Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

January 31, 2018 | Author: alexonallerston1258 | Category: Leisure
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Alfred HITCHCOCK

QUATRE MYSTERES C'EST

tout spécialement pour la jeunesse qu'Alfred Hitchcock a écrit ce livre passionnant. Cinq objets sans rapport entre eux disparaissent. Pourquoi? Sept pendules en bon état de marche indiquent sept heures différentes. Que faut-il en conclure? Trois chasseurs de fauves semblent avoir tiré sur un collectionneur de timbres. Comment? Un auteur de romans policiers disparaît d'une maison hermétiquement close. Est-ce possible? Voilà quatre énigmes ourdies, commentées, discutées, piégées par Alfred Hitchcock; le maître du mystère en personne. En face de lui, quatre garçons dont le sort dépend de l'ingéniosité avec laquelle ils répondront aux questions étranges qui vont leur être posées...

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QUATRE MYSTERES

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DU MÊME AUTEUR

Liste des volumes en version française Les titres 1. 2. 3. 4. 5. 6.

Quatre Mystères (Alfred Hitchcock’s solve-them-yourself mysteries ? ) Au rendez-vous des revenants (The Secret of Terror Castle, Robert Arthur, 1964) Le perroquet qui bégayait (The Mystery of the Stuttering Parrot, Robert Arthur, 1964) La momie qui chuchotait (The Mystery of the Whispering Mummy, Robert Arthur, 1965) Le Chinois qui verdissait (The Mystery of the Green Ghost, Robert Arthur, 1965) L’arc en cielpris la fuite (The Mystery of the Vanishing Treasure, Robert Arthur et William Arden, 1966) 7. Le spectre des chevaux de bois (The Secret of Skeleton Island, Robert Arthur, 1966) 8. treize buste pour Auguste (The Mystery of the Fiery Eye, Robert Arthur, 1967) 9. Une araignée appelée à régner (The Mystery of the Silver Spider, Robert Arthur, 1967) 10. Les douze pendules de Théodule (The Mystery of the Screaming Clock, Robert Arthur, 1968) 11. Le trombone du diable (The Mystery of the Moaning Cave, William Arden, 1968) 12. Le crâne qui crânait (The Mystery of the Talking Skull, Robert Arthur et William Arden, 1969) 13. L’ombre qui éclairait tout (The Mystery of the Laughing Shadow, William Arden, 1969) 14. Le dragon qui éternuait (The mystery of the coughing dragon, Nick West, 1970) 15. Le chat qui clignait de l'oeil (The Secret of the Crooked Cat, William Arden, 1970) 16. L’aigle qui n’avait plus qu’une tête (The Mystery of the Flaming Footprints, M V Carey, 1971) 17. Le lion qui claquait des dents (The Mystery of the Nervous Lion, Nick West, 1971) 18. Le serpent qui fredonnait (The Mystery of the Singing Serpent, M V Carey, 1971) 19. Le tableau se met à table (The Mystery of the Shrinking House, William Arden, 1972) 20. Le journal qui s'effeuillait (The Secret of Phantom Lake, William Arden, 1972) 21. L’insaisissable home des neiges (The Mystery of Monster Mountain, M V Carey, 1972) 22. Le miroir qui glaçait (The Secret of the Haunted Mirror, M V Carey, 1972) 23. Le testament énigmatique (The Mystery of the Dead Man's Riddle, William Arden, 1972) 24. La Mine qui ne payait pas de mine (The Mystery of Death Trap Mine, M V Carey, 1976) 25. Le démon qui dansait la gigue (The Mystery of the Dancing Devil, William Arden, 1976) 26. L’épée qui se tirait (Mystery of the Headless Horse, William Arden, 1977) 27. L’éditeur qui méditait (The Mystery of the Magic Circle, M V Carey, 1977) 28. La Saisie des sosies (The Mystery of the Deadly Double, William Arden, 1978) 29. L’épouvantable épouvantail (The Mystery of the Sinister Scarecrow, M V Carey, 1979) 30. le requin qui resquillait (The Secret of Shark Reef, William Arden, 1979) 31. L’aveugle qui en mettait plein la vue (The Mystery of the Scar-Faced Beggar, M V Carey, 1981) 32. Le flibustier piraté (The Mystery of the Purple Pirate, William Arden, 1982) 33. La baleine emballée (The Mystery of the Kidnapped Whale, M V Carey, 1983) 34. Le drakkar hagard (The Mystery of the Creep-Show Crooks, William Arden, 1985) 35. Les caisses à la casse (Hot Wheels, William Arden, 1989) 36. Envolée, la volaille ! (Murder To Go, Megan Stine et H. William Stine, 1989) 37. L'ânesse qui se pavanait (An Ear For Trouble, Marc Brandel, 1989) 38. Silence, on tue ! (Thriller Diller, Megan Stine et H. William Stine, 1989)

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ALFRED HITCHCOCK

QUATRE MYSTERES TEXTE FRANÇAIS DE VLADIMIR VOLKOFF ILLUSTRATIONS DE JACQUES POIRIER

HACHETTE 281

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L'ÉDITION ORIGINALE DE CE ROMAN,

,

A PARU EN LANGUE ANGLAISE, CHEZ RANDOM HOUSE, NEW YORK, SOUS LE TITRE

:

ALFRED HITCHCOCK'S SOLVE-THEM-YOURSELF MYSTERIES (c) Random House, 1963 et Librairie Hachette, 1965. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

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Je vais préciser quelques points qui demeurent encore obscurs.

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INFO

Les Trois Jeunes Détectives Les Trois Jeunes Détectives (The Three Investigators) est une série de romans policiers américains pour la jeunesse. Ayant eu plusieurs auteurs écrivant leur aventures (l'auteur principal et créateur étant Robert Arthur), l'édition française de Bibliothèque Verte nomme comme auteur Alfred Hitchcock, qui « présente » la série, comme il prêtait son nom à des recueils de nouvelles policières ou d'angoisse. Ces œuvres utilisaient son nom pour mieux attirer l'attention.

Les personnages Hannibal Jones (Jupiter Jones en version originale), Peter Crentch (Peter Crenshaw) et Bob Andy (Robert « Bob » Andrews) sont un trio de jeunes adolescents vivant dans la ville fictive de Rocky en Californie. Ils travaillent comme détectives privés dans leur temps libre. Se faisant connaître comme Les trois jeunes détectives, ils enquêtent dans des affaires allant du surnaturel jusqu'au sombres intrigues criminelles.

Les trois jeunes détectives en détail Étant bien entendu au nombre de trois, leur symbole est le point d'interrogation. Ils ont leur propre carte de visite qui a trois points d'interrogation consécutifs, ce qui attire très souvent les questions des gens à qui ils les montrent, demandant ce qu'ils signifient, parfois si c'est dû à leur propre doute en leurs capacités. Ils répondent toujours que cela représente le mystère et les énigmes qu'ils ont à résoudre. Leur devise : « Détections en tout genre » (ou selon le volume, « Enquêtes en tout genre », etc.) Hannibal Jones : Détective en chef. Le chef de la bande, il est très intelligent et ne s'en cache pas. Il a un problème de surpoids qui attire parfois les moqueries, ce qu'il déteste. Orphelin, il vit avec sa tante Mathilda et son oncle Titus qui s'occupent d'une brocante nommée Le Paradis de la Brocante (The Jones Salvage Yard). Plus jeune, certains comme Skinny Norris le surnommaient « Gros Plein de Soupe » mais il déteste ce surnom. • Peter Crentch : Détective adjoint. Le sportif de la bande, il est physiquement fort, ce qui est toujours utile. Malgré cela, il a tendance à être peureux. Il peut tout de même montrer du courage en cas d'urgence. Son père travaille au cinéma pour les effets spéciaux. Son expression favorite en cas de grande pression est « Mazette ». • Bob Andy : S'occupe des archives et recherches. Fluet, portant lunettes et souvent plongé dans les livres, il est un peu l'archétype du nerd. Son père est journaliste et sa mère est décrite comme jeune et jolie. •

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Personnages secondaires Alfred Hitchcock : Le célèbre cinéaste fut le premier client des détectives, puis devint une sorte de mentor pour eux pendant les trente premiers volumes, « préfaçant » chacune de leurs aventures (travail de l'auteur, bien sûr) et retrouvant les héros à la fin pour discuter de l'affaire et de son dénouement. La maison d'édition Random House payait pour utiliser légalement son nom. À sa « vraie » mort en 1980, les Hitchcock demandèrent encore plus d'argent; il fut remplacé par un personnage fictif, Hector Sebastian. Les dernières éditions américaines ont changé les volumes de sorte que Hitchcock n'apparaisse plus et soit remplacé par Hector Sebastian. • Hector Sebastian : Un ancien détective devenu écrivain, auteur de romans bestsellers. Il prit la place de Hitchcock dans la série dès L'aveugle qui en mettait plein la vue. • Titus Jones : Oncle de Hannibal et propriétaire du Paradis de la Brocante, c'est un petit homme moustachu jovial, qui préfère acheter pour son affaire des objets qui le passionnent personnellement plutôt que des choses pratiques. • Mathilda Jones : Tante de Hannibal et femme de Titus, c'est une femme forte et sévère mais qui malgré son apparence dure, a un fond très bon (dans certains volumes de la version française, elle s'appelle Mathilde). • Warrington : Chauffeur bbritanique de la Rolls Royce dont Hannibal a gagné l'usage pendant trente jours à un concours (jusqu'à ce que son usage soit finalement étendu). Homme droit et distingué, il va parfois personnellement aider les détectives. • Samuel Reynolds : Commissaire de la police de Rocky. Ayant d'abord une certaine antipathie pour les héros, il finit par reconnaître leur talent et leur fournit même une carte signée qui les désigne comme auxiliaires de la police. Reynolds intervient souvent pour arrêter les criminels que les trois jeunes détectives débusquent. • Hans et Konrad : Deux Bavarois physiquement très forts qui travaillent au Paradis de la Brocante pour les Jones. Ils sont aussi sympathiques que musclés et sont toujours prêts à aider les héros. • Skinny Norris : Jeune voyou d'une famille aisée, il est toujours à mettre des bâtons dans les roues des trois jeunes détectives dont il prend plaisir à se moquer. Il va parfois jusqu'à collaborer avec des criminels, plus par idiotie que délinquance. Il est grand, maigre (ce qui lui vaut son surnom de « Skinny » signifiant « maigre » en anglais et a un long nez. • Huganay : Criminel français distingué, Huganay se spécialise dans le vol d'objets d'arts. •



