A. Moret Une nouvelle disposition testamentaire de l'ancien Empire egyptien

January 3, 2018 | Author: fcrevatin | Category: Ancient Egypt, Death, Religion And Belief
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edition, translation and commentary of an historical text of the Old Kingdom...

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Alexandre Moret

Une nouvelle disposition testamentaire de l'ancien Empire égyptien In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 58e année, N. 6, 1914. pp. 538546.

Citer ce document / Cite this document : Moret Alexandre. Une nouvelle disposition testamentaire de l'ancien Empire égyptien. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 58e année, N. 6, 1914. pp. 538-546. doi : 10.3406/crai.1914.73457 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1914_num_58_6_73457

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« M. Antoine Thomas signale et analyse un poème d'Alain Ghartier récemment découvert à Berlin et publié par M. Siegfrid Lemm. C'est un débat entre un vieux héraut, un jeune noble et un paysan ou villain, dans lequel le poète peint avec vigueur les sentiments divers qu'inspire à ces trois personnages la lutte séculaire contre les Anglais, et glorifie la bravoure et le culte de l'honneur, qui seuls peuvent conduire à la victoire. Le patrio tisme d'Alain Ghartier a. été souvent remarqué et loué. L'œuvre qui vient de voir le jour révèle en outre chez le poète un sens de la réalité et une puissance créatrice qu'on n'observe pas au même degré dans ce qu'on connaissait de lui jusqu'ici et qui ne peuvent que rehausser sa gloire. » M. A. Moret, conservateur du Musée Guimet, communique une étude sur une inscription égyptienne inédite de la IVe dynast ie, actuellement au Musée du Caire. C'est une disposition te stamentaire d'un nommé Tentj en faveur de sa femme et de son frère, à qui il lègue la jouissance de rentes alimentaires sur le palais du roi, et la propriété de deux pièces de terrain, à condi tiond'entretenir son propre culte funéraire et celui de sa mère. Le document, dans un état de conservation excellent, offre un grand intérêt pour l'étude de l'organisation du culte funéraire et du régime de la propriété sous l'ancien Empire égyptien.

COMMUNICATION

UNE NOUVELLE DISPOSITION TESTAMENTAIRE DE L'ANCIEN EMPIRE ÉGYPTIEN, PAR M. A. MORET. Le texte inédit qui suit est gravé sur un linteau de porte d'un tombeau [mastaba), provenant de la nécropole de Gizeh, et actuellement au Musée du Caire [Cat., n° 57.139 ; inv., n° 36.589). L'inscription, écrite de droite à gauche, comporte une ligne horizontale, en grands caractères, et 69 lignes verticales, en caractères plus petits. Le tout, so igneusement gravé, est intact à quelques mots près.

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La ligne horizontale donne ce proscynème : Le roi et Anubis, résidant dans le temple, donnent l'offrande — pour qu'il (le défunt) soit enseveli dans la nécropole comme neb Çi)mhou l, et (après) une belle vieil lesse, vis-à-vis du dieu grand ; le grand (chef) d'atelier, grand des Dix du Sud, directeur des messages, chef de deux terrains se2, connu du Roi*, Tentj3. » 1. Neb imhw qualifie une classe d'individus qui sont à la fois des initiés au sens religieux, et des recommandés au sens social. Comme tels, ils touchent des rations alimentaires sur la cuisine royale, soit en cette vie, soit pour le culte funéraire (cf. A. Moret, La condition des féaux, ap. Recueil de travaux, t. XIX, p. 113 sq.). De ces rations alimentaires, il sera question dans le texte suivant. 2. Le titre « chef de deux terrains se » est assez rare et particulier aux III6 et IVe dynasties. Les variantes données ap. : Mariette, Mastabas, B. 1 (Tentj) Y ^ E3; Lepsius, Denkm., II, 72 b



