les dossiers de Nazaire et Celse et de Gervais et Protais. Ces derniers ne sont plus simplement des confesseurs milanais visités par Nanediktbeuern, à partir d’un passionnaire franc qui n’a pas été conservé. Le copiste de Clm. 4554 ne recopia pas tous les textes de son modèle (il ignora notamment la Passion de Nazaire, Celse, Gervais et Protais) mais il prit soin d’en reproduire le sommaire, édité depuis par F. WILHELM – K. DYROFF, Die lateinischen Akten des hl. Psotius, in Münchener Museum für Philologie des Mittelalters und der Renaissance, 1 (1912), p. 193-195.

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zaire et exécutés en sa compagnie: ils sont désormais présentés comme de jeunes disciples de Nazaire, au même titre que Celse. Aussi sont-ils arrêtés à Embrun en sa compagnie et comparaissent-ils avec lui devant Néron; ils sont ensuite dirigés sur Milan, tandis que Nazaire et Celse sont abandonnés en pleine mer. Tous sont finalement exécutés à Milan, comme dans BHL 6043, mais leur invention commune y est désormais inspirée du récit qu’Augustin avait consacré à Gervais et Protais27, et qui se trouve ici étendu aux quatre martyrs milanais. L’origine de ce remaniement, probablement effectué dans les premières décennies du VIIIe siècle, semble assez aisée à déterminer. Tous les premiers témoins de BHL 6042 désignent en effet le nord de la France: on l’y trouve dès 750, sans doute dans les environs de Soissons, puis vers 800, à Saint-Amand28. Or, la cathédrale de Soissons était précisément dédiée à Gervais et Protais. Ceux-ci disposaient certes d’une Passion romaine depuis le Ve siècle (BHL 3514), mais elle était encore peu diffusée avant l’époque carolingienne29. Sans doute éprouva-t-on le besoin, à Soissons, de confectionner une Passion de Gervais et Protais à partir du texte dont on disposait sur place, la Passion BHL 6043, qui les associait déjà à Nazaire et Celse. Le sigle BHL 6042 (ou 3515) recouvre, il est vrai, deux textes légèrement différents, de longueur inégale. À côté de la version longue, publiée par les Bollandistes sur la base d’un manuscrit namurois du XIIe-XIIIe siècle30, il existe en effet, avec les mêmes incipit et explicit, une forme un peu plus courte, encore inédite, mais signalée par U. Zanetti en 197931. La forme longue se rencontre à la fin du VIIIe siècle à Saint-Amand (Wien, ÖNB, lat. 371); mais l’archétype de la forme courte, lui, circulait déjà aux environs de Soissons avant le milieu du VIIIe siècle: c’est en effet vers 750 27

Cf. Augustin, Confessiones, IX.7.16, éd. VERHEIJEN… (cf. supra, n. 2), p. 142.

28

München, BSB, Clm. 3514 (milieu du VIIIe s.; sans doute originaire de la région de Soissons; propriété au XVIIe s. de l’érudit Marc Velser, d’où son surnom de codex Velseri), p. 245-252; Torino, BNU, D.V.3 (fin du VIIIe s.; sans doute originaire de la région de Soissons), f. 260v-265v; Wien, ÖNB, lat. 371 (fin du VIIIe s.; Saint-Amand), f. 104v-108. 29 BHL 3514 figure bien, il est vrai, dans le légendier de Saint-Amand (Wien, ÖNB, lat. 371), où elle succède immédiatement à la Passion BHL 6042; mais les deux légendiers précarolingiens originaires de la région de Soissons (München, BSB, Clm. 3514 et Torino, BNU, D.V.3) ne connaissent pas d’autre texte pour Gervais et Protais que BHL 6042. 30 Namur, Bibl. du Musée Archéologique, Fonds de la Ville, Cod. 53; cf. Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae Namurcensis, in AB, 2 (1883), p. 302-307. 31

Cf. ZANETTI, Les Passions des saints, p. 78. Le texte de cette version courte sera publié prochainement par mes soins dans le cadre du projet international Expertise des textes hagiographiques mérovingiens dans leurs plus anciennes versions manuscrites (Fondation Maison des Sciences de l’Homme, Deutsche Forschungsgemeinschaft, Villa Vigoni).

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qu’elle fut copiée dans le codex Velseri (München, BSB, Clm. 3514), puis, quelques décennies plus tard, dans un légendier apparenté, issu de la même aire géographique (Torino, BNU, D.V.3)32. L’antériorité et la provenance soissonnaise des témoins de la version courte ne prouvent toutefois nullement que celle-ci ait été à l’origine de la recension longue: de fait, il n’est pas rare que la forme originelle d’un texte soit préservée dans des manuscrits situés en périphérie de sa zone de production. En comparant les deux recensions, on s’aperçoit d’ailleurs aisément que la version courte ne peut être qu’un remaniement de la version longue. Celle-ci est en effet restée beaucoup plus proche de BHL 6043, et a donc conservé des données originelles (en italiques ci-dessous), supprimées par l’auteur de la version courte: BHL 6043

BHL 6042 (version longue)

BHL 6042 (version courte)

II.1-2: Cumque Nero huiuscemodi litteras accepisset, repletus ira et furore, dicit Dentoni magno militi suo: «Celeriter proficiscens cum multis militibus inquire hominem Nazarium nomine, perturbantem seditionibus ciuitates et murmurantem in maledictis aduersum deos et fines regionum contaminantem». Dento autem accipiens litteras Neronis et idoneos milites, inquirens inuenit Nazarium in ciuitate quae dicitur Ebredunum, aedificantem oratorium contra orientem

AB, 2 (1883), p. 303, l. 5-10: Cumque Nero huiusmodi litteras accepisset, repletus ira et furore, dicit Dentoni magno militi suo: «Celeriter proficiscens cum multis militibus inquire hominem Nazarium perturbantem seditionibus ciuitates et murmurantem in maledictis aduersum deos, et fines regionum contaminantem». Dento autem accipiens litteras Neronis et idoneos milites, inquirens inuenit Nazarium in ciuitate quae dicitur Ebredunum, aedificantem oratorium contra Orientem, et cum eo duos pueros, Geruasium et Protasium...

München Clm 3514, p. 246: Cumque Nero huiuscemodi litteras accepisset, misit Dentonem comitem cum militibus ad perquirendum sanctum Nazarium. Qui cum ad ciuitatem Ebredunensem uenisset, inuenit Nazarium aedificantem oratorium et cum eo duos iuuenes Geruasium et Protasium…

III.3: Statimque misit Nero uenatores ferarum et iussit deduci de sublimioribus montibus Galliarum diuersi generis feras. Dominus uero Nazarii misit spiritum iracundiae et abegit omnes feras ex subli-

AB, 2, p. 303, l. 24-32: Alia uero die misit Nero uenatores ferarum, et iussit deduci de sublimioribus montibus Galliarum diuersi generis feras. Ipse autem secessit ad praedium, ut uoluptatibus reso-

München Clm 3514, p. 247: Alia autem die iussit Nero preparari diuersi generis feras et secessit ad praedium ut uoluptatibus resolutus uacaret. Nocte irruentes fere iracundiae spiritu incitate turbaue-

32

La collation du texte donné par München, BSB, Clm. 3514 (milieu du VIIIe s.) et par Torino, BNU, D.V.3 (fin du VIIIe s.), permet d’écarter l’hypothèse que la Passion de Nazaire, Celse, Gervais et Protais, ait été copiée dans le second d’après le premier. Tous deux dérivent ici d’un même archétype, qui remonterait donc à la première moitié du VIIIe s.

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mioribus: et quaerebant eas uenatores Neronis et non inueniebant. Ingredientes uero ferae in ira spiritus dissoluerunt muros orti in quibus erat Nero et detraxerunt iacintinis et margaritis exornata tentoria Neronis, et circumdederunt concubinas eius et disperserunt sanguinem et carnes armigerum eius. Nero autem morsu lacerato pede solus fugit. Tunc timuerunt ualde cum abigerentur ferae quae ab spiritu iracundiae uenerant

lutus uacaret. Deus uero Nazarii spiritum iracundiae misit, et abegit omnes feras ex sublimioribus montibus, et quaerebant eas uenatores Neronis et non inueniebant. Nocte uero irruentes ferae, iracundiae spiritu incitatae, dissoluerunt muros horti in quo erat Nero, et destruxerunt iacinto et margaritis exornata tentoria Neronis et circumdederunt concubinas eius et disperserunt sanguinem armigeri eius. Nero autem morsu lacerato pede solus tunc euasit. Timuerunt milites ualde cum abigerentur ferae quae a spiritu iracundiae incitatae uenerant

runt exornata tentoria Neronis et disperserunt concubinas eius, sanguinem etiam armigerorum fuderunt. Nero autem lacerato pede inter turbas elapsus est

III.4 – IV.5: Intelligens uero sanctus Nazarius cum esset in carcere omnia quae facta erant, ait puero: «Mittens mittit ad nos Nero. Ego autem tradam te mulieri uiduae. Ne ergo timeas neque contristeris: uenies autem ad nos citius Domino adiuuante». Nero autem elatus dixit omnibus qui erant in domo eius: «Non amici, non fratres, sed domestici mei estis. Irascentes dii tradiderunt omnes proximos meos feris et non potuerunt uenatores mei praecurrentes perducere, quoniam irritauit eos Nazarius». Post duos uero menses sedit Nero macer et miser, turpis uisu. Sanctus uero Nazarius exultauit in hora illa; et continuo steterunt ante ianuas ubi erat Nazarius milites Neronis, missi ducere eum ligatum. Suspiciens uero Nazarius in cae-

AB, 2, p. 303, l. 33 – 304, l. 30: Intelligens uero sanctus Nazarius, cum esset in carcere, omnia quae facta erant, ait puero: «Mittens mittet ad nos Nero, et tradam te mulieri uiduae. Ne ergo timeas neque contristeris. Venies autem ad nos citius, deo adiuuante». Nero autem elatus, omnibus qui erant in domo eius dixit: «Non amici, non fratres, sed domestici mei estis. Irati dii tradiderunt omnes proximos meos feris, et non potuerunt uenatores mei praecurrentes perducere, quoniam irritauit eos Nazarius». Post duos uero menses sedit Nero macer et miser et turpis uisu. Sanctus autem Nazarius exultauit hora illa. Et continuo steterunt ante ianuas ubi erat Nazarius milites Neronis, missi ducere eum ligatum. Suspiciens uero Nazarius in coelum, ibat cum

München Clm 3514, p. 247: Intellegens Nazarius que acta fuerant, retulit Geruasio et Protasio dicens eis: «Cras missurus est Nero et educit nos de hoc carcere». Postero uero die sedit Nero furens et aestuans turpis uisu et iussit sibi afferri Nazarium Geruasium et Protasium. Cumque statuissent eos ministri ante tribunal Neronis, tenebrae factae sunt super faciem Neronis et sanctorum facies uisae sunt sicut sol. Admirantesque ministri dixerunt: «Dii nostri obscurauerunt Caesari et deus christianorum illuminauit eos». Nero ait: «Malefici propter uos passus sum tempestatem a diis meis et incurri ferarum rabiem»

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS lum, ibat cum militibus et puer cum eo. In media uero uia mulier quaedam uidua exclamauit dicens: «Homo Dei, quare uadit puer iudicari tecum ?» Et dixit Nazarius puero: «Vade ad illam quia ipsa est mater tua». Et commendauit eum mulieri dicens ei: «Quandoquidem uocatus fuerit semel, mitte illum». Et percussit unus miles puerum. Dixitque sanctus Nazarius: «Non homo, sed inhumane, quare percussisti puerum ?» Et trahentes Nazarium milites calcibus uexauerunt eum dicentes ei: «Tu et cum ducereris in carcerem dicebas non esse homines sed sine humanitate. Neroni te oportet confiteri quia moechatus es cum muliere hac et habes puerum hunc». Suspirante uero Nazario, concidit miles ille in faciem et ruens super saxum amisit oculum dextrum ibique remansit. Continuo uero constituerunt Nazarium ante tribunal Neronis et circa faciem Neronis tenebrae factae sunt. Circa faciem uero Nazarii sicut solis radii uisi sunt. Carnifices autem dixerunt: «Vere dii obscurauerunt Caesarem et deus Nazarii illuminauit eum». Nero autem obscuratus simul et contristatus propter concubinas et casum quem pertulerat et quia plagatus erat pede, tardius interrogauit Nazarium dicens: «Malefice, propter te passus sum tempestates a diis meis et inuentus sum in ira ferarum agrestium. Dignus est enim sanguis tuus ut pereat»

militibus et puer cum eo. In media uero uia mulier quaedam uidua exclamauit: «Homo dei, quare uadit puer iudicari tecum ?» Et dixit Nazarius puero: «Vade ad illam, quia ipsa est mater tua». Et commendauit eum mulieri, dicens ei: «Quandoquidem uocatus fuerit semel, mitte illum». Et percussit unus miles puerum. Dixit uero sanctus Nazarius: «Non homo sed inhumane, utquid percutis puerum ?» Et trahentes milites Nazarium, calcibus uexauerunt eum, dicentes ei: «Tu et cum ducaris in carcerem, dicis nos non esse homines sed sine humanitate. Neroni te oportet confiteri quia moechatus es cum muliere hac quae habet puerum hunc». Suspirante uero Nazario, continuo perduxerunt eum et statuerunt ante tribunal Neronis. Et tenebrae factae sunt super faciem Neronis, et sanctorum facies uisae sunt sicut sol. Et admirantes ministri dixerunt: «Dii nostri obscurauerunt Caesarem et deus christianorum illuminauit eos». Repletus ira Nero, obscuratus simul et contristatus propter concubinas et casum quem pertulerat, et quia plagatus erat pede, ait ad sanctum Nazarium dicens: «Malefici, propter uos passus sum tempestatem a diis meis et incurri ferarum rabiem. Digni igitur estis ut in sanguine uestro pereatis»

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C. LANÉRY

VII.1: Cumque uenissent in ciuitate Genuensi, puer mortuus erat qui cum eodem eleuatus fuerat ex mari, et non ascendebat ei spiritus neque loquebatur. Confirmatus autem Nazarius orauit dicens…

AB, 2, p. 306, l. 3-5: Nazarius uero abiit cum Celso puero. Cumque uenissent in ciuitatem Genuensem, puer est mortuus, et non erat in eo spiritus neque loquebatur. Confirmatus autem Nazarius orauit dicens...

Torino D.V.3, f. 262v33: Nazarius uero abiit cum Celso puero in ciuitate que uocatur Ienua. Ibique Celsus puer amisit spiritum et non erat in eo spiritus neque loquebatur. Constans autem animo et fidens de Dei misericordiam, sanctus Nazarius orauit dicens…

Le remaniement dont fit l’objet la version longue n’obéissait pourtant pas qu’à une logique d’abbreviatio: en impliquant davantage Gervais et Protais dans le tissu de la narration, l’auteur de la recension longue avait en effet commis quelques maladresses. Gervais et Protais, notamment, participaient désormais au procès devant Néron, en compagnie de Nazaire; mais seul ce dernier et l’enfant Celse étaient sortis de prison pour être conduits devant son tribunal. Le rédacteur de la version courte se chargea donc de corriger toutes ces incohérences au profit d’une narration plus fluide. BHL 6043 (VIe-VIIe s. ?) BHL 6042 (recension longue) BHL 6042 (recension courte)

München, BSB, Clm. 3514 (ca. 750) Torino, BNU, D.V.3 (fin du VIIIe s.)

4. Formes contaminées Avec BHL 6043 et 6042, le dossier de Nazaire, Celse, Gervais et Protais, se trouva enrichi de nouveaux textes, qui commencèrent à circuler de pair avec les Passions tardo-antiques BHL 6039 et 3514. Les contaminations étaient inévitables et se produisirent en effet dès les débuts de l’époque carolingienne.

33 Le manuscrit München, BSB, Clm. 3514, souffre d’une lacune d’un folio à cet endroit (entre les p. 250 et 251).

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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a. Les révisions italiennes: BHL 6040 et 6041 Dans les régions où circulait déjà la Passion milanaise BHL 6039, donc essentiellement en Italie, l’apparition de la traduction BHL 6043 engendra une forme contaminée, BHL 6040, publiée par les Bollandistes sur la base d’un légendier de Cologne du XIIIe siècle34. Cette Passion résume BHL 6039, dont elle reprend des données caractéristiques (dialogue de Nazaire avec son père, rôle mineur de Gervais et Protais, etc.); comme BHL 6039, elle ignore encore la résurrection de Celse à Gênes, mais situe à Embrun l’arrestation de Nazaire et Celse, à l’instar de BHL 6043. C’est d’ailleurs à celle-ci qu’elle emprunte sa partie finale, à partir de la vision de Cyrasius: les § 7-8 de BHL 6040 résument en effet la fin de la Passion BHL 6043 (X.2-XII.3). Attestée dans des manuscrits carolingiens en lien avec l’Italie du Nord35, la Passion BHL 6040 circula également, dès le IXe siècle, en Alamannie et en Autriche36; il est vrai que Nazaire était très honoré à Lorsch, où ses reliques avaient été transférées dès 765 par l’évêque Chrodegang de Metz37. Mais, en dépit de cette diffusion précoce au nord des Alpes, il 34 Bruxelles, BR, 98-100; cf. Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae regiae Bruxellensis, t. 1 (= Subs. hag., 1/1), Bruxelles, 1886, p. 50-54. 35

Elle se rencontre notamment dans le légendier de Bobbio (Vaticano, BAV, Vat. lat. 5771, fin du IXe s.) et dans un manuscrit originaire du lac de Constance, mais riche en textes milanais (Stuttgart, WLB, HB.XIV.14, 2de moitié du IXe s.). 36

La Passion BHL 6040 est attestée au IXe s. en Autriche (Graz, UB, 412, 1re moitié du IX s.), ainsi que dans différents témoins d’une collection bavaro-alamannique d’époque carolingienne (Bruxelles, Bibl. des Bollandistes, 14; Sankt-Gallen, SB, 577). e

37

À cette occasion, le monastère de Lorsch avait reçu une Passion de Nazaire, ramenée de Rome par les envoyés de Chrodegang (cf. Chronicon Laureshamense, 134b, éd. K. GLÖCKNER, in Codex Laureshamensis, t. 1, Darmstadt, 1929, p. 405: Cuius passionis sive revelationis locum tempus et ordinem si quis plenius nosse desiderat ex armario Laureshamensi ab apostolica sede antiquitus illo directa mutuari poterit). Sans doute cette Passion non identifiée correspondait-elle au texte évoqué dans le catalogue de l’abbaye, vers 860 (Passio sancti Nazarii et Celsi pueri in uno codice): pour M. M. TISCHLER, Die Miracula S Nazarii Laureshamensia und andere Nazarius-Texte aus dem Kloster Lorsch, in Scripturus vitam. Lateinische Biographie von der Antike bis in die Gegenwart. Festgabe für Walter Berschin zum 65. Geburtstag, éd. D. WALZ, Heidelberg, 2002, p. 207-230, il pourrait s’être agi de la recension BHL 6042; mais pour A. HÄSE, Mittelalterliche Bücherverzeichnisse aus Kloster Lorsch. Einleitung, Edition und Kommentar (= Beiträge zum Buch- und Bibliothekswesen, 42), Wiesbaden, 2002, p. 33, il se serait plutôt agi de la Passion tardo-antique BHL 6039. Quoi qu’il en soit, c’est bien la recension contaminée BHL 6040 qui fut adaptée au XIVe s. pour accompagner un dossier sur Nazaire dans le légendier de Francfort (sans doute lui-même copié sur un exemplaire de Lorsch): Frankfurt-am-Main, Stadt- u. UB, Ms. Barth. 3 (a. 1356), f. 83-86 (cf. BHL 6040), 86r-v (cf. BHL 377, extr. = Paulin de Milan, Vita Ambrosii, § 32), 86v-88v (BHL 6050a, Miracula S. Nazarii Laureshamensia), 88v-89 (cf. BHL 1020, Passio SS. Basilidis, Cyrini, Naboris et Nazarii). Signalons en passant que la Passion de Basilide, Nabor et Nazaire, qui clôt le dossier sur

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C. LANÉRY

s’agissait bien d’un épitomé d’origine italienne. Tout en abrégeant la Passion milanaise BHL 6039, l’auteur de l’épitomé crut bon, en effet, d’ajouter une précision topographique absente de son modèle comme de BHL 6043: BHL 6040 (Catal. cod. hag. lat. bibl. regiae Bruxellensis, t. 1, p. 53): Et iter agentes venerunt ad ripam, et deposuerunt sanctum Nazarium in locum a Genuense urbe passus fere sexcentos, ubi pro ipsorum meritis orationes et uota soluuntur, et uocatur locus ad sanctum Peregrinum.

Ce détail topographique sur le culte de Nazaire à proximité de Gênes, pourrait être l’indice d’une origine locale. Nazaire et Celse étaient du reste fort honorés en Ligurie38, où l’on dut disposer précocement des Passions concernées: BHL 6039 était en usage auprès du clergé milanais, qui la diffusa en Ligurie durant son exil génois; quant à la traduction BHL 6043, elle ne dépare pas dans une région — la côte ligure — restée sous le contrôle des Byzantins jusque dans les années 64039. Mais l’abrégé BHL 6040, lui, ne vit sans doute pas le jour avant le VIIIe-IXe siècle. Par la suite, l’épitomé BHL 6040 fit lui-même l’objet d’une révision assez peu répandue, BHL 6041, que l’on rencontre à partir du XIe siècle dans plusieurs manuscrits en Italie centrale et méridionale. BHL 6041 ne s’écarte guère de son modèle, sauf pour lui apporter quelques corrections d’ordre historiographique (Néron ne meurt plus de la gangrène, mais simplement abandonné de tous); surtout, le récit de la translation est désormais emprunté à Paulin de Milan (Vita Ambrosii, § 32-33), directement cité par BHL 6041: BHL 6039 Passion de Nazaire et Celse Invention de Nazaire et Celse d’après la Vita Ambrosii, § 32-33 (résumé) BHL 6043 Passion de Nazaire, Celse, Gervais et Protais Invention de Nazaire, Celse, Gervais et Protais comme dans BHG 13231323d Nazaire dans ce légendier, est un texte médiéval assez tardif, sans doute originaire des régions rhénanes: les martyrs milanais Nazaire et Nabor y sont artificiellement joints au Romain Basilide, dans une Passion qui n’a aucun lien avec le dossier de Nazaire, Celse, Gervais et Protais, mais dérive plutôt de la Passion de Basilide BHL 1018: cf. LANÉRY, Hagiographie, p. 327 sq. 38 Sur la diffusion du culte de Nazaire et Celse en Ligurie (notamment pour faire pièce à l’arianisme lombard), cf. A. G. GAGGERO et al., Nazario e Celso antesignani della fede in Liguria: la loro opera, il loro culto in Liguria, Genova, 1967, passim. 39 En 569, l’évêque et une partie du clergé milanais, fuyant Milan tombée aux mains des Lombards ariens, se réfugièrent à Gênes, restée sous contrôle byzantin: cf. Paul Diacre, Historia Langobardorum, II.25, éd. L. BETHMANN – G. WAITZ, in Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Langobardicarum et Italicarum, Hannover, 1878, p. 86. Les Milanais ne retournèrent dans leur cité que dans les années 640, lorsque le Lombard Rothari (636-652) s’empara des ports ligures: cf. Paul Diacre, Historia Langobardorum, IV.45 (p. 135).