Auteurs • • • •

Robert Arthur (aussi créateur) William Arden Nick West Mary Virginia Carey

Hitchcock lui-même n'a rien écrit dans la série, ni même les préfaces qui sont « signées » de lui (ce ne sont que des travaux des auteurs). D'abord intitulée Alfred Hitchcock and the Three Investigators en version originale, elle devint simplement The Three Investigators dès le volume 30 (L'aveugle qui en mettait plein la vue), après la mort d'Hitchcock.

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Notes Chaque couverture de volume montre la silhouette de la tête d'Alfred Hitchcock, comme dans les débuts de ses films. • Dans la version originale, la plupart des titres commençaient par les mots « The mystery of... » ou « The secret of... ». La plupart des titres en version française tentent, eux, de faire des jeux de mots. • Les derniers volumes montrent les protagonistes plus âgés et ayant plus de préoccupations d'adolescents. Cela a commencé dans la partie appelée Crimebusters en version originale. • La série est particulièrement populaire en Allemagne. Les acteurs ayant participé à des versions audio y sont des vedettes. Deux films produits en Allemagne ont d'ailleurs été tournés.

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Introduction

Bonjour. Alfred Hitchcock vous souhaite la bienvenue dans son bureau de recherches, enquêtes et filatures, et présente aujourd'hui à Son public une invention tout à fait spéciale. Il s'agit d'un livre bourré d'angoisse et de mystère, mais le tout dans le genre « petit bricoleur », ou « débrouillez-vous Vous-mêmes » — du moins pour ceux d'entre vous qui aiment à jauger leurs capacités détectives à l'aide de bons indices solides sous la dent. Quant à ceux qui préfèrent galoper aux chausses du malfaiteur en rugissant : «Taïaut, Taïaut! », ils n'ont qu'à me laisser faire. Galopez autant qu'il vous plaira : les indices, je m'en | charge. Je les ramasserai après vous et je les mettrai en ordre, grâce à des interventions que je me permettrai de faire de temps en temps, au cours du récit. Un dernier mot. Certains parmi mes plus chauds partisans ont inventé un jeu. Toute la famille se réunit et chacun lit une page de mon livre, à tour de rôle et à haute voix. Aussitôt que l'un des auditeurs croit avoir décelé un indice, il pousse un grand cri et marque un point. La lecture s'arrête et la discussion commence pour savoir s'il s'agit d'un vrai indice et ce qu'il signifie. Voilà un excellent moyen de passer le temps en société Mais que vous en fassiez l'épreuve ou non, je vous supplie de ne transgresser en 12

rien le code le plus strict des- amateurs d'énigmes. Une lois que vous avez terminé un récit, n'en révélez le secret à personne. Vous vous donnez bien la peine de lire chaque histoire de bout en bout? Vos petits amis n'ont qu'à faire comme vous.

ALFRED HITCHCOCK

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TABLE 14

Le mystère des cinq larcins

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* ** Le mystère des sept pendules

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* ** Le mystère de la chambre forte

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* ** Le mystère de l'homme qui s'évapora

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* **

LE MYSTÈRE DES CINQ LARCINS 15

-------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : Permettez-moi de prendre un instant la parole. Je suppose que vous aimez le cirque? Quand j'étais petit garçon — eh! oui, si curieux que cela vous paraisse, cela m'est arrivé, à moi aussi —, tous les garçons corrects de mon âge rêvaient de s'engager dans un cirque ou de devenir détective : comme Sherlock Holmes. Moi, je ne suis jamais parvenu à me décider et vous savez comment j'ai tourné .plus tard. Laissons cela. Quant à vous, vous pouvez faire les deux à la fois sans quitter votre fauteuil. Vous n'avez qu'à ouvrir l'œil pour trouver des indices, tandis que Jerry Mason enquête sur... -------------------------------------------------------------------------------------LE MYSTÈRE DES CINQ, LARCINS venait à peine de quitter la grand-route lorsqu'il sentit que quelque chose n'allait pas au cirque Clanton vers lequel il se dirigeait. Il s'approchait des roulottes et des tentes par-derrière et pouvait constater que rien n'avait changé depuis que, une heure plus tôt, il était parti pour poster en ville la lettre recommandée que lui avait confiée son oncle Frank. Et pourtant, il sentait bien que quelque chose n'allait pas. Jerry était grand et mince, avec des cheveux blonds et rebelles. Sa passion était de débrouiller les situations confuses... Il s'arrêta et examina le petit cirque en détail. Au fond, se dressait la grande tente bariolée où le spectacle avait lieu tous les jours, en matinée et en soirée. Une oriflamme portant les mots CIRQUE CLANTON flottait paresseusement au sommet du mât central. Jerry ressentait un mouvement JERRY

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de fierté chaque fois qu'il l'apercevait. C'était la première fois que ses parents lui permettaient d'accompagner le cirque en tournée. C'était aussi la première année que le cirque appartenait à son oncle Frank qui l'avait racheté, avec ses économies, à M. Claypole Clanton, l'ancien propriétaire. Dans un cirque, le travail ne manque pas, et Jerry avait pour mission de donner un coup de main à tous ceux qui en avaient besoin. En particulier, il aidait son oncle dans la comptabilité et était même autorisé à paraître sur la piste avec les clowns, par faveur spéciale. Maintenant, après tout un été passé avec le cirque, il se prenait pour un véritable enfant de la balle et aurait aimé se voir traité comme tel par tous ses camarades, qui le tenaient encore pour un « bleu ». Minutieusement, Jerry observait le cirque. A côté de la grande tente de spectacle, il y avait celle de la parade, bleue et blanche, et celle des animaux, toute rouge. Puis, la tente-cuisine et la tente-dortoir. Enfin les camions et les roulottes qui transportaient de ville en ville ce petit monde à part que formait le cirque Clanton.

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Bien sûr, ce n'était qu'un tout petit cirque, mais Jerry était convaincu que c'était le meilleur des États-Unis. Trente-sept roulottes en plus ou moins bon état s'alignaient sur deux rangs devant la grande tente. Jerry les avait comptées dès le premier jour. Lorsqu'il y avait assez de place, on les rangeait en cercle mais ici, à Green City, comme le terrain était étroit, on avait dû les garer le long de la route. Chaque équipe avait sa propre remorque. Jerry et son oncle se partageaient celle qui servait aussi de caisse de location. Jerry se remit lentement en marche, toujours préoccupé. Il n'avait rien pu déceler d'extraordinaire, et pourtant le sentiment d'inquiétude qui s'était emparé de lui ne le quittait pas. Tout à coup, il comprit. C'était le silence. A cette heure-ci, par une claire matinée d'août, le cirque aurait dû n'être que vacarme. Martèlement des maillets sur les

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piquets des tentes, rugissement rauque d'un lion, barrissement d'un éléphant, bourdonnement des conversations, une douzaine de bruits caractéristiques auraient dû retentir de tous côtés, en prévision du spectacle de l'après-midi. Au lieu de cela, le silence. Ou presque. On entendait quelques bruits, bien sûr, mais si peu!... Et ce silence incomplet avait quelque chose de menaçant. De tendu. De presque effrayant. En approchant de la première roulotte, Jerry vit que bon nombre des occupants se tenaient dehors et regardaient tous dans la même direction, vers la grande tente ou peut-être vers la roulotte de son oncle qui était garée à côté. M. Fissel se tenait près de son véhicule et paraissait préoccupé. M. Fissel était contorsionniste et faisait mettre sur ses affiches : Fissel, l'homme qui fait des nœuds. A ce moment précis, il se tenait debout sur les mains, les jambes ramenées en arrière, si bien que ses pieds lui pendaient par-dessus les épaules et se balançaient de part et d'autre de son menton. Il avait trente ans de métier et ne cessait de s'exercer pour conserver la forme. « Monsieur Fissel, demanda Jerry avec anxiété, qu'est-il arrivé? Y a-t-il un malheur? » M. Fissel hocha la tête pour montrer qu'il n'en savait rien. Puis, lentement, il dénoua ses membres et se remit debout. Jerry pressa le pas. De l'autre côté de la route, se trouvait le camion d'Anderson le cowboy, spécialiste du lasso. Le gaillard s'entraînait en visant un poteau, à bonne distance. Jerry fut stupéfait de voir que le cowboy manquait son but et ramenait la corde sans même paraître s'apercevoir de son échec. Lui non plus, il ne quittait pas des yeux la roulotte du directeur. Jerry se rappela avoir entendu dire que la femme d'Anderson était à l'hôpital, et qu'il lui envoyait tout son salaire. Après celle du cowboy était garée la roulotte d'Imo et Jimo, les deux jongleurs japonais, toujours silencieux, toujours graves, qui, les massues à la main, en oubliaient de jongler, tant ils paraissaient préoccupés.

