ALLOA, Emmanuel. La Résistance Du Sensible. Merleau-Ponty, Critique de La Transparence

April 5, 2023 | Author: Anonymous | Category: N/A
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Emmanuel Alloa

La résistance du sensible Merleau-Ponty critique de la transparence

préface de Renaud Barbaras

É D I T I O N S

K I M É

 

LA RÉSISTANCE RÉSISTANCE

·u

SENSIBLE

MERLEAU PONTY RITIQUE

DE LA TRANSPARENC TRANSPARENCE E

 

ElV IVIANU L

LLO

LA RÉSISTAN RÉSISTANCE CE DU SENSIBLE MERLEAU-PONTY

CRITIQUE DE L LA A TRANSPARENCE TRANSPARENCE

PRÉF ACE DE RENAUD BARBARAS

ÉDI' 2, impasse des Peintres PARIS n

BM0720930  

 

Éditions Kimé, Paris, 2008. ISBN 978-2-84174-442-8

http://www.editionskime.fr

 

La colombe légère, quand, dans son libre vol, elle fend l air dont elle sent la résistance, pourrait se représenter représent er qu elle el le réussirait encore bien rnieux dans l espace espac e vide vide d air. C est ain ainsi si justement just ement que Platon quitta le monde sensible, parce que celui-ci impose à l entendement de si étroites limites, et qu il s aventura au-delà de celui-ci, sur les ailes des Idées, dans l espace espac e vi vide de de l entendeme ente ndement nt pur. l ne remarqua pas que malgré tous ses efforts nullement, car il ne rencontrait rien il n avançait nullement, qui s opposâ opp osâtt à lui et qui fût susceptible de lui fournir pour ainsi dire un point d appui, sur lequel il pût faire fond et appliquer ses forces pour chan ger l entendem ente ndement ent de place. Immanuel Kant Je frotte des allumettes - q u i ne s enflanun enfl anunent ent pas. C est une résistance L impatience me gagne. Ce poème . La non-réussite se fait fait chose trèsdevient sensibleun poème. Paul Valéry

 

SIGLES

ES

ŒUVRES CITÉES

PrP

le

primat de la perception

SC

la

structure du comportement.

la

phénoménologie de ia perception

PP C EP SG SNS PPE

Eloge de la philosophie

et

autres essais

Signes Sens et Non-Sens Psychologie

et

pédagogie de

l

o~fant.

Cours de Sorbonne 1949-1952

PM

l

R

Résumés de cours. Collège de France 1952-1960

Prose du monde

N NC

Notes de cours au Collège de France 1958-1959

OG

Notes de cours sur

OE

 

Causeries

la

Nature. Notes du Cours au Collège de France

l Πi l et

L origine

l esprit

visible visi ble et l invisible

VI

le

Pl

Parcours 1935-1951

P2

Parcours deux, 1951-1961

de

la géométrie de

et

1960-1961

Husserl

PRÉFACE

L époque où l évoc évocatio ationn de llaa phénoménologie de Merleau-Ponty rencontrait le mutisme de l ignoran igno rance ce ou du rejet paraît bien loin et elle est, de fait, définitivement révolue. C est peu dire dire qu quee d aff affirmer irmer qu on l a « redécouve1i » car, à de très rares exceptions près, personne ne l avait véritablement lu. En vérité, en moins d une vingtaine d années, Merleau-Ponty est passé du statut d auteur mineur ou marginal à celui de philosophe classique, au point que le risque qu encourent aujourd hui les les comm commentate entateurs, urs, extraordinai extraordinairement rement nombreux, est plutôt cel celui ui de la révérence ou de la glose académique. À l exaltation des débuts, marqués par la découverte des énormes potentialités descriptives et critiques de l œuvre de Merl eaueau-Ponty Ponty,, a succédé le travail savant et systématique de la « recherche » , nourrie de l assimilation des nom breux inédits, attentive à l a multiplicité des sources et à la complexité du développement de l œuvre. L a difficulté est alors, et de de plus en plus, de pas céder la pente de emb aumement, embaumem ent,de absolument contrai contraire re au sensnemême de l àentreprise de lMerleau-Ponty, ne pas se laisser écra ser par la masse du commentaire, bref de continuer à voir l œuvre de Merleau-Ponty avec des yeux neufs, neuf s, ceux avec lesquels, selon selon Merleau Ponty lui-même, le peintre voit le monde. Emmanuel Alloa fait paiiie de ceux qui échappent à ce risque. Il connaît et maîtrise la littérature critique, tout comme le contexte théo rique dans lequel la pensée de Merlea Merleau-Ponty u-Ponty s est formé formée. e. Et pomiant, il le lit comme si c était la première fois et donc comme si rien de ce

 

1

qui a cl·

§té

dit d n~dit

[

son propos n·~tait vraiment acquis. La condition

un tel regard est à la fois une très grande distance et une très grande

proximité. Très grande distance au sens où Emmanuel Alloa prend les choses de haut et de loin, c est-à-dire situe Merleau-Ponty dans une histoire longue de la pensée et rapporte ainsi sa phénoménologie à des problèmes qui étaient déjà ceux des phil osophes grecs.S ensuit un effet

de relativisation à la fois historique et théorique, propre à jeter un nouveau jour sur l œuvre de Merleau-Ponty. Mais cette distance vis-à

vis de la pensée, par neutralisation de l appartenance historique gui détermine e n général les concepts mis en œuvre, a pour envers et pour condition une très grande proximité à la lettre du texte. Emmanuel Alloa est attentif à la récurrence de certains mots, jusgu alors passés à peu près inaperçus, auxquels il confère le statut de concepts, au moins opératoires, en en faisant affleurer toutes les implications sémantiques et historiques. Comme la chose perçue chez Merleau-Ponty, le mot doit venir avec toutes ses racines, ses accointances et les usages théoriques gui se sont sédimentés e n lui; c est à cette condition qu il peut cesser d aller de soi, se détacher du cours du texte pour devenir l un des pris

mes dans lesquels la pensée se réfracte. Tel est le statut qu Emmanuel Alloa confère à la transparence, qui n est de prime abord qu un simple terme, pmfois une métaphore, mais extrêmement présent sous la plume de Merleau-Ponty, au point

que

l on est e n droit d y voir une source secrète et u n motif central, à partir

duquel une nouvelle cohérence de l œuvre doit pouvoir être restituée. Bien entendu, il s agit d un motif négatif: conscient qu il est de la prégnance de ce présupposé dans l histoire de la pensée, d autant plus fort qu il demeure le plus souvent caché, Merleau-Ponty vise à instau rer, de bout en bout, « la critique de toute idéologie de la transparence, que ce soit l a croyance e n une transparence transpa rence de soi à soi, du soi et de son savoir, du soi et de l Autre » ( 16). C est cette lutte incessante contre l idéologie de la transparence, qui est aussi une lutte de Merleau-Ponty

avec lui-même, qu Emmanuel Alloa met en scène dans cet ouvrage. L a question qui se pose naturellement est celle du versant positif de cette critique, c est-à-dire de ce qu il faut opposer à l a transparence. Attentif à l incontestable influence sur Merleau-Ponty de la phénoménologie bachelardienne, et p~r allusion à l ouvrage célèbre de Starobinski,

 

 

Emmanuel Alloa lui oppose l obstacle. Parce qu elle est une pensée qui cherche à échapper à l idéologie de la transparence, la philosophie de Merleau-Ponty est une philosophie de la résistance, o u de l adversité; parce que la résistance est également et d abord résistance au langage et à la pensée, la philosophie de Merleau-Ponty est aussi une philoso phie qui enveloppe une réflexion sur son propre langage, c est-à-dire finalement sur sa possibilité même. Cependant, Emmanuel Alloa n en

reste pas à ce terme, qu il évoque comme en passant et qui apparaît comme la formulation du problème plutôt que conune sa solution. L a

question est en effet de savoir quelle forme précise prend cet üréducti ble coefficient de résistance du réel, comment nommer ce qui rend l ho rizon

de

transparence

définitivement

irréalisable.

L ouvrage

d Emmanuel Alloa apparaît comme une tentative de décliner des figu

re ress de la résistance, de repérer et d expliciter les termes ou les concepts où se fonde et se lit à la fois le refus de la transparence. La première période de l œuvre de Merleau-Ponty, qui s achève

avec la Phénoménologie de l perception, est centrée sur la notion de corps: la découverte de l incarnation constitutive du sujet permet de

dépasser toutes les versions idéalistes et intellectualistes de la percep tion et de mettre ainsi en évidence l inscription essentielle du sens dans le sensible. Emmanuel Alloa, quant à lui, met au premier premie r plan la notion de milieu, dont il rappelle la riche histoire, et il ressaisit donc le corps du point de vue de sa relation à un U,nwelt puisque, selon Merleau

Ponty lui-même, avoir un corps c es t, « pour un vivant, se joindre à un milieu défini, se confondre avec certains projets et s y engager conti nuellement

» . E n comprenant

le corps propre comme

appartenant

essentiellement à un milieu et agissant e n lui, o u comme « potentialité dans un mili u» (32), o n se donne les moyens d en préserver l a spéci ficité: le corps ne peut ni être rabattu sur un sujet pur, ni soumis d e part en part aux lois d une nature. Cette approche du corps permet à Emmanuel Alloa d instaurer une

confrontation éclairante

avec

Heideo-o-er en contestant à J·uste titre que la notion de monde chez Merleau-Ponty puisse dériver de celle de Heidegger. Le rapport de t t

l animal à l Umwelt ne saurait être pensé e n termes d encerclement

Eingenommensein) o u d accaparement Benommenheit), ainsi qu Heidegger le prétend, mais bien plutôt, conformément à la leçon de

 

l:::

Goldstein, comme un « débat » Auseinanclerset::.ung). Le milieu est pour Heidegger un lieu de fermeture et d encerclement; il est, pour Merleau-Ponty, synonyme d ouverture. Emmanuel Alloa a donc raison de conclure que, si l homme et l animal sont tous deux « fondamenta lement à la fois situés dans et ouverts sur un milieu, l homme toutefois est l être qui potentialise cette ouverture en créant son propre monde » (34). Autant dire que le corps est essentiellement médiation: il est le milieu du milieu, au double sens de son centre et de son moyen. Il n est pas étonnant alor alorss que, chez le le dernier Merleau-Ponty, la médiation en

vienne à occuper la place d u médiatisé, que ce milieu qu est le corps à la fois cœur du monde et vecteur vec teur de son apparaître-, et qui sera désor mais nommé Chair, délivre le sens d être véritable de ce premier pr emier milieu qu est le monde. Emmanuel Alloa montre bien que la portée de la notion de milieu excède largement l usage qui en est fait dans la Phénoménologie de la perception: percep tion: elle désigne ce qui doit être pensé en lieu et place d une « épistémologie de la transparence ; les notions de « réalité de masse » ou de « phénomène-enveloppe » , mobilisées dans le cours sur La Nature n en sont dès lors que des refonnulations. Emmanuel Alloa en vient ensuite à la question du langage. l suit ainsi un ordre qui, aux yeux de tous les commentateurs, est celui de l œuvre même de Merleau-Ponty, mais, en vérité, la réflexion sur la transparence en justifie mieux encore la nécessité. En effet, llee propre de la parole, au moins dans son fonctionnement habituel, est de s oublier comme fait, c est-à-d ire comme tribu tributaire taire d une certaine matière sonore, pour s appar apparaître aître comme l expression pure d une idéalité qui la précéderait et ne lui devrait rien. Le langage se dissimule o u s efface par son opération même: il institue une transparence, tra nsparence, qui est à la fois fois et et nécessairement transparence de la matière sonore au sens (le sens transparaît en elle), transparence du sens lui-même et, partant, de ce sens à la pensée. Dire en effet que le sens est transparent, c est recon naître qu il transparaît pleinement dans la matière, en l effaçant inté gralement, et, par voie de conséquence, qu il se donne à la pensée de manière transparente, transparente, c est est-à-dire -à-dire de tel telle le sorte qu il ne lui offre aucune résistance et qu une patfaite adéquation devient ainsi réalisable. Il n est donc pas étonnant qu une philosophie qui veut en finir avec « l idéolo gie de la transparen~e » se confronte longuement à la question du

 

langage. en tant qu il a pour effectivité une parole au sein de laquelle la matière sonore réalise son propre effacement. De là la nécessité d ef fectuer une sorte de « réduction » de la parole, ce qui exige de ne plus l aborder à partir de la sphère transparente du sens, ni non plus d une ma mati tièr èree opa opaqu quee - qui qui n est que la contrepartie nécessaire de ce sens mais à partir du mouvement qui conduit de l un à l autre et est, en vérité, plus profond prof ond que l un et l autre. À qui examine le le mouveme mouvement nt du signifier au lieu de se laisser laisse r emporter par lui, iill apparaît claireme clairement nt que ce sont bien les catégories mêmes à partir desquelles ce mouve ment est en général décrit, y compris dans la Phénoménologie de

l

perception qui doivent être abandonnées: la phénoménologie de la parole appelle une contestation de la philosophie de la transparence, Y compris en ses formes les moins patentes, et c est pourquoi cette phénoménologie se dépasse elle-même vers une ontologie d un nouveau genre. Emmanuel Alloa montre bien qu en centrant son ques tionnement sur le « corps transparent du langage», Merleau-Ponty ne se contente pas de réinvestir les acquis de ses travaux antérieurs sur le corps, c est-à-dir est-à-diree d insérer le sens dans un corps vivant en faisant de la parole un geste comme les autres. Il est au contraire conduit, à la lumière de la linguistique saussurienne, à renouveler sa conception du corps vivant pour le concevoir lui-même conm1e un système diacriti que (65). Cependant, comme le rappell rappellee Emmanuel Alloa, « toute interroga tion sur la philosophie du langage suppose une inten-ogation sur le langage de la philosophie philos ophie 68). Autant dire que le passage passa ge pa parr la linguistique et la phénoménologie de la parole ne laisse pas intact le sens que Merleau-Ponty confère à la philosophie et, par voie de consé quence, à son « objet » . L ontologie, que Merleau-Ponty appelait de ses vœux, coïncide avec l inauguration d un nouveau style philosophique, que Mikel Dufrenne Dufren ne qualifie avec bonheur bonhe ur d dee « philosopher sans philo sophèmes » . L orientation du dernier Merleau-Ponty procède incontes tablement du souci de répercuter les acquis de la phénoménologie du langage au plan de la perception, c estest-à-dir à-diree d aller vers une source commune du sens perceptif et du sens linguistique. La troisième étape de la pensée de Merleau-Ponty « viserait à creuser le sol commun à l œuvre de 1945 et aux interrogations sur le langage, à reconstituer la

 

 4

trame:: de rétoffè à partir de laquèlle à la fois quelque:: chose peut m·arc::

donné cornme visible et les mots permettent de rendre visible » 71). C est évidemment dans cette perspective qu'il faut comprendre la réflexion de Merleau-Ponty sur la peinture, dont Emmanuel Alloa va jusqu à dire qu'elle qu'ell e quitte définitivement llaa gangue de de l'es l'esthétiq thétique ue clas clas sique« pour passer d une philosophie sur la peinture à une philosophie d après ou pl plus us exacteme exactement nt - un unee philos philosoph ophie ie selon la peinture, philosophie dont L œil et l esprit serait l'ébauche » (71). Quoi qu'il en soit, l'inteITogation sur l'origine ou la racine du sens, en sa neutralité vis-à-vis de la distinction entre visible et dicible, donne lieu à une onto logie de la chair ou de l'être sauvage. Cette ontologie peut être comprise comme une radicalisation de la notion de milieu. Si le corps

peut être« un moyen dans un milieu-monde» (77), c est parce qu'il est plus qu un moyen; il est fait de la même étoffe que le monde qu'il médiatise et le concept de milieu doit alors être compris comme renvoyant à un élément commun au corps et au monde, à leur parenté originaire: il est « milieu formateur» du sujet et de l'objet, del essence et du fait, du corps corps et du monde. mond e. Emmanu Emmanuel el Alloa suit ave avecc bonheur un certain nombre de motifs de cette ontologie de la chair, notamment en examinant de près le concept, toujours toujours ressassé mais rarement affronté, de chiasme. Cette partie comporte nombre d'aperçus auxquels on ne peut que souscrire, tels, par exemple, la mise en évidence de l'eITeur de DeITida concernant le chiasme tactile, compris comme l'ultime stade d une philosophie de la présence alors qu il est en vérité l'exorde d une pensée de la non-présence et de la non-transparence, ou encore la défi nition de la chair comme « diacritique incarné » (79). Emmanuel Alloa n en reste cependant pas là. Il croit discerner, au cœur même de l'ontologie du dernier Merleau-Ponty comme une hési tation et, finalement, une alternative. Alternative entre une philosophie de la vision dichotomique qui, en substantivant l'invisible, demeure la perspective classique (la dichotomie du prisonnière visible et dede visible l'i l'in n visible reflétant en vérité la dualité maintenue de la vision et du visible) et, d'autre part, une pensée de la vision primordiale et anonyme, d une « voyance » qui précéderait le partage en visible et invisible et ferait remonter la genèse du visible à une source d'inspiration ténébreuse et énigmatique (98). Emmanuel Alloa esquisse alors les contours d une

 

i5

troisième voie. qui ouvrirait la pwblématique du visible et de 1 invisi ble sur une interrogation phénoménologique plus générale. Cette voie, qui permettrait d'affron d'af fronter ter la question del essence de la visibilité, ques tion centrale de l' œuvre posth posthume, ume, exigerait de prendre pleinem pleinement ent la mesure du sens de toute vision, en tant qu elle exclut l'adéquation mais implique au contraire une distance « qui n'est pas un empêchement pour le savoir, qui en est au contraire la garantie » , distance qui n'est donc pas distance entre le voya voyant nt et et llee vis visibl iblee - env envers ers d une proximité - ma mais is,, préc précisé iséme ment nt,, le tissu qui les relie. Emmanuel Alloa voit dans le texte de L œil et l esprit esprit sur le fond de la piscine, que je ne vois pas maloré mal oré l'eau l' eau et ses ses reflets reflets mai maiss à traver traverss eux - tex texte te extraordinaire extraordinaire eett énigmatique - un échantillon de ce que pouffait etre cette tr 1s1eme voie. C est celle d une philosophie du diaphane - être d e l « entre», A

élément qui laisse « transparaître quelque chose qui appartient au visi ble sans être visible en acte » (1 (100 00)) - en laq laque uell llee s'accomplirait s'accomplirait la pensée du milieu comme medium et qui déboucherait sur une phéno ménologie de la trans-parution. Ces propositions, stimulantes et prometteuses, ouvrent la voie de nombreux approfondissements et justifient à elles seules la lecture de ce livre original et inspiré. Renaud Barbaras Professeur de philosophie contemporaine à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne

 

. LE PHILOSOPHE

1

SON DEHORS

Noli jàras jàra s ir iree

Lor squ Edmu Lorsqu Edmund nd Husserl professa en fév février rier 19 1929 29 à Paris ces confé rences qui contiennent en germe ses Méditations Cartésiennes futures, un jeune étudiant se trouvait alors dans l auditoire de la Sorbonne dont

la compréhension de l all allema emand nd demeurait rudimentaire. La phrase latine par laquelle le fondateur de la phénoménologie conclut ses confé rences ne pouvait cependant lui échapper: Noli foras ire. Par ces mots empruntés à Saint Augustin, Husserl range la la phénoménologie dans la tradition des philosophies du recueillement et de l intériorité, tradition affichée d emblée par le titre des conférences qui s anno annoncen ncentt cartésiennes. Rongé par un souci grandissant face à la science positive souci qui trouvera dans les années successives son faîte dans la Krisis - Hus Husse serl rl p préc réconi onise se u une ne epokhé qu il rapproche des Confessions augus redi in interiore interiore homine homi ne habitat habita t veritas .2 Ce point d ortiniennes: in te redi gue final sonnant le retour à un for intérieur dut paraître d autant plus dissonan diss onantt pour l étudiant en question qu il avait cru entendre dans le déploiement de la pensée husserlienne une progress progressive ive ouverture à l al térité et au monde vécu. Dans les élaborations personnelles successives d u normalien qui n est autre que Maurice Merleau-Ponty, il y a comme une obsession récun-ente de faire les comptes avec cette conclusion de Husserl dont il revendique par ailleurs ailleurs la méthode. Bien plus tard tard,, à l occasion de l avant-propos de la Phénoménologie de la Perception 3 Merleau-Ponty explique qu il n y a, pour la phénoménologie« pas d homme intérieur,

 

Lo ré,i,rwzce du \Cil\ih c

l ï1umm e est au monde. c · est dan danss le mond mondee qu ï se conn connaît aît

PP V J

La phénoménologie démontrerait que « la vérité >Il 'habite< pas seule seule  ment l'>homme intérieurphilosophie) sous-tendant implicitement toute sa

propre entreprise) devient le lieu où

il

tente de concilier ces deux affir

mations contraires: « un de ses >résultats< [de la phénoménologie husserlienne] est de comprendre que le mouvement de retour à nous mêmes, - de >rentrée e n nous-mê nous-mêmes< mes<

disait saint Augustin

est

comme déchiré par un mouvement inverse qu il suscite» (SG 204), la réduction ne pouvant être dès lors que le revers négatif d une inten

tionnalité irréductiblement tournée au dehors de soi. D autre pai1,

il

s agit d éviter de retomber dans une pensée idéaliste pour laquelle intériorisation tion et mouvement d extériorisation seraient mouvement d intériorisa

identiques puisque détachés de tout autre que soi; bref, échapper au risque de l idéalisation

risque auquel Husserl lui-même n a pas

toujours touj ours su su ssee soust soustrair rairee - rabat rabattant tant l idéalisme d u Husserl transcen dantal dans les parages de l idéalisme hégélien: « Husserl redécouvre cette identité du >rentrer e n

soi<

et d u >sortir de

soi<

qui pour Hegel défi

nissait l absolu » (SG 204). O r il ne saurait, pour Merleau-Ponty, y avoir de savoir absolu, l extériorité provoquant un état de promiscuité insistante, de contagion perpétuelle. O n ne pourrait donc confiner la genèse de la vérit véritéé à « l homme intérieur», puisque la philosophie« n a nulle part de domaine où elle soit préservée de la contagion de la vie » (SG 163). La question qui se pose, dès lors, est celle de « la philosophie e t de

son >dehors< » , question qui fournit d ailleurs le titre a u premier chapi tre de l essai Partout e t nulle part: Quel est le lieu propre à la philoso phie? D où prend-elle son essor? Quel rapp011 peut-elle o u doit-elle

entretenir avec son dehors, avec son autre? Ces questions peuvent sembler inadéquates, car sil o n e n croit Françoise Dastur,4 il faut juste ment distinguer Merleau-Ponty de ce qu elle qualifie de « pensée de l extériorité » , que c e soit une extériorité telle que la vise Emmanuel

Levinas o u que ce s?it « la pensée d u dehors » dont Foucault voit dans

 

  "écritu "écriture re d dee Mauri ce Blanc Blanchot hot le pius haut accompi acc ompi issemen iss emen t. En le

détournant titre du célèbre essai foucaldien, Françoise Dastur suggé rait qu il faut au contraire qualifier la réflexion J e Merleau-Ponty de pensée du dedans. En effet, les derniers manuscrits de l époque du Visibl Vis iblee et de 'Inv 'Invisib isible le entérinent une tendance qui s amorce bien plus tôt, c est-à-dire u n e « démarche régressive » 5 qui tente, en une généa

logie concentrique, de revenir vers un « être brut » qui est d emblée « Etre d indivision » (VI 271), de proximité et de « promiscuité »

(VI 307). L a « nouvelle ontologie » qu ambitionne Merleau-Ponty vers la fin de sa vie est, selon ses propres termes, « ontologie du dedans » (VI 290), « endo-ontologie » (VI 279) ou encore « intra-ontologie » (VI 280). Il convient cependant de rappeler avec Françoise Dastur que c e «de da ns» n est pas synonyme d'intériorité. Au contraire, contraire, il s agit bien d outrepasser outrepasser l op opposition position entre philosophie introspective et philoso phie matérialiste, opposition qui reste sous l emprise d une mauvaise et par conséque conséquent nt fau fausse sse - ambig ambiguïté. uïté. Déjà dan danss La philosophie et le dehors < Merleau-Ponty soutient q u il n y a pas à choisir entre une philosophie se voulant >pure< >pure< et une doctrine de l explication exté

rieure, car c e serait encore se baser sur « une fausse conception de '>intérieur< e t une fauss faussee con cep tio tion n de

'>e '>exté xtérie rieur< ur< » (EP 149).