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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BHL 6040 Passion de Nazaire et Celse d’après BHL 6039 et BHL 6043 Invention de Nazaire et Celse d’après BHL 6043 BHL 6041 Passion de Nazaire et Celse d’après BHL 6040 Invention de Nazaire et Celse d’après la Vita Ambrosii, § 32-33 (citation directe) b. L’abrégé du légendier bavarois et la Passion BHL 6042c

La Passion BHL 6043 n’eut pas que des descendants français et italiens. Elle fut connue de manière assez précoce dans l’aire germanique, notamment en Alamannie et en Bavière, deux régions qui furent également assez vite en contact avec le remaniement franc BHL 6042. Il n’est donc pas étonnant d’y rencontrer des contaminations qui brassent des éléments empruntés à l’un et l’autre texte. C’est sans doute Arn de Salzbourg, qui, vers 800, introduisit en Bavière le texte BHL 6042 (version longue), en apportant avec lui à Salzbourg le légendier de Saint-Amand (Wien, ÖNB, lat. 371)40. L’éditeur qui, dans son entourage, composa le légendier bavarois, une compilation d’homélies, de Vies et de Passions abrégées41, utilisa en effet pour Nazaire, Celse, Gervais et Protais, la Passion que l’on trouvait dans ce légendier. Son résumé fait donc figurer Gervais et Protais aux côtés de Nazaire et Celse lors de l’arrestation d’Embrun et du procès devant Néron, comme dans BHL 6042; et, comme dans la version longue de ce récit, la première partie du procès se déroule en présence du seul Nazaire; Gervais et Protais ne sont introduits que dans un deuxième temps42. Mais l’auteur de la compilation utilisait plusieurs manuscrits et, selon toute apparence, il avait également en main un exemplaire de la traduction BHL 6043 (les correspondances spécifiques entre BHL 6043 et le légendier bavarois sont en italiques): 40

Cf. K. FOLTZ, Geschichte der Salzburger Bibliotheken, Wien, 1877, p. 11, et B. BISCHOFF, Mittelalterliche Studien, t. 3, Stuttgart, 1981, p. 103. 41 Sur la collection bavaroise, cf. J.-P. BOUHOT, Un sermonnaire carolingien, in Revue d’Histoire des Textes, 4 (1974), p. 181-223; G. FOLLIET, Deux nouveaux témoins du Sermonnaire carolingien récemment reconstitué, in Revue des études augustiniennes, 23 (1977), p. 155 sq.; M. DIESENBERGER, How Collections Shape the Texts: Rewriting and Rearranging Passions in Carolingian Bavaria, in Livrets, collections et textes. Études sur la tradition hagiographique latine, éd. M. HEINZELMANN (= Beihefte der Francia, 63), Ostfildern, 2006, p. 195224. En attendant l’édition complète de la collection que fournira M. Diesenberger, la Passion abrégée de Nazaire et Celse peut se lire aujourd’hui dans les manuscrits suivants: München, BSB, Clm. 14418 (IXe, Ratisbonne), f. 17v-19v; Würzburg, UB, MP.Th.q.15 (IXe, Freising), f. 131r-133v. 42 Cf. München, BSB, Clm. 14418, f. 18r-v: Cumque iam lassatus a minis iuberet amouere eum, iussit ut inducerentur Geruasius et Protasius.

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C. LANÉRY BHL 6043

BHL 604243

Abrégé du légendier bavarois

I.1: Sub Neronis imperio, regnante Domino nostro Iesu Christo, uir quidam Spiritu sancto repletus, nomine Nazarius, extitit, non solum christianae religionis adsertor…

AB, 2 (1883), p. 302, l. 1-2: Sanctus Nazarius secundum seculi dignitatem clarissimis natalibus Romae ortus, Spiritu sancto repletus, praedicabat…

München Clm 14418, f. 17v: Regnante Domino nostro Iesu Christo in perpetuum imperio uiri nequissimi Neronis uir quidam ex nobilis Romanae ortus ciuitate (sic) Nazarius nomine Spiritu sancto repletus et christianae religionis predicator…

III.1-2: Nazarius ait: «Meus rex uitam et inmortalitatem praestat; uester uero mortem et tenebras uobis credentibus in eum». Et cedentes os eius milites incluserunt eum cum cautela seruantes diligenter. Volente autem Nerone post triduum perdere Nazarium, facta est uox de caelo ad Nazarium dicens: «Meus es, Nazari, et confundetur Nero cum seruis suis. Rursus aspice in caelo unde ueniet auxilium tuum: ego autem odio habentes te confutabo»

AB, 2, p. 303, l. 22-23: Volente autem Nerone post triduum perdere eos, venit ad eos angelus Domini dicens: «Nolite timere; per uos confundetur Nero»

München Clm 14418, f. 18: Nazarius dixit: «Meus rex uitam aeternam prestat. Vester uero mortem aeternam». Volente autem Nerone post triduum eos perdere, uox de caelo uenit ad Nazarium dicens: «Meus es cum tuis Nazari. Et per te confunditur Nero cum suis. Aspice in caelum unde ueniet auxilium uestrum»

À côté de cet abrégé bavarois, qui brassait des éléments empruntés à BHL 6042 et 6043, il existait également, en Alamannie, une contamination plus sommaire et assez peu répandue, identifiée dans le Supplément de la Bibliotheca Hagiographica Latina sous le sigle BHL 6042c. Ce texte inédit suit la version courte BHL 6042, avant d’enchaîner sur BHL 6043, au prix d’une suture maladroite: BHL 6042 (version courte)

BHL 6043

BHL 6042c

München Clm 3514, p. 249: Tunc Nero ad aram eos deduci praecepit ut gustarent ex profanatis et pollutis. Cumque statuissent eos ministri ante aram, Nero dixit: «Si uultis uiuere sacrificate diis». Geruasius et Protasius dixerunt: «Non facimus quia uiuere praeoptamus»

IV. 8-9: Nero ait: «Quid magicis tuis fallis me et inrides deos meos ? Si uis uiuere, hodie eamus ad aram et immola diis». Et confringebant ceruicem sancti Nazarii constituentes eum ante aram ut gustaret ex mortuis et pollutis. Sanctus autem Nazarius dixit adstantibus militibus: «Per caput Neronis, quiescite a me parumper»

Sankt Gallen 563, p. 206: Tunc Nero ad aram eos deduci precepit ut confringerentur ceruices eorum constituentes eos contra aram ut gustarent ex mortuis et pollutis. Sanctus Nazarius dixit adstantibus militibus: «Per caput Neronis quiescite a me parumper»

43

Sur ces points précis, on n’observe aucune différence entre la version longue et la courte.

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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BHL 6042c nous a été transmise par un légendier de la fin du IXe siècle, précocement attesté à Saint-Gall (Sankt Gallen, SB, 563). Sans doute la contamination y fut-elle réalisée au cours du IXe siècle: BHL 6043 devait être connue dans la région, depuis qu’elle avait franchi les Alpes au début du VIIIe siècle; quant à la version courte de BHL 6042, elle semble avoir été rapidement diffusée dans les régions rhénanes, peut-être par l’intermédiaire du codex Velseri (München, BSB, Clm. 3514), passé en Alamannie au cours du IXe siècle44. c. La contamination française: BHL 3517-3519 Ce panorama des Passions de Nazaire, Celse, Gervais et Protais, ne serait pas complet si l’on n’évoquait pas brièvement la Passion BHL 35173519, fruit d’une contamination médiévale entre BHL 6042 (version courte) et la Passion romaine de Gervais et Protais, BHL 351445. Diffusée dans les légendiers — surtout français — depuis le Xe siècle, et déclinée sous deux formes (BHL 3518/3518a, BHL 3517/3519), cette Passion offrait un panorama complet des dossiers de Gervais, Protais, Nazaire et Celse, tels qu’ils circulaient au nord des Alpes: on y trouvait le récit du martyre de Vital et Valérie, parents de Gervais et Protais (BHL 3514, § 613), la Passion de Nazaire et Celse d’après BHL 6042, celle de Gervais et Protais d’après BHL 3514, et un, deux, voire trois récits d’Invention, tirés de BHL 3514 (pour Gervais et Protais), de BHL 6042 (pour Gervais et Protais), et même de la Vita Ambrosii, § 32-33 (pour Nazaire et Celse). Cette Passion contaminée se diffusa dans les grands légendiers du Moyen Âge central à partir d’une collection bénédictine originaire de France de l’Ouest. Les premiers témoins, quant à eux, étaient encore originaires de la moitié nord de la France (Chartres et Reims)46, ce qui n’a rien d’étonnant, si l’on considère que la version abrégée de BHL 6042 dut d’abord se diffuser à partir de la région soissonnaise.

44

Le plus ancien témoin de BHL 6042, version courte, était en effet connu à Wissembourg dès le milieu du IXe s.: cf. C. LANÉRY, Pour une nouvelle édition de la Passio Sebastiani (Arnobe le Jeune, BHL 7543), à paraître. Or, Wissembourg et Saint-Gall étaient d’autant plus liées qu’elles partagèrent un moment le même abbé, Grimald (abbé de Wissembourg à partir de 833 au moins, et abbé de Saint-Gall à partir de 841). 45 On trouvera une description plus précise de cette Passion BHL 3517-3519 dans ZANETTI, Les Passions des saints, p. 74 sq., et dans LANÉRY, Ambroise, p. 339 sq. 46 Chartres, BM, 507 (Xe, Chartres: BHL 3517); Vaticano, BAV, Reg. lat. 466 (Xe-XIe, Reims: cf. BHL 3518a).

262

C. LANÉRY

Aperçu général du dossier de Gervais, Protais, Nazaire et Celse BHL 377 (Paulin de Milan, Vita Ambrosii, § 32-33, a. 422) BHL 3514 (Ve s.) BHL 6039 (Passion milanaise, ca. 422-450) remaniement perdu (provençal ?) traduction grecque perdue (VIe ?)

remaniement grec perdu

BHL 6043 (VIe-VIIe ?)

BHG 1323

BHG 1323d

BHG 1323e

BHL 6042 (version longue)

BHL 6042 (version brève, avant 750 env.)

BHL 6040 (sans doute pas avant le VIIIe-IXe s.)

Légendier bavarois (ca. 800)

BHL 6042c (IXe s.) BHL 3517-3519 (IXe-Xe s.)

BHL 6041

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

263

II. Édition de BHL 6043 (= 3516) Comme on le voit sur le schéma représenté ci-dessus, la traduction BHL 6043 a joué un rôle pivot dans la construction du dossier des saints Nazaire, Celse, Gervais et Protais. Elle n’a pourtant été transmise que dans un petit nombre de manuscrits47: V VATICANO, BAV, Reg. lat. 612, f. 71v-78 (IXe-Xe s., recueil composite; France ?)48 K KREMSMÜNSTER, SB, CC 34, f. 90v-98 (2e m. du XIe s., légendier; Kremsmünster ?)49 P PARIS, BnF, lat. 5306, f. 128v-129v (XIVe s., 1re partie d’un légendier annuel; Aquitaine)50.

Ces trois manuscrits, déjà relativement tardifs, présentent une grande quantité de leçons particulières: P souffre de nombreuses omissions (I.1, VII.1, VII.2, IX.2, X.1), V présente des traces de reformulation carolin47 La liste donnée par BHLms pour BHL 6043 et 3516 est en partie erronée: le légendier de Spolète (Spoleto, Arch. Duomo, San Brizio, XIIIe s., f. 138) contient la fin de la Passion contaminée BHL 6040; quant aux manuscrits Paris, BnF, lat. 14363, lat. 14365, et Bruxelles, BR, 8059, ils contiennent BHL 6042. 48

Ce manuscrit est formé de trois parties copiées par des mains distinctes mais contemporaines: outre des textes relatifs au droit canon et à l’astronomie (f. 1-71), il contient deux Passions (f. 71v-92: Passion de Gervais, Protais, Nazaire et Celse + Passion du pape Sixte II, BHL 7811), suivies d’extraits d’une collection canonique pseudo-isidorienne (f. 92-94). Son origine exacte demeure inconnue, mais il contient des textes intéressant la Francie occidentale, comme les Formulae Parisienses, les Formulae Salicae, ou le capitulaire d’Herardus de Tours, promulgué en 858: cf. J. MERKEL, Ein westfränkisches Formelbuch, in Zeitschrift für Rechtsgeschichte, 1 (1861), p. 194-233; K. ZEUMER, Über die älteren fränkischen Formelsammlungen, in Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, 6 (1881), p. 85 sq. (Tours ou Paris); A. PONCELET, Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae Vaticanae (= Subs. hag., 11), Bruxelles, 1910, p. 389; P. W. FINSTERWALDER, Zwei Bischofskapitularien der Karolingerzeit. Ein Beitrag zur Kenntnis der bischöflichen Gesetzgebung des neunten Jahrhunderts, in Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Kanonistische Abteilung, 14 (1925), p. 338 sq. (Francie occidentale); E. K. RAND, Studies in the Script of Tours. I: A Survey of the Manuscripts of Tours, t. 1, Cambridge Mass., 1929, p. 205 (n’est pas originaire de Tours). 49

La Passion BHL 6043 figure entre les Passions de Georges (BHL 3367) et de Sixte II (cf. BHL 7811) mais le légendier ne semble pas suivre le circulum anni; cf. H. FILL, Katalog der Handschriften des Benediktinerstiftes Kremsmünster. T. 1: Von den Anfängen bis in die Zeit des Abtes Friedrich von Aich (ca. 800-1325) (= Österreichische Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-Historische Klasse, Denkschriften, 166), Wien, 1984, p. 95 sq. 50 Ce manuscrit constitue le premier volume d’un légendier aquitain per circulum anni apparenté au légendier de Moissac (le deuxième volume a été conservé sous la cote Paris, BnF, lat. 3809A). La Passion BHL 6043 y figure entre les Passions de Judas Cyriaque (BHL 7023) et de Quentin (BHL 7000). Cf. Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo XVI qui asservantur in Bibliotheca nationali Parisiensi, t. 2 (= Subs. hag., 2/2), Bruxelles, 1890, p. 43 sq.; W. LEVISON, Conspectus codicum hagiographicorum, in Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Merovingicarum, t. 7, éd. B. KRUSCH – W. LEVISON, Leipzig – Hannover, 1920, p. 638; F. DOLBEAU, Anciens possesseurs des manuscrits hagiographiques latins conservés à la Bibliothèque Nationale de Paris, in Revue d’Histoire des Textes, 9 (1979), p. 201; M. DÍAZ Y DÍAZ, La «Passio Mantii» (BHL 5219). Unas consideraciones, in AB, 100 (1982), p. 329.

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gienne, et K offre souvent un ordre des mots qui lui est propre. Aucun de ces témoins ne semble avoir été copié sur l’un des deux autres, et les erreurs communes sont assez rares ou peu significatives51. Mais, pour l’établissement du texte, on pourra utiliser les deux recensions BHG 1323 et 1323d, les plus proches du remaniement grec traduit par BHL 6043: Gr1 BHG 1323, éd. ZANETTI, Les Passions grecques, p. 313-346, col. gauche Gr2 BHG 1323d, éd. ZANETTI, Les Passions grecques, p. 313-346, col. droite En comparant le grec aux différentes leçons transmises par les manuscrits latins de BHL 6043, on s’aperçoit en effet que K constitue une branche indépendante, peut-être un peu plus fiable que V et P, qui, de leur côté, partagent un certain nombre d’erreurs communes: IV.10: et K (cf. καί Gr1Gr2): ut VP IV.11: seruantibus se K (cf. τοῖς τηροῦσιν αὐτόν Gr1): seruantibus VP VI.3: uade K (cf. πορεύου Gr2): abii V abi P VII.3: postero die K (cf. τῇ ἐπαύριον Gr1Gr2): post pridie VP VIII.1: anulianus K (cf. ἀνουλιανός Gr1): anulinus VP VIII.3: daque K (cf. καὶ δός Gr2): datis VP XII.3: cum patre et spiritu sancto K (cf. σὺν τῷ πατρὶ καὶ τῷ ἁγίῳ πνεύματι Gr2): om. VP

Certaines leçons, toutefois, laissent supposer des contaminations en amont des manuscrits conservés, car on observe ponctuellement un certain nombre de convergences erronées entre K et V, ou entre K et P: III.2: rursus P (cf. ἄνω Gr1): et rursum KV III.3: ex sublimioribus P (cf. τῶν ὑψηλῶν ὀρέων Gr1Gr2): om. KV III.5: feris V (cf. θηρίοις Gr1Gr2): om. KP IV.10: eiciam eum P (cf. ἐκρίψω αὐτόν Gr1): eiciatur KV VII.4: beatum V (cf. μακάριον Gr1): om. KP VIII.3: eos P (cf. αὐτούς Gr1Gr2): om. KV IX.3: puero V (cf. νηπίου Gr1 παῖδα Gr2): om. KP X.2: uenit P (cf. εἰσελεύσεται Gr2): om. KV XI.2: demonstrare P (ἐπιδεῖξαι Gr1 ἀναδεῖξαι Gr2): demonstrari KV XI.4: martyres V (cf. μαρτύρων Gr1Gr2): martyres suos KP

Ailleurs, une répétition maladroite, dans V, pourrait avoir été causée par la fusion de deux leçons divergentes, ce qui laisse penser que V ou son modèle avait été contaminé par un manuscrit issu du rameau K: I.1: cum patre et spiritu sancto unum deum P: unum deum patrem K unum deum cum patre et spiritu sancto unum deum V 51 La plupart des erreurs communes sont insignifiantes (variations synonymiques sur des particules, fautes de cas causées par l’évolution phonétique, inversions de mots), et peuvent donc aisément avoir été commises par des copistes distincts.

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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Dans le cas de P, en revanche, on ne dispose pas d’éléments permettant de déterminer si le rameau K fut contaminé par un manuscrit apparenté à P, ou si la contamination alla du rameau K vers le rameau P: ω χ

V K P

Quoi qu’il en soit, l’archétype ω dont dérivaient les manuscrits conservés n’était lui-même pas sans défaut. À plusieurs reprises, les manuscrits latins offrent un texte corrompu, que l’on peut toutefois éclairer ou amender à l’aide des recensions grecques: III.2 (corruption de ω, sans doute pour confutabo; cf. καταισχυνῶ Gr2): conligabo KV concitabo P V.2 (micro-lacune de ω, sans doute pour eo me mitte; cf. ἐκεῖ με πέμψον Gr1Gr2): emitte K emit te VP VIII.2 (corruption de ω, sans doute pour alios; cf. ἑτέρους Gr1 ἄλλους Gr2): malos KV multos P IX.2 (corruption de ω, sans doute pour hora; cf. ὥρα Gr1Gr2): opera KV om. P XI.1 (micro-lacune de ω, sans doute pour illud ? cf. αὐτό Gr1Gr2): om. KVP

Comme on l’a vu, BHL 6043 bénéficia également, en latin, d’une ample tradition indirecte, dont il n’existe pas encore d’édition critique52, mais dont on pourra, le cas échéant, solliciter les premiers témoins, d’époque carolingienne: La1 BHL 6042 (version longue, directement élaborée à partir de BHL 6043), cité d’après WIEN, ÖNB, lat. 371, f. 104v-108 (VIIIe-IXe, légendier, orig. Saint-Amand)53

La2 BHL 6042c (reproduit BHL 6043, à partir du § IV.8), cité d’après SANKT-GALLEN, SB, 563, p. 203-213 (IXe-Xe, légendier, orig. Saint-Gall ?)54 52 Les Passions BHL 6042 (version longue) et 6040 ont simplement été publiées par les Bollandistes, sur la base de manuscrits tardifs (cf. supra, n. 30 et 34). Pour la discussion stemmatique et l’apparat, on préfèrera donc recourir à leurs plus anciens témoins manuscrits. 53 Cf. B. BISCHOFF, Die Südostdeutschen Schreibschulen und Bibliotheken in der Karolingerzeit. T. 2: Die vorwiegend österreichischen Diözesen, Wiesbaden, 1980, p. 121. 54 Cf. B. M. VON SCARPATETTI, Die Handschriften der Stiftsbibliothek St. Gallen. I, t. 4: Codices 547-669. Hagiographica, Historica, Geographica 8.-18. Jahrhundert, Wiesbaden, 2003, p. 51 sq.

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La3 BHL 6040 (utilise BHL 6043, § X.2-XII.3), cité d’après GRAZ, UB, 412, f. 184v-188v (1re moitié du IXe, légendier, orig. Saint-Lambrecht ?)55

La4 Abrégé du légendier bavarois (utilise ponctuellement BHL 6043), cité d’après MÜNCHEN,

BSB, Clm. 14418, f. 17v-19v (milieu du IXe, Ratisbonne)56.

Si l’abrégé bavarois (La4), utilise BHL 6043 de manière bien trop occasionnelle pour pouvoir être situé dans sa tradition textuelle, il n’en va pas de même pour les autres remaniements, qui semblent principalement dériver de la branche χ: IV.10: et K (cf. καί Gr1Gr2): ut VPLa2 IV.11: seruantibus se K (cf. τοῖς τηροῦσιν αὐτόν Gr1): seruantibus VPLa2 VI.3: uade K (cf. πορεύου Gr2): abii V abi PLa2 VII.3: postero die K (cf. τῇ ἐπαύριον Gr1Gr2): post pridie VPLa1La2 VIII.1: anulianus K (cf. ἀνουλιανός Gr1): anulinus VPLa2 VIII.3: daque K (cf. καὶ δός Gr2): datis VPLa2pc et datis La2ac XII.3: cum patre et spiritu sancto K (cf. σὺν τῷ πατρὶ καὶ τῷ ἁγίῳ πνεύματι Gr2): om. VPLa2La3

Selon toute probabilité, cependant, ces remaniements furent élaborés sur un ou plusieurs manuscrits, eux-mêmes contaminés. De là vient qu’ils s’alignent parfois, eux aussi, sur des erreurs de K, ou fusionnent des leçons de différentes origines57: II.2: duxerunt K: perducebant VP perduxerunt La1 V.2: posuit signum P (cf. ἔθηκεν σφραγῖδα Gr1 ἐπέθηκεν σημεῖον Gr2): posuit signa KLa2 qui posuit signa sua V V.3: nauclero KLa2 (cf. ναυκλήρῳ Gr1): nauclario V naute P nauclerio La1 VII.2: ei VPLa2 (cf. αὐτῷ Gr1): om. KLa1 VII.2: eras V (cf. ἦσθα Gr1): eras dic mihi K eras dic PLa1La2 VIII.3: eos P (cf. αὐτούς Gr1Gr2): om. KVLa2 IX.3: puero V (cf. νηπίου Gr1 παῖδα Gr2): om. KPLa2 X.3: et rogauit VP (cf. La2, καὶ ἐδεήθη Gr1 καὶ παρεκάλεσε Gr2): -uitque eos K et -uit eos La1 tunc -uit eos La3

55

Cf. A. KERN, Verzeichnis der Handschriften im deutschen Reich. II: Die Handschriften der Universitätsbibliothek Graz, t. 1, Leipzig, 1942, p. 241 sq. 56

Cf. FOLLIET, Deux nouveaux témoins… (cf. supra, n. 41), p. 159 sq.

Il n’est pas exclu qu’il y ait eu aussi contamination à l’intérieur de la famille χ, car on voit les remaniements La1, La2 et La3, épouser des erreurs que l’on retrouve tantôt dans P, tantôt dans V. Mais comme on manque de leçons vraiment significatives, et que V et P sont eux-mêmes contaminés avec le rameau K, la chose devient impossible à prouver: face à une erreur de PLa1La3 contre KVLa2, par ex. (X.3: de caelo KV [cf. La2, οὐρανόθεν Gr1 ἐξ οὐρανοῦ Gr2]: om. PLa1La3), on peut en effet très bien soutenir que l’erreur provenait de χ, et que V et La2 ont récupéré la bonne leçon sur le rameau K; ou bien l’erreur provenait du seul rameau P, et, de là, a été transmise aux remaniements La1 et La3… 57

LE DOSSIER DE NAZAIRE, CELSE, GERVAIS ET PROTAIS

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VIIe ? ω χ

VIIIe IXe XIe

La1 La2 La3

V K

XIVe P

*

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*

Principes d’édition Du fait de ces différentes contaminations, l’accord de K avec V ou avec P ne saurait constituer une garantie suffisante pour établir avec sûreté le texte de BHL 6043: c’est le grec qui devra servir de fil conducteur pour le choix des leçons comme pour les conjectures. On trouvera donc, en apparat, toutes les leçons des manuscrits KVP, mais aussi, ponctuellement et à titre documentaire, les leçons des témoins indirects (recensions grecques Gr1 et / ou Gr2, textes latins La1, La2, La3, La4), susceptibles d’éclairer le choix de telle ou telle leçon. J’ai harmonisé l’orthographe et la ponctuation est de mon fait. Pour une meilleure comparaison des textes, la division en paragraphes (chiffres romains, de I à XII) est en partie calquée sur celle des recensions grecques éditées par U. Zanetti (rappelée par des chiffres arabes entre parenthèses, de 8 à 18). Institut de Recherche et d’Histoire des Textes

Cécile LANÉRY

40, Avenue d’Iéna F – 75116 Paris

Summary. The martyrs Nazarius, Celsus, Gervasius and Protasius of Milan, whose relics were discovered at the end of the fourth century in two successive inventions, were then reunited in the same hagiographic account. The latter is an example of a complex tradition in which a Passion was first drawn up in Latin, then translated into Greek and finally in the 6th-7th century retranslated into Latin (BHL 6043). The edition of the retranslated text is preceded by an analysis of the Latin tradition of the four martyrs.