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En face d'eux, Ahmed et Abdullah, les acrobates égyptiens, préparaient leur numéro. Abdullah était debout, les jambes largement écartées. Il portait en équilibre sur sa tête une perche d'aluminium, longue de deux mètres, épaisse de dix centimètres, terminée par des embouts de caoutchouc. Au sommet de la perche, la tête en bas, oscillait Ahmed. Jerry approchait lorsque Ahmed perdit l'équilibre et tomba. Il fit un saut périlleux en l'air et atterrit sur les pieds. La perche, elle, s'abattit avec un bruit sourd presque sur les orteils d'Abdullah. Devant tant de maladresse, le petit homme basané se serait d'ordinaire mis à jurer dans une langue rauque et sifflante - de l'arabe, peut-être, mais, en tout cas, fort peu littéraire. Aujourd'hui, il ne dit pas un mot. Il ramassa seulement sa perche et, la tenant solidement d'une seule main, il tourna les yeux vers la tente centrale, comme les autres. Devant la roulotte suivante — d'un gabarit peu courant — se tenaient le géant Grossomodo — taille : 2,47 mètres; pointure : 54 — et le major Microbe — taille : 1,14 mètre; poids : 20,5 kilos. Grossomodo avait une longue figure à l'expression perpétuellement perplexe; Microbe portait des diamants à tous les doigts et s'habillait avec le raffinement d'un petit mannequin. Les mauvaises langues du cirque disaient qu'il était criblé de dettes, tant il achetait de vêtements et de bijoux; en effet, il ne portait jamais un costume plus de deux mois. Personne n'avait jamais vu le major paraître en public sans sa petite canne en bois poli, à manche recourbé, qui lui servait à attirer l'attention des gens en leur accrochant l'avant-bras. En ce moment, il s'était suspendu par ce moyen au coude de Grossomodo. « Grosse barrique, lui criait-il de sa petite voix flûtée, veux-tu me lever! Je ne vois rien! - Il n'y a rien à voir », bougonna Grossomodo tout en arrondissant ses deux paumes réunies pour que le major pût grimper. Sur les épaules du géant, Microbe s'installa comme sur un mirador et se maintint en équilibre en se tenant aux rudes cheveux de son partenaire.

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« Qu'est-il arrivé? demanda Jerry. Y a-t-il eu un accident? » Grossomodo secoua la tête négativement, si bien que le major faillit tomber. « Tiens-toi tranquille, grosse bête! hurla-t-il. Tu veux me tuer? » Ils ne cessaient de se quereller, mais voyageaient toujours ensemble et étaient malheureux l'un sans l'autre. « C'est Jerry, fit le géant. — Je vois bien que c'est Jerry. J'ai des yeux! » répliqua le nain, tout en regardant Jerry de haut en bas. Cela lui faisait toujours plaisir de pouvoir toiser les gens. « Nous avions entendu quelqu'un crier, expliqua-t-il à Jerry. Mais quand nous sommes sortis,, c'était fini. — Je parie qu'il y a encore eu un vol, marmonna Grossomodo. Si c'est ça, je m'en vais, je démissionne, vu? — Pas avant que j'aie retrouvé ma canne, répliqua le major. Ma plus jolie canne, ma canne porte-bonheur! Et toi, il faut qu'on te rende tes chaussures. Tes belles chaussures de chez le bottier. — Moi, je démissionne, répéta le géant. Tant pis pour la canne et les chaussures. » Jerry poursuivait son chemin. Quelle mauvaise nouvelle pour son oncle, si Grossomodo et Microbe prenaient sérieusement la décision de quitter le Cirque! Le public les aimait beaucoup. Le garçon allait prendre le pas gymnastique lorsqu'il s'entendit appeler. Il fit volte-face et aperçut une petite vieille souriante, le visage tout ridé et les yeux pétillants, qui se tenait derrière lui, à moitié cachée par un camion. C'était For-tunata, la diseuse de bonne aventure, vêtue de sa robe bariolée de bohémienne. Sur le poing, elle portait son perroquet, qui s'appelait M. Coco. Il penchait la tête de côté et son œil rond était fixé sur Jerry. « Tracas, tracasseries! cria-1-il soudain. — Tais-toi donc, lui répondit Fortunata. Tu n'es qu'un oiseau. Mais pour ce qui est des tracas, ça ne m'étonnerait pas si nous en avions encore. Il est arrivé malheur à Mme Winifred. — La charmeuse de serpents? Est-elle malade? demandajerry.

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— Tracas, tracasseries ! répéta le perroquet. — Si elle était malade, elle crierait moins fort, fit Fortunata, qui ne souriait plus. Mme Winifred n'est pas contente du tout. Elle doit être chez votre oncle, en ce moment. Je crois qu'on a encore volé quelque chose. — Encore! J'espère bien que non! s'écria Jerry. Je vais voir si je peux aider oncle Frank. » II partit au pas de course vers la roulotte de son oncle. Chemin faisant, il passa devant les Six Ferdinand volants, et le mélancolique Espadon; les uns, au lieu de faire leur numéro de voltige, l'autre au lieu d'avaler ses sabres, regardaient la roulotte de tête. Jerry s'y précipita, tout haletant. M. Frank Mason siégeait derrière son bureau. Son visage, tanné par les intempéries, paraissait grave. En face de lui, était assise Mme Winifred, petite bonne femme boulotte qu'on appelait la Reine des serpents. Sur ses affiches, on la voyait entourée de tous les reptiles de la jungle, mais, dans la vie quotidienne, c'était une brave personne qui adorait tricoter des chandails

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pour ses amis. En ce moment, il est vrai, un serpent s'enroulait sur son bras gauche comme un énorme bracelet et lui caressait la joue de sa tête triangulaire. « Jerry! s'écria Mme Winifred. L'avez-vous vue? Savez-vous où est ma chère petite Belle? - Belle? » répéta Jerry. Il essayait de se rappeler une personne portant ce nom. « Mais oui, Belle, ma ravissante petite Belle, toute blanche, toute mouchetée, ma plus vieille amie, ma plus chère compagne. On me l'a prise! On me l'a enlevée! » Mme Winifred affectait toujours de parler de ses serpents comme de personnes humaines. « Volée! dit Jerry, en se laissant tomber sur une chaise. En êtesvous sûre? - C'est précisément la question que je posais à Mme Winifred », bougonna oncle Frank. Il se pencha en avant : « Winifred, vous le savez, un serpent passe par une fente minuscule. Peut-être Belle... - Non, non! C'est impossible! cria Mme Winifred. Il n'y a qu'une fenêtre solidement grillagée. Quelqu'un a coupé le grillage pour voler Belle. Allez voir vous-même. » Frank Mason et Jerry se levèrent. « C'est ce que nous avons de mieux à faire, dit l'oncle de Jerry. Restez ici, Winifred, et calmez-vous. Nous retrouverons Belle si c'est humainement possible. » Laissant la charmeuse de serpents dans la roulotte-bureau, ils sortirent par-derrière, sans prêter attention à tous les regards fixés sur eux. « Jerry, fit M. Mason sérieusement, tout en marchant vers une roulotte vert olive, sur laquelle était écrit en grosses lettres le nom de MADAME WINIFRED, la situation devient critique. Avons-nous un fou parmi nous? Il y a cinq jours, on volait la plus belle paire de chaussures de Grossomodo; la nuit suivante, la canne porte-bonheur du major. La nuit d'après, le meilleur lasso d'Anderson disparaît. Hier, Espadon ne retrouve plus l'un de ses

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sabres. Et aujourd'hui, un serpent prend la clef des champs. Je ne vois aucune logique dans tout cela. » Jerry ne répondit pas. Qui pouvait voler un assortiment pareil d'objets sans valeur réelle? Jerry pensait aussi à un autre larcin, dont son oncle n'avait pas parlé. Un diamant, appelé « la Flamme verte », avait été volé cinq jours plus tôt au musée de Millerton, justement quand le cirque Clanton y donnait une représentation. Et la Flamme verte valait près de 100000 dollars... Sans prêter attention à la partie avant de la roulotte de Mme Winifred, aménagée en un appartement, ma foi fort confortable, oncle Frank passa dans la partie arrière, où l'on accédait en franchissant deux portes, l'une en métal, l'autre en grillage serré. Derrière la deuxième porte se trouvaient sept ou huit cages de verre dans lesquelles des serpents de diverses couleurs se tenaient lovés. L'un d'eux, un gros python, dressa la tête. « Elle a raison, dit M. Frank. Belle n'aurait pu s'échapper. Winifred enferme toujours ses petits amis à clef. Mais regarde le grillage de la fenêtre de ventilation : il a été découpé. » L'unique fenêtre était petite — 40 centimètres de côté — et elle se trouvait tout au fond de la roulotte, sous le toit. Le grillage avait été découpé le long des bords. « Regardons de l'extérieur », dit M. Mason. Ils sortirent de la roulotte et virent que la fenêtre se trouvait placée nettement au-dessus de la tête de M. Mason. « Grimpe et jette un coup d'œil! » commanda l'oncle en se préparant à faire la courte échelle à son neveu. A ce moment, Jerry s'écria : « Regarde! » Là, par terre, à l'aplomb de la fenêtre, on voyait une empreinte de pied dans le sable. C'était une empreinte énorme, presque deux fois plus longue et plus large qu'une empreinte normale. « Grossomodo, murmura M. Frank. Il est venu ici hier soir... - A moins que..., fit Jerry, qui ne savait plus que penser. Laissemoi chercher d'autres indices. » Avec l'aide de son oncle, il se hissa jusqu'à la fenêtre. Le grillage avait été découpé sur les côtés et à la partie inférieure,