Dépasser ces dichotomies héritées, ces mauvaises ambiguïtés, par une pensée qui s installe dans l épaisseur de leurs membrures, dans la densité de leurs articulations, c est l exercice interminable auquel on assiste en lisant les notes de travail del époque d u Visible et l'invisible. Le concept central qui soutient cette « endophilosophie » est celui de

chair. L a chair indique moins l opacité du corps propre qu une condi tion de mon être-au-monde. Ce qui fait de moi un corps n est qu une saillance dans un tissu qui m e sous- tend et qui me traverse à l a fois. E n tant qu être incarné,je suis déjà perpétuellement porté hors de moi vers ni objec  ce monde composé de la même étoffe dont j e suis. Ni idéalité ni tité, la chair ouvre une possibilité de dépassement d une ontologie réifiante. Une réflexion « épaisse » naissant « du milieu des choses » (OE 19) se substitue donc à une pensée de la domination de l idéalisme

transcendantal qui « dépouille le monde de son opacité et de sa trans transcendantal cendance » (PP VI) pour lui restituer au contraire s a résistance e t ses

 

20

Lo résistphénoménologiefaits -

 

l.

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i

et elle n a nulle part de domaine où elle soit préservée de la contagion de la vie » (SG 163). 163). Husserl lu lui-même i-même a dû dû se défaire de l au autre tre grand mythe » qui guette, celui du savoir scientifique « qui attend de la simple notation des faits, non seulement la science des choses du monde, mais encore la science de cette science» (EP 98), qu elle soit soit sociologie des sciences ou, dans le cas du premier Husserl, philosophie de l arithmétique. Mais c est précisément en se confrontant aux mathé matiques, ensuite à la psychologie de son époque qu Hus Husser serll aura aiguisé aigui sé les profils de la méthode phénoménologique. E En n tant q~ elle ell e présuppose présupp ose ses objets, la scien science ce expérimentale manque l exp éne nce de l objet. Si la philosophie est partout au sens où elle ne saurait avoir de teITain préférentiel, elle doit accepter qu en tan tantt qu elle ne s agglo mère jamais entièrement dans les faits, elle n est à proprement parler nulle part. En ce sens. la phénoménologie « qui ne se désintéresse pas des faits » mais qui n en est pas pour autant « servante du savoir induc tif » - préalables pour la pratique de toute philosophie ouverte sur son dehors (P2 26) doit détou détourner rner le rega regard rd des contenus du donné pour «

considérer le mode de donation lui-même. Ainsi, rappelle Merleau-Ponty Merlea u-Ponty dans l avant-pr ava nt-propos opos de la Phénoménologie de l perception, la plus grande découverte de la phénoménologie phénoménol ogie n es estt pas et contrairement à ce que retenait Sartre 8 l intentionnalité (dont Merleau-Ponty s emploiera à en démontrer les

limites) mais paradoxalement bien celle de la réduction. Le procédé de réduction, Husserl le souligna lui-même, n est pas identique à l epokhé et ne se résume pas à la mise entre parenthèses du monde qui, pour Merleau-Ponty, nous nous ramènerait ramèner ait à une conscience autonome:« Pendant longtemps, et jusque dans des textes récents, la réduction est présentée comme le retour à une conscience transcendantale devant laquelle le monde se déploie dans une transparence absolue, animé de part en part par une série d aperceptions que le philosophe serait chargé de recons tituer à partir de leur résultat » (PP V). C est précisément parce que, dans la réduction, elle garde un contact permanent avec le monde que la conscience fait l expérience de l impossibilité de le maîtriser de part en pait. Singulière conclusion: « Le plus grand enseignement de la réduction est l impos impossibil sibilité ité d une réduction complète » (PP VIII). L irréductibilité du dehors se révélerait ainsi comme la leçon essentielle

 

La résistanc( du S( lsib e

de a phénoménologie: un dehors qui ne se laisse résorber dans une quelconque transparence de l esprit espr it mai maiss qui qui n en est pas pour autant un dehors détaché, hors d atteinte. Du fait que tout dehors est donné en tant que dehors, il atteint, entame et fissure par là toute intériorité. Ce dehors, pierre d achopp achopperne ernent nt de toute philosophie, est le lieu même d où surgit le questionnement, et par conséquent « la philosophie se sent chez elle partout où il [le rapport comme problème] a lieu, c est-à dire partout, aussi bien dans le témoignage d un ignorant qui a aimé et vécu comme il a pu, dans les >trucs< que la science invente, sans vergo gne spéculative, pour tourner les problèmes, dans les civilisations >bar >b arba bare res< sdu dedans< » et une philosophie « qui la jugerait du dehors » disparaît (VI

210 . O n rnesurerait alors que notre expérience déjà n est jamais rien d autre que « retournement qui » - perpétuellement « nous place loin de >nous< en autrui. dans les choses » (ibid.).

 

II. PERCEPTION

1. Dés) Dés)aveu aveu de la science

Retournons aux choses mêmes » Zuriick z u den Sachen selbst): voilà l célèbre réquisitoire d'Edmund Husserl pour le projet phéno ménologique. Cela suppose de quitter la position inattaquable de la pensée pure que l'autre grande figure du renouveau philosophique au xx siècle, Ludwig Wittgenstein, qualifiait aussi de « verglas » où « les conditions sont idéales mais où on ne peut marcher » . Le retour aux choses, injonction puissante dans son élan mais vague dans sa direc tion, se vêtit de concret quand on l'explique, en empruntant les mots de «

Wittgenstein, comme un « retour au sol raboteux » Zurück i { f den 2 rauhen Boden . Le sol raboteux que Merleau-Ponty se cherche dès l départ, c'est la question de l'être perceptif. Bien que tout l'arc de la philosophie merleau-pontienne soit travaillé par celle-ci, on peut néan moins moi ns distinguer disti nguer une première phase s'échelo s'éc helonnan nnantt de 1933 1933 jusqu à la fin de la guene environ - où llee problèm problèmee d dee la natu nature re de de la percep

tion constitue la ligne directrice de l'effort de pensée du philosophe. S'intéressant d'emblée de près aux nouveaux résultats de la psycholo gie expérimentale, Merleau-Ponty est paiiiculièrement sensibilisé à la question du perceptif par la Gestaltpsychologie dont il étudie de manière systématique systémat ique les écrits. En 1933/34, iill débute le travail sur une thèse qui doit p01ier sur « La nature du comportement » et dont les sollicitations de subventions auprès de la Caisse nationale des Sciences

 

30 révèlent déjà les forces motriœs d une recherche qui se prolongera

jusqu à la Phénoménologie de la perception:

L originalité que l on

entraperçoit d emblée dans ces projets de recherche, c est une biblio graphie qui, au détriment d e la philosophie (aucun nom d auteur clas sique n y figure), se noun-it d ouvrages d e psychologie, de neurologie e t de psychiatrie. Un pied de nez à l institution universitaire, dominée

par l idéalisme et le néokantisme français, mais pas pour autant un adieu à la philosophie, car Merleau-Ponty s empressera d afficher son désaccord non avec l objet mais avec les méthodes scientifiques. Dans irréductibilité d u monde le projet de thèse, déjà, se voit affirmée l irréductibilité

perceptif à l épistémologie scientifique: « L univers de la perception ne serait pas assimilable à l univers de la science» (PrP 13 . Plus explicite

encore, l a Phénoménologie de l apodictique et déroutante: «

perception débutera par une phrase, La phénoménologie [ ... ] c est d abord le

désaveu de la science.» (PP II .

Que faire de cette affirmation? Merleau-Ponty ne retombe-t-il pas dans le panneau des philosophies, criticistes et intellectualistes, qui sont dénoncées dans ces mêmes lignes? Mais encore faut-il s entendre sur

c e que c e « désaveu» signifie. Merleau-Ponty s e n explique e n se réfé rant à l a démarche de Husserl lui-même: il ne s agit pas pour la phéno ménologie de se « désintéresser » des sciences empiriques comme la psychologie (PrP 21), d autre part il faut éviter d e se calquer sur leur

méthode.« Il s agit de renouveler la psychologie sur son propre terrain, de vivifier ses méthodes propres par des analyses qui fixent le sens toujours incertain des essences fondamentales comme celles de epré

sentationsouvenirmilieu< » (PP 269), le corps est toujours plus qu'il n'est actuellement, il est tout autant dans ses virtua lités 17

En ce sens, l'être incarné n'est pas seuleme nt un être« en situa

tion » , il se définit comme « possibilité de situations » ( PP 246). Des possibilités qui ne sont pas uniquement pensables, mais effectuables concrètement, ce par quoi elles se distinguent de toute pensée transpa rente. « En disant que cette intentionnalité n'est pas une pensée, nous voulons dire qu'elle ne s'effectue pas dans la transparence d'une cons cience e t qu'elle prend pour acquis tout le savoir savoi r la latent tent qu'a mon corps de lui-même» ibid.). En tant que potentialité dans un milieu, le corps mû ne se laisse réduire ni à une autonomie totale d'un sujet pur, ni à

'hétéronomie d'un environnement. Penser sa médiateté, c'est par

conséquent lui laisser une certaine épaisseur qu'il perd dans cette étrange alliance scellée entre le naturalisme de la science et le spiritua lisme de l'objet: « tandis que le corps vivant devenait un extérieur extéri eur sans intérieur, l a subjectivité devenait un intérieur sans extérieur, un specta teur impartial» (PP 68). Alors que la Struc Structure ture d du u comportem c omportement ent débu tait volontairement « par le bas » , l a Phénoménologie de la perception s installe d'emblée dans l'expérience humaine d u corps propre, dépla çant ainsi déjà la perspective. « L a vie humaine [ ... ] se comprend elle même, parce qu'elle est jetée à un monde naturel » (PP 377). L a

question de l'humain se pose donc comme problème d u monde.   8 Ici encore, Merleau-Ponty se sert des travaux sur l a notion de milieu d'Uexküll, son concept de >milieu< n'étant autre que la traduction d u

terme allemand Umwelt que l éthologue prend soin d e distinguer d Umgebung et d~ Welt.

 

 1

Jakob von Uexküll définit r Umgebung p r sa localisation dans un espace isotrope, comparable en cela à « l environnement géographi géographi que » de Koffka, alors que l ' Umwelt serait un espace qualitatif, correspondant à « l'environnement de comp011ement » . En pensant

l Umwelt comme spécificité du vivant par p ar rapport à l Umgebzmg pure ment géographique, Uexküll lui confère une acception positive; son approche « d u bas » le distingue de la zoologie privative de Heidegger.   9 Partant d u Welt humain, Heidegger pensera l' Umwelt animale comme nécessairement déficitaire. Alors Alors que pour Uexküll, le monde-milieu Umwelt) est - à llaa d dif iffé fére renc ncee d e l ' Umgebzmg - déjà un monde, pour Heidegger l Umwelt n'est que « pauvreté de Welt » , jouant sur la proximité phonétique du préfix préfixee signifiant signifiant l'entourage et du préfixe un- indiquant la privation ou le manque. 20 En regard de la question de l anima lité, force est de consta ter que c'est trop rapidement que l'on a voulu faire faire dériv dériver er la la notion de mon monde de à la différence de Heidegger qui considérait que les tentatives récentes en zoologie de

chez Merleau-Ponty de celle d e Heidegger:

penser l'organisme en rapport avec son milieu demeurent e n dernier lieu futiles pour la philosophie, Merleau-Ponty Merleau-Pon ty confirme et prolonge les analyses d e Goldstein et de Buytendijk. Contrairement à la conceptua lisation

heideggerienne,

il

n 'y

aurait

Eingenommensein) et d'accaparement

guère

d'encerclement

Benommenlzeit) de l'animal

par l'Umwelt, mais au contraire Auseinandersetzung, un différend de forces de coloration quasiment spinoziste.21 Loin que « l'organisme s'emboîte chaque fois fois dans un milieu déterminé » ,22 il y est au contraire

invariablement engagé. Il n'y a donc guère de césure fondamentale entre le règne animal et humain, mais plutôt une différence quant à la modalité de cet engagement. Bref, Merleau-Ponty ne pense pas le monde selon le critère ontologi ontologique que de la compréhension Verstehen) de l'être en opposition à une Umwelt d'inhibition par les étants-objets,

mais comme une « compréhension d'enveloppement » de la potentia lité du milieu. Au lieu d'être dépendant des déclencheurs qui seraient comme des « gangue et rails d u comportement » (N 283),23 l'homme

entretient avec eux un rapport de distance qui représente toujours une distance créatrice. Aussi, l a vie humaine « >comprend< non seulement tel milieu défini, mais une infinité infinité de milieux possibl possibles es » (PP 377).

 

De ce fait. l notion de milieu prend une nouvelle valeur philoso phique dans la Phénoménologie de la Perception en tant qu elle est redéfinie en rapport au corps: le corps n est plus « enveloppe transpa rente de l esprit» (PP 187) mais « moyen » pour faire d un milieu un monde (PP 144). Tandis que Heidegger voit dans le milieu le motif de fermeture et d encerclement. Merleau-Ponty y puise au contraire s a conception d ouvertur ouv ertur e. Sans aband abandonne onnerr la la possibilité de distinction entre le règne animal et le règne de l homme, celle-ci sera toutefois une distinction graduelle et non catégoriale. Tous deux sont fondamentale ment à la fois situés dans et ouverts sur un milieu, l homme toutefois est l être qui potentialise cette ouverture en créant son propre monde. Tout en maintenant un partage entre animal et humain, Merleau-Ponty explique le développement d u dernier à partir du premier; en utilisant la possibilité offerte par la condition d ouverture, l homme se libère de sa détermination objective. Dans le chapitre « La spatialité du corps propre et la motricité » , Merleau-Ponty s intéresse au cas pathologique« Schn. » (Schneider (Schneid er de son vrai nom) qui ne parvient pas à se représenter des actes o u situa tions non-actuelles ni même à se représenter soi-même en acte. Maroquinier, il continue à coudre et à couper le cuir, mais n est pas en mesure de prendre de la distance vis-à-vis de lui-même, d objectiver son activité ni encore moins de se projeter dans des activités différen tes. Schneider se confond avec son Umwelt, le milieu du maroquinier, dont les possibilités sont limitées et univoques: « Le normal compte avec le possible qui acquie11 ainsi, sans quitter s a place de possible, une sorte sor te d actualité, chez le malade au contraire, le champ de l actuel se limite à c e qui est rencontré dans un contact effectif o u relié à ces données par un déduction explicite» (PP 127). Pour qu il ait monde, un espacement doit se produire, une désolidarisation des données immédiates, une virtualisation du présent. Pour le sujet non-pathologi que, un stimulus n est pas uniquement u n levier d actua actualisat lisation, ion, il peut aussi donner lieu à un « mouvement virtuel » annonçant « une certaine puissance d act action ion dans le cadre d du u dispositif disposi tif anatomique » (PP 126). Ainsi, le corps du sujet normal possède une faculté de non-actualisation, une faculté de « se situer dans le virtuel » ibid.). Singulièrement, « se détourner du mon~e » ibid.) constitue donc bel et bien la condition d une

 

projection de monde. Dans le cours sur Lo Nmure. Merleau-Ponty écrira plus tard: « Non plus corps fusion avec un U,mvelt mais corps moyen ou occasion de projection d un Welt » (N 284). C est bien ce passage à un monde que la Gestaltpsychologie ne

parvient à penser. car elle reste prisonnière priso nnière de l idée d un monde objec

tif. En tant qu elle place le comportement comport ement

comme forme parmi parmi d au-

tres - dans le monde, elle ne rend pas compte du fait que le compmtement indique avant tout la possibilité de l émergence d un monde. L a Gestalttheorie finirait, e n somme, par situer les formes dans un monde physique et se borne à décrire la correspondance structurelle structurelle avec les représentations que nous nous en faisons. En ce sens, elle serait une alliance étrange entre un présupposé physicaliste et une procédure criticiste. O r le monde, soutient Merleau-Ponty, - n est pas comme le pensait enco encore re le kantis kantisme me un système systè me de relations aprioriq aprioriques, ues, il n est pas « comme un cube de cristal » qui laisse voir « ses côtés cachés dans sa transparence actuelle » (PP 378). Il est au contraire un espace habité, investi et travaillé, pour reprendre ce mot de Hegel qui revient fréquemment sous la plume de Merleau-Ponty. En rattachant la genèse du monde au milieu, on empêche de l idéaliser: à l instar de l Unnvelt, le monde « est une réalité intermédiaire entre le monde tel qu il existe pour un observateur absolu et un domaine purement subjectif (PPE 432).

»

À

suivre la notion de milieu à travers les réflexions sur la percep tion, on peut donc observer comment la pensée merleau-pontienne se met en place à partir d une incorporation de termes techniques pour leur allouer une signification nouvelle. En s installa installant nt dans la non philosophie, o n est spectateur de cette reprise philosophique, de la réélaboration d un terme qui, loin de se figer en un concept, reste opéra toire et multiple. multipl e. Il ne s agit donc guère de ramener une notion dans les sphères épurées de l espri sphères esprit, t, mais de se maintenir dans l entre entre-deux -deux , conclut Merleau-Ponty Merleau-Pon ty dans le résumé de son parcour parcourss : « Peut-être ces recherches convergentes finiron recherches finiront-elles t-elles par mettre en évidence un milieu mil ieu commun de la philosophie et du savoir positif, et par nous révéler, en deçà du sujet et de l objet pur, comme une troisième dimension o ù notre activité activi té et notre p passivité, assivité, notre autonomie et notre dépendance, cesse raient d être contradictoires » (P2 13).

 

 44

Lo ré,i,tance du wmih e

Ainsi la première phase de Merleau-Ponty participe déjà tout entière de r effort d éviter les réductionnismes et de considérer au contraire les intermédiaires. Le >milieu n est, dès lors, pas seulement le concept opératoire qui traverse cette période tel un fil rouge, il indi que également le projet même de cette pensée.   4 Ce n est peut-être un hasard si Merleau-Ponty y revient, bien plus tard, en lui dédiant de La Nature vers la fin des années 50. nombreuses leçonsd des cours« sur Grâce à la notion Umwelt, [l]a vue du monde ne se réduit pas à une somme d événements extérieurs, o u à un intérieur qui n est pas pris dans ce monde» (N 232). Si l on veut comprendre le rôle que joue le milieu mili eu pour l animal - poursui poursuitt Merleau Merleau-Ponty -Ponty il faud faudrait rait le compa rer à notre conscience onirique dirigée vers quelque chose qui n est jamais vu pour soi même (N 233). On pourrait voir dans le rêve la préfi guration d une « nouvelle notion du possible » qui ne se réduit pas à être u n « autre actuel éventuel» (RC 137 137)) mais qui serait le lieu où dans une série d images oniriques ne durant pas plus que quelques secondes

se profile l infin infinitude itude d ench enchaîne aînement mentss possibles restant toujours en suspension. À la place d une vision droite et adéquate, les rêveries commee d ailleur comm ailleurss aussi la perception à l état de fatigue que Peter Handke décrivit dans un essai mémorable qui gagnerait à être intégré parmi les les classiques phénoméno phénoménologiques logiques - nous offrent une vision qui ne permet guère la fixation mais offrirait plutôt un transparaître des phénomènes. Contre toute épistémologie de la transparence, un retour au comportement dans le milieu est de mise, dans « l Alltèiglichkeit [qui] est toujours dans l Entremonde, toujours en filigrane » (N 268). Au lieu « d essayer de les seIT seITer er entre les pinces des événe événements ments parcel laires » , il convient de restituer aux choses leur opacité propre, « l organisme ou l espèce espè ce com comme me réalit réalitéé de masse» (N 268sq.). O n parvient alors à un « phénomène-enveloppe [ ... ] qui n est pas à chercher denière, mais entre les éléments » (N 275). Ce milieu enveloppant qui est moins un contenant que l écart qui soutient les éléments de l intér intérieur, ieur, ddeviendr eviendraa l idée directrice non seulement de l ontologie ontolo gie du visible ( com comme me nous nous efforcerons de montrer dans la troisième partie), mais déjà de la phénoménologie du langage que nous interpréterons comme seconde phase dans la pensée  5

de Merleau-Pontx_. L a charnière entre cette première inteITogation sur la

 

perception et la réflex réflexion ion sur le phénomène d expression est constituée, comme on ie verra, par la critique et la réinterprétation de la notion classique de transcendance. 5. Le problème de

l

transcendance

Il faudrait définir à nouveau la philosophie transcendantale » . C est sur ce constat que s était clôturée la Structure du comportement (SC 241). Cel Celaa peut surprendre surprendre,, tant l approc approche he merleau-p merleau-pontienne ontienne semble différer d une entreprise transcendantale d empreinte kantienne. L enchaîn enchaînement ement d exe exempl mples, es, le retour incessant sur les les résultats résult ats des sciences empirique empiriques, s, l insistance insis tance sur le pré-réfl pré-réflexif exif voilà tous les critères qui, de prime abord, feraient de Merleau-Ponty un candidat pour une philosophie précritique au sens que lui conférait Kant. Or, il faut se rendre à l évidence: Merleau-Ponty ambitionne non «

seulement d aller au-delà du criticisme, il prétend même reformuler son principe même : llee transcend tr anscendantal. antal. Tandis que dans la Structure du comportement, cette refonte du statut du transcendantal ne dépasse guère l état d une esquisse programmatique, la Phénoménologie de l perception la motive avant même mêm e de passer à l analyse du champ phénoménal. Force est de constater, peut-on lire dans l introduction de l ouvrag ouvragee de 1945, que les philosophies transcendantales classiques postulent d abord la nécessité de l expérience et cherchent ensuite à établir ses conditions de possibilité, mais qu à aucun moment, mo ment, elles ne reflètent la donation effective (PP 74). Dans un tel système, système , il ne ne peu peutt y avoir d extériorité réelle, ni en tant que facticité de la perception ni sous la forme de l expérience d un Autre in-éductible à moi. L extériorité est présup posée, mais elle n a jamais lieu; le Je transcendantal est anonyme, il n est ni en moi ni en autrui. Malgré cette condamnation qui semble sans appel, Merleau-Ponty prétend malgré tout sauver le projet kantien: c est d ailleurs moins l approche transcendantale qui sera reprochée à Kant mais plus exactement de ne pas « avoir suivi jusqu au bout son progra1mne » qui consistait à définir la connaissance par la condition factuelle du sujet connaissant (PP 255). Si Kant a bien vu

 

qu il

ne

46

Lo r/sistonce du wnsih c

saurait y avoi avoirr de de connaissance en en dehor dehorss de I ntuitio ntu ition n sensib sen sibk, k, i introduit la couche de l a priori préliminaire qui, à défaut d être anté cédent du point de vue chronologique, l est toutefois du point de vue logique.  6 En tant que « l a priori garde dans sa philosophie le caractère de ce qui doit être, par oppositio opp osition n à ce qui existe en fait et comme déter mination anthropologique » , Kant introduit une hiérarchie entre « ce que doit être le monde et ce qu il est effectivement » (PP 255), hiérar hiérar chie qui le rejette en deçà de son propre objectif. « Si un monde doit être possible » : dans cette formule qui revient à plusieurs reprises sous la plume de Kant, le sujet raisonnant est non seulement placé dans une position en quelque sorte avant le monde, il en devient en outre comme son législateur car il s agit ag it de poser le less conditions de sa genèse (PrP 50). L hétérogénéité entre l esthétique transcendantale d une part et l analytique analytiq ue transcendantale d au autre tre part ne peut être résolue toujours dans l interprétation merleau-pontienne - qu en conférant au sujet le statut d un Dieu qui pose le monde et non pas un homme qui tient à lui » (PP 254), ce qui revient en dernière instance à réintroduire le dogmatisme dans une philosophie critique qui s en voulait affran chie. Ce n est qu en apparence qu une telle philosophie du sujet cons tituant formerait l antith ant ithès èsee de la vue naturaliste où le monde serait s erait peuplé d objets constitu co nstitués: és: toutes deux ne sont que le le double aspect que peut prendre le « préjugé d un univers en soi parfaitement explicite » (PP 51). L unique différence est que, dans la version transcendantale, la condition de facto se voit redoublée d une condition de jure, br bref ef il faut que l explic explication ation soit possible et par conséquent conséquen t cette explicitation explicitation doit déjà être «faite quelque part» (PP 74). Cette argumentation, qui eut un impact considérable sur la phéno 27 ménolooie francaise reste cependant assez expéditive. Pour en saisir b , la portée, une digression sur les sources de Merleau-Ponty (Husserl et Sartre, bien sûr, mais encore, et tout particulièrement, Eugen Fink) s impose impose.. Avant Avant Merleau-Pont Merleau-Ponty, y, l idée d une loi inscrite au préalable avait déjà été reprochée à Kant par Husserl lui-même. La philosophie transcendantale est ramenée à une « interrogation régressive » qui se demande « sous quelles formes conceptuelles et quelles formes de loi [Beg [B egr( r(ff ffss- und Geset Gesetzesfo zesformen] rmen] doit se présenter un monde objectif «

(une Nature) en général

 

28

».