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C. LANÉRY

Liste des abréviations DELEHAYE, Les origines du culte = H. DELEHAYE, Les origines du culte des martyrs (= Subs. hag., 20), 2e éd., Bruxelles, 1933. DUFOURCQ, Étude = A. DUFOURCQ, Étude sur les Gesta martyrum romains, 5 vol., 2e éd. (= Bibliothèque des Écoles Françaises d’Athènes et de Rome, 83), Paris, 1988. LANÉRY, Ambroise = C. LANÉRY, Ambroise de Milan hagiographe (= Études Augustiniennes. Antiquité, 183), Paris, 2008. LANÉRY, Hagiographie = C. LANÉRY, Hagiographie d’Italie (300-550). I: Les Passions latines composées en Italie, in Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, éd. G. PHILIPPART (= Corpus Christianorum), t. 5, Turnhout, 2010, p. 15-369. ZANETTI, Les Passions des saints = U. ZANETTI, Les Passions des saints Nazaire, Gervais, Protais et Celse, in AB, 97 (1979), p. 69-88. ZANETTI, Les Passions grecques = U. ZANETTI, Les Passions grecques de saint Nazaire, in AB, 105 (1987), p. 303-384. *

*

*

Conspectus siglorum K

KREMSMÜNSTER, Stiftsbibl., CC 34, f. 90v-98 (XIe)

V

VATICANO, Bibl. Apostolica Vaticana, Reg. lat. 612, f. 71v-78 (IXe-Xe s.)

P

PARIS, Bibl. nationale de France, lat. 5306, f. 128v-129v (XIVe s.)

Gr1 BHG 1323, éd. ZANETTI, Les Passions grecques, p. 313-346, col. gauche Gr2 BHG 1323d, éd. ZANETTI, Les Passions grecques, p. 313-346, col. droite La1 BHL 6042 (version longue), d’après WIEN, Österreichische Nationalbibl., lat. 371, f. 104v-108 (VIIIe-IXe s.) La2 BHL 6042c, d’après SANKT-GALLEN, Stiftsbibl., 563, p. 203-213 (IXe-Xe s.) La3 BHL 6040, d’après GRAZ, Universitätsbibl., 412, f. 184v-188v (1e moitié du IXe s.) La4 Abrégé du légendier bavarois, d’après MÜNCHEN, Bayerische Staatsbibl., Clm. 14418, f. 17v-19v (milieu du IXe s.) om.: omisit/-erunt add.: addidit/-erunt ...: non legitur ac : ante correctionem pc : post correctionem [ ]: uerbis delendis < >: uerbis addendis

ÉDITION DE LA PASSION BHL 6043 (= 3516)

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Passio sanctorum martyrum Nazarii Celsi Geruasii et Protasii qui passi sunt sub Nerone Mediolanensi urbe I 1. Sub Neronis imperio, regnante Domino nostro Iesu Christo, uir quidam Spiritu sancto repletus, nomine Nazarius, extitit, non solum christianae religionis adsertor, immo etiam imitandus sui martyrii consummator, exortans et praedicans in plurimis urbibus Dominum nostrum Iesum Christum cum Patre et Spiritu sancto unum deum debere coli, non idola manufacta. 2. Audiens haec quidam ex satellitibus Neronis, nomine Cornelius, relationem ad eumdem detulit, ut praedictum uirum, sanctum Nazarium, sua deterreret sententia. (8) II.1. Cumque Nero huiuscemodi litteras accepisset, repletus ira et furore, dicit Dentoni magno militi suo: «Celeriter proficiscens cum multis militibus inquire hominem Nazarium nomine, perturbantem seditionibus ciuitates et murmurantem in maledictis aduersum deos et fines regionum contaminantem». 2. Dento autem accipiens litteras Neronis et idoneos milites, inquirens inuenit Nazarium in ciuitate quae dicitur Ebredunum, aedificantem oratorium contra orientem; et infans Celsius nomine sedebat numerans lapides. Cumque adpropinquasset Dento cum duobus passio sanctorum martyrum nazarii celsi geruasii et protasii qui passi sunt sub nerone mediolanensi urbe K (cf. p. s. m. n. c. g. p. index de Clm 45541): p. s. n. g. p. et c. pueri qui passi sunt mediolano tempore neronis V p. s. m. g. et p. qui passi sunt mediolano sub nerone imperatore XIII kalendas iulii P I 1. sub neronis imperio regnante domino nostro iesu christo uir quidam spiritu sancto repletus nomine nazarius extitit K (cf. regn- d. n. i. c. in perpetuum imperio uiri nequissimi neronis uir q. La4): uir q. erat sp- sanc- repl- no- na- V nazarius excelsi geruasius protasius ydus decembris sub nerone imperatore regn- d. n. i. c. uir q. sp- sanc- repl- no- na- extitit P || christianae religionis adsertor KP (cf. c. r. praedicator La4): c. a. r. V || immo etiam imitandus sui martyrii consummator K: i. e. et m. s. imit- c. V om. P || plurimis KP (cf. La1): -ribus V || nostrum iesum christum cum patre et spiritu sancto unum deum P (cf. i. c. cum p. et sp- sancunum deum La1): i. c. unum deum patrem K c. unum deum cum p. et sp- sanc- unum deum V || coli KP (cf. La1): om. V || 2. audiens KV: a. autem P || haec KP: post cornelius transtulit haec V || nomine cornelius VP (cf. La1): c. n. K || detulit KP (cf. La1): re- V || uirum sanctum nazarium K: s. u. V s. u. n. P || sua deterreret KVpc: s. -terret Vac suaderet P II 1. huiuscemodi litteras KP (cf. La1): l. h. V || dicit KP (cf. La1, λέγει Gr1Gr2): -xit V || magno KP (cf. La1, μεγάλῳ Gr1): mago V || proficiscens KP (cf. La1, πορευθείς Gr1 ἀπελθών Gr2): -sce V || multis militibus K (cf. La1): mu- mi- et V mi- mu- P || inquire hominem nazarium nomine P (cf. ἀναζήτησόν τινα ὀνόματι ναζάριον Gr1): -quirito na- no- K -quire h. na- V || ciuitates conieci (cf. La1, πόλεις Gr1Gr2): -tem K -tis VP || aduersum deos K (cf. La1): -us d. V om. P || et VP (cf. La1): ac K || 2. celsius KV (cf. κέλσιος Gr2): excelsus P 1 Sur ce passionnaire de la fin du VIIIe s., dont le modèle contenait BHL 6043 ou 6042, voir supra, n. 26.

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C. LANÉRY

militibus ait operario: «Tu es Nazarius ?» Qui respondit: «Ego sum». Et celeriter ligantes eum duxerunt ad Neronem. 3. Celsius uero cum lacrimis sequebatur eum. Et alapis percutiens puerum Dento stetit dicens Nazario: «Vocat te magnus Nero et nos a nobis non uenimus». Nazarius dixit: «Inconpositi consules inconpositos habent et milites. Quare ueniens non dixisti “Nero te uocat”, et uenissem ?» Et audita est uox pueri clamantis, cum daemonibus ligari eos in gehennam. 4. Dento autem ait ad Nazarium: «Quantum uis, dic apud Neronem». Et citius festinans constituit Nazarium et puerum ante faciem Caesaris sedentis in curru suo, dicens: «Quaeso uos, o Caesar: ecce ego seruus tuus Dento et hic est Nazarius et cum eo puer». (9) III.1. Nero autem donauit Dentoni talentum auri et iussit Nazarium includi in obscuro carceris. Cumque perduceretur Nazarius ait: «Meus rex uitam et inmortalitatem praestat; uester uero mortem et tenebras uobis credentibus in eum». Et cedentes os eius, milites incluserunt eum cum cautela seruantes diligenter. 2. Volente autem Nerone post triduum perdere Nazarium, facta est uox de caelo ad Nazarium dicens: «Meus es, Nazari, et confundetur Nero cum seruis suis. Rursus aspice in caelo unde ueniet auxilium tuum: ego autem odio habentes te confutabo». 3. Statimque misit Nero uenatores ferarum et iussit deduci de sublimiooperario P (cf. ἐργάτῃ Gr2): operar… K -ranti V || tu es KV (cf. La1, σύ εἶ Gr1Gr2): numquid tu es P || duxerunt K: perducebant VP || 3. celsius V (cf. κέλσιος Gr1Gr2): … K -sus P || et P (καί Gr1Gr2): … K qui V || alapis conieci: … K -as VP || puerum V (τὸ παιδίον Gr1 τὸν παῖδα Gr2): … K -ro P || nazarius KV (cf. ναζάριος Gr1Gr2): n. uero P || consules VP (cf. ὕπατοι Gr1): principes K || et milites KP (cf. καί τοὺς στρατιώτας Gr1 κ. σ. Gr2): m. V || uenissem P (cf. ἐληλύθειν ἄν Gr1 ἦλθον ἄν Gr2): statim -em K -emus V || clamantis VP (cf. στενάξας Gr1): om. K || in gehennam V (cf. εἰς τὴν γέενναν Gr2): in -a K in -a ignis P || 4. ait ad nazarium VP: ad n. ait K || quantum uis dic apud neronem et citius festinans KP (cf. ὅσα θέλεις λέγε πρὸς νέρωνα καὶ ταχὺ σπεύσας Gr1 ὅ. θ. εἰπὲ π. ν. κ. ταχέως ἔσπευσε Gr2): quando u. duci ad n. qui ait c. et V || puerum KV: p. celsum P || sedentis conieci (cf. καθεζομένου Gr1): -i K -em VP || quaeso uos VP (cf. ζήτω Gr1Gr2): pr…ti sumus Kac presto sumus Kpc || ecce KV (cf. ἰδού Gr1Gr2): om. P || tuus KP (cf. σου Gr1Gr2): om. V || est KV (cf. ἐστιν Gr1Gr2): om. P || cum eo puer KP (cf. τὸ σὺν αὐτῷ παιδίον Gr1 ὁ μετ̕ αὐτοῦ παῖς Gr2): p. c. e. V III 1. autem VP (cf. δέ Gr1Gr2): tunc K || auri KP (cf. χρυσίου Gr2): -eum V || iussit nazarium includi VP (cf. ἐκέλευσεν ναζάριον ἐγκλεισθῆναι Gr2): concludi i. n. K || obscuro carceris KP (cf. La1): -a -e V || cum autem KP: cumque V || ait VP: dixit K || meus rex uitam et inmortalitatem praestat K (cf. ὁ ἐμὸς βασιλεὺς ζωὴν παρέχει καὶ ἀθανασίαν Gr1): m. r. u. p. i. V u. inquid p. r. m. in mortalitate P || et tenebras KV (cf. καὶ σκοτίαν Gr1 καὶ -τος Gr2): in t. P || uobis KP (cf. ὑμῖν Gr1Gr2): om. V || eum KP (cf. αὐτῷ Gr1): se V || 2. perdere nazarium VP (cf. ἀπολέσαι ναζάριον Gr1): n. p. K || confundetur K (cf. αἰσχυνθήσεται Gr1 καται- Gr2): -itur V -entur P || rursus P (cf. ἄνω Gr1): et rursum KV || caelo VP: -um K || ueniet auxilium tuum K (cf. La4, ἥξει ἡ βοήθειά σου Gr1): ueniat a. t. V a. t. ueniat P || confutabo conieci (cf. καταισχυνῶ Gr2): conligabo K conligabo in tartarum V concitabo P || 3. statimque KP (cf. ταχέως δέ Gr1): statim V || iussit deduci K (cf. La1, κελεύσας ἐνεχθῆναι Gr1): dixit duci V dixit deduci P

ÉDITION DE LA PASSION BHL 6043 (= 3516)

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ribus montibus Galliarum diuersi generis feras. Dominus uero Nazarii misit spiritum iracundiae et abegit omnes feras ex sublimioribus: et quaerebant eas uenatores Neronis et non inueniebant. Ingredientes uero ferae in ira spiritus dissoluerunt muros orti in quibus erat Nero, et detraxerunt iacintinis et margaritis exornata tentoria Neronis, et circumdederunt concubinas eius et disperserunt sanguinem et carnes armigerum eius. Nero autem morsu lacerato pede solus fugit. Tunc timuerunt ualde cum abigerentur ferae quae ab spiritu iracundiae uenerant. 4. Intelligens uero sanctus Nazarius cum esset in carcere omnia quae facta erant, ait puero: «Mittens mittit ad nos Nero. Ego autem tradam te mulieri uiduae. Ne ergo timeas neque contristeris: uenies autem ad nos citius Domino adiuuante». 5. Nero autem elatus dixit omnibus qui erant in domo eius: «Non amici, non fratres, sed domestici mei estis. Irascentes dii tradiderunt omnes proximos meos feris et non potuerunt uenatores mei praecurrentes perducere, quoniam irritauit eos Nazarius». (10) IV.1. Post duos uero menses sedit Nero macer et miser, turpis uisu. Sanctus uero Nazarius exultauit in hora illa; et continuo steterunt ante ianuas ubi erat Nazarius milites Neronis, missi ducere eum ligatum. Suspiciens uero Nazarius in caelum, ibat cum militibus et puer cum eo. 2. In media uero uia mulier quaedam uidua exclamauit dicens: «Homo diuersi KV (cf. La1): -e P || nazarii K (cf. ναζαρίου Gr2): om. V -um P || iracundiae KP (cf. La1, ὀργῆς Gr1Gr2): om. V || abegit VP (cf. La1, ἤλασεν Gr1): -iecit K || ex sublimioribus P (cf. La1, τῶν ὑψηλῶν ὀρέων Gr1Gr2): om. KV || quaerebant eas P (cf. La1, ἃ ἐζήτουν Gr1): -ebant K -entes eas V || neronis VP (cf. La1, νέρωνος Gr1Gr2): om. K || ingredientes uero ferae K (cf. La1, καὶ εἰσελθόντα Gr1): f. u. i. V egre- f. u. P || in ira K (cf. ἐν ὀργῇ Gr1): cum iracundiae V in iracundiae P || quibus KP (cf. La1): quo V || iacintinis KV (cf. La1): lacent- P || et margaritis V (cf. La1, καὶ ἀπὸ μαργαριτῶν Gr1 καὶ -τας Gr2): m. KP || exornata P (cf. La1): orn- K et ornV || neronis KP (cf. La1, νέρωνος Gr1Gr2): om. V || disperserunt K (cf. La1, διεσκόρπισαν Gr1Gr2): asper- V disperserant P || fugit KP: eff- V || abigerentur K (cf. La1, ἠλάσθη Gr1) abier- V abirent P || ferae quae ab V (cf. La1): f. quia ab K ferre quia cum P || 4. erant V (cf. La1): fu- KP || puero KV (cf. La1): ad -um P || mittens mittit KV (cf. La1, ἀποστέλλων ἀποστελεῖ Gr2): -ens enim -i P || ego autem V (cf. ἐγὼ δέ Gr1Gr2): … K et P || tradam KV (cf. La1, παραδώσω Gr1Gr2): -unt P || ne → adiuuante om. V || uenies K (cf. La1, ἐλεύσῃ Gr1): -ens P || domino K (cf. deo La1, θεοῦ Gr1): om. P || 5. sed iterauit P || feris V (cf. La1, θηρίοις Gr1Gr2): om. KP || irritauit KP (cf. La1, παρώξυνα Gr1 εἰς ὀργὴν ἐκίνησα Gr2): inretiuit V || eos V (cf. La1, αὐτούς Gr2): … K eas P IV.1. duos uero V (cf. La1): u. d. K d. autem P || sedit KV (cf. ἐκάθισεν Gr1Gr2): ce- P || uero VP: autem K || exultauit KP (cf. La1, ἠγαλλιᾶτο Gr1): -tans V || in hora illa P (cf. ἐν ἐκείνῃ τῇ ὥρᾳ Gr2): h. i. K om. V || ianuas KV (cf. La1): -a P || ubi erat nazarius milites neronis K (cf. La1, στρατιῶται νέρωνος Gr1 ὅπου ἦν ναζάριος σ. Gr2): m. ne- ubi e. na- V ubi e. sanctus na- m. P || missi KP (cf. La1, ἀποσταλέντες Gr1 πεμφθέντες Gr2): -us V || ducere K (cf. La1, ἀγαγεῖν Gr1Gr2): ut ducerent V ut educerent P || suspiciens uero KV (cf. La1, ἀτενίσας Gr1Gr2): suscip- autem P || puer cum eo VP (cf. La1): c. puero celso K || 2. media uero P (cf. μέσῃ δέ Gr1): -dia autem K -dio u. V || exclamauit V (cf. La1): cla- KP

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Dei, quare uadit puer iudicari tecum ?» Et dixit Nazarius puero: «Vade ad illam quia ipsa est mater tua». Et commendauit eum mulieri dicens ei: «Quandoquidem uocatus fuerit semel, mitte illum». 3. Et percussit unus miles puerum. Dixitque sanctus Nazarius: «Non homo, sed inhumane, quare percussisti puerum ?» Et trahentes Nazarium milites calcibus uexauerunt eum dicentes ei: «Tu et cum ducereris in carcerem dicebas non esse homines sed sine humanitate. Neroni te oportet confiteri quia moechatus es cum muliere hac et habes puerum hunc». Suspirante uero Nazario concidit miles ille in faciem et ruens super saxum amisit oculum dextrum ibique remansit. 4. Continuo uero constituerunt Nazarium ante tribunal Neronis et circa faciem Neronis tenebrae factae sunt. Circa faciem uero Nazarii sicut solis radii uisi sunt. Carnifices autem dixerunt: «Vere dii obscurauerunt Caesarem et deus Nazarii illuminauit eum». 5. Nero autem obscuratus simul et contristatus propter concubinas et casum quem pertulerat et quia plagatus erat pede, tardius interrogauit Nazarium, dicens: «Malefice, propter te passus sum tempestates a diis meis et inuentus sum in ira ferarum agrestium. Dignus est enim sanguis tuus ut pereat». 6. Sanctus Nazarius respondit: «Quid turbaris aut quid male uidisti ? Dii uestri semper in tempestate et in amaritudine effundunt sanguinem, contribulant ossa et carnes polluunt. Ferae uero meliores diis ue-

iudicari KP (cf. La1, κριθῆναι Gr1Gr2): -re V || et dixit P (cf. La1, καὶ εἶπεν Gr1): di- sanctus K et duxit V || eum KP (cf. La1, αὐτόν Gr1Gr2): om. V || ei VP (cf. La1, αὐτῇ Gr1Gr2): om. K || illum KP (cf. La1): eum V || 3. unus VP (cf. La1, εἷς Gr1): om. K || dixit uero K (cf. La1, εἶπεν δέ Gr1): d. V dixitque ei P || inhumane VP (cf. La1, ἀπάνθρωπε Gr1Gr2): -us K || quare VP (cf. τί Gr1 διὰ τί Gr2): quo K || nazarium milites K (cf. m. n. La1, στρατιῶται τὸν ναζάριον Gr1Gr2): m. V m. sanctum n. P || uexauerunt KP (cf. La1): -abant V || ei KP (cf. La1, αὐτῷ Gr1): om. V || tu et cum KP (cf. La1, σὺ καί Gr1): c. tu V || ducereris in carcerem K (cf. ἀπαγόμενος εἰς τὴν εἱρκτήν Gr1): ad -rem -caris V -cebaris in -re P || dicebas KP (cf. La1, ἔλεγες Gr1): -ces V || neroni KP (cf. La1, νέρωνι Gr1Gr2): -ro V || oportet confiteri VP (cf. La1, δεῖ ἀπολογήσασθαι Gr1): c. o. K || suspirante uero nazario P (cf. La1, στενάξαντος δὲ ναζαρίου Gr1): s. u. sancto n. K suscipeme ille -rium V || concidit KV (cf. ἔπεσεν Gr1Gr2): -dens P || faciem KV (cf. πρόσωπον Gr1): -ciens P || ruens KP (cf. εἰσπηδήσας Gr1): -it V || saxum KP: -eum et V || 4. continuo uero constituerunt VP: -runtque c. K || nazarium P (cf. ναζάριον Gr1Gr2): sanctum n. K eum V || tribunal KV: -na P || circa faciem neronis tenebrae factae sunt K (cf. σκότος δὲ ἐγένετο κύκλῳ τοῦ προσώπου νέρωνος Gr1): t. fact- s. super faci- n. V om. P || circa KV (cf. περί Gr1): cura P || solis radii K (cf. ἡλίου ἀκτῖνες Gr1): -li -dii V -diis -lis P || uisi sunt VP (cf. uisae s. La1, ὡράθησαν Gr1): uidebantur K || autem KV: uero P || caesarem KV (cf. καίσαρα Gr1): -ri P || illuminauit KP (cf. La1): -at V || 5. autem VP (cf. δέ Gr1Gr2): igitur K || obscuratus VP (cf. La1, σκοτούμενος Gr1 -τισθείς Gr2): occecatus K || simul et contristatus KV (cf. La1, ἅμα δὲ καὶ λυπούμενος Gr1): et c. s. P || casum KV (cf. casu La1, συμφοράν Gr1): camu P || quia KP (cf. La1, ὅτι Gr1Gr2): que V || plagatus erat pede VP (cf. La1, ἐπλήγη τὸν πόδα Gr1): de pe- pl- e. K || propter KV (cf. La1): pro P || tempestates KV: -te P || dignus est enim sanguis tuus ut pereat KP: -num est e. ut s. t. p. V || 6. effundunt KP (cf. La1, ἐκχέουσιν Gr1Gr2): sunt et fund- V || carnes KV (cf. La1): -em P || diis uestris KV (cf. La1): -ii -i P

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stris extant: ad preceptum quippe Dei uenerunt et deuorauerunt mulieres tuas». 7. Et accensus ira Nero ait: «Quis tibi adnuntiauit, cum esses in carcere, quae facta sunt ?» Nazarius dixit: «Qui dedit timeri se, ipse mihi adnuntiauit. Quare ergo unus ex diis tuis non tenuit te currentem, sed morsu laceratus pedem fregisti ?» 8. Nero ait: «Quid magicis tuis fallis me et inrides deos meos ? Si uis uiuere, hodie eamus ad aram et immola diis». Et confringebant ceruicem sancti Nazarii, constituentes eum ante aram ut gustaret ex mortuis et pollutis. 9. Sanctus autem Nazarius dixit adstantibus militibus: «Per caput Neronis, quiescite a me parumper». Et renuntiauerunt Neroni, et gratulatus est et dixit: «Interponite illi si forte conuersus immolet diis». Nazarius uero suspiciens in caelum ait uoce magna: «Domine libera animam meam a daemoniis et salua me in dextera manu tua fortissima et brachio tuo sublimi». 10. Dicit autem Nero: «Quid melius Nazario ?» Dicunt ei: «Verbosans uerbosatus est cum deo suo». Nero autem dixit: «Ligantes eum custodite diligenter et superueniente die eiciam eum ex urbibus et terra hac». 11. Nazarius seruantibus se dixit: «Precor uos, adducite puerum de quo dixistis quia moechatus habeo filium, ne patiamini sicut passus est qui locutus est uerbum hoc». Et cito festinantes adduxerunt puerum: et osculatus est pedes eius et sanctus Nazarius caput pueri. ad preceptum quippe dei K (cf. προστάγματι τοῦ θεοῦ Gr1Gr2): quae ad p. domini V ex -pto enim domini P || 7. ira nero KV (cf. La1): n. in i. P || nazarius dixit V (cf. La1, ναζάριος εἶπεν Gr1): sanctus n. respondit K n. respondit P || timeri KV: -re P || currentem KV (cf. La1): -te P || morsu KV (cf. La1, δηχθείς Gr1): m. ferae P || pedem fregisti KV (cf. La1, κατέαξας τὸν πόδα Gr2): -de fugisti P || 8. magicis KP (cf. La1, μαγείαις Gr1Gr2): m. artibus V || fallis me VP (cf. La1): m. f. K || inrides KV (cf. La1): -is P || hodie eamus KP: e. h. V || confringebant KV (cf. περικλάσαντες Gr1): -bat P || constituentes KV (cf. ἔστησαν Gr1Gr2): -tuit P || ante aram KV (cf. πρὸς τοὺς βωμούς Gr2): in terra P || gustaret KV (cf. ἀπογευάσασθαι Gr1 γεύσεται Gr2): consta- P || 9. sanctus autem nazarius K (cf. ὁ δὲ ἅγιος ναζάριος Gr2): n. a. VP || dixit adstantibus militibus VP (cf. La2, εἶπεν τοῖς παρεστῶσιν στρατιώταις Gr1): a. m. d. K || a me KV (cf. La2): ad me P || et renuntiauerunt K (cf. La2, καὶ ἀνηγγέλη Gr1): ut r. uero V statimque r. P || et gratulatus est KP (cf. La2, καὶ ἐχάρη Gr1): congra- est V || et dixit V (cf. La1La2, καὶ εἶπεν Gr1Gr2): dicens K dixitque P || forte VP (cf. La1La2): -sitan K || immolet VP (cf. La2): -at K || nazarius uero VP (cf. La1La2, ναζάριος δέ Gr1Gr2): sanctus itaque n. K || ait uoce magna VP (cf. La1): u. m. dixit K || daemoniis VP (cf. La1): -nibus K || in VP (cf. La1La2, ἐν Gr1): om. K || 10. dicit autem nero P (cf. λέγει ὁ νέρων Gr1 λ. οὖν ὁ ν. Gr2): -cit n. militibus K -xit n. V || dicunt ei uerbosans uerbosatus est P (cf. λέγουσιν αὐτῷ οἱ δήμιοι ἀδολεσχῶν ἠδολέσχησεν Gr1): responderunt ei -sans -satur et est K -satur inquiunt et est V || dixit KV (cf. La2, εἶπεν Gr1Gr2): -cit P || ligantes eum KP: -gate e. et V || et K (cf. καί Gr1Gr2): ut VP || eiciam eum ex urbibus P (cf. La2, ἐκρίψω αὐτὸν τῶν πόλεων Gr1): ex u. -ciatur K -ciatur ex u. V || terra VP (cf. La2, τῆς γῆς Gr1): de t. K || 11. nazarius VP (cf. ναζάριος Gr1Gr2): sanctus n. K || seruantibus se dixit K (cf. εἶπεν τοῖς τηροῦσιν αὐτόν Gr1): d. s. VP || passus est VP (cf. La2, ἔπαθεν Gr1 ὑπέμεινεν Gr2): ipse K || qui KV (cf. La2, ὅς Gr2): quare P || et cito KP (cf. et citius La2, καὶ ταχύ Gr1 κ. ταχέως Gr2): qui V || adduxerunt KV (cf. La2, ἤγαγον Gr1Gr2): addix- P || caput KV (cf. La2, κεφαλήν Gr2): pedes P