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de façon à pouvoir être repoussé à l'intérieur. Jerry introduisit sa tête et ses épaules dans la roulotte. En bas, hors de sa portée, se trouvaient les cages. L'une d'elles était vide. A part cela, tout paraissait en ordre. Jerry retira sa tête et se laissa glisser à terre. « Grossomodo n'aurait jamais pu passer ses épaules par cette ouverture, remarqua-1-il. D'ailleurs, il a peur des serpents. - Et Microbe? Il aurait pu passer, lui, et se pencher à l'intérieur. - Mais ses bras auraient été trop courts. Il n'aurait jamais pu atteindre Belle. - La canne! s'écria M. Mason. Il accroche toujours les gens avec sa canne. Il aurait fort bien pu accrocher Belle par le milieu du corps et la soulever. Le géant et le nain auraient travaillé ensemble. - Mais, oncle Frank, protesta Jerry, puisqu'on a volé une des paires de chaussures de Grossomodo et la canne de Microbe! C'est quelqu'un d'autre qui a pu utiliser ces accessoires pour détourner nos soupçons ! » M. Mason se mordait la lèvre en silence. Ces vols absurdes avaient créé une atmosphère de suspicion et d'anxiété qui pesait lourd sur le petit monde du cirque Clanton. « Tu as peut-être raison, admit-il. Mais il se peut aussi que Grossomodo et le major aient menti en nous disant qu'ils avaient été volés. - Et le lasso d'Anderson? Et l'espadon du Sabre... je veux dire le sabre d'Espadon? - Microbe aurait fort bien pu se glisser dans les camions pour dérober ces objets. Je parie que le sabre a servi à découper le grillage. Et le lasso a pu être utilisé pour attacher la malle ou la caisse dans laquelle on a caché Belle. - Mais pour quoi faire? demanda Jerry, qui n'avait pas envie que Grossomodo et le major fussent coupables. - Je n'en sais rien. Peut-être pour brouiller les idées du détective de cette compagnie d'assurances qui enquête sur le vol du diamant de Millerton. Nous apprendrons le motif quand nous

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Avec l'aide de son onde, il se hissa jusqu'à la fenêtre.

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aurons retrouvé le serpent. Je vais faire fouiller tout le cirque, centimètre par centimètre. Et je vais soigner particulièrement la roulotte du major et de son géant. - Ne leur montrez pas que vous les soupçonnez, oncle Frank, conseilla Jerry. Grossomodo menace déjà de démissionner. Il est dans tous ses états. - Nous sommes tous dans tous nos états, repartit M. Mason en prenant la direction du bureau. Si nous ne retrouvons pas Belle, nous aurons quantité de désertions. Peut-être n'aurons-nous plus de quoi assurer un spectacle. Alors, adieu les économies que j'ai investies dans ce cirque. » Dans la roulotte, ils retrouvèrent Mme Winifred qui roucoulait quelque chose au serpent enroulé sur son bras gauche. Elle leva les yeux, pleine d'espoir : « Vous avez retrouvé Belle? - Pas encore, répondit Mason. De quelle taille était-elle? - 177 centimètres de pied en cap, si on peut dire qu'elle a un pied et un cap, répondit Mme Winifred. 9 centimètres de diamètre et le plus charmant caractère de serpent que j'aie jamais rencontré. Bien sûr, elle se fait vieille maintenant et je ne peux plus m'en servir pour mon numéro, mais je l'aime toujours beaucoup. - Nous allons retourner le cirque de fond en comble pour la retrouver, déclara M. Mason. Rentrez chez vous et préparezvous pour le spectacle. - Je vais baigner Hercule, mon gros python, répondit Mme Winifred. Et je ferai cuire des œufs pour mes petits chéris. » Elle sortit. M. Mason poussa un profond soupir. « Jerry, veux-tu aller me chercher Parker, le détective? Nous allons prendre Jake Ferrel et deux autres hommes de confiance pour fouiller tous les coffres, toutes les valises, toutes les barriques où on aurait pu cacher Belle. - J'y vais, oncle Frank. Je pourrai vous aider à fouiller? - Je regrette, mon garçon. J'aurai besoin de toi à la caisse. N'oublie pas de casser la croûte avant de revenir. » Jerry sortit de la roulotte. Le soleil brillait et l'atmosphère du cirque Clanton avait changé de nouveau. Le bruit main-

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tenant ne manquait plus, mais il trahissait la nervosité des artistes. Tout le monde savait la nouvelle : on discutait ferme sur la signification de ce nouveau larcin. Les gens du voyage sont superstitieux : Jerry savait bien que, si l'on commençait à dire que le cirque Clanton portait malheur, M. Mason serait définitivement ruiné. C'est alors que Jerry décida de résoudre l'énigme. Il ne savait pas encore comment il allait s'y prendre, mais il ne doutait pas de la réussite. ------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : Hum! hum! Cela ne se fait pas, de lire par-dessus l'épaule des gens. Mais, voyez-vous, je constate que Jerry vient de décider de percer le mystère des cinq larcins et je me demande si vous n 'allez pas essayer de le percer avant lui. Bien sûr, si vous en avez déjà deviné le fin mot, je n'aurai pas l'air très malin. Du reste, l'expérience des émissions-mystères que je fais à la télévision m'a appris à redouter les imaginations juvéniles... Mais enfin, en admettant que vous ne soyez pas encore tout à fait prêts à passer les menottes aux vrais coupables, vous auriez tout intérêt à prêter une attention soutenue à ce qui va suivre. Et vous pourriez peut-être aussi relire ce qui précède. Il y a déjà eu deux indices, ma foi, fort curieux... ------------------------------------------------------------------------------------Jerry trouva M. Parker dans la tente-cuisine. Le détective de la compagnie d'assurances accompagnait le cirque dans ses déplacements depuis la disparition de la Flamme verte à Millerton, la semaine précédente. Parker était un petit homme mince et chauve. Il se faisait passer pour un journaliste qui menait une enquête sur la vie des cirques. « Dites donc, mon garçon! s'écria-t-il dès qu'il eut aperçu Jerry. J'ai une proposition à vous faire. Vous êtes tout le temps à tourner dans le cirque, vous entendez les gens discuter. Vous avez peut-être déjà votre petite idée sur le bonhomme qui a volé la Flamme verte dans le musée de Millerton. Moi, ajouta-t-il en soupirant, je n'arrive pas à faire bavarder vos camarades. Ils

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ont dû deviner qui j'étais. Mais si vous m'aidez à retrouver le diamant, je veux bien partager la récompense avec vous. Cinq mille dollars, ça vous dit quelque chose? » Si Parker avait été un bon détective, il se serait aperçu que la plupart des artistes du cirque Clanton considéraient Jerry comme un bleu, pas du tout comme un camarade. Il ne gagnerait leur confiance qu'en restant parmi eux assez de temps pour devenir un ancien ou alors en accomplissant un exploit quelconque qui leur montrerait qu'il faisait partie de la maison. De son côté, si c'était vraiment l'un des artistes qui avait volé la Flamme verte, Jerry voulait que le voleur fût découvert, pour laver la réputation des autres. « Pourquoi êtes-vous si sûr que le coupable soit l'un des artistes? demanda Jerry. - C'est évident, répondit Parker. Écoutez-moi. A Millerton, votre terrain est à cinq cents mètres du musée. Samedi dernier, pendant que vous montiez vos tentes, quelqu'un a grimpé jusqu'à une fenêtre du deuxième étage, en s'aidant du lierre qui couvre le mur. Il a brisé la vitrine où la Flamme verte était exposée. Elle était enchâssée dans un grand pectoral hindou en or et il y avait aussi dans la vitrine d'autres échantillons d'art oriental. Mais le voleur n'a pris que le pectoral, parce que le diamant était le seul objet de valeur qu'il pût espérer vendre. Voilà qui indique du bon travail de professionnel : un amateur se serait bourré les poches. - Résultats : vous-même et la police, vous vous êtes empressés de conclure que le coupable était l'un de nos artistes, répliqua Jerry. Les policiers sont venus et nous ont tous fouillés. Ils ont mis le cirque sens dessus dessous. Nous avons été obligés de supprimer la, matinée, oncle Frank a perdu beaucoup (l'argent et nous étions tous drôlement furieux! - Sauf l'un de vous, qui avait drôlement peur, repartit Parker. Quelqu'un a bien extrait la pierre du pectoral, puisque la police l'a retrouvé, sans le diamant, dans les buissons derrière vos lentes. Évidemment, un diamant, c'est plus facile à cacher qu'un grand pectoral d'or. Si je suis encore là, c'est que la