Dans son effort de démarquer sa propre

philosophie transcendantale de celle de Kant. Husserl estime que chez ce dernier, l idée idé e du transcendantal encore enfermée clans un cadre « scientiste » des seules lois de la nature alors qu · l faut l « élargir » , prendre en compte « les multiples formes de sociétés humaines et les produits culturels prenant naissance dans leur vie communautaire » en tant qu eux aussi configurent les expériences possibles. 29 La phénomé nologie transcendantale est donc la description de la conscience inten tionnelle q tionnelle qui, ui, bien plus qu q u une un e simple condition apriorique, serait quelque chose de bien réel, dirigée vers la vie et sa « plénitude concrète 30 Dans La transcendance de l ego de 1934 qu on sait avoir avoi r été lu par Merleau-Ponty avec attention, Sartre mettait cependant en garde tous ceux qui, sous prétexte de vouloir corriger la philosophie critique de Kant, cherchaient à « réaliser » , c est-à est-à-dire -dire donner de la réalité réalité factuelle factu elle à ce qui n était. éta it. dans la pensée kantienne, qu une un e simple forme de l entendement. Husserl aurait ainsi, dans son « tournant trans »

cendantal » , réifié le transcendantal en un ego placé comme en deçà de toutee conscience : « Ainsi la conscience transcendantale devient rigou tout reusement personnelle » . 3 De la s01ie, Husserl aurait « alourdi » la consci con scien ence ce et - Saiire Saiire joue ic ici sur le les mots mots - en l ayant ren rendue due « lourde » , il l a rendue également « pondérable » .32 Or, il faut, selon Saiire, purifier la conscience transcendantale de toute égoïté car ce serait encore y installer un élément étranger. La conscience doit être pensée comme « claire et lucide » de part en pari: « l objet est en face d elle avec son opacité caractéristique, mais elle, ellee est ell purement pur ement et simplement simp lement conscience d être êtr e conscience conscien ce de cet 33 objet » . Pas de place donc pour un Je qui deviendrait alors fatalement un « habitant » excédant les limites de la simple conscience, un objet qu i, de ce fait, ne ne pourra jamais être sujet de cette pour cette conscience qui, conscience. Le champ transcendantal est dès lors fatalement une instance « prépersonnelle » qui est le préalable de tout Je empirique. Purifiée de toute structure égologique, la conscience recouvre « sa limpidité première » : pour pouvoir accueillir le tout, elle doit être pensée comme néant. 34 Avec cette interprétation de la phénoménologie transcendantale, il est notamment en conflit avec la lecture qu en donne Eugen Fink, dont l atiicle atiicl e « La phénoménologie d E. Husserl face à la

 

4Q )

La risistance du sensihlc

critique contemporaine est cité à deux reprises. Dans cet essai paru en 1933 dans les Kant-Stuclien et qui influença très tôt Merleau-Ponty,:l 5 le dernier assistant de Husserl essaie de sépa rer l'utilisation du mot « transcendantal » en phénoménologie du sens que lui donne au même moment le néokantisme. L'erreur que commet tent les herméneutes criticistes de Husserl consisterait en ceci qu'ils appliquent à ce dernier leurs propres grilles de pensée. Si dès 1906, Husserl utilise en partie une terminologie kantienne, il ne prend pas moins le soin de se distinguer rigoureusement le sens qu il lui confère. D après Fink, il s'ag s'agirait irait de comprendre que contrairement à la pensé penséee kantienne, l ego transcendantal est pour Husserl un ego individuel et existant seiend). Au lieu d une distinction entre un moi empirique et un sujet transcendantal non-empirique, il y aurait donc à distinguer entre un ego empirique qui est l'objet d une aperception mondaine et un ego transcendantal qui en est dépourvu mais qui n en est toutefois pas moins un étant. 36 À la fois m moins oins et plus que le sujet kantie kantienn rnoins, n y a dans la corrélation avec le monde aucune priorité de la car il de forme la subjectivité sur les étants du monde en tant qu'ob qu'objet jetss possi bles d une connaissance,plus, car la conscience n est pas seulement ce qui contient en soi la forme forme de toute connaiss connaissance ance possible mai maiss le lieu même de la constitution du monde), la question spécifique de l être de ce « constituant » reste toutefois encore en suspens. Tout en se présen tant comme le défenseur de la philosophie husserlienne au plus près de la volonté de son auteur, ilil est indéniable que q ue Fink y a déjà surajouté sa propre pensée, fortement influencée par celle de Heidegger. Comme Heideggerr (e Heidegge (ett contrairement à Sartre), Fink estime que l enjeu du trans

cendantal doit être fo1mulé non pas à partir d une conscience pure mais à partir de la facticité de l être engag engagéé dans le monde. Si par rapport aux lois épistémologiques kantiennes, Husserl a véritablement opéré une révolution en posant la question de la constitution, « la question du mode d être du constituant lui-même» rest reste, e, eell llee - Heid Heidegge eggerr l'insin l'insinue ue dans sa s a célèbre lettre de 1927 en suspens. 37 Ces enjeux, dont les textes successifs de 1939 de Eugen Fink et Ludwig Landgrebe se firent l écho et que Merleau-Ponty lut dans la foulée de sa visite à Leuven 38 , ne manquèrent pas de susciter la réflexion de ce d~rnier. Husserl ne pouvait bien sûr ne donner qu une

 

fin de non-recevoir aux cnt1ques heicleggeriennes. l opération de l réduction transcendantale ne mettant au jour à ses yeux que l'être du constituant. Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty indique pomiant conunent la phénoménologie ainsi conçue ne se démarque guère de l'intellectualisme ou, pire, du psychologisme: « Cette nouvelle >réduction< ne connaîtrait donc plus qu un seul sujet véritable, l Ego méditant. Ce passage du naturé au naturant, du consti tué au constituant achèverait la thématisation achevée par la psycholo gie et ne laisserait plus rien d'implicite ou de sous-entendu dans mon savoir » (PP 73). Et d ajouter que « Telle est la perspective ordinaire d une philosophie transcendantale et tel est aussi, en apparence du moins, le programme d une phénoménologie transcendantale » ibid.). Mais, poursuit Merleau-Ponty, que reste reste-t-il -t-il encore de phénoménolog phénoménologi i que dans une telle philosophie? Si la description du monde vécu Lebenswelt) n est qu une propédeutique amenée à être remplacée par une réflexion transcendantale « où toutes les obscurités du monde seraient éclaircies », « on ne voit pas pourquoi la réflexion aurait besoin de passer par le monde vécu » (PP 419, n. 1 . Mais qu'est-ce alors qu une pensée authentiquement authentiquement phénoménologique du trans transcendantal? cendantal? Peut-on encore, sans sujet transcendantal et à partir d une description des vécus intentionnels, développer une philosophie qui mérite le nom de « transcendantale » ? L a thèse sartrienne de la conscience comme instance « prépersonnelle » fournirait en tout cas un cas une alternative au subjectivisme husserlien. Mais en déplaçant déplaçant l'in l'instan stance ce du Je pour en faire un Je « relatif et prépersonnel », estime Merleau-Ponty (PP 320, note) not e) on feint de résoudre l'l'apo aporie rie alors qu en réalité elle ne s en trouve que mieux assise. assise. Dans tout son effort d'a d'aban bandon donner ner l idée d un ego qui seraitface au monde, le «néant» de conscience de Sartre en vient à se réduire à un milieu contenant dont on pourra ensuite faire l'inventaire. Avec Fink, Merleau-Ponty pense au contraire qu il faut penser le sujet transcendantal comme étant parmi les étants, comme être intra ontique. Si la réduction transcendantale est envisageable, elle ne doit pas être pensée selon le modèle d un sol ultime qu il y aurait à attein dre mais au contraire comme un exercice inachevable qui, à travers la modification de l'être-ain l'êtr e-ainsi si des étants, laisse plutôt transparaî transparaître tre un sol commun qui

 

50

n est

jamais possédé. Au moment même où

ra rl.\istance

c 11

sensih e

il

rencontre

Fink à Louvain,

l

y découvre également les annexes à L origine de la

géométrie qui donnent une nouvelle consistance à cette idée: après la révolution copernicienne e t galiléenne à l aune desquelles se mesure la pensée kantienne, Husserl affirme procéder à un renversement de ces mêmes révolutions. Dans le fragment tardif Unzstur:: der koperni wnischen Lelzre (La terre ne se meut pas selon sa traduction française )39 , Merleau-Ponty croit déceler l archétype d un autre « sol transcendan tal

aux antipodes du logicisme d u premier Husserl: la T Ter errr e - pa para ra phrase+il - « n est pas en mouvement comme les corps objectifs, mais »,

pas davantage e n repos, puisqu on ne voit pas à quoi elle serait >clouée< » (SG 227). « Sol » o u « >souche< » elle

préfigurerait une

nouvelle idée du fondement sensible « de notre pensée comme de notre vie » (ibid.). Avant même qu il puisse y avoir une philosophie trans cendantale, l expérience empirique est nécessaire: « comme Kant lui même a dit profondément» lit-on déjà dans Le primat de la perception « nous ne pouvons penser le monde que parce que nous e n avons l ex

périence » (PrP 50). L erreur de Kant aura été alor alorss de voulo ir chercher u n sol plus solide que celui incertain d u monde des sens, le seul cepen

dant qui soit à notre disposition. Repenser le transcendantal, la question soulevée à la fin d e la Structure du comportement, revient par consé quent à prendre conscience que le monde serait en somme

si tant est

que cette hyperbole ait encore un sens - la condition transcendantale du transcendantal lui-même « Avec le monde naturel et le monde social» conclut-il« nous avons

découvert le véritable transcendantal, qui n est pas l ensemble des opérations constitutives par lesquelles un monde transparent, sans ombres et sans opacités, s étalerait devant u n spectateur impartial, mais la vie ambiguë o ù se fait l' Ursprung des transcendances, qui, par une

contradiction fondamentale, m e met en communication avec elles et sur ce fond rend possible la connaissance.» (PP 418sq). E n tant que tel, c e

transcendantal est littéralement condition de possibilité. C est bien sur ce dernier terme qu insiste Merleau-Ponty: e n tant qu il est limité mais

néanmoins inclôturable, le champ permet la variation; en tant que « principe d indétermination » (PP 197), il ouvre la possibilité d une

autre attitude orientée ( l Einstellung husserlienne) sur le fond d un monde caractéris é comme horizonalité.4

 

Ce qui intéresse Merleau-Ponty dans la notion de transcendance. ce n est donc pas tant - comme Husserl dans la phase de l idéalisme trans

cendantal - l occasion d une nouvelle pensée de la fondation que l ac cent sur l acte de transcender. (On remarquera que, de la smie, Merleau-Ponty revient paradoxalement en-deçà de la distinction rigou reuse, du moins à paiiir pai iir de la Critique de l Raison Pure, entre le trcms-

cendant comme principe dogmatique précritique et le transcendantal comme condition épistémologique de la philosophie critique). C e n est toutefois pas d un dépassement vers un hors-monde qu il s agit, mais d un déplacement permanent vers ce qui n est pas encore possédé à l intérieur intérieur du monde, comme le suggérait cet aiiicle d Eugen Fink de

1933 .4

L'opacité du monde est corrélative et indissociable d une « transcendance active » (PP 431), une « ek-stase » du sujet « orienté il n est pas » (PP 491), un « acte de transcen ou polarisé vers ce qu il

dance par lequel le sujet s ouvre et s emp01ie lui-même » (PP 180) et qui n est pas sans rappeler le « transcender sans transcendance

»

d Ernst Bloch. Moins qu une critique visant réellement Kant (Merleau-Ponty

greffe sur la terminologie kantienne ses propres interrogations),

l

faudra dès lors plutôt voir dans cette réflexion sur l a priorité un indica teur d un mouvement général. Car indéniablement, et malgré l accent mis sur l inhérence à un milieu-monde, la Phénoménologie de la perception constitue bien une tentative de penser l activité du pôle subjectif. En rabattant le sujet uniquement sur sa condition corporelle, il est impossible d en expliquer l autodépassement

point sur lequel

reviendra, o n le verra, Le Visible e t ['Invisible. L a notion de dépasse ment transcendant transcendantal al est encore présente dans l œuvre inachevée, toute

fois Merleau-Ponty précise que ce dépassement ne saurait être conçu comme dépassement « par soi » 42 mais comme une « transcendance

muette » accompagnant la phénoménalité elle-même. Le champ dans lequel Merleau-Pont Merle au-Ponty y trouve tout d abord le signet d une transcendance active qu il tente de décrire en tant q u « ex-pression » et ensuite le milieu d une anonymisation dissolvant les résidus d une philosophie de la conscience et conduisant vers une ontologie du sensible, c est le langage.

 

Ill. LANGAGE

1

E,pression

La hiérarchie de la Structure du comportement culminait dans le comportement symbolique. On ne dira pas de celui-ci qu il a un sens mais plus exactement qu il est déjà tout entier sens. sens. l endroit endr oit précis où s était arrêté le premier livre, la Phénoménologie de la perception reprendra et plus exactement avec le sixième chapitre « Le corps comme expression et la parole», qui, pour expliciter l asse11ion impli quée par le titre, introduit les notions de >corps propre< et d >expres sion< Alors que la Structure du comportement représente déjà en quelque s011e l épure d une refonte philosophique ultérieure la notion de comportement, comportem ent, cette tentative tentative de de dépassement d du u biologique biologi que par le comp011ement symbolique trouve son déploiement dans le pouvoir signifiant du corps analysé par la Phénoménologie: « L usage qu un homme fera de son corps est transcendant à l égard de ce corps comme être simplement simplement biolo bio logi gique que » soutient soutient MerleauMerleau-Ponty Ponty (PP 220), 220), si bien bien que dans toute ressaisie de l existence en tant que Leib il y a déjà un « acte de transcendance », acte qui « se rencontre d abord dans l ac quisition d un comportement, puis dans la c01mnunication muette du geste» (PP 226) et qui conduit jusqu au langage articulé. Chaque fois, dans cette reprise et cette ressaisie du monde ibid.), le corps est « le lieu lie u ou plutôt l actualité actualit é même du phénomène d expression » (PP 271), ou plus exactement, exacteme nt, iill représente le« mouvement même d expression» (PP 171). Alors qu il avait, dans la Structure du comportement, marqué sa distance vis-à-vis vis-à-vis de tout intellectualisme dans l app approch rochee du rapport

 

entre

conscienœ

et nature par

l

choix

d un

dialogue avec les discipli

nes empiriques en lieu et place des doctrines philosophiques, Merleau Ponty tente à présent de réinsérer le problème de l idéalisation dans le comporternent même pour éviter la scission entre ces deux sphères, ce qui ne ferait qu entériner l intellectualisme. Dans la parole, il y a bien un acte, mais on ne peut dire d elle ni « qu elle est une >opération de l intelli intelligence< gence< ni qu elle est un >phénomène moteur Dans ses cours à la Sorbonne. Merleau-Ponty l expri mera aussi da dans ns ces termes : « Cette rnédiation rnédiation de l obj ectif ec tif et du subjectif, subje ctif, de l intérie intérieur ur et de l extéri eur que cherche la philosophie,

nous pourrions la trouver dans le langage, si nous réussissions à l approcher d assez près» (PPE 87). Dans les années suivant la publication de la Phénoménologie de la perception, les fréquentes références à des ouvrages de linguistique discipline qui, par définition, envisage le langage indépendamment de sess incorp se incorporatio orations ns singulières singulières - témoignent de l attention naissante naissante à l étude scient scientifiq ifique ue du langage. Pour Pou r jauger de cet intérêt accru pour la linguist ling uistique ique - totalement absente encore encore dans dans la Phénoménologie de la perception ou alors réduite à sa caricature il faut se reporter au numéro spécial de la Revue internationale de philosophie de 1939 dédié à Edm Edmund und Husserl et que Merleau-Ponty, on le sait, lut lut tr très ès atten tivement. tiveme nt. Parmi d autre s communications (d (dee Banfi, Banfi, Fink, Hering, Landgrebe et Pat oc ka entre autres) qui finirent par p ar convaincre convaincr e Merleau Ponty de l util utilité ité d une étude systématique de la phénoménologie, fig figu u -

rait également 1 article où le linguiste néerlandais H. J. Pos établit un rapprochement entre les tentatives husserliennes et les récentes avan cées dans les sciences du langage. 8 Dans la communication Le méta1947 ,  le constat d une« révision des physique dans l'homme datant de 1947 rapports du subjectif et de l objectif traversant les sciences de impos erait een n particulier dans les récents travaux en linguis linguis l homme s imposerait tiques (SNS 106). Les noms d Antoine Meillet, de Walther von Wartburg et surtout de Gustave Guillaume sont évoqués. Dans d autres manuscrits postérieurs on trouvera la présence de Joseph Vendryès et de Karl Bühler, de Jakobson, Troubetzkoy et du Cercle de Prague e n général mais aussi la psycholinguistique à laquelle les cours de 1949 à 1952 sur la psychologie enfantine font abondamment référence. 10 Le jugement de Paul Ricoeur voulant que Merleau-Ponty ait « brûlé l étape de la science objective de signes» parce qu il n aurait pas fait fait « le long détour par· la linguistique », se révèle donc e n tout cas à son tour trop hâtif. Bien que Merleau-Ponty s intéressât donc de près à la linguistique de son temps, il demeure qu il y a bien un linguiste qui, plus que tous les autres, provogua un profond« bouleversement » 12 dans la pensée de  

 

Merleau-Ponty: Ferdinand de Saussure. Roland Barthes rappela d ailleurs à juste titre que ce fut Merleau-Ponty qui, le premier, intro duisit le le linguist linguistee genevois en philosophie.u philosophi e.u Plutôt Plutôt que que d introduc intr oduction, tion,

il sera serait it d aill ailleurs eurs plus plus juste just e de parler d utilisation, car, car, ccomme omme de coutume, Merleau-Ponty ne lit pas Saussure en philologue, mais en tant

que sol et fertilisant pour pou r ses ses propres réflexions r éflexions produisant produ isant un état d entrelacement réciproque où avec les mots de Le philosophe e t son ombre décrivant le travail d exégèse produ productiv ctivee - celui celui « dont on parle parle et celui qui parle sont ensemble présents, bien qu il soit, même en droit, impossible de départager à chaque instant, ce qui est à chacun (EP 200). 14

2. Le fantôme d'un langage pur Ce que nous avons appris dans Saussure » commence l essai Le langage indirect e t les voix du silence (SG 49), c est que les signes sont «

arbitraires, car - cette cette id idée ée tr trouve ouve son son dé développemen veloppementt d dans ans La Prose du Monde les éléments de signification (signe, mot, phonème) « ne veulent par eux-mêmes rien dire qu on puisse désigner » (PM 47). Cette dernière assertion contient, si on y regarde de près, une thèse double: d un côté, les unités signifiantes ne sont pas la simple réverbé ration des des choses qui existeraient avant le langage, de l autr e côté, elles ne contiennent pas plus en eux un sens intrinsèque. Cette double thèse s attaque à deux mythes guettant toute théorie emphatique du langage hantée par l e « fantôme d un langage pur». Dans le chapitre du même titre constituant la première partie de la Prose du Monde, Merleau Ponty revient sur cet idéal que « nous vénérons tous secrètement [ ... J d un langage qui, en dernière analyse, nous délivrerait de lui-même en nous livrant aux choses » (PM 8). Cratyles modernes, nous fantasme rions sans nous l avouer sur un « langage préhistorique parlé dans les choses» et rêverions avec nostalgie d u n « âge d or du langage où les mots tenaient aux choses mêmes» PM 12) - un âge âge aauquel uquel,, rappelo rappelons ns le, Michel Michel Foucault Fouc ault dédiera le premier chapitre des Mots e t des Choses intitulé justement (comment y voir une coïncidence?) La Prose du monde. Hélas, ce « mythe d un langage des choses » (PM 12) est du

 

(,()

côté des « croyances magiques qui mettent le mot soleil dans le soleil » (PM 10) et ne résiste pas aux arguments des Hermogènes, qu'ils soient anciens ou rnodernes. Or, un autre mythe guette qui semble lui être opposé et qui n'est

toutefois que sa« forme sublimée»: la chimère d une« langue univer selle » (PM 12 . Sous le couvert d une approche rationnelle, la réflexion philosophique sur le langage a souvent pris les formes d une archéologie de l a priori langagier. À plusieurs endroits, Merleau Ponty évoque le projet du premier Husserl qui, sur le modèle d une « logique pure», envisage d'établ d'ét ablir ir les les règl règles es d une« grammaire pure» sur laquelle se grefferait tout langage empirique. Le philosophe-gram mairien, lit-on dans les Recherches logiques, « met à nu l'armature idéale que toute langue existant effectivement [ . . ] remplit et revêt de matériaux matéria ux empir empiriques iques »   5 et cette« grammaire générale et raisonnée» (en français dans le texte ) permettra ensuite de déterminer« comment l'allemand, le latin, le chinois, expriment >la< proposition d'existence, >la< prémisse hypothétique, >le< pluriel, >les< modalités du possible, et  6

du >probablene pas as

seoir au soleil< parce qu elles disposent d e mots particuliers pour dési gner le rayonnement de la lumière solaire, et réservent le mot >soleil< pour l astre lui-même » (ibid.).