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(11) V.1. Maturans uero imperator Nero uenit ad portum maris. Et stantibus multis nauibus cum multitudine magna nautonum, uocans Nazarium [et] dixit ei: «Exi de ciuitatibus et de terra hac». 2. Nazarius respondit: «Caelos Deus firmauit et terram ipse fundauit. Omnes uero claues abyssi et aquarum tenet: posuit signum super omnia haec. Si ergo habes aliquid deorum tuorum proprium, e mitte». Et iratus Nero ait: «Misi te ad propria deorum degustare aliquid de aris et non es dignatus uenerari deos nostros». Nazarius respondit: «Saluator meus deus est qui per baptismum regenerauit me, qui te perdet cum his quos colis». 3. Tunc accensus ira Nero dixit nauclero cuidam: «Suscipe eum in uno nauigio et eiectum a terra inmergite in mari. Non enim dignum est uiuere eum qui non colit deos nostros nobiscum». Et confestim eleuatum eum iactauerunt in medio mari cum infante. (12) VI.1. Lumen uero magnum effulsit Nazario natanti et uoce ueniente indutus est uirtute Spiritus sancti. Angelus autem Domini ostendit Nazario testamentum Dei cum nataret et confidebat Nazarius. Respexitque Dominus super animam Nazarii et in praecordiis eius, commemorans V.1. maturans uero K (cf. La2, ὀρθρίσας Gr1): -rius u. V -re u. pueri P || maris KP (cf. La1, θαλάσσης Gr1Gr2): martis V || et stantibus P (cf. La2, καὶ ἑστώτων Gr1Gr2): et adst- K s. V || nauibus KP (cf. La2, πλοίων Gr1Gr2): ciuib- V || cum multitudine magna nautonum K: et -dinis -ae -tonum V -dinis -ae -toribus P || uocans nazarium et P (cf. καλέσας ναζάριον Gr1): u. n. imperator nero et K qui u. n. V || de ciuitatibus et de terra hac P (cf. La2, ἐκ τῶν πόλεων καὶ τῆς γῆς ταύτης Gr1): de t. h. et de -tatibus K de -tate et de t. h. V || 2. nazarius respondit P (cf. ναζάριος εἶπεν Gr2): sanctus n. r. K r. n. V || caelos deus K (cf. La2, τοὺς οὐρανοὺς ὁ θεός Gr1Gr2): -os d. omnipotens V d. celo P || omnes uero KV (cf. La2): et o. P || posuit signum P (cf. ἔθηκεν σφραγῖδα Gr1 ἐπέθηκεν σημεῖον Gr2): p. -gna K qui p. -gna sua V || aliquid deorum tuorum proprium P (cf. La2, τι ἐκ τῶν θεῶν σου ἴδιον Gr2): -quid p. d. t. K -quem d. t. p. ipsum V || eo me mitte conieci (cf. ἐκεῖ με πέμψον Gr1Gr2): emitte K emit te VP || misi KV (cf. La2, ἀπέστειλα Gr1 ἔπεμψα Gr2): m. enim P || propria deorum K (cf. La2, ἴδια τῶν θεῶν Gr1Gr2): -am d. tuorum V -a eorum P || degustare aliquid VP (cf. La2, ἀπογεύσασθαί τινος Gr1): a. d. K || non es dignatus KP (cf. n. d. es La2, οὐκ ᾐδέσθης Gr1): dediges V || uenerari VP (cf. La2): -re K || nazarius respondit P (cf. La1, ναζάριος εἶπεν Gr1Gr2): sanctus n. r. K n. dixit V || meus deus K (cf. La2): noster d. V m. christus P || perdet K (cf. ἀπολέσει Gr1Gr2): -it V -at P || 3. nauclero K (cf. La2, ναυκλήρῳ Gr1): -clario V naute P || uno nauigio K (cf. ἓν τῶν πλοίων Gr1 μίαν τῶν νεῶν Gr2): -gio V uno -gii P || inmergite in K: emerge in V imm- P || dignum est uiuere eum qui K: -us e. u. ille qui V -nus e. u. eum quia P || eleuatum KP (cf. La2, -tis La1): om. V || eum iactauerunt P (cf. La2): cum infante i. K i. e. V || medio mari KP (cf. -dium -re La2): -ri V || cum infante P (cf. La2): om. K c. -tem V VI.1. nazario natanti VP (cf. ναζαρίῳ νηχομένῳ Gr2): -tanti -rio K || ueniente K (cf. La2): -tem V -te desuper P || spiritus sancti V (cf. πνεύματος ἁγίου Gr1Gr2): -u -o K -u -i P || domini KV (cf. La2, κυρίου Gr1Gr2): om. P || nazario VP (cf. ναζαρίῳ Gr2): sancto n. K || testamentum dei cum nataret VP (cf. La2, διαθήκην θεοῦ ναζαρίῳ νηχομένῳ Gr2): dum nauiga- t. d. K || confidebat nazarius KP (cf. c. sanctus n. La2, ἐθάρσει ναζάριος Gr1): om. V || respexitque K (cf. La2, καὶ ἐφεῖδεν Gr1 κ. ἐπέβλεψεν Gr2): -xit VP || animam nazarii et in praecordiis eius commemorans omnes iustitias eius P (cf. a. sancti n. et in p. e. c. o. i. e. La2, ψυχὴν ναζαρίου καὶ σπλαγχνισθεὶς ἐμνήσθη πάσης τῆς δικαιοσύνης αὐτοῦ Gr1): a. sancti n. et p. eius c. o. i. e. K eum V

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omnes iustitias eius, excitauit quoque spiritum stridentem ex inferioribus abyssi et facta est tempestas magna. 2. Stupentes autem nautae exclamauerunt uoce magna dicentes: «Peccauimus coram deo Nazarii, qui Neronis imperio paruimus. Nunc ergo perimus: et ubi est Nero, et dii nostri ?» 3. Nazarius uero uultu potenti sicut delfinus apparuit eis et facta est tranquillitas in mari. Videntes autem nautae sanctum Nazarium exclamauerunt dicentes ei: «Veni et ingredere in nauem, et salua nos per deum qui te saluauit: et non renuntiabimus haec Neroni, sed perducemus nauem in quemcumque uolueris portum. Audiuimus enim quod nobilis es eorum qui sunt Romae. Tantum salua animam tuam et uade ad parentes tuos in patriam tuam». 4. Cumque ascendisset sanctus Nazarius una cum paruulo dixit: «Creditis quia deus meus uerus est deus et in ipso mouentur omnia ? Vestri uero dii idola sunt surda et caeca, et neque locuntur neque audiunt». Responderunt ei nautae dicentes: «Nos quando exclamauimus inuocantes deum tuum credidimus, et nunc uero credimus quae loqueris nobis». 5. Dicit eis Nazarius: «Si sic creditis, custodite uos a malitia Neronis». Catecizati autem et credentes doctrinae Nazarii, profecti sunt gratia Dei custoditi. (13) VII.1. Cumque uenissent in ciuitate Genuensi puer mortuus erat qui cum eodem eleuatus fuerat ex mari, et non ascendebat ei spiritus excitauit quoque K (cf. καὶ ἐξήγειρεν Gr1): -tauitque V -tauit P || 2. exclamauerunt KP: cla- V || neronis imperio paruimus VP (cf. n. -remus i. La1 n. i. -ruimur La2): -rauimus n. i. Kac -ruimus n. i. Kpc || ergo VP (cf. οὖν Gr1Gr2): uero K || nero KV (cf. La1La2, νέρων Gr1Gr2): om. P || 3. potenti KV: -is P || delfinus KV (cf. La2): -is P || tranquillitas in mari V (cf. La2): in m. t. K t. magna in m. P || nautae KP (cf. La1, ναῦται Gr2): om. V || sanctum VP (cf. La2): beat- K || ueni et V (cf. ἐλθὲ καί Gr2): u. KP || nauem V (cf. La2): -im K -i P || te saluauit KP (cf. -uit te La2, σώσαντός σε Gr2): -bit te V || renuntiabimus KV (cf. ἀπαγγελοῦμεν Gr2): -tiauimus P || haec neroni VP (cf. La2, ταῦτα νέρωνι Gr2): n. h. K || audiuimus enim KV (cf. La2, ἠκούσαμεν γάρ Gr2): om. P || quoniam P: quod K om. V || nobilis es eorum V (cf. La2, εὐγενὴς εἶ Gr2): n. es et e. K filius es nobilium P || uade K (cf. πορεύου Gr2): abii V abi P || in patriam tuam P (cf. εἰς τὴν πατρίδα σου Gr2): et in -a -a K et in -am -am V || 4. sanctus nazarius P (cf. La1La2): nauem s. n. K n. V || paruulo KV (cf. La1La2): puero in nauem P || deus meus KV (cf. La1La2, θεός μου Gr1): dominus m. P || uerus est deus K (cf. d. uerus e. La1, ἀληθής ἐστιν Gr2): omnipotens d. e. V deus est P || ipso KV (cf. La2): -a P || idola sunt surda KV (cf. La1La2): surdi i. P || et neque K (cf. καὶ οὔτε Gr1Gr2): qui n. V n. P || responderunt ei nautae dicentes K (cf. r. n. La1, εἶπον δὲ αὐτῷ οἱ ναῦται Gr1): n. uero dixerunt VP || credidimus et nunc uero credimus K (cf. nunc u. credimus La1, ἐπιστεύσαμεν καὶ νῦν ἀληθῶς πιστεύομεν Gr1 ἐ. νῦν δὲ καὶ ἀ. π. Gr2): credimus V credimus et nos u. credimus P || quae KV (cf. La2, ἅ Gr2): eaque P || 5. dicit eis nazarius V (cf. La1, λέγει αὐτοῖς ναζάριος Gr1): beatus n. -xit ad eos K -cit eis sanctus n. P || malitia neronis VP (cf. La1La2, κακίας νέρωνος Gr1Gr2): n. m. K || sic KP (cf. La2, ὄντως Gr1): om. V || catecizati KV (cf. La2): -zancia P || et KV (cf. La2, καὶ Gr1Gr2): ei P || profecti K (cf. La1La2, ἐπορεύθησαν Gr1 ἀπῆλθον Gr2): per- VP || gratia dei P (cf. La1La2, χάριτι τοῦ θεοῦ Gr1Gr2): d. g. KV VII.1. cumque uenissent KV (cf. La1La2): cum u. autem P || ciuitate genuensi P: -tem genuensi K -te iauense V || erat KP (cf. ἦν Gr1Gr2): est V || eleuatus fuerat V (cf. La2): f. e. KP || mari KP (cf. La2): -e V || et non → loquebatur om. V || et non K (cf. La1La2, καὶ οὐκ Gr1Gr2): n. P

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neque loquebatur. Confirmatus autem Nazarius orauit dicens: «Domine deus patrum meorum, ostende mihi si uere moritur ut sepeliam eum in loco hoc. Si uero uiuit, expectans expectabo eum». Et cupienti ei uenit uox dicens: «Resurget puer et adnuntiabit tibi gaudium». 2. Circa horam autem nonam surrexit puer dicens ei: «Aue pater Nazari». Dixitque ei Nazarius: «Aue et tu fili». Et: «Vbi eras ?» Celsius dixit: «In loco iustorum. Et uidi te stantem iuxta sedem regis Dei: loquebatur tibi de uita inmortali». Gaudio autem repletus Nazarius osculatus est caput eius, et puer osculatus est uestigia eius. Manserunt autem nocte illa intra ciuitatem. 3. Et postero die exsurgens ambulauit. Tertia quoque die uenit in Mediolano, cum confidentia dicens quoniam oportet credere et non colere deos neque daemones, sed timere deum unum omnipotentem et adorare unigenitum filium eius cum Spiritu sancto et baptizari in hoc nomine. Et multi audierunt et crediderunt in Deum. 4. Tunc beatus Nazarius inquisiuit quos reliquerat in carcere confessores, beatum Geruasium et Protasium, et inuenit pari gratia confirmatos. (13bis) VIII.1. Audiens uero Anulinus quoniam et praedictos uiros sua praesentia confirmaret, repletus ira et indignatione imposuit in currum nudum (14) et scripsit de eo ita: «Neroni Caesari imperatori nazarius VP (cf. La1La2, ναζάριος Gr1Gr2): beatus n. K || domine → dicens: om. P || meorum K (cf. La2, μου Gr1Gr2): nostro- V || moritur K (cf. La1La2, ἀποθνῄσκει Gr1): mortuus est V || eum K (cf. La1La2, αὐτό Gr1 -τόν Gr2): om. V || loco hoc K (cf. La2, τῷ τόπῳ τούτῳ Gr1Gr2): -um hunc V || expectabo V (cf. La1La2, ἐκδέξομαι Gr1Gr2): -tam Kac -tem Kpc || cupienti ei K (cf. La1La2, ἀθυμοῦντος Gr1): orante eum V || uox V (cf. La1La2, φωνή Gr1): u. de caelo K || adnuntiabit V (cf. La1La2, ἀναγγελεῖ Gr1Gr2): -uit K || 2. autem K (cf. La1La2): uero V om. P || dicens KP (cf. La1La2, λέγων Gr1): et dixit V || ei VP (cf. La2, αὐτῷ Gr1): om. K || pater VP (cf. La2, πάτερ Gr1Gr2): et pater K || nazari K (cf. La2, ναζάριε Gr1Gr2): -ii VP || et tu fili K (cf. καὶ σὺ υἱέ Gr1 κ. σ. τέκνον Gr2): om. V fili P || eras V (cf. ἦσθα Gr1): e. dic mihi K e. dic P || celsius dixit VP (cf. La2, -sus d. La1): -sus respondit K || et uidi te stantem KV (cf. La2, u. te s. La1, καὶ εἶδόν σε ἑστῶτα Gr1Gr2): ibi te s. u. P || sedem KV (cf. La1La2, θρόνου Gr1Gr2): -dentem P || loquebatur K (cf. La1La2ac, ἐλάλει Gr1 διελέγετο Gr2): qui l. V l. autem P || et puer osculatus est uestigia eius KV (cf. La1La2, καὶ ὁ παῖς ἠσπάσατο τὰ ἴχνη αὐτοῦ Gr1): om. P || ciuitatem KV (cf. La1La2): -e P || 3. postero die K (cf. τῇ ἐπαύριον Gr1Gr2): post pridie VP || tertia quoque K (cf. καὶ τῇ τρίτῃ Gr2): -a autem P -o autem V || in mediolano KP (cf. in -num La2, ἐν μεδιολάνῳ Gr1Gr2): -no V || credere KP (cf. La2ac, πιστεύειν Gr1Gr2): deum c. V || deum unum KV (cf. θεὸν τὸν ἕνα Gr2): u. d. P || cum KV (cf. La2): una c. P || baptizari in hoc nomine P (cf. La2, βαπτίζεσθαι ἐν τούτῳ τῷ ὀνόματι Gr1 β. τε ἐν τῷ ὀ. τούτῳ Gr2): in h. n. -ri K -re in h. n. V || et multi audierunt VP (cf. La2, καὶ πολλοὶ ἤκουον Gr1): -dieruntque m. K || 4. inquisiuit KV (cf. La2): requisiuit P || beatum V (cf. μακάριον Gr1): om. KP || et inuenit VP (cf. La2, καὶ εὗρεν Gr1Gr2): i. K || pari gratia KV (cf. La1La2): pariter in g. P VIII.1. uero VP (cf. La1La2, δέ Gr1Gr2): igitur K || quoniam et P (cf. La2, ὅτι καί Gr1): q. KV || imposuit → et om. V || eum conieci (cf. αὐτόν Gr1Gr2): om. KP || currum nudum K (cf. La2): -o -o P || eo KP (cf. La2): quo V || imperatori atque proconsuli K (cf. et i. et p. La2, καὶ βασιλεῖ καὶ ὑπάτῳ Gr1): et i. V et p. P

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atque proconsuli piissimo in omnibus diis nostris, Anulianus seruus tuus salutem. 2. Virum qui dicitur Nazarius inueni, fugientem potestatem tuam, et seditionibus perturbantem ciuitatem nostram, et peruertentem [m]alos quos diu iam in carcere[m] retinens sperabam persuadere diis immolare. Quem inponens in carpentum nudum in exilium misi, et expecto litteras tuae magnitudinis quemadmodum eos de uita eruam». 3. Accipiens uero epistolam Nero exiliuit dicens: «Adhuc uiuit deorum aduersarius ?» Et quaerebat occidere nautas et non inuenit eos. Misit autem Nero ad Anulinum dicens: «Concide colla eorum, daque auibus carnes eorum». 4. Impiis uero incitantibus currum et non permittentibus quiescere ossa iusti, data sententia, ingressus est Nazarius Mediolano uespere. (15) IX.1. Alia uero die audiens Anulinus aduenisse Nazarium uocauit eum dicens: «Miser adhuc uiuis et non moreris ?» Nazarius respondit: «Quandoque me occideris, tunc uere uiuam». 2. Anulinus dixit: «Iussit Nero incidi ceruices tuas et puerorum Geruasii et Protasii et Celsi, quoniam et ipsi crucifixum colunt, et dari carnes uestras uolatilibus». Nazarius dixit: «Iustus deus et iusta o[pe]ra iudicii eius, qui facit liberari nos et regnare cum omnibus iustis». Anulinus ait: «Multi regnant ibi sicut et hic dii nostri ?» Nazarius respondit: «Dii uestri neque hic neque in aeternum regnant, sed confundemini cum illis quia similes surdis diis KV (cf. La2, θεοῖς Gr1Gr2): diebus P || anulianus seruus K (cf. ἀνουλιανὸς δοῦλος Gr1): -linus s. V -linus cons- P || 2. dicitur nazarius VP (cf. La1La2, τὸν λεγόμενον ναζάριον Gr1Gr2): n. d. K || inueni fugientem potestatem tuam P (cf. La1, εὗρον ἐκφυγόντα τὴν ἐξουσίαν σου Gr1Gr2): -tatem -am f. i. K i. f. -tati -ae V || seditionibus perturbantem ciuitatem nostram P (cf. La2, ἀνασείοντα τὴν πόλιν ἡμῶν Gr1 κινοῦντά τε τ. π. ἡ. Gr2): c. n. -nibus p. K -nis p. c. n. V || et peruertentem P (cf. La1La2, καὶ διαστρέφοντα Gr1): ac p. K -tesque V || alios conieci (cf. ἑτέρους Gr1 ἄλλους Gr2): malos KV multos P || iam diu KP (cf. La2): d. i. V || retinens P (cf. La2, κατέχων Gr1): tenens KV || persuadere VP (cf. La2, πειθεῖν Gr1): p. eos K || immolare K (cf. La2, θύειν Gr1Gr2): -ri VP || nudum KP (cf. σκληρόν Gr2): du- V || et expecto K (cf. καὶ ἐκδέχομαι Gr1): ex- V ex- enim P || litteras tuae magnitudinis VP (cf. La2, γράμματα τοῦ σοῦ μεγέθους Gr1): -ris m. t. K || de uita eruam KV (cf. La2, ἀποστερήσω αὐτοὺς ἐκ τῆς ζωῆς Gr2): debite perdam P || 3. nautas KP (cf. La1): -tos V || eos P (cf. αὐτούς Gr1Gr2): om. KV || daque K (cf. καὶ δός Gr2): datis VP || auibus KV (cf. La1La2, πετεινοῖς Gr2): a. caeli P || 4. permittentibus K (cf. La2): -tes VP || nazarius K (cf. ναζάριος Gr1): sanctus n. VP IX.1. alia uero die KP (cf. a. d. La2, τῇ δὲ ἐπαύριον Gr1Gr2): om. V || nazarium V (cf. ναζάριον Gr1Gr2): sanctum n. KP || moreris KV (cf. La2, ἀποθνῄσκεις Gr1): -ieris P || quandoque K (cf. ὅταν Gr1Gr2): -do V -doquidem P || 2. incidi VP (cf. La1, κατακοπῆναι Gr1): occiK || quoniam → nostri om. P || dari K (cf. δοθῆναι Gr1Gr2): -re V || nazarius dixit V (cf. ναζάριος εἶπεν Gr1): n. itaque respondit K || hora iudicii conieci (cf. ὥρα τῆς κρίσεως Gr1Gr2): opera -cii K -cia opera V || facit liberari nos et regnare K (cf. τοῦ ἀπαλλαγῆναι ἡμᾶς καὶ συμβασιλεύειν Gr1): -rauit n. et r. faciet V || iustis V (cf. La2, δικαίοις Gr1): sanctis K || multi regnant K (cf. La2, πολλοὶ βασιλεύουσιν Gr1): m. -abunt V || nazarius KV (cf. ναζάριος Gr2): n. autem P || in aeternum VP (cf. La2, εἰς τὸν αἰῶνα Gr1Gr2): in -o regno K || confundemini V (cf. La2, συγχωνευθήσεσθε Gr1): -dimini K -dimini in aeternum P || similes surdis et mutis K (cf. La2, ὅμοιοι κωφοῖς καὶ τυφλοῖς Gr1): s. -di et -ti V s. illis -di et -ti P