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police n'a pas trouvé le diamant, et que je suis sûr qu'il n'est pas loin! - Je crains bien que vous n'ayez raison, reconnut Jerry malgré lui. Je vous aiderai si vous... - C'est gentil de votre part! s'écria Parker. - Laissez-moi finir. Je vous aiderai à retrouver le diamant si vous nous aidez à retrouver Belle. - Belle? Qui est Belle? - Un des serpents de Mme Winifred. - Un serpent? Dites donc! Je n'ai pas envie de me faire piquer par une de vos sales bêtes. - Aucun de nos serpents n'est venimeux, monsieur Parker. Quelqu'un a volé Belle, comme on a volé les souliers du géant, la canne du nain, le lasso du cowboy et le sabre de l'avaleur de sabres. - Un petit farceur qui s'amuse ! répondit Parker. Ces choses-là, ça ne me regarde pas. Je suis un détective pour hommes. Pas un détective pour serpents. - Écoutez, monsieur Parker. Mon oncle va faire fouiller le cirque pour retrouver Belle. Il voudrait que vous l'aidiez. Cela vous permettra de chercher encore une fois votre diamant. Puisque vous êtes détective, vous penserez peut-être à des cachettes que les amis de mon oncle auraient négligées. - Si vous le prenez comme ça..., hésita Parker, en se grattant le menton. Voulez-vous me décrire le disparu? - 177 centimètres de long, 9 centimètres de diamètre, moucheté noir sur blanc, charmant caractère, répondit Jerry. C'est un vieux serpent qui retombe en enfance. - Hum! fit Parker, en regardant autour de lui. Un vol de serpent! Jamais vu ça. Où peut-on cacher un serpent? Dans un pneu de rechange, peut-être, ou dans un tuyau à incendie? - Plutôt dans une boîte, une caisse, une malle, un panier, répliqua Jerry. De toute façon, oncle Frank veut que vous fouilliez tout. Vous feriez mieux d'aller le voir tout de suite. » Le détective obéit et Jerry déjeuna tristement. Le cuisinier, un ancien hercule, faisait des commentaires moroses sur la situation :

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« Voilà maintenant qu'ils se mettent à voler des serpents! Et il paraît qu'il va y avoir encore une fouille. - Il faut bien que l'on retrouve Belle, dit Jerry. - En tout cas, ils ne vont pas la chercher dans mes cubes de glace, grommela le cuisinier. Le commissaire m'a cassé toute ma glace, à Millerton. Et quelqu'un m'a pris un panier plein d'œufs durs. Jerry, mon garçon, j'ai vu de bons cirques ruinés pour moins que cela. » Jerry repartit dans la direction de la roulotte-bureau. Il était si absorbé dans ses pensées qu'il ne prêta aucune attention à l'activité qui régnait autour de lui, jusqu'au moment où une main lui toucha le coude. « Jerry! Tiens, Fortunata! » C'était la bohémienne, M. Coco toujours perché sur son bras, qui avait arrêté le jeune garçon. « Tracas, tracasseries ! cria le perroquet.

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- Nous le savons bien sans toi, répliqua Fortunata. Viens avec moi, Jerry. M. Coco te dira la bonne aventure. » A l'intérieur de la petite tente de Fortunata, se trouvait une table de bois sur laquelle reposaient six cages. Dans chacune des cages, on apercevait une boîte renfermant une pile de bouts de papier soigneusement plies. « II faut donner la pièce à M. Coco, dit Fortunata en souriant. Horoscope gratis ne vaut rien. » Jerry trouva une pièce dans sa poche. L'oiseau la prit dans le bec et la jeta dans un bol vert. Puis il suivit une rampe qui montait vers les six cages. Il s'apprêtait à entrer-dans celle du milieu lorsque Fortunata siffla. Aussitôt, le perroquet courut jusqu'à la dernière cage, y choisit un papier et le rapporta à Jerry. Jerry, perplexe, lut le message suivant : Pour réussir, pense droit. « Une prédiction agréable? demanda Fortunata, ses yeux noirs tout brillants. - C'est certainement un très bon conseil, répondit Jerry en hésitant. Mais dans la situation actuelle, je ne crois pas qu'il puisse me servir à grand-chose. - M. Coco donne toujours des conseils utiles. Penses-y comme il faut, Jerry. » ------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : Pardonnez mon intervention. Je vous propose de vous arrêter cinq minutes pour réfléchir. Quelque chose me dit que M. Coco et Fortunata s'efforcent de communiquer un secret à Jerry. Bien sûr, mais lequel?... Revenons à notre histoire. ------------------------------------------------------------------------------------La roulotte-bureau de location était vide. Jerry se laissa tomber dans le fauteuil de son oncle, saisit un morceau de papier et un crayon pour mettre ses pensées en ordre, comme il aimait à le faire. Après quelques instants, il relut ce qu'il venait d'inscrire noir sur blanc :

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OBJETS VOLÉS 1. 2. 3. 4. 5. 6.

Un diamant de grande valeur. Une paire de chaussures de géant. La canne d'un nain. Un lasso. Un sabre. Un serpent. QUESTIONS

Est-ce la même personne qui a volé ces objets? Dans l'affirmative, pourquoi? Quel rapport entre un diamant et le reste? Peut-être y a-t-il un rapport entre certains objets mais pas entre les autres? Réflexion faite, Jerry ajouta : Un panier d'œufs durs aurait aussi été volé. Cela rendait les choses encore plus confuses. Probablement les œufs avaient-ils été simplement dérobés par un affamé. Jerry était prêt à donner sa langue au chat lorsque son oncle entra. Il paraissait fort ennuyé. « Nous n'avons pas trouvé le serpent, fit-il. Pourtant, nous avons regardé partout. Ce Parker est un imbécile. Il voulait fouiller les pneus de rechange, la grosse caisse de l'orchestre et les bassines sur lesquelles les éléphants se tiennent en équilibre. Le cuisinier a failli le rosser quand il s'est avisé de plonger son nez dans la farine et le sucre en poudre. » M. Mason eut un petit rire sec. Mais il reprit gravement : « Jerry, je ne sais pas ce que nous allons faire. Tout le inonde est si nerveux... Enfin, pour l'instant, il faut se préparer pour la matinée... » A ce moment, on frappa à la porte. Jake Farrell, un grand rouquin, entra. Sur sa figure sympathique, on lisait une expression étrange.

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« Ça y est, c'est retrouvé, fit-il. - Qui? Belle? demanda M. Mason. - Non, pas Belle. Les autres choses. Les chaussures, la canne et le reste. - Où cela? - Le tout était enterré derrière la tente-cuisine. Venez voir. » Cependant le public commençait déjà à arriver. Les gens achetaient des friandises, écoutaient la parade, visitaient la ménagerie. M. Mason et Jerry suivirent Farrel jusqu'à la tente-cuisine. Un groupe d'hommes gardaient les yeux fixés sur un morceau de toile étendu par terre. Farrel la souleva et découvrit une fosse-dans laquelle se trouvait une caisse étroite, toute noire, qui ressemblait à un cercueil en miniature. Le couvercle était transpercé par le sabre de l'avaleur de sabres, enfoncé jusqu'à la garde. « Diable! » s'écria M. Mason. Déjà, Farrel ramenait la caisse, arrachait le sabre, soulevait le couvercle... Jerry se haussa sur la pointe des pieds pour mieux voir et sentit un frisson d'horreur lui descendre le long du dos. Dans le petit cercueil, on voyait les chaussures de Grossomodo réduites en lambeaux. Par-dessus, des morceaux de la canne du major Microbe. A côté, un lasso dans la boucle duquel avait été passée une poupée de chiffons. Sur le bras de la poupée, on avait dessiné grossièrement un serpent, si bien que, de toute évidence, elle figurait Mme Winifred. On aurait dit que la personne qui avait enterré ces objets en voulait à la vie même de leurs propriétaires. « Cachez cela! commanda Frank Mason qui avait blêmi. Et n'en parlez à personne. » Farrell enveloppa la caisse dans la toile. « Trop tard, grommela-t-il. On nous a vus déterrer le trésor et, à l'heure qu'il est, tout le cirque doit être au courant. - Alors, que les hommes retournent à leur travail. Venez, Farrell. Il faut que nous discutions la situation. Jerry, prépare-toi pour la matinée.