L a perception du monde se révèle être ainsi dépendante des décou

pes mais aussi des recroisements et des remodelages qu effectue le lanoaoe dans le vaste ensemble des signifiés et notre vision sera, sinon b b .__

soumise, e n tout cas fortement influencée par ces lignes d e partage qui en dessinent la topologie. Or, cette limitation n est pas un empêchement mais la condition même d e l a communication.« Cette merveille qu un

nombre fini de signes, de tournures e t d e mots puisse donner lieu à un nombre indéfini d emplois,[ ... ] c est le prodige même d u parler, et qui voudrait l expliquer par son >commencement< o u par sa >fin< perdrait de vue son >faireSi

par exemple, ne serait pas rendu par une analyse

conceptuelle du terme >Si< Et, avec Wittgenstein justement, il [Ryle] a indiqué la possibilité d une s011e d élucidation de ces termes, qui n est pas une description d objets » . 22 Suivant l idée d une pragmatique

ouverte d u langage, il s agirait donc de revenir à l a suggestion d e Wilhelm von Httmboldt selon laquelle le langage ne saurait être consi-

 

63

déré sous ï aspect d une œuvre faite erg on) mais doit être décrit e n tant qu activité se faisant (energeia). C est encore à Humboldt que Merleau-Ponty emprunte l idée d un « tout » o u d un « univers » langagier qu il pense devoir appliquer

également à la théorie saussurienne. « E n somme, ce que nous avons

trouvé, c est que les signes, les morphèmes, les paroles une à une ne signifient rien, qu ils ne viennent à porter signification que par leur assemblage, et qu enfin la communication va du tout de la langue

parlée a u tout de la langue entendue » (PM 59). E n forgeant cette alliance surprenante entre Humboldt et Saussure

que ce dernier aurait

sans doute récusée - o n s aperçoit qu en dernière instance, Merleau Ponty applique une lunette que l on pourrait qualifier de « gestaltiste » aux deux auteurs dont il retient avant tout le caractère

«

global

» «

[L]a

langue est moins une somme de signes ». peut-on lire aussi dans

a

Prose du Monde « qu un moyen méthodique de discrimine r des signes les les uns des aautres, utres, et de construire ainsi un univers de langage» (PM 45). Les manuscrits de la Prose du Monde traduisent clairement la volonté volonté jamais abandonnée et qui caractérise sans doute le plus proprement la pensée merleau-pontienne de tenir les deux bouts de la chaîne : 1 attention au langage, et a fortiori à la réitération rendue

possible par l a finitude des éléments composant le code signitif, ne doit jamais se faire au détriment de la dimension perceptuelle e t somatique.

Ainsi peut-on lire dans une note e n marge, que - contre l idée d e Vendryès

il n y a pas de structure pure de la langue: « Ces limites et

ces valeurs existent, simplement elles sont de l ordre du perceptif: il y a une Gestalt de la langue» (PM 53). Peut-on ouvrir la découverte opérée par la psychologie de la Gestalt d u rapp011 entre figure e t fond à une détermination plus générale des rapp011s du sens comme différenciation réciproque des éléments, sans pour autant renoncer à leur fondement sensible? E n d autres termes: peut-on penser le sensible lui-même

comme tissu commun o ù se reconfigure incessamment le rapport entre

un sens apparaissant et u n fond inapparent? L a notion saussurienne de «diacritique», purement struc structurell turellee à l origine, gagnera chez Merleau

Ponty la valeur d un intervalle perceptible rythmant rythma nt le tissu sensible lui même et qui permet - à l instar d e l « iconologie des intervalles» d Aby

Warb Wa rbur urg g - à pr prése ésent nt de parler d une aïsthétique des intervalles.

 

3. Diacritique

Si Saussure nous a appris à comprendre que chaque signe« exprime moins un sens qu il ne marque un écart de sens entre lui-même et les autres» (SG 49), cet écart est précisé ment ce qui se trouve oblitéré dans la conscience quotidienne d u langage.

Il s agit

donc, en décrivant la

parole que Merleau-Ponty appelle « parole parlante » par opposition à la « parole parlée », déjà sédimentée, de mettre en avant la fonction expression. ssion. Celle-ci « ne choisit inventive, créatrice et instituante de l expre pas seulement un signe pour une signification déjà définie, comme on va cherche r un mm1 mm1ea eau u pour enfoncer un clou ou une tenaille pour l ar

racher » mais « tâtonne autour d une intention de signification » (PM 64). Le métaphysique dans l'homme de 1947 1947 insistait déjà sur le fait que le langage n est ni un objet en face ni le produit d une subjectivité intérieure, mais au contraire il faudra qu il soit« autour de chaque sujet parlant » (SNS 107), quasiment« dans l a ir » (P2 107). S il y a donc bien un milieu linguistique dans lequel « baigne » le locuteur (selon l expression d Henri Delacroix reprise par Merleau-Ponty), Merleau Ponty ne se contente pas de transposer le principe qu il avait dégagé pour le vivant à la sphère du langage. O n verra au contraire qu au contact de la linguistique, le concept de milieu subira une redéfinition où, d un espace du « je peu:r » , il se mue en intervalle diacritique du

ne pas». Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty avait identifié dans la description d u « phénomène de la parole et l acte exprès de l a signification » le moyen de « dépasser définitivement définitivement l a dichotomie classique d u sujet e t de l objet» (PP 203). Dans l a confron «

tation avec la linguistique saussurienne, Merleau-Ponty constate que ses moyens n étant pas à l a mesure de ses ambitions, son traitement d u langage reste pris pris dans les mailles d e l ontologie classique. Saussure au contraire, e n transposant l étude d u langage « dans un milieu nouveau » (RC 34), parviendrait véritablement à penser le rapp011 entre parole et signification, considérant la parole comme articulation entre signe e t signification et produisant un système d écarts qui est à la fois diffé renciation et mise en rapport. Ainsi, l a découverte de Saussure serait avant tout celle de la catégorie d u diacritique, d un signe« qui n opère

 

  li.

que par sa différence, par

un

certain écart entre lui et ies autres signes.

et non pas d abord en évoquant une signification positive» (SG 188 . Le langage n est pas dans le locuteur ni dans les choses, le sens n est pas caché dans les signes, il ne saurait émerger, d après Saussure, que de l espacement de ceux-ci. La signification n est pas à chercher dans les mots ni sur eux ( « le sens n est pas sur elle [la phrase] comme le

beun-e sur la tartine » VI 201) 201).. Pl us exac e xactem tement ent : « Dire qu aucun signe isolé ne signifie, et que le langage renvoie toujours au langage, puis que à tout moment seuls quelques signes sont reçus, c est aussi dire que le langage exprime autant par p ar ce qu quii est entre les mots que par les mots eux-mêmes» (PM 62). L a langue est dès lors lors essentiellement négative,

résume Merleau-Ponty (PPE 81 , en tant qu elle ne se se sit situe ue - ajoute ajoute rons-nous -qu entre ce qu elle n est pas et ce à travers quoi elle appa raît. Pour expliciter le rôle d e l intervalle dans la signification, Merleau Merleau Ponty met les découvertes du linguiste genevois en perspective avec les théoriess su théorie surr l acquis ition d u langage. S il y a bien de la part pa rt de l enfant un phénomène d imitation de sons dès les premiers mois, leur valeur signifiante reste incomprise. L a compréhension d u lien son-significa tion ne se réalise pas par l addition de sons singuliers, mais bien par l intuition intuition de l a part de l enfant d une cohérence générale. Comme le fait remarquer Jakobson, Jakob son, le système phonéma tique dessine la significa significa tion « comme

en

creux< » (PPE 24), et l a compréhen compréhension sion de cette puis

sance de signification précède toute compréhension singulière. C e qui s ensuit, toujours selon Jakobson, est un phénomène d e réduction et de

« déflation » : lorsque l enfant comprend le principe de l a discrétion des phonèmes, il restreint ses propres expressions pour pouvoir les ajuster aux besoins de la communication. Autrement dit: l enfant doit appren dre à manier son pouvoir d espacement. Ce phénomène peut être comparé aux applaudissements après un concert : Lorsq Lorsque ue les les musiciens sont parvenus à envoûter en voûter la salle par une pe1formance perçue comme exceptionnelle, la tension accumulée pendant l a durée du concert retombe et s inverse chez les spectateurs en un désir irrépressible de communion extatique par l applaudissement. Après un temps qui peut être plus plus o u moins long, la déflagration sonore s organise toute toutefois fois pour faire place à une vibration commune. Il est

r

 

intéres sant de noter que 1 acc intéressant accord ord entre les auditeurs audi teurs s · effectu effectuee non pa pass par un réglage sur un quelconque applaudissant lambda qui battrait plus vigoureusement que les autres, mais bien par une écoute d un rythme général qui se dégage peu à peu sous l onde sonore. Le plus grand relief expressif émerge donc singulièrement non d une amplification mais bien d une interruption, chaque spectateur devant suspendre un batte

ment sur trois pour être en mesure d épouser ce mouvement qui s ap parente à un reflux de vague émergeant du fond, une dynamique qui n appartient à aucun mais qui n est extérieure à personne. l n en va donc guère ici d une puissance du « ich kann » (Husserl) et qui trouve sa pérennisation dans le« j e peux» de la Phénoménologie de la percep tion mais à l opposé d une puissance de suspension, d une potentialité du n e pas 3 En somme, il s agirait de ne plus rabattre la paire langue-parole sur la paire puissance-acte, mais de repenser les virtualités qui se logent déjà dans toute parole, fût-elle à l apparamment, pleine. Si la linguisti que permet à Merleau-Ponty de pense penserr la virtualité du sens sens à l inté intérieu rieurr de la parole, il semble présuppo présupposer ser qu une théorie de la pure différence, du simple écart qui récuserait récuserait volontairement volon tairement toute détermination maté rielle, est est condamnée condam née à rester abstraite. « Comme pures différences [les termes opposés] sont indiscernables. l s agit , dans l expression expression,, de réorganiser les les choses-dites, cho ses-dites, de les affecter d un nouvel indice de cour bure, de les plier à un certain relief du sens » (SG 26-27). Car il n y a pass - pour Merl pa Merleaueau-Pont Ponty y (e (ett c est peut-être ce qui empêche son iden tificati tifi cation on hâ hâtive tive au au procédé d dee la dé déconstr construction uction)) - simpleme simplement nt une flottaison libre des signes. « Les éléments un à un sont arbitraires » Merleau-Ponty Merlea u-Ponty en convie convient nt dans dans une note note inédite inédite - mais mais leur rappor rapportt n en

24

est «pas pouronautant arbitraire. Il soit fautconnexion faut abando abandonner nner l id idée ée selon laquelle la relation relati du signe au signifié connexio n purement exté rieure comme n.o de téléphone et nom. Car il y a relation interne des signes pris comme ensemble articulé avec le signifié pris comme champ » .25 Bien que la relation entre signe et signification ne soit plus une relation d ess essenc enc e, elle ne devient pas pour pou r autant, comm commee le voulait une certaine interprétation de Saussure,26 purement arbitraire, mais s organise plutôt selon des processus d agglomération. La méta phore utilisée pqur expliciter cette « courbure » centripète est celle de

 

voûte (SG 64): composée de pierres différentes, l voûte a une forme quii tient entièrement de l arrange qu arr angemen ment, t, sans mortier, de ses élément éléments, s, alors que ses éléments prennent un sens et leur place dans la forme organisée. Dès lors, le sens ne trouve pas sa naissance dans les signes, mais à leurs franges, sur leurs bords (SG 66). Avant même que le mot « diacritique » ne soit utilisé, son principe fut déjà énoncé lors de la conférence du 3 mars 945 à Institut Insti tut des l

hautes études cinématographiques sur « Le cinéma et la nouvelle 27

psychologie Merleau-Ponty y revient sur l opinion de la psycholo gie physiologisante physiolo gisante selon laquelle notre cham champ p visuel n est es t autre qu une mosaïque de sensations dont chacune dépend d une excitation rétinienne locale. Or, les nouveaux résultats empiriques en psychologie montreraient que la rétine est loin d être êt re une surface d inscri ins cripti ption on homogène, mais que bien que certaines de ses parties soient aveugles pour certaines couleurs (le bleu ou le rouge), notre vision ne souffre d aucun trou. C est que la perception excède toujours le simple enre gistrement et se révèle toujours déjà comme une réorganisation des sensations brutes. S il n y a pas d organisation ou de cohésion naturelle entre celles-ci, nous procédons toutefois toujours déjà à leur reconfigu ration et leur conférons ainsi un sens, fût-il naissant. Ce que Walter Benjamin disait du concept - qu il n est jamais rien d autre qu une constellation serait vrai a fortiori à propos de la perception, à la fois constellée et constellante. À l instar des anciens, nous groupons les points au firmament pour en former des ensembles qui sont souvent d une étonnante longévité (il suffit de penser aux constellations astro nomiques que personne en Occident ne penserait à mettre en cause) bien que d autres tra tracés cés seraient seraient parfaitement possibles. ».

Ainsi, quand on nous présente la série { a b manière suivante

ab

cd

f

gh

d

e f g h i j } de la

ij •

@

nous accouplerons systématiquement les points par paires a-b, c-d, e-f etc., alors alors que l acco accouplem uplement ent en b-c, d-e, f-g f-g est a priori priori tout aussi aussi envisageable. Cela reviendrait cependant à renverser la distribution des rôles entre figure et fond, ce qui se produit par exemple dans les hallu-

 

l,o rl\i,tuncc du wnsih e

cinations pathologiques du malade qui. contemplant la tapisserie ck sa chambre, voit soudain ressortir de de façon obsédante obséd ante ce qu quii n était jusque là que le fond inaperçu. « L aspect du monde pour nous serait boule versé si nous réussissions à voir comme choses les intervalles entre les choses chos es - par exemple l espace entre les les arbres arbres sur le boulevard et réci réci proquement proqu ement com comme me fond les les choses chose s elles-mêmes elles- mêmes le less arbres du boule vard» (SNS 62).

Traiter cet « objet » qu q u est l intervalle du sens, le mettre mettre au jour dans ses opérations multiples et lui restituer sa valeur de possible, c est ainsi que l on pourrait résumer le grand projet, avorté, de l'introduction l prose du monde.

4. Verleiblichung e t ejj ejjè·,ce è·,cement ment

On a l habitude de référer le titre de l ensemble de textes paru en 1966 196 6 à l affir affirmation mation de Hegel selon laquelle l état éta t romain r omain serait la « prose du monde». En effet, Merleau-Ponty fera lui-même ce rappro chement dans la lettre à Martial Guéroult de 1951 (P2 45), lettre que Claude Lefort citera dans l « Avertissement » de son édition de La Prose du Monde. Reste que le projet n arbore pas à l origine une ambi ti tion on si vast vastee - une « signification sociologique » dira Merleau-Ponty (ibid.) - mais qu il est avant tout conçu comme une esquisse esthéti que28 conçue en réponse au Qu'est-ce que la littérature? de Sartre. Cette poétique de l écrit écriture ure engagée, engag ée, que ce dernier avait publiée en 1947 dans les Temps Modernes, MerleauMerleau-Ponty Ponty l étudia étud ia minutieuse minutieuse ment, ce dont témoignent les notes de lectures qui ne laissent aucun doute sur son appréciation: cette « dialectique de la littérature » l in supporte, en particulier l opposition naïve de la prose et de la poésie. Merleau-Ponty se propose donc d écrire écr ire,, à son tour « une sorte de Qu'est-ce que la littérature? » qui traiterait plus spécifiquement du problèmee du signe - la trace problèm trace de Saussure est visible visible ainsi ainsi que du problème probl ème d dee la prose prose - pris pris pour l instant da dans ns son acception acception purement littéraire .  9 Rappelons à ce point ce que Merleau-Ponty écrivit dans le chapitre sur la parole dans La Phénoménologie de la perception, ouvrage que

 

 

.

Sartre avait lu avant de rédiger son essai sur la littérature. Malgré les présupposés problématiques déjà relevés, Merleau-Ponty y ~ écuse formellement toute interprétation subjectiviste du langage: la parole n est pas traduction d une idée idée,, llee langag langagee n est - Merleau-Pont Merleau-Ponty y cite cite ici Kurt Goldstein - « plus un moyen, il est une manifestation » (PP 229). Pour Sartœ, qui transpose la question sur le sol littéraire, il faut distinguer nettement entre prose et poésie, la première n étant qu « une

certaine espèce d ins instrum trument ent », moyen pour réaliser un but et donc 30

utilitaire par essence » ; la parole poétique par contre résiste, selon Sartre, à toute manipulation et ne saurait jamais se transformer en instrument. L opposition entre poésie et prose se laisse, en somme, dit Sai1re, résumer à l existence d un mode transparent et d un mode opaque. Il y a prose quand, citant l expression de Valéry,« le mot laisse passer le regard comme le vene le rayon de soleil » :3 il y a en revan che poésie quand les mots sont « à l envers » ,32 que le signe se présente dans son objectité opaque. Par conséquent, l utilisatio utilisation n du style style litté litté raire est opposée: alors que le poète doit manifester la résistance des signes, le prosateur doit inversement masquer son style en le rendant «

invisible, car cela détournerait du contenu. « Puisque les mots sont transparents et que le regard les traverse, il serait absurde de glisser parmi eux des vitres dépolies » 33 Quo iqu il ne nomme quasiment jamais explicitement Sartre, le Quoiqu less notes de travail indiquent sans ambages que son Qu'est-ce que la litté rature? remplit pour Merleau-Ponty en quelque sorte une fonction d horizon négatif. Lorsque, dans le cadre de sa préparation du cours de 1952-53 195253 dédié à l usag us agee littéra littéraire ire du langage, Merleau-Ponty se replonge dans la poésie valéryenne, Sar1re se trouve encore convoqué comme pour mieux s en démarquer. Ainsi lit-on dans une note de travail non datée : « La poésie de V[ aléry] aléry] ce n est pas, comme c omme Sartre le dit des surréalis su rréalistes, tes, le langage pris à l enve en vers rs,, les mots co comme mme choses, ce n est pas le le langage à l endro end roit: it: le less mots comme instruments pour traiter les les choses, chos es, pinces, antennes (Sartre), c es estt le langage pris de biais dans dans son unité latérale d organi org anisme sme de mots, c est le monde [dans son] unité prélogique » . 34 Par conséquent, il ne saurait y avoir de contradiction entre transparence de la prose ou opacité de la poésie, mais il faut pîutôt chercher le sol commun du langage prosaïque et du

 

 

70

langage imagé. Tous deux nwnifesreraient quelque chose qui n est pas en eux, san sanss que cette« chose dire[_ ... ] soit devant nous, distincte de toute parole » PM 158). Implicitement, Merleau-Ponty reproche en effet à Sartre de traiter le langage comme un registre préformé qui ne laisserait le choix qu entre opération et désoeuvrement. « Chez l écri vain, la pensée ne dirige pas le langage du dehors » (P2 45), il doit se soumettre à l inertie des signes, aux limites de modulations, mais dans cette « reprise » de l instrument signifiant, toute grande prose ne fait

rien cl autre que le recréer incessamment dans l écart (ibid.). Il serait dès lors lors absurde absurde de dir diree que le poète - à la di différe fférence nce du prosateur prosateur n « utilise » pas le langage et que ces deux modes seraient de ce fait absolument « incommunicables » y Tout langage est pour Merleau Ponty utilisation utilisation de la panoplie expressive, ex pressive, tout langage donne forme en dé-formant, cette déformation n étant pourtant pas arbitraire mais soumise à ce que Malraux appelait la « déformation cohérente » et que Merleau-Ponty qualifie également de « variation systématique » (P2 44). L a « prose» qu indique Merleau-Ponty ne serait pas opposée à la poésie, ni même limitée à la littérature ; elle elle deviendrait deviendrai t prose du et dans le monde, reprenant et « relançant » incessamment comme un volant (c est à Cassirer que Merleau-Ponty empnmte l image) les possibilités de signification et d horizons de sens. possibilités Distribuer la transparence et l opacité du langage entre prose et poésie serait donc aberrant pour Merleau-Ponty. Toutefois, les

réflexions sartriennes semblent infléchir l idée de transparence dans une nouvelle direction. En effet, si celle-ci servait à stigmatiser les manquements d e l intellectualisme et qu elle continuera à nommer toute appréhens ion réductrice, la transparence se trouve, grâce à l étude de l expression, e n quelque sorte compliq uée, parce que relevée comme propriété du langage même. Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty écrivait que la parole « s oublie elle-même comme fait contingent, elle se repose sur elle-même, et c est, nous l avons vu, ce qui nous donne l idéal d une pensée sans parole» (PP 22lsq.). O n a v u de quelle manière les textes qui devaient constituer l Introduction la critique d une « pensée sans parole » . Prose du Monde poursuivent la critique Mais il y a plus. L idée d e l « auto-oubli » de la langue, déjà thémati que dans cette phrase du livre de 1945, deviendra maintenant récur-

 

rente: La science et l expérience de l e.\pression commence par les mots: « Or, c est bien un résultat du langage de se faire oublier, dans la mesure où il réussit à exprimer» (PM 15). Le langage devenant imper ceptible, disparaissant devant le sens dont il est, désormais, le porteur (PM 17), cela implique que la transparence est non seulement un idéal de pensée mais condition de l expression. En tant qu « il se dissimule à nos yeux par son opération même; son triomphe est de s effacer » (PM 16). Une première ébauche de cette idée se trouve dans la