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et mutis facti estis». 3. Et repletus ira Anulinus tradidit eos ut morirentur dicens: «Multum superflua loqueris, Nazari». Et confestim adduxerunt eum cum Geruasio et Protasio et puero Celsio, ac decapitauerunt eos oculte propter populum ut tumultus non fieret, quoniam omnes eos sicut cultores Dei habebant propter quod multae uirtutes per eos fiebant. (16) X.1. Obseruantes uero qui susciperant eos propter Deum, furati sunt sancta et pretiosa corpora eorum ac deposuerunt extra ciuitatem extra portam quae dicitur Romana. 2. Ipsa uero nocte apparuerunt sancto Cyrasio, qui susceperat corpora eorum, dicentes: «Fac prandium magnumque gaudium in domo tua uenit. Et fodiens altitudinem magnam in terra absconde nos propter Neronem. Et ne loquaris amicis tuis in omni ciuitate Italiae dicens: “Quieuerunt Nazarius Geruasius et Protasius cum puero Celsio et sunt apud nos”». 3. Et rogauit Cyrasius dicens: «Oro uos domini, saluate unicam filiam meam quia paralitica est». Dicunt ad eum sancti: «Qui nos paraliticos confirmauit confirmans et exsuscitans animas nostras in caelis et exultare fecit cum iustis, dabit tibi de caelo quod petisti». 4. Exiliente uero eo et uolente offerre filiam suam sanctis martyribus, gloria dei abscondit eos. Ille autem contristatus est propter facti nouitatem. Mature uero exsurgens uidit filiam suam currentem ad memo3. morirentur KV (cf. -rerentur La2, ἀποθάνωσιν Gr1): -riretur P || superflua KP (cf. La2, περιττά Gr2): -ae V || loqueris KV (cf. La2, φλυαρεῖς Gr1 λαλεῖς Gr2): -ri P || nazari VP (cf. La2, ναζάριε Gr1Gr2): om. K || adduxerunt K (cf. ἤγαγον Gr2): -ducent V -dunt P || cum KP (cf. La2): om. V || puero V (cf. νηπίου Gr1 παῖδα Gr2): om. KP || ac decapitauerunt K: et -runt V -runtque P || ut tumultus non V (cf. ἵνα μὴ θόρυβος Gr1Gr2): ne t. KP || quoniam KP (cf. La2): quia V || cultores dei VP (cf. La2): d. c. K || propter quod P (cf. La2): p. q. quia K eo q. V || multae uirtutes per eos P (cf. La2, πολλὰς δυνάμεις δι ᾿αὐτῶν Gr1): p. e. m. u. K m. p. e. u. V || fierent KV (cf. La2): -ebant P X.1. sancta et pretiosa KV (cf. La2): -e et -e P || ac deposuerunt K (cf. et d. La2, καὶ κατέθεντο Gr1 κ. ἔθηκαν Gr2): et d. eos V om. P || extra ciuitatem → romana om. P || extra portam V (cf. κατὰ τὴν πύλην Gr1Gr2): et e. p. K || 2. cyrasio K (cf. κερατίωνα Gr2): cyriasio V ciriacio P || susceperat K (cf. La3): -ciperat VP || dicentes KP (cf. La1La2, λέγοντες Gr1): -ens V || prandium KV (cf. La2, ἄριστον Gr2): conuiuium copiosum P || magnumque gaudium K (cf. καὶ εἰσελεύσεται χαρά Gr2): magnum V magnum enim g. P || domo tua V (cf. οἴκῳ σου Gr2): -mo K -mum -am P || uenit P (cf. εἰσελεύσεται Gr2): om. KV || et fodiens KV (cf. καὶ ὀρύξας Gr2): -dens ergo P || magnam KV (cf. La2): -a P || absconde KP (cf. La2, κρύψον Gr1Gr2): et a. V || quieuerunt KV (cf. La2, ἀνεπαύθησαν Gr2): quia uenerunt P || et protasius KP (cf. La2, καὶ πρωτάσιος Gr1Gr2): p. V || celsio VP (cf. κελσίου Gr1Gr2): -so K || 3. et rogauit VP (cf. La2, καὶ ἐδεήθη Gr1 καὶ παρεκάλεσε Gr2): -uitque eos K || sancti VP (cf. La2La3, ἅγιοι Gr1Gr2): om. K || nostras KP (cf. La1La2La3, ἡμῶν Gr1Gr2): uestr- V || dabit VP (cf. La1La2La3, δώσει Gr1Gr2): ipse d. K || de caelo KV (cf. La2, οὐρανόθεν Gr1 ἐξ οὐρανοῦ Gr2): om. P || 4. uero KV (cf. δέ Gr1Gr2): om. P || eo KP (cf. La2): eum V || sanctis V (cf. La3, ἁγίων Gr1Gr2): om. KP || est KV (cf. La2): om. P || nouitatem KV (cf. La2): -e P || mature uero P (cf. La1, ὄρθρου δέ Gr1): -ture namque K -tura u. V || uidit filiam suam K (cf. La1La2, εἶδεν τὴν θυγατέρα αὐτοῦ Gr1Gr2): u. f. V f. s. u. P

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riam sanctorum martyrum. Ille quoque abiens uelut stupidus factus, nuntiauit omnia mirabilia quae uiderat facta per sanctos uxori suae Fortunatae. 5. Et cum festinatione facientes omnia sicut praeceperant sancti adorauerunt Deum una cum filia sua et omni domo eorum, dicentes: «Deus sanctorum qui propter nomen tuum posuerunt animas suas, qui demonstrasti nobis corpora sanctorum tuorum, respice nos et salua nos in saecula. Benedicimus te quia uidimus et habemus uiros Christi sanctos et discipulos apostoli Petri». 6. Consecrati sunt autem sancti martyres in ciuitate Mediolano, in loco qui dicitur Tres Muros, die idus decembris. (17) XI.1. Consequens uero quidam philosophus sanctum Nazarium, ab initio scripsit martyrium certaminis eorum. Qui conseruans apud se fideliter retinebat. 2. Exterritus uero in somnis a sanctis, dedit librum sancto Cyrasio ei qui pretiosa corpora eorum deposuerat, sicut reuelauerant sancti martyres dicentes: «Absconde librum certaminis nostri in loco quo sunt conseruanda corpora nostra usque in diem quo uoluerit deus demonstrare nos omnibus hominibus». Et accipiens confestim condidit librum ad caput sanctorum. 3. In ipso autem tempore uindictam fecit Deus sanctorum suorum: exsectus est enim pes dexter Neronis et mortuus est; Denobaus autem et Anulinus extrangulati sunt a daemonibus. quoque K (cf. καί Gr2): uero VP || stupidus factus Kac (cf. ἐκπλαγείς Gr2): stupefactus Kpc stupidus factus est et VP || nuntiauit KV (cf. La1La2La3): narraum P || per sanctos K (cf. La1La2, διὰ τῶν ἁγίων Gr2): om. VP || uxori suae fortunatae VP (cf. La1La2La3, τῇ γυναικὶ αὐτοῦ φορτυνάτῃ Gr2): f. u. s. K || 5. et cum festinatione VP (cf. καὶ εὐθέως μετὰ σπουδῆς Gr2): c. f. ergo K || sicut VP (cf. La2La3, καθώς Gr2): que K || adorauerunt deum K: et -ere d. Vac et -erunt d. Vpc -erunt dominum P || domo eorum P (cf. La2, οἴκῳ αὐτῶν Gr2): -mo sua K familia et proximos V || corpora sanctorum tuorum KP (cf. c. s. La2, σώματα τῶν ἁγίων σου Gr2): eorum c. V || respice nos et V (cf. ἔπιδε καί Gr2): -ciens K -ciens n. P || uidimus P (cf. La2ac, ἑωράκαμεν Gr2): -demus KV || christi sanctos VP (cf. La3, s. La2, ἁγίους Gr2): christianos K || 6. qui KV (cf. La2): que P || die idus decembris KP: die -uum d. V XI.1. quidam KV (cf. La1La2La3): que- P || sanctum nazarium ab initio VP (cf. La2La3, ἁγίῳ ναζαρίῳ ἐξ ἀρχῆς Gr1 ἁ. ν. ἀπὸ προοιμίων Gr2): ab i. s. n. K || martyrium KP (cf. La1La2, μαρτύριον Gr1Gr2): -rum V || illud conieci (cf. αὐτό Gr1Gr2): om. KVP || 2. exterritus uero in somnis a sanctis V (cf. La2La3, ἔμφοβος δὲ γενόμενος κατ᾿ ὄναρ ὑπὸ τῶν ἁγίων Gr1): qui in s. a s. e. K e. autem in s. a s. P || cyrasio KV (cf. κερατίωνι Gr2): ciriacio P || ei KV: et P || eorum KV (cf. αὐτῶν Gr1Gr2): om. P || reuelauerant KV: -larent P || demonstrare P (cf. La2La3, ἐπιδεῖξαι Gr1 ἀνα- Gr2): -ri KV || nos KP (cf. La3, ἡμᾶς Gr1Gr2): uos V || confestim VP (cf. La2, εὐθέως Gr1): post condidit transtulit confestim K || condidit K (cf. La2, ἠσφαλίσατο Gr1): abcondit V concidit P || 3. in ipso autem tempore P (cf. La2, ἐν αὐτῷ δὲ τῷ καιρῷ Gr1 ἐν α. δὲ τῷ χρόνῳ Gr2): in ip- denique t. K ip- a. t. V || uindictam fecit deus V (cf. La2, u. f. dominus La3, ἐκδίκησιν ἐποίησεν ὁ θεός Gr1 ἐ. -ήσατο ὁ θ. Gr2): f. deus u. KP || sanctorum suorum K (cf. La3, ἁγίων αὐτοῦ Gr1Gr2): sanc- martyrum su- VP || exsectus est KV (cf. ἐτμήθη Gr2): eiectus P || pes KP (cf. La2La3, ποῦς Gr2): pedes V || neronis KV (cf. La2, νέρωνος Gr2): -i P || et KV (cf. La2La3, καί Gr2): om. P || denobaus autem K (cf. dinobaus a. La2, denouaus a. La3, δινόβαος Gr1Gr2): om. V denubius a. P || et KV (cf. La2La3, καί Gr1Gr2): om. P || extrangulati K (cf. La2, ἐπνίγησαν Gr2): -gulatus V -guilati P || sunt P (cf. La2): om. K est V || a daemonibus

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Erant autem furiosi et requirebant reliquias sanctorum hoc dicentes: «Ne iterum resurgentes maiores uirtutes incipiant facere». 4. Agrippa autem adhuc prefecto, facti sunt timores magni, fames et morbi: et apparentes sancti multos reficiebant in deo suo. Et sic in omnibus glorificatus est Deus per sanctos martyres. (18) XII.1. Quando uero bene conplacuit Deo qui est gloriosus in sanctis suis, reuelauit in nostram aetatem Ambrosio beatissimo episcopo Mediolanensi et confessori, imperante clementissimae memoriae Theodosio imperatore. 2. Qui, cum omni populo accedens ad locum quem diuina gratia adnuntiauerat ei, requirens inuenit sanctos martyres sicut thesauros repositos in tribus locellis cum puero Celsio. 3. Quibus incedentibus cum multitudine innumerabili et canticis angelicis in ciuitate Mediolanensi, tanta signa fecit Deus in gloria sanctorum suorum ac si eius praesentia efficerentur quae facta sunt. Caeci enim multos annos habentes receperunt lumen, claudi gressum; daemones a natiuitate hominum latentes, tunc manifesti sunt ingenti clamore: et mundati sunt confestim in uirtute et gratia Domini nostri Iesu Christi, cui est honor et gloria, uirtus et imperium, cum Patre et Spiritu sancto in saecula saeculorum. Amen.

KV (cf. La1La2, ὑπὸ δαιμόνων Gr1Gr2): om. P || erant autem furiosi et P (cf. La2, ἦσαν γὰρ μαινόμενοι Gr1Gr2): f. erant et K erant a. quidam pagani qui V || reliquias sanctorum VP (cf. La2, λείψανα τῶν ἁγίων Gr1Gr2): s. r. K || hoc dicentes KP (cf. La2): d. V || maiores uirtutes KV (cf. La2, μειζοτέρας δυνάμεις Gr1 μείζονας δ. Gr2): om. P || 4. autem adhuc K (cf. La2, δὲ ἔτι Gr1Gr2): autem V ait P || timores V (cf. La2, φόβοι Gr1): -ris K mores P || magni KP (cf. La2, μεγάλοι Gr1): -e V || fames VP: -is K || in omnibus Kpc VP (cf. La2, ἐν πᾶσιν Gr1Gr2): o. Kac || deus KV (cf. La2, θεός Gr1Gr2): dominus P || martyres V (cf. La2, μαρτύρων Gr1Gr2): m. suos KP XII.1. uero KV (cf. La2La3, δέ Gr1Gr2): om. P || bene conplacuit KV (cf. La2, ηὐδόκησεν Gr1): placuit P || in sanctis VP (cf. La1La2La3, ἐν τοῖς ἁγίοις Gr1Gr2): in secula in s. K || in nostram aetatem VP (cf. La2ac, ἐπὶ τῆς ἡμετέρας γενεᾶς Gr1): -a -te K || beatissimo KV (cf. La1La2, τρισμακαριωτάτῳ Gr1 -καρίστῳ Gr2): om. P || mediolanensi KV (cf. La1La2La3): -e P || imperante conieci (cf. βασιλεύοντος Gr1): qui imperauit K impetrauit V qui impetrauit P || clementissimae KP (cf. εὐσεβοῦς Gr1): -o V || theodosio imperatore conieci (cf. αὐτοκράτορος θεοδοσίου Gr1): -sio -i K -sio V -sia P || 2. cum → ei om. V || in tribus K (cf. ἐν τρισί Gr2): t. VP || celsio VP (cf. La2, κελσίῳ Gr1): -so K || 3. et canticis angelicis K (cf. La2La3, καὶ ψαλμῳδίας ἀγγέλων Gr1): et cum c. a. V et cum c. P || mediolanensi K (cf. La1): -si et V -se P || suorum KP (cf. La3, αὐτοῦ Gr1): om. V || multos VP (cf. La2): iam m. K || claudi gressum KV (cf. χώλοι περιεπάτησαν Gr1Gr2): om. P || a natiuitate hominum latentes KV (cf. ἐκ γενετῆς ἀνθρώπων λανθάνοντα Gr1): in homines a n. l. P || manifesti sunt ingenti clamore KP (cf. ἀνέρρηξαν Gr1): m. s. i. pauore V || gratia KV (cf. La2La3, χάριτι Gr1Gr2): gloria P || honor et gloria uirtus et imperium V (cf. h. et g. et i. et potestas La3, ἡ δόξα καὶ τὸ κράτος Gr1Gr2): g. K h. et g. P || cum patre et spiritu sancto K (cf. σὺν τῷ πατρὶ καὶ τῷ ἁγίῳ πνεύματι Gr2): om. VP

Sever J. VOICU LE FONTI DELL’OMELIA PSEUDOCRISOSTOMICA IN OMNES SANCTOS (BHG 1188b; CPG 4731) Nell’enorme corpus degli spuri attribuiti a Giovanni Crisostomo abbondano le compilazioni realizzate giustapponendo brani tratti da opere preesistenti1. L’omelia In omnes sanctos (BHG 1188b; CPG 4731), pubblicata da Dyobouniotes nel 19122, non sembra essere mai stata studiata. Comunque, la CPG si accontenta di riprendere la laconica espressione di Aldama Dubiae authenticitatis3. In realtà, l’omelia è sicuramente spuria, poiché trascrive, senza mutamenti di rilievo, due brani di opere autentiche di Giovanni Crisostomo, secondo il seguente prospetto. 1) p. 303, 16-21:ȱἘπειδὴ καὶ δαίμονές εἰσινȱ(...)ȱτῆς πανηγύρεως ταύτης τῶν ἁγίων πάντωνȱ cf.ȱ ἐπειδὴ καὶ δαίμονές εἰσινȱ (...)ȱ τῆς πανηγύρεως ταύτηςȱ (In ascensionem domini nostri Jesu Christi: ed. PG 50, col. 444, 4-15).ȱ ȱ2) pp. 304, ult.-305, 14:ȱ Ἐννόησον ὅσοι καὶ μαρτυρίουȱ (...)ȱ καὶ μειράκια κομιδῆȱcf.ȱἘννόησον ὅσοι καὶ μαρτυρίουȱ(...)ȱκαὶ μειράκια κομιδῆȱ(Ad eos qui scandalizati sunt 19, 1, 2-3, 4: ed. MALINGREY, p. 236; PG 52, col. 518, 3 ab imo – col. 519, 15) 4.

Questi sono gli unici due passi di BHG 1188b la cui origine è stata identificata. Tuttavia, tutto indica che nemmeno i passi μάρτυρες γὰρ τῆς – ἐσφαγμένον τὸν Ἄβελ (p. 303, 5-15) e Πλοῦτον κερδαίνουσιν – σπλαγχνίζεται δοξαζόμενος (p. 303, 22-304, ult.) sono opera del compilatore di BHG 1188b. In entrambi si osserva infatti una particolarità stilistica che mal si concilia con la riutilizzazione letterale di opere preesistenti: l’osser-

1 Per una rassegna di queste opere sui generis, cf. J. A. DE ALDAMA, Repertorium Pseudochrysostomicum (= Documents, Études et Répertoires publiés par l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, 10), Paris, 1965 (si veda, in particolare, l’appendice IV: pp. 224-227), a cui vanno aggiunti gli Appendices dei sei volumi pubblicati dei Codices Chrysostomici Graeci e altre pubblicazioni più recenti, come S. J. VOICU, L’Oratio in martyres omnes (BHG 1191u; CPG 4841) attribuita a Crisostomo. Prospetto delle fonti, in AB, 126 (2008), p. 30. 2 K. I. DYOBOUNIOTES [∆ΥΟΒΟΥΝΙΏΤΝΣ], Ὁ ὑπ᾿ ἀριθμοῦ 108 κῶδιξ τῆς Ἱερᾶς Συνόδου τῆς Ἐκκλησίας τῆς Ἑλλάδος, in Ἐκκλησιαστικὸς Φάρος, 9 (1912), pp. 292-305 (testo a pp. 303-305). 3

Cf. ALDAMA, Repertorium Pseudochrysostomicum, p. 26, n° 67.

4

Jean Chrysostome. Sur la providence de Dieu, ed. A.-M. MALINGREY (= Sources Chrétiennes, 79), Paris, 1961. L’apparato critico di questa edizione rivela che il compilatore di BHG 1188b ha usato un manoscritto affine ai codici Δ e G (cf. ibid., p. 46). Si vedano l’omissione di ὡς κακοῦργοι (19, 1, 3) e la lezione μυρία εἴδη (2, 4).

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 281-282.

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S. J. VOICU

vanza sistematica della cosiddetta «legge di Meyer» sulle clausole bizantine5, che contraddistingue la prosa di un certo livello6. I non molti casi in cui il testo stampato di questi due passi ignora la «legge di Meyer» possono essere spiegati vuoi per problemi di trasmissione, poiché l’edizione è stata realizzata su un unico testimone, per giunta lacunoso, vuoi perché il compilatore non era sensibile al ritmo della prosa, ma piuttosto alla simmetria sintattica dei commi7. Comunque, nonostante l’esiguità dei due passi non identificati, sembra lecito ipotizzare, per ragioni stilistiche, che provengano da due autori diversi. Infatti, mentre il primo evita con cura lo iato, il secondo lo tollera e, almeno in un caso, sembra integrarlo nel conteggio delle clausole8. Anche per quanto riguarda il lessico, le due parti rispecchiano scelte divergenti: se nel secondo brano mancano le parole ricercate, nel primo si registrano termini rari come ἐμβόσκω (p. 303, 13), che sembra esclusivo di Filone9, e προσταυρόω (p. 303, 9), per non parlare di περιπυρόω, non registrato dai lessici. Infine, la frase ταῖς ἀρούραις ἐμπεριπατοῦντες στρουθοὶ può essere vista come un discreto ammiccamento a Plutarco: καθάπερ ὁ Στρουθίας ἐμπεριπατῶν τῷ Βίαντι10. In definitiva, appare improbabile che due brani che rivelano scelte retoriche tanto diverse siano opera dello stesso autore. Alla luce di queste considerazioni, lo stile proprio dello sconosciuto predicatore si rivela soltanto nelle prime due frasi del testo, che ignorano il ritmo bizantino: ∆εῦτε σήμερον, ἀδελφοί, τῶν ἁγίων μαρτύρων τὴν μνήμην φαιδρῶς πανηγυρίσωμεν. ∆εῦτε κοινωνήσωμεν αὐτῆς τῆς ἐπουρανίου χάριτος. Biblioteca Apostolica Vaticana

Sever J. VOICU

5 Cf. W. HÖRANDNER, Der Prosarhythmus in der rhetorischen Literatur der Byzantiner (= Wiener Byzantinistische Studien, 16), Wien, 1981. 6 Tra l’altro, il rispetto delle clausole, indica che questi passi dipendono da una fonte (o fonti) relativamente tardive, poiché il primo autore ecclesiastico che usa le clausole in maniera sistematica è Nestorio; cf. S. J. VOICU, Nestorio e la Oratio de epiphania (CPG 4882) attribuita a Giovanni Crisostomo, in Augustinianum, 43 (2003), pp. 495-499, con altra bibliografia. 7 Alcuni passi in cui la legge non viene rispettata, possono essere spiegati invertendo le due parole finali del comma. Si vedano ad es., περιπυροῦντες τέφρᾳ (p. 303, 14); εὐσεβοῦντες τρέχομεν (p. 304, 5); πόλεις ἁγιάζουσιν (p. 304, 23). 8

Vedi τὰ σκεύη τὰ ἐκλεκτά (p. 304, 11).

9

Si corregga quindi ἐμβοσκώμενοι in ἐμβοσκόμενοι.

10

Quomodo adulator ab amico internoscatur 13: Plutarque, Œuvres morales. T. I, 2e partie, ed. R. KLAERR – A. PHILIPPON – J. SIRINELLI (= Collection des Universités de France. Série grecque), Paris, 1989, p. 102, 57A.

Vincent DÉROCHE – Bénédicte LESIEUR NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE Daniel le Stylite – Marcel l’Acémète – Hypatios de Rufinianes – Auxentios de Bithynie*

1. La Vie de Daniel le Stylite (BHG 489) Cette Vie bien connue des byzantinistes a bénéficié très tôt d’une édition exemplaire de H. Delehaye1 et sa fiabilité comme source historique n’est plus à démontrer. Mais autant le savant bollandiste a éclairé la figure de Daniel, autant il a néanmoins laissé dans l’ombre deux points importants sur lesquels on est peu revenu après lui: la date de rédaction et l’existence d’au moins deux recensions parallèles du texte. Delehaye s’est contenté de noter ce qui est assuré2: la Vie a été rédigée assez rapidement après la mort du saint, survenue le 11 décembre 493, puisque le disciple qui la rédige a été témoin oculaire d’une partie de la vie du saint et ne semble pas avoir eu recours à une source écrite, mais uniquement à la tradition orale interne du couvent; le biographe est nettement plus jeune que son maître, si l’on se réfère aux occurrences de pronoms à la première personne du pluriel dans le texte, aux chapitres 86 et suivants. Dans une brillante étude, R. Lane Fox a non seulement démontré que la Vie était une source historique plus exacte encore qu’on ne le croyait, mais que le texte avait été écrit sous le règne d’Anastase et qu’il reflétait une position théologique prudente par rapport au concile de Chalcédoine, en gros celle défendue par l’Hénotikon de Zénon et par Akakios, qui s’évertuaient à ne pas désavouer explicitement le concile tout en prenant des distances avec sa théologie3.

*

Abréviations bibliographiques: cf. infra, p. 295.

1

Vie de Daniel le Stylite: éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. XXXV-LVIII, p. 1-147; trad. FESTUGIÈRE, Moines d’Orient, p. 87-171, avec les notes de R. Janin, p. 169-171. 2

Éd. DELEHAYE, Saints stylites, n. 1, p. LIV-LV.

3

LANE FOX, Life of Daniel, en part. p. 207-209. L’une des conclusions les plus intéressantes est que la Vie passe sous silence l’essentiel du règne de Zénon, de 476 à 493, évidemment non par manque d’information, mais par discrétion. Les études plus récentes d’O. Hesse (Das altkirchliche Mönchtum und die kaiserliche Politik am Beispiel der Apophtegmen und der Viten des Symeon Stylites und des Daniel Stylites, in Studia Patristica, 34 [2001], p. 88 suiv.) et de M. R. Vivian (Monastic Mobility and Roman Transformation: The Example of St. Daniel The Stylite, in Studia Patristica, 39 [2006], p. 461-466), sont hors de notre propos.

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 283-295.