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fait sortir l'offrande là pour moi et pour ma connue du roi Bebi. Car, moi, je suis seul son comme imhw vis à vis du roii, moi, je suis aîné, son seul héritier 2/ moi, je Vai ensevelie"* nécropole. L. 35-38. Hen-ka k Neferher Hen-ka loufi Hen-ka Senb Champs grains Champs grains Champs grains 3 sacs 5 3 sacs 3 sacs

mère, la héritier, son fils dans la

Hen-ka Persen Champs grains 3 sacs

1. Écrit par principe d'honneur avec n hr nswt avant rimhw ; sur cette formule redoublée, cf. Béni Hasan, I, 25, M

*2? I

A$

O

1

Moret, La condition des féaux..., ap. Recueil, XIX, p. 118). 2. Cf. Sethe, Urkunden A. R., I, p. 31. « c'est l'héritier total de tout bien ». 3. Cf. Scthe, Urk. A. JR., I, p. 116 (VI* dyn.), f\ « j'ai enseveli mon père ».

a

4. Le hen-ka | (J j est le prêtre professionnel du culte funéraire, litt. « l'esclave du fta » ; comme on le verra plus loin (1. 46), il officie dans le hat-ka, « édifice du ka », le tombeau ou la chapelle funéraire. Quand le culte funéraire n'est pas célébré par la femme ou les enfants du mort (qui s'appellent alors hen-ka), on s'adressait à des professionnels avec qui con trat était passé (cf. A. Moret, Donations et fondations, p. 75 sq, IVe dyn.; G. Maspero, Études de mythologie, I, p. 63 sq. contrats de Siout, XIIe dyn.) ; moyennant la jouissance de champs et récoltes, le hen-ka assure le culte. 5. Le signe employé ici ne me paraît pas être la forme hiératique du signe CH qui désigne l'aroure, mesure de superficie, bien qu'il se rap proche singulièrement de cette forme (Griffith, ap. Procedings Society of o Biblical Archeeology, 1892, p. 411). La présence des trois grains ^s=«« —a nous force à admettre que ^s=5a est une graphie pour ,■'" ; elle est déril I I vée elle-même du hiératique (voir Môller, Palâographie, I, n"695). Griffith o établit que le boisseau surmonté des trois grains ^ désigne une ancienne mesure, le sac de grains qui fait sortir V offrande là pour ma mère Bebi et pour moi-même, à jamais.

En résumé, le texte nous apprend ceci : Bebi, mère de Tentj, possédait : 1° une rente sur la mai son du roi (grains et vêtements) ; 2° des champs d'offrandes d'une valeur de deux pièces de terre se.

.

1. Pour le sens de phr — LL,. cf. Siout, I, 289 et 301. vk ë=> XD < > _cr^ /www /VWWV AAAAAA n I 1 Mil . . :1e. , [J. ». Voie. ] jours de temple (les rations journalières) passent à toute la congrégation du temple. » n 2. Le grenier et le 0 per hed d'où proviennent les offrandes de Bebi, sont ceux de l'administration royale. On trouvera des indications détail léessur les magasins royaux d'où sortent vivres et vêtements, ap. De Rougé, Tnscr. hier., p. 3, et Sethe, Urk. A. R.,l, 146. 3. Nom donné à celui des frères qui assure le culte perpétuel, de famille. 4. Après

p|| le pronom de lai" personne est d'ordinaire sous-entendu

(Erman, Gram.3, § 154). Cf. Sethe, Urk. A. R., I, 26 : 5. Ici le pronom.absolu 3e pers. masc.

|

V^ remplace le pronom fémi-

in II q de la formule parallèle au 1" article.