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- Oui, oncle Frank », dit Jerry, qui ne pensait qu'au bizarre contenu de la caisse. Il aurait aimé parler un instant à son oncle. Personne n'avait remarqué que, de tout ce qui avait été volé, seule Belle manquait encore. Quelqu'un avait enterré le reste de telle façon qu'il serait sûrement retrouvé. Le serpent, non. Pourquoi? Le voleur désirait-il que la boîte noire et son contenu fussent découverts? Jerry pensait que oui. Mais dans quel dessein? Le résultat obtenu ne serait qu'un mécontentement général encore plus poussé. Quelqu'un essayait-il donc de ruiner le cirque? Était-ce là le mot de l'énigme? Tout en réfléchissant, Jerry se rendit à la tente des clowns. Tom Click, le clown en chef, l'homme le mieux payé du cirque, était en train de se maquiller. Il traitait Jerry de haut mais amicalement. « Tu es en retard, mon garçon, remarqua-1-il. - Oui, monsieur Click », répondit Jerry. Il endossa un costume de clown, blanc et rouge, puis il

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commença à se maquiller. Il mit du rouge sur son nez, des cercles blancs autour des yeux, se fit de grosses lèvres rouges cernées de blanc. « L'année prochaine, je pourrai encore faire le clown, monsieur Click? demanda-t-il. - Hum! fit M. Click, en se mettant sur la tête une perruque où des pétards étaient dissimulés. Y aura-t-il une année prochaine? » Il glissa un canard vivant dans sa poche. « On ne parle plus que du cercueil. Beaucoup d'entre nous pensent que le cirque est ensorcelé et se préparent à partir. Grossomodo, Microbe, Mme Winifred, Anderson... » Jerry acheva de se maquiller en silence. Il était persuadé que le coupable avait autre chose en tête que la sorcellerie. La musique familière retentit à ses oreilles et il courut avec les autres clowns pour participer à la parade. Pendant une heure, il n'eut plus le temps de penser : il faisait la roue et toutes sortes d'exercices à quoi il excellait. Lorsque les clowns eurent fini leur numéro, ils se retirèrent de façon à pouvoir aider leurs camarades, le cas échéant. En effet, la tradition du cirque Clanton voulait que si un incident quelconque survenait pendant un numéro, les clowns vinssent aussitôt à la rescousse en attirant sur eux l'attention du public. Ce jour-là, tout alla de travers. Les animaux eux-mêmes devenaient nerveux par contagion. La vieille Mom, chef de file des éléphants, ne voulut pas danser et les autres éléphants l'imitèrent. Les lions se battirent entre eux : il fallut les séparer. Imo et Jimo, les jongleurs japonais, qui se lançaient des torches enflammées -- ils auraient pu faire ce tour-là les yeux fermés —, perdirent leur assurance, et Imo se brûla grièvement. Jerry fit la roue sur la piste pour leur permettre de se retirer. Ahmed et Abdullah entrèrent en courant et leurs acrobaties stupéfièrent le public... jusqu'au moment où, subissant les effets de la nervosité générale, ils manquèrent leur grand numéro, celui où Ahmed se tenait la tête en bas sur une perche d'aluminium qu'Abdullah portait sur sa tête à lui. Ahmed n'était pas encore en position qu'il perdait déjà l'équilibre et tombait à terre. Le

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Le cylindre d'aluminium s'abattit sur lui avec un bruit mat.

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cylindre d'aluminium s'abattit sur lui, avec un bruit mat. Jerry se dit que cette chute lui rappelait quelque chose... Puis, avec les autres clowns, il essaya de distraire le public. Les Égyptiens sortirent en s'injuriant. Tom Click vint jouer une pantomime où il figurait à lui tout seul deux lutteurs : il y mettait tant de talent qu'on croyait voir son invisible adversaire... Le filet fut installé pour les Ferdinand volants qui commencèrent par redresser la situation en réussissant leur numéro aérien. Tout à coup, Signor Ferdinand manqua de rattraper sa femme qui faisait un double saut périlleux arrière. Elle tomba dans le filet. Le filet avait été mal attaché et céda sous le poids. La foule poussa un cri de terreur. Aussitôt la signera Ferdinand bondit sur ses pieds, pour montrer qu'elle n'était pas blessée et les clowns se précipitèrent de nouveau pour faire diversion. Les Ferdinand, vexés et furieux, quittèrent la piste. « L'année prochaine, ils ne reviendront pas!» souffla Tom Click à Jerry qui faisait semblant de le gifler. Les pétards cachés sous la perruque éclatèrent. Tom poursuivit : « Ça va mal, mon garçon. On vient de me dire que le cowboy est déjà parti. Grossomodo et Microbe ont voulu prendre la poudre d'escampette aussi, mais ton oncle les a retenus : il veut les faire arrêter. » Machinalement, Jerry fit la roue. Grossomodo et Microbe n'avaient rien à voir dans tout cela : il en était sûr. Tous les événements qui avaient eu lieu portaient la marque d'un esprit astucieux, ingénieux, tortueux comme un serpent... Tortueux comme un serpent! Mais les serpents ne sont pas toujours tortueux... Tout à coup, toutes les pensées qui trottaient dans la cervelle de Jerry retombèrent en place, comme les différentes pièces d'un puzzle. Il comprenait maintenant ce que signifiaient : un cercueil en miniature, une paire de chaussures et une canne volées,

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un serpent disparu, un géant et un nain qui s'énervaient et voulaient démissionner immédiatement, un panier d'ceufs durs volatilisés, la prophétie de M. Coco, et un bruit sourd qu'il avait entendu deux fois ce jour-là. Tout cela avait un sens. Mais il fallait agir avant qu'il ne fût trop tard. D'un bond, Jerry revint au centre de la piste où Tom Click faisait l'étonné sous les feux d'artifice qui sortaient de sa chevelure. « J'ai quelque chose d'urgent à faire! » souffla Jerry au clown en chef. Sans attendre de réponse, il fit la roue jusqu'à la sortie des artistes. Une fois dehors, il se remit debout et courut vers les véhicules. Le terrain était presque vide, mais de la roulotte de Grossomodo et de Microbe provenaient des cris. Le nain et le géant se tenaient dehors et apostrophaient quelqu'un qui se trouvait à l'intérieur. Jerry ne s'arrêta pas. De l'autre côté de la route, il vit les Ferdinand volants qui, l'air sinistre, se préparaient à partir. Le camion du cowboy avait disparu. Mais la roulotte bleue, toute luisante, qui intéressait Jerry n'avait pas encore bougé. Pourtant deux hommes avaient déjà pris place dans la cabine du véhicule qui la remorquait, et le conducteur venait de mettre le moteur en marche. Jerry fit le tour de la roulotte, si bien que les deux hommes ne pouvaient plus le voir. Il y avait une porte de derrière. Pourvu qu'elle ne fût pas fermée à clef! Jerry tourna la poignée, la portière s'ouvrit. La roulotte se mettait déjà en mouvement, lorsque Jerry grimpa à l'intérieur et se mit à fouiller dans les accessoires rangés. à l'arrière. Il vit ce qu'il cherchait, et s'en empara. L'objet était lourd et incommode à porter. Jerry le saisit à deux bras, sauta dehors

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et remonta la route au pas de course. Il espérait que les deux hommes ne le verraient pas. Mais ils le virent. L'automobile s'arrêta. Les portières s'ouvrirent. Les deux hommes se précipitèrent à la poursuite de Jerry. Furieux, ils l'appelaient à grands cris, mais le garçon ne s'arrêta pas. Portant toujours son fardeau, il courait de toutes ses forces. Grossomodo et le major Microbe étaient encore devant leur roulotte et discutaient rageusement avec quelqu'un. Jerry se précipita vers eux, tandis que ses poursuivants gagnaient du terrain. « Grossomodo ! cria Jerry en rassemblant tout ce qui lui restait de souffle. Au secours... » II était sur le point de se mettre sous la protection du géant étonné lorsque l'un des poursuivants le plaqua au sol. Jerry tomba. L'objet qu'il portait vola loin de lui, sa tête heurta quelque chose de dur et il perdit connaissance.

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ALFRED HITCHCOCK : Excellente occasion pour que je fasse une apparition. Pendant que Jerry reprend ses esprits, dites-moi donc si vous avez résolu le Mystère des cinq larcins. Je crains bien que vous ne répondiez oui et, à vous parler franchement, je n'aime pas beaucoup les jeunes gens qui se montrent plus astucieux que moi. Quant à ceux d'entre vous qui cherchent encore laborieusement, je leur conseille de méditer ceci. Il n'y avait qu'un motif pour voler Belle. Il y en avait deux pour voler les chaussures, la canne, le lasso et le sabre. Un serpent n'est pas toujours tortueux. Et n'oubliez pas le bruit mat... Suffit. J'en ai déjà trop dit. Si vous êtes pressé, en avant toute! Je vous promets de ne plus réapparaître avant la fin. -------------------------------------------------------------------------------------CONCLUSION Jerry ouvrit les yeux et vit que son oncle l'aidait à s'asseoir. Farrell se tenait auprès d'eux. Jerry battit des paupières. Sa tête lui faisait mal. Un peu plus loin, Grossomodo tenait fermement les deux hommes qui avaient poursuivi le garçon. « Jerry, comment te sens-tu? demanda M. Mason. - Ça va, dit Jerry, en se frottant la tête. Excepté cette bosse. - Alors, dit M. Mason d'un ton grave, en aidant Jerry à se lever, tu pourrais peut-être nous donner quelques explications. Ces deux messieurs affirment que tu leur as volé un de leurs accessoires et que c'est toi aussi qui as subtilisé les chaussures de Grossomodo, la canne du major et le reste. Est-ce que tu t'es vraiment livré à ces enfantillages sans penser aux conséquences ? — Non, oncle Frank, répondit Jerry solennellement. J'ai pris ceci — il indiquait l'accessoire que tenait maintenant JakeFarrell—, mais j'étais obligé. Je crois que j'ai compris tout ce qui s'est passé. - Alors dépêche-toi de nous l'expliquer, dit M. Mason un peu plus doucement. - Je vais commencer par le commencement, proposa Jerry. En réalité, c'est tout simple.