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V. DÉROCHE – B. LESIEUR

Il nous semble que l’on pourrait préciser davantage la date et par làmême mieux comprendre le contexte de la rédaction de la Vita ainsi que les objectifs poursuivis, en examinant la façon dont le texte qualifie différents personnages. Ainsi, le saint est censé avoir prédit peu avant la mort de Zénon que son successeur serait choisi par Ariadnè, qui l’épouserait, et qu’il concentrerait en sa personne tant de vertus qu’on croirait lire un résumé de panégyrique impérial; pour faire bonne mesure, l’hagiographe ajoute que l’avènement d’Anastase a confirmé pleinement cette prédiction: la conclusion qui s’impose est que le biographe écrit encore du vivant d’Anastase, donc au plus tard en 5184. Mais on peut encore resserrer la fourchette: lorsqu’il préside aux funérailles du saint, le patriarche Euphémios est présenté avec plus d’éloges que ceux qui l’ont devancé sur le siège, et il est gratifié des épithètes protocolaires désignant un archevêque en fonction (ὁσιώτατος, ἁγιώτατος ou θεοφιλέστατος), tandis que ses prédécesseurs en sont dépourvus ou sont qualifiés de l’épithète μακάριος réservé aux défunts5. Donc, Euphémios est encore vivant et occupe toujours sa fonction lors de la rédaction de la Vie; or, le prélat est déposé par Anastase au printemps 496, à la fois parce qu’il est trop lié au parti isaurien constitué par l’empereur précédent, Zénon, et parce qu’il est trop chalcédonien au moment où Anastase commence à infléchir sa politique dans un sens monophysite. La Vie a donc été rédigée entre décembre 493 et le printemps 4966. Cet intervalle de temps est le seul moment où l’on pouvait faire conjointement l’éloge d’Euphémios et celui d’Anastase; il correspond aussi aux derniers instants durant lesquels pouvait se prolonger le délicat exercice d’équilibriste auquel se livre l’auteur de la Vie, et sans doute toute la communauté établie autour du saint homme. Daniel passe en effet pour 4 Chap. 91: éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. 85-86; trad. FESTUGIÈRE, Moines d’Orient, p. 157-158. Lane Fox (Life of Daniel, p. 205) fait le rapprochement avec des éloges d’Anastase de teneur similaire (cf. A. CHAUVOT, Procope de Gaza, Priscien de Césarée: Panégyriques de l’empereur Anastase Ier [= Antiquitas. Abhandlungen zur alten Geschichte, 35], Bonn, 1986). 5 Chap. 92, éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. 87 et trad. FESTUGIÈRE, Moines d’Orient, p. 159; chap. 96, éd. DELEHAYE, p. 90 et trad. FESTUGIÈRE, p. 162; chap. 99, éd. DELEHAYE, p. 91-92 et trad. FESTUGIÈRE, p. 163; chap. 100, éd. DELEHAYE, p. 92 et trad. FESTUGIÈRE, p. 164. Voir l’index de l’éd. DELEHAYE, p. 272-276 pour Anatolios, Gennadios et Akakios. 6

LANE FOX, Life of Daniel, p. 208, le dit si brièvement («its first text must have been composed soon after Daniel’s death, evidently between 494 and 496») que la démonstration n’a pas été retenue. E. CHATZIANTONIOU, Η θρησκευτική πολιτική του Αναστασίου Αʹ (491-518), Thessalonique, 2009, p. 48-53, considère en effet que le vrai tournant pro-monophysite se situe en 507 à la déposition de Makédonios, mais reconnaît à partir de 496 un infléchissement de l’empereur dans le sens de l’Hénotikon et du rétablissement de la communion avec des sièges monophysites d’Orient.

NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE

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un saint chalcédonien par excellence, parce qu’il a joué un rôle décisif dans l’émeute organisée par Akakios contre Basiliskos, racontée dans les chap. 70-85 de la Vie, et c’est dans cette posture avantageuse de héros de l’Orthodoxie et de défenseur du concile de Chalcédoine qu’il est commémoré. L’examen attentif de la Vie révèle cependant que Daniel se situe au fond dans la mouvance religieuse de l’Hénotikon de Zénon et donc dans celle d’Akakios, désavouant implicitement le concile de Chalcédoine, comme on l’a déjà signalé7. La différence religieuse avec Basiliskos est ainsi moins tranchée qu’il n’y paraît, puisque l’étalon implicite de l’Orthodoxie au moment de la rédaction n’est autre qu’Anastase; la continuité de Zénon à Anastase est incarnée par Ariadnè, qui est censée conserver la dignité impériale à cause de «la foi parfaite de ses pères envers Dieu», ce qui revient à dire la position de Léon Ier8. Lors de son arrivée à l’Anaplous, Daniel, qui ne parle que le syriaque, est dénoncé pour hérésie au patriarche par les clercs de l’église voisine, et cette hérésie suspectée chez un Syrien ne peut être que le monophysisme9. Nous ne saurons jamais si Daniel nourrissait des convictions vraiment monophysites, mais comme l’a bien vu R. Janin, l’auteur de la Vie prend soin de le mettre en scène refusant de répondre à des questions théologiques sur l’Incarnation, qualifiées de «futiles et pernicieuses», et renvoie modestement au jugement des évêques dans des termes qui évoquent la ligne de l’Hénotikon, le refus de scruter trop loin les textes des Pères et le respect de la hiérarchie en place10. Comment les moines de l’Anaplous ont-ils réagi au revirement d’Anastase en faveur des monophysites ? Nous n’avons aucun renseignement làdessus, mais les actes du concile de 536 ont conservé la signature de l’higoumène du même monastère figurant sur des pétitions d’archimandrites de Constantinople contre le monophysisme, déposées dès 51811: le monastère a au moins accompagné la nouvelle politique pro-chalcédonienne de Justin Ier et n’a peut-être jamais suivi pleinement la ligne pro-monophysite 7 Janin (voir trad. FESTUGIÈRE, Moines d’Orient, p. 167) a bien vu que cette approbation d’Akakios, Zénon et Anastase était dogmatiquement suspecte; voir aussi KAPLAN, L’espace et le sacré, en part. p. 214, n. 78 sur la «présentation des opinions religieuses des empereurs … tendancieuse». 8

Chap. 91, éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. 86, trad. FESTUGIÈRE, Moines d’Orient, p. 158.

9

Voir KAPLAN, L’espace et le sacré, p. 203, n. 10.

10

Janin, dans la trad. FESTUGIÈRE, Moines d’Orient, p. 167; chap. 90, éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. 84-85, trad. FESTUGIÈRE, p. 156-157. 11 Acta Conciliorum Oecumenicorum, éd. E. SCHWARTZ, III, Berlin, 1940, p. 36, 47 et 69, où l’on trouve la signature complète de l’archimandrite Babylas à trois libelles d’higoumènes pro-chalcédoniens adressés en 518 à l’empereur, au patriarche et au synode permanent.

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V. DÉROCHE – B. LESIEUR

d’Anastase12. La Vie a néanmoins été conservée sans réédition notable susceptible d’éliminer sa coloration hénoticienne, l’action résolue de Daniel à l’encontre de Basiliskos valant brevet a posteriori de pur chalcédonisme — sans doute à tort. En effet, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, aucun lien n’apparaît entre ces évolutions de la ligne religieuse du monastère et la pluralité des recensions anciennes conservées de la Vie. Constatant qu’il n’y avait pas de rapport simple de dépendance manifeste entre les recensions, Delehaye a sagement fait le choix d’éditer en parallèle deux recensions13, mais même ce choix est déjà une élaboration à partir de quatre manuscrits différents, OLPV, dont aucun n’offre vraiment le même texte. Le bollandiste privilégie la recension qu’il appelle D, imprimée en haut de page, et qui correspond en fait au texte du ms. L, et classe en D’ ce qui s’en écarte, une recension qui correspond le plus souvent aux témoins PV, mais dont l’homogénéité est problématique14. L’éditeur reconnaît d’ailleurs qu’aucune recension ne peut être entièrement privilégiée comme plus fidèle à l’original hypothétique tout au long du texte. Par exemple, les chap. 62 et 63, que Delehaye considère un peu vite comme homogènes, comportent une addition importante dans OP par rapport au texte proposé par L, puis encore deux additions propres à OV15: les rapports sont au moins triangulaires et il faut supposer des phénomènes de contamination entre les témoins. L’opposition duelle entre 12 Le jugement de Lane Fox (Life of Daniel, p. 208) sur l’auteur de la Vie est que «if he had been the Henotikon’s ardent champion, he would presumably have presented it in glorious colours; he is sympathetic, I suggest, but not ardent». Passer sous silence l’existence même de l’Henotikon comme le fait la Vie de Daniel implique à notre avis une réticence encore plus forte que cela: la Vie s’aligne sur Euphémios dont on sait qu’il a fait approuver les canons de Chalcédoine par un synode, et l’éloge d’Anastase exprime au fond l’espoir que l’empereur se conformera à la déclaration d’orthodoxie qu’il a signée en montant sur le trône – et qu’il essaiera ensuite en vain de récupérer avant de faire déposer Euphémios. 13 Présentation des manuscrits et des deux recensions: éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. XXXV-XXXIX. 14 Un passage lie indiscutablement PV, chap. 10 (p. 10); il s’agit de l’omission de la mention de la révolte samaritaine, sûrement présente dans le texte d’origine, où manque en PV la première phrase du chapitre; mais PV conservent néanmoins dans le même chapitre des éléments qui ne peuvent s’expliquer que dans le contexte que donnait cette phrase: Daniel se résout à tenter le martyre par son voyage, puis le vieux moine qu’il rencontre lui parle de cette révolte et blâme cette quête inconsidérée du martyre (p. 11); cette omission provient donc probablement d’une lacune dans la transmission et non d’une réécriture. Pour la date de la révolte, Lane Fox (Life of Daniel, p. 187-188) propose 450-451, ce qui convient à la chronologie interne de la Vie. 15 Chap. 62, lemmes 43 (τὸ αὐτὸ καὶ ἐπὶ τοῦ σώματός ἐστι νοῆσαι), 46 (παρᾶ τοῦ ὁσίου ἀνδρός); chap. 63, lemme 14 (ἔχοντα ἀνατεταμένον εἰς οὐρανὸν τὸ πρόσωπον).

NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE

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deux recensions dans l’édition établie par Delehaye est donc plutôt une simplification de la situation, telle qu’elle se présente véritablement: en réalité, les manuscrits combinent et croisent des variantes, de telle manière que nous ne pouvons sans doute plus reconstituer des recensions homogènes16. De plus, comme l’a bien noté Delehaye, les variantes semblent, pour la plupart, avoir existé très tôt dans l’histoire du texte et provenir d’un même milieu, voire du «biographe lui-même»17. Ainsi les chapitres 6, 18 et 19 présentent clairement deux recensions distinctes pour lesquelles il n’est guère possible d’établir d’apparat critique commun, ni de trouver de différences significatives de fond, de style ou de niveau de langue18; cela ressemble à des repentirs d’écrivain qui aboutissent à la mise en circulation d’éditions différentes. Les rapports des manuscrits peuvent se schématiser comme suit selon l’édition de référence: – chap. 1-10, 14-22 et 41: OL contre PV; – chap. 42: LP contre OV; – chap. 43-47: L contre OPV; – chap. 48-53: LP contre OV; – le reste est réputé commun, à l’exception d’une addition propre à P dans le chap. 85. Certains passages brefs de P, en bas de certaines pages rognées par la suite, sont recopiés par une deuxième main sur des papiers rajoutés19, mais visiblement à partir de ce qu’on pouvait encore lire du texte subsistant et non d’après un autre témoin; par ailleurs, P multiplie les petites omissions à partir du chap. 81, sans doute du fait de son copiste. Il est clair que L et V, les deux manuscrits de référence utilisés par Delehaye, reflètent le plus souvent deux recensions distinctes; O s’accorde avec L sauf pour les chap. 42-53, et P suit V sauf pour les chap. 42 et 48-53. C’est donc cette section du milieu du texte qui s’avère discriminante; en revanche, dans les chap. 16 «… les moyens dont nous disposons ne laissent guère d’espoir d’établir avec sûreté les deux textes … Il faut donc dire que L et V représentent pour nous respectivement les recensions D et D’, que O et P sont issus de la combinaison de ces deux recensions» (éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. XXXIX). Il serait plus juste de placer les recensions ou la constitution des variantes en amont des quatre témoins manuscrits. 17

Éd. ibid., p. XXXVII.

Éd. ibid., chap. 6 (p. 7) à partir de Μετὰ δὲ ταῦτα; chap. 18 (p. 18) entier; chap. 19 (p. 19) à partir de la ligne 8. Ailleurs, certaines différences sont assez peu significatives, comme le fait que PV omettent le début du chap. 15 (p. 15), ou abrègent le début du chap. 17 (p. 17). 18

19 Éd. ibid., p. XXXVI: «Les feuillets 15, 16, 30 à 33, 48, 49 ne sont pas entiers et quelques lacunes ont été remplies par un copiste moins ancien».

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V. DÉROCHE – B. LESIEUR

43-53, L semble représenter une recension légèrement abrégée et remaniée par rapport à OV ou OPV: • chap. 42: OV contiennent une mention de clercs des μαρτύρια de Constantinople et une rebuffade à l’encontre de Gennadios par Daniel; ces indications paraissent remonter à l’original, mais les propos de Léon sont plus naturels en LP; • chap. 43: OV fournissent plus de détails sur l’ordination de Daniel avec les acclamations du peuple; • chap. 44: OPV mentionnent Sergios et sont beaucoup plus précis sur les travaux autour de la colonne (avec le mot rare de βιβερατικά désignant les vivres fournis aux ouvriers); l’empereur Léon est présenté comme défunt en L (μακάριος) et simplement comme βασιλεύς en OPV; • chap. 45: OPV indiquent la date de l’incendie (fête de S. Mamas) et rappellent dans le discours de Daniel sa prédiction du désastre dès avril; dans OPV, le récit d’un des rescapés de l’incendie est cohérent, alors que l’équivalent en L semble tronqué20; le récit du rescapé précédent en L est sans doute aussi un abrégé de l’équivalent en OPV; • chap. 46: Léon est présenté comme défunt seulement par L, OPV donnent plus de détails narratifs, mais L est le seul à renvoyer à la vision de la mère de Daniel au chap. 2; • chap. 47: OPV utilisent l’expression rare διχθάδιος κίων (comme déjà au chap. 44) pour désigner la double colonne qu’ils décrivent de façon plus précise, L propose le banal στῦλος; L est néanmoins plus long; • chap. 48: OV donnent plus de détails sur les τεχνῖται qui érigent la colonne, et en particulier les câbles (λάμναι) qu’ils utilisent, déjà mentionnés au chap. 47; • chap. 49: OV sont plus détaillés, ils donnent le surnom Καρυδᾶς et allongent le discours de Léon; • chap. 50: OV encore et toujours plus détaillés; • chap. 52-53: OV entrent dans le détail des soins prodigués à Daniel. Les deux témoins sont également liés par deux fautes communes évidemment absurdes (ἄυπνος au lieu de ἄπνους21 et αἵματι au lieu de σώματι), provenant nécessairement d’une erreur de lecture d’un texte en minuscules, donc relativement peu ancien; dans LP, le chap. 53 contient un long récit de vision lié au retour des reliques de Syméon évoqué dans le chap. 58.

20 En OPV τῶν πενιχρῶν μου διασωθέντων, εἰς κακοὺς ἀνθρώπους περιπεσὼν ἐναυάγησα, κλαπέντων τῶν ἐμῶν («mes maigres biens ayant été sauvés [du feu], j’ai fait naufrage en tombant sur de mauvaises gens et mes biens ont été volés»), en L τῶν πενιχρῶν μου ἐν χερσίν μου ὑπαρχόντων ἐναυάγησα («mes maigres biens étant entre mes mains, j’ai fait naufrage»). Le «naufrage» est bien sûr métaphorique, ce qui n’apparaît plus dans le texte de L. 21 Chap. 52, éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. 51: Daniel à moitié gelé après une nuit de tempête est bien sûr «sans souffle» (ἄπνους) et non «sans sommeil» (ἄυπνος); chap. 53, éd. ibid., p. 51: ses cheveux et sa barbe sont collés par la glace à son corps (σώματι) et non à son sang (αἵματι).

NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE

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Sur l’ensemble de ces chapitres, L constitue une recension qui abrège et normalise le texte, tout en ajoutant aux chap. 46 et 53 des éléments qui renvoient au reste du texte dans un souci de cohérence: ce sont les traits d’un remaniement. Or, c’est plutôt l’inverse qui se produit dans le reste du texte, mais avec des nuances: comme l’a bien noté Delehaye, PV donnent l’impression de transmettre une réécriture élaborée à partir d’un texte proche de L, mais moins uniformément qu’il ne le pensait. Dans bien des cas, on dirait que le ou les auteurs ont hésité entre plusieurs versions qui semblent circuler parallèlement dans la communauté de l’Anaplous, en particulier pour la jeunesse de Daniel: seul le texte transmis par LO a conservé le chapitre 12, où l’auteur abandonne la narration à la troisième personne pour apostropher son public et lui exposer ses sources (le témoignage oral de Daniel, celui de ses disciples et de ses connaissances), et évoque le projet antérieur d’un disciple qui, sous le règne de Basiliskos (476), aurait fait faire une icône de Daniel et se serait mis à rédiger une Vie — en vain, puisque le saint fit détruire image et texte par modestie22. Ce passage conservé par LO fait écho à la fin du chap. 1 dans LO, nettement plus longue que son parallèle dans PV, où l’auteur se met davantage sur le devant de la scène; la recension LO contient donc nettement plus de marques d’auteur23. Dans pareilles conditions, on comprend que les détails narratifs fluctuent; ainsi, l’entrée au monastère de Daniel dans LO est davantage l’expression de la volonté du jeune garçon (chap. 5, 1-7 [p. 6]), tandis que PV insistent davantage sur le vœu de ses parents qui a fait de lui un ταξιμαῖος voué à Dieu (deux occurrences propres à PV, chap. 3 et 5). On trouve d’autres hésitations typiques de ce genre de transmission orale qui relate des faits sans tenir compte de leur contexte ou leur enchaînement. En effet, les propos rapportés au style direct sont-ils des phrases affirmatives ou interrogatives ? Au chap. 4 (p. 5), selon LO l’abbé affirme qu’il faut recevoir Daniel comme moine, mais pour PV il pose la question aux autres moines. Dans certains cas, il peut s’agir d’une correction érudite, parfois excessive; au chap. 7 (p. 7), Delehaye a bien repéré que la mention de Téla22

LANE FOX, Life of Daniel, p. 202, propose curieusement d’interpréter l’expression «audessus de l’entrée du martyrion sous Basiliskos» comme une allusion au martyrion de Syméon Stylite à Qalat Seman, suggérant dès lors comme chronologie 470 au plus tôt. Il est plus simple de penser que le martyrion est celui de Daniel, où il fit venir des reliques sous Léon Ier (excellent bilan de LANE FOX, Life of Daniel, p. 193-199), et qu’après le coup d’éclat contre Basiliskos un disciple jugea le moment venu d’officialiser le statut de saint confesseur de Daniel, qui devait, de son vivant, susciter des icônes, comme Syméon Stylite. 23

Chap. 1, éd. DELEHAYE, Saints stylites, p. 1-2.

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V. DÉROCHE – B. LESIEUR

nissos en LO a été corrigée en PV en Tellada, qui est bien le lieu «où le bienheureux Syméon s’est retiré (du monde) au début et prit l’habit», sans doute en s’appuyant sur Théodoret24; mais LO disaient de Télanissos que c’était là «où ledit Syméon avait reçu son ascèse», c’est-à-dire avait inauguré le stylitisme et non sa propre carrière monastique. C’est donc le texte de LO qui est le bon: la suite du récit met en scène la rencontre de Daniel avec Syméon, donc Télanissos; le texte de PV est une forme d’hypercorrection livresque. Même phénomène d’hypercorrection au chap. 14 (p. 14) lorsque LO mentionnent que le grand Antoine et son disciple Paul luttaient contre les démons, tandis que PV ne retiennent qu’Antoine: l’auteur de la recension de PV a dûment constaté que Paul n’apparaît pas dans la Vie d’Antoine, mais n’a pas compris qu’il s’agissait de Paul le Simple, disciple d’Antoine décrit dans l’Histoire lausiaque25. PV ont tendance aussi à gloser pour le bénéfice du lecteur, c’est-à-dire à rajouter des noms propres pour éviter toute ambiguïté — comme le nom de Sergios (p. 25) — ou de petites additions qui précisent le déroulement des faits26. Mais à partir du chap. 65 (p. 64), c’est OV qui offrent ce genre de gloses, et la grande divergence dans la liste d’archimandrites au chap. 72 (p. 69) confirme ce rapprochement OV jusqu’au chap. 92, endroit à partir duquel c’est plutôt OP qui s’opposent à L, lui-même souvent isolé par rapport à OPV. En somme, les intuitions justes esquissées par Delehaye doivent être nuancées: il est vrai que L représente une recension plus proche de l’original en dehors des chap. 43-53 où il reproduit un texte remanié et abrégé, mais il faut supposer une contamination à haute date entre plusieurs recensions ou rééditions de la Vie, et le remaniement perceptible dans PV sur la première moitié du texte n’est que le plus marquant. 2. La Vie de Marcel l’Acémète (BHG 1027z) et sa rédaction Dans son édition, G. Dagron propose de dater la Vie de Marcel l’Acémète après le concile de 533 et surtout après que le pape Jean II eut condamné en 534 le couvent des Acémètes pour nestorianisme: le rédacteur, qui est sûrement un moine de la communauté, évite soigneusement de mentionner le rôle joué par Marcel dans le conflit avec Eutychès et dans la défense du concile de Chalcédoine, un rôle qu’il ne pouvait pour24 Histoire philothée, chap. XXVII, 4, éd. P. CANIVET – A. LEROY-MOLINGHEN (= Sources Chrétiennes, 257), Paris, 1979, p. 165. 25 Chap. XXII, éd. C. BUTLER, The Lausiac History of Palladius, II (= Texts and Studies, 6/2), Cambridge, 1904, p. 73-74. 26

Beaux exemples aux p. 27-28.

NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE

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tant pas ignorer. Il faut donc que le texte ait été rédigé à une époque où ce souvenir était malvenu, et le néo-chalcédonisme prôné alors par Justinien pour tenter une réconciliation avec les monophysites l’explique. Le raisonnement est adéquat, mais la période retenue n’est pas la seule possible: le parallèle de la Vie de Daniel que nous venons de voir conduit à proposer de préférence la période qui s’étend de Zénon à Anastase, entre 476 et 518, ou mieux celle qui va de l’Hénotikon en 482 à la mort d’Anastase en 518. Cette datation expliquerait mieux le silence complet sur le concile de Chalcédoine, qui reste sous Justinien la référence officielle, tandis que la prudence imposait de le passer sous silence durant les années qui séparent l’Hénotikon de la mort d’Anastase. Une rédaction antérieure à 518 expliquerait mieux une autre caractéristique du texte bien soulignée par l’éditeur, le parfum d’archaïsme de la vie monastique que décrit la Vie. Cette datation ne contredit pas la chronologie interne de la Vie: Marcel est mort au plus tard en 484, quand Évagre le Scholastique mentionne un higoumène Cyrille des Acémètes27, et cela après soixante ans de vie monastique selon la Vie. Or, le synchronisme approximatif qu’établit la Vie entre l’arrivée d’Alexandre l’Acémète à Constantinople vers 425 et l’accession de Marcel à l’âge adulte amène à supposer une naissance vers 400; mais, dans la perspective de l’hagiographe, la «vie monastique» de Marcel commence avant la rencontre d’Alexandre et le décompte final de la Vie n’est pas précis: Marcel a pu mourir avant l’âge de 80 ans, mais guère avant la consolidation du pouvoir de Zénon en 476. Un hagiographe écrivant à cette période pouvait dire presque littéralement que «Marcel a vécu du temps de nos pères»28. 3. La Vie d’Hypatios (BHG 760) et ses eulogies Une première mention d’eulogies dans cette Vie29 figure dans le tableau du rayonnement spirituel d’Hypatios: celui-ci envoyait ses eulogies à de nombreuses personnes à leur demande, et lui-même en recevait de la 27

Histoire ecclésiastique 3, 19, éd. J. BIDEZ – L. PARMENTIER, Londres, 1898, p. 117.

28

Chap. 36, éd. G. DAGRON, La Vie ancienne de saint Marcel l’Acémète, in AB, 86 (1968),

p. 320. 29

L’édition de référence est celle de BARTELINK, Vie d’Hypatios; voir en outre l’introduction de la traduction italienne de C. CAPIZZI, Callinico. Vita di Ipazio (= Collana di testi patristici, 30), Rome, 1982; R. KOSINSKI, A Few Remarks on the Author of the Vita Hypatii, in Electrum, 8 (2004), p. 143-151; E. WÖLFLE, Hypatios. Leben und Bedeutung des Abtes von Rufiniane (= Europaïsche Hochschulschriften. Theologie, 288), Francfort-sur-le-Main, 1986 (non vidi); ID., Der Abt Hypatios von Ruphinianai und der Akoimete Alexander, in Byzantinische Zeitschrift, 79 (1986), p. 302-309.