Phénoménologie, lors lorsqu qu il compar c omparee le langage à la description de ce

que Proust donne de la Berma dans Le côté de Guermantes, o ù « l ac trice devient invisible et c est Phèdre qui apparaît » (PP 213). Cette « vertu » du langage de s auto-effacer, à laquelle Merleau Ponty consacrera de nombreuses pages, va de pair avec l insistance sur l incorporation de celui-ci. Il est impo1iant de noter que c est précisé ment en décrivant le phénomène linguistique que Merleau-Ponty parvient à défaire l opposition entre transparence de l idéalité et pléni tude du corps pour les articuler dans un nouveau rapport. Le médium du sens (qu il soit corps, lettre o u parole) n opère que par un relatif auto-effacement qu on pomwit également qualifier, pour emprunter l expression de Marcel Duchamp, d « an-esthésie » . Cette anesthésie ne peut avoir lieu que parce qu il y a un fondement sensible du sens. On voit donc comment la théorie husserlienne de l incorporation (Verleibliclumg) - qu on a généralement interprétée comme embryon de la phénoménologie merleau-po merleau-pontienne ntienne de la chair - ne saurait saurait être pensée sans son revers d auto-effa auto-effacement, cement, d « invisibilisation » des porteurs de sens. En ce sens, cette considérati considération on de la dépendance réciproque dépasse aussi bien une ce1iaine sémiologie d héritage saussurien que la théorie des signes des Recherches logiques. y a en effet une analogie frap pante entre les exemples du Cours de linguistique générale et ceux choisis par Husserl dans sa phénoménologie de la signification. Pour exprimer son son idée d indifféren indifférence ce mat matérie érielle lle du signe signe - concept fonda fonda mental pour toute sa sémiologie-, Saussure a recours à l exemple du jeu d échecs échecs où précisément la matière du pion, sa taille, taille, sa couleur et

jusqu à un certain degré même la forme du pion sont indifférentes,

aussi longtemps que son sens à l intérieur d u système de jeu, sa relation

 

T

loo ïésistmzce

du ',ensib e

aux autres signifiants, reste intelligible: « Si j e remplace des pièces de bois par des pièces d ivoire, le changement est indifférent pour le système, mais si j e diminue o u augmente le nombre de pièces, ce chan gement-là atteint profondément la >grammaire< du jeu

36

Saussure en

conclut que tout ce qui n influe pas sur la grammaire du jeu doit être considéré comme « extérieur» au signe. 37 D e même, Husserl (qui ne connaissait assurément pas le cours

compilé par les élèves genevois) explique: « Dans ce jeu, on ne consi dère pas les pièces de l échiquier comme étant tels objets en ivoire o u

en bois, etc., ayant telle forme o u telle couleur. C e qui les constitue d u point de vue phénoménal o u physique est tout à fait indifférent et peut

libitum. C est, au contraire, en vertu des règles de jeu qui leur donnent leur signzfication de jeu déterminée qu elles deviennent des pièces d échec, c est-à-dire des marques dans le jeu en question » . 38 L indifférence historique de la sémiologie et d une certaine phénomé varier

d

nologie à la question non seulement hylétique mais proprement maté

rielle, semblerait donc s expliquer par l indifférence catégoriel catégorielle le d u matériel pour toute théorie de la signification. Bien que Merleau-Ponty insiste à maintes reprises sur les apports fondamentaux à la fois de l a linguistique saussurienne et des Recherches logiques husserliennes, il leur reproche de ne pas avoir considéré la dimension corporelle d u signe. Le support matériel (le Zeichentrdger) ne représente pas unique ment la quantité négligeable o u le tiers supe1flu dans toute relation de signifiant à signifié (Bezeichnendes-Bezeichnetes) mais il rend c e rapport possible en tant que médium. Cette indifférence se révèle ne pas être simplement le produit d une pensée anti-matériali anti-matérialiste ste (et l indiffé rence ne saurait par conséquent être renversée e n un matérialisme affirmé de la signification), mais indique bien une indifférence phéno ménale, une non-thématisation dans l apparaître. C e qui reste à penser n est donc plus simplement le rapport entre visibilité et invisibilité caractérisant la structure figure/fond de la Gestaltpsychologie o u de chose/horizon d e la phénoménologie classi classi que, mais cette relative imperception qui est déjà impliquée dans toute Verleiblichung d u sens dont parle le dernier Husserl dans la Logique formelle et transcendanta transcendantale le .39 Le langage ne saurait jamais être au-delà des siones de ses réactualis réactualisations ations matérie matérielles lles;; il n y est pas pour autant b C

   

contenu, le sens n étant ni immanent ni tra transœn nsœndant dant au langage ( SG 68). Penser le langage dans son devenir revient à critiquer toutes les positions qui le conçoivent depuis un état déjà accompli. Les tentatives de formalisation du langage pèchent en ceci que leur théorie générative n est pensée malgré tout qu à paiiir de l acte de langage déjà abouti, du

Dit. La formalisation, formalisation, à laquelle est consacrée cons acrée le chapitre« L algorithme et le mystère du langage » dans la Prose du monde, peut fixer un « ceriain nombre de rappmis transparents » parce qu il prend appui sur ce qui se présente comme la « forme adulte du langage » (PM 9). De

même, la théorie de l acquisiti acquisition on enfantine du langage de Piaget qui se présente pomiant corrnne une théorie générative rabat en fin de compte elle aussi la potentialité sur l acte dans la mesure où elle ne décrit I ap prentissage du langage toujours que du point de vue adulte (PPE 186). Sans penser le Dire à paitir du déjà Dit mai maiss sans pour autant reléguer le langage dans une sphère de potentialité pure, sans isoler une structure linguistique abstraite ou alors tout concéder à l incarnation aboutie dans une formule signifiante concrète, il il faut s installer instal ler à l endr endroit oit du langage se faisant, entre le donné et ce qui permet la donation. Décrire« à la join ture des signes » , dans leur « agencement charnel » (PM 169 l éclosion de ce faire sens, immatériel mais non no n po pour ur autant idéel. idéel.

5. Du littéral au latéral C est donc bien autour de la question du « corps transparent du

langage

»

(PM 67) que Merleau-Ponty en vient à chercher un renou

vellement de s a pensée qui ne se bornerait pas à réinsérer le sens dans un corps vivant, mais à faire du corps lui-même un « système diacrit diacriti i que»

(N 285), sous-tend sous-tendu u

de

latences, émaillé

de

40

trous.

Si le langage

n est pas dans le corps par lequel il se donne, il n est pas ailleurs. C est

ce dia, ces interstices o ù se distinguent les phénomènes, distinction qui précède tout acte d u >sujet o u de son >faire et qui est antélieure à tout dualisme. Merleau-Ponty qualifie cela aussi par la formule d « écart [ ... ] pai· rappmi à la non-différence o u à l in-différence » (P2 272). La pensée doit en quelque sorte épouser le mouvement même de

cette différenciation préalable à toute différence, el elle le doit se lover dans les déhiscences signitives. Or, « si c est le rapport latéral du signe au

r

 

7

u

ré\i\tance

u

1 ensihfc

signe qui rend chacun cl· eux signifiant » et que. « le sens n apparaît donc qu à l intersection intersecti on et cornrn cornrnee dans 1 intervalle des mots » ( SG 68), cela voudra dire que la pensée devra devenir elle-même latérale, indi recte, sans quoi elle risquerait de substantialiser encore l écart, l inter valle.. Tenta valle Tentation tion à laquelle Merl Merleau-Ponty eau-Ponty n éch échapp appee pas entièrement quand il préconise de considérer « la parole avant qquu ell ellee ne soit prononcée, le fond de silence qui ne cesse de l entourer» ou encore de « mettre à nu ces fils de silence dont elle est entremêlée » (SG 75). Comment ne pas être attiré par cette pureté de la trame, où l on rêve de

pouvoir laisser derrière soi l amalgame douteux des paroles impropres? « Le philos philosophe ophe par parle le écrira Merleau-P Merleau-Ponty onty plu pluss tard - mai maiss c est une faiblesse en lui, et une faiblesse inexplicable: il devrait se taire, coïnci der en silence, et rejoindre dans l Etre une philosophie qui y est déjà faite » (VI 164). Ce n est toutefois que pour se corriger immédiatement. car, malgré tout, cette coïncidence est illusoire, la philosophie n étant pas plus déjà disponible dans le silence que le sens ne saurait être trouvé, en se détournant une fois pour toutes des mots, dans les blancs de la page. D où cet « effort absurde » ibid.), mais inéluctable de devoir perpétuellement dire et redire, recouper et ressaisir cette inter sticialité qu quii - contrairement à ccee que Husserl affirmait affirmait au au sujet de l ho ho rizon riz on - ne pour pourra ra jamais êtr êtree « possédée » . De la sorte la notion de latéralité, que Merleau-Ponty découvre en se confrontant à la linguistique, en arrivera à constituer constit uer le modèle direc teur de sa dernière philosophie. Amener Amen er à l expr expressi ession on pure de son propre pro pre se sens ns l expérience mue muette tte encore, encore, - ce cette tte « petite phrase de Husserl que Merleau-Ponty ressassait inlassablement42 - ce n est peut être rien d autre que « mettre en mots » ce silence (VI 164), ce « pli dans le tissu» (SG 68), ce creux dans le paraître. Si, comme l a montré 4

Paulhan, ce creux « on ne peut le considérer en face, il ne reste plus qu à le penser >de biaismimer ou à >manifester< son mystère » (PM 163 163). ). Pour cette parole antérieure à la profération, cette phénomé nalisation précédant le phénomène, il faudra chercher une parole laté rale, diagonale, une oratio obliqua, comme s exprimait la rhétorique médiévale. C est sans doute le sens qu il faut accorder au texte e langage indirect, partie intégrante de la Prose du Monde et que Merleau-Ponty çlétachera et publiera, dans une version remaniée, en

 

  952 dans

les

sous ie titre l langage indirect et les voü du silence. Opter pour un regard de biais, c est penser le sens à pa1iir de l écart, c est concevoir la parole à partir lu sile silence,« nce,« co comr mrne ne les sourds regardent ceux qui parlent» (SG 75). Cette position position d écart sur le langage à partir de ce qui ne saurait être conçu comme un langage sans y être pour autant totalement étrangère, Merleau-Ponty la trouve dans ce qui, comme nous le verrons, repré sentera un interlocuteur privilégié de la dernière période: la peinture.43 « Ali muet » par excellence, celle-ci est bien la voix du silence comme Temps Moderne.\

Malraux aimait à la qualifier. Or, en tant que voix, elle n est précisé

ment pas silence pur, mais fait entendre les blancs entre les choses ; elle ne parle pas d autre chose, c est plutôt que des choses, elle parle autrement. Car jamais l homme ne se sentira chez soi dans la peinture comme il peut se sentir chez soi dans le langage (PM 156), qu il soit peintre ou simple spectateur; jamais le procédé pictural ne saurait se posséder lui-même comme peut le laisser croire l usage des mots. Voilà le sens du « doute » que Merleau-Ponty décèle chez Cézanne dès le texte homonyme de 1942, incertitude permanente quant à la maîtrise sur le monde et sur su r ses moyens d expression express ion.. La toi toile le du peintre devient le site d une expérience de la dessaisie, une exposition à un dehors où l enveloppe protectrice du langage quotidien se désagrège. Il n est dès lors plus étonnant que la philosophie du langage, qui s amorce après la Phénoménologie de la perception, se mue, au contact avec ces « voix du silence », progressivement en une réflexion sur le langage de la philosophie. Lors de la discussion à la Société française de Philosophie en novembre 1946, Émile Bréhier avait adressé une des plus cinglantes critiques crit iques à l écriture merlea merleau-pontienn u-pontiennee dont l écho résonne jusqu à nos jours: « Je vois vos idées s exprima expr imant nt par llee roman, par la peinture, plutôt que par la philosophie. Votre philosophie aboutit au roman» (PrP 78). Merleau-Ponty n y répondit pas directement. Il va sans dire que la question des moyens de la philosophie et de son rapport à la non-philo sophie s impose néanmoins pour lui comme un des problèmes majeurs à résoudre. L a solution ne pouvant consister en un exil hors de la philo sophie pas moins que dans sa dissolution, mais bien en une radicalisa tion interne. En ce sens, celui qui lors de la session de 1946 anticipe le

,  

76 mouvement nécessaire. c · est bien Jean Beaufret affirmant que le seul

reproche qu il a it« à faire à l auteur, c e n est pas d être allé >trop loinconsc >conscien ience< ceo ->obje bjet< t< » V I 250). Ces remontrances ne sont elles pas ici excessives? L a Phénoménologie n avait-elle pas précisé ment tenté d enjamber cette impasse e n démontrant l insertion de la conscience dans un corps et celle des objets dans un monde? À l évi dence, cette solution ne convainc c onvainc plus guère son auteur, llee corps restant - en ta tant nt que que ccor orps ps propre - ultim ultimement ement ssoum oumis is à llaa sph sphère ère de la cons cience tandis que le monde reste déternüné en rapport aux choses qu il contient. Si Merleau-Ponty ne démentira jamais son parti pris pour la priorité d u corps et la primauté du monde sensible, l analyse de l idéa lité du langage l amène à repenser 1 écart, dans les premiers ouvrages, entre le tenain philosophique qu ils circonscrivent et le langage à travers lequel celui-ci est abordé. Aussi, considérer que le corps et le sensible sont premiers ne revient peut-être justement pas à faire une philosophie du corps, dans la mesure o ù celle-ci ne dépasserait jamais le rayon d une ontologie régionale et, de surcroît, poserait le corps comme objet, demeurant ainsi - comme le rel relevai evaitt Bea Beaufre ufrett - dans dans un

langage idéaliste. Restitu er le corps à l a philosophie ne p m m a être alors qu un exercice qui abandonne les catégories héritées d une pensée

intellectualiste   e t remplacera « les notions de concept, idée, esprit par les notions d e dimensions, articulation, niveau, charnières, pivots, configuration »

VI 273). Avec Mikel Dufrenne on pourra dire que

 

Merleau-Ponty inaugme de ce fait un nouveau style philosophique: le philosopher sans sans philosoph èmes. 2 Corrélativemen t, ce nouveau langage qui refuse les cristallisations conceptuelles e n cherchant des formules transitives o u allusi allusives ves permet de décrire ce qui se passe aux abords et entre les choses, des concepts fluen fluents, ts, renvoyant à ce que Husserl dans ses derniers écrits nommait des « significations fluentes

»

(fliejJende

Bedeutzmgen) (PP 61 et qui ne sont pas sans rappeler les « concepts fluides » de Bergson. Une note inédite résumant l autocritique du dernier Merleau-Ponty, indique cette intime c01Télation entre pratique et objet philosophique: « Notre corporéité: ne pas la mettre au centre comme j ai fait dans

Ph.P.: en un sens, elle n est que la charnière du monde ».- Au fil des

analyses sur le langage, o n avait vu l émancipation progressive d u corsetage d une théorie gestuelle de l ex pression. Il y aurait donc une autonomie du sens, une puissance d idéation qui ne passe jamais entiè rement dans ses matérialisations -q u il s agisse de gestes, paroles o u

d écrituresécritures-,, une indépendance des structures linguistiques par rapport

à leurs actualisations. Bien qu il ait indéniablement intégré les apports de Saussure, Jakobson, Lévi-Strauss et des autres structural structuralistes istes dans s a pensé e, iill y

a un hiatus entre l a « structure » merleau-pontienne et celle d u mouve ment structuraliste.4 Autant la découve11e du diacritique lui avait permis

de prendre ses distances vis-à-vis toute interprétation naturaliste d e l expression, expression, autant la conception structuraliste du diacritique, e n rédui

sant celui-ci à une charpente immatérielle, manque maintenant son indéfectible indéfec tible apparten ance au monde sensible qui par s a présence même se trouve espacé. Dans un mouvement qui trahit et dépasse à la fois l héritage du diacritique, Merleau-Ponty tente donc de dire le corps

dans son existence latérale; la corporéité, cet être d u corps ne se confondant pas avec les corps mais manifestant plutôt leur ajointement.

O r si l a linguistique saussurienne peut aider à éviter les apories d une

conscience constituante posant son objet, e n ne considérant alors que ses articulations -

pures « différences sans termes positifs » (PPE 81)

elle manque toutefois le fait que cet intervalle n est pas une diffé

rence abstraite (pas plus q u u n « trou» tel que le pensait l hégélianisme se prolongeant ju s q u à Sartre ) 5 mais une jointure chamelle pour

laquelle MerleauMerl eau-Ponty Ponty choisit aussi

"expression de

«

charnière

».

Entre intuitionnisme et formalisme, entre positivisme et philosophie de la négation il fau faudra dra que le le nouveau nouveau langag langagee - langag langagee se faisant  

« exprime, au moins latéralement, une ontogenèse dont il fait partie » (VI 137). Entre un réel qui formait encore dans l avant-propos de l œuvre de 1945 u n « tissu solide» (PP V) sur lequel pouvaient s appuyer l entière tâche d une phénoménologie de la perception et d autre part la recon naissance d une in-éductible idéalité infra-corporelle formant le réser voir d où émerge la créativité humaine, Merleau-Ponty cherche un procédé permettant de formuler le ur présence commune sans résorption de l un dans l autre. La troisième étape que nous pensons pouvoir déga

ger dans

l' œuvre du philosophe se tiendrait dès lors à égale distance

entre une phénoménologie de la perception et une phénoménologie de l expression, elle viserait à creuser le sol commun à l œuvre de 1945 et aux interrogations sur le langage, à reconstituer la trame de l étoffe à partir de laquelle à la fois quelque chose peut m être donné comme visi ble et les mots permettent permet tent de rendre visible.C est aux racines même du visible qu il s agit de remonter - et llaa pe peint inture ure aya ayant nt d depu epuis is toujou toujours rs déjà précédé la philosophie philosophie dans ce travail, c est selon ses ses procédés que la pensée devra se moduler. Ce ne serait alors point exagérer que

cl

affirmer dans cette optique

que la réflexion merleau-pontienne sur la peinture quitte quitte définitivement définitive ment la gangue de l esthétique classique pour passer cl une philosophie sur la peinture à une philosophie d après o u - plus eexa xact ctem emen entt - un unee p phi hilo lo sophie selon la peinture, philosophie dont L œil et l esprit sera serait it l'ébauche. l'ébauche . Dans ce text textee rédig rédigéé au Tholonet Tholonet - le dernier dernier ache achevé vé de son vivan vivantt

-

Merleau-Ponty déploie l idée que dans l image, l a relation objectale se comme on

suspendue, un

trouve tableau ne se laissant pas regarder « regarde une chose » (OE 23), « j e vois selon lui o u avec lui plutôt que j e ne le vois » (ibid.). Parmi les manuscrits inédits pour le Visible et l invisible, o n trouve une note plus explicite encore:« Qu est-ce qu un

Bild?

II

est manifeste ici que le Bild ne se regarde pas comme o n

regarde un objet. O n regarde selon le Bild. [ ... ] Et cette ségrégation ouvre ... Quoi? Non pas des >significati011s< (et encore moins des choses, comme les choses visibles), mais des êtres ... » 6 Tout semble

 

 o

La résivancc du i,en >ihl<

donc indiqu indiquer er qu · à partir d une interrogation sur l ïmage, Meïleau Ponty en soit venu à reformuler son entreprise en termes d « ontologie d u visible>> (VI 182). Loin d une phén phénomén oménolog ologie ie naïve qui se co cont nten en-· -· ternit ter nit de la simple énumér énumération ation du visible, c est au contraire contrai re son être qui se voit questionné. « Le visible au sens profane oublie ses prémisses » écrit Merleau-Ponty (OE 30), dans l a mesure où ce visible est encore envisagé comme dehors frontal. O r la peinture moderne nous enseigne - et Kle Kleee se tr trouv ouvee ic icii cité cité - que la « vision du peintre n est plus regard sur un dehors » (OE 69),7 mais qu elle vise « cette genèse secrète et fiévreuse des choses dans notre corps» (OE 30). L a couleur consignée sur la toile n est ni la répétition des visibles ni leur réduction à une idée de visible mais procède d u n « regard d u dedans» (OE 24). En lieu et

place

d une

repraesentatio

au

sens

kantien,

de

mise-en-face

faut déchiffrer cette« germination sourde» de l appa raître en nous dont la peinture serait la trace immédiate. « Le tableau essence alogique » lit lit-on -on dans le less dern dernièr ières es esquiss esquisses es - « vi visib sible le absolu auquel co-appartiennent choses, tableau et même le peintre (le peintre dans le tableau) » (NC 390). Dans l histoire de la peinture, nul n a, selon Merleau-Ponty, plus

(Vorstellung),

il

profondément incorporé cette indéchirable corrélation, nul n a plus intimement cherché à rendre l essence d u visible par le visible lui même que Paul Cézanne. Dans l ontologie tardive du visible pensée à partir d e Cézanne, c est l asymétrie même entre méthode et objet qui s'invertit. À l art cézannien, l auteur de L œil et l esprit concède certes aussi d être une« philosophie figurée de la vision» (OE 32), mais plus encore, il mesure la ligne de sa propre pensée aux procédés picturaux. A u lieu de comparer la « pensée en peinture» dont se réclamait le pein tre à la philosophie rigoureuse, rig oureuse, il se résout à penser lui-même« e n » o u « selon » l a peinture. Penser en peintre, cela signifie se soumettre aux lois d e l a résistance et éprouver dans les limites d u sensible: « Tout est, en art surtout, théories développées et appliquées au contact de l a nature » répétera Cézanne. D è s 119943 - a v a n t même la clôture de la Phénoménologie - 8 Merleau-Ponty rédigera Le Doute de Cézanne, u n essai sur le peintre provençal qui témoigne de la fulgurance de l a rencontre et dans lequel le montage serr( des citations se confond parfois avec les propres inter-

   

rogations du philosophe. Comment évi éviter ter alte altern rnat ativ ivee - et donc donc l hiéra hié rarch rchie ie - ent entre re monde na natu ture rell et mon monde de humai humain, n, entre entre mo monde nde perceptif et monde de l intelligence?« La nature ec l art ne sont-ils pas différents? » s'interrogeait le maître aixois. « J aimerais les unir » SNS 18). Dans ces dialogues avec Émile Bernard, « il est manifeste que Cézanne cherche toujours à échapper aux alternatives toutes faites qu on lui lui pro propose pose - ce celle lless de dess sen senss o u de l'intelligence, d u peintre qui voit et du peintre qui pense, de la nature et de la composition, du pr primi imi tivisme et de la tradition » (ibid.). Entre une peinture qui prétend ne s en tenir qu à la restitution des données immédiates de la sensation et une peinture reconstruisant un monde selon une organisation abstraite, Merleau-Ponty voit dans l art de Cézanne la volonté de manifester un

monde « à l état naissant », un uni vers se faisant. « Au lieu d appliquer à son œuvre des dichotornies. qui d'ailleurs appartiennent plus aux traditions d école qu aux fond fondateur ateurss philoso philosophes phes ou pein peintres tres - de ce cess traditions», Cézanne peindrait plutôt« la matière en train de se donner forme, l ordre naissant par une organisation spontanée» (ibid.). Tandis que ce jugement général se maintient jusque dans L œil et l esprit, d autres idées merleau-pontiennes se trouvent en revanche modifiées, voire abandonnées au cours de la fréquentation de l art d u peintre. Dans le Doute de Cé:z,amze, l exercice laborieux de l épokhé mettant au jour le fond préobjectif sur lequel se découpe un monde émergeant trouverait son équivalent, o u - en de dess ter terme mess céz cézann annie iens ns sa « réalisation » , dans ses tableaux. « Nous vivons dans un milieu d objets construits par les hommes, entre des ustensiles, dans des maisons, des rues, ru es, des villes et la plupart du temps nous les voyons qu à travers les actions humaines dont ils peuvent être les points d applica tion.» (SNS 22) Dans la peinture de Cézanne, ces habitudes sont mises « en suspens » et les personnages sont « comme vus par un être d une autre espèce » (ibid.). Dans le paysage représentant le lac d Annecy, « le paysage est sans vent», l eau d u lac« sans mouvement, les objets gelés hésitants comme à l origine de la terre ». Le peintre reviendrait vers cette terre (Ercle) primordiale de Husserl,« en deçà de l humanité constituée » , qui nous révèle « le fond d e nature inhumaine sur lequel le peintre s'installe » (ibid.)

r

 

Le chapitre « La chose et le monde naturel » de la Plu nom/nologie de la Perception résu résumera mera avec les les mots de l histor his torien ien de l art Fritz

Novotny, que ces paysages sont « ceux d un pré-monde où il n y avait pas encore d hommes» (PP 372). Or, ici, l idée d un pr préé-mo mond ndee - qui sera repr reprise ise à d autr autres es endroits n est es t rien rien de de moins moins qu un synonyme du« monde naturel » vers lequel il faut retourner, un mondes opposant au « monde humain ». Quelques années plus tard, déjà, lors des Causeries enregistrées pour la Radiodiffusion Française en 1948, Merleau-Ponty explique dans la partie partie dédiée à L art et le monde perçu qu il faut au contraire restituer à l art s a « pureté» (C 53) et que loin d imiter le monde, l art est au contra contraire ire « un monde pour soi » ( C 56). Cette deuxième option que d aucuns ont voulu interpréter comme une thèse sur l autonomie de l art, somme toute assez étrangère à la phéno

ménologie merleau-pontienne, découle sans doute plutôt d une réflexion accrue sur les signes linguistiques qui ne partagent aucun trait   perceptif avec leur référent tout en ne le trahissant aucunement . Mais l idée d un« monde pour soi» de l art autant aussi bien que celle d un « pré-monde » inhumain révélé par la peinture restent problématiques, autant elles entérinent l assujettissement du monde humain au monde naturel ou inversement, alors alors que Merleau-Ponty Merlea u-Ponty s impos imp osee de penser leur simultanéité.