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— Simple? s'écria Frank Mason. Nous verrons cela. Allons discuter dans la roulotte. Grossomodo, amène-moi ces deux-là. » Les deux hommes protestèrent en se débattant, mais Grossomodo les tenait chacun d'une main et les fit entrer de force dans la roulotte. Jerry, son oncle, Parker et le major les suivirent. Grossomodo ferma la porte et s'y adossa. Les deux hommes se taisaient, l'air accablé. « Tout a commencé il y a cinq jours, à Millerton, dit Jerry, le jour où la Flamme verte a été volée. - Je le savais! s'écria Parker, mais Mason le fit taire d'un coup d'œil. - Le cirque se trouvait sur un terrain proche du musée, poursuivit Jerry. Quelqu'un a grimpé jusqu'au second étage, en s'aidant du lierre. Le vol a visiblement été commis par un ou des voleurs expérimentés... - Précisément ce que je disais! interrompit Parker. - La police de Millerton nous a tout -de suite soupçonnés, peutêtre simplement parce que nous ne sommes pas du pays, et s'est mise à fouiller nos tentes et nos roulottes. Cette fouille a terrifié le voleur. Il devait cacher le diamant immédiatement dans un endroit où jamais aucun policier ne penserait à le chercher. Pas dans sa propre roulotte, bien sûr, parce que si on l'y retrouvait, le voleur serait découvert. Alors il a enlevé le diamant de sa monture, a jeté la monture et a caché le diamant. - Où ça? demanda Farrell, l'œil sombre. - J'y arrive, répondit Jerry. Mais laissez-moi d'abord parler des autres vols. La nuit après la disparition de la Flamme verte, les souliers de Grossomodo furent volés, ce qui l'ennuya beaucoup. - Je crois bien! grommela le géant. Ma plus jolie paire de « liaussures. }e l'ai payée cent dollars au bottier. - La nuit suivante, poursuivit Jerry, le major ne retrouva |)lus sa canne. - Ma canne porte-bonheur! piailla Microbe. La canne qui ne m'a pas quitté depuis que je suis artiste! Elle vaut plus que «le l'argent. Si jamais je rencontre le coquin qui me l'a cassée, M lui tords le cou! »

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Il serrait ses petits poings d'un air comique, mais personne ne sourit. « Puis on vola le sabre d'Espadon et le meilleur lasso d'Anderson, reprit Jerry. C'était absurde. - Pas du tout, répliqua Parker. Ces objets ont servi au voleur pour enlever Belle. - Mais non, répondit Jerry. Ou bien, s'ils lui ont servi, ce n'est qu'après coup. Il avait de meilleures raisons pour voler des objets aussi hétéroclites. D'abord, il voulait mettre tout le monde mal à l'aise. C'est pour cela qu'il a enterré le tout dans un cercueil en miniature. Pour faire accroire aux gens que quelqu'un essayait d'ensorceler le cirque. » Jerry regarda les visages sourcilleux qui l'entouraient. Le petit minois du major Microbe lui-même était devenu un masque de perplexité. « Voyez-vous, reprit Jerry, depuis le début, le voleur voulait enlever le serpent de Mme Winifred, Belle. Les voleurs, devrais-je dire, car il est évident que pour voler Belle il fallait deux hommes, l'un faisant la courte échelle à l'autre. Mais en outre, il fallait que, après avoir enlevé Belle, ils pussent quitter le cirque sans éveiller de soupçons. En volant les chaussures et les autres objets, ils créaient une atmosphère telle que certains de nos camarades nous ont abandonnés d'eux-mêmes : cela leur permettait donc de partir, eux aussi, sans être soupçonnés. De plus, personne ne pouvait deviner que Belle seule était importante. Tout le monde a pensé ce que les voleurs voulaient que nous pensions, c'est-à-dire que Belle faisait simplement partie d'une série d'objets sans lien logique. C'était là la seconde raison. — Un instant! s'écria Frank Mason. Tu veux dire qu'il y a un rapport entre le vol du diamant et celui de Belle? » Jerry secoua la tête affirmativement si fort que sa bosse recommença à lui faire mal. a J'en suis persuadé, fit-il. Surtout depuis que je sais, grâce au cuisinier, qu'un panier d'œufs durs a disparu le même jour que le diamant. » L'étonnement se répandit sur les traits de Farrell.

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« Attends! Je crois que j'ai compris, s'écria-t-il. Winifred donne des œufs à manger à ses serpents, vous l'avez tous vue faire rouler ses œufs : alors, les serpents croient qu'ils sont vivants et les avalent. » Les autres inclinèrent la tête, mais sans comprendre. Farrell poursuivit : « Prenons quelqu'un qui aurait volé un diamant. Il sait qu'il va être fouillé dans quelques instants. Il faut qu'il cache le diamant dans un endroit où personne ne le cherchera mais où lui, plus tard, pourra aller le récupérer. Il constate que la roulotte où se trouve Belle n'est pas gardée. Il pense aux serpents. Il dérobe des œufs durs à la cuisine en profitant de la confusion générale et... » Farrell regarda Jerry : « A toi d'achever, mon garçon, puisque c'est toi qui as trouvé le pot aux rosés. - Je pense, reprit Jerry, que les voleurs ont creusé un trou

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dans un œuf dur et qu'ils y ont introduit le diamant après l'avoir extrait de sa monture. Puis, ils ont donné l'œuf à Belle qu'ils avaient choisie parce qu'elle avait exactement la taille qu'il fallait pour entrer dans la cachette qu'ils avaient en tête. - Je veux bien être pendu, dit Frank Mason, si j'ai jamais entendu parler d'une histoire pareille. Cacher un diamant dans un serpent! Mais ton raisonnement a l'air logique. - Bien sûr, ajouta Farrell. Et plus tard, il a fallu qu'ils volent le serpent sans exciter de soupçons. Alors, ils ont dérobé les autres objets pour nous brouiller les idées. Maintenant, Jerry, il te reste à nous dire où est dissimulée Belle. » Jerry lui prit des mains la perche d'aluminium dont Ahmed et Abdullah, les acrobates égyptiens, se servaient pour leur numéro. « Cette perche a deux mètres de long et dix centimètres d'épaisseur, ditil. Belle a 177 centimètres de long et 9 de diamètre. Ne trouvez-vous pas que cette perche est bien lourde et mal équilibrée, pour un tube d'aluminium? Le bruit qu'elle faisait en tombant et le message de M. Coco m'ont mis sur la piste. A moins que je ne me trompe, nous trouverons donc... » Avec un effort il arracha l'embout de caoutchouc et souleva la perche. Alors tout le monde put voir le serpent disparu glisser lentement hors du tube et retomber sans vie sur le sol. Ahmed et Abdullah bondirent vers la porte. Mais Grosso-modo n'avait nulle intention de les laisser passer et ils furent rapidement réduits à l'impuissance. Mason ramassa le serpent. « Pauvre Belle! fit-il. La voilà morte. Asphyxiée, je suppose. Il est vrai qu'elle n'en avait plus pour longtemps à vivre, de toute façon. Nous ferons cadeau d'un autre serpent à Mme Winifred. Et nous n'aurons pas de difficulté à vérifier ton hypothèse, Jerry. - Si vous ne vous êtes pas trompé, jeune homme, dit Parker d'un ton important, je compte vous donner une part de la récompense que je vais toucher pour avoir retrouvé le diamant. Vous aurez dix pour cent. - Vous moquez-vous de nous? cria Farrell. C'est Jerry qui a résolu l'énigme. S'il y a récompense, elle est pour lui tout entière! » II se tourna vers Jerry et lui tendit sa large main.

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« Ça t'aidera à finir tes études, lui dit-il. En attendant, tu es le bienvenu parmi nous. Tu n'es plus un bleu, mon garçon, mais notre camarade. Désormais, tu fais partie du cirque Clanton ! » II broya la paume de Jerry dans la sienne et Jerry n'aurait pu souhaiter de plus belle récompense. ------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : J'aime bien avoir le dernier mot. C'est pourquoi, avant de ranger le Mystère des cinq larcins au nombre des affaires classées, je vous dirai que Jerry ne s'était pas trompé : l'autopsie révéla que le système digestif de la malheureuse Belle contenait effectivement le diamant disparu. Les serpents, voyez-vous, digèrent très lentement... On apprit qu'Ahmed et Abdullah étaient, en réalité, des voleurs professionnels qui opéraient dans toute l'Europe. Pendant la saison d'été, ils jouaient les acrobates Égyptiens dans des cirques pour se donner une couverture et, en hiver, pratiquaient leur véritable métier. Si vous me demandez pourquoi ils n'ont pas repris le diamant aussitôt après avoir enlevé Belle, je vous répondrai que, de toute évidence, ils ne voulaient pas que l'on pût retrouver Belle avec une incision dans l'estomac, car alors on aurait pu deviner tout le stratagème. Ils étaient obligés de quitter le cirque en emportant Belle et sans avoir éveillé de soupçons. Maintenant, le fameux bruit sourd. Eh bien, Jerry a vu Ahmed et Abdullah échouer deux fois dans leur numéro. Il a pensé tout d'abord que c'était par nervosité, mais à chaque fois, il a eu une impression d'étrange té. Tout à coup, après le deuxième échec, il constate que la perche, en tombant, rend un son sourd au lieu de la vibration métallique normale! Il y avait donc à l'intérieur quelque chose de mou qui étouffait le son et déséquilibrait par la même occasion la perche, si bien qu'Ahmed cl Abdullah ne pouvaient plus faire leur numéro. Le reste, je crois, est évident. Plus de questions? Ah! si. Fortunata, M. Coco et leur prédiction? Jerry n'apprit jamais w la vieille bohémienne en savait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Il pensa que, en réalité, elle avait tout compris, mais que les traditions