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L La rente sur le palais du roi avait été léguée à Tentj par sa mère, à charge de desservir le culte de celle-ci ; Tentj avait pu toucher cette rente, parce qu'il était Imhw vis-à-vis du roi. Dans l'acte publié ici, Tentj dispose de cette rente et en fait deux parts : 1° L'une pour sa femme Tepemnefert. Celle-ci pourra la toucher au palais, car elle est elle-même imhwt vis-à-vis du roi ; la rente servira à assurer le culte funéraire de Tentj et de Bebi. 2° L'autre pour son frère le hen-ka Kemnefert ; celui-ci en disposera aussi pour le compte de Tentj et de Bebi. IL Les champs d'offrandes ont été aussi légués à Tentj par sa mère. Il les a divisés aussi en deux parts. 1° L'une est donnée à sa femme Tepemnefert; celle-ci doit consacrer une part du revenu de ces champs au culte de Tentj et de Bebi, mais elle ne célébrera pas personnel lement ce culte 1 ; Tentj charge de ce soin 4 henou-ka, qui reçoivent la jouissance d'une partie (indéterminée) des ter rains, et 3 sacs de grains, avec la petite fumigation et ses accessoires. Le reste des produits passera à la maison per sonnelle de Tepemnefert. 2° L'autre moitié des champs de Bebi est donnée par Tentj à son frère le hen-ka Kemnefert. Celui-ci, étant un professionnel du culte funéraire, est chargé personnelle ment de ce culte en faveur de Bebi et de Tentj, et il ne par tage avec personne la jouissance des champs. Si l'on compare le document ici publié avec les textes de l'ancien empire de même nature déjà connus, en particulier l'inscription d'un anonyme de la IVe dynastie (Caire 1432; A. Moret, Donations et Fondations, p. 19 sq.), l'inscription de Nekânh (Maspero, Annales du Service, III, p. 122 sq.; Sethe, Urk. A. R., I, p. 24 sq.) et l'inscription de Senouânh (Sethe, Urk. A. R., I, p. 36 sq. ; A. Moret, Donations et Fondations, p. 35 sq.), on notera ce point particulier : 1. Il faut noter ici cette préoccupation d'écarter la femme du culte funéraire, sauf pour l'offrande; cela n'est pas fréquent en Egypte.

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dans les autres actes, la fondation funéraire est faite au profit soit des enfants du testateur (Nekânh) qui deviennent henou-ka, soit au profit de henou-ka professionnels (les deux autres textes). Ici, nous constatons un système mixte : le culte funéraire de Bebi et de Tentj sont confiés pour une partie à la femme Tepemnefert et surtout au frère Kemnefert, pour une autre partie à des henou-ka professionnels. Le partage des revenus, qui est une conséquence de la combi naison adoptée, est aussi une nouveauté de notre texte. Notre texte fait ressortir aussi le rôle privilégié attribué dans la famille au fils aîné. C'est en sa qualité de fils aîné, de Bebi que Tentj a été le seul héritier de celle-ci et qu'il dispose à son tour de ses biens en faveur de Tepemnefert et de Kemnefert. L'inscription de Mes (XIXe dynastie) nous avait appris que ce rôle de xdptoç joué par le fils aîné dans la famille, à l'époque grecque était déjà en pratique au temps des Ramessides ; nous voyons ici que ces usages remontent au temps de l'ancien Empire. Enfin notre texte apporte quelque lumière sur les con ditions de la propriété sous l'ancien Empire. Tout ce que possède Tentj, rente alimentaire et terrain se, provient des libéralités royales. Le roi était déjà devenu le propriétaire de toutes les terres de l'Egypte ; mais il donnait souvent des terres et leurs revenus à des privilégiés. Bebi et Tentj étaient de ces possesseurs à titre précaire des terres royales : nous voyons qu'ils pouvaient disposer par test ament de ces terres et de ces rentes ; ce qui confirme les renseignements que nous avaient donné à ce sujet d'autres textes sensiblement de même époque, les inscriptions de Mten, où l'on voit Mten acheter des terres royales et une rente alimentaire sur un temple. A tous ces points de vue, l'inscription nouvelle confirme ou complète ce que nous savions déjà du régime de la famille et de la propriété sous l'ancien empire égyptien.

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