2. Les styles du monde

Cormnent donc penser ce qui est commun à la perception et ~l expression tout en évitant le recours à un a priori transcendantal? A vrai dire, une voie avait déjà été indiquée quand, dans la Phénoménologie de la perception, sans doute sous l influence husserlienne, l unité du monde est comparée à l unité un ité de style que j e reconnais à travers les comportements d une personne ou les éléments familiers d une ville (PP 378). Paradoxalement, Merleau-Ponty semble redécouvrir la perti nence de l idée de style à la lecture des Voix du silence de Malraux qui en fait une clé pour la compréhension de l art, tout en s en tenant à une sémantique rigoureusement classique. Aux yeux de Malraux, le style constitue l individuali indiv idualité té de l ai1iste, sa marque incisive, son stylet.

 

Selon un passage des \1r ix du .iz'lence, il n · est autre que « le moyen de recréer le monde selon les valeurs de l homme qui les découvre » (SG

83). En tant que « fragile perspective humaine du monde éternel qui nous entraîne dans une dérive d astres selon son rythme mystérieux » (ibid.), le style réitère réitère,, selon Malraux, Mal raux, l hiatus hia tus entre monde naturel et monde humain et ne peut que déboucher sur une considération de l a1i moderne moder ne - où le style style est à la la fo fois is l impératif impérat if et l unique uniq ue croyance incontes inco ntestée tée - comme cérémonie cérémonie à la gloire gloire de de l individu. Si le style est, d ap aprè rèss une citation cita tion de la Création artistique, « l expression d une signification prêtée au monde, appel, et non conséquence d une vision » (SG 86), 8 6), il y a en effet lieu de parler d une un e « annexion du monde par l individu» (SG 83). Or, selon Merleau-Ponty, le style n est pas le produit d une subjec

tivité mais la propriété du monde tel qu il se donne. Loin d être confiné au domaine de l art, le style est ce qui in-forme le monde, il représente la garantie qu un monde n est jamais donné une fois pour toutes mais qu il se trouve con constamment stamment modulé, articulé. articulé. « La perception déjà stylise » affirme un passage célèbre de la Prose du Monde (PM 83), rendant d emblée emb lée caduque la dichotomie entre réceptivité et activité. C est la coITélation même qui se trouve affectée d une ce

aine

inflexion, qui ne la précède pas mais qui en constitue comme la nervure sensible. Husserl aurait déjà entrevu cela dans les manuscrits des Ideen I l (PM 79) où la notion de style intervient pour décrire non seulement la personnalité qui présente un certain style unitaire permanent ( einen gewissen durclzgdngigen einheitlichen Stil) à travers ses jugements et ses actes, mais encore l unité concordante à travers toutes les activités et les passivités qu on pourrait qualifier d habitus ou de style cl ensem ble (Gesamtstil) .1 Dans la Krisis, Husserl ira plus loin encore: le style ne qualifie plus ici un ego, mais le monde même: « C est ainsi que notre monde ambiant, celui de l'intuition empirique, possède un style d ensemble empirique [empirischen Gesamtstil] » . Pour le dernier Husserl, il il faudrait donc cherc chercher her du côté du du monde mon de « ce qui donne aux corps qui sont ensemble (simultanément ou successivement) précisé ment cette entre-appartenance, autrement dit[ .. .... ] ce qui lie l un à l au tre leur être [Sein] et leur être-ainsi [Sosein]». 12 Il semblerait que Merleau-Ponty à son tour superpose su perpose l inspiration inspira tion husserlienne huss erlienne aux  

r

 

développements successifs r He Heid ideg egge gerr - qu ï lit avec attention dans les aanné nnées es 50 - quand il est question d un « style du weltell Ce qui danss l allemand dan alle mand heideggerien heidegg erien pouvait encore signifier aussi aussi bien l être monde que le faire-monde est ici incontestablement déplacé vers le deuxième sens. Pour éviter de rabattre le style du côté d une « régula 13 tion causale universelle » du monde, indépendante de nos variations, celui-ci devient l attribut attr ibut d une conélation par laquelle un monde devient visible, le style mettant en relief sa manière de 1-velten, de «faire-monde». La peinture ne serait dès lors rien d autre qu une tenta tive de manifester cette manifestation même qui est antérieure au »

découpage homme-monde.« [L]e peintre ne sait rien de l antithèse de l homme homm e et du monde[ .. .... ] puisque l hom h omme me et la signification se dessi dessi neront sur le fond du monde justement par l opération du style » (PM 83). Dans cette pensée selon l image, le style constituera une première

étape vers les racines du paraître. Inlassablement, Merleau-Ponty s ef forcera de remonter en-deçà de la séparation entre activité et donation pour cerner cerne r cette « énigme de la visibilité » (OE 26). Car il y a bien un « don du visible » qui signifie à la fois la donation d un visible et la capacité de restituer une visibilité. Les peintres en seraient les bénéfi ciaires privilégiés, ils sont doués de visible « comme on dit que l homm ho mmee inspiré a le le don des langues» (OE 25). Aussi, on pourra soute nir que, par le biais de la peinture, Merleau-Ponty en atTivera à une ontologie du visible qui aura comme point de dépai1 non pas l être-visi ble mais le devenir-visible. Toutes ses dernières méditations se présen tent comme l écho de cette phrase de Cézanne qui figurera en épithète de L œil e t l esprit: « Ce que j essaie de vous traduire est plus mysté rieux, s enchevêtre aux racines mêmes de l être, à la source impalpable des sensations». Par la volonté de penser en peintre, Merleau-Ponty se sera tout à la fois efforcé de « restituer à la peinture et à l ai1 en géné ral leur vraie place, leur vraie dignité » (C 53) tout en entamant irré médiablement la possibilité d une quelconqu quelconquee autonomie de l ai1. Le travail de l art n est qu une intensification est non une alternative au monde naturel. naturel. L esthétique esthétiq ue de Merleau-Ponty Merleau- Ponty est dès lors toute entière sensibilisation de la pensée débouchant sur le constat d un dés-oeuvre ment de l art: 4 ce dernier n est plus à chercher dans les œuvres, mais dans une amplification des liens sensibles qui nous relient au monde,

 

ces liens qui prendront dès à présent le nom de « chair > . Pour pallier les déficiences de la Phénoménolo Phénoménologie gie de la perceptioll, il ne suffit donc pas de remplacer >Conscience< et >chose< par >corps< et >monde< sauf à perpétuer une nouvelle fois les dichotomies ontologi ques, mais il faudra à l inverse s installer dans l « intermonde » , dans l « invagination » V I 197 d un « être brut, d origine » qui précède toute singularisation singularisation tout en étant étant touj toujours ours mouvement d une différen ciation originaire. originaire. Si, comme l annonça ann onçait it déjà L e langage indirect e t les voix du silence, « le sens de la philosophie est le sens d une genèse » (SG 103), celle-ci doit abandonner l idée selon laquelle le corps repré sente la promesse d un accès vers l origine. Elle doit au contraire deve nir phénoménologie génétique, devenir radicale au sens étymologique du mot, elle doit creuser creuse r d dans ans l or orig igine ine qui se révèle comme toujours déjà fêlée pour « accompagner cet éclatement, cette non-coïncidence,

cette différenciation » (VI 163). La phénoménologie phénoméno logie n nee pourra alors alors se contenter d une philosophie de la genèse, elle devra devenir phénomé nologi nol ogiee de llaa genèse de la genèse genèse - autrement autrement dit: ontogénétique. ontogénétique. La tentative de de repenser repen ser intégralement la phénoménologie débouche ainsi sur une confrontation avec un questionnement ontologique, faisant coïncider L cea «qui était traditionnellement opposé:aspire phénoménolo gie et ontologie. nouvelle ontologie »   5 à laquelle Merleau Ponty est toutefois tout le contraire d un arbre porphyrien des catégorie caté goriess culminant dans l être de substanc substance, e, c est à l opposé oppo sé une « réhabilitation ontologique du sensible» (SG 210), une phénoménolo gie de l « Etre en profondeur » , creusant un « abîme » (VI 236) inson dable parce qu infondé. La nécessité d un retour à l ontologie mettant au jour un Etre « sauvage » , « vertical » révèle également la pai-enté entre « l être de la terre et celui de mon corps Leib) » (RC 169 . La problématique du milieu que nous avons mise au jo jour ur pour les les premiers ouvrages trouve alors sa radicalisation: le corps n est plus un « moyen » dans un milieu-monde; corps et monde procèdent d un tissu commun, relèvent relèvent d u n « milieu formateur» (VI 191 .

 

3. Ourologic de la chair

Comment nommer ce qui se tient entre les êtres, ce qui les entre tient tie nt et fai faitt lien entre eux? Merleau-Ponty Merl eau-Ponty se rend à l éviden évi dence ce que cette chose n « a de nom dans aucune philosophie » (VI 181) et reste donc littéralement anonvme. Par anonvmos, Aristote indiquait le fait que face aux données du ré.el, le langage ·naturel se révèle inégal dans sa faculté d en rendre compte. Si, pour ne prendre qu un des nombreux exemples, l ensemble des animaux munis d ailes aile s à plume a reçu reçu le nom d ois oiseau, eau, la langue (grecque en l occmTence) reste muette pour dire le genre des 6

animaux à ailes en peau ou à ailes membraneuses. Le langage du scientifique mais aussi du philosophe consiste à conférer un nom à ces cases restées vides que l étude du réel révèle. Cette chose qui n « a de nom dans aucune philosophie » , l nonymos merleau-pontien, qui se déoaoe déJ à à la fin de la Phénoménologie de la perception, recevra

b

b

ainsi successivement (dès ( dès la fin des années 1940) un nom ambigu ambig u qui occupera la place centrale dans les derniers écrits: la chair. Ambiouë au« mauvais» sens du terme (et non pas à celui que lui donne Merleau-Ponty), 7 la chair a donné lieu à de nombreux « malentendus » , voire des réactions épidermiques. « La chair est trop tendre » ironisait Deleuze, et pensait devoir contrer ce qu il soupçonnait d être une rechristianisation sublime de la pensée par son concept de «viande» tir tiréé des peintures de Francis Bacon. B acon. Mais la l a distinction entre « chair» et « viande » , entre corps vivant vi vant et cadavre, se révèle être bien ténue, si l on considère que l iconographie iconogra phie chrétienne chrétienne culmine dan danss l expositi exposition on de la chair morte. « L a chair est trop savante » pensait pouvoir affirmer à son tour Lyotard, sans s apercevoir que c est bien avec le concept de chair que Merleau-Ponty rompt avec tout soupçon de logicisme husserlien. L a chair nomme précisément ce qui n a pas de place et pas de logos dans une épistémologie classique, fût-elle épisté  8 mologie du monde sensible. Contre un simple élargissement du vivant au non-vivant, contre tout hylozoïsme de matrice leibnizienne où les caractéristiques du premier seraient simplement transposées au second (VI 304), il faut penser la « chair » comme précédant ce partage. Ni substance, ni matière, ni esprit, cet anonymos se rapprocherait plutôt de l «élément» a4 sens présocratique, étoffe génératrice qui n aurait pas

   

du

de lieu propre et qui serait néanmoins partout. Plus qu·un milieu mais sans se confondre avec le We t, la chair est le diacritique incarné, à la fois « notion dernière et tissu sous-tendant sous-te ndant l Etre, « investissement latéral latéral » (VI 266). Dès lors que toute chair est déve loppement et enveloppement d une autre chair. un enroulernent du sensible sur soi y est préfiguré, offrant à Merleau-Ponty le modèle de toute réflexivité. L exemple choisi pour expliciter cette réflexivité réflexivité préobjective préobjective reprend la problématique husserlienne de la main gauche touchant la main droite.   9 Tout en soulignant dès La voix e t le phénomène que l auto-affection est en quelque sorte la scène primitive de la phénomé nologie,20 Jacques Derrida a cependant manqué que la réciprocité touchant-touché n était pas uniquement l ultime stade d une idéologie de la présence, mais inversement l exorde d une philosophie de la non présence et de la non-transparence. Merleau-Ponty, que Derrida tait de

façon presque systématique à travers son œuvre écrite, 2 affirme pour tant déjà ce déphasage primordial dès la Phénoménologie de la perception: « Quand je touche ma main droite avec ma main gauche, l objet main droite a cette singulière propriété de sentir, lui aussi » , mais préci sément, ajoute-t-il, « jamais les deux mains ne sont en même temps touchées et touchantes. Quand j e presse mes deux mains l une contre l aut autre re il ne s ag agit it donc pas de deux sensations que j éprouv épr ouvera erais is ensemble, comme on perçoit deux objets juxtaposés, mais mais d une orga orga nisation ambiguë » (PP 109). Et de continuer en disant que le sens des >expressions doubles< dont parlait Husserl est bien que « dans le passage d une fonction à l autre, j e puis reconnaître la main touchée comme la même même qui tout tout à l heure sera touchante, touchante, - dans dans ce paqu paquet et d os et de muscles qu est ma main gauche, j e devine un instant l enveloppe ou l incarnatio incarn ation n de cette autre main droite, agile et vivante, que que je lance vers les objets pour les explorer» (ibid.). En tant que le corps se suqJ rend lui-même de l extérieur dans l amorce d une activité de connais sance, il « ébauche une sorte de réflexion» (ibid.). Tandis que dans la soi-disant « philosophie philos ophie réflexive », l identit iden titéé du réfléchissant et du réfléchi réfléc hi assure la paifaite transparence épistémique, la non-coïncidence du touchant et du touché implique un retour sur soi incessant qui ne saurait se résoudre dans un état définitif. Par-delà toute spécularité

 

 

réconfortante. la réversibilité du touchant-touché en appelie à une réflexion qui ne se possède jamais entièrement, à une réflexion qui, plus que philosophie réfle réflexive xive d u « retour à soi» hégélien (SG l 12) 12),, est torsion, retournement, retour sur soi. Pour rendre compte de cette réversibilité toujours imminente et jamais réal réalisée isée - c · est là le sens de l affirmation selon laquelle la réver sibilitéé est « vérité uultime sibilit ltime » (VI 201) Merleau-Ponty développe dans la partie rédigée d u Visi Visible ble et de 'Inv 'Invisi isible ble l idée d une« surréflexion » qui contre la philosophie réflexive qui, dans sa tour d ivoire inexpu onable ne conn connaît aît plus d obstacles - exhi exhiber berait ait llee lie lienn org organi anique que de sa 0 -

genèse (VI 60) et resterait d e la sorte solidaire de ce « soi, non par transparence » mais « par confusion » (OE 19). Déjà dans la Phénoménologie de la perception il était question d une radicalisation de la réflexion entendue comme remontée aux racines, aux origines. « L a réflexion ne saisit donc elle-même son sens plein que si elle

mentionne le fond in-éfléchi qu elle présuppose » (PP 280). Mais que si onifi onifiee ici exactement « mentionner le fond iITéfléchi » ? Ne s agit-il pas d une autr autree formulation de ce que les philosophies transcendantales connaissent sous le nom d e réflexion sur les « conditions de possi bilité » ? Les passages de la Phénoménologie de la perception - peu limpides, il faut le dire - pourraient le laiss laisser er entendre. Il faudra atten atten dre le chapitre « Réflexion et interrogation » d u Visible et l'invisible pour que le caractère irréductible de l irréfléchi à l a réflexion soit postulé. À concevoir l irréfléchi comme quelque chose que la réflexion t

n a p s

encore pensé, on manque doublement de radicalité.

le considérant comme futur pensable, l ir réfléchi se trouve d emblée normalisé, aligné sur les autres objets de réflexion, deuxièmement, parce que dans sa volonté de dépasser l ex périence, toute toute philosophie transc transcendantale endantale de la réflexion manque non Premièrement, parce que, en

d e radicalité mais la radicalité. L e point d e départ n est pas l a pas suspension, mais l a foi dans l a perception. E n lieu et place d une philo sophie de la réflexion dont la radicalité « déracine » la pensée (VI 66), il faut creuser aux racines de l être incarné, pratiquer ce qui dès à présent portera le titre de surréflexion. Car si j e réfléchis, c est grâce à mon corps, au partage d un même horizon avec autrui, à un lien percep t i qui me relie reli e aµ monde et qui n est pas réductible à une simple opéra-

 

tion discursive. Réfléchir sur la réflexion ne consiste donc pas tant en l ajout d un degré d abstraction, l faut au contraire con traire que la sun éflexion « s enfonce dans le monde au lieu de le dominer, domin er, q LI elle descende vers lui tel qu il est au lieu de remonter vers une possibilité préalable de le penser» (VI 60). A u lieu que j e me replace« à l origine d un spectacle que je n ai pu avoir que parce que, à mon insu, j e l organisais » (VI 67), c est le point de départ d e la réflexion qui se trouve déplacé dans l ex périence de l « adversité des choses » (ibid.). Car il a bien « du » monde, et chaque foi foiss qu quee quelque cho chose se nous apparaît, en tant qu ap paraissante, quelque chose est. Ontologiser la réflexion ne signifie dès lors rien d autre que de réfléchir sur l être dont procède la réflexion, cet être qui à la fois est pour moi et dont j e suis tout autant. U n Etre de promiscuité», u n « être d enveloppement» (SG 30), un être auquel je suis inhérent, mais à la fois et sans jamais y renoncer aussi un être qui m apparaît, un être se phénoménalisant et se donnant dans un dehors qui est toujours e n retrait.

caractère double, Merleau-Ponty fait usage de la figure rhétorique du chiasme. À l image de la lettre de l alphabet grec c (chi) don dontt le nom de la figure est dérivé, le chiasme est constitué de ligatures a-parallèles qui se rejoignent néanmoins en un centre nodal qui exhibe l interdépendance de ce qu il relie. Dans le cas de figure le plus simple, le chiasme aiiicule l a relation de recroisement simultané entre quatre termes que l on pomTait placer dans les angles d un carré: Pour penser ce

Mais ce serait oublier que dans son usage poétique et rhétorique, le chiasme n est jamais visible en tant que schéma global mais se déploie au contraire dans le temps de la lecture o u de l écoute. Dans le bref mais extraordinaire A une pass passante ante de Baudelaire, Baude laire, oonn trouve ce chiasme qui pomrnit passer presque inaperçu: Car j'ignor j'ig noree où

u

fuis, tu ne sais où j e vais

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Nous sommes tout d abord face au chiasme le plus courant, ie chiasme grammatical: la paire de pronoms personnels j e - tu de la première partie est renversée dans la seconde en tll - je. S y ajoute un chiasme sémantique (ignorer/ne pas savoir - fuir/aller) qui souligne, au cœ cœur ur même ddee la répét répétition, ition, ccee qu el elle le altère. Au ve vers rs suivant, Baudelaire confirme la complicité née dans 1 instant furtif de cette rencontre fortuite :

Ô toi que j eusse

aimée, à toi qui le servais

L entrelace entrelacement mentmais des ildeux personnes eenn plus ce point croisement croisem ent passager demeure, se fait de plus en virtuel,detant les deux mouvements (aller-fuir) sont centrifuges et divergents. Les verbes utili sés par Baudelaire au vers précédent en prennent alors un sens nouveau où la dimension spatiale se mue en espace temporel. Car j ignore Olt tu fuis, tu ne sais où j e vais c est toute une dimension existentielle qui

est désormais déployée si l on entend dans ce Olt tu fuis un effet paro nymique d un où tu fus, l être au passé simple, c est-à-dire l histoire impénétrable de la passante anonyme précédant la rencontre, tandi tandiss que oz t j e vais indique les horizons futurs et inscrutables du naITateur. L exemple exemp le baudelairien ma manifeste nifeste les caractéris caractéristiques tiques principales du chiasme rhétorique que Merleau-Ponty garde dans son idée de chiasme ontologique. L a relation intime entre les termes indique une co-impli cation simultanée ( « L idée du chiasme, c est-à est-à-dire -dire : tout rapport à l être est simultanément prendre et être pris», VI 313). Mais d autre part, le chiasme n est pas reconductible à un schéma structural dans lequel les termes pouITaient être intervertis à volonté. Il y a bien une perspectivité du chiasme qui fait en sorte qu il peut toujours n être consid con sidéré éré - le dé déploie ploiement ment ttempor emporel el eest st témo témoigne igne - que sselo elonn uunn ddes es termes de son rapport. À côté d une simultanéité de co-appartenance, co-app artenance, il y a donc bien une asymétrie dans toute relation ((dont dont Lévinas a dégagé les enjeux éthiques) de type a - B / B qui se trouve elle-même littéralement com-pliquée dans la mesure où le chiasme ne permet pas de déterminer définitivement une position « haute » et une position « basse ». Dans la relation chiasmatique, l asymétrie est redoublée en croix (a -.B/B -:-a A -.b/b - A , garantissant ainsi une divergence a