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de sa race lui interdisaient de dénoncer qui que ce fût. C'est pourquoi elle avait me d'un procédé détourné pour mettre Jerry sur la bonne piste. Car enfin, lorsque vous pensez à un serpent enroulé dans une malle, une valise ou une grosse caisse, l'idée ne vous vient pas qu'il pourrait aussi bien être allongé et caché dans une tige crème. Maintenant, en voilà assez. Passons, si vous le voulez bien, à l'affaire suivante. -------------------------------------------------------------------------------------

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LE MYSTERE DES SEPT PENDULES ------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : Le saviez-vous? Le temps est élastique. Quelquefois, vous le voyez ramper à la vitesse d'un escargot allant chez son dentiste. Quelquefois, il fonce comme un satellite sur l'orbite. Il lui arrive aussi de marcher à reculons. Ci-dessous, par exemple... Détectives, à vos indices.' Nous allons résoudre ensemble. -------------------------------------------------------------------------------------

LE MYSTERE DES, SEPT PENDULES six heures et demie du soir. M. Peter Perkins, journaliste spécialisé dans les devinettes, cryptogrammes et jeux d'esprit divers de L'Étoile du Dimanche, se rendait chez l'horloger Fritz Sandoz. Fritz, un vieux petit bonhomme d'origine suisse, réparait miraculeusement montres, horloges et pendules. Peter et lui étaient liés d'amitié depuis des années. Le journaliste descendit l'allée qui menait chez l'horloger cl poussa la porte de derrière. Il ne frappa pas, car Fritz était sourd. Muet aussi d'ailleurs, .1 la suite d'un accident qui lui était arrivé dans sa jeunesse. Mais il avait équipé sa porte d'une serrure spéciale. Elle s'ouvrait si vous tourniez la poignée trois fois à droite, quatre fois à gauche et deux fois à droite. Peter connaissait la combinaison. H entra dans une pièce obscure et appela très fort : « Fritz? Fritz?... » IL ÉTAIT

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Une voix rugit, tout près de son oreille : « Je te tiens ! » D'énormes mains agrippèrent M. Perkins et l'entraînèrent dans l'arrière-boutique brillamment éclairée. « J'ai capturé l'assassin, prononça une voix de basse. Il revenait sur les lieux du crime. » Peter Perkins battit des paupières pour accommoder ses yeux. Devant lui se tenait l'inspecteur Grull, de la police locale. Plus loin, deux hommes se penchaient vers un objet étendu sur le sol, au pied d'une grande horloge de campagne qui faisait partie de la collection de Fritz Sandoz. Avec un mouvement d'horreur, Peter Perkins comprit ce que regardaient ces hommes : ce n'était pas un objet mais le corps de son vieil ami, le merveilleux petit réparateur de pendules, Fritz. Le regard de Peter revint se fixer sur la face de bouledogue de l'inspecteur Grull qui le considérait sans aménité. « Lâche-le, Snider, commanda Grull, c'est Peter Perkins, l'homme aux devinettes. Un empoisonneur public, mais pas un assassin. - Mais il est entré par la porte de derrière, protesta le policier qui tenait Perkins. Et vous aviez dit, inspecteur, que je devais capturer le criminel qui reviendrait sûrement sur les lieux du ... - Ça va, dit brutalement Grull. File aider les autres. Quant à vous, Perkins — il fixait sur le journaliste un regard d'acier -pourquoi vous introduisiez-vous subrepticement ici? - Je ne m'introduisais pas subrepticement, répondit le journaliste avec dignité. Je venais voir mon ami Fritz. Nous devions inventer des énigmes ensemble. - Inventer des énigmes? répéta Grull en fronçant les sourcils. - Oui, Fritz était très fort. Il appartenait, comme moi, à la Société nationale des amateurs de devinettes. Très bien, fit Grull. Mais, dans le cas présent, il ne s'agit pas de devinettes. Il s'agit d'un assassinat. Et, cette fois, vous ne viendrez pas mettre votre nez dedans. Compris? »

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Grull faisait allusion à quelques affaires pour lesquelles Perkins lui avait fait des suggestions. Certaines de ces suggestions s'étaient révélées excellentes, ce qui n'avait servi qu'à rendre Grull plus hargneux. « Qui l'a tué? demanda Peter. Qui a tué Fritz? » Il essayait d'empêcher sa voix de trembler mais n'y parvenait pas tout à fait. « Je suis là pour l'apprendre, répliqua Grull. C'est arrivé la nuit passée. Sandoz était ici, en train de remonter ses pendules. Donc il devait être minuit, heure à laquelle il avait l'habitude de le faire. » Peter inclina la tête : c'était exact. « Quelqu'un est entré, grâce à une double clef, je suppose, puisque la porte n'a pas été forcée. Fritz, qui était sourd, n'a rien entendu. L'assassin s'est glissé derrière lui et l'a frappé à la tête. Voilà ce que nous savons. C'est là-dessus que nous allons nous fonder pour capturer l'assassin. - C'est sûrement quelqu'un qui le connaissait, dit Peter. Quelqu'un qui savait que Fritz n'avait pas confiance dans les banques et conservait tout son argent dans le tiroir secret de son bureau. Il n'avait pas d'ennemis : donc il a sûrement été tué pour son argent? — Belle déduction! Nous l'avons faites avant vous, grogna Grull. D'autant plus que les tiroirs du bureau ont été forcés. Mais essayez donc de vous mettre dans la tête que nous n'avons aucun besoin de nous faire aider par des amateurs farfelus dans votre genre! Prenez la porte et... Non. Allez donc plutôt vous asseoir dans le bureau pour le cas où j'aurais des questions à vous poser. Ne touchez à rien. » Des questions, Perkins aurait aimé en poser lui-même. Mais il connaissait le caractère de Grull. Il passa donc en silence dans le petit atelier qui donnait dans l'arrière-boutique. C'était une petite pièce encombrée de pendules. On y voyait .inssi un tabouret, un fauteuil et-le bureau qui servait d'établi, ci dont les tiroirs, comme le disait Grull, avaient été forcés. I ,r magasin lui-même où Fritz vendait ses horloges se trouvait MU le devant de la maison, au bout d'un couloir.

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Peter Perkins déposa son chapeau sur le bureau et s'assit dans le fauteuil en se plaçant de façon à voir ce qui se passait dans l'arrièreboutique : là se trouvait l'étonnante collection de vieilles pendules que Fritz avait patiemment rassemblées. Le premier sentiment de Perkins avait été tout de stupéfaction et de douleur. Le deuxième fut une exigence de justice : le coupable devait expier son crime. Grull ne s'était pas montré amical, mais il était tout de même un policier consciencieux, encore qu'il détestât les amateurs. Si Perkins avait des suggestions sérieuses à faire, Grull l'écouterait. Des indices, il fallait d'abord en chercher dans l'atelier où Perkins se trouvait. L'assassin y avait passé quelques minutes, pour forcer les tiroirs qui contenaient l'argent, cet argent que Peter avait tant de fois supplié Fritz de mettre à la banque. Assis sans bouger, Peter commença à passer la pièce en revue. Il examina les étagères sur lesquelles se trouvaient les pendules déjà réparées. Il détailla le tableau hérissé de petits crochets auxquels pendaient toutes sortes de montres. Il regarda l'établi du pauvre Fritz. Les outils étaient disposés dessus. On y voyait aussi une pendule électrique à laquelle l'horloger avait été en train de travailler. Or, Fritz était un homme très soigneux. Il rangeait toujours son ouvrage quand il l'avait terminé. De toute évidence, il avait été interrompu en plein travail. Le regard de Peter allait se déplacer plus loin, mais la sensation d'une certaine bizarrerie le ramena sur la pendule. Qu'avait-elle de curieux, cette pendule? Rien, et pourtant... Tout à coup Peter comprit. La pendule marchait à l'envers ! Les yeux fixés sur les deux aiguilles qui remontaient le temps dans leur rotation à rebours, Peter Perkins sentit un frisson particulier. C'était... c'était tellement contre nature! Une pendule marchant à l'envers dans le magasin de Fritz Sandoz qui avait mis toute sa fierté à rendre les pendules ponctuelles et fidèles ! Le phénomène était si étrange que Peter Perkins sentit qu'il signifiait nécessairement quelque chose.

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Tout à coup, Peter comprit.

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Oui, mais quoi? -------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : Question judicieuse. Je .peux vous le dire en confidence, cette pendule qui marche à l'envers signifie quelque chose d'important. Peut-être avez-vous déjà déduit tout ce qu'on peut déduire d'une pendule qui marche vers hier et non pas vers demain? Dans le cas contraire, n'oubliez pas d'y réfléchir. -------------------------------------------------------------------------------------Peter Perkins suivit des yeux l'aiguille des minutes. Puis il tira de sa poche un bloc-notes et un crayon. Il griffonna deux petits dessins en donnant un titre à chacun :

Puis il se leva et s'approcha de l'établi. Il se pencha pour examiner la pendule en détail. Elle était très vieille, probablement l'une des premières pendules électriques jamais faites. L’étiquette portait le nom de Mme Murphy, ce qui expliquait pas mal de choses. Mme Murphy était une voisine de Fritz et lui .importait souvent du bouillon chaud ou d'autres mets qu'elle avait préparés elle-même. Pour elle, Fritz pouvait accepter de réparer une pendule électrique : il ne l'aurait fait pour personne d'autre, car il les détestait : il n'aimait que la bonne vieille mécanique pleine de ressorts et d'engrenages. Un tournevis avait été posé à côté de la pendule. On aurait
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