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V. DÉROCHE – B. LESIEUR

part de divers archimandrites30. Les eulogies, ces vecteurs matériels de la bénédiction d’un saint homme, circulaient donc largement. Tout un chapitre leur est ensuite consacré; il contient trois épisodes31: – Une eulogie d’Hypatios est humectée et appliquée avec un bandage sur l’œil blessé d’un enfant blessé gravement, et celui-ci guérit. – Dans une tempête, l’équipage d’un navire de commerce est contraint de jeter par-dessus bord des ballots de tissu pour éviter le naufrage; après la tempête, on constate que parmi les ballots échoués sur le rivage, seuls ceux qui contenaient des eulogies d’Hypatios sont restés indemnes et secs: le commerçant qui avait placé là ces eulogies a eu raison d’avoir confiance dans le saint, puisqu’elles ont protégé les vêtements de soie, puis ont permis d’identifier leur propriétaire. – Une eulogie suspendue à la charpente d’une écurie protège les animaux de toute maladie. Ces types de miracle sont classiques dans l’hagiographie de l’époque; toutefois, un point mérite d’être soulevé: de quelle nature pouvaient être ces eulogies ? L’hagiographe ne décrit pas ces objets car pour lui leur nature allait de soi, mais ce terme peut désigner une variété étonnante d’objets; le spécialiste de ce domaine, G. Vikan, a bien répertorié les formes essentielles qu’on en connaît — terre, eau, huile et cire, avec ou sans contenant — et montré que la grande masse des eulogies retrouvées sur le terrain ou évoquées dans les sources date de ca 500 à ca 650 ap. J.-C.32 Dans notre cas, des eulogies qui pouvaient être clouées à une charpente ou humectées pour servir de pansement ne pouvaient être liquides, et il ne reste donc que des objets à base de terre pressée ou de cire. Dans le cas des eulogies de Syméon Stylite le Jeune, sa Vie (BHG 1689) et surtout celle de sa mère Marthe (BHG 1174), plus tardive, permettent de suivre dans une certaine mesure le développement de la pratique, avec des eulogies en terre crue mêlée à de la cire et pressées, qu’on pouvait donc amollir ou même dissoudre, et qu’on aurait donc à la rigueur pu clouer ou utiliser comme emplâtre33; 30 Chap. 36, 8, éd. et trad. BARTELINK, Vie d’Hypatios, p. 226 et 227. Dans ce passage, il peut s’agir d’un des types les plus anciens d’eulogie, le pain consacré. 31

Chap. 38, éd. et trad. BARTELINK, Vie d’Hypatios, p. 228-231.

32

G. VIKAN, Byzantine Pilgrims’ Art, in Heaven on Earth. Art and the Church in Byzantium, éd. L. SAFRAN, University Park, 1998, p. 229-266, réimpr. dans ID., Sacred Images and Sacred Power in Byzantium, Aldershot, 2003 (l’index de ce recueil d’études ne mentionne pas la Vie d’Hypatios). 33 Voir V. DÉROCHE, Quelques interrogations à propos de la Vie de Syméon Stylite le Jeune, in Eranos, 94 (1996), p. 65-83.

NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE

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mais ces eulogies de terre des deux stylites homonymes sont liées à une exaltation du lieu de leur ascèse puisqu’elles sont façonnées de terre prélevée à proximité de la colonne. Rien de tel dans l’histoire d’Hypatios: le lieu de son ascèse n’est pas mis en scène par l’hagiographe. Le matériau qui conviendrait le mieux serait de la cire ou plutôt du cérat, un mélange de cire et de corps gras34: le cérat est couramment utilisé pour panser les plaies même dans la médecine profane, ce qui explique le premier miracle; il peut à la rigueur être cloué; enfin, l’usage de distribuer des jetons de cérat portant l’effigie du saint ou un signe qui permet de l’identifier comme son garant est bien attesté par les Miracles de Théodore, difficiles à dater précisément, et par les Miracles d’Artémios, peu après le milieu du e 35 VII siècle . Or, les eulogies découvertes dans les ballots de vêtement de soie ont aussitôt été identifiées comme celles d’Hypatios sans erreur possible: c’est donc qu’elles portaient un signe de reconnaissance, ou l’image ou le nom du saint. Or, la Vie d’Hypatios a été écrite peu après 447: c’est donc sans doute l’une des premières attestations textuelles d’eulogies qui ne sont pas simplement un matériau brut, mais qui relèvent d’un type inscrit ou figuré, permettant leur identification. On aimerait pouvoir être sûr qu’il s’agit déjà d’images, comme les icônes attestées à cette époque par Théodoret de Cyr dans le cas de Syméon Stylite l’Ancien36. 4. La Vie d’Auxentios (BHG 199-203b) et d’autres eulogies La Vie d’Auxence, anachorète établi non loin de Constantinople, est conservée en plusieurs recensions anciennes, proches mais mutuellement indépendantes, qui mériteraient une édition critique37. Le consensus est que la plus fidèle est celle éditée par erreur comme œuvre du Métaphraste, 34

Voir V. DÉROCHE, Vraiment anargyres ? Don et contredon dans les recueils de miracles protobyzantins, in Pèlerinages et lieux saints dans l’Antiquité et le Moyen Âge. Mélanges offerts à Pierre Maraval, éd. B. CASEAU – J.-C. CHEYNET – V. DÉROCHE (= Collège de France – CNRS, Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance, 23), Paris, 2006, p. 153-158. 35 Miracles de Théodore, 11, éd. AASS, Nov. t. 4, p. 69; Miracles d’Artémios, 16, éd. V. CRISAFULLI – J. NESBITT, The Miracles of St. Artemios. A Collection of Miracle Stories by an Anonymous Author of Seventh-Century Byzantium [= The Medieval Mediterranean, 13], Leiden, 1997, p. 106-109; le rapprochement est dû à L. RYDEN, Gaza, Emesa, Constantinople: Late Ancient Cities in the Light of Hagiography, in Aspects of Late Antiquity and Early Byzantium. Papers Read at a Colloquium Held at the Swedish Research Institute in Istanbul 31 May-5 June 1992, éd. L. RYDEN – J. O. ROSENQVIST (= Swedish Research Institute in Istanbul, Transactions, 4), Stockholm, 1993, p. 133-144, ici p. 141. 36 Histoire philothée, chap. XXVII 4, éd. P. CANIVET – A. LEROY-MOLINGHEN… (cf. supra, n. 24), p. 182. 37

Voir M.-F. AUZÉPY, Les Vies d’Auxence et le monachisme «auxentien», in Revue des Études Byzantines, 53 (1995), p. 205-235.

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c’est-à-dire la Vie 1 (BHG 199) dont on suppose qu’elle remonterait en fait au Ve siècle38. Comme l’a bien montré M.-F. Auzépy, Auxentios a fini ses jours sur le mont Skopos, au-dessus du monastère d’Hypatios, avec le soutien matériel des moines de ce dernier, jusqu’à sa mort intervenue en 473 au plus tard39: la Vie la plus fidèle insiste sur cette symbiose entre les cénobites et l’ermite, évidemment en faveur du monastère de Rouphinianes, alors que la Vie 4 (BHG 202) la passe sous silence, sans doute pour capter le prestige d’Auxence au profit du monastère féminin des Trichinareai qu’il a fondé à proximité. Un épisode curieux rapporté uniquement par la Vie 1 présente l’informateur essentiel de l’auteur, un moine d’origine bulgare qui a été très tôt disciple du saint, nommé Bendiaminos. Ce qui nous intéresse ici est son habitude de consacrer ses journées à fabriquer de petites croix ἐκ κερατίων, «de caroubier»40, que les pèlerins remportent comme eulogies. C’est une attestation supplémentaire de l’usage abondant d’eulogies dès le e V siècle dans la région de la capitale, cette fois apparemment sans signe distinctif. On aimerait pouvoir lire κηρωτῆς, «à partir de cérat», au lieu de ek keration: quelques pages plus haut, la Vie précise qu’Auxentios faisait redistribuer aux pauvres toutes les offrandes qu’on lui apportait, à l’exception de la cire et de l’huile, évidemment pour le luminaire mais peut-être aussi pour la confection de cérat41. Centre d’Histoire et Civilisation de Byzance

Vincent DÉROCHE Bénédicte LESIEUR

52, rue du Cardinal Lemoine F – 75005 Paris

38

PG 114, col. 1377-1436; l’erreur remonte aux éditeurs du Métaphraste dans la Patrologie qui ont cru que le ms. Parisinus gr. 1452 était un recueil métaphrastique, alors qu’il s’agit au contraire d’un ménologe prémétaphrastique du Xe s. (voir déjà A. EHRHARD, Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche von den Anfängen bis zum Ende des 16. Jahrhunderts, II [= Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, 51], Leipzig, 1938, p. 612-613, n. 4). 39 J. PARGOIRE, Mont Saint-Auxence. Étude historique et topographique (= Bibliothèque hagiographique orientale, 6), Paris, 1904, p. 29: Auxence est mort un 14 février sous le règne de Léon Ier, lui-même décédé en janvier 474. 40 PG 114, col. 1428C; une erreur d’impression du texte grec a produit l’incompréhensible ek kration, mais la traduction latine portait correctement siliquis («les caroubiers»); la bonne leçon figure telle quelle dans le Parisinus gr. 1452, mais il manque malheureusement un folio entre les f. 179 et 180 du Parisinus gr. 1451 pour le confirmer. 41

PG 114, col. 1421B.

NOTES D’HAGIOGRAPHIE BYZANTINE

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Abréviations bibliographiques BARTELINK, Vie d’Hypatios = Callinicos. Vie d’Hypatios, éd. G. J. M. BARTELINK (= Sources Chrétiennes, 177), Paris, 1971. DELEHAYE, Saints stylites = H. DELEHAYE, Les saints stylites (= Subs. hag., 14), Bruxelles, 1923 (réimpr. 1989). FESTUGIÈRE, Moines d’Orient = Les moines d’Orient. II: Les moines de la région de Constantinople. Callinicus, Vie d’Hypatios. Anonyme, Vie de Daniel le Stylite, trad. A.-J. FESTUGIÈRE, Paris, 1961. KAPLAN, L’espace et le sacré = M. KAPLAN, L’espace et le sacré dans la Vie de Daniel le Stylite, in Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident. Études comparées, sous la dir. de M. KAPLAN (= Byzantina Sorbonensia, 18), Paris, 2001, p. 199-217. LANE FOX, Life of Daniel = R. LANE FOX, The Life of Daniel, in Portraits: Biographical Representation in the Greek and Latin Literature of the Roman Empire, éd. M. J. EDWARDS – S. SWAIN, Oxford, 1997, p. 175-225.

Summary. There is evidence which allows the Vita of Daniel Stylites to be dated to the patriarchate of Euphemius, viz. between 493 and 496, in a less Chalcedonian climate than hitherto thought. The compiler follows the Henoticon. The manuscript tradition of the Vita is briefly examined. For similar reasons the Vita of Marcellus Acoemetus must be dated to between 482 and 518 and not after 534. The Vita of Hypatius, written a little after 447, contains one of the first clear mentions of eulogies in the form of an inscription or portrait perhaps in cerate (a mixture of wax and fatly matter) which make it possible to identify the saint. The Vita of Auxentius (5th cent.) contains another possible mention of these eulogies.

QUATRE INSCRIPTIONS COPTES TIRÉES DE LA TROISIÈME LETTRE DE CYRILLE À NESTORIUS Nous avons naguère identifié, ici-même1, les inscriptions E et F du Monastère d’Épiphane à Dayr al-Bahrī (près de Thèbes), qui se révèlent être des extraits respectivement des Homélies cathédrales II et XV de Sévère d’Antioche. Nous avons aujourd’hui le plaisir de faire connaître l’identification des inscriptions H, G, I et K du même Monastère d’Épiphane2, qui proviennent toutes de la Troisième lettre de Cyrille d’Alexandrie à Nestorius (CPG 5317). Ce qui ne saurait étonner si l’on songe que cette lettre, à laquelle sont joints les fameux anathématismes de Cyrille, jouit d’une grande notoriété. Voici dans l’ordre les correspondances textuelles dans l’édition critique par Ed. Schwartz3 des Actes du Concile d’Éphèse, où la lettre a été consignée: Inscription K = SCHWARTZ, p. 35, l. 26 (ἡνῶσθαι) – p. 36, l. 4 (σαρκός) Inscription I = ibid., p. 37, l. 3 (παραιτούμεθα δέ) – 12 (ἀνάστασις) Inscription G = ibid, p. 37, l. 24 (ἐν ταῖς ἐκκλησίαις τελοῦμεν) – p. 38, l. 2 (?) Inscription H = ibid., p. 40, l. 3 (ἑνωθέντα) – 11 (σαρκί). Il se pourrait par ailleurs que cette lettre de Cyrille soit attestée en grec dans une tablette de bois provenant également de Dayr al-Bahrī, où son éditeur4 a reconnu la fin du symbole de Nicée. Si la lecture d’un α à la ligne 6 était confirmée, il faudrait alors suppléer aux lignes 5 et 6 ἑπόμενοι δὲ παντακῇ ταῖς | τῶν] ἁ[γίων πατέρων ὁμολογίαις κτἀ. Nous reviendrons ultérieurement sur les inscriptions C et J, qui restent à identifier. Ceci prouve, si besoin était, que les Coptes n’ont pas jeté aux oubliettes – comment en eût-il été autrement ? – les œuvres du grand patriarche alexandrin5. Genève

1

Enzo LUCCHESI

AB, 124 (2006), p. 14 (Inscription F), et 125 (2007), p. 7-16 (Inscription F).

2

Texte copte transcrit (fort négligemment) par U. BOURIANT, L’église copte du tombeau de Déga, in Mémoires publiés par les membres de la Mission archéologique française au Caire, t. I, Paris, 1889, p. 47-50; traduction anglaise, qui améliore notablement la transcription de Bouriant, par W. E. CRUM, The Monastery of Epiphanius at Thebes, II, New York, 1926, Appendix I, p. 340-341. À deux exceptions près, toutes les inscriptions ont disparu. Aussi doit-on s’accommoder des copies de Bouriant. Seule l’inscription K est expressément attribuée à Cyrille, tandis que le mot rakote de l’inscription G suggérait un patriarche d’Alexandrie. 3 Acta Conciliorum Oecumenicorum, ed. E. SCHWARTZ, I, I, 1, Berlin, 1927. On trouvera une brillante traduction française de cette Lettre chez A.-J. FESTUGIÈRE, Éphèse et Chalcédoine. Actes des Conciles (= Textes Dossiers Documents, 6), Paris 1982, p. 57 svv. 4 A. DELATTRE, Un symbole de Nicée à Deir el-Bahari, in The Journal of Juristic Papyrology, 31 (2001), p. 7-8; cf. Archiv für Papyrusforschung, 48 (2002), p. 349-350 (C. RÖMER). 5 Voir, en dernier lieu, E. LUCCHESI, L’étrange sort d’un feuillet copte de la Bibliothèque du Monastère Blanc (à paraître dans Miscellanea Tito Orlandi).

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 296.

Enzo LUCCHESI LES VESTIGES COPTES DE LA PASSION DE PSOTÉ OU PICHOTÉ DE KAÏS À en croire Maximilien Durand1, qui parle d’emblée d’«œuvre inédite», un feuillet de papyrus fragmentaire du Musée du Louvre qu’il publie serait l’unique témoin copte de la Passion de Pichoté ou Péchoté2 de Kaïs3, que la notice développée du Synaxaire au 24 Tūbah attribue à Jules d’Aqfahs, le célèbre historiographe des martyrs4. Or, il existe au moins deux autres témoins coptes de cette Passion, sans compter la version arabe. Premièrement, la fin du Martyre avec souscription est attestée en sahidique par un papyrus de la British Library (Or. 7561, 118), jadis signalé par W. E. Crum5 et naguère catalogué par B. Layton6. Deuxièmement, un fragment fayyoumique du même Martyre a été édité, d’après un lambeau de parchemin de la Papyrussammlung de Vienne (K 379), par W. Till, précisément dans la même revue où M. Durand a fait paraître son article7. 1

M. DURAND, Un fragment d’une œuvre inédite de Jules d’Aqfahs conservé au Musée du Louvre: la Passion sahidique de saint Psoté (ou Pichoté) de Kaïs (inv. AF 12724), in Le Muséon, 115 (2002), p. 11-23 (avec 2 planches p. 17 et 19). Il s’agit en fait de «plusieurs fragments de papyrus … provenant probablement d’un rembourrage de reliure» et composant après restauration «les trois-quarts d’un feuillet…» (p. 11). 2 Ce nom, qui devient en arabe Bišāda ou Ibšādah ou encore Ibsādah, n’est qu’une variante de la forme Psote (ou Psate). À ne pas confondre avec le martyr Psoté, évêque de Psoï, dont le nom revêt aussi de multiples variantes. Dans ses Martyrs d’Égypte (AB, 40 [1922], p. 5-154 et 299-364, ici 99-100), H. Delehaye l’identifie comme Ibchada de Bahnasa. 3

En arabe al-Qīs ou al-Qays (la Kynopolis grecque); St. TIMM, Das christlich-koptische Ägypten in arabischer Zeit, t. 5 (= Beihefte zum Tübinger Atlas der Vorderen Orients. Reihe B, Nr 41/5), Wiesbaden, 1991, p. 2132-2140, translittère al-Qēs. 4

Cf. É. AMÉLINEAU, Les Actes des martyrs de l’Église copte, Paris, 1890, p. 155-157 (non cité par Durand). 5 W. E. CRUM (en collab. avec H. E. WINLOCK), The Monastery of Epiphanius at Thebes, I, New York, 1926, p. 205, cf. 112. Crum, qui adopte la graphie «Peshate» (ms.: Pishate), fait remarquer que «The Sa‘idic Calendar names him on the 24th Tûbah, but these Theban fragments give ‘the 25th of January (ianoyarios) which is Tôbe’». 6

B. LAYTON, Catalogue of Coptic Literary Manuscripts in the British Library Acquired Since the Year 1906, London, 1987, n° 169, p. 207-208, et pl. 23/1 (cité par Durand, n. 7, pour ce qui est de la «méthode descriptive d’un document copte»). 7 W. TILL, Wiener Faijumica, in Le Muséon, 49 (1936), p. 169-217, ici 206-207. Le nom du martyr prend la forme fayyoumique «Pichati». Le passage fort lacunaire a trait à l’apparition du Christ à Pichoté pour l’exhorter au martyre, dans des termes proches du Synaxaire.

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 297-298.

298

E. LUCCHESI

À cela s’ajoute la version arabe complète, dont nous connaissons à ce jour trois témoins8: – un manuscrit du Dayr al-Suryān, d’après lequel l’évêque et supérieur du Monastère, Anbā Matteos, a donné un résumé de la Vie dans une modeste brochure, parue au Caire en 2007, sous le titre Šahīd al-Masīh Bīšūt al-Qiss (Bisādah al-Qiss) ‘an maḫtūtah raqam 317 mayāmir bi-maktabat Dayr al-Suryān al-‘āmir. Nous aurions souhaité que l’auteur nous gratifie d’une véritable édition ad fidem codicis, au lieu d’un remaniement, ou plutôt d’un abrégement (à titre de comparaison, les 32 pages du texte imprimé correspondent aux 74 pages compactes du témoin suivant); – un deuxième manuscrit arabe est conservé en l’église de Hārat al-Rūm au Caire, sous la cote «Histoire 17» et nous a été amicalement signalé par Nabil Farouk Fayez, fin limier de textes arabes chrétiens rares. Qu’il trouve ici l’expression de notre reconnaissance; – nous connaissons enfin personnellement un troisième manuscrit arabe, appartenant à une collection privée genevoise, à laquelle nous avons librement accès. Ce dernier témoin est malheureusement mutilé du début et de la fin (il consiste en six folios consécutifs, numérotés 72-77 en chiffres coptes), mais, en dépit de son état lacunaire, il nous a été extrêmement utile en servant de contrôle à l’édition précitée, alors que nous n’avions pas encore pris connaissance du témoin de Hārat alRūm. L’incipit mutilus de ce Genevensis Arabus correspond au début de l’interrogatoire que le vali de Qays fait subir à Bīšūd (c’est ainsi que tous les manuscrits arabes orthographient son nom), qui dit être «originaire de Aqāf (sic ! lege Idqāq, avec le manuscrit de Hārat al-Rūm9) du Siège (épiscopal) de Qays». Le texte s’interrompt sur le transfert du martyr à la «ville du Fayyoum» et les premiers mots de l’épisode de l’accident mortel survenu à la porte de la ville au fils unique du vali de Bahnasā, rejoignant ainsi le papyrus du Louvre.

Voilà encore un exemple du rôle irremplaçable que jouent les versions arabes chrétiennes dans l’identification et le reclassement des textes coptes fragmentaires. De cette Passion de Pichoté, du genre «épique», mais non dénuée d’intérêt en raison des données onomastiques, nous fournirons, in šā’ Allāh, une traduction française d’après l’édition critique de la version arabe, que prépare notre ami Nabil Farouk, dans l’espoir que d’autres fragments coptes puissent être identifiés. Genève

Enzo LUCCHESI

8 Bien entendu, d’autres témoins devraient être mis au jour pour peu que les bibliothèques dépendant du Patriarcat de l’Église copte consentent à ouvrir leurs portes aux chercheurs. 9

Voir St. TIMM, Das christlich-koptische Ägypten… (supra, n. 3), t. 3 (= Beihefte zum Tübinger Atlas der Vorderen Orients. Reihe B, Nr 41/3), Wiesbaden, 1985, p. 1158.

Paolo TOMEA BEATISSIMI MARTYRES NAZARENI A proposito degli Acta Gallonii e del Libellus precum Harley 7653

Nel 1996, proprio su Analecta Bollandiana, Paolo Chiesa forniva la prima edizione degli Acta Gallonii: un testo che, pur con l’impronta di rielaborazioni successive, recava una nuova importante tessera all’universo dell’antica agiografia africana1. Uno dei passi più singolari dello scritto — come ha sottolineato l’editore e consonantemente ha ribadito qualche anno dopo Francesco Scorza Barcellona, che usa, anzi, per esso l’aggettivo “inspiegabile”2 — è costituito da alcune battute del verbale relativo al primo processo sostenuto da Gallonio. Nell’interrogatorio, il proconsole Anolino, informatosi della provenienza del santo, che gli dichiara di venire da Nazareth, si rivolge quindi ai suoi compagni, chiedendo egualmente: Vos unde estis ? Ubi habetis domicilia ? Alla risposta In Nazareth, egli obietta: Sed vos, qui Afri estis, quomodo potuistis scire Nazareth ?; ma essi replicano: Omnis christianus Nazareus est 3. Di fatto, dare un’interpretazione univoca di tale asserzione e individuare il significato certo con cui il termine Nazareus ricorre negli Acta Gallonii è al momento impossibile. Chiesa, posta in rilievo l’analogia, consistente di un identico valore simbolico, tra la risposta dei martiri di Timida Regia e quella Christianus sum / Christianus vocor, opposta in un gran numero di Passioni agli inquisitori, prospetta nel merito due eventualità. Una “semplice variazione del tema”, nella quale Nazareus si accompagna a Christianus come qualifica individuante della palingenesi battesimale e dell’appartenenza alla comunità; oppure, che il lemma, con un’accezione più specifica e ristretta, sia da ricondurre a “un codice interno” e a “una patente di identificazione” del gruppo che compare negli Acta4.

1 P. CHIESA, Un testo agiografico africano ad Aquileia: gli Acta di Gallonio e dei martiri di Timida Regia, in AB, 114 (1996), pp. 241-268 [d’ora innanzi Acta Gallonii, ed. CHIESA]. 2

F. SCORZA BARCELLONA, Agli inizi dell’agiografia occidentale. Appendice: Un testo africano recentemente scoperto: la Passione di Gallonio, in Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, cur. G. PHILIPPART (= Corpus Christianorum), III, Turnhout, 2001, pp. 85-88, 86 la citazione. 3

Acta Gallonii, ed. CHIESA, p. 266.

4

Ibid., p. 256.

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 299-305.

300

P. TOMEA

In tal caso l’ipotesi più immediata, sulla quale conviene anche Scorza Barcellona5, sarebbe quella che Gallonio e gli altri afferissero alla corrente giudeo-cristiana (per usare l’imperfetta, ma comoda definizione di Ferdinand Christian Baur) dei nazareni, che, proprio in ambito africano, Agostino ricorda a nonnullis chiamati anche simmachiani6; non diversi — crederei —, almeno nella sostanza, dai ναζωραῖοι o dai Nazaraei dei quali, in aree differenti, ci danno notizia Epifanio di Salamina, Girolamo e altri7. Con una simile lettura appare in special modo compatibile il fatto che Gallonio, pur essendo la guida delle persone arrestate, non ricopra negli Acta alcuna carica ecclesiastica istituzionale, neppure di grado minore8; ma il particolare — certo non banale, né trascurabile — non ha un valore più che indiziario. Come osserva lo stesso Chiesa, una situazione analoga si verifica, nell’agiografia africana, per il numida Mammario (BHL 52055206)9; inoltre mi sembra doversi sottolineare che i consorti di Gallonio si 5

SCORZA BARCELLONA, Agli inizi dell’agiografia… (cf. supra, n. 2), p. 86.