 

1 i1ihlr

dans I nhérence, une non-coïncidence dans le simultané. L élaboration de l idée de chiasme constitue ainsi peut-être une des voies les plus abouties pour échapper au clinamen de la transparence entraînant inévitablement toute pensée dans sa conflagration avec soi. En maintenant l idée d une situation originaire d entrelacs, la phéno ménologie procédant selon l image du chiasme offre plus de résistance à la tentation, inévitable, du réductionnisme. Dénouer définitivement la relation, la ramener à des rapports cristallins équivaut à la perdre défi nitivement. Au lieu de trancher le nœud gordien, la nouvelle ontologie du chiasme chia sme s en enfon fonce ce plus profondé profondément ment encore dans le nouage de lnance expérience où se dessine dimensionnalité le produit dans lasensible non-coïncidence, uneune cohésion qui n est de pasco-apparte d une reconstruction conceptuelle après-coup rnais une cohésion d ad hérence sans concept. Sans renoncer pour autant à l idéalité idéal ité de la réflexion réflex ion - préala préalable ble ddee tout écart vis-à vis-à-vis -vis dduu donné-, car ce serait se méprendre sur son essence que de la localiser dans le supra-sensible: « il y a une idéalité rigoureuse dans des expériences qui sont expérien

ces de la cha chair; ir; les moments de la sonate, les frag fragments ments du ch champ amp lumi neux, adhèrent l un à l autre par une adhésion sans concept» (VI 196). De la la sorte, la nou nouvelle velle onto ontologie logie - ontologie de l adhére adhérence, nce, ontologie de « l être dans l étant » - n analysera pa pass seuleme seulement nt llee sensible sensible comme objet privilégié; elle y trouvera le modèle de sa propre armature. D une refondation ontologique du sensible, on s achemine vers une descrip tionn esthésique des membrures de l Etre. tio 4. Toucher le visible

Touchant et se toucher touc her (se toucher= touchant-touché). Ils ne coïn cident pas dans le corps» note Merleau-Ponty Merleau-Po nty en mai 1960, en ajoutant «

>dans l esprit< ou « néanmoins: ne scie veut pas qu ils coïncident au niveau ni veau de Cela la >con >consc ienc nce> e>.. dire Il faut quel quelque que chose d au autr tree que le corps » (VI 302). Quelque chose d autre que le corps « pour que la jonction se fasse ». Merleau-Ponty introduit alors une notion surpre nante: cet autre que le corps où la jonction s opère, c est« l'intoucha ble » (ibid.). Catégorie dérangeante à première vue, tant elle est lourde de présupposés, à la fois métaphysiques et religieux. Merleau-Ponty

 

s empresse

donc

de préciser q u ï l

ne

s agit

pas de la négation

(norma

tive o u logique) du toucher: « L intouchable, ce n est pas un touchable en fait inaccessible » (ibid.). 22 Au-delà d une symétrie entre touchant touché qui, par enveloppement réciproque, garantit leur réversibilité, il y a bien quelque chose qui, dans le tangible, résiste à l inversion totale et que Merleau-Ponty désigne par le terme d « intouchable » . Tout se passe donc comme si, dans le toucher, il y avait une dimension d im perception, un punctum caecum ÜTéductible, une « cécité » qui fait si oone vers l autre côté ou envers de l Etre sensible (VI 303). Il est frappant d observer que la question d u tact déborde invariablement sur une métaphorique, voire une problématique de l a vision, et qu inversement cette problématique du visible est continuellement ramenée à un regis tre sémantique d u toucher.23 Quel est le sens d e ce chiasme établi entre le tangible et le visible? E t y a-t-il véritablement équipollence entre ces deux ordres? Jacques Derrida relevait judicieusement que, dans cette même note d e

mai 1960,

Merleau-Ponty

ajoutait à la

question de l intouchable une

( e t aussi l invisible : car l a l a parenthèse de même analyse peut être répétée pour la vision ... » l invisible ne sera jamais refennée e t le retour à l intouchable n aura

invisible. e. « L intouchable parenthèse sur l invisibl

lieu. 24 L a question reste ouverte: Pourquoi parmi les nombreux titres envisagés pour son deuxième grand œuvre, Merleau-Ponty ne retint jamais Le tangible et l'intouchable? Pour quelle raison c e qui se présentait comme une parenthèse au sein de l a question d e la tactilité d u corps fera éclater ce cadre, rendant impérieuse une ontologie du Visi Vi sibl blee eett d dee l'invis l'in visible ible? ? Est-il vrai que toute son œuvre conflue dans l a question de « Qu est-ce que voir » ?25 Des réflexions comme celle-ci « Certes notre monde est principalement et essentiellement visuel; on ne ferait pas un monde avec des parfums o u des sons » (VI 114sq.) semblent en tout cas ne laisser aucune ambiguïté. DeITida aurait-il alors raison quand - contre l opinion qui voudrait que Merleau-Ponty ait réhab réh abili ilité té les les sens tact tactile iless - il accuse celui-ci d être encore un repré sentant ultime de l a « métaphysique photologique » qui, depuis Héraclite   6 o u Aristote   7   privilégie l a vision sur tous les autres sens? Pour pouvoir répondre à cette question, il faut avant tout question ner l e rapport e tre vision et toucher, et s a redéfinition implicite dans

jamais

 

l'interprétation des deen

l

de Husserl clans

l

plzilosoplze el son

ombre. Merleau-Ponty s y intéresse en particulier aux §§ 3 6 et 37 des

manuscrits manuscr its (qui ne seront publiés qu en 1952), où Husserl montre comment au niveau de la Leiblichkeit, la distinction entre sujet et objet se trouve comme «brouillée» par le fait que le corps vivant est double, à la fois chose physique et source de sensations. Quand la main droite touche la main gauche, celle-ci cesse d être un simple objet physique (blojJ physisches Ding) pour« devenir corps propre» (es wird Leib).   8 Dans le dépassement du dualisme >conscience constituante< >monde constituéréflexion< se rapporte à lui-même ».   9 Non seule

tout se passe comme si cette réflexion antéprédicative pouvait « se jouer hors de la sphère visuelle » , mais Husserl va même jusqu à nier la qualité réflexive au regard. Si l on imaginait, le temps de l hy

ment

pothèse, u n sujet purement oculaire, celui-ci ne saurait avoir aucun corps phénoménal, car son corps propre lui apparaîtrait comme chose purement matérielle. 30 D emblée, le regard sépare donc la sphère locale d u corps propre sentant d e la sphère objectale d u sensible perçu et o n ne saurait pas plus invoquer l exemple de la perception dans le miroir, au sens o ù ce n est qu après-coup que j e reconstitue l œil voyant, indi rectement et par intropathie (Einfiihlung). Par conséquent, la vision jamais ne pouna atteindre à cette réversibilité d u touchant et du touché, jamais j e ne peux percevoir l œil voyant en tant que voyant (das sehende Auge als sehendes). Si j e peux toucher ma main touchante, l œil qui m apparaît dans le miroir se présente non pas comme voyant mais comme élément visuel parmi d autres. Pour Husserl. il y a donc expressément un privilège (Vorzug) d u toucher sur les autres sens même sur le sens que depuis Aristote o n nomme « le plus noble » 32 - et dans le § 37, dédié aux « différences entre domaine visuel et tactile » , il s efforcera de récuser la transposition de qualités tactiles dans le 3

 

regard:

«

Sans cloute dit-on parfois que

>l

œil, en jetant un regard

sm l

le »touche, pour ainsi dires >sttrab rabism sme< e< de l ontolo ontolo  gie occidentale» (VI 217). 37 Réduit aux conjectures quant au sens de ce trait (d union union o u de séparation, d identité o u de juxtaposition), l inter prète ne pomra e n revanche passer à côté du pluriel qu quee Merleau-Ponty Merlea u-Ponty confère à l ontologie cartésienne. L a divergence des positions ontolo giques chez Descartes pourrait-elle éclairer cette ambivalence qui semble caractériser l ontologie occiden occidentale? tale? Ava Avant nt ddee ppouvoir ouvoir répondre à cette question, ilil convien convientt de précise préciserr que llee dernier Merleau-Po Merleau-Ponty nty ne se découvre pas soudain historien de la philosophie. Comme il précise dans le dernier cours de 1960-1961, L ontologie cartésienne t l onto-

 

pas de rres esti titu tuer er« « ce que Descartes a d dit it /ogic cïaujozm/ lllli, il ne s · agit pas dans l'ordre où il l a dit, en réponse à ses problèmes», comme l'enten dait Martial Guéroult,38 ni encore de lui imposer« nos problèmes» (NC 223). Qu il n y ait aucun philosophe philosoph e de la tradition sur lequel Merleau Ponty ne soit reve revenu nu avec plus de pers persistanc istancee depuis les premiers chapitres de la Phénoménologie e la perception jusqu à la Dioptrique ouverte sur sa tabl tablee de trava travail il à l'ins l'instant tant de sa sa mort - s'explique s'ex plique peut être par pa r cette cette résistance résistanc e que lui offre la pensée cai1ésienne, cai1ésienne, due à la fois fois à l'extrême proximité dans les questions et à la suprême distance dans leur traitemen traitement. t. Fait frappant frappant,, quand on aborde l'interprétation l'interpréta tion merleau pontiennee de Descartes pontienn Desc artes : la question quest ion de la vision la traverse tel un fil fil conducteur. Que ce soit dans un cadre épistémologique comme dans le chapitre sur le cogito dans la Phénoménologie, dans le cadre d une réflexion sur les sciences à l instar de L Œil et l esprit, ou encore dans le contexte ontologique des notes de cours et celles pour Le Visible e t / Invisible, le nom de Descartes semble pour Merleau-Ponty associé à une certaine vision des choses, vision qui se perpétue bien au-delà du personnage historique historique pour devenir le soubassement mê même me de la tradi tradi tion occidentale. En quoi consiste alors ce « strabisme », cette vision

bifide? O n a pu relever comment, commen t, dès La structure du comporternent, l'écriture merleau-pontienne s oppose aux dualismes auxquels il donnera tour à tour les noms d'intellectualisme et d empirisme, d'intuition nisme et de naturalisme, de criticisme et de positivisme. Privilégier un terme sur l'autre, ce serait encore se mouvoir sur le teITain, pour parler avec Hegel, d une « mauvaise dialectique » où, aucune position ne pouvant contenir son contraire, celle-ci demeure instable au sens que les chimistes donnent au mot, elle se retourne sans cesse, rendant préci sément toute position impossibl impossible. e. Mê me la dialectique dialectique hégélienne de l a synthèse n y échappe pas, présupposant encore un point de vue unique de « survol » d où la synthèse pourrait être effectuée. Pour échapper à cette position équivoque, Merleau-Ponty pratique donc dès le départ ce qu il appellera plus tard une « hype hyperdial rdialectiq ectique ue » - et qui qui serait serait peut peut être, par différence à Hegel, plutôt une infra- o u hypodialectique qualifiée déjà très tôt par les commentateurs de « philosophie de l am am biguïté » .39 Or, tes derniers écrits indiquent que Merleau-Ponty cher-

 

du

chait à donner un autre fonde fondement ment

ï

,i/;/e

à la fois historico-phiiosophique et

ontologique - à ce ontologique cette tte ambiguïté ambiguïté,, laquelle laquelle prend prendra, ra, à llaa sui suite te d une le analyse de la vision chez Descartes, nom de dualisme visuel ou «diplopie». Chez Descai Descai1es 1es,, en effet, effet, Merleau-Ponty observe l'ex l'exord ordee de la métaphysique dualiste, métaphysique que, loin de refuser en bloc. il creusera pour po ur mettre au jour les causes du dualisme. 40 Le scandale que représente pour Descartes la vision charnelle réside dans le fait qu elle signifie une « action à distance » faisant autant sa difficulté que sa vertu (OE 37). Les différents textes, de la Dioptrique jusqu aux Règles et aux Méditations, traduiraient alors le besoin de fixer cet hybride en le polarisant pour mieux exorciser les spectres qu il produit (OE 36). L' « énigme de la vision», cette chose qui n'est ni ici ni ailleurs mais proprement « ubiquitaire » , sera donc déchirée et loca lisée bien deux fois, une fois dans le règne physique et une fois dans l'esprit. Grâce à l'émergence de la physique nouvelle, Descartes pense pouvoir en finir avec l'amalgame physico-mental qu il décèle dans l'aristotélisme dominant jusqu au xv1e siècle. Le terme d aistheton, central pour le De anima et qu il faudra traduire traduire par« sensible » ,4 est divisé en perception physique et sensation mentale. Se référant à la

célèbre analogie cai1ésienne de la vision avec le bâton de l'aveugle, Merleau-Ponty affirme dans L Œil et l esprit que le« modèle cartésien de la vision, c est le toucher» (OE 37), ou, plu pluss exactem exactement, ent, comme il dira dans le cours, cour s, le toucher au sens d e « contact» (NC 177). La vision devient alors un pur procédé mécanique, le relief perceptif se consti tuant - d après l'archétype du bâton qui glisse sur les arbres, les pier res, le sable - 4 par degrés de résistance. Comme la dureté du mur conditionne la manière dont rebondit la balle,43 la vision se forme en fonction de l'opacité des choses. En dehors des quantités telles que profondeur», nul besoin donc de qualités sensi « longueur, largeur bles dans cette explication physicaliste. 44 Pour se défendre de la sixième objection des théologiens lui reprochant de réduire l homme à une machine, Descartes réintroduit la sensation en la localisant cette fois fo is dans l' espr esprit it humain et en lui lui refusant toute existence « hors de ma pensée » .45 Dès lors, toute qualité sensible doit être détachée d un rapp 11 quelconque avec l objet perçu pour pou r être être au contraire pensée sur le mode de l idée qui, comme o n sait, n'arbore aucune ressemblance

 

98

tu r/\i\tm1n

du

wmihl

avec ce qu · elle d désigne. ésigne. Entre le ccontact ontact aveugle et l zntuitus mentis clair et distinct, la vision de fait, la perception« en acte» (OE 54 , ne saurait avoir de place. 46 D e la sorte, o n trouverait chez Descartes la source du dualisme qui sous-tend la tradition occidentale, séparant le tissu phénoménal en deux pôles opposés rnais complérnentaires. Entre un monde d objets capi tonnés dans leur opacité pleine et les strates d une idéalité transparente, il n y a qu une contradiction apparente. « La philosophie est rabattue sur le plan unique de l idéa idéalité lité o u sur celui de l existence » laissant uniquement le choix entre

«

adéquation interne de l idée o u identité à

soi de la chose» (VI 166sq.). Une fois de plus, la solidarité des oppo sés - rel sés relevé evéee dès dès la Structure du comportement se manifeste égale ment sur le plan ontologique: « cette distance infinie, cette proximité absolue expriment de deux façons, survol o u fusion, le même rapport à la chose même» (VI 166). Un même rapport qui assoit une métaphysi que unique que Merleau-Ponty qualifiera aussi de métaphysique de la coïncidence (VI 167). Pour ébranler cette pensée de la coïncidence, aveugle au fait que toute« vision est télé-vision» (VI 321), il faudrait donc revenir à l ambiguïté manifestée dans le visible, « revenir à cette idée de la proximité par distance » - idée déjà présente dans la réflexion

sur le langage

47

« de l intuition comme auscultation o u palpation en

épaisseur» (VI 168), bref dépas dépasser ser l ont ontolog olog ie strabique de dess deux plans

par une ontologie enracinée dans l expérience sensible. Mais une ontologie de l expérience estest-elle elle vraiment envisageab le? C est du moins la question que pose Merleau-Ponty à la suite d une

réflexion sur la réduction réduct ion et la variation p phénoméno hénoménologiqu logiquee : « Pour réduire vraiment une expérience e n son essence, il nous faudrait pren dre envers elle une distance qui la mît tout entière sous notre regard avec tous les sous-entendus de sensorialité o u de pensée qui jouent e n elle, la fair fairee passer et nous faire passer pa sser tout entiers à la transparence de l ima ginaire, la penser san sanss l appui d aucun sol, bref, reculer au fond d u néant » (VI 147sq.). Saisir l essence impliquerait la possibilité d une « variation totale » , présupposant elle-même l extraction de toute

appartenance pour se placer du point de vue du néant lui-même. Tout étant se détacherait dès lors sur le fond d un néant entendu comme non être et déterminant tout étant comme être positif. La chose ainsi définie

 

  comme positivité, identité à soi, plénitude,dipl >diplopie opie ontologique< (M. Blondel), dont o n ne

peut attendre l a réduction rationnelle après tant d efforts philosophi ques, et dont il ne pourrait être question que de prendre possession entière, comme le regard prend possession des images monoculaires pour en faire une seule vision?» (RC 127). Reformulé dans l horizon

merleau-pontien, cela revient à dire que l ontologie du visible devra se doubler d une réflexion sur les vides, sur les taches de latence dont il

est émaillé, émaillé , un néant qui se révèle être

plus qu une pure catégorie

logi logiqu quee - un néa néant nt de ce monde, inséré dans le visible comme son envers, le néant n étant « rien de plus (ni de moins) que l invisible » (VI 306).

 

Cependant . ajoute-t-iL il ne faut pas penser cet invisible comme un Cependant. non-visible ajouté au visible, comme une objectivité simplement ailleurs: « l ïnvisible n est pas un autre visible (>possible< au sens logi

que) un positif seulement absent» (YI 300). Au-delà du dualisrne irré solu chez Husserl entre Urpràsen::: originaire et Appréisen::: dérivée, il s agit de décrire « un certain rapport du visible et de l invisible où l in visible n est pas seulement non-visible (ce qui a été ou sera vu et ne l est pas, o u ce qui est vu par un autre que moi, non par moi) mais où

son absence compte au monde (il est >derrière< le visible), visibilité imminente ou éminente, il est Urprëisentiert justement comme Nichturprasentierbar, comme une autre dimension où la lacune qui marque sa place est un des points de passage du

>monde

»

(YI 277).

 

V. VERS UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DU DIAPHANE

1. Le chiasme impossible On ne saurait reprocher à une pensée qui a été brusquement inter rompue par la mort de ne pas être conclusive. Toutefois, on a trop voulu voir dans cette suspension de l œuvre l'expression ultime d une réflexion dont la force résiderait tout entière dans l'inachèvement. Vingt ans après la disparition de son auteur, Michel de Certeau résume la fascination face à ce fragment figé de pensée qu'est Le Visible et l invisible: « C01mne les corps minéralisés de Pompéi, il porte inscrit

le double séisme qui l a saisi : une passion >ontologiqueen esttranscendantal< ne signifie pas ce qui dépasse toute expérience. mais ce qui, à vrai dire, la précède (a priori), à cette seule fin de rendre possible exclusivement la connaissance par expérience. » (Appendice, 370, n. 1). 27 L a priori se laisse-t-il décrire non comme possibilité logique de l expérience. mais comme quelque chose de repérable dans l expérience même? Si, à la suite de Merleau-Ponty. 25

 

Ricoeur, Levinas ou Michel Henry onL chacun ù lem fa~un. soulevé c d î t quc:sîiun. nul a accordé plus d'attention et d importance que Mike Mike Dufrenne dont elle fut fut en quelque sorte le moteur secret de sa pensée. de La notion d a JJriori ( 1959), où Kant est pensé sur un fond phénoménologique, jusqu à L inventaire des a priori ( 1981) qu il considéra comme son «testament» philosophique.

Husserl, Edmund: Philosophie première, L l : Hic1roire A L Kelkel, Paris. PUF, 1970, p. 359 [Hua VII 280/811

28

criric1ue

de \

idée.1, trad.

lhid., p. 361 [VII 2821 10 - Ibid., p. 360 [VII 281 ] 11 Sartre, Jean-Paul: La transcendance de l ego. Esquisse d une description phénoménologi que [1934], introd., notes et appendices par S. Le Bon, Paris. Vrin, 1992, p. 20. 32 Ibid., p 26. Sur l'étrange absence/présence du poids chez Sartre, je me permets de renvoyer à mon essai« Suspension et gravité. L'imaginaire sartrien face au Tintoret», in: ALTER no. 15 · Image et œuvre d art, Paris, Alter. Alter. 2007. pp. 123-141. 123-141.

29

Ibid., p. 24. Cf. les conclusions de La transcendance de l ego (p. 74sqq.) qui trouveront, comme on sait, leur développement ultérieur ultérieur dans L Etre et le Néant. 35 Dans le premier projet de recherche de 1933, l'essai est cité. Fink, Eugen: « Die phano menologische Philosophie Husserls in der ge genwartigen Kritik »,in: Kant-Studien 1933 [fr. « La phénoménologie cl'E. Husserl face à la critique contemporaine». trad. D, Franck. in: De la phénoménologie, Paris Paris,, Minuit, 1974, p. p. 1241 1241). ). Cf. en outre La nature de la perception, 33

14 ·

PrP2L 36

37

La phénoménologie de E. Husserl face à la critique contemporaine, op. cit., p. 115. Lettre de Heidegger à Husserl du 22 octobre 1927, in: Husserl, Edmund: Notes sur

Heidegger, Paris, Minuit, 1993, p 117.

·

8

Merleau-Ponty eut même un entretien avec Eugen Fink en avril 1939 (Cf. Van Breda, op.

p, 412). Pour plus de détails sur ces articles, mais de manière générale sur la question cit., économique du transcendantal clans l évolution du transcendantal clans l œuvre merleau pontien, on consultera l ouvrage classique et richement étayé de Theodore Geraets, Vers une nouvelle philosophie transcendantale, op. cit. (en particulier le chapitre IV). 39 Umsturz der kopemikanischen Lehre, publié clans Philosophica/ Essays in Memorv of E. Husserl, ed. M. Farber, Cambridge/Mass., Harvard University Press, 1940, pp. 307-325. 4 Cette idée refait smface clans le Visible et / Invisible où le champ horizonal apparaît comme « le modèle de toute transcendance » (VI 280) 41 « Ainsi transcender le monde [ ... ] ne conduit pas hors du monde, loin du monde, vers une origine séparée (à laquelle le monde ne serait que relié) comme vers un autre monde; au contraire, la transcendance phénoménologique du monde en tant qu'ouverture de la subjec tivité transcendantale est simultanément la rétention [Einbehaltung] du monde dans l univers, mis au jour, de l être absolu » (Fink, Eugen: « Die phanomenologische Philosophie Husserls in der gegenwartigen Kritik »,in: Kant-Studien 1933 [fr. « La phénoménologie cl'E. cl'E. Husserl face à la critique contemporaine», trad. D. Franck, in: De la phénoménologie, Paris, Minuit, 1974, p. 124]). Merleau-Ponty cite déjà cet ouvrage clans La nature de la perception (PrP 21). 42 « [L]'illusion solipsiste qui est de croire que tout dépassement est dépassement par soi » (VI 186).