6

Contra Cresconium grammaticum et donatistam, I, 31, 36, ed. M. PETSCHENIG (= Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, 52), Vindobonae – Lipsiae, 1909, pp. 355-356: nunc sunt quidam haeretici qui se Nazarenos uocant, a nonnullis autem Symmachiani appellantur et circumcisionem habent Iudaeorum et baptismum Christianorum; cf., inoltre, gli accenni presenti in Contra Faustum, XIX, 4 e 7, ed. I. ZYCHA (= Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, 25), Pragae – Vindobonae – Lipsiae, 1891, pp. 500 e 516; De baptismo, VII, 1, 1, ed. M. PETSCHENIG (= Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, 51), Vindobonae – Lipsiae, 1908, p. 242; Epistula LXXXII, 16, in Sancti Aurelii Augustini epistulae, ed. K. D. DAUR (= Corpus Christianorum. Series Latina, 31A), Turnhout, 2005, p. 107. Cf. Acta Gallonii, ed. CHIESA, p. 257 n. 48. 7 Epiphanius, Panarion, 29, ed. K. HOLL (= Die Griechischen Christlichen Schriftsteller, 25), Leipzig, 1915, pp. 321-333 (su cui S.-C. MIMOUNI, I nazorei a partire dalla notizia 29 del Panarion di Epifanio di Salamina, in Verus Israel. Nuove prospettive sul giudeocristianesimo. Atti del Colloquio di Torino (4-5 nov. 1999), cur. G. FILORAMO – C. GIANOTTO [= Biblioteca di cultura religiosa, 65], Brescia, 2001, pp. 120-146, in part. 130-137, 140-144; S. Jérome, Lettres, 112, 13, ed. J. LABOURT, t. VI (= Collection des Universités de France), Paris, 1958, pp. 31-32: qui [Nazaraei] credunt in Christum Filium Dei, natum de Maria uirgine, et eum dicunt esse, qui sub Pontio Pilato passus est, et resurrexit, in quem et nos credimus: sed dum uolunt et Iudaei esse et Christiani, nec Iudaei sunt, nec Christiani. Per il complesso quadro dei vari soggetti cui è riferito, con forti variazioni semantiche, il termine ναζωραῖοι in uno scacchiere che si estende dal mondo occidentale all’impero Sassanide cf. S.-C. MIMOUNI, Les Nazoréens. Recherche étymologique et historique, in Revue biblique, 105 (1998), pp. 208-262, da leggere con E. NODET, “Les Nazoréens”: discussion, ibid., pp. 263-265. Ulteriore bibliografia in I. RAMELLI, Nazareni, Vangelo, in Nuovo dizionario patristico e di antichità cristiane, dir. A. DI BERARDINO, 2a ed., Genova – Milano, 2007, coll. 3433-3435, che si integrerà, specificamente sul cosidetto Vangelo ebraico, utilizzato, come già rammenta Girolamo, dai nazarei e dagli ebioniti, con P. L. SCHMIDT, ‘Und es war geschrieben auf Hebräisch, Griechisch und Lateinisch’: Hieronymus, das HebräerEvangelium und seine mittelalterliche Rezeption, in Filologia mediolatina, 5 (1998), pp. 49-93. 8 9

Il rilievo è ancora di Chiesa: Acta Gallonii, ed. CHIESA, p. 257.

Ibid., p. 257, n. 49. Rispettivamente in J. MABILLON, Vetera analecta, 2a ed., Parisiis, 1723, pp. 178-180; AASS, Iun. t. 2, Antwerpiae, 1698, pp. 268-271. Tuttavia – come già osser-

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301

proclamano in prima istanza cristiani, sia davanti all’officium commentariense (Christiani sumus et dominicum agimus), sia nel confronto con Anolino (Nos non sumus decepti, quia christiani sumus)10, e solo in un secondo momento si precisano Nazarei, introducendo una qualifica, che, oltre a coniugarsi con Nazareth, patria ideale e spirituale per il tramite di Gesù, potrebbe insieme adattarsi a significare il progetto di santità cui ogni cristiano si è votato con la sua scelta. In epoca non troppo discosta da quella presunta della redazione degli Acta, tanto Girolamo11 che Eucherio di Lione12 rendono Nazareus con sanctus, mentre, nei Tractatus in Mathaeum, Cromazio di Aquileia applica al termine Nazareus, riferito al Cristo, la duplicità semantica che abbiamo appena suggerito. Il Salvatore — si spiega infatti nello scritto — è detto Nazareus, vuoi ex loci appellatione, vuoi, con un richiamo ai nazir dell’Antico Testamento, perché totius sanctitatis et pudicitiae auctor et princeps13. Sia come sia, è per altro certo che l’importanza prima del passo degli Acta Gallonii e la sua eccezionalità consistono nel fornire del termine Nazarei una testimonianza viva e — per così dire — dall’interno, ben diversa dalle ricorrenze di tipo didattico-classificatorio e/o esegetico, che dall’età dei Padri della Chiesa si prolungano nel Medioevo, o dall’uso, ancora, che

vato da H. DELEHAYE, Contributions récentes à l’hagiographie de Rome et d’Afrique, in AB, 54 (1936), p. 305 – non siamo in realtà in presenza di una doppia recensione, bensì di due edizioni del medesimo scritto, che si differenziano per qualche variante. Sulla Passione cf. ora V. SAXER, Afrique latine, in Hagiographies… (cf. supra n. 2), I, Turnhout, 1994, pp. 56-58, mentre per quanto concerne la titolatura di Mammario, si rileverà come gli altri cristiani che saranno martirizzati con lui – sebbene due di loro siano diaconi e si possa legittimamente supporre che anche Mammario fosse inserito nella gerarchia, evidentemente a un gradino più alto – gli assegnino solo l’epiteto generico di pater noster (pp. 265E, 266B). 10

Acta Gallonii, ed. CHIESA, p. 265.

11

Commentariorum in Matheum libri IV, I, ed. D. HURST – M. ADRIAEN (= Corpus Christianorum. Series Latina, 77), Turnhout, 1969, p. 16, r. 215. 12 Instructionum libri duo, II, ed. C. MANDOLFO (= Corpus Christianorum. Series Latina, 66), Turnhout, 2004, p. 185, r. 13. 13 Tractatus in Mathaeum, VII, 2, ed. R. ÉTAIX – J. LEMARIÉ (= Corpus Christianorum. Series Latina, 9A), Turnhout, 1974, pp. 224-225: Nazareus autem Dominus at Saluator noster tam ex loci appellatione, hoc est ciuitatis Nazareth, quam ex sacramento legis est nuncupatus. Nazarei enim secundum legem hi nuncupabantur qui castitatem Deo insigni uoto mancipabant, nutrientes comam capitis, quos lex certa sacrificia offerre praeceperat. Quia ergo totius sanctitatis ac pudicitiae auctor et princeps Christus Dominus est, qui ait per prophetam: Sancti estote quoniam ego sanctus sum, dicit Dominus, non immerito Nazareus dictus est, qui et uere secundum praefigurationem legis promissum uotum Deo Patri, sacrificium sui corporis obtulit pro nostra salute.

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ne fa Prudenzio, ponendolo, con una sfumatura spregiativa, in bocca ai pagani persecutori dei seguaci di Cristo e della sua dottrina14. Scopo di questa notarella è segnalare una nuova attestazione del vocabolo, proveniente da tutt’altra zona, ma che, in quanto diretta e non assimilabile alle citazioni pertinenti all’armarium della suaccennata antiquaria sacra, è da considerare omologa a quella degli Acta. A tramandarla è un libro di preghiere composto a uso personale di una nobile, probabilmente monacata, i cui frammenti ci sono pervenuti nel London, British Library, Harley 7653, dell’VIII-IX sec., o degli inizi del IX, che Frederick Edward Warren aveva ritenuto di ambiente irlandese15, ma è stato successivamente ricondotto a una scuola scrittoria della Mercia16. 14

Liber peristephanon, V, vv. 25-26, ed. M. P. CUNNINGHAM (= Corpus Christianorum. Series Latina, 126), Turnhout, 1966, p. 295: Vos, Nazareni, adsistite / rudemque ritum spernite; X, vv. 41-45 (p. 331): Praefectus… / ire mandat milites / raptare plebem mancipandam uinculis, / ni disciplinam Nazarenam respuat. Mi sembra qui palese una trasposizione al paganesimo della terminologia adibita dai Giudei nel designare i membri della prima Chiesa di Gerusalemme, di cui si ha un’attestazione già in Act. 24, 5, dove Paolo è accusato di essere capo τῆς τῶν Ναζωραίων αἱρέσεως. Come ha sottolineato L. VANA, La birkat ha-minim è una preghiera contro i giudeocristiani ?, in Verus Israel… (cf. supra, n. 7), pp. 147-189, in part. 153-160, non si confonderà tuttavia il significato dato al vocabolo in questa occasione con quello che esso assume nelle imprecazioni liturgiche relative ai noserim, nelle quali il riferimento è al gruppo giudeocristiano e non alla totalità dei cristiani. Occorre aggiungere, per altro, che accanto alle due citazioni riportate, vi è anche un terzo passo in cui Prudenzio (Contra Symmachum libri duo, I, vv. 548-551, ed. M. P. CUNNINGHAM, p. 204; cf. anche Prudentius, Contra Symmachum. Testo, traduzione e commento, cur. G. GARUTI [= Collana di Filologia classica, 9], L’Aquila – Roma, 1996, pp. 61, 114), usa il vocabolo Nazareus nel senso di cristiano, in qualità di io narrante: Iamque ruit... / ad sincera uirum penetralia Nazareorum / atque ad apostolicos Euandria curia fontes / Amniadum suboles et pignera clara Proborum. Non mi pare, però, che questa attestazione sia da mettere sullo stesso piano di quella degli Acta Gallonii, giacché essa sembra giustificata da un impianto retorico in cui l’evocazione dell’antica gloria romana, attraverso una serie di nomi illustri, richiedeva parallelamente il ricorso a un’aggettivazione correlata ai primordi cristiani. 15 Se ne legge il testo in appendice ad The Antiphonary of Bangor. An Early Irish Manuscript in the Ambrosian Library at Milan, ed. F. E. WARREN, II (= Henry Bradshaw Society, 10), London, 1895, pp. 83-97. 16 Così Codices latini antiquiores. A Palaeographical Guide to Latin Manuscripts Prior to the Ninth Century, ed. E. A. LOWE, II, Oxford, 1935, n° 204; J. MORRISH, Dated and Datable Manuscripts Copied in England During the Ninth Century: A Preliminary List, in Mediaeval Studies, 50 (1988), p. 526; P. SIMS-WILLIAMS, Religion and Literature in Western England 600-800 (= Cambridge Studies in Anglo-Saxon England, 3), Cambridge, 1990, pp. 279-282; M. P. BROWN, The Book of Cerne. Prayer, Patronage and Power in Ninth-Century England (= British Library Studies in Medieval Culture, 1), London – Toronto, 1996, in part. pp. 151154, 168-169, 171-172; S. WALDHOFF, Alcuins Gebetbuch für Karl den Grossen. Seine Rekonstruktion und seine Stellung in der frühmittelalterlichen Geschichte der Libelli precum (= Liturgiewissenschaftliche Quellen und Forschungen, 89), Münster, 2003, pp. 61-62. Indipendentemente dal luogo di allestimento supposto, venature iberniche nei contenuti e/o negli elementi esterni del Libellus Harley sono state invece ravvisate da J. F. KENNEY, The Sources for the Early History of Ireland. An Introduction and Guide, 3a ed., New York, 1979, n° 575,

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Nel primo degli otto testi superstiti, volto a preservare a timore nocturno sive meridiano17, ci si imbatte, infatti, in un’invocazione che, trascorrendo come di consueto dall’ordine angelico a quello dei santi, recita: angeli, arcangeli, prophetę, apostoli et 18 beatissimi martyres nazareni coronati sine macula

Neppure in questa circostanza è agevole cogliere l’esatta valenza semantica da assegnare al lemma nazareni. Con lieve ridondanza esso potrebbe prestarsi egualmente bene a significare tanto “santi” che “cristiani / adepti di Cristo”; tuttavia la sua associazione all’attributo sine macula, sembrerebbe insinuare, di più, una reminiscenza veterotestamentaria di Lam 4, 7: candidiores nazarei eius nive nitidiores lacte19. Un accostamento in tal senso era, per altro, già stato operato da Tertulliano, che, nell’Adversus Marcionem, ricordato come i giudei chiamassero Nazareni i cristiani a causa di Gesù, ribaltando l’intenzione detrattiva dell’epiteto, concludeva con evidente orgoglio: Nam et sumus de quibus scriptum est: ‘Nazarei exalbati sunt super niuem’20. Ma, anche a pochi decenni dall’allestimento del ms. harleyano, il brano biblico ricompariva nel medesimo contesto in un passaggio dell’Expositio in Matheo di Pascasio Radberto, che si rivela utile a meglio intendere e a collocare la sequenza in esame al di là dell’indicazione offerta su questo singolo tratto. In esso, il maestro carolingio, pp. 718-719, W. GODEL, Irisches Beten im frühen Mittelalter. Eine liturgie- und frömmigkeitsgeschichtliche Untersuchung, in Zeitschrift für katholische Theologie, 85 (1963), pp. 263, 297301, e, in maniera dubitativa, da M. LAPIDGE – R. SHARPE, A Bibliography of Celtic-Latin Literature 400-1200 (= Royal Irish Academy Dictionary of Medieval Latin from Celtic Sources. Ancillary Publications, 1), Dublin, 1985, n° 1279, pp. 338-339, che, pur indicando la Mercia come sede della realizzazione del ms., pongono il Libellus tra i testi di “possible or arguable Celtic origin”. 17 The Antiphonary of Bangor... (cf. supra, n. 15), II, p. 84 (f. 2v): Universos angelos deprecor: expellite si quis inmundus uel si quis obligatio uel si quis maleficia hominum me nocere cupit. Si quis hanc scripturam secum habuerit non timebit a timore nocturno siue meridiano. 18

Ibid., II, p. 84 (f. 1v).

19

Evidente, nel brano, anche il riferimento al motivo topico della corona del martirio (per esso: A. J. BREKELMANS, Martyrerkranz. Eine symbolgeschichtliche Untersuchung im frühchristlichen Schrifttum [= Analecta Gregoriana, 150], Roma, 1965), che, dalle premesse neotestamentarie (sopratutto 1 Cor 9, 25; 1 Pt 5, 4; Apc 2, 10), compare già pienamente sviluppato nella prima agiografia martiriale (cf. Martyrium Polycarpi, 19, 2; Acta martyrum Scilitanorum, 17; Passio Perpetuae et Felicitatis, 19, 4). Meno generica la consonanza con un passo di Tertulliano (De corona, 1, 3, ed. A. KROYMANN [= Corpus Christianorum. Series Latina, 2], Turnhout, 1954, p. 1040, rr. 20-21), che recita martyrii candida laurea melius coronandus. 20 Adversus Marcionem, l. IV, VIII, 1, ed. C. MORESCHINI (= Sources Chrétiennes, 456), Paris, 2001, p. 104: Nazaraeus uocari habebat secundum prophetiam Christus creatoris, unde et ipso nomine nos Iudaei Nazarenos appellant per eum. Nam et sumus de quibus scriptum est: “Nazaraei exalbati sunt super niuem”.

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discutendo delle diverse realtà alle quali si applica la parola Nazareus nella Sacra Scrittura, dopo aver richiamato l’itinerario di santificazione proprio del nazireato ebraico e asserito che il Salvatore volle il titolo di Nazareus perché fosse manifesto che lui era il sanctus sanctorum preannunciato da Daniele, prosegue: Nam et discipuli primum sunt Nazarei dicti sed postea uero Christianitatis uocabulo sortiuntur a Christo et generaliter omnes Christiani actenus noncupantur de quibus recte canitur quod candidi facti sunt Nazarei eius splendorem Deo dederunt quia nuptiali ueste sunt induti21.

Ancora una volta è dunque configurata, tra nazarei e cristiani, una sostanziale identità, nutrita sia dalla continuità storica, sia, più intimamente, dalla trasmissione del candore santo, delineato in Lam 4, 7, a tutti i fedeli. Ora, sebbene non vi siano elementi sufficienti a immaginare un contatto diretto tra gli scritti che stiamo confrontando, viene spontaneo chiedersi, a questo punto, se la persistenza del motivo non renda plausibile la congettura che dietro le associazioni sinteticamente espresse nel periodo beatissimi martires nazareni coronati sine macula potesse nuovamente celarsi uno sfondo concettuale vicino a quello evocato da Tertulliano e più articolatamente illustrato nell’Expositio. Tuttavia l’asserto di Pascasio non contribuisce solo a indicare una sostenibile chiave d’accesso all’intelligenza del segmento eucologico in questione; le sue osservazioni sulla desuetudine della voce Nazarei, allineandosi per via esplicita al generale silenzio delle fonti, confermano al contempo il sapore arcaico della testimonianza del ms Harley, che balena da un retroterra oscuro di cui si sono perdute le trame; forse piccolo frammento della storia, in gran parte indecifrata, dei rapporti della cristianità orientale e africana con l’Irlanda e la Gran Bretagna intervenuti nei secoli che preparavano il Medioevo. Non è inutile rammentare, in proposito, come nel IV secolo in Siria il nome  (nōsrōyō) qualificasse ormai ogni cristiano senza più riflessi della sua provenienza giudea o pagana22. Ma ci si guarderà anche dal trarre 21

Expositio in Matheo, II, 23, ed. B. PAULUS (= Corpus Christianorum. Continuatio Mediaeualis, 56), Turnhout, 1984, pp. 182-183, 183 rr. 2210-2215 la citazione. 22 In merito H. H. SCHADER, Ναζαρηνός, Ναζωραῖος, in Grande lessico del Nuovo Testamento, VII, Brescia, 1971 (tit. orig. Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament, Stuttgart, 1942), coll. 833-848 in part. 835-836 (IV, 879-880, dell’ed. tedesca); S.-C. MIMOUNI, Le Judéo-Christianisme syriaque: mythe littéraire ou réalité historique ?, in VI Symposium Syriacum 1992 (Cambridge, 30 Aug.-2 Sept. 1992), cur. R. LAVENANT (= Orientalia Christiana Analecta, 247), Roma, 1994, pp. 269-279, in part. 275-276; ID., Les Nazoréens…[cf. supra, n. 7], p. 231. Un processo analogo si verificò anche nel regno armeno e, assai più tardi, nel mondo arabo. Nella Persia sassanide, il termine si incontra, invece, con oscillazioni semantiche, che,

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BEATISSIMI MARTYRES NAZARENI

qualsiasi deduzione da questi pochi e incerti dati che, al momento possono, se mai, servire ad aprire degli interrogativi, non certo a risolverli. Università Cattolica del Sacro Cuore

Paolo TOMEA

Largo A. Gemelli, 1 I – 20123 Milano

Summary. This note deals with the term nazareni which is found in one of the prayers in MS Harley 7653 (VIII-IX c.). Its very use as a living term can be linked to its important occurrence in the Acta Gallonii. Since it can be considered an archaism, the prayer may possibly reflect relations between the Irish and Anglo-Saxon world and North Africa and the Near East.

ora lo riferiscono a sette o a eresie di area cristiana, ora ai cristiani “tout-court”. In tal senso, in lingua siriaca, la Passione BHO 1119 di Simeone bar-Sabba’e, presule di Seleucia-Ctesifonte (ed. M. KMOSKO, Patrologia Syriaca, I, 2, Paris, 1907, coll. 779-960, in part. 791, rr. 7, 10; 799, r. 14; 818, r. 13; 867, r. 23), sulla quale cf. G. WIESSNER, Zur Märtyrerüberlieferung aus der Christenverfolgung Schapurs II. (= Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Göttingen. Philologisch-historische Klasse. 3. Folge, 67), Göttingen, 1967, pp. 40-94, 70-71 sugli appellativi dati ai cristiani; le si può inoltre aggiungere – pur con la cautela richiesta dal fatto che il testo sia latino e non ne siano stati studiati sufficientemente i contorni storicocronologici – anche l’attestazione offerta dagli Acta BHL 8499 del martire della Perside Vamne, decapitato forse intorno al 423, che, inquisito, viene invitato a rinnegare prima, il Nazarenorum errorem e, poi, Cristo e la sectam Nazarenorum (AASS, Aug. t. 3, Antwerpiae, 1737, pp. 287289, in part. 287F). In entrambi gli scritti, la tipologia, mutata la religione dei persecutori, che sono qua mazdei, è, se si vuole, la medesima segnalata in Prudenzio, ma non è inverosimile che, in tale circostanza, il termine Nazareni, quando non si leghi a un calco letterario (come per BHO 1119, pp. 818, 867, dove mi sembra trasparente il richiamo al già menzionato passo di Act 24, 5), possa rappresentare un’eco storica della terminologia effettivamente invalsa nella regione.

Sebastian BROCK A FRAGMENT FROM A SYRIAC LIFE OF MARUTHA OF MARTYROPOLIS

At the end of his study of the testimony concerning Marutha of Martyropolis in Ibn al-Azraq’s Ta’rikh Mayyafariqin Fiey expressed the hope that the lost Syriac original behind the accounts in Ibn al-Azraq and in the Armenian Life might one day be found1. What has now turned up is, not alas the whole Syriac Life, but a single folio from this Life. The isolated folio was reused as an end paper next to the binding of the collection of texts in Sinai, Syr. 24 (f. 200)2, where it is accompanied by another stray folio which contains part of the Syriac translation of the Life of John the Almoner3. A notice concerning Marutha already features in Socrates’ Ecclesiastical History (VII.8), and later biographical accounts are to be found in Greek (BHG 2265-2266), edited by J. Noret4, Armenian (BHO 720; specifically said to have been translated from Syriac)5, and Arabic6. As Fiey has already pointed out, it is the Armenian Life which is likely to be closest to a lost older text, and this is confirmed by the single Syriac folio, whose text is published below. Even though it turns out that this Syriac text cannot represent the same text as that from which the Armenian trans1 J. M. FIEY, Māruṯā de Martyropolis d’après Ibn al-Azraq († 1181), in AB, 94 (1976), p. 45. The information concerning Marutha is said to have derived from a Syriac manuscript in the Melkite church in Martyropolis, which was translated into Arabic by a local Christian. 2 The folio is referred to, but left unidentified, by A. VÖÖBUS, History of Asceticism in the Syrian Orient. A Contribution to the History of Culture in the Near East. I: The Origin of Asceticism. Early Monasticism in Persia (= Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 184; Subsidia, 14), Louvain, 1958, p. 235, note 117. 3

I am most grateful to Dr Grigory Kessel (Marburg) for sending me an image of the two folios to identify (the passage from the Life of John the Almoner on f. 199 corresponds to P. BEDJAN, Acta Martyrum et Sanctorum, IV, Paris – Leipzig, 1894, p. 314 and 323). A study of the contents of Sinai Syr. 24 by Dr Kessel is forthcoming. 4 La Vie grecque ancienne de S. Marūtā de Mayferqat, in AB, 91 (1973), p. 77-103. In common with some other late texts, Marutha heals the shah’s daughter, rather than his son. 5

The translation states that it was made by Gagik and the deacon Grigor. At the end there are references to events in the reign of Kawad (488-531); if this is not a later addition, it will serve as a terminus post quem for the translation. 6 A helpful survey of the source materials is given by J.-M. SAUGET, in Bibliotheca Sanctorum, 8 (1967), col. 1305-1309. Translations of many of them can conveniently be found in the introduction to Marcus’ translation of the Armenian Life, for which see note 7.

Analecta Bollandiana, 128 (2010), p. 306-311.

A FRAGMENT FROM A SYRIAC LIFE OF MARUTHA

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lator was working, the small number of passages with identical phraseology indicate that the Syriac fragment represents an earlier Syriac recension of the Life of Marutha. Since there are no such parallels to be found in any of the other sources for Marutha’s life, the discussion below is confined to comparison with the Armenian Life7. Before making the comparison, however, the full text and translation should be presented. The folio is written in two columns of 29 lines in an estrangelo hand of perhaps the ninth century8. *

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