°

 

NOTLS CHAPiTRF: Ill

1

Cf. à propos de Spinoza:

«

Spinoza n'aurait pas passé tant de temps à considérer une

mouche qui se noie si ce comportement n avait pas offert au regard autre chose qu une d étendue et la théorie des animaux machines est une >résistance, au phénomène du compor tement. Ce phénomène phéno mène reste donc à penser, La structure du compo comportemen rtementt telle qu ·elle s of ire à l'expérience perceptive n est ni chose ni conscience et c est ce qui la rend opaque pour l intelligence» (SC 137sq.) 2

Merleau-Ponty développera ce point plus en détail lors de ses conférences sur La Nature. ~ ï l a récusé toute conception qui voit dans le langage la traduction d une pensée préalable, t démontre les contradictions internes des théories naturalisantes: « Idée très répandue: la cybernétique cyber nétique,, la théorie de l'infor l'in for mati on un stimulus est un un >m >messa essage ge< < » (N 289). Si la cybernétique avait franchi une étape décisive en affranchissant le vivant de ses détermina tions biologiques pour le considérer comme être symbolique, elle a eu la tendance. de par son origine dans la théorie de l'information classique, à le rabattre sur une machine communi cante, Or, penser l'interaction du vivant sur le modèle du message-récepteur. c est retomber dans l'ancienne théorie du réflexe. 3

Cf. aussi Barbara s. Renaud: « De la parole à l'être l'ê tre , Le problème de "expression com me voie d accès à l ontologie», in: Merleuu-Pontv. Le philosophe et son /ungoge. sous la clir de F Heidsieck, Paris. CNRS, 1993. p. 67.

4

Cf. Delco, Alessandro: Merleau-Pont_v et l expérience de la création. Du paradigme au schème, Paris, PUF, 2005, en particulier le chapitre« Le problème de l'insertion directe du discursif dans le gestuel », pp. 97-1 O1 0

Les impasses de l'explication « émotiviste » ont souvent été relevées, cf. notamment

Madison, Bary Brent: a phénoménologie de Merleau-Pontv. Une recherche des limites de la conscience, Paris, Klincksieck, 1973, pp. 13 lsq.; Barbara~, Renaud: e tournant de / ex périence. Recherches sur la philosophie de Merleau-Pontv, Paris, Vrin, 1998, pp. 189-191. 6

Merleau-Ponty rappelle que la culture conditionne l'expression des états d âme tels que l amour ou la colère, en prenant l exemple du Japon ou des Trobriancls (PP 220). Il y a une tension permanente et souvent relevée dans la Phénoménologie de la Perception entre un effort d éviter toute théorie réductrice ou naïve et d autre part, l'accent placé sur la« parole première » et le « sens primordial » qui précèderait toute relativisation culturelle. 7

Cette idée quasiment structuraliste de l'expression anticipe les lectures de la linguistique saussurienne (cf. infra). Dans les cours de Psycho Psychologie logie et pédagogie péd agogie de / e1ifàn e1ifàntt à la Sorbonne, basés essentiellement sur des analyses de cas déjà cités dans la Phénoménologie de la perception, on peut mesurer l'influence de la linguistique structurale qui permet un nouveau regard r egard sur les apor ies faisant surface clan clanss la Phénoménologie: « En fait. il n y a pas d'expressions purement naturelles, ni purement conventionnelles ou sociales» (PPE 556). Pos, H. J.: « Phénoménologie et linguistique » in: Revue internationale de philosophie (1939), no. 1, pp. 354-365. Quand Merleau-Ponty rédige plus tard une communication Sur la phénoménologie du langage, il faut sans cloute y voir l écho assourdi de l'article de Pos (SG, pp. 105-122).

8

9

« La métaphysique dans l homme», in: Revue de Métaphysique et de Morale,juillet-octo bre 1947, no. 3-4, pp. 290-307 (repris clans SNS, pp. 102-119). Sur le lien entre Merleau-Ponty et la linguistique, on dispose désormais d une riche biblio graphie. graph ie. Cf. e n particulier Fontaine-De Visscher, Visscher, Luce: Phénomène ou structure? Essai sur 1

 

le

gage ( lie.~ Ma ew1-Ponty. Bruxdles. facult.:s llnivc:rsirairc:s Sairn-Luuis. Giuliani-Tagmann. Regula. Sprachc 1111d Er/ohrung in den Schri/ru1 1· 11 ivlu11rice lvlerleo11/o  

Ponty, Bern-F rancfor t. Lang , 1983 1983 (en partic ulier pp. 02-111 ). Thierry, Yves: parlant. Le langage che-:.. Merleau-Pontv, Bruxelles, Ousia, 1987. Bucher, Stefan·

corv1 Zwischen Phèi110111enologie und Sprachwis.1e11schc1ft. Z11 Merleau-Ponrys Theorie der Sprache, Münster, Nodus, 1991. Costantino, Salvatore: La testi11wnian-:..a del /inguaggio. Saggio s11 Mer/eau-Pontv, Milan, FrancoAngeli. 1999 (en particulier pp. 57-94). Oskui, Daniel· «

Wide r de den. n. Metapher Met apher nzwa ng

D11

Merl eau-P onty und die die sprachliche sprachli che Procluktiv Procluktivitat itat bei

Chomsky, Bühler und Ricoeur »,in: Merleau-Ponty und die Ku turwissenschaften, sous la dir. de R. Giuliani, Mmùch, Fink, 2000, pp. 99-141. 11 Ricoeur, Paul: « La question du sujet: le défi de la sémiologie », in: Le cot(flit des inter pretatiom Paris, Seuil, 1969, p. 246. Un jugement semblable est déjà prononcé par Kwant,

R.C.: From

phenomenology to metaphysics, Pittsburgh, Duquesne University Press, 1966,

p. 176 en particulier. 2 Fontaine-De Visscher:

Phenomène ou structure?, op. cit., p. 18. de sé sémiologie, miologie, in: Communications 4 (1964) [republié u Barthes, Roland (1964): Éléments de clans: L'aventure semio/ogique, Paris, Seuil, 1985, p. 28]. 1

 1

Il va sans dire que le compte rendu de la différence entre synchronique et diachronique

paraît bancal. Il y aurait ainsi une « linguistique diachronique de la langue » opposée à la « linguistique linguistique diachronique de la parole » alors que chez Saussure, la distinction entre la synchronie et la diachronie n est opérée qu au sein de la langue. S'agit-il clone simplement d une lecture faussée? D autre part, certains interprètes ont suggéré qu on pourrait égale ment y voir une déformati on implicite mais non moins coh érente, visant à réajuster certaines

lacunes dans Je système de Saussure. La proximité des hypothèses merleau-pontiennes sur le diachronique avec la correction des théories saussuriennes par la dimension du temps chez

ses héritiers aussi aussi différents que Troubetzkoy ou Gustave Guillaume irait en tout cas clans ce sens. 5 Husserl, Edmund:

Recherches logiques, Tome 2: Recherches pour la phénoménologie et la théorie d dee la connai connaissance, ssance, Deuxième partie, trac . H. Elie, A. Kelkel et R. Schérer, Paris, PUF, 1969, p. 134 [338]. 6 7

Ibid., p. 135 1339). Cf. PM 37. Nous suivons ici l'interprétation proposée par Carbone, Mauro:« La dicibilité du monde.

La période intermédiaire de la pensée de Merleau-Ponty à partir de Saussure »,in:

Ponty. Le philosophe et son langage, op. cit., pp. 83-99. 8

Merleau

Bien que ce rapprochement ne soit pas effectué par l auteur, o n est en droit de se cleman

cler s il n y a pas dans les développements tardifs sur la notion d « institution » (outre

l'inspiration évidente évidente de la

à

Stiftung husserlienne) un retour subliminal des lectures saussu

riennes. 9

Cours

Saussure, Ferdinand de:

de

linguistique générale, publié

par

C. Ball y

et

A. Séchehaye, éd. critique par T T.. de Mauro, Paris, Payot, 2005, p. 101 [140]. Nous laissons ici de côté les problèmes philologiques liés au Cours pour n analyser que le Saussure de Merleau-Ponty, c est-à-dire celui qui émerge des retranscriptions de Bally et S échehaye. 20

Ibid.

Cours, op. cit., p. VIII. 22 Réponse à l'intervention de Gilbert Ryle lors du colloque de Royaumont. La philosophie analytique, Cahiers de Royaumont, Philosophie no. 4 , Paris, Minuit, 1962, p. 93sq. 23 À ce propos, cf. le:. travaux de Giorgio Agamben sur la dunamis aristotélicienne considé-

21

Exemple de Tullio de Mauro cité dans l «Introduction» au

 

rée

11 11

pas dans une optique d'actualisation. mais de possibilité de 11011-action. La meilleure

illustration littéraire en est sans cloute l e / \\ 011/d pre/er not no t to du Bartleby melvillien. auquel Deleuze et Agamben dédièrent des analyses mémorables. (Cf. d abord la préface de Deleuze

/e1 e11chantée1, Le Campanile, trad. Michèle Causse. Paris. Flammarion , 1989. 1989. texte repris repris dans Critique et Clinique, Paris. Minuit. Minui t. 19 1993 93 ]). ]). ensuite le texte d Agamben « La formula della creazione » paru dans le volume commun Agam ben. Giorgio: Deleuze, Gilles: Bart/cbv, la fàm111/a del/a crea::ione. Macerata. Quodlibet. 1993. [fr Bartleby 011 la création, Saulxures, Circé. « Bartleby. ou la formule

»

à Melville. Hermann:

Bartlebv,

Le.1

1995 ]).

24

Note inédite extraite des manuscrits préparatoires au cours

raire du langage de 1952-1953 Nationale de France, vol. XI,

Recherches sur l'usage litté

au Collège de France (Fonds Merleau-Ponty, Bibliothèque

f

65). Une idée qui trouvait déjà son ébauche clans la Phé110111é11ologie de la perception quand. contre une théorie de de l'arbitrai re du signe. Merleau Ponty écrit qu il n est pas « arbitraire d appeler lumière la lumière si l on appelle nuit la nuit» (PP 218). Rétrospectivement, on pourrait déjà y voir l'intuition que la définition du signe comme arbitraire n est pertinente que si elle est doublée d u caractère différentiel, c est

à-dire la dépendance réciproque des signes entre entre eux. 25

Inédit contenu cont enu clans clans les notes de lecture sur Paul Valéry ( Fonds Merlea u-Ponty. u-Pont y. Bibliothèque Nationale de France. vol. vol. XI. f 65).

26

Une interprétation d ailleurs bien superficielle. car il suffit de se reporter au paragraphe

« L'arbitraire absolu et l'arbitraire relatif» du Cour,1 pour se rendre compte qu une arbitra rité partiellement motivée est patfaitement envisagée cit . pp. 180-184 [260-263]) 27

« Le cinéma et la nouvelle psychologie» in:

(Cours de linguistique generale,

Les temps modernes 3 année, 11°

op

26. nov. 47,

pp. 930-943. (SNS, pp. 61-75). 28

Fait singulier, la formule exacte de l a « prose du monde» n est pas utilisée dans la théorie

hégélienne de l histoire, mais dans son esthétique que nous reproduisons ici clans la traduc tion classique du père de Jankélévitch:« Telle est la prose du monde, telle qu elle apparaît à la conscience de chacun et de tous. C est un monde fini et changeant. aux prises avec les enchevêtrements du relatif et la pression de la nécessité auxquels l'ind ividu est incapable de se soustraire» (Hegel. G. W . F.: Esthétique. trad. S. Jankélévitch, Paris, Flammario n. 1979. vol. I, p. 205) 29

Note de lecture, citée d après PM VII.

30

Sartre, Jean-Paul: Ibid., p. 26.

31 32 33

34

Qu'est-ce que la littérature?, Paris, Gallimard, 1948. pp. 17

et 26.

Ibid., p. 25. Ibid., p. 30.

Manuscrits préparatoires pour le cours

1952-1953 19521953 15

Recherches sur l'usage littéraire du langage de

M erleau-Ponty, Bibli othèque Nationale de France, v voL oL f. 72). Ibid., pp. (Fonds 18, 21, 25. 36 Saussure, Cours, op. cit., p. 43 [91] Ibid. 38 Husserl, Edmund: Recherches logiques, Tome 2 : Recherches pour la phénomenologie et la théorie de la connaissance, Première Partie, trac . H. Elie, A. Kelke Kelkell et R. Scherer, Paris. XL

7

PUF, 1969, § 20, p. 79. Dans l original:« Die Schachfiguren kommen im Spiel nicht ais diese so und so geformten und gefürbten Dinge aus Elfenbein, Holz u. d dg g . in Betracht. Was

 

phüm1mè1ial und physisch konstituiert. ist ganz gleichgliltig und kann nach Willkür wech

sic::

seln. Zu Schachfigmen. d..i. zu Spielmarken des fraglichen Spiels. werden sie vielmehr durch die Spielregeln, welche ihnen ihre teste Spiellmleut1111g geben » (Hua XIX/1, p. 74). 39 À plusie plusieurs urs reprises, Merleau-Ponty citera ce passage de la Formale wul tra11.1:endentale Logik «

1

1 edend vollziehen wir fortlaufend ein inneres, sich mit den Worten verschmel

zencles, sich gleichsam beseelendes Meinen. Der Erfolg clieser Beseelung ist, class die Worte und die ganz;n Reden in sich eine Meinung gleichsam verleihlichen und verleiblicht in sich ais Sinn ~ragen

(Hua XVII 26sq.) On notera également l'expression« Sprachleib

»

dans le

texte inédit inédit que Merleau-Ponty étudia lors de son séjour à Leuven en 1939 et qui est publié clans Husserl, Edmund: L origine de la géométrie, Paris, PUF, 1962, p. 181. Sur le rôle du Leib chez Husserl: Franck, Didier: Chair et corps. Sur la phénomén ologie de Husserl, Paris, Minuit, 1981. Quant à la question de la chair chez Heidegger, dont Sartre faisait à juste titre remarquer que Sein und Zeit n'y consacre même pas six lignes, il faudra plutôt se reporter

avec les séminaires du dernier Heidegger à Zollikon. Cf. à ce propos Benoist, Jocelyn: Chair et corps clans les séminaires de Zollikon. La différence et le reste »,i n: Autour de Husserl. L ego et la rai5on, Paris, Vrin, 1994, pp. 107-122. «

°

4 Corrélativement, on pourra

relever que la percep tion est qualifi ée, clan clanss une note de travail

du 27 octobre 1959, d e « système diacritique, relatif, oppositif » (VI 262). 41

Husserl, Edmund: Mécliwtions corté.\iennes, trad. G. Pfeiffer et E. Levinas, Paris, Vrin,

1969, § 19, p. 38. 42 Pour historique et les transformations de cette « petite phrase » on consultera le sixième chapitre(,< L'expérience, l'expression et la forme clans l'itinéraire de Merleau-Ponty») de Taminiaux, Jacques: Le regard e t l excédent, La Haye, Nijhoff, 1977, pp. 90-115. 43 Récemment, plusieurs études ont mis en évidence le rôle, souvent marginalisé par les premiers commentateurs, de la musique comme source féconde de la pensée du dernier

Merleau-Ponty. Si celles-ci ont le mérite de dresser un portrait plus équilibré de l'auteur, personne ne met cependant en cloute le fait que l'art pictural reste - avec la littérature l'inspiration primordiale de Merleau-Ponty. En novembre 1959, Merleau-Ponty assiste à une

interprétation du Leonore no. 2 de Beethoven, la première version de l'ouverture du Fidelio, qui l'incite à un rapprochement de la musique avec la peinture. En tant qu'ils sont tous cieux

à leur façon des arts du silence, ils convergent vers la philosophie:

<

[ ... ] la musique comme

la peinture est au monde sensible ce qu'est la philosophie au monde entier» (Note inédite d u 15 novembre 1959, Fonds Merleau-Ponty, Bibliothèque Nationale de France, vol. VIII,

f. 289).

NOTES CHAPITRE IV 1

On ne pourra s'empêcher de relever les parallèles avec Levinas dont on sait qu'il opéra une transfonnation de son langage à la suite des critiques de Derrida clans Violence et métaph.v

siq11e lu reprochant l'inadéquation entre l'ambition refondatrice et les moyens linguistiques employés. 2

Dufrenne, M ike :« Maurice Merleau-Ponty» [1962], in: Jalons, La Haye, Nijhoff 1966,

pp. 208-221, p. 215. 3

Note de travail inédite pour Le Visible et l lnl isible (Fonds Merleau-Ponty, Bibliothèque

Nationale de France)"

 

1

("èst le vèrdict d'Emmanuel Levinas dans sa préface

ù Geraets.

ic'n

c

oulcllc JJ/1//0 10

phie îrw11ccnduntale. op. cit .. p. IX. Merleau-Ponty lui-même va dans ce sens. notamment clans ses propos au colloque de 1961 sur Sem et moge.1

c 11

tenne .1trnct11re dam le.1 science.1

hu111aine.1 et sociales, op. cit. 5

À

propos du trou chez Hegel cf. déjà PP 249. Voir également VI 249: « L'ouvert, au sens

du trou. c'est Sartre. c'est le négativisme ou l'ultrapositivisme (Bergson), (Bergson), indiscernables».

Note inédite pour Le i·i.1ih c et l im·i.1ihle (Fonds Merleau-Ponty, Bibliothèque Nationale dè France, vol. VII . f. 346).

r

7

Cf. aussi « [Lai Vision n'est plus regard sur un 'dehors', représentation» (NC 170).

8

Cf. les indications de Claude Lefort clans la préface précédant L œil et l esprit (OE VI).

9

Dans Le doute de Cé::.anne déjà:« Comme la parole ne ressemble pas à ce qu'elle désigne, la peinture n'est pas un trompe-l'œil » (SNS 23). 10 /cleen II.§ 61 (Hua IV, p. 277). Krisis § 9, Hua VI. p. 28 (fr. La crise de.1 science.\ européennes et la phénoménologie tra11.1cenclantale, trad. G. Grane , Paris. Gallimard. 1976. p. 36). 12 Ibid. fr. p 35). 11

14

Ibid. (fr. p 36). Reprenant l'expression de Maurice Blanchot. Eliane Escoubas a montré qu'on pouvait

parler au sujet de Merleau-Ponty d'une esthétique sans œuvre ou d'une esthétique du Escou bas, Eliane: « La question de l' œuvre d'art. Merleau-Ponty et Heidegger». in: Merleau-Ponty. Phénoménologi e et expériences, op. cit. pp. 123-138. « désoeuvrement » :

Le tournant ontologique qui devient thématique clans les derniers textes peut être retracé dans des écrits du début des années 50. Dans Partout et nulle part, Merleau-Ponty écrit qu'il 15

faudrait qu'une philosophie concrète,< se tienne près de l'expérience, et, pourtant, qu'elle ne

se limite pas à l'empirique, qu'elle restitue clans chaque expérience le chiffre ontologique dont elle est intérieurement marquée » (EP 196). Sur ce tournant ontologique cf. Barbaras, L être du phénomène, op cit. 16 Aristote, Hist. an. 490al3. 17

Renaud Barbaras a indiqué pourquoi l'expression courante de,< philosophie de la chair»

est inadéquate et qu'il s'agit plus exactement d'une philosophie de l'incarnation: > résumé de la conférence de M. Merleau-Ponty le janvier 1961 lors du colloque Sens et usages du terme structure dans les sciences humaines et sociales, éd. R. Bastide, La Haye, Mouton & Co., 1962. l e ,,i ,,isib sible le et l'in l'invisible, visible, suivi de notes de travail, texte établi par C. Lefort accompagné d'un avertissement et d'une postface, Paris, Gallimard, 196 1964. 4. Parcours 1935-1951, édition établie par J. Prunair, Lagrasse, Verdier, 1997. Parcours deux, 1951-1961, édition établie par J. Prunair, Lagrasse, Verdier, 2000.

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TABLE

DES

PRÉFACE

l.

LE

VII

PHILOSOPHE ET SON DEHORS

Noli foras ire 2. Traversées 3. La transparence et 1

Il

PERCEPTION

17 17

22 l obstacle

Dés)aveu de la science 2. Entre mécanique et formel 1

MATIÈRES

25

29

29 32

3. Milieu 4. D u milieu au monde 5. Le problème d e la transcendance

36 39 45

III

53

LANGAGE

1. Expression 2. Le fantôme d un langage pur 3. Diacritique 4 . Verleiblichung et effacement 5. D u littéral au latéral

53

IV ONTOLOGIE DU VISIBLE

77 77

1 Penser selon l image 2. Les styles d u monde 3. Ontologie de la chair 4. Toucher le visible 5. L a diplopie d u regard V VERS

UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DU DIAPHANE

1. Le chiasme impossibl impossiblee

59 64 68 73

82

86 91

95 1 3 1 3

 

voyance

3. Faire voir par latences

1 9

NOTES

113

INDEX

DES NOMS

125

INDEX

DES

127

BIBLIOGR T

BLE

CONCEPTS PHIE

DES MATIÈRES

129 137

 

PHILOSOPHIE EN COURS

Francesco Paolo Adorno, Le désir d une

vie illimi illimitée. tée. Anthropologie et

biopolitique.

Emmanuel Alloa, La résistance du sensible. Merleau-Ponty Me rleau-Ponty critique de

l

transparence.

Carlo

U

Arcuri, Giorgio Passerone, L

En-dehors: éloge et mriatiow,.

Consistance de la littérature, des arts, de la philosophie.

Françoise Armengaud, Marie-Dominique Popelard et Denis Vernant,

Du dialogue au texte. Autour de Francis Jacques.

Françoise Armengaud Françoise Armengaud,, R~flexion sur l condition fàite aux aninzazn. Philippe Artières sous la direction), Foucault, l littérature et les arts.

Françoise Barbé-Petit, Marguerite Duras. Au risque de la philosophie. Gérard Bensussan, Joseph Cohen, Heidegge Heidegger. r. Le danger dange r e t l promesse. Liree les cultures. La connaissance de l altéri alt érité té cultu cultu Lorenzo Loren zo Bonol Bonoli,i, Lir

re/le

travers les textes.

Christophe Bouton, Valéry Laurand, Layla Raïd,

Problèmes philosophiques

d une

La physiognomonie.

pseudo-science.

Florence Burgat, Liberté et inquiétude de l vie animale. Monique Castillo, La responsabilité des modernes. Essai sur l zmiver

salisme kantien.

Monique Castillo, Connaître la guerre e t penser l paix. Raphaël Celis, Jean-Pol Madou, Laurent Van

Phénoménologie( s)

Eynde,

et

imaginaire. Chardel Pierre-Antoine, Rockhill Gabriel,

Technologies de contrôle

dans la mondialisation: enjeux politiques, éthiques et esthétiques.

Christianee Chauvi Christian Chauviré, ré, Wittgenstein

en héritage. Philosophie de l esprit,

épistémologie, pragmatisme.

Christiane Chauviré,

L œi œill mathématique. Essai sur la philosophie philosophi e

mathématique de Peirce.

 

Christiane Chauviré. Le

moment a11tlzmpologi 111e

de Willgenstein.

Gustav G. Chpet, Lct_